M. Bruno Sido, rapporteur. Bravo !

M. le président. Mon cher collègue, nous étions hier à Gujan-Mestras, avec les maires des communes sinistrées, pour marquer la solidarité du Sénat.

(M. Bernard Frimat remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, aujourd’hui s’ouvre dans notre assemblée le débat tant attendu sur le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui a été adopté en conseil des ministres le 11 juin 2008.

Nous regrettons que l’urgence ait été déclarée récemment pour ce texte, privant les parlementaires d’une seconde lecture, pourtant promise aux députés après qu’ils eurent consenti à l’accélération de leurs débats. (M. le ministre d’État fait un geste de dénégation.) Me serais-je trompée ? J’en suis ravie !

Nous saluons la qualité des travaux qui ont réuni pendant de longs mois des représentants des collectivités territoriales, des organisations non gouvernementales, des professionnels, des syndicats, de l’État et, peut-être dans une moindre mesure, du Parlement.

Nous nous félicitons, à ce titre, de l’initiative du président de la commission des affaires économiques, qui, avec l’accord de M. le rapporteur, a constitué un groupe sénatorial de suivi du Grenelle de l’environnement, dont les nombreuses auditions ont débuté dès l’automne 2007. Les échanges au sein des différents groupes de travail ont permis d’éclairer utilement le Parlement sur des dossiers aussi divers et techniques que le réchauffement climatique, la biodiversité, les déchets, ainsi que sur les enjeux en termes de santé publique. Ces débats furent source de renseignements précieux.

Cette démarche est d’autant plus louable qu’elle illustre une nouvelle forme de gouvernance à laquelle nous souscrivons : établissant un lien direct avec la société civile, elle renforce la prise de conscience de nos concitoyens.

Monsieur le ministre d’État, devant nos collègues députés vous avez affirmé « qu’il était plus facile d’être dans le déni ou dans le mépris de l’autre, de lancer des anathèmes plutôt que d’élaborer avec tous les acteurs de la société un diagnostic réel, sincère et sans concession ». Je vous rassure, nous partageons le diagnostic grave établi par les scientifiques, nous sommes conscients, comme la majorité de nos concitoyens, de l’urgence qu’il y a d’agir, et nous sommes déterminés à mener la lutte jusqu’au bout.

Cependant, si le constat est partagé, il est de notre responsabilité politique d’affirmer, dès la discussion générale, que la protection de l’environnement et la mise en œuvre des droits qui y sont attachés, ainsi que de ceux qu’il nous reste à consacrer, nécessitent des politiques publiques fortes au service de l’homme et de l’intérêt général : autrement dit, les préoccupations environnementales et sociales sont intimement liées.

Le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dit « Grenelle I », décline de bonnes intentions, parfois des objectifs plus précis, en répondant inégalement, selon les domaines, aux attentes qu’il a suscitées. Nous pouvons, d’ores et déjà, même si c’est de façon incomplète, avoir une idée de la manière dont le Gouvernement souhaite les mettre en œuvre.

Tout d’abord, le projet de loi portant engagement national pour le l’environnement, dit « Grenelle II », a été déposé sur le bureau du Sénat le 12 janvier. C’est un texte très technique et, en même temps, très politique, dont l’étude demande un travail approfondi. Ce texte n’a pas encore été examiné précisément, il est donc difficile de préjuger du résultat final. Cependant, en l’état actuel, des mesures structurantes font défaut en termes de fiscalité, ainsi que dans les domaines de la santé, de la protection des lanceurs d’alerte ou de la responsabilité sociale et environnementale.

Ensuite, les mesures en faveur de l’environnement contenues dans les lois de finances ne sont pas plus satisfaisantes. Rappelons que les quatre cinquièmes du financement de la réforme échappent à l’autorisation budgétaire annuelle. Le plan triennal de financement du Grenelle révèle en effet que, sur 7,3 milliards d’euros qui seront consacrés à la mise en œuvre des orientations de celui-ci, seulement 17 % de cette somme prendra la forme de crédits budgétaires, tandis que 38 % consistera en allégements fiscaux nouveaux et 45 % en ressources affectées aux opérateurs ou en contributions de la Caisse des dépôts et consignations.

Nous avons eu l’occasion de donner notre sentiment sur ce que vous appelez, monsieur le rapporteur, le « verdissement » des mesures fiscales, qu’il s’agisse du prêt acquisition à taux zéro, du crédit d’impôt prévu dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, de l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de l’éco-prêt rénovation à taux zéro et du crédit d’impôt développement durable.

Le prêt à taux zéro ne doit pas être considéré comme la réponse miracle au désengagement financier de l’État : il s’agit, d’abord et avant tout, d’un cadeau aux établissements bancaires. On pourrait d’ailleurs disserter longuement sur les pratiques discriminatoires de certains établissements dans l’attribution des prêts ! L’efficacité de telles mesures est discutable, là où un engagement financier fort de l’État serait nécessaire.

Que penser des objectifs ambitieux affichés en matière de maintien de la biodiversité lorsque le programme « Urbanisme, paysage, eau et biodiversité » est amputé d’une partie des crédits prévus pour la mission « Écologie, développement et aménagement durables » ? Quelle portée accorder à vos bonnes intentions, quand l’Office national des forêts, dont on connaît le rôle dans la préservation de la biodiversité, voit ses crédits diminuer chaque année ? Depuis vingt-trois ans, cet établissement public a perdu près de 37 % de ses effectifs !

D’autres coupes budgétaires pourraient être dénoncées, et nous ne manquerons pas de le faire au cours des débats. Ainsi, le sort réservé aux budgets de la recherche et de l’éducation a provoqué, encore ces dernières semaines, la colère des enseignants, des lycéens et des chercheurs. Pourtant, plusieurs articles de ce projet de loi présentent la recherche et l’enseignement comme les moteurs du développement durable !

Enfin, vous comptez beaucoup sur l’engagement des collectivités locales. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas attendu pour prendre en compte les impératifs de protection de l’environnement. Cependant, l’État ne peut pas se désengager financièrement à leur détriment, sauf à mettre en péril le grand chantier que nous souhaitons tous lancer. À ce titre, la révision générale des politiques publiques prive nos territoires de personnels et de compétences qui étaient utiles aux collectivités territoriales.

Vous comprendrez donc que l’appréciation que nous portons sur le projet de loi ressorte quelque peu ternie de l’examen des financements réellement engagés.

Sur le fond, le projet de loi « Grenelle I » présente certaines avancées, tandis qu’il marque au contraire un recul sur d’autres points au regard des exigences formulées au sein des groupes de travail. De plus, les avancées doivent souvent être relativisées, compte tenu des récentes décisions prises dans le cadre des politiques gouvernementales.

En ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique, nous sommes d’accord avec les objectifs affichés et les efforts consentis sur le plan européen, en dépit d’un contexte politique difficile. Diviser par quatre nos émissions de CO2 entre 1990 et 2050, réduire de 20 % les émissions de CO2 dans le secteur des transports à l’horizon 2020, porter à 23 % la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique en 2020 : cela constitue une feuille de route cohérente, même si l’urgence nous aurait poussés à demander plus. Cependant, il ne convient pas de fixer des objectifs inatteignables !

En tout état de cause, la mise en place du système d’échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre sur un marché évidemment « libre et non faussé » ne sert pas l’objectif de réduction des émissions de tels gaz ! Rappelons que le bilan des mécanismes d’échanges n’a pas été dressé. Cette spéculation sur la tonne de dioxyde de carbone au service de l’environnement me semble être une fausse bonne idée !

En ce qui concerne le secteur des transports, vos politiques en faveur de l’ouverture à la concurrence du transport des marchandises et, bientôt, du transport des voyageurs entraînent l’abandon des lignes de proximité les moins rentables, laissant aux collectivités locales la responsabilité d’assurer la desserte de leurs territoires !

Prenons l’exemple de la SNCF : cette entreprise, qui était complètement intégrée, est en train d’être découpée et segmentée, afin d’éliminer les activités non rentables et de confier les plus lucratives au secteur privé. C’est là une pratique habituelle ! Est-ce promouvoir un développement véritablement durable ? Cette politique remet dangereusement en cause les objectifs affichés en termes de report modal. Quant aux futures « autoroutes ferroviaires », elles ne suffiront pas à assurer une véritable relance du fret ferroviaire.

Enfin, en ce qui concerne le bâtiment, la précarité énergétique, tant dans le logement social que dans le secteur privé, n’est pas prise en compte dans le texte. De nombreuses personnes n’ont pas les moyens de financer les travaux visant à réaliser des économies d’énergie. Je pense, notamment, aux propriétaires disposant de ressources modestes qui ont économisé toute leur vie pour acquérir une petite maison : ils auront énormément de mal à faire face à ces dépenses.

En ce qui concerne les mesures relatives à la biodiversité, nous soutenons la mise en place d’une « trame verte », pour rétablir les continuités écologiques, et celle d’une « trame bleue », qui constitue son équivalent pour les milieux aquatiques. Nous reviendrons sur ces sujets lorsque nous aborderons les articles concernant la politique de l’eau.

Dans le secteur agricole, l’objectif est de réduire l’usage des produits phytosanitaires et de porter à 6 % en 2013, puis à 20 % en 2020, la part de la SAU consacrée à l’agriculture biologique, contre 2 % actuellement. Ce sont de bonnes mesures, mais quelle crédibilité accorder sur ce point au Gouvernement ? Comment oublier les débats sur les organismes génétiquement modifiés ou la philosophie qui guide, depuis la loi d’orientation agricole jusqu’à la réforme de la politique agricole commune, vos choix en faveur d’une agriculture intensive ? Là encore, ce projet de loi met en avant l’agriculture biologique, sans prévoir de soutien réel à ce mode de production.

S’agissant des agrocarburants, nous nous réjouissons que le projet de loi vise ceux de deuxième et troisième générations. En effet, la question du coût environnemental des agrocarburants ne doit pas être ignorée. Nous savons qu’ils présentent de sérieux inconvénients en termes d’érosion des sols et d’atteinte à la biodiversité. De plus, ces cultures ont commencé à se développer au détriment des productions destinées à l’alimentation des populations, ce que nous ne pouvons accepter !

Les chapitres consacrés à la prévention des risques pour l’environnement et la santé et à la prévention de la production de déchets mériteraient une loi de programmation détaillée.

On sait que les avancées en la matière s’obtiennent au prix de luttes difficiles. Je pense ici au règlement sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques, dit REACH, qui, sous la pression de lobbies puissants, est malheureusement resté en deçà des objectifs de départ. L’engagement d’instaurer une responsabilité élargie des producteurs de déchets est un premier pas. Cependant, la réflexion n’a pas été poussée assez loin pour que la production de déchets soit réduite à la source. Nous aurons également l’occasion d’en reparler.

Nous défendrons l’instauration d’un moratoire sur la construction d’incinérateurs. On connaît les conséquences du fonctionnement de telles installations sur la santé des populations, ce qui nous rend responsables, dès aujourd’hui, de l’adoption des mesures nécessaires pour préserver la santé de nos concitoyens.

Enfin, nous porterons une attention particulière, comme nous l’avions fait lors de l’élaboration de la loi relative à la responsabilité environnementale, à la responsabilité sociale des entreprises, notamment celle des sociétés mères.

Promouvoir un développement durable suppose une refonte radicale de nos modes de production et de consommation, mais également une lutte contre les inégalités entre les peuples et les individus. C’est pourquoi les sénateurs du groupe CRC-SPG soutiendront des mesures visant non seulement à améliorer la protection de l’environnement, mais également à promouvoir les intérêts sociaux.

Tant que le Gouvernement continuera de croire que l’économie libérale et la croissance verte peuvent tout résoudre, toutes les bonnes intentions sous-tendant le Grenelle de l’environnement resteront lettre morte ! Notre collègue Daniel Raoul a dit qu’il faudrait choisir entre la RGPP et le Grenelle ; je pense, quant à moi, qu’il faudra un jour choisir entre l’économie libérale et le développement durable ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, avec l’examen de ce projet de loi, nous sommes en train de gagner un pari qui ne l’était pas d’avance.

Après avoir relevé le défi du Grenelle de l’environnement, formidable et inédit processus de consultation et de dialogue démocratiques, qui ne fut pas simplement un événement médiatique, le Gouvernement en a concrétisé les engagements et les objectifs dans le présent projet de loi de programme, ainsi que dans le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, que nous discuterons dans quelques semaines.

À ce propos, monsieur le ministre, le groupe UMP apprécierait que ce dernier texte soit d’abord inscrit à l’ordre du jour du Sénat, eu égard au rôle central assigné aux collectivités locales dans la mise en œuvre de la plupart de ses dispositions.

Je ne vais pas revenir sur les principales mesures du présent texte ; elles ont été parfaitement détaillées par notre collègue Bruno Sido, dont je tiens tout particulièrement à saluer l’excellent travail.

Dans son ensemble, le groupe UMP adhère aux objectifs affichés par le projet de loi, notamment celui des « 3 fois 20 » issu du paquet « climat-énergie » élaboré à l’échelon européen : réduction de 20 % des consommations d’énergie, diminution de 20 % des émissions de gaz à effet de serre et passage à 20 % de la part des énergies renouvelables dans notre consommation d’énergie en 2020.

Nous sommes tous d’accord pour reconnaître et saluer l’occasion historique que constitue ce texte : celle de passer d’un modèle économique à un autre, à savoir l’économie de marché sobre en carbone.

Il s’agit plus d’une mutation que d’une révolution ou d’une simple réforme, car nous devons conserver les fondamentaux de la société actuelle et tenir compte des réalités économiques et sociales. La crise économique et financière que connaît le monde aujourd’hui me semble être le contexte idéal pour effectuer ce passage vers un nouveau modèle de développement.

Nous avons le devoir de trouver de nouveaux gisements de croissance et d’emploi pour assurer un niveau de vie décent à nos concitoyens, et ce que l’on appelle la croissance verte, qui est non pas une décroissance ou un retour en arrière, mais bien une projection dans l’avenir, constitue ce gisement à découvrir et à valoriser.

Monsieur le ministre, je voudrais insister sur un point.

Sans minimiser l’importance de cette mutation, je suis persuadé qu’il ne faut pas que nous nous éloignions du monde économique et de ses réalités, au risque de créer une véritable fracture économique entre nos entreprises et celles de nos voisins ou des pays émergents qui ne respectent pas les mêmes normes.

Cela impose une autre exigence : nous ne devons pas nous éloigner des normes européennes qui existent déjà en ces matières. Tout risque de distorsion de concurrence est à éviter, même si la marche vers certains objectifs très ambitieux s’en trouve rallongée. Nous ne changerons pas notre modèle économique de façon isolée et nous n’imposerons pas au monde entier des normes qu’il ne peut pas, pour des raisons économiques ou culturelles, aujourd'hui accepter.

Il faut donc inscrire notre démarche dans une méthode pragmatique, ce qui n’exclut nullement l’ambition. En clair, il est parfait d’ouvrir la voie vers de nouvelles solutions, mais nous ne devons pas être naïfs en oubliant, par exemple, que, dans les négociations actuelles au sein de l’OMC, la contrainte environnementale n’est toujours pas intégrée. Elle ne le sera qu’au cours du prochain cycle, après celui de Doha.

Ne fragilisons donc pas un peu plus encore notre modèle de développement en faisant abstraction du monde qui nous entoure. Jouer les chevaliers blancs est séduisant, mais peut se révéler dangereux pour nos entreprises, à qui seraient imposées des obligations certes vertueuses, mais porteuses de risques.

En revanche, sous les réserves que je viens d’exprimer, démontrer que cette économie de marché sobre en carbone, cette fameuse croissance verte, peut exister et qu’il suffit de l’inventer est une grande ambition, une ambition européenne, et non pas seulement française. Soyons-en persuadés, tous nos choix futurs, notamment en matière d’énergie, d’investissement, de recherche, de transports, d’équipements ou de nouvelles technologies, doivent s’inscrire dans le cadre européen.

N’oublions pas que le mouvement de prise de conscience de la contrainte environnementale et de ses enjeux économiques est lent, car il est mondial. Il a fallu attendre près de vingt-cinq ans pour qu’un pays, le nôtre, l’inscrive dans la loi et dans un cadre d’action politique.

Le processus du Grenelle se situe dans ce mouvement. Le contexte de son aboutissement a été marqué par les travaux de l’économiste britannique Nicholas Stern et les prévisions du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, sur le changement climatique.

Je veux également évoquer notre action au cours de la présidence française de l’Union européenne, pour laquelle nous avions choisi comme priorité, malgré le contexte difficile, l’adoption du paquet « énergie-climat ». Un accord historique a été conclu le 12 décembre dernier, qui répond à l’objectif des « 3 fois 20 en 2020 » contenu dans les conclusions du Grenelle.

Par ailleurs, lors de la conférence de Poznan de décembre dernier, une étape cruciale a été franchie avec l’adoption d’une feuille de route pour 2009, jusqu’à la conférence de Copenhague, qui devra mettre en place une gouvernance mondiale en matière de climat.

En conclusion, si l’économie de marché reste au cœur de notre société, il faut considérer qu’il y a un « dû à l’homme et à sa dignité ». C’est aussi et surtout dans cette perspective qu’il faut appréhender le dossier du dérèglement climatique et diminuer l’empreinte écologique de l’homme sur cette planète, non par la décroissance, mais par la recherche sans cesse renouvelée de sauts technologiques.

Je voterai ce texte et suis persuadé que le groupe UMP en fera autant à une très forte majorité, sinon à l’unanimité. Avec l’amitié, la fidélité et le respect que je leur porte, c’est le conseil que je donnerai à mes collègues. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la gravité de la crise écologique qui touche notre planète n’est plus à démontrer. Les tempêtes du week-end dernier qui ont frappé le Tarn-et-Garonne et de nombreux autres départements du sud-ouest de la France…

M. Jean-Michel Baylet. … sont une illustration malheureuse de dérèglements climatiques de plus en plus fréquents dans le monde.

Toutes les forces vives de la société, que ce soient les pouvoirs publics, les chercheurs, les associations ou les entreprises, partagent un même diagnostic : notre monde entre dans une ère nouvelle, marquée par un climat instable, une raréfaction des ressources naturelles et une biodiversité en danger.

Au-delà de ces menaces, qui sont les plus évidentes, pourraient même survenir des « conflits verts » qui s’ajouteraient aux guerres traditionnelles provoquées par des causes sociales, ethniques, économiques et politiques. L’arme alimentaire, d’ailleurs déjà utilisée dans certaines régions du monde, pourrait devenir l’un des principaux facteurs de déséquilibre géopolitique.

Depuis longtemps, les radicaux sont sensibles aux questions environnementales. Notre ami Michel Crépeau avait très tôt placé l’écologie au cœur de l’action politique. C’est donc très naturellement que les radicaux ont adhéré au constat établi par le GIEC sur le lien entre émissions de gaz à effet de serre et réchauffement climatique.

Oui, mes chers collègues, les hommes portent la responsabilité des maux qui affectent la planète. Nos industries, nos modes de vie, l’ensemble des activités humaines produisent des émissions de gaz qui compromettent jusqu’à la survie de l’espèce humaine. À cet égard, des chiffres alarmants circulent, dont nous avons tous connaissance : en particulier, il nous resterait seulement sept ans pour inverser la courbe d’évolution des températures…

Il aura fallu du temps pour qu’émerge une prise de conscience collective ! Aujourd’hui, c’est une véritable course contre la montre qui est engagée. Dans cette lutte, il faut bien reconnaître que la France ne ménage pas ses efforts. Alors que nos émissions de gaz par habitant sont inférieures de 25 % à la moyenne européenne, l’adoption du paquet « énergie-climat », arrachée par la présidence française de l’Union européenne en décembre dernier, et la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement qui nous occupe aujourd’hui en témoignent.

Certes, on peut penser que les 265 engagements du Grenelle de l’environnement ne sont pas suffisants ou que certains d’entre eux ne sont pas assez contraignants. Cependant, il est urgent d’agir. Pour les radicaux, la volonté politique ne doit jamais se résigner au pire et chaque initiative porteuse d’espoir mérite d’être saluée.

C’est dans cet esprit, monsieur le ministre, que nous avions approuvé certaines dispositions fiscales « vertes » adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009.

Nous attendons du présent projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement qu’il présente de nouvelles règles et une législation adaptée à l’objectif d’une croissance durable dans les entreprises, dans les territoires, à chaque instant de la vie quotidienne. Il n’est pas trop tard pour concilier l’exigence d’efficacité économique avec celle de respect de l’environnement.

Parmi les points forts du texte, je relève l’ambitieuse nouvelle politique de l’habitat en matière d’économies d’énergie et de performance énergétique des techniques et des matériaux de construction. Les radicaux espèrent seulement que le rythme de progression sera maintenu. Surtout, nous veillerons à ce que les dispositions concernées n’engendrent pas une fracture sociale supplémentaire en matière d’habitat.

S’agissant des transports, qui représentent 26 % des émissions de gaz à effet de serre, tout le monde s’accorde sur la nécessité d’intervenir.

Les radicaux, comme je l’ai déjà souligné, ont pratiqué l’écologie urbaine dès les années quatre-vingt. Aujourd’hui, l’explosion des trafics routier et aérien complique la donne. C’est pourquoi la mise en place d’un schéma national des nouvelles infrastructures de transport reçoit notre soutien.

Cependant, monsieur le ministre, il ne faudra pas, une fois de plus, trop demander aux collectivités territoriales, qui n’ont pas les moyens d’assumer seules le développement des transports collectifs, trop délaissés par l’État. Les besoins dans ce domaine sont évalués à 10 milliards d’euros, et vous ne garantissez pourtant que 2,5 milliards d’euros.

M. Jean-Pierre Plancade. Ce n’est pas assez !

M. Jean-Michel Baylet. Nous touchons là à l’une des limites de ce texte. Dans le contexte de la crise économique actuelle, comment, monsieur le ministre, allez-vous financer toutes ces mesures ?

Il est certain que la prise en compte de la préoccupation environnementale va amener la création de nombreux emplois, mais, en attendant que la croissance verte produise ses effets, il n’est pas possible d’accroître la pression fiscale sur nos concitoyens, qu’ils soient particuliers, agriculteurs ou entrepreneurs. La fiscalité écologique doit être incitative, et non punitive.

À quelques semaines de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, qui concrétisera véritablement les engagements du Grenelle, les radicaux attendent des réponses sur le volet financier.

M. Jean-Michel Baylet. En tout cas, mes chers collègues, nous sommes nombreux ici à militer depuis longtemps pour la prise en compte des questions environnementales dans les politiques publiques, notamment en matière d’aménagement du territoire. C’est pourquoi nous ne pouvons que souhaiter la réussite de ce pari écologique.

Dans cet esprit, nous prendrons part au débat afin que les idées les plus novatrices et les plus décisives soient mises en œuvre. L’humanité doit relever le plus grand défi qu’elle ait eu à affronter. À cette échelle, tout effort peut paraître modeste, mais c’est l’addition des volontés nationales qui garantira au monde sa survie ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, dès 1977, André Gorz parlait du « bon sens de constater que, même stabilisée, la consommation de ressources limitées finira inévitablement par les épuiser complètement, et que la question n’est donc point de ne pas consommer de plus en plus, mais de consommer de moins en moins : il n’y pas d’autre moyen de ménager les stocks naturels pour les générations futures ».

De 1977 à 2009, il nous aura fallu vingt-deux ans pour accéder au « bon sens », en ordre dispersé, pour ne pas dire dans le désordre, et avec plus ou moins de conviction, il faut bien le reconnaître.

André Gorz ajoutait : « C’est cela le réalisme écologique. » J’estime, pour ma part, que c’est sans doute là ce qui nous manque encore : le réalisme écologique, trop souvent concurrencé par un autre réalisme, moins efficace, le réalisme politique. C’est à ce dernier que nous devons peut-être la trop grande distance entre le consensus des comités opérationnels du Grenelle et la traduction législative qui nous est proposée. Je déplore cette situation. « Notre maison brûle » toujours, et nous ne regardons que du coin de l’œil l’incendie se répandre.

Vous me direz, monsieur le ministre d’État, que nous ne restons plus sans rien faire, comme le prouvent le processus du Grenelle, ses heures de concertation et de débat, ses kilomètres de papier noircis de propositions et de contributions.

Pourtant, si l’effet d’affichage et le volontarisme sont incontestables, les actes posés nous laissent à ce stade, mes collègues et moi-même, sur notre faim. De même qu’il ne suffit pas d’établir un diagnostic pour soigner, il ne suffit pas de prescrire des médicaments – comprenez : fixer des objectifs et des principes – pour guérir, c’est-à-dire modifier la donne.

Je prendrai deux exemples : le logement et l’urbanisme. Ces deux problématiques sont au cœur du quotidien des Français, en même temps qu’au centre de la lutte contre le changement climatique. Hélas, toutes deux sont insuffisamment traitées dans le projet de loi qui nous est soumis.

S’agissant tout d’abord du logement, j’observerai que le bâtiment est le secteur le plus consommateur d’énergie en France : il absorbe 42,5 % de l’énergie finale totale – excusez du peu ! – et il est responsable, à lui seul, de 23 % des émissions nationales de gaz à effet de serre.

Au sein de ce secteur, le tertiaire est une piste de travail importante, en raison des surfaces qu’il représente : 850 millions de mètres carrés, dont la moitié relève du secteur public. La mise à niveau de ce parc et, pour les constructions neuves, la fixation d’exigences élevées sont donc indispensables.

Quelques grandes entreprises et certains promoteurs l’ont bien compris : ils testent de nouvelles méthodes de construction, par exemple à l’occasion de la réalisation d’un nouveau siège social ou de quelques rares « opérations blanches ». Leurs efforts se concentrent toutefois sur la production neuve, et non sur la réhabilitation, qu’il faudra encourager, de même qu’il faudra soutenir les efforts des PME, dont le patrimoine immobilier est souvent vieillissant.

Des collectivités territoriales travaillent également sur la question. Un bilan « carbone » adapté à leurs problématiques a en effet été expérimenté par l’ADEME au cours des deux dernières années. Nombre d’entre elles ont d’ailleurs anticipé, dans leurs règlements d’urbanisme et dans leurs modes de gestion internes, la RT 2010, voire, sous certaines conditions, la RT 2015.

On voit également fleurir des panneaux photovoltaïques sur les toits d’écoles, de bâtiments communaux, de logements sociaux, de piscines, et des chaudières à bois commencent aujourd'hui à équiper des centres de loisirs, des mairies, des crèches ou des salles polyvalentes.

L’État n’en est pas là ! Il pourra donc s’inspirer de l’expertise développée par les autorités locales.

Le logement proprement dit représente, quant à lui, 2,6 milliards de mètres carrés. Le défi majeur s’inscrit donc dans ce secteur, où les consommations d’énergie sont les plus importantes, où les ménages de France verront la traduction concrète des mesures que nous serons amenés à adopter.

Outre, bien entendu, la taille du parc, on peut voir deux raisons principales à cette situation : les logements consomment « mal », avec un recours majoritaire aux énergies fossiles, et trop, puisque leurs besoins en énergie s’élèvent à 240 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne.

Dans ce contexte, les objectifs pour la construction neuve qui devront être atteints en matière de basse consommation dès 2012, voire dès maintenant pour les opérations de renouvellement urbain, et à partir de 2020 en matière d’énergie passive sont pertinents, à condition toutefois que les filières professionnelles suivent, notamment en termes de disponibilité des matériaux et des techniques et de formation des artisans. Tel n’est pas le cas aujourd'hui ; j’attire donc l’attention du législateur et des acteurs locaux sur ce point.

Je continue par ailleurs à m’inquiéter des conditions dans lesquelles le parc ancien sera réhabilité. Le projet de loi définit en effet un objectif annuel de rénovation de 400 000 logements à compter de 2013, ce qui est énorme ! Les moyens mobilisés pour y parvenir nous laissent perplexes.

Je voudrais évoquer particulièrement, à cet instant, la question du parc social.

L’article 5 du projet de loi tend à fixer comme objectif « la rénovation de l’ensemble du parc de logements sociaux ». Cette formule suggère que l’ensemble du parc aurait besoin d’être rénové, ce qui est inexact. Dans ce domaine, je voudrais rétablir quelques vérités qui paraîtront peut-être surprenantes à certains, car elles sont méconnues.

La performance énergétique moyenne des logements sociaux – 160 kilowattheures par mètre carré et par an – est meilleure que celle du parc privé – 250 kilowattheures par mètre carré et par an.