Article additionnel avant le chapitre 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées
Article 2

Article 1er

Après l'article L. 141-4 du code de la consommation, il est inséré un article L. 141-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 141-5. - Lors du prononcé d'une condamnation, le juge peut, même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l'intégralité du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement prévu à l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. »

M. le président. L'amendement n° 24 rectifié ter, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. Rédiger comme suit cet article :

Le premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sous réserve de l'alinéa suivant, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

« Un décret en Conseil d'État fixe les cas et conditions dans lesquels les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement sont mis partiellement à la charge des créanciers. Dans ces cas, le juge peut, même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du débiteur, mettre à sa charge tout ou partie de ces droits proportionnels lors du prononcé de la condamnation. »

II. En conséquence, dans l'intitulé du chapitre Ier, supprimer les mots :

en droit de la consommation

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit, dans le cadre de l’exécution des décisions de justice, de savoir s’il est normal que celui qui gagne un procès soit de fait condamné à en assumer en partie la charge.

Les dispositions prévues à l’article 1er de la proposition de loi vont dans le bon sens. Elles visent le droit de la consommation et prévoient de mettre à la charge du débiteur, dans certains cas, les droits de recouvrement que peuvent percevoir les huissiers. Mais nous souhaitons que cette disposition soit étendue à l’ensemble des litiges.

Il ne s’agit aucunement de remettre en cause ou de réduire le montant des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement des huissiers. Notre amendement a simplement pour objet de donner au magistrat qui rend la décision de justice la possibilité de mettre, totalement ou partiellement, ces frais à la charge du débiteur

Aujourd'hui, il faut le savoir, tout créancier qui est obligé de passer par la phase de recouvrement forcée - dans la mesure d’ailleurs où le créancier récupère quelque chose sur le débiteur - a à sa charge la quasi-totalité du droit de recouvrement.

Il n’est pas juste, me semble-t-il, que ces frais soient exclusivement à la charge du créancier dans tous les cas, la partie perdante pouvant, par exemple, être un débiteur très solvable ; je pense à des établissements de crédit, des banques, à certaines sociétés commerciales, notamment de téléphonie. Il arrive fréquemment que des créanciers aient des moyens financiers équivalents ou inférieurs à ceux de leurs débiteurs.

Les dispositions légales en vigueur imposent aux juridictions de statuer sur les dépens. Ces juridictions ont aussi la capacité d’apprécier l’application ou la non-application de l’article 700 du code de procédure civile ou même de l’article 475-1 du code de procédure pénale, relatif aux frais et honoraires non inclus dans les dépens. Je ne puis penser que les huissiers manifestent une quelconque défiance à l’égard des magistrats, lesquels, avec sagesse, ont la capacité de mesurer quels sont les créanciers ou les débiteurs qui devront assumer la charge de ces droits de recouvrement.

En résumé, il s’agit non pas de diminuer le montant de ces droits de recouvrement, mais de permettre, dans tous les litiges, qu’il y ait une appréciation du magistrat. Je rappelle d'ailleurs que, à l’origine, le décret du 8 mars 2001 a modifié le décret du 12 décembre 1996 qui avait fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’État, à la demande de certains avocats.

Nous sommes donc aujourd'hui dans une situation qui n’est pas conforme à l’intention initiale du législateur, ce qui est d’ailleurs rappelé très précisément dans le rapport de notre excellent collègue François Zocchetto, à la page 23.

Par ailleurs, à la page 24 dudit rapport, sont rappelés les efforts du président Hyest, qui avait posé le 1er mars 2007 une question écrite, ayant, me semble-t-il, le même objet que l’amendement que j’ai eu l’honneur de déposer.

M. le président. Le sous-amendement n° 32, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'amendement n° 24 rectifié ter.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. La discussion générale ayant eu lieu le 20 janvier dernier, nous sommes donc un peu dans du « réchauffé », ce qui ne facilite pas l’examen du texte, mais nous essayons d’y voir clair.

Mon sous-amendement vise à revenir à la rédaction initiale, c'est-à-dire à limiter la portée de l’article 1er aux droits de la consommation.

En effet, il semble tout à fait hasardeux de déséquilibrer le texte tel qu’il est actuellement proposé, puisque, en fait, la stabilité économique des études d’huissiers de justice repose en grande partie sur 50 % des produits globaux et sur le droit proportionnel. Or l’amendement n°24 rectifié ter ne fait aucune distinction entre les deux.

En l'occurrence, il ne s’agit nullement de marquer une quelconque défiance à l’égard des magistrats ; il s’agit simplement de laisser payer aux créanciers la part proportionnelle qui revient aux huissiers pour service rendu et non pas d’imputer au débiteur des charges qui rendraient l’exécution de l’obligation encore plus difficile.

Je pense que l’équilibre posé dans le texte est justifié uniquement dans le cadre du droit de la consommation.

Enfin, je souligne que je n’ai pas du tout fait la même lecture que M. Mézard de la question qui avait été posée le 1er mars 2007 par le président Hyest à vous-même, madame le garde des sceaux, mais puisque ce dernier est présent, il ne m’appartient pas de parler à sa place.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La proposition de loi offre la possibilité nouvelle au juge, dans le cadre du code de la consommation, de mettre à la charge du débiteur, pour des raisons tirées de l’équité ou de la situation économique de celui-ci, tout ou partie des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement.

Cette mesure ne me semble pas soulever de discussion ; en tout cas, elle n’en a pas créé au sein de la commission.

M. Mézard a proposé d’aller plus loin en étendant cette possibilité à l’ensemble des contentieux civils. La commission, après s’être interrogée, a trouvé l’idée intéressante et, lors d’une deuxième réunion, a conclu que cet amendement, que pour ma part je voterai, était recevable.

Pour l’information complète de nos collègues, je me dois de dire que cet amendement, qui a donc été voté par la commission des lois, a suscité néanmoins un certain nombre de réactions, plusieurs d’entre nous s’étant interrogés sur les conséquences d’une telle disposition.

Il est certain qu’elle repose sur la foi absolue que nous avons dans le juge. Celui-ci est a priori bien placé pour déceler les situations de fortune des uns et des autres, du créancier ou du débiteur.

Chacun aura compris en outre qu’il serait totalement anormal qu’un créancier en situation difficile se voie imposer des frais de recouvrement face à un débiteur en situation aisée. Cela paraît effectivement, en première analyse, inéquitable. Mais, d’un autre côté, certains pensent que, dans la pratique, le dispositif prévu dans l’amendement pourrait aboutir à surcharger des débiteurs déjà en situation difficile.

Quant au sous-amendement n° 32 proposé par Mme Goulet, il m’a semblé quelque peu surprenant. En effet, il donne encore moins de souplesse que le texte actuel. Donc, il rigidifie le dispositif.

À titre personnel, j’émets donc, un avis défavorable sur ce sous-amendement, qui n’a pas été examiné par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Avec le sous-amendement n° 32, nous en reviendrions à la situation actuelle : le créancier doit avancer la totalité des frais pour récupérer sa créance. La proposition de loi réalise une avancée en donnant aux magistrats la possibilité de mettre à la charge du débiteur tout ou partie des frais de l’exécution forcée de la décision de justice, après appréciation de la solvabilité dudit débiteur, tout en circonscrivant le champ d’application de la mesure à la consommation.

L’amendement n°  24 rectifié ter vise à élargir cette possibilité à tous les contentieux civils. Sur le plan de l’équité, on peut comprendre que la charge ne repose pas uniquement sur le créancier. M. Mézard a fait observer tout à l’heure que le magistrat disposait d’assez d’éléments pour apprécier la solvabilité du débiteur. C’est en effet le cas en matière de consommation, mais pas forcément dans tous les domaines.

Le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà de la proposition de loi qui lui semble équilibrée. Il n’est en effet pas utile d’aggraver la dette des débiteurs, alors qu’ils sont déjà particulièrement touchés par le contexte de crise actuel.

Le Gouvernement est donc défavorable au sous-amendement n° 32 et à l'amendement n° 24 rectifié ter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Je m’exprime ici à titre personnel. En effet, siégeant au groupe de travail sur la réforme du règlement, je n’ai pas pu assister à la réunion de la commission des lois – cela m’arrive très rarement ! – au cours de laquelle cet amendement a été discuté et approuvé.

Je m’étais toutefois penché sur la question antérieurement. J’en étais arrivé à penser que, dans les litiges de consommation, où des sociétés importantes peuvent être condamnées, il était tout à fait légitime de mettre les frais à la charge des débiteurs, d’autant que les créanciers ne recouvrent jamais l’argent – souvent des petites sommes – qui leur est dû.

On peut prendre l’exemple des litiges impliquant des opérateurs de téléphonie. Comme il n’y a jamais d’exécution des décisions de justice, certains en sont venus à se demander s’il n’était pas préférable de passer par une action de groupe !

La solution retenue me paraît donc satisfaisante. Pour autant, faut-il la systématiser ? En tant qu’ancien président d’un office d’HLM, je pense aux personnes qui ont des dettes de loyer alors qu’elles sont déjà en très grande difficulté. Va-t-on leur dire qu’en plus elles auront à payer les frais ?

Ce dispositif est d’une logique imparable : il fait confiance au juge. Mais ce dernier ne dispose pas toujours des moyens d’apprécier in concreto chaque affaire. Il faudrait pour cela que chaque intéressé ait un défenseur, ce qui n’est pas toujours le cas. Et, comme il s’agit de contentieux de masse, je doute qu’il y ait vraiment un examen de chaque situation particulière.

Je pense, pour ma part, qu’il faudrait approfondir la réflexion sur le sujet. Aujourd'hui, même si la commission l’a adoptée, je ne suis personnellement pas prêt à adopter cette solution. En revanche, j’y suis tout à fait favorable dans le cadre du droit de la consommation. En tout cas, je regrette vraiment de ne pas avoir pu assister au débat qui s’est tenu en commission.

M. le président. Madame Goulet, le sous-amendement n° 32 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Je ne comprenais pas très bien l’observation de M. le rapporteur jusqu’à ce que je relise la rédaction de mon amendement.

En réalité, il aurait fallu supprimer le II de l’amendement de M. Mézard. Mon souhait était de maintenir la limitation de la disposition au droit de la consommation pour qu’elle ne soit pas étendue à l’ensemble du contentieux civil.

Dans ces conditions, monsieur le président, je retire mon sous-amendement. Le texte me semble cohérent, à condition – je le répète – qu’il soit limité au domaine de la consommation, le reste pouvant éventuellement faire l’objet d’une renégociation tarifaire avec les huissiers, dans le cadre du travail plus global actuellement effectué par la chancellerie.

M. le président. Le sous-amendement n° 32 est retiré.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote sur l'amendement n° 24 rectifié ter.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’amendement proposé par Jacques Mézard a pour objet de permettre à l’ensemble des juridictions civiles de mettre à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais de l’exécution forcée de leur décision.

Le groupe UMP considère que l’adoption d’un tel amendement serait très préjudiciable à la situation du débiteur, condamné à l’instance, qui devra donc supporter, dans leur totalité, les droits proportionnels aujourd’hui partagés entre les parties.

Si l’on peut admettre de mettre les droits de recouvrement à la charge d’un professionnel qui en a les moyens, il ne nous semble pas raisonnable d’étendre cette possibilité à tous les débiteurs.

En effet, si sa situation économique est correcte, un professionnel condamné peut supporter l’intégralité des droits de recouvrement ; il n’en est pas de même des personnes physiques qui ont du mal à payer leurs dettes.

Dans une période de crise économique et financière, la situation des débiteurs mérite une attention spéciale. On ne peut pas transposer aux particuliers l’intégralité des droits de recouvrement sous peine d’obérer leur situation en les plaçant dans l’impossibilité de payer, privant ainsi l’huissier d’une rémunération nécessaire à l’équilibre économique de son étude.

Enfin, il faut préciser que les droits proportionnels de recouvrement et d’encaissement ne sont pas une sanction à la charge de la partie qui a perdu le procès, mais bien un émolument lié au service d’un recouvrement efficace. Le bouleversement de la nature de ces droits serait dangereux pour l’équilibre social des procédures civiles d’exécution.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP n’adoptera pas l’amendement n° 24 rectifié ter.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.

M. Laurent Béteille. La proposition de loi limitait la disposition au droit de la consommation. Il s’agissait de faire en sorte que, lorsqu’un litige se conclut en défaveur d’un professionnel – il en a été cité de nombreux exemples tout à l’heure –, le créancier, qui a en général beaucoup moins de moyens, n’ait pas à assumer une partie des frais d’exécution.

Au moment de la rédaction de la proposition de loi, je m’étais d’ailleurs interrogé sur une éventuelle extension de cette disposition aux litiges entre particuliers, pour lesquels il peut y avoir un déséquilibre financier au profit du débiteur.

J’étais au départ plutôt favorable à l'amendement n° 24 rectifié ter. Mais il faut bien se rendre compte qu’il va très loin puisque, en réalité, il renverse le système. Il s’agit d’ailleurs de revenir à une disposition qui existait autrefois puisque l’article 32 de la loi de 1991, cela a été rappelé, tendait à mettre systématiquement à la charge du débiteur les frais de recouvrement. M. Mézard a néanmoins prévu une disposition qui permet au juge de faire obstacle à l’application de cette disposition générale.

Pour ma part, je proposais de conserver le système actuel, dans lequel les émoluments de l’huissier sont partagés entre le créancier et le débiteur, tout en permettant au juge, s’il n’était pas d’accord avec cette règle générale, de mettre la totalité des droits professionnels à la charge du débiteur.

L'amendement n° 24 rectifié ter propose donc, je le répète, un dispositif inverse du mien : si le juge ne prend pas de décision particulière, les frais seront systématiquement à la charge du débiteur. Il me semble que, dans les circonstances actuelles, cela pose un problème. Il ne serait pas raisonnable de voter cette disposition, même si elle reprend une solution traditionnelle.

En outre, il ne faut pas comparer le paiement de ces frais avec le paiement dû à un avocat. Lorsqu’on paye des émoluments à un avocat pour faire reconnaître ses droits, par définition, la créance n’est pas encore établie. Elle ne le sera qu’une fois le jugement rendu. Mais, une fois que la créance est reconnue, il n’est pas illogique de penser que le créancier peut toucher la totalité de la somme que le débiteur a été condamné à payer par le tribunal sans avoir à assumer de frais supplémentaires. Au demeurant, il faut tenir compte de la situation de certains débiteurs.

Dans ces conditions, il me semble plus raisonnable de ne pas adopter l’amendement de M. Mézard.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Il faut être clair : si un débiteur ne paye pas, ce n’est tout de même pas au créancier d’en supporter les conséquences ! Si l’on interrogeait n’importe quelle personne de bon sens, qu’elle soit de droite ou de gauche – ce n’est pas le problème ! –, pour savoir qui doit payer les frais d’huissier en cas de non-paiement d’une créance réelle incontestée, elle estimerait normal que ces frais soient supportés par celui qui est à l’origine de la faute, c'est-à-dire du non-paiement. Je suis bien de cet avis sauf, bien évidemment, cas particulier déterminé par le juge

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Soyons clairs : il s’agit ici non pas de protéger les débiteurs, mais bien les huissiers ! Il est en effet plus facile de faire payer les créanciers qui ont une rentrée d’argent que les débiteurs. J’entends bien cet argument et je sais le rôle que jouent les huissiers et la difficulté de leur métier.

Mes chers collègues, on a évoqué l’équilibre qui caractérisait les dispositions du décret du 8 mars 2001. Je vous rappelle tout de même que celui-ci fixe les droits à la charge du débiteur à 0,3 % au-delà de 1 525 euros et ceux à la charge du créancier à 4 %, soit quinze fois plus ! C’est un bien curieux équilibre !

On me dit que le juge n’a pas les moyens d’estimer la solvabilité du débiteur. Allons donc ! Après plus de trente-sept années d’expérience des tribunaux d’instance, je peux vous affirmer que le juge, particulièrement pour les petits litiges qui sont directement concernés par cette mesure, sait à quoi s’en tenir, il sait si le débiteur bénéficie ou non de l’aide juridictionnelle, il connaît les éléments du dossier, il a écouté les parties.

Madame le garde des sceaux, comment fait le juge lorsqu’il prend des décisions, par exemple au titre de l’article 700 du code de procédure civile ? Quelle est la différence entre les deux situations ? Il n’y en a aucune ! Cet argument ne saurait donc me convaincre.

Il faut le dire, cette disposition est passée en force à une certaine époque parce que les huissiers l’ont demandée, et je les comprends parfaitement. Il a d’ailleurs dû se passer la même chose depuis notre débat du 20 janvier dernier. Je ne doute pas que, si les articles avaient été examinés dans la foulée de la discussion générale, nous n’aurions pas entendu certaines interventions cet après-midi…

Cela dit, je ne voudrais pas passer pour celui qui veut écraser davantage les débiteurs parce que, si certains d’entre eux sont dans une situation économique tout à fait favorable, d’autres ne le sont pas et il ne s’agit aucunement d’aggraver leur sort. De toute façon, ceux qui n’en ont pas les moyens ne feront pas l’objet d’un recouvrement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié ter.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 113 :

Nombre de votants 310
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages exprimés 155
Pour l’adoption 133
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

CHAPITRE II

FORCE PROBANTE DES CONSTATS D'HUISSIER

Article 1er
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Article 3

Article 2

La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Ils peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire. »

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.

M. Jean Louis Masson. Cet article vise à renforcer la portée des constats d’huissier. Cette disposition s’inscrit dans l’objectif de simplification de la vie juridique et administrative. Je reste cependant perplexe quant à sa portée en matière pénale.

En effet, nous connaissons tous des gens susceptibles d’être impressionnés par la visite d’un huissier à leur domicile. Une personne qui vit sa petite vie de tous les jours peut être, sinon traumatisée, du moins désarçonnée par cette situation. En matière pénale, il ne serait donc pas opportun d’empêcher toute observation a posteriori, car l’intéressé peut très bien avoir perdu tous ses moyens sur le moment.

Pour ma part, je suis favorable à cet article, mais avec cette réserve.

M. le président. L'amendement n° 25 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je puis vous assurer que je n’ai aucun compte à régler avec les huissiers, qui ne m’ont jamais saisi.

M. Yves Pozzo di Borgo. Pas encore ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. On ne peut jamais préjuger l’avenir, surtout après cette séance… 

M. le président. Vous bénéficiez d’une immunité, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. L’amendement que je présente est plutôt protecteur. En vertu de l’article 2, l’huissier de justice, qui peut être commis par voie de justice ou simplement à la requête d’un particulier, procède à des constatations qui font foi jusqu’à preuve contraire, sauf en matière pénale.

Je pense que cette mesure ne changera rien à leur rémunération. La question est juste de savoir si les constats dressés, y compris à la demande des particuliers, peuvent faire foi jusqu’à preuve contraire.

Lorsqu’un huissier agit à la demande d’un magistrat, cela me paraît tout à fait normal. En revanche, lorsque c’est à la requête d’un simple particulier, il existe un risque de déséquilibre entre les parties. En effet, tout le monde n’a pas les mêmes compétences en matière juridique et certains ne font pas appel à un avocat pour être conseillés. Si le particulier en question est une compagnie d’assurance ou un établissement financier, le simple consommateur qui est en face peut se retrouver en situation de faiblesse.

Nous le savons pertinemment, le procès-verbal de constat a pour objectif de fortifier une future action en justice. Nous parlions tout à l’heure de la protection du débiteur, qui avait bon dos. En l’occurrence, je parle de la protection du citoyen ordinaire, qui risque d’avoir les plus grandes difficultés à apporter la preuve contraire face à un adversaire qui n’a pas forcément raison, mais qui aura été plus avisé ou mieux conseillé.

En outre, un certain nombre de nos territoires ne comptent qu’une étude d’huissier. Je l’ai souvent constaté au cours de ma carrière, deux huissiers appartenant à la même étude peuvent dresser un procès-verbal de constat pour deux parties adverses. Comprenons-nous bien, il ne s’agit nullement de remettre en cause le sérieux et la bonne foi des huissiers. Je veux juste souligner que deux procès-verbaux de constat émanant de la même étude peuvent être présentés lors de l’instance.

On m’a rétorqué en commission que, dans ce cas de figure, le juge arbitrerait. Il est donc des cas où l’on est prêt à ce que juge soit en situation d’apprécier … En tout cas, en termes de responsabilité, cela placera plutôt les huissiers dans une situation difficile, et je ne pense pas, bien au contraire, que cela multipliera le nombre de procès-verbaux de constat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. L’article 2 de la proposition de loi a retenu toute l’attention de la commission.

Nous nous sommes émus de la situation de la personne qui voit débarquer chez elle un huissier. La plupart du temps, elle ne bénéficie pas de l’assistance d’un conseil et se retrouve donc en situation de faiblesse. L’huissier peut en effet avoir une capacité de persuasion, qui peut entraîner un certain déséquilibre entre les parties en présence.

C’est la raison pour laquelle la commission a décidé – M. Béteille n’y a pas émis d’objection majeure – de supprimer la dernière phrase de cet article, qui ne permettait pas à la partie en présence de laquelle avait été dressé le constat de faire valoir ses observations si elle y avait renoncé au moment de l’établissement de l’acte.

Mon cher collègue Mézard, vous proposez de supprimer tout l’article. Pourtant, il paraît logique qu’un constat dressé par un officier public et ministériel jouisse d’une plus grande force probante qu’un document établi par quelqu’un qui n’aurait pas de qualité au regard de la loi. D’ailleurs, les magistrats que nous avons auditionnés nous ont tous dit que, dans la pratique, ils accordaient systématiquement crédit aux constats dressés par les huissiers et qu’il était superflu pour eux de motiver leur décision.

Par ailleurs, je rappelle qu’il serait tout à fait possible à la partie qui veut mettre en cause le constat d’apporter la preuve contraire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. François Zocchetto, rapporteur. Enfin, il est évident que ces dispositions ne s’appliquent pas en matière pénale, monsieur Masson. Cela figure d’ailleurs noir sur blanc dans l’article ! Dans ce domaine, les constats d’huissiers n’ont valeur que de simples renseignements.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, les constats d’huissiers en matière pénale n’ont valeur que de simples renseignements. En fait, ce document a exactement la même force qu’une déclaration sur l’honneur faite par un particulier.

Reste que les huissiers sont des officiers publics ministériels. Il est donc important de souligner la portée des actes qu’ils remettent aux magistrats, d’autant que l’on reconnaît ainsi dans le droit ce qui existe déjà dans les faits.

Cela étant, même si les constats d’huissiers ont force probante, rien n’empêche d’apporter la preuve contraire.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.