M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, comme vous l’aurez constaté, tous les intervenants ont fait preuve d’un grand souci de réalisme. Sans démagogie aucune, chacun a expliqué ce qu’il percevait et connaissait de la réalité, à l’échelle tant départementale que nationale.

Lorsque M. le président de la région Nord-Pas-de-Calais exprime son souhait de coopérer avec le Gouvernement pour trouver les meilleures solutions, lorsque Mme la présidente de la région Poitou-Charentes propose d’apporter son concours, en concertation avec le Gouvernement, cela témoigne simplement du fait que nous voulons avant tout répondre concrètement aux difficultés que rencontrent les entreprises du secteur automobile, des constructeurs aux sous-traitants et aux équipementiers. Personne ne comprendrait que les considérations politiciennes prennent le pas sur cette préoccupation.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous livrerai très franchement le sentiment que m’inspire la réponse que vous avez bien voulu nous donner et que j’ai écoutée avec beaucoup d’attention.

Votre analyse de la situation me paraît tout à fait pertinente, notamment lorsque vous évoquez le déstockage, la longueur particulière des crises dans le secteur automobile, les évolutions des attentes de la clientèle, etc. Nos diagnostics ne divergent donc guère.

Par ailleurs, vous avez détaillé avec beaucoup de clarté les mesures annoncées par le Gouvernement et les décisions qu’il a prises.

Cependant, vos réponses aux questions précises que nous vous avons posées nous ont laissés sur notre faim. Je reviendrai donc succinctement sur trois d’entre elles, en espérant que mes observations pourront nourrir votre réflexion et inspirer votre action.

S’agissant tout d’abord du fonds de modernisation des équipementiers automobiles, le FMEA, vous nous avez dit qu’il s’agissait de soutenir des entreprises viables, ayant des perspectives et un avenir : soit ! Cependant, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le directeur général du fonds stratégique d’investissement a déclaré qu’il aiderait les entreprises présentant « le meilleur potentiel technique, le meilleur potentiel de croissance, le meilleur potentiel d’exportation et de savoir-faire ». Voilà de mirifiques entreprises !

Dans le même ordre d’idées, s’agissant d’Oseo, il a été dit que « la garantie ne sera accordée qu’aux entreprises fondamentalement saines et qui n’étaient pas en difficulté financière avant l’été 2008 ».

Or nous connaissons la réalité des entreprises. Même s’il est tout à fait pertinent de vouloir aider les entreprises dont les perspectives sont prometteuses et les références excellentes, nous avons néanmoins l’impression qu’existe un décalage entre cet idéal et la situation concrète de dizaines d’entreprises qui se trouvent aujourd’hui dans le brouillard. Celles-ci ne demandent actuellement qu’à passer le cap, à ne pas être contraintes de licencier ou de fermer leurs portes, à conserver des capacités de production.

Nous persistons donc à penser que les moyens des fonds précités doivent être accrus et que les critères ouvrant le bénéfice des aides doivent être assouplis et rendus moins sélectifs, sans pour autant prétendre que chaque situation ne doit pas être analysée. Il s’agit d’être très réalistes, dans une période de grave crise imposant que des mesures exceptionnelles soient prises.

Par ailleurs, en matière de contreparties, nous pensons que l’on peut aller plus loin. Quand le Gouvernement et, surtout, le Président de la République le veulent, bien des choses deviennent possibles ! (Sourires.)

À cet égard, vous avez évoqué la suppression de la taxe professionnelle, sujet qui n’est pas de nature à nous rassurer. En effet, le Président de la République l’a annoncée, mais il n’a toujours pas indiqué par quoi elle serait remplacée. Qui paiera ? Les entreprises ou les citoyens ? Tant que nous n’aurons pas obtenu de réponse à cette question, nous demeurerons dans l’incertitude et l’inquiétude.

Pour en revenir aux contreparties, notre collègue Martial Bourquin a évoqué ce patron touchant 1 000 euros par licenciement : 1 000 licenciements étant prévus – nous espérons bien sûr qu’ils n’auront pas lieu –, la somme totale dont il bénéficiera est tout de même rondelette ! Aux yeux des salariés que nous connaissons et côtoyons, cette situation est inadmissible ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Gérard Cornu applaudit également.)

Il serait possible d’agir vite pour corriger de telles anomalies : lorsque le Président de la République émet l’idée de supprimer les pôles de l’instruction, un amendement visant à la mettre en œuvre est déposé dès le mardi matin suivant, et voté par certains d’entre nous dès le mercredi soir. Voilà qui est très rapide ! Je crois donc que des décisions pourraient être prises bien plus rapidement sur la question des contreparties.

Ma dernière observation portera sur l’urgence de la situation. Mon collègue le président du groupe socialiste, Jean-Pierre Bel, m’a demandé, à juste titre, d’insister à nouveau sur ce point.

Nous demandons que toutes les entreprises concernées par le dispositif soient reçues dans les préfectures, pour y être aidées et incitées à déposer rapidement des dossiers bien construits. Nous demandons qu’une cellule de crise permanente soit constituée au sein du ministère pour examiner au plus vite ces dossiers.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous nous avez indiqué que trente dossiers avaient déjà été déposés et que ce nombre croissait chaque jour, mais le journal Le Monde affirme, pour sa part, qu’un seul dossier a pour l’heure été examiné et que deux autres sont supposés l’être bientôt. Voilà qui n’est pas à la mesure du problème ! Il est absolument nécessaire d’aller très vite. (M. Raymond Vall applaudit.)

Pour conclure, j’évoquerai les récents propos tenus par M. le Président de la République, selon lesquels il jouit d’une excellente forme physique, mentale et intellectuelle. Il a d’ailleurs utilisé une métaphore fruitière pour indiquer à quel point il se porte bien ! Cela contraste singulièrement avec ce que nous disent tous les jours de leur état de forme nos concitoyens, notamment les salariés de la sous-traitance automobile…

Nous attachons quelque prix au réalisme et à la modestie. Nous souhaitons des réponses concrètes, des circuits de décision courts, un rythme de traitement des dossiers adapté à l’urgence des problèmes, des fonds suffisants et la prise en compte de la situation effective des entreprises. En nous exprimant comme nous l’avons fait ce matin, nous sommes vraiment au diapason de nos concitoyens, et nous espérons, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous aurez entendus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. Le Président de la République a la même attitude que Louis XVI le 14 juillet 1789 !

M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

5

Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame Mme Claire-Lise Campion et M. André Lardeux membres du Haut conseil de la famille.

6

Avenir des services publics dans les zones rurales

Discussion d’une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 29 de M. Simon Sutour à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sur l’avenir des services publics dans les zones rurales.

Je demande à chaque intervenant de bien vouloir faire un effort pour ne pas dépasser le temps de parole qui lui est imparti. En effet, nous avons commencé la séance avec cinquante minutes de retard sur l’horaire prévu et la discussion de la précédente question orale a excédé de plus d’un quart d’heure la durée qui lui était dévolue.

M. Guy Fischer. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, je souhaite vous interroger sur l’organisation de nos travaux, qui portent aujourd’hui sur des questions d’une importance majeure. Comment envisagez-vous la suite de nos débats ? La fin de la discussion de la question orale de M. Sutour sera-t-elle reportée à cet après-midi ? Nous souhaiterions obtenir une réponse claire, étant donné les retards d’ores et déjà enregistrés.

Il me semble d’ailleurs qu’il conviendra de tirer les enseignements du déroulement de cette séance en évitant, à l’avenir, de surcharger l’ordre du jour, quel que soit l’intérêt des thèmes abordés.

M. le président. Monsieur Fischer, la difficulté tient au fait que la précédente séance a été levée plus tard que prévu cette nuit, ce qui a décalé d’autant l’ouverture de notre séance d’aujourd’hui. Voilà pourquoi j’ai appelé les orateurs à faire un effort pour respecter leur temps de parole.

Monsieur le secrétaire d’État, il me paraît difficilement envisageable d’achever la discussion de cette question orale dans la matinée. Quel est votre sentiment à cet égard ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, je suis évidemment à la disposition du Sénat, mais je suis également tenu par certaines obligations cet après-midi : je souhaite donc que nous allions au terme de cette discussion dans la matinée, dût-elle se prolonger jusqu’à 13 heures 45 !

M. le président. Il est donc d’autant plus nécessaire de ne pas aggraver encore notre retard !

La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question.

M. Simon Sutour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis heureux que, dans le cadre de cette journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires, les territoires ruraux bénéficient d’une attention particulière, tant leur situation actuelle est difficile. Mettre l’accent sur les zones rurales n’est pas vraiment dans l’air du temps, les métropoles mobilisant souvent toute l’attention…

Les territoires ruraux sont donc oubliés, alors qu’ils sont durement frappés, eux aussi, par la crise économique, et doivent en outre faire face à un désengagement massif de l’État, d’une ampleur sans précédent.

Mon intervention ne sera pas polémique ; au contraire, elle se veut constructive, parce que l’avenir des territoires nous concerne tous, que nous représentions les villes ou les campagnes. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je ne doute pas que vous accordiez la plus grande attention à ce débat. Je souhaite que le Gouvernement apporte des réponses concrètes aux problèmes posés.

Je vais tenter de me faire le porte-parole de nombreux élus des zones rurales de notre pays qui ne sont plus aujourd’hui en mesure de répondre aux besoins élémentaires de leurs administrés en termes de services publics, alors même que le contexte actuel de crise économique et sociale aiguë appelle une intervention publique accrue en faveur de nos concitoyens les plus fragiles.

Or, cette situation est doublement injuste pour ces élus !

Tout d’abord, parce que la grande majorité d’entre eux sont dévoués au service de la population et s’évertuent, malgré le fort désengagement de l’État, à aménager le territoire de leur collectivité pour que les zones rurales ne deviennent pas le désert français du xxie siècle.

Ensuite, parce que les services publics en zone rurale se délitent à un rythme soutenu. Cela fait craindre, à court terme, une totale disparition de ceux-ci dans les zones éloignées des grandes agglomérations. Or, les services publics doivent être efficaces et accessibles à tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence. L’application de ce principe communément admis dans notre République semble de moins en moins s’inscrire dans la réalité.

Les bonnes intentions affichées par le Gouvernement dans ce domaine se heurtent malheureusement à la réalité des faits. La concertation sur ces sujets sensibles, maintes fois promise, est presque inexistante ou n’est pas pratiquée, comme l’illustre le non-respect de la charte sur les services publics en milieu rural.

Se croyant protégés par cette charte, les élus locaux pensaient être des partenaires à part entière des réformes en cours : vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, les élus, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition, doivent être associés à toute réforme des services publics, en particulier dans les territoires ruraux. Bien souvent, ils sont d’ailleurs de formidables interlocuteurs, parce qu’ils ont eux-mêmes su moderniser leurs services pour atteindre des degrés de qualité et de coût optimaux.

Or, force est de constater que la concertation promise n’a pas lieu. Les élus locaux apprennent le plus souvent par voie de presse la suppression de telle brigade de gendarmerie, de telle trésorerie, de tel tribunal, sans qu’ils aient été consultés à aucun moment et sans que les conséquences de ces fermetures soient évaluées en termes de coûts sociaux et économiques.

Il ne s’agit pas de défendre ici l’immobilisme, au contraire. Nous avons tous conscience de la nécessité de faire évoluer les services publics dans les zones rurales : cette évolution n’est pas un tabou, et nul ne la conteste. Seulement, il faut l’admettre, la logique purement comptable du gouvernement actuel conduit à des réformes uniquement fondées sur la suppression de services, et non sur une adaptation qui permettrait de conjuguer qualité, efficacité et coûts raisonnables.

Parmi les réformes adoptées ou à venir, nous voyons se profiler des atteintes directes au service public, comme les fermetures d’agences postales, de trésoreries, de gendarmeries ou d’hôpitaux de proximité. D’autres atteintes sont plus indirectes, car moins visibles, mais ont finalement des effets tout aussi dévastateurs, comme la disparition de l’ingénierie publique, engagée elle aussi dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Qu’il s’agisse de l’école, de la poste, des structures d’accueil pour la petite enfance ou pour les personnes âgées, des transports ou des services assurant des missions d’intérêt général, notamment en matière de santé, de sécurité ou de justice, nous constatons depuis quelques années que la qualité et, surtout, la disponibilité des services publics dans les zones les moins densément peuplées se détériorent, au mépris des principes de solidarité et de cohésion territoriales.

Le temps qui m’est imparti et les circonstances de notre débat ne me permettront pas, malheureusement, d’aborder dans le détail toutes les atteintes au service public dans son ensemble, et aux services publics de proximité en milieu rural en particulier.

À cet instant, je ne peux m’empêcher de constater que la partie droite de cet hémicycle est désertée : le groupe UMP ne compte qu’un seul représentant ! Je n’en conclurai pas que nos collègues ne se sentent pas concernés par les questions que j’évoque, mais je tenais néanmoins à souligner cette situation qui, si elle se renouvelait à l’avenir, pourrait porter préjudice au crédit et à l’image des travaux de notre assemblée.

M. René-Pierre Signé. Ce sont des urbains !

M. Simon Sutour. Je voudrais insister plus particulièrement aujourd’hui sur le maintien du service public postal et des gendarmeries dans les zones rurales, emblématique de ce que nous souhaitons en matière d’aménagement du territoire.

La Poste, encore entreprise publique, se désengage de ses missions en milieu rural, et il ne se passe pas de jour sans que nous soyons interpellés, par des élus ou des particuliers, sur les fermetures de bureaux de poste, pas uniquement dans les zones les moins peuplées, j’y insiste.

La transformation du statut de La Poste, qui pourrait – hélas ! – conduire à une privatisation, ne laisse rien présager de positif pour l’avenir. En effet, cette évolution accentuerait le mouvement déjà bien amorcé de fermeture des agences les moins rentables et de transfert de celles-ci aux collectivités territoriales. Est-il nécessaire de rappeler dans cette assemblée, qui est le « Grand Conseil des communes de France », que les collectivités territoriales ne peuvent plus assumer de nouveaux transferts de charges ? Elles n’en ont malheureusement plus les moyens : pour parler un peu crûment, monsieur le secrétaire d’État, la barque est pleine !

Or, les habitants des zones rurales doivent pouvoir prétendre à la même qualité de service que les habitants des villes, car il n’existe pas, dans notre pays, de citoyens de première ou de seconde zone – du moins il ne doit pas en exister ! La péréquation nationale devrait jouer pour garantir, à l’avenir, un prix unique du timbre, une distribution à domicile du courrier six jours sur sept et la possibilité d’effectuer ses opérations postales ou bancaires à une distance raisonnable de son domicile.

La fracture numérique représente un autre échec pour le Gouvernement. Malgré l’effort substantiel des collectivités locales, en particulier des régions, cette fracture demeure et, à défaut d’un accès au haut débit, les élus ruraux nous interpellent de plus en plus souvent pour que leurs administrés puissent, au moins, bénéficier d’un service téléphonique de qualité, tant les coupures de téléphonie filaire sont désormais monnaie courante.

J’insiste sur ce point particulier, car ce phénomène ne se produisait pas auparavant. Lorsque je parcours mon département, j’entends de plus en plus souvent dire que le téléphone est coupé depuis plusieurs jours !

M. Jean-Pierre Bel. C’est vrai !

M. René-Pierre Signé. Il n’y a pas de personnel pour dépanner !

M. Simon Sutour. Le service universel de base n’est donc même plus assuré…

Concernant la téléphonie mobile, les zones blanches subsistent, ce qui pose des problèmes en termes de santé publique : avec des réseaux filaires peu fiables et un accès à la téléphonie mobile limité, les habitants de certains cantons de mon département peuvent se trouver totalement isolés et incapables de prévenir les secours en cas de problème de santé ou de sécurité. Une telle situation n’est pas admissible au xxie siècle !

S’agissant précisément de la sécurité, lors de l’examen par le Sénat, le 17 décembre dernier, du projet de loi relatif à la gendarmerie, qui doit encore être discuté à l’Assemblée nationale, Mme la ministre de l’intérieur nous avait assuré qu’aucun plan de fermeture de brigades de gendarmerie n’était envisagé. Or, d’ores et déjà, certains départements connaissent des fermetures administratives de brigades – quatre, notamment, en Meurthe-et-Moselle – et des études sont en cours dans mon département, qui pourraient aboutir, à court terme, à la suppression des brigades de gendarmerie de Sauve et de Génolhac. Mme la ministre de l’intérieur tente de trouver des justifications à cette réorganisation et prétend qu’en supprimant des brigades de gendarmerie, la sécurité sera améliorée in fine dans les cantons ruraux !...

En ce qui concerne la brigade de gendarmerie de Sauve, sa suppression serait justifiée par le fait que l’on trouve trois brigades de gendarmerie sur un trajet de quinze kilomètres. Aux yeux de Mme la ministre de l’intérieur, ce serait excessif pour assurer la sécurité sur cette portion de route : selon elle, deux brigades y suffiraient largement ! Je ne peux accepter cet argument, car les gendarmes n’ont pas pour unique mission, dans nos cantons, d’assurer la sécurité routière ; ils doivent aussi, et surtout, assurer la sécurité des biens et des personnes dans l’ensemble des communes, pas seulement sur les grands axes de circulation. Mais peut-être pourrez-vous m’annoncer une bonne nouvelle à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État ?

Nous ne pouvons pas laisser des pans entiers du territoire démunis de forces de sécurité, d’autant que les statistiques relatives à la délinquance montrent clairement un déplacement de celle-ci des villes vers les zones périurbaines et, de plus en plus, vers les territoires ruraux, où l’insécurité s’accroît de manière inquiétante.

La révision générale des politiques publiques lancée par l’actuel gouvernement en 2007 est avant tout un vaste plan, à peine déguisé, de réduction des moyens et des effectifs dans la fonction publique. Je doute que les réformes des cartes judiciaire, hospitalière ou militaire aient fait l’objet d’une quelconque étude d’impact ; elles sont, à mon sens, mises en œuvre de façon complètement désordonnée.

Pour illustrer cette pagaille, je citerai un nouvel exemple choisi dans mon département du Gard et concernant, cette fois-ci, les sous-préfectures, dont une quinzaine en France seraient menacées de suppression.

La sous-préfecture du Vigan devait être supprimée purement et simplement. Son maintien a finalement été annoncé, mais sans sous-préfet, afin de réaliser quelques économies ! Par la suite, l’absence de sous-préfet présentant manifestement des inconvénients, on a nommé un sous-préfet « Canada dry », sous l’appellation de « conseiller d’administration ». Pour conférer quelque lustre à ce fonctionnaire dépourvu du titre de sous-préfet, il a été décidé de le doter d’un uniforme ! (Sourires.) C’est en effet ce que Mme Alliot-Marie nous a annoncé il y a une quinzaine de jours…

Franchement, il aurait été plus simple de maintenir la situation antérieure ! J’attends cependant le prochain épisode de ce feuilleton lié à la révision générale des politiques publiques, dont, pour ma part, je n’ai toujours pas compris en quoi elle consistait, si ce n’est qu’elle permet de faire des économies !

À cet instant, sans vouloir polémiquer, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur les milliards d’euros accordés aux bénéficiaires du bouclier fiscal,…

M. Joël Bourdin. On en parlera cet après-midi !

M. Simon Sutour. … qu’il faut bien récupérer quelque part ! J’ai l’impression que nos zones rurales, qui ne sont plus dans l’air du temps, dont on parle de moins en moins, puisqu’il n’est question que des métropoles, sont un peu les victimes de la mise en place de ce fameux bouclier fiscal.

Je m’interroge donc sur les économies budgétaires réalisées, et plus encore sur les promesses d’un service public rendu plus efficace. Je sais qu’un grand nombre de mes collègues pensent comme moi, même s’ils ne peuvent pas toujours exprimer les choses aussi clairement…

Je constate la disparition de trésoreries, d’hôpitaux de proximité, de bases militaires, de tribunaux, de gendarmeries, etc., ayant pour corollaire – ai-je besoin de le préciser ? – une baisse de la qualité des services rendus à la population.

Peut-être, monsieur le secrétaire d'État, serez-vous aujourd’hui en mesure de répondre à mes interrogations sur la révision générale des politiques publiques et de nous démontrer ses bienfaits, en termes de réduction des coûts, bien sûr, mais aussi d’efficacité.

Derrière toutes ces réorganisations, ces fusions, ces fermetures, ces délocalisations, il y a des hommes et des femmes, fonctionnaires ou non, qui non seulement apportaient un service utile aux populations rurales, mais contribuaient également, du fait de leurs revenus, au développement harmonieux de notre territoire.

Ce développement est une force pour notre pays. Les zones rurales ne sont pas un boulet ; elles sont au contraire une chance. Leur attractivité économique, mais aussi résidentielle et touristique, amenant l’amélioration du cadre de vie et l’installation de nouvelles populations, dépendent du maintien et du développement des services publics.

Les collectivités locales, dont les finances sont malmenées par l’État, ne peuvent plus suppléer le désengagement de ce dernier : vous ne pouvez plus, à cet égard, vous abriter sous le parapluie des transferts de charges et de compétences ; les Français le savent et ils sont très inquiets.

Par conséquent, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, quelles sont les intentions et les perspectives d’action du Gouvernement pour lutter contre le développement de cette situation et éviter que la fracture territoriale ne s’aggrave de manière irrémédiable jusqu’à risquer, demain, de se transformer en un gouffre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie mon collègue Gérard Le Cam de m’avoir permis de parler avant lui. Les territoires ruraux étant parfois difficiles d’accès (Sourires), vous comprendrez que je ne puisse, à mon grand regret, assister à ce débat jusqu’à son terme. Je tenais néanmoins à m’exprimer, à ma manière, même si nous avons tous, quelle que soit notre sensibilité politique, la volonté de refléter les préoccupations du monde rural devant des évolutions et des réformes dont il ne doit pas être la victime. Je remercie M. Sutour de nous avoir fourni cette occasion de le faire.

Monsieur le secrétaire d'État, l’expérience que vous avez vécue en tant que maire d’une petite commune rurale avant de devenir maire de Toulon vous permettra sans doute de comprendre nos interrogations sur le nécessaire maintien, au sein de l’espace rural, d’un service au public, plutôt que d’un service public.

Il nous appartient, me semble-t-il, d’inventer des réponses qui soient adaptées aux exigences d’une gestion plus économe et d’une bonne qualité de service, ainsi qu’à une situation nouvelle.

En effet, si l’État assume certes une responsabilité directe en matière de sécurité et de justice, par exemple, il a aussi à jouer un rôle nouveau de garant des engagements pris, à l’égard des territoires ruraux, par de grandes entreprises, telles que La Poste, désormais chargées de certains services publics.

L’État voit donc sa mission évoluer en fonction des choix effectués.

En ce qui concerne la gendarmerie, nous souhaitons, monsieur le secrétaire d’État, que les programmes de réorganisation n’aient pas pour conséquence de vider l’espace rural et que la mise en place de communautés de brigades, par exemple, permette de répondre à l’exigence de maintien d’une présence dans un département comme la Lozère.

Nous savons que les services des finances vont se regrouper. La création de pôles financiers doit déboucher sur une amélioration du service rendu, et non par une disparition de ces services dans l’espace rural.

La loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux a créé un cadre nouveau. Son titre III traitait spécifiquement des services au public. La tenue d’une conférence de la ruralité était prévue, ainsi que l’élaboration d’une charte. Cela devait permettre d’engager une réflexion sur l’évolution de l’ensemble de ces services. Où en est-on, monsieur le secrétaire d’État, de cette démarche ?

Des dispositions législatives sont venues compléter ce cadre dans des domaines comme celui de la distribution d’énergie électrique, où la réorganisation intervenue a créé des situations nouvelles, ce qui a suscité certaines difficultés, en matière par exemple de raccordement au réseau de distribution. Électricité Réseau Distribution France, ERDF, qui travaille avec les structures intercommunales, n’est pas forcément en cause, mais un changement profond s’est produit dans le secteur de l’énergie électrique du fait de l’ouverture à la concurrence et de la séparation entre la production et la distribution. La conférence de la ruralité devrait nous permettre d’analyser objectivement les conséquences de telles évolutions.

Monsieur le secrétaire d’État, ces évolutions peuvent comporter des éléments très positifs, au-delà des conflits que nous vivons parfois, en tant qu’élus ruraux, lorsqu’il s’agit, par exemple, de demander à La Poste de prendre en compte la situation particulière de tel ou tel territoire. Les accords conclus entre La Poste et certaines communes peuvent ainsi permettre de maintenir une agence postale tout en y organisant l’apport d’autres services à la population.

Nous ne redoutons donc pas de poser clairement la question des services rendus au public.

Cela étant, nous voulons surtout vous alerter sur la nécessité de placer les évolutions technologiques au service de l’espace rural. La fracture numérique existe, or l’utilisation des nouvelles technologies représente sans doute une véritable chance pour les territoires ruraux.

Vous l’avez vous-même montré, monsieur le secrétaire d’État, en soutenant, par exemple, un projet d’installation de la fibre optique piloté par le syndicat mixte de l’A 75, qui, en offrant une capacité nouvelle en matière de haut débit, devrait inciter France Télécom à reconsidérer ses tarifs de location et d’utilisation de ses réseaux. De tels projets permettent de couvrir des collectivités autres que les grandes agglomérations ou les chefs-lieux.

Voilà tout un champ de réponses nouvelles qui s’ouvre à vous, monsieur le secrétaire d’État. Je m’étais réjoui de votre nomination dans vos fonctions actuelles, car il est capital pour nous d’avoir un interlocuteur au Gouvernement pour mener la réflexion, loin d’être aboutie, sur le maintien de l’attractivité de nos territoires ruraux et de la qualité de vie de nos populations.

Un autre domaine essentiel est aujourd’hui celui de la santé.