M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme d’aucuns l’ont déjà dit, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de parachever l’unification du contentieux de l’asile devant la CNDA, conformément aux préconisations du rapport Mazeaud sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration.

En conséquence, elle tend à modifier l’article L. 213-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en confiant à la Cour nationale du droit d’asile le soin de statuer sur les refus de demandes d’admission sur le territoire au titre de l’asile.

Sous des airs de simplification de la procédure, cette proposition de loi pose un certain nombre de problèmes qui tiennent, d’une part, à la compétence même de la Cour nationale du droit d’asile pour connaître d’un tel contentieux et, d’autre part, aux conséquences d’un tel transfert sur les droits des étrangers en zone d’attente.

Concernant le transfert de compétence opéré par cette proposition de loi, je serai brève.

Il est important de préciser que le contentieux de l’admission sur le territoire au titre de l’asile n’est pas un contentieux sur l’asile. Il intervient lors d’une phase très spéciale, au cours de laquelle l’étranger n’est pas encore entré en France. Celui-ci se trouve en zone internationale et peut être refoulé s’il ne possède pas tous les documents exigés à son entrée en France ou si sa requête est jugée infondée. C’est justement de cette demande d’entrée sur le territoire au titre d’une demande d’asile qu’il est question dans ce texte.

Ce n’est que sous réserve de son entrée en France que l’étranger pourra formuler une demande d’asile. L’admission au séjour conditionne donc le dépôt d’une demande d’asile.

Cette procédure d’admission au séjour, même si elle est intimement liée au droit d’asile dont la Cour nationale du droit d’asile est la garante, relève par nature de la police administrative des étrangers. C’est la raison pour laquelle elle était jusqu’à présent du ressort du juge administratif.

Elle a pour objet non pas de reconnaître si la demande d’asile de l’étranger est fondée, mais simplement d’autoriser ce dernier à entrer sur le territoire. Il s’agit donc de voir si la demande d’admission est fondée.

C’est là qu’apparaît le premier problème. En effet, en avalisant ce transfert de compétence du juge administratif vers la Cour nationale du droit d’asile, on assiste finalement à un glissement tendancieux vers l’examen au fond de la demande, au risque, me semble-t-il, d’une certaine confusion des procédures, pour ne pas dire d’une confusion certaine !

C’est tellement vrai qu’en réalité, lorsque la Cour nationale du droit d’asile devra apprécier dans quelle mesure une demande est manifestement infondée, elle devra nécessairement examiner au fond la demande d’asile. Il s’agit, à nos yeux, non plus seulement d’un ajustement, mais d’une véritable redéfinition des missions de cette juridiction.

On assistera alors à un paradoxe. Si la Cour annule un refus d’admission sur le territoire, elle sera à nouveau saisie au fond par l’étranger pour l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Les deux versants de sa compétence se rejoindront alors, qu’on le veuille ou non, pour converger vers l’octroi d’une protection.

En revanche, si la Cour refuse d’annuler un refus d’admission sur le territoire, en considérant que la demande est manifestement infondée, elle verrouille la possibilité ultérieure d’octroyer un statut à l’étranger.

Admettons que le maintien en zone d’attente de l’étranger soit annulé, que celui-ci soit libéré et qu’il ait accès au territoire français : il pourra alors demander l’asile, et la Cour sera amenée à examiner au fond sa requête. Elle aura à réexaminer au fond une demande qu’elle avait jugée une première fois infondée. Ne sera-t-elle pas liée par sa décision initiale ? Nous le craignons ! En tout cas, il existe clairement un risque de porter préjudice à un examen objectif de cette demande d’asile, qui aura déjà été jugée infondée une première fois par cette même Cour.

Le second problème que pose ce transfert de compétence concerne les droits des étrangers.

Depuis plusieurs années, je me bats pour la reconnaissance d’un droit à un recours suspensif pour tous les refus d’entrée, et pas seulement au titre de l’asile.

La loi du 20 novembre 2007, en créant le recours suspensif contre les décisions de refus d’entrée sur le territoire, avait de ce point de vue apporté une première pierre à l’édifice. Seulement, la présente proposition de loi signe l’arrêt des travaux en la matière, puisqu’elle enferme définitivement le recours suspensif existant dans le seul champ du droit d’asile, en raison de la spécialisation de la CNDA.

En adoptant cette proposition de loi, on renoncerait ipso facto à l’extension de ce recours suspensif à d’autres catégories d’étrangers, comme par exemple les mineurs isolés souhaitant rejoindre leur famille en France.

Une autre difficulté que je souhaite soulever est celle des étrangers qui se trouvent eux-mêmes en zone d’attente.

Cette proposition de loi a une inspiration économique indéniable : son objet est avant tout de rationaliser les coûts. Une telle rationalisation doit-elle pour autant faire l’impasse sur les droits élémentaires des étrangers ? La réponse est évidemment « non », mes chers collègues !

Pourtant, si l’on observe de plus près cette proposition de loi, certains détails nous font douter d’une telle préservation des droits des étrangers, notamment en ce qui concerne le droit à un procès équitable.

Il en est ainsi de l’assistance d’un interprète et d’un avocat, qui étaient explicitement visés par l’article L. 213-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que nous nous apprêtons à modifier. Comme par enchantement, ces garanties disparaissent de la proposition de loi qui nous est soumise…J’entends déjà M. le rapporteur nous dire que ces garanties sont prévues ailleurs dans le même code !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Tout à fait !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Dans ce cas, expliquez-moi alors pourquoi ces garanties étaient explicitement inscrites dans le texte issu de la réforme de 2007 ? Pourquoi une telle garantie est-elle prévue pour chacune des procédures spécifiques du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est une question de simplification.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je n’ai pas obtenu de réponses satisfaisantes sur cette question ; j’y reviendrai donc dans mes amendements.

Pour l’heure, je reste très inquiète des conséquences que pourrait avoir cette nouvelle procédure sur les droits de la défense des étrangers, notamment sur le respect des garanties minimales d’un procès équitable. En effet, je crains que la nouvelle procédure ne fasse fi de certaines garanties afin de réaliser son funeste dessein d’une justice expéditive, secrète et partiale. Je pourrais énumérer les illustrations de mes craintes, mais le temps me manque. J’y reviendrai ultérieurement au cours du débat.

Enfin, je souhaite également lier cette proposition de loi aux réformes envisagées au niveau européen. Monsieur le ministre, vous l’avez dit tout à l’heure, une refonte du « paquet asile » est en cours au sein de l’Union européenne, ainsi que des transpositions de directives relatives à Dublin II, à Eurodac ainsi qu’aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile et aux procédures d’asile, qui doivent être harmonisées.

Ici même, au Sénat, nous menons avec mon collègue Robert del Picchia des auditions dans la perspective d’un rapport que nous devons rendre sur cette question en juin 2009.

J’aimerais donc savoir quel est l’intérêt d’une telle proposition, qui n’entrera pas en vigueur avant 2011, sachant qu’une nouvelle directive viendra bientôt modifier l’architecture du droit d’asile en Europe.

La question se pose dès lors que la dernière réforme de l’admission au séjour au titre de l’asile est intervenue voilà seulement dix-huit mois... Ne pouvions-nous pas attendre un peu, plutôt que de demander à François-Noël Buffet de servir de véhicule législatif ? (Protestations sur les travées de lUMP.) C’est une réalité, mes chers collègues !

Enfin, pour conclure sur une note optimiste, je dirai que j’aurais voté des deux mains l’article 5 de cette proposition de loi s’il avait été le seul article de ce texte. Son objet est la mise en place, dès l’entrée en vigueur de cette loi, d’un délai de recours de soixante-douze heures contre les décisions de refus d’admission sur le territoire, au titre de l’asile, et la suppression de l’exigence de requête motivée, sans attendre 2011, date d’entrée en vigueur de l’article 1er.

Ces deux exigences, souvent demandées par les associations d’assistance aux étrangers, comme l’ANAFé, l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, nous les avions proposées en 2007, mais elles nous avaient été refusées. Les temps changent, les esprits évoluent et gagnent en pragmatisme ! Je remercie M. le rapporteur pour le courage dont il a fait preuve sur ce point précis.

Pour le reste, nous vous soumettrons plusieurs amendements tendant à rétablir dans cette proposition de loi ce que la procédure d’admission au séjour, au titre de l’asile, a perdu en termes de protection des droits fondamentaux des étrangers, notamment, je le répète, dans le champ du droit à un procès équitable.

Nous espérons que vous serez sensibles à nos demandes, qui ne sont que la traduction fidèle du droit européen et constitutionnel en la matière.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai brièvement aux différents orateurs sur certains des aspects qu’ils ont évoqués. Nous aurons certainement l’occasion d’approfondir ces questions lors de la discussion des articles.

M. Charles Gautier a choisi de faire porter l’essentiel de son intervention sur ce qu’il a appelé le « contexte ». Il a énoncé – il me pardonnera de le dire poliment mais clairement – un certain nombre de contre-vérités manifestes. Or on a beau répéter quatre-vingts fois une contre-vérité, comme cela s’est produit dans plusieurs domaines depuis quelques semaines, cela n’en fait pas pour autant une vérité !

Monsieur le sénateur, vous avez prononcé une phrase qui m’a fait sursauter : « À Calais, les migrants sont traités comme des délinquants ». (M. Charles Gautier acquiesce.) Comment pouvez-vous dire une chose pareille ?

J’ai rappelé voilà quelques minutes à la tribune que notre pays est un pays ouvert – ce n’est pas parce qu’il veut maîtriser ses flux migratoires qu’il ne l’est pas – et généreux, notamment en matière d’asile. C’est notre pays qui accueille le plus de réfugiés politiques en Europe. Il se situe en troisième position dans le monde, après les États-Unis et le Canada. Ce simple fait...

M. Charles Gautier. Ce n’est pas un fait, ce sont des paroles !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la vérité !

M. Éric Besson, ministre. Les chiffres sont des faits ! Contestez-vous aussi les chiffres ?

M. Charles Gautier. Non, je conteste le climat local !

M. Éric Besson, ministre. Le simple chiffre devrait vous dissuader d’énoncer de tels propos.

« À Calais, les migrants sont traités comme des délinquants », avez-vous dit. Or – je l’ai rappelé longuement tout à l’heure, et je serai cette fois synthétique –, l’État accueille et héberge les étrangers en situation irrégulière ; il aide les associations apportant assistance, appui juridique et moyens de subsistance à ces derniers.

Selon vos propos, le fait de proposer une couverture ou une assiette de riz pourrait constituer un délit. Si nous étions dans les couloirs du Sénat, je vous promettrais ma démission contre un seul exemple de condamnation de ce type !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sont non pas des condamnations, mais des poursuites !

M. Éric Besson, ministre. Mais comme nous sommes dans l’hémicycle, je m’en garderai, et je me garderai bien aussi de vous proposer la réciproque, qui vous ferait prendre de grands risques alors que votre contribution ici est fort significative ! (Sourires. –Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. Charles Gautier. Méfiez-vous, c’est vous qui prenez des risques !

M. Éric Besson, ministre. Il n’existe pas de délit de solidarité en France. J’aurai l’occasion d’y revenir, mais je le dis d’emblée.

Certains d’entre vous le savent –  je l’ai déjà souligné voilà quelques jours, à l’occasion du débat que vous avez initié, madame Escoffier, ce dont je vous remercie –, le délit de solidarité n’est pas une création récente. Il y a onze ans, Noël Mamère et un certain nombre d’associations reprochaient en effet à Jean-Pierre Chevènement et au Gouvernement ce qu’ils appelaient le « délit d’humanité », à savoir le fait que des associations et des particuliers étaient susceptibles d’être interpellés, gardés à vue ou condamnés sur la base de l’article L 622-1.

Jean-Pierre Chevènement avait démonté l’argument en démontrant largement l’absence de fondement de cette suspicion, ainsi que l’inutilité et le danger des amendements en question. Si la Haute Assemblée choisit d’en débattre, j’essaierai d’apporter la même démonstration puisque le problème est le même.

J’attire votre attention sur le mal que vous faites à la nation et à l’image de la France à l’extérieur en colportant ce type de contre-vérités. Suggérer que les migrants sont traités comme des délinquants, c’est grave !

Les migrants de Calais, les réfugiés potentiels, les étrangers en situation irrégulière se trouvant à Calais ne veulent pas rester sur notre territoire ! Le mal vient de là. Ils sont anglophones et anglophiles ; ils ont de la famille outre-Manche et veulent à tout prix rejoindre le Royaume-Uni !

S’ils voulaient rester sur notre territoire, nous pourrions bien mieux les traiter ! Le problème de leur hébergement, ce qu’on appelle la « jungle », est lié au fait qu’ils veulent non pas être hébergés mais pouvoir dormir à proximité immédiate de la zone portuaire, pour accroître leurs chances statistiques d’entrer illégalement, à bord d’un camion ou d’un bateau, sur le territoire britannique, lequel n’en veut pas. Voilà le drame de Calais ! La France n’y est pour rien, elle essaie de traiter correctement cette situation, et nous ne devrions pas dénigrer notre propre action.

En ce qui concerne le fond, vous avez évoqué la réforme de la procédure d’instruction des dossiers de naturalisation. La rationalisation a pour objet d’éviter une double instruction.

Actuellement, une double instruction est en effet menée dans les préfectures et à la sous-direction de l’accès à la nationalité française, installée à Rezé. C’est un gâchis, une perte de temps pour l’État et une sous-utilisation des capacités des fonctionnaires.

Il n’y aura pas de rupture du principe d’égalité. La décision reviendra toujours à l’autorité ministérielle. Le décret sera toujours signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre en charge de l’immigration. La sous-direction de l’accès à la nationalité française aura au contraire pour fonction de veiller à la bonne harmonisation. N’ayez donc aucune crainte à ce sujet.

D’ailleurs, pourquoi y aurait-il par essence, sauf à démontrer l’existence d’un microclimat particulier, de bons fonctionnaires républicains soucieux de l’intérêt général à Rezé, mais de mauvais préfets et des fonctionnaires peu soucieux de l’intérêt général et de l’état de droit républicain dans toutes les préfectures de France ? Je ne souscris pas à cette analyse. Il n’y a pas de remise en cause de la naturalisation. Cette dernière reste, dans la tradition française, le moyen privilégié d’accès à la citoyenneté. Je vous le rappelle, la France est le pays d’Europe le plus généreux en matière de naturalisation puisqu’elle n’exige que cinq ans de suivi.

J’ajoute, monsieur Gautier, que votre remarque concernant Calais tombe singulièrement mal : depuis lundi, à la demande des associations, les migrants du Calaisis qui souhaitent demander l’asile en France peuvent le faire à la sous-préfecture de Calais. En effet, pour éviter aux étrangers en situation irrégulière et aux associations les aidant de faire les cent kilomètres qui séparent Calais d’Arras, l’État français, à ma demande, et après discussion avec les associations, a ouvert cette semaine une permanence,. Ainsi, ceux qui souhaiteraient demander l’asile en France pourront le faire à Calais. Vous aurez sans doute l’occasion tout à l’heure de m’en donner acte et de saluer la République française.

M. Zocchetto a parfaitement résumé les raisons pour lesquelles cette réforme peut être utile et nécessaire en évoquant ce que pourraient apporter des magistrats spécialisés. Je souscris à ses propos et n’y reviendrai donc que très brièvement.

Comme Mme Escoffier après lui, M. Zocchetto a insisté sur un point important : la réforme ne sera réussie que si nous donnons réellement des moyens à la CNDA. Comme ils l’ont tous deux souligné, le Parlement a voté l’affectation à cette dernière de dix juges permanents. C’est une grande avancée.

S’agissant du transfert des effectifs et des moyens des tribunaux administratifs à la CNDA, ainsi que des aménagements qui seront opérés au sein de la juridiction administrative, je rappelle que la CNDA est rattachée en gestion au Conseil d’État. La réforme aura donc une grande cohérence.

Mais nous avons besoin de temps. C’est pourquoi j’ai évoqué l’échéance de 2011. Comme vous, madame Escoffier – et vos propos renforcent encore ma détermination à cet égard –, j’espère que la réforme sera réalisée dans un délai plus court. Elle le sera en tout cas en 2011 au plus tard, mais nous essayerons d’aller plus vite et de tenir compte de vos remarques légitimes.

Madame Assassi, vous faites preuve d’une très grande constance : je retrouve en effet dans le propos que vous avez tenu tout à l’heure les positions que vous aviez défendues la semaine dernière, lors du débat sur la politique de lutte contre l’immigration clandestine.

Mais votre conviction est fondée sur un présupposé selon lequel la France traite mal les étrangers qui sont présents sur son sol ou qui souhaiteraient y venir, et veut ériger des barrières à l’entrée de son territoire. Vous êtes convaincue de nos mauvaises intentions et vous battez en brèche tous les arguments que l’on peut vous présenter...

Mme Éliane Assassi. C’est la réalité qui les bat en brèche, ce n’est pas moi !

M. Éric Besson, ministre. Ces arguments prouvent pourtant que vous avez tort.

En effet, l’Europe et la France ont accepté l’immigration légale ; 200 000 étrangers entrent chaque année sur notre sol au titre du long séjour ; deux millions de titres de court séjour sont accordés chaque année à des étrangers ; 100 000 personnes accèdent à la nationalité française chaque année ; et la France est le pays le plus généreux en termes de droit d’asile, et donc de réfugiés politiques venant s’installer sur son sol.

En outre, concernant la rétention administrative, sujet qui vous inquiète, je vous rappelle que la France, avec trente-deux jours légalement et dix jours dans les faits, a le délai de rétention le plus court en Europe. Ce délai est de trois mois ou de six mois dans de nombreux pays européens ; il est ailleurs encore de douze mois ou de vingt-quatre mois. Six pays européens appliquent même une durée de détention illimitée ! Madame la sénatrice, la France n’est pas telle que vous la décrivez !

Comme vous nous soupçonnez de mauvaises intentions, vous discutez non plus des faits mais de nos intentions supposées, ce qui rend le débat certes intéressant, mais surtout un peu plus complexe, comme vous en conviendrez.

Il n’y a pas et il n’y aura pas de confusion entre l’immigration et l’asile. Aucune confusion n’est possible pour les personnes de bonne foi.

L’OFPRA examine les demandes et statue en toute indépendance. Et le ministre de l’immigration, que ce soit mon prédécesseur ou moi-même, a toujours avalisé sans aucune exception les avis de l’OFPRA. Ce dernier agit donc en toute indépendance.

Par ailleurs, la CNDA est le juge de l’asile. La réforme, loin d’instaurer une confusion, comme vous le suggérez, instaure au contraire une distinction absolue.

Mais ne soyons pas naïfs : certaines personnes cherchent à entrer en France sous couvert de l’asile pour des raisons économiques, situation qualifiée par certains spécialistes d’« asile économique ». C’est humainement compréhensible et respectable, mais nous sommes obligés de renforcer la distinction à cet égard.

J’en viens maintenant à l’intervention de Mme Escoffier, qui a tenu des propos justes et équilibrés. Celle-ci considère que la proposition de loi de François-Noël Buffet apporte des améliorations certes modestes, pour reprendre ses propres mots, mais réelles, à défaut d’être révolutionnaires. C’est ainsi qu’il faut considérer, par exemple, la proposition de M. le rapporteur et de la commission de prolonger le délai de recours, proposition à laquelle le Gouvernement souscrit.

J’aurai l’occasion, dans la discussion des articles, de redire quelques mots sur le concept de « requête motivée ».

Madame Boumediene-Thiery, vous avez évoqué le contenu de la réforme du droit d’asile. Le texte est clair : la vérification porte exclusivement sur le caractère « manifestement infondé » de la demande d’entrée en France afin de bénéficier de ce droit.

Par ailleurs, pour répondre à la deuxième préoccupation que vous avez exprimée, je tiens à vous préciser que la CNDA ne sera pas liée par sa décision initiale, ni dans un sens ni dans l’autre.

Ensuite, sachez que votre suggestion visant à reconnaître un droit à un recours suspensif pour tous les refus d’entrée, et pas seulement au titre de l’asile, conduirait dans les faits à abolir toute distinction entre asile et immigration, et donc à une plus grande confusion. Nous y reviendrons peut-être au cours du débat.

En ce qui concerne les mineurs isolés, j’ai mis en place un groupe de travail afin qu’il se penche sur cette question. Reconnaissons que nous sommes confrontés à une difficulté particulière liée, là encore, à notre générosité : la France se montre particulièrement accueillante envers les jeunes mineurs isolés entrant sur son territoire, qu’elle traite fort correctement ; néanmoins, une fois que ceux-ci sont parvenus à la majorité, les difficultés apparaissent, et ce sont ces dernières que je m’efforce de traiter.

Madame la sénatrice, la première partie de votre intervention était technique. En revanche, vous avez évoqué dans la seconde partie ce que seraient les noirs desseins du Gouvernement, affirmant – cela m’a presque rassuré – que nous voulions une justice « expéditive, secrète, partiale ». De ce jugement, je dirai qu’il est certes expéditif et partial, mais qu’il a le mérite d’être public, et donc de ne pas rester secret ! (Sourires.)

En revanche, je salue l’hommage que vous rendez à l’article 5 et à l’avancée proposée par M. le rapporteur et la commission. Quand j’étais jeune, une publicité affirmait que ce qui est rare et cher. Vos compliments sont rares ; ils sont donc chers… (Sourires. – applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Michel Charasse applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.