Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au transfert du contentieux des décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. C. Gautier, Bel, Mermaz et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat et Frimat, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Povinelli, Sueur, Sutour, Tuheiava, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Les quatre premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« Sous réserve des exemptions prévues à l'article L. 622-4, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée ou, à titre onéreux, le séjour irréguliers d'un étranger en France ou le transit irrégulier d'un étranger par la France, sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros.

« Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura commis le délit défini au premier alinéa du présent article alors qu'il se trouvait sur le territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.

« Sous réserve des exemptions prévues à l'article L. 622-4, sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée ou, à titre onéreux, le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ou le transit irrégulier d'un étranger par le territoire d'un tel État.

« Sous réserve des exemptions prévues à l'article L. 622-4, sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, ou, à titre onéreux, le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000, ou le transit irrégulier d'un étranger par le territoire d'un tel État. »

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement a pour objet de modifier l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant les sanctions en cas d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour d'un étranger en situation irrégulière.

Il vise ainsi, tout d’abord, à dépénaliser toute aide à l’entrée, au séjour ou au transit lorsque la sauvegarde de la vie ou l'intégrité physique de l'étranger est en jeu, sauf si cette aide a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte, ensuite, à remplacer le terme trop général de « circulation » par celui de « transit », enfin, à ne  sanctionner l'aide au séjour irrégulier que dans le cas où cette aide se ferait à titre onéreux.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Dans les premier, troisième et quatrième alinéas, après le mot : « faciliter », sont insérés les mots : « dans un but lucratif » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits ayant, en vertu de leurs statuts, vocation, en France, à défendre ou à assister les personnes étrangères sont exclues du champ d'application de cet article. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je profiterai de l’examen de cette proposition de loi pour revenir, en y insistant, sur la question du délit de solidarité. Rassurez-vous, mes chers collègues, je ne réitérerai pas les propos que j’ai déjà eu l’occasion de tenir ici même la semaine dernière, lors du débat sur la politique de lutte contre l’immigration clandestine. Néanmoins, j’insisterai brièvement sur quelques points.

Voilà des années que le groupe communiste distingue clairement l’action mafieuse des réseaux criminels de celle des femmes et des hommes ordinaires qui viennent en aide à des étrangers en situation irrégulière. De façon récurrente, lors de l’examen de chaque texte relatif à l’immigration, nous déposons des amendements à ce sujet, amendements que nous avons repris sous la forme d’une proposition de loi, déposée le 18 mars dernier.

Pourquoi sommes-nous obligés de déposer des propositions de loi ? Tout simplement, monsieur le ministre, parce que votre politique du chiffre – 27 000, 28 000, 30 000 expulsions par an – inquiète des personnes honnêtes, désintéressées, qui agissent par humanité, contrairement aux passeurs. Je doute que les explications que vous avez apportées sur le délit de solidarité aient été bien audibles. J’en veux pour preuve le nouveau manifeste paru dans la presse que viennent de signer un certain nombre de personnalités. Celles-ci réclament que les personnes ayant, par aide directe ou indirecte, facilité l’entrée, la circulation ou le séjour d’une personne en situation irrégulière dans un but non lucratif, ainsi que les associations dont l’objet est précisément d’aider les étrangers, ne puissent pas faire l’objet de poursuites judiciaires. De toute évidence, les craintes persistent.

Monsieur le ministre, vous avez beau puiser vos arguments dans ce qu’aurait pu dire en son temps M. Chevènement, ceux-ci ne passent pas ! Je partage d’autant plus les inquiétudes qui se sont fait jour que certaines situations confinent à l’absurde. C’est justement pour mettre fin à ces situations et à l’arrestation de personnes qui ne sont en rien des délinquants que j’ai de nouveau déposé cet amendement dans le cadre de la discussion de la présente proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 1 rectifié bis tend à modifier la définition des délits d’aide à l’entrée et au séjour des étrangers en situation irrégulière. Il reprend les termes de la proposition de loi visant à supprimer le délit de solidarité, déposée au Sénat le 8 avril dernier par le groupe socialiste.

Je rappelle que cette proposition de loi est elle-même pratiquement identique à la proposition de loi n° 1 542 déposée par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale le 18 mars dernier, texte rejeté par les députés jeudi dernier.

Il semble difficile à la commission d’examiner cette question dans le cadre de la proposition de loi relative à l’asile ; ce sujet mérite un examen approfondi distinct. La présente proposition de loi ne doit pas être le prétexte pour rouvrir un débat sur toutes les questions relatives à l’asile et à l’immigration. En conséquence, au nom de la commission, je demande à l’auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer.

S’agissant de l’amendement n° 26, je ferai une réponse identique. Néanmoins, je précise qu’il reprend les termes de la proposition de loi n° 291 des mêmes auteurs. Sans se prononcer sur le fond, la commission estime que la question est complexe et qu’elle mérite un examen distinct. C’est pourquoi j’invite également au retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Madame Assassi, vous dites que nos propos ne passent pas, suggérant que les explications apportées par le Gouvernement ou par moi-même ne seraient pas audibles. Il serait faux d’affirmer cela au seul prétexte que des intellectuels ou des artistes ont rédigé, comme c’est leur droit, un manifeste. Je maintiens que le peuple français comprend et partage la politique de fermeté et d’humanité…

Mme Éliane Assassi. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Éric Besson, ministre. …qui est celle du Gouvernement français et celle de l’ensemble de nos partenaires européens,…

Mme Éliane Assassi. Je la combats !

M. Éric Besson, ministre. …celle de tous les gouvernements, qu’il s’agisse des gouvernements socialistes portugais et espagnols ou du gouvernement travailliste britannique. Je le répète, nous menons tous la même politique, et je ne discerne nulle proposition d’une autre politique en la matière.

Madame la sénatrice, j’attire votre attention sur le fait que, par chance, la France n’est pas touchée par les mouvements xénophobes qui sont en train de gagner, à la faveur de la crise économique, l’ensemble du monde et une bonne partie de l’Europe. Je forme le vœu que cette situation perdure. En France, Dieu merci ! – un dieu laïc, monsieur Charasse ! (Sourires.) –, les étrangers, et notamment les travailleurs étrangers, ne sont pas montrés du doigt, ne servent pas de bouc émissaire. Chacun ira de son explication. Pour ma part, j’y vois un indice sérieux que cette politique alliant fermeté et humanité est comprise par le peuple français.

Il existe un lien absolu entre immigration légale et intégration. Si l’on veut intégrer les étrangers sur notre territoire, il faut en passer par une immigration légale. À l’inverse, les exemples d’ouverture supposée généreuse des frontières ont toujours abouti au résultat inverse, à savoir le développement des marchands de sommeil, la montée du racisme et de la xénophobie, l’échec de l’intégration. De même, toutes les actions dites « de régularisation massive » ont conduit à des échecs et provoqué des appels d’air.

Madame Assassi, monsieur Gautier, depuis trois mois que cette question a resurgi dans le débat public, personne, pas une association, n’a pu rapporter qu’un particulier ou un bénévole aurait été condamné pour avoir porté secours à un étranger en situation irrégulière, pour l’avoir hébergé provisoirement ou pris en auto-stop, pour lui avoir donné à manger, etc. Depuis plus de soixante-trois ans que cet article L. 622–1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est en vigueur, aucune condamnation n’a jamais été prononcée. Ce que certains appellent le délit de solidarité est un délit pour le moins mythique, fantasmé, rêvé. Il est donc difficile de supprimer quelque chose qui n’existe pas !

En outre, madame la sénatrice, vous proposez que les associations à but non lucratif qui portent assistance aux étrangers en situation irrégulière soient exclues du champ d’application de cet article. C’est précisément sur ce point que je m’étais permis de reprendre la démonstration de Jean-Pierre Chevènement, qui, confronté à cette même suggestion, avait opposé les mêmes arguments.

Madame Assassi, monsieur Gautier, notre loi de 1901 sur les associations est l’une des plus libérales en Europe, si ce n’est la plus libérale. Dès lors, il serait très facile à deux ou trois passeurs de créer une association de ce type à vocation supposée humanitaire afin de se protéger de toute poursuite, de toute perquisition, de toute interpellation.

En 1998, le Parlement avait confié au Gouvernement le soin de fixer, par décret, la liste des associations bénéficiant d’une protection légale. Jean-Pierre Chevènement avait alors expliqué les risques que faisait courir une telle disposition. Or il se trouve que celle-ci fut censurée par le Conseil constitutionnel. Depuis lors, nous en sommes là.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’existe pas de délit de solidarité dans notre pays. J’aurai peut-être l’occasion de revenir sur cette question si la proposition de loi que certains d’entre vous ont déposée est examinée par votre assemblée.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l’amendement n° 1 rectifié bis.

M. Michel Charasse. J’ai écouté avec beaucoup d’attention M. le ministre, et c’est vrai que, sur le fond et juridiquement, il a raison. Seulement, le problème qui se pose, et qui s’est posé au cours des deux ou trois derniers hivers, donc avant qu’il n’accède à ses responsabilités actuelles, c’est qu’il arrive fréquemment que des interpellations soient effectuées par les forces de l’ordre à l’encontre de bénévoles qui sont derrière un camion pour distribuer la soupe de nuit.

Les intéressés – étrangers sans papiers et bénévoles – sont conduits au commissariat, interrogés et gardés jusqu’à quatre ou cinq heures du matin avant d’être finalement libérés sans qu’aucune poursuite soit engagée.

Monsieur le ministre, vous avez tout à fait raison sur les poursuites, mais aucune trace des interpellations dont je parle n’existe dans les statistiques du ministère de l’intérieur ou du ministère de la justice.

Les associations caritatives sont évidemment très perturbées, et j’ai donc beaucoup réfléchi à cette situation.

Faut-il régler le problème par un texte législatif ? Évidemment, on peut le penser !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Michel Charasse. Mais ne faut-il pas essayer d’intervenir par d’autres voies ? On peut le penser aussi !

Par exemple, si l’on donnait aux forces de l’ordre les instructions fermes et précises nécessaires, on éviterait ces interventions intempestives et la question serait largement réglée, au moins pour cet aspect particulier du problème.

Monsieur le ministre, il faut cesser ce petit jeu qui consiste à embêter gratuitement quelques bénévoles d’Emmaüs, des Restos du cœur ou d’autres associations, à leur faire passer, pour rien, la nuit au commissariat sans qu’aucune trace de cet incident apparaisse dans les statistiques du ministère de l’intérieur ou du ministère de la justice. Tel est le problème.

Il s’agit souvent de bénévoles qui, dans la journée, ont du travail, un emploi. Ce ne sont pas des habitués du désordre ou de l’incivisme, ni des complices d’organisations de passeurs à but lucratif. Ils ne font que distribuer de la soupe à des gens qui ont faim et froid, à onze heures du soir, sur l’esplanade des Invalides, à la gare Saint-Lazare ou ailleurs, à Paris ou en province, en plein hiver glacial. Il faut arrêter de les harceler. Un bon moyen serait de donner les instructions nécessaires aux forces de l’ordre pour que ce genre de choses cesse enfin. (M. Charles Gautier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. J’ai été sensible au ton, à la qualité et à la précision de l’intervention de M. Charasse.

Sur le fond, à la suite de certaines affaires qui ont défrayé la chronique, la police française a reçu des instructions très précises. Elle n’interpelle pas les étrangers en situation irrégulière lorsqu’ils se présentent à la préfecture ou dans un hôpital. Elle ne les interpelle pas non plus à la sortie des écoles, ni, en principe, à proximité des lieux où ils doivent recevoir secours, assistance, repas. (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.)

Vous m’avez signalé, lors d’une conversation que nous avons eue dans les couloirs du Sénat, un certain nombre de cas où il y aurait pu avoir erreur, ou mauvaise manière. Je n’en disconviens pas. Je vous crois sur parole.

Comme nous l’avions évoqué ensemble, j’ai demandé à mes services d’examiner la possibilité de lever toute ambigüité, soit dans une circulaire globale qui serait contresignée par les ministres en charge de ces questions, soit – mais cela peut être « et » – dans une circulaire assortie d’un nouveau livret d’accompagnement et d’explications.

Je vous remercie d’avoir pris acte du fait qu’il n’existait pas de condamnation. Vous évoquez les risques d’interpellation. Eh bien, travaillons sur ce sujet ! Notre pays a fait un très grand pas ces dernières années. Si l’on peut encore améliorer et clarifier les choses, je le ferai avec plaisir.

M. Michel Charasse. Très bien ! Si l’on peut faire simple, c’est mieux !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. M. le ministre indique qu’il n’y a pas de condamnation. Toutefois, comme l’a souligné M. Charasse, il arrive que des bénévoles soient interpellés.

L’association Les Bancs publics nous a fait parvenir un rapport faisant mention du fait que plusieurs personnes ont été poursuivies, convoquées par un juge, voire mises en examen. Parfois, les condamnations étaient symboliques ; parfois, il ne s’agissait que de rappels à l’ordre. Mais il n’en demeure pas moins que ces personnes ont été poursuivies et convoquées par un juge. Il est souhaitable que des éclaircissements soient apportés sur ces exemples précis.

M. le ministre nous parle beaucoup de l’Europe. Et il est vrai que l’Europe travaille sur le « paquet asile » et qu’elle s’apprête à le modifier. Par ailleurs, des transpositions de directives sont en cours – Dublin II, Eurodac – en vue de l’harmonisation des procédures et des conditions d’accueil.

Toutes ces questions devraient faire l’objet d’un rapport au mois de juin. Pourquoi ne pas attendre la publication de ce rapport avant de modifier notre législation ? Pourquoi vouloir aujourd’hui voter une loi, qui ne devrait d’ailleurs être appliquée qu’en 2011, alors que, dans quelques mois, il y aura de nouvelles directives européennes ? Il y a là une démarche que je ne m’explique pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l’amendement no 26.

M. Michel Charasse. Même si l’on modifiait la loi dans le sens que proposaient mes amis M. Charles Gautier et Mme Alima Boumediene-Thiery et que souhaite Mme Éliane Assassi, on ne réglerait pas le problème que je viens de soulever,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr que non !

M. Michel Charasse. …à savoir la mise en garde à vue la moitié de la nuit pour libérer l’intéressé à six heures du matin.

Soit il faut rédiger un texte législatif d’une façon tout à fait différente, soit il faut dire aux forces de l’ordre d’arrêter ce « petit jeu ».

M. Charles Gautier. Ce serait mieux !

M. Michel Charasse. Il n’est pas normal que le bénévole d’une association caritative passe la nuit au commissariat parce qu’il a donné un bol de soupe à un type qui crevait de faim et de froid !

Mmes Éliane Assassi et Alima Boumediene-Thiery. Nous sommes tous d’accord !

M. Michel Charasse. Mes chers collègues, votre texte vise des cas qui ne sont pas couverts par ce que je dis, car on ne donne pas une suite judiciaire à l’interpellation, mais on embête les gens en les gardant au commissariat une bonne partie de la nuit. Il faut que cela s’arrête. Si l’on veut décourager les bénévoles, il n’y a pas de meilleur moyen !

Je suis satisfait de la réponse de M. le ministre. Il faut donner des instructions précises aux forces de l’ordre pour arrêter ce « petit jeu », notamment celui qui consiste à répondre à l’appel téléphonique de quelque bourgeois grincheux ou d’un petit groupe de bourgeois qui sont gênés ou dérangés de voir le camion d’Emmaüs ou des Restos du cœur sous leurs fenêtres. La police débarque, met la pagaille, et c’est tout. La misère n’est pas soignée, mais le bourgeois peut dormir tranquille. J’estime que cela suffit ! (M. Pierre Fauchon s’exclame.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. C Gautier, Bel, Mermaz et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat et Frimat, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Povinelli, Sueur, Sutour, Tuheiava, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le 3° est ainsi rédigé :

« 3° De toute personne physique ou morale qui sera intervenue pour préserver les droits, la dignité ou l'intégrité physique de l'étranger, sauf si cette aide a été réalisée à titre onéreux ; »

2° Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° De tous les établissements et services visés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, ainsi que leurs salariés et bénévoles lorsqu'ils agissent dans le cadre de ces établissements et services, ainsi que des agents publics, professions libérales, salariés et bénévoles intervenant au sein de différentes structures qui ont pour mission d'accompagner et d'assurer une prise en charge des personnes en difficulté, dont certaines sont des étrangers en situation irrégulière - que cette prise en charge soit sanitaire, sociale ou juridique. »

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le quatrième alinéa (3°) est ainsi rédigé :

« 3° De toute personne physique ou morale qui sera intervenue pour préserver les droits et la dignité ou l'intégrité physique de l'étranger, sauf si cette aide a été réalisée dans un but lucratif. »

2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 4° De tous les établissements et services visés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, et de leurs salariés et bénévoles lorsqu'ils agissent dans le cadre de ces établissements et services, ainsi que des agents publics, des professionnels qui aident et aux associations de défense des droits et des associations à but humanitaire. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement est lié à l’amendement n° 26, précédemment examiné. Nous souhaitons que ne soient pas non plus concernés par le délit d’aide au séjour irrégulier les établissements et services de santé, ainsi que leurs bénévoles et salariés lorsqu’ils agissent dans le cadre de ces établissements et services.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, la commission souhaite le retrait de ces amendements. À défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

« Cette décision est notifiée à l'intéressé avec mention de son droit d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix. La décision mentionne également son droit d'introduire un recours en annulation sur le fondement de l'article L. 213-9 et précise les voies et délais de ce recours. La décision et la notification des droits qui l'accompagne doivent lui être communiquées dans une langue qu'il comprend. » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En aucun cas, le refus d'entrée ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration du délai d'un jour franc. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. La loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a bien créé un recours suspensif de la décision du refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile, mais ce recours est loin d’être effectif.

La loi limite le droit à un recours suspensif aux seuls demandeurs d’asile et ne prévoit rien pour les étrangers maintenus en zone d’attente. Cet amendement vise donc à étendre ce droit à tous les étrangers maintenus en zone d’attente.

Par ailleurs, afin de renforcer l’effectivité du recours, nous voulons rétablir le délai d’un jour franc systématique avant qu’un étranger puisse être rapatrié.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à étendre la procédure de recours suspensif, qui est applicable aux décisions de refus d’entrée au titre de l’asile, à toutes les décisions de refus d’entrée en France, quel qu’en soit le motif.

Je rappelle que l’arrêt Gebremedhin, rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, ne portait que sur le cas des demandeurs d’asile à la frontière, qui sont des demandeurs dans une situation particulière. En effet, en cas d’erreur d’appréciation par l’administration, leur refoulement peut avoir des conséquences immédiates sur leur sécurité. Le caractère suspensif du recours découle du principe conventionnel de non-refoulement des demandeurs d’asile.

Les autres étrangers maintenus en zone d’attente ne sont pas exposés aux mêmes risques, et la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Je ne reprendrai pas les termes du rapporteur qui correspondent tout à fait à l’analyse du Gouvernement.

Madame la sénatrice, la mise en pratique de votre amendement aurait des conséquences désastreuses sur notre système de lutte contre l’immigration clandestine. Elle favoriserait en effet les recours dilatoires, entraînerait une rapide saturation des zones d’attente et, en conséquence, l’entrée en France d’un nombre important d’étrangers en situation irrégulière.

Il faut donc continuer à opérer une différence entre les demandeurs d’asile, dont la situation particulière doit être prise en compte, et les étrangers auxquels l’entrée en France a été refusée pour des défauts de documents ou de visas exigés par les textes et qui ne font l’objet d’aucune menace dans leur pays d’origine. Cette distinction est très importante, faute de quoi il y a embouteillage, gâchis et risques.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 28.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)