Mme Dominique Voynet. Voilà que M. Barbier trahit ici nos secrets ! (Sourires.) Nous avons effectivement, dans une autre vie, travaillé ensemble, lui en tant que chirurgien, moi en tant qu’anesthésiste, au sein d’une même équipe. Nous évitions souvent – pas toujours, mais souvent – les discussions politiques, pour pouvoir rester concentrés sur notre travail. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

Mme Isabelle Debré. Cela valait mieux pour le patient ! Nous voilà rassurés !

Mme Dominique Voynet. Nous étions attentifs à la qualité des soins et au bien-être des patients !

J’en viens à l’amendement n° 311.

Aujourd’hui, tout le monde, ou presque, le sait, les médicaments génériques sont disponibles sous de nombreuses formes et offrent un grand choix de traitements adaptés à tous les patients. Ils sont en moyenne 30 % moins cher que les médicaments de marque, pour une efficacité et une qualité identiques.

À l’heure où la sécurité sociale presse les médecins libéraux et les pharmaciens de délivrer, dans la mesure du possible, des médicaments génériques à leurs patients, rien ne semble être fait du côté de l’hôpital pour les promouvoir. Cela aurait pourtant le grand mérite de favoriser une baisse du coût moyen d’acquisition des médicaments, qui représente un poste important du budget des établissements hospitaliers.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les médicaments princeps sont parfois moins chers que les médicaments génériques !

Mme Dominique Voynet. Monsieur About, dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses et dans l’optique de mettre fin à l’idée, encore trop répandue, que les médicaments génériques pourraient être d’une efficacité inférieure, il me semble important d’encourager leur usage à l’hôpital. Mais sans doute allez-vous me répondre que l’alinéa dont il est question traite d’un autre sujet, à savoir la sécurité des soins.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

Mme Dominique Voynet. En outre, nous devrions être plus vigilants en ce qui concerne les dispositifs médicaux stériles à usage unique, également mentionnés dans le texte en question, car leur prix est souvent extravagant.

J’ai personnellement étudié le coût de certains de ces matériels utilisés en grande quantité dans nos hôpitaux. Le prix d’une sonde urinaire, avec un sac de recueil, peut ainsi atteindre plusieurs centaines d’euros, alors que ceux-ci sont utilisés pour des dizaines, voire des centaines de malades dans un même établissement et qu’ils sont changés tous les jours : voilà qui est profondément choquant !

Il faut donc examiner cette question de très près, car le fait d’établir une relation un peu plus serrée avec les fournisseurs permettrait d’apporter des améliorations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je tiens tout d’abord à rappeler que les génériques sont aussi des médicaments.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Alain Milon, rapporteur. La précision demandée par les auteurs des amendements nos 586 rectifié bis et 311 n’est donc pas indispensable.

Par ailleurs, s’il est souhaitable que, lors des prescriptions réalisées en ville, les médecins hospitaliers aient davantage le réflexe « génériques », il faut rappeler que, dans le cadre de l’hôpital, l’utilisation de tels médicaments ne diminue pas forcément les dépenses.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

M. Alain Milon, rapporteur. Cela étant, la commission ayant été, dans sa majorité, sensible aux préoccupations des auteurs de ces deux amendements, elle a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Voynet, monsieur Barbier, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements, non pas, bien entendu, sur le fond, car nul n’est plus attaché que moi à la diffusion des médicaments génériques et à leur qualité.

Ces derniers, comme les médicaments princeps, sont soumis à une autorisation de mise sur le marché, ou AMM, qui garantit la qualité et la sécurité de l’utilisation des produits. Les médicaments génériques sont ainsi évalués avec la même rigueur, dans les mêmes conditions et selon les mêmes critères que les autres médicaments.

Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre de l’Union européenne sans qu’une AMM ait été délivrée par l’autorité compétente, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou l’Agence européenne des médicaments. Une telle démarche nous donne toutes les assurances en termes de qualité.

Si vous souhaitez développer les médicaments génériques dans les établissements de santé, c’est bien sûr pour des raisons économiques, afin d’obtenir les produits au meilleur coût.

M. François Autain. Pas seulement !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien évidemment, j’entends moi aussi développer l’utilisation des médicaments génériques à l’hôpital ; ils font partie intégrante de la politique du médicament que les établissements de santé mettent en place.

Toutefois – le président Nicolas About pourra sans doute confirmer mes propos –, la politique d’achat des médicaments repose sur des appels d’offres, et il peut arriver que le médicament princeps soit moins cher que le médicament générique.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il s’agit donc d’une question non pas de qualité, mais de coût. L’intérêt de l’hôpital est d’acheter au mieux-disant, qui peut être, dans certains cas, le fabricant du médicament princeps et, dans d’autres, le fournisseur du médicament générique.

Croyez-moi, les pharmaciens hospitaliers font extrêmement attention au respect des procédures et veillent, bien entendu, à acheter les produits au meilleur coût. Il s’avère qu’à l’hôpital certains médicaments peuvent être achetés à très bas prix, parce que les laboratoires consentent de très fortes ristournes pour obtenir le marché.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Aussi la promotion des médicaments génériques à l’hôpital doit-elle surtout s’accompagner du développement de la prescription en dénomination commune internationale, ou DCI,...

M. François Autain. Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. …particulièrement pour les ordonnances de sortie et pour celles qui sont délivrées à l’occasion de consultations externes. Ce faisant, les officines pourront délivrer des médicaments génériques.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les textes d’application du projet de loi préciseront les dispositions à mettre en œuvre dans le domaine de la politique du médicament, en matière, notamment, de prescription, de bon usage et de lutte contre la iatrogénie médicamenteuse.

Par conséquent, madame Voynet, monsieur Barbier, vos préoccupations sont largement satisfaites.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l’amendement n° 586 rectifié bis.

Mme Dominique Voynet. Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes ici confrontés au syndrome dit « du lait maternisé ». Vous connaissez tous le comportement de ces laboratoires qui distribuent larga manu des échantillons de lait aux mamans en sachant très bien qu’une grande majorité d’entre elles, à leur sortie de la maternité, continueront à acheter la même marque de lait que celle à laquelle elles se sont habituées pendant leur hospitalisation. Voilà comme cela fonctionne !

M. François Autain. C’est du marketing !

Mme Dominique Voynet. Le médicament princeps acheté sur appel d’offres peut, certes, s’avérer très peu coûteux, mais le même médicament, vendu en ville, sera assurément plus cher que le médicament générique.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le pharmacien procédera à la substitution !

Mme Dominique Voynet. Il importe d’étudier de nouveau cette question. La stratégie développée par les laboratoires au sein des hôpitaux est efficace : dans l’esprit des patients, puisque c’est le médicament princeps qui leur a été délivré à l’hôpital, c’est sans doute parce qu’il est meilleur que le médicament générique que l’on cherche à leur « refiler » après leur sortie.

Mme Dominique Voynet. Par conséquent, si l’on veut donner à penser que le médicament générique est effectivement d’une qualité identique, on doit faire en sorte qu’il soit aussi prescrit de façon banale à l’hôpital.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Personne ne dit le contraire, mais l'hôpital est lié au résultat de l’appel d’offres. Les fournisseurs de médicaments génériques n’ont qu’à baisser leurs prix !

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Madame la ministre, ce n’est pas uniquement pour des raisons économiques que l’on doit encourager la prescription des médicaments génériques à l’hôpital.

Vous vous en souvenez sans doute, c’est lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 que nous avons rendu obligatoire la prescription en DCI des médicaments pour les médecins généralistes. Cette décision sera d’ailleurs sans doute difficile à mettre en œuvre. Pour autant, dès lors qu’une telle obligation incombe aux médecins, il faudrait les former à cette prescription, et le meilleur moyen pour ce faire est de développer, à l’hôpital, la prescription en DCI, par le biais des médicaments génériques.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre, et M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela n’a rien à voir !

M. François Autain. La mesure proposée n’a donc pas seulement un avantage économique : elle a aussi une vertu pédagogique.

Pour cette raison, je soutiendrai les amendements nos 586 rectifié bis et 311. Je ne comprends d’ailleurs pas que vous vous opposiez à cette disposition, madame la ministre, puisque vous avez reconnu vous-même dans votre intervention qu’elle présentait nombre d’avantages.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, tout le monde l’aura compris, l’hôpital passe un appel d’offres, et c’est le mieux-disant qui l’emporte, qu’il s’agisse, je le répète, de médicaments génériques ou de médicaments princeps. Le développement de la prescription en DCI relève d’une démarche à laquelle je souscris, mais il s’agit d’une tout autre question !

Mme Dominique Voynet. L’un n’empêche pas l’autre !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L’appel d’offres est formulé en DCI !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Absolument !

Finalement, vous laissez sous-entendre que les établissements hospitaliers pourraient passer des marchés avec des fournisseurs de produits plus chers uniquement pour habituer les praticiens à prescrire en DCI. Cela n’a pas de sens !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas ce qui a été dit !

M. François Autain. Vous m’avez mal compris, madame la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’appel d’offres se fait en DCI. Y répondent un certain nombre de laboratoires. Le mieux-disant est retenu. Par ailleurs, il faudra effectivement veiller à ce que les médecins prescrivent en DCI.

Enfin, je le rappelle, dans 80 % des cas, les pharmacies substituent des médicaments génériques aux médicaments princeps : c’est donc un vrai succès !

M. François Autain. Sauf que le répertoire ne se développe pas vite !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 586 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 311 n’a plus d’objet.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J’espère que la disposition que nous venons d’adopter disparaîtra au cours de la navette, car point n’est besoin d’entretenir une certaine animosité à l’égard des fabricants de médicaments princeps !

M. le président. L’amendement n° 676, présenté par Mme Hermange, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6111-2 du code de la santé publique par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les établissements de santé mettent à la disposition du public les résultats, publiés chaque année, des indicateurs de qualité et de sécurité des soins dans les conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Lorsque le directeur général de l’agence régionale de santé constate le non-respect des dispositions prévues à l’alinéa précédent, il peut prendre les mesures appropriées, notamment une modulation des dotations de financement mentionnées à l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. M. le rapporteur l’a souligné, l'article 1er traite de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins. C’est la raison pour laquelle il m’a paru opportun d’y préciser que les établissements de santé mettent à la disposition du public les résultats, publiés chaque année, des indicateurs de qualité et de sécurité des soins, lesquels doivent être communs à tous les établissements.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi fait référence à ces obligations, mais dans deux articles différents, l’un étant consacré aux établissements publics, l’autre aux établissements privés. L’objet du présent amendement est de faire figurer celles-ci à cet endroit du texte, afin qu’elles deviennent communes à l’ensemble des établissements.

M. le président. Le sous-amendement n° 1222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après les mots :

les mesures appropriées

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de l'amendement n° 676 :

. Un décret détermine les conditions d'application des dispositions mentionnées à l'alinéa précédent. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Hermange, le Gouvernement émettra un avis favorable sur votre amendement, sous réserve de l’adoption par le Sénat du présent sous-amendement. En effet, en cas de non-publication d’indicateurs, est ouverte la possibilité d’une modulation des dotations de financement mentionnées à l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale.

Cette modulation ne peut évidemment s’appliquer qu’aux établissements susceptibles de bénéficier de ces dotations de financement des missions d’intérêt général, ce qui n’est pas le cas de tous les établissements de santé. Il faut donc prévoir un décret qui détermine les conditions d’application des dispositions mentionnées à l’alinéa précédent. C’est une simple mesure d’application.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 676, la commission a préféré que de telles mesures figurent à l’article 2, dans les dispositions spécifiques s’imposant, d’une part, aux établissements publics et, d’autre part, aux établissements privés.

En outre, celles-ci s’intégreraient assez mal dans l’article L. 6111-2 du code de la santé publique, car elles portent sur une obligation de publication, assortie d’ailleurs d’une sanction, et non sur une obligation relative à une politique de santé et de sécurité.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant au sous-amendement n° 1222, qui n’a pas pu être examiné par la commission, il ne modifie pas la structure de l’article. Cependant, l’amendement de Mme Hermange trouvant mieux sa place à l’article 2 qu’à l’article 1er, j’émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite expliquer, car je ne l’ai sans doute pas fait suffisamment, les raisons pour lesquelles je suis favorable à l’amendement de Mme Hermange.

Il s’agit de renforcer l’obligation faite aux établissements publics de santé de publier des indicateurs de qualité et de sécurité des soins. Il s’agit également de préciser les mesures prises par le directeur général de l’agence régionale de santé en cas de non-respect de ces obligations. Cet amendement met donc en cohérence les obligations prévues par le texte pour les établissements privés et les établissements publics.

Ces indicateurs de qualité présentent un double avantage : d’une part, ils répondent à une attente de nos concitoyens et renforcent la confiance de ceux-ci dans le système hospitalier, qu’il soit public ou privé ;…

M. François Autain. Bien sûr !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … d’autre part, ils permettent de mobiliser les professionnels de santé, lesquels disposent des moyens de suivre la façon dont les soins sont pratiqués.

En cas de non-publication de ces indicateurs, Mme Hermange prévoit la possibilité d’une modulation des dotations de financement mentionnées dans le cadre des missions d’intérêt général. Une telle démarche est extrêmement positive.

Monsieur le rapporteur, sur le fond, vous n’êtes pas opposé à cet amendement...

M. Alain Milon, rapporteur. Absolument !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous le réexaminerons donc à l’article 2…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il figure déjà dans le texte !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Très bien ! Je n’avais pas compris votre position !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le travail a été fait !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Bien que je comprenne les arguments de la commission, j’estime qu’il est plus logique d’intégrer ces dispositions dans l’article 1er.

Je vous donne en effet lecture du premier alinéa du texte proposé par l’article 1er pour l’article L.6111-2 : « Les établissements de santé élaborent et mettent en œuvre une politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et une gestion des risques visant à prévenir et à traiter les événements indésirables liés à leurs activités. »

Or c’est bien pour éviter ces « événements indésirables » aux établissements de santé que nous avons besoin d’indicateurs de qualité !

M. le président. Le sous-amendement n° 1222 est-il maintenu, madame la ministre ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si la commission accepte que la mesure proposée dans mon sous-amendement figure à l’article 2…

M. Alain Milon, rapporteur. Bien sûr !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans ce cas, je retire mon sous-amendement, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 1222 est retiré.

L’amendement n° 676 est-il maintenu, madame Hermange ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je le retire, monsieur le président, mais, je le répète, cela me paraît moins logique.

M. le président. L’amendement n° 676 est retiré.

L'amendement n° 372, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer le III de cet article.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Je souhaite rappeler ici ce qu’implique la réécriture de l’intitulé du chapitre II du titre Ier du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique telle que le texte la propose.

Au premier chef, on constate que l’intitulé du chapitre en question « Service public hospitalier » est renommé « Missions de service public des établissements de santé ». La notion de service public hospitalier disparaît donc purement et simplement du code de la santé publique, ce qui est grave.

M. Guy Fischer. Très grave !

M. François Autain. Il faut prendre conscience des effets d’une telle disparition.

Le service public hospitalier, tel qu’il existe encore aujourd’hui, correspond à une organisation mixte où coexistent des établissements publics et privés, la loi du 31 décembre 1970, dite loi Boulin, ayant confié explicitement à certains établissements privés des missions de service public dans des conditions très précises.

Ainsi l’article L. 6112-2 du code de la santé publique précise-t-il que le service public hospitalier est assuré par les établissements publics de santé, les centres de lutte contre le cancer et les établissements privés à but non lucratif qui répondent à certaines conditions légales, selon différentes modalités, association ou participation, pour tout ou partie de leur activité.

On retient également que ces établissements sont tenus par des obligations spécifiques, toutes communes aux autres services publics, qui ont trait au principe de continuité – fonctionnement ininterrompu des services, participation à la permanence des soins –, au principe d’égalité – accès de tous aux soins, sans discrimination – et au principe d’adaptation aux besoins des patients auxquels doit être assuré un service normal.

La réforme que vous nous proposez, madame la ministre, fait éclater, en dépit de vos dénégations, ce cadre restrictif et protecteur pour les malades, afin de permettre – il n’est pas inutile de le répéter – aux établissements privés commerciaux de choisir, parmi les missions de service public, celles qui peuvent présenter un intérêt pour eux. Il va de soi que cet intérêt se pose en termes non pas de santé publique, mais de rentabilité, puisque tel est l’objet de ces structures : loin d’être philanthropes, elles ont une vocation commerciale.

C’est la raison pour laquelle on aurait tort de sous-estimer ce qu’implique la disparition du service public hospitalier. Et ce n’est pas le remplacement de celui-ci par une série de missions de service public qui permettra d’offrir aux patients le service qu’ils sont en droit d’attendre.

Il y a là une mutation profonde de notre système de santé, qui aura, au cours des prochaines années, des conséquences très graves sur la qualité des soins dispensés.

Selon vous, madame la ministre, l’attribution de ces missions de service public permettra d’orienter les patients vers la structure adéquate. Selon moi, le risque est grand de voir un service privé à but lucratif ayant reçu, par exemple, la mission de permanence des soins faire le tri des patients, pour n’accepter finalement que les malades « rentables », en orientant ceux qui ne le sont pas vers des établissements publics. Car ceux-ci subsistent, et ils n’ont pas à résoudre ces problèmes de rentabilité, même si vous cherchez à réduire leur déficit.

En ce qui concerne la mission publique d’enseignement et de recherche, il n’est pas acceptable de la confier à un établissement privé, même si toutes les précautions imaginables sont prises.

Enfin, j’estime que le service public n’est pas toujours compatible avec la recherche de bénéfices. C’est la raison pour laquelle nous aurions eu tout intérêt à conserver le service public hospitalier ; tel qu’il est, il donne satisfaction. Certes, des dysfonctionnements existent, mais ils sont liés non pas à son organisation, mais à un manque de financement : on ne le dira jamais assez ! Cependant, vous ne voulez pas augmenter le financement des hôpitaux. Vous préférez appauvrir ceux-ci, pour transférer ensuite au secteur privé les missions qu’ils ne sont plus en mesure d’exercer, faute de moyens, ce dont vous êtes directement responsables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’intitulé « Missions de service public des établissements de santé » fait partie du texte, et nous ne pouvons pas, bien évidemment, le supprimer.

Jusqu’à présent, les établissements n’avaient que des statuts. Avec l’adoption de ces mesures, ils assureront des missions déterminées : la permanence des soins, la prise en charge des soins palliatifs, etc. C’est très important !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me suis déjà expliquée sur l’article 1er dans mon propos liminaire, mais je souhaite revenir sur certains points.

Aujourd’hui, seuls les établissements publics de santé ont l’obligation de remplir toutes les missions de service public. Ce modèle a toutefois ses limites : il n’est pas possible de dispenser un hôpital de l’une de ses missions, même si elle est remplie par un établissement voisin ; inversement, il est exclu d’imposer à un établissement privé une mission de service public, alors même que cette mission ferait défaut sur le territoire concerné. On marche sur la tête !

C’est la raison pour laquelle je souhaite que tous les établissements de santé puissent assurer les missions de service public nécessaires, en fonction des besoins de la population, sur chaque territoire de santé.

Monsieur Autain, vous ne cessez de déplorer que les établissements de santé privés n’assurent pas ces missions de service public qui pèsent tellement sur l’hôpital public ! Or on leur demande aujourd’hui de participer à ces missions de service public.

Depuis plus d’un siècle, le modèle français de service public a su faire la preuve de son efficacité et de sa souplesse en se focalisant non pas sur le statut juridique de l’établissement, mais sur sa capacité à répondre aux besoins de la population. Or tel est l’enjeu de la réforme que je vous propose : concentrons-nous non pas sur le statut, mais sur les besoins des malades.

L’autorisation d’activité de soins donne à l’établissement le droit de prodiguer des soins et de percevoir en contrepartie des financements de la part de l’assurance maladie.

Mais si une autorisation confère un droit, elle implique aussi des devoirs. Les conditions dans lesquelles ces missions sont exercées sont donc précisées : tout établissement qui assurera une mission de service public le fera dans le cadre des tarifs de la sécurité sociale, sans dépassement d’honoraires.

Sont également prévues l’obligation d’accueil de tous les patients et l’orientation de ceux qui ne pourraient pas être pris en charge.

M. François Autain. Le problème est là !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Enfin, cet article vise à préciser que ces obligations s’imposent aux médecins libéraux qui exercent dans les cliniques. Je les ai longuement consultés ; ils sont d’accord, c’est une question de déontologie.

Cette demande de suppression répond à une inquiétude : celle de voir l’hôpital dépossédé de son âme et de ses missions de service public, qui sont souvent le moteur de son activité.

Je veux vous rassurer : tous les hôpitaux continueront à exercer des missions de service public (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), et il n’est pas question que des établissements privés choisissent celles qu’ils souhaitent assurer.