M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l'article.

Mme Dominique Voynet. L’article 8 bis résulte d’un amendement déposé par M. Préel à l’Assemblée nationale sur lequel vous aviez d’ailleurs émis un avis défavorable, madame la ministre.

Mme Dominique Voynet. Je n’ai pas l’intention de rappeler tout ce qui a été parfaitement détaillé par les deux intervenants précédents. Je dirai simplement que l’AP-HP est un établissement d’excellence, reconnu internationalement. Ses activités de soin, d’enseignement, de formation professionnelle, de recherche et d’innovation en font une référence à l’échelle européenne. Avec 38 hôpitaux situés à Paris et en petite couronne, plus de 90 000 personnes employées, 23 000 lits, plus de 1,5 million d’hospitalisations, 3,8 millions de consultations chaque année, une urgence toutes les 29 secondes, l’AP-HP fascine et agace, et son poids est considérable.

Tout a été dit du pouvoir de ses éminents mandarins et du rôle que l’AP-HP a pu jouer au fil du temps pour impulser de nouvelles pratiques ou, parfois, freiner des évolutions qui apparaissaient pourtant inéluctables. Chaque fois qu’il est prononcé dans une discussion professionnelle ou un débat politique, le sigle « AP-HP » suscite des réactions passionnées, voire des polémiques.

Certains pourraient considérer qu’il est interdit de se poser la question du statut de l’AP-HP, et ce ad vitam aeternam ; je n’en fais pas partie, et j’estime qu’il est parfaitement normal de chercher à faire évoluer un statut qui est loin d’être parfait.

Je ne suis donc pas viscéralement attachée à ce statut. L’idée de le faire évoluer ne saurait être taboue, surtout s’il s’agit de renforcer des coopérations avec des territoires moins bien dotés. Je pense notamment au département dont je suis élue et où des établissements de l’Assistance publique coexistent avec des hôpitaux généraux qui souffrent parfois durement de la situation sociale qui prévaut sur les territoires où ils sont implantés.

Si donc ce statut peut et doit évoluer, je ne pense pas que cela puisse se faire par surprise, par le biais d’un amendement, et sans une discussion de fond avec l’ensemble de la communauté médicale. J’entends déjà votre réponse, madame la ministre : si l’on en discute avec les personnels, avec les élus, avec les médecins, on n’arrivera à rien. Ce n’est que par effraction que l’on peut proposer une évolution de ce statut ! Peut-être,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai reçu l’ensemble des syndicats !

Mme Dominique Voynet. … mais est-ce acceptable de le faire ainsi, sans avoir pensé à toutes les conséquences de l’éclatement de l’AP-HP ?

Il est légitime de s’inquiéter de la situation des centres situés en province qui sont aujourd’hui gérés par l’AP et pour lesquels rien n’est prévu. Ces établissements seront-ils placés demain sous l’autorité de l’agence régionale de santé de l’Île-de-France ou seront-ils détachés de l’AP-HP pour être désormais sous l’autorité de l’ARS de leur lieu d’implantation ?

Si nous étions assurés du fonctionnement démocratique et décentralisé que nous souhaitons pour les agences régionales de santé, nous pourrions accepter que l’AP-HP rentre dans le régime commun. Reste qu’il faudra du temps pour l’y préparer. Agir de façon non concertée et unilatérale, en l’occurrence par le biais d’un amendement dont on a à peine débattu, ne me paraît pas correct. Le président de l’AP-HP n’a même pas été consulté, les collectivités non plus et les représentants des personnels ou des usagers pas davantage. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements de suppression.

M. François Autain. Nous sommes d’accord !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l'article.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Dans un premier temps, j’avais cosigné l’amendement n° 67, que présentera M. Pozzo di Borgo.

Après réflexion, je pense désormais que l’Assistance publique-hôpitaux de Paris ne peut se soustraire à une logique territoriale. La nouvelle maternité que vous avez inaugurée récemment, madame la ministre, le prouve. Ainsi, le regroupement de la maternité des Bluets, donc hors AP, et de l’hôpital Armand-Trousseau a permis de créer dans l’est parisien un pôle de périnatalité très important.

L’Assistance publique-hôpitaux de Paris ne peut pas non plus se soustraire à une logique nationale, et ce pour trois raisons.

D’abord, l’AP-HP, c’est un budget de 6,5 milliards d’euros,…

Mme Marie-Thérèse Hermange. … soit l’équivalent du budget de la Hollande ! (Mme la ministre marque son agacement.)

Ensuite, l’AP-HP représente un quart de la recherche hospitalière. Loin de moi l’idée d’opposer Paris et la province, mais il est évident que, au moment où l’on parle du Grand Paris, on a besoin d’un leader. L’AP-HP joue d’une certaine manière ce rôle.

Enfin, l’AP-HP a une logique de restructuration interne. C’est grâce à elle que quatre hôpitaux ont pu être fermés en plein Paris et que l’hôpital européen Georges-Pompidou a pu être construit, alors que je me souviens que tout cela n’était encore qu’à l’état de projet quand j’ai commencé à siéger au conseil d’administration.

Les restructurations de l’hôpital Necker et de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, la création du pôle Cochin - Hôtel-Dieu, les urgences médico-judiciaires pour adultes et les urgences médico-judiciaires pour adolescents à l’hôpital Armand-Trousseau, s’inscrivent également dans cette démarche.

Cette logique de restructuration interne est due au statut de l’AP-HP. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement n° 671, qui vise à nommer un nouveau conseil de tutelle composé à la fois des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale ainsi que du directeur général de l’ARS.

J’aurai en fait présenté mon amendement, monsieur le président, quand j’aurai expliqué le pourquoi de ses deux derniers alinéas.

D'une part, le nombre de membres de chacun des trois collèges composant le conseil de surveillance des établissements de santé est désormais précisé dans la loi, ce qui n’était pas le cas précédemment. Or la composition du conseil d’administration de l’AP-HP relevait du décret, comme, d’ailleurs, pour les Hospices civils de Lyon, les hôpitaux de Marseille, l’hôpital des Quinze-Vingts et l’hôpital national de Saint-Maurice. S’il doit y avoir une tutelle du ministère du budget, il est important que la composition du conseil de surveillance de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris reste fixée par voie réglementaire.

D'autre part, il est prévu que le conseil de surveillance se compose de cinq représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements. À Paris, sur les huit collectivités territoriales, six d’entre elles sont aujourd’hui représentées au conseil d’administration de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris. Il me semble donc qu’il doit y avoir une dérogation pour les représentants des collectivités territoriales de la région d’Île-de-France.

Pour terminer, je souhaite vous interroger, madame la ministre : de quelle tutelle l’hôpital d’Hendaye, l’hôpital maritime de Berck-sur-mer et l’hôpital de San Salvadour dépendront-ils ? De l’ARS locale ou de l’ARS d’Île-de-France ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je prends soin d’intervenir sur chaque article, afin d’apporter un éclairage d’ensemble sur la position du Gouvernement.

M. François Autain. Très bien !

M. Guy Fischer. C’est pédagogique !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je viens d’entendre des plaidoyers vibrants pour l’AP-HP et son rôle éminent en matière de soin, de recherche, d’enseignement : c’est, en somme, le « vaisseau amiral » de l’hospitalisation française !

M. François Autain. Le porte-avions !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Loin de moi l’idée de ne pas reconnaître ce rôle éminent à l’AP-HP, son rôle historique, son rôle présent et son rôle à venir.

Oui, ce rôle doit être salué. Mais, enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, de quoi parlons-nous ici ? De l’ancien conseil de tutelle de l’AP-HP, où siégeaient les ministres chargés de la santé et du budget. Je suis d’ailleurs très surprise, pour avoir entendu de virulentes critiques sur sa vision trop strictement budgétaire ou comptable, de constater que Bercy est aujourd'hui défendu avec autant de flamme. Cela fera sans doute plaisir à certains. (Sourires.)

Il faut respecter le statut de l’AP-HP, et c’est ce que vous avez fait à l’article 6, mesdames, messieurs les sénateurs, en adoptant l’amendement n° 1192 rectifié du Gouvernement.

Eu égard à la place particulière qu’occupe l’Assistance publique-hôpitaux de Paris dans l’offre de soins, le Gouvernement a en effet proposé d’établir un droit d’opposition du directeur général de l’ARS et des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget sur le programme d’investissement, sur le budget prévisionnel et le plan global de financement pluriannuel. Ce droit d’opposition, dont les modalités d’exercice seront fixées par décret, peut être fondé sur des motifs de non-conformité au droit ou d’incompatibilité avec le maintien à l’équilibre ou le redressement de l’établissement.

Comme je l’ai dit aux syndicats représentatifs de la fonction publique hospitalière au sein de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, les éléments constitutifs et spécifiques du statut de l’AP-HP sont bien entendu maintenus. Vous savez qu’en raison de la participation à la Résistance d’un certain nombre d’entre eux, les personnels de l’AP-HP ne paient que la moitié des cotisations sociales dues par les salariés. Cela représente la somme non négligeable de 58 millions d’euros dans le budget de l’AP-HP. Les agents de l’AP-HP perçoivent ainsi une rémunération supérieure à celle des agents qui occupent un poste équivalent dans d’autres hôpitaux.

J’ai donc bien indiqué aux agents de l’AP-HP qu’ils conservaient leur statut particulier et qu’il n’était pas question de revenir sur ce point.

M. François Autain. On ne revient pas là-dessus !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En termes d’avantages acquis, cela me paraît tout à fait légitime. Même si certains se sont interrogés sur cet héritage de la Résistance dont bénéficient l’ensemble des personnels, j’ai tenu à indiquer clairement, en particulier aux syndicats représentatifs, qu’il n’était pas question de revenir sur ce statut.

Cependant, si l’AP-HP est cet extraordinaire vaisseau amiral que l’on évoquait, c’est souvent aussi, en région parisienne, l’établissement de proximité, comme Mme Marie-Thérèse Hermange l’a très bien dit. Il faut donc tenir compte des nouvelles compétences stratégiques qui vont être confiées par le projet de loi au directeur général de l’ARS pour optimiser l’offre de soins à l’échelle de la région.

Nous avons constaté, lors des événements indésirables graves qui se sont produits à la fin de l’année 2008, à quel point il importait qu’une coordination de l’offre de soins soit assurée par une organisation extrêmement territorialisée, donc par l’Agence régionale de santé.

La suppression du conseil de tutelle, mais avec la préservation du statut particulier que nous venons d’évoquer, parachèverait un certain nombre de dispositifs permettant de mieux assurer l’offre de soins sur l’ensemble de l’Île-de-France.

Il faut dire que l’Agence régionale de l’hospitalisation intervient de plus en plus, et c’est bien normal, dans l’AP-HP. Je rappelle que l’AP-HP est soumise à un régime dérogatoire de tutelle qui tend à se banaliser. Ainsi, pour les matières stratégiques et financières – approbation de l’état prévisionnel des recettes et des dépenses et de ses modifications, fixation des tarifs journaliers de prestations, des forfaits, des dotations et de la part financée à l’activité, notification du coefficient de transition, instauration éventuelle d’un plan de redressement et mise en place d’une administration provisoire, approbation du projet d’établissement et conclusion du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens – un conseil de tutelle exerce actuellement le contrôle de l’État sur l’AP-HP en lieu et place de l’ARH ou de son directeur.

Mais les autres compétences de l’ARH ou de son directeur en termes d’organisation des soins sont d’ores et déjà exercées par l’ARH d’Île-de-France. Le processus de déconcentration du contrôle de l’État a débuté en 2005, avec l’attribution d’une voix délibérante au directeur de l’ARH au sein du conseil de tutelle et par un texte d’application qui confie au directeur de l’ARH d’Île-de-France le secrétariat du conseil de tutelle ainsi que la préparation et le suivi des délibérations dudit conseil.

L’ARH d’Île-de-France est d’ores et déjà l’interlocuteur de premier niveau de l’AP-HP et l’interface entre celle-ci et les ministères de tutelle sur les sujets stratégiques et financiers.

Finalement, la tutelle du ministère de la santé, que personne ne conteste, est actuellement exercée par la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, la DHOS,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … dont la directrice est ici présente. Je propose que cette tutelle soit désormais exercée par l’ARS. Pourquoi ?

M. François Autain. Vous avez changé d’avis : vous étiez contre à l’Assemblée nationale !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Laissez-moi aller jusqu’au bout de mon argumentation, monsieur Autain.

Je remplace la DHOS par l’ARS pour effectuer un maillage territorial. J’ai bien entendu qu’il fallait respecter ce qui fait l’originalité de l’AP-HP, à savoir une tutelle exercée non seulement par les ministres de la santé et de la sécurité sociale, mais également par le ministre chargé du budget et des comptes publics.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cette spécificité est garantie par l’amendement que vous avez adopté à l’article 6, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le respect du rôle national souligné à l’instant par Mme Marie-Thérèse Hermange. Il est cependant plus intelligent et opérationnel que la tutelle du ministère de la santé soit exercée par la structure régionale, qui permet un maillage territorial, plutôt que par la DHOS. Donc, c’est une responsabilité plus horizontale que verticale.

Il n’y a aucune antinomie entre ce que je vous propose aujourd’hui et l’avis négatif que j’avais émis au moment de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, monsieur Autain, puisque l’amendement que j’ai mentionné à l’article 6 n’avait pas encore été adopté. (M. François Autain s’exclame.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 67 est présenté par M. Pozzo di Borgo, Mme Hermange et M. P. Dominati.

L'amendement n° 242 rectifié est présenté par MM. Vasselle et P. Blanc.

L'amendement n° 446 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l’amendement n° 67.

M. Yves Pozzo di Borgo. Jusqu’à ce jour, si j’ai bien compris, c’était la DHOS, au titre du ministère de la santé qui, avec Bercy, s’occupait de l’AP-HP.

La solution proposée par Mme la ministre par voie d’amendement à l’article 6 ne me déplaît pas, mais il faut bien préciser les choses, parce qu’il ne faudrait pas que l’ARS ait tous les pouvoirs ! (Mme la ministre proteste.)

Que s’est-il passé à l’Assemblée nationale ? M. Préel a présenté son amendement ; M. Méhaignerie, qui a l’AP-HP dans le collimateur depuis vingt ans, l’a approuvé, et vous-même, madame la ministre, qui étiez contre, vous avez laissé filer. Voilà l’origine de l’article 8 bis !

Vous avez déjà proposé une solution à l’article 6, madame la ministre. Alors, allons jusqu’au bout, et supprimons l’article 8 bis !

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 242 rectifié.

M. Alain Vasselle. Mon amendement est, sinon en totalité, du moins en grande partie satisfait par la disposition qui a été adoptée à l’article 6. Les modalités en sont complètement différentes puisque l’on donne un droit d’opposition aux ministres de tutelle sur l’approbation du budget.

Nous avons adopté la semaine dernière une disposition qui prévoit, par dérogation à ce qui se fera dans les établissements de province, la possibilité pour le directeur général de l’ARS d’approuver un budget de l’AP-HP en déséquilibre. J’ai dénoncé cette disposition, que je trouve complètement aberrante. Nous allons avoir un système à deux vitesses, avec des établissements de province qui seront tenus à l’équilibre et un établissement à Paris qui pourra se permettre le luxe de présenter un budget en déséquilibre !

M. Alain Vasselle. Certes, l’équilibre ne peut pas se retrouver du jour au lendemain,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Alain Vasselle. … mais il faudra tout de même que les ministres de tutelle, et notamment le ministre chargé des comptes publics, puissent veiller au grain afin d’éviter à l’AP-HP toute dérive qui serait liée à son statut un peu particulier et acceptée à titre d’exception du fait de ce même statut.

Je me permets de relever cet aspect qui m’apparaît quelque peu contradictoire dans les dispositions gouvernementales.

Cela étant dit, mon amendement n’ayant plus de raison d’être, je le retire au profit des dispositions adoptées à l’article 6.

M. le président. L’amendement n° 242 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 446.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons bien compris que l’amendement Préel, auquel vous étiez opposée précédemment, madame la ministre, recueillait aujourd’hui votre accord, il est vrai assorti de l’amendement voté à l’article 6.

Le problème, je le répète, c’est la tutelle de l’ARS.

J’avais prévu de vous rappeler les avantages dont bénéficiaient les salariés de l’AP-HP ; quelles qu’en soient les raisons, ils existent. Vous leur avez fait la promesse qu’ils les garderaient, mais on sait ce que valent les promesses…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n’est pas le conseil de tutelle qui les garantit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout état de cause, un amendement qui vient subitement en discussion à l’Assemblée nationale, que vous « bidouillez »…

M. Nicolas About, président de la commission dans affaires sociales. Oh ! De quel amendement « bidouillé » s’agit-il ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … pour pouvoir le reprendre ici, assorti de l’amendement à l’article 6, cela ne fait ni une discussion, ni une concertation, ni quoi que ce soit d’approchant !

Le personnel n’est tout de même pas simplement mû par le souci de préserver ses avantages particuliers ! Je vous rappelle en effet que l’ensemble des organisations réunies en intersyndicale se sont prononcées contre cette disposition, tout comme, il faut le noter, la commission médicale d’établissement.

Les uns et les autres craignent que la suppression de ce statut n’entraîne la « casse » de l’unicité des établissements publics de santé membres de l’AP-HP, qui reste le seul garant de l’égalité des Franciliens dans l’accès aux soins. En effet, cela se traduira inévitablement par une accélération des regroupements forcés.

L’AP-HP n’est pas exclue de la politique gouvernementale, puisque, d’ores et déjà, avec l’application de la tarification à l’activité, sa direction annonce la suppression de 13 établissements sur les 38 qu’elle compte. L’AP-HP a probablement encore trop d’autonomie et de liberté… Il faut donc qu’elle puisse être placée sous la tutelle de l’ARS, même si une légère dérogation est prévue en cas de nécessité.

Il faudrait en effet parler des raisons pour lesquelles l’AP-HP, qui supporte de nombreuses contraintes tout à fait particulières, est en déficit. Mais vous préférez, madame la ministre, supprimer en douce son statut, plutôt que d’évoquer un tel sujet !

Monsieur le président, nous demandons que le Sénat se prononce par scrutin public sur ces amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Nous avons déjà eu des discussions approfondies en commission sur ces différents points.

La commission a, dans sa majorité, considéré que, en supprimant le régime dérogatoire de tutelle, l’article 8 bis soumet l’AP-HP aux règles classiques d’une relation entre la future ARS d’Île-de-France et un établissement public de santé. Ce régime dérogatoire entrerait, en effet, en contradiction avec la dynamique régionale dont est porteur le projet de loi. L’objectif est donc d’aligner le régime de tutelle de l’AP-HP sur celui des autres établissements de santé.

Ce retour de l’AP-HP dans le droit commun n’a pas commencé aujourd'hui : il s’inscrit dans la continuité du processus de déconcentration amorcé ces dernières années.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques tendant à la suppression de l’article 8 bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je pense avoir été assez claire : je suis défavorable à ces amendements de suppression, ainsi qu’à l’amendement n° 671, qui sera appelé en discussion tout à l’heure, mais qui a d’ores et déjà été présenté par Mme Hermange.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Hermange, le fait de prévoir un « conseil de tutelle, composé des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale ainsi que du directeur général de l’agence régionale de santé ou de leurs représentants » a tout de même pour conséquence une recentralisation du dispositif, puisqu’il est également précisé dans votre amendement que le ministre de la santé « est chargé de l’exécution des décisions du conseil des tutelles » et que les modalités de fonctionnement de ce conseil « sont déterminées par voie réglementaire. »

Ainsi, par cet amendement, nombre de compétences que je souhaite voir déconcentrées seraient de nouveau placées entre les mains du ministre chargé de la santé.

Bien que soit très bien expliquée dans l’objet de l’amendement la double et ardente obligation qui s’impose à l’AP-HP – remplir des fonctions de proximité et assurer le rôle de vaisseau amiral de l’hospitalisation française – le texte proposé renvoie à une centralisation, alors qu’il est nécessaire, me semble-t-il, de déconcentrer pour assurer la proximité et la qualité des soins.

Je veux le redire avec force : le statut particulier de l’AP-HP et de ses personnels est évidemment protégé. Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, nous pourrons concilier la glorieuse exception qu’est l’AP-HP et la nécessité d’une plus grande proximité à l’intérieur de l’Île-de-France.

Madame Hermange, vous m’avez interrogée sur établissements situés en dehors de l’Île-de-France. Je peux vous affirmer que la question se pose d’ores et déjà et que tout se passe très bien !

En effet, il ne sera pas interdit à l’ARS d’Île-de-France d’établir des contacts avec ses homologues ! L’organisation que je vous propose ne posera pas plus de difficultés que celles qui se posent aujourd’hui à Berck, Hyères ou Hendaye !

Vous avez également insisté, madame Hermange, sur le nombre de départements que comprend l’Île-de-France. Je vous signale que certains d’entre eux ne comptent pas sur leur territoire d’établissement de l’AP-HP. De nombreux malades de Maine-et-Loire se font soigner au CHU de Nantes, pour autant, le conseil général de ce département n’est pas représenté au conseil d’administration du CHU de Nantes. Par conséquent, si vous utilisez l’argument territorial, vous devez aller jusqu’au bout de la logique.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la ministre, je ne savais pas, en déposant l’amendement n° 671, que le Gouvernement allait nous proposer une tutelle exercée par le ministre du budget … comme aujourd’hui ! En fait, vous revenez à un statut dérogatoire, en raison de la masse financière en jeu.

L’amendement n° 671 tire les conséquences de l’adoption de l’article 6 modifié. Puisque vous nous affirmez que c’est l’ARS, et non plus la DHOS, qui exercera ces compétences, je me propose de rectifier mon amendement de la façon suivante : « Les compétences du directeur général de l’agence régionale de santé […] sont, en ce qui concerne l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, exercées par un conseil de tutelle composé du ministre chargé du budget, ainsi que du directeur général de l’agence régionale de santé ou de leurs représentants. Le conseil de tutelle est également compétent pour prendre les décisions mentionnées aux articles L. 162-22-12, L. 162-22-14 et L. 174-1 du code de la sécurité sociale. »

Je souhaite également supprimer l’avant-dernière phrase de l’alinéa que vous venez d’évoquer, qui prévoit que le ministre chargé de la santé « est chargé de l’exécution des l’exécution des décisions du conseil de tutelle ».

Je suis en effet persuadée que le décret comprendra automatiquement ces précisions.

M. le président. Madame Hermange, je vous rappelle que nous en sommes aux amendements identiques de suppression de l’article 8 bis.

La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur ces amendements identiques.

Mme Dominique Voynet. J’espère que mes propos ne contribueront pas à augmenter la confusion…

Mme Hermange nous a affirmé que le budget de l’AP-HP était équivalent à celui de la Hollande : voilà de quoi me rendre bien soucieuse pour les citoyens bataves… (Sourires.) Monsieur le président, mes chers collègues, je suis en mesure de vous confirmer que le budget de la Hollande se monte à 270 milliards d’euros en 2008, et ce sont les chiffres d’Eurostat ! J’espère que chacun ici se sent plus à l’aise vis-à-vis de notre partenaire européen. (Rires.)

M. Guy Fischer. C’était de l’intox !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.