M. Daniel Raoul. Nous y voilà !

M. Jean Arthuis, rapporteur. … qui devrait être discutée en séance publique le 29 juin prochain.

Je rappelle, mes chers collègues, que, en application de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune peuvent souscrire des parts de PME.

Les banques ont inventé des holdings ayant un rôle d’intermédiation financière pour collecter ces fonds d’ISF et les mettre ensuite à disposition des PME. Or il faut parfois attendre trente mois avant que les fonds ainsi collectés soient mis à la disposition des PME.

La proposition de loi que je soumettrai au Sénat vise à réduire impérativement à six mois le délai de détention de ces fonds, afin que, bénéficiant d’un avantage fiscal substantiel, ils ne constituent pas une sorte de matelas où dorment des ressources, au moment même où les PME ont un impératif besoin de fonds propres.

À présent, je dresserai un rapide résumé du contenu des articles.

L’article 1er vise à créer une contribution exceptionnelle de solidarité de 5 % sur l’impôt sur les sociétés, soit 1,66 point, sur les entreprises qui dégagent des bénéfices au moins supérieurs à 10 % à ceux de l’année précédente. Outre le fait que cet article s’appuie sur des dispositions abrogées du code général des impôts, cette mesure est particulièrement inopportune pour les raisons que je viens de développer.

L’article 2 vise à moduler le taux de l’impôt sur les sociétés, de plus ou moins 3,33 points, en fonction de l’affectation des bénéfices réalisés par les entreprises afin de les inciter à renforcer leurs fonds propres. Je m’interrogeais, en introduction, sur la pertinence d’un tel dispositif eu égard à l’objectif recherché et à la situation actuelle des entreprises en la matière. J’ajoute que la neutralité fiscale est souhaitable sur ce point, car l’arbitrage entre ce qui doit être mis en réserve, afin d’alimenter l’autofinancement, et ce qui doit être distribué sous forme de dividendes relève de l’entière responsabilité des organes sociaux des entreprises.

L’article 3 vise à créer une contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises du secteur pétrolier. La taxe « Total » est une idée récurrente. Toutefois, l’application de cette taxe selon les modalités proposées constituerait un alourdissement très significatif, et de surcroît permanent, de la fiscalité de ce secteur.

Or, d’une part, ce dernier contribue à la compétitivité de notre pays et, d’autre part, il convient de prendre du recul sur ces « superprofits » en tenant compte, notamment, de l’importance des budgets d’investissement de ces entreprises – 14 milliards d’euros pour Total en 2009, soit un montant quasi équivalent à ses bénéfices pour 2008 – et du caractère fortement internationalisé de leur activité.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur l’aspect quelque peu arbitraire du périmètre de la disposition au regard de l’ensemble des entreprises relevant du secteur énergétique.

J’ajoute que, en tant qu’actionnaire de plusieurs sociétés sur notre territoire, le groupe Total maintient aujourd'hui des emplois dans des conditions difficiles. En outre, ses profits servent aussi à assurer le financement d’un certain nombre de PME.

L’article 4 prévoit, afin de compenser une éventuelle perte de recettes fiscales, quatre gages, dont l’abrogation de la loi dite TEPA et la suppression de l’indexation automatique de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Cette compensation financière n’est pas seulement formelle, puisqu’elle a pour conséquence de remettre en cause la politique économique conduite par le Gouvernement.

Rappelons que la loi TEPA a, notamment, instauré la défiscalisation des heures supplémentaires, encouragé l’accession à la propriété, allégé les droits de succession et de donation, amélioré le financement des PME et, enfin, mis en place le bouclier fiscal.

M. Daniel Raoul. Pour les plus aisés !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Ces deux dernières mesures font certes l’objet de réflexions au sein de la commission ; elles ne sauraient toutefois être purement et simplement supprimées, sans qu’une mesure alternative soit instaurée. Puis-je rappeler que j’ai eu l’occasion de défendre dans cet hémicycle un triptyque visant à supprimer le bouclier fiscal, abroger l’ISF et instituer une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu pour compenser la diminution des recettes fiscales qui résulterait de l’abrogation de l’ISF ? Nous aurons l’occasion d’en reparler.

En conséquence et pour conclure, je vous propose, vous n’en serez pas surpris, de n’adopter, mes chers collègues, aucun article de cette proposition de loi, ce qui reviendra à la rejeter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi présentée par M. François Rebsamen est fondée sur une analyse avec laquelle nous pouvons être d’accord sur deux points : la gravité de la crise…

M. Marc Massion. Cela ne mange pas de pain !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. … et le souci qu’elle nous inspire en matière de finances publiques, comme l’a dit M. le président Jean Arthuis.

Pour autant, les dispositions de cette proposition de loi ne nous paraissent pas du tout de nature à répondre de manière pertinente à cette double préoccupation.

Je ne reviendrai pas, monsieur Rebsamen, sur le dispositif que vous avez présenté et que M. le président Jean Arthuis a commenté. Je voudrais cependant dire que le Gouvernement conteste l’idée de rechercher des boucs émissaires chez les grandes entreprises ou chez les ménages qui acquittent l’ISF comme si cela permettait de régler les très sérieux problèmes auxquels, c’est vrai, nombre de nos PME et nombre de nos compatriotes sont confrontés.

Dans le cas d’une crise mondiale, il serait particulièrement dangereux de détériorer la situation relative de nos entreprises, particulièrement celle de nos grandes entreprises, qui, compte tenu de la structure de notre appareil industriel, sont aujourd’hui des leaders mondiaux qui tirent nos échanges.

Je voudrais insister sur cette question de la compétitivité par rapport à l’étranger et sur les risques, signalés par M. le président Jean Arthuis, de délocalisation en raison des différents taux d’impôt sur les sociétés.

Je pense que nous devons nous réjouir que nos grandes entreprises, comme d’autres d’ailleurs, investissent à l’étranger. De même devons-nous nous réjouir du fait que la France soit le deuxième pays d’accueil des investissements étrangers. Il n’en reste pas moins que le souci de l’attractivité de notre territoire, qui va de pair avec la compétitivité de nos entreprises, doit, en cette période de crise mondiale, être le fil directeur de notre politique économique et, en l’occurrence, de notre politique fiscale.

Notre analyse des différents articles procède de cette idée.

Le Gouvernement n’est pas favorable à l’article 1er parce qu'il est à l'exact opposé de ses orientations de politique économique, qui consistent à réduire les charges fixes des entreprises, telles l’imposition forfaitaire annuelle ou la taxe professionnelle, et à éviter de léser celles qui affrontent un contexte économique défavorable.

S’agissant de l’article 2, qui vise à moduler le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices distribués, M. le président Jean Arthuis a parfaitement présenté la situation réelle des entreprises et les difficultés techniques qui résulteraient de l’adoption de cette disposition. Je rappellerai que c’est un dispositif tellement complexe, tant pour les entreprises que pour l’administration, que la majorité à laquelle vous apparteniez, monsieur Rebsamen, y avait renoncé en l’an 2000.

Ce dispositif serait source de distorsions de concurrence parce que la politique de distribution des bénéfices ne procède pas seulement en réalité du libre arbitre de l’entreprise elle-même ; elle dépend, entre autres choses, de la structure de ses financements, de la composition de son actionnariat et de son secteur d’activité. Il est donc inapproprié de parler, à ce sujet, de la situation des entreprises publiques qui, dans les secteurs que vous avez indiqués, ont été appelées à participer au financement d’infrastructures spécifiques à leur secteur d’activité, par exemple des infrastructures de transport ou des investissements en matière électrique.

Enfin, le Gouvernement n’est pas non plus favorable, monsieur le sénateur, à l’article 3 de votre proposition, qui crée une taxe sur les entreprises pétrolières. Ce débat a déjà eu lieu au Sénat, et vous n’ignorez pas que les grandes entreprises du secteur de l’énergie sont déjà toutes fortement taxées. Leurs bénéfices sont, dans la généralité des cas, soumis à l’impôt sur les sociétés au taux de 33,33 %, auquel s’ajoute une contribution sociale de 3,3 %, soit un taux effectif d’imposition de 34,43 %.

Quant au cas de l’entreprise Total, sur lequel vous vous êtes plus particulièrement arrêté, vous savez bien que les bénéfices que vous avez évoqués sont en réalité ses bénéfices comptables mondiaux consolidés et non les bénéfices imposables en France. Ils ne représentent d’ailleurs que moins de 5 % du résultat net du groupe et ont déjà été lourdement taxés à l’étranger. Il ne me semble pas opportun de surtaxer notre champion national au seul motif que ses activités imposables chez nous dégagent peu de bénéfices, alors qu’il investit et crée des emplois, en son sein mais aussi dans les entreprises dans lesquelles il détient une participation financière ou chez ses nombreux sous-traitants, comme je peux moi-même le constater à travers le monde.

Vous comprenez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui.

Je voudrais, en outre, monsieur Rebsamen, m’inscrire en faux contre certains de vos propos et donner quelques informations complémentaires au Sénat.

Tout d’abord, je voudrais vous confirmer que nous n’avons renoncé à rien s’agissant du contrôle des montages abusifs ! Nous avons d’ailleurs un dispositif de répression de l’abus de droit particulièrement performant, dont le Sénat a eu connaître à la fin de l’année dernière.

Ensuite, je voudrais rappeler que nous sommes, avec l’Allemagne, le pays qui, en Europe, procède au plus grand nombre de redressements en matière de prix de transfert. Nous faisons preuve d’une extrême vigilance, et les services de mon collègue Éric Woerth travaillent même, comme vous le savez sans doute, à un durcissement des outils de contrôle des grandes entreprises, avec la création d’une obligation documentaire.

Quant aux niches fiscales, j’ai parlé de l’impôt sur les sociétés, mais il faudrait que vous nous précisiez à laquelle vous pensez. S’il s’agit du bénéfice mondial consolidé, sachez que c’est un régime fort ancien – il existe depuis les années soixante – et, en réalité, très peu attractif, qui ne bénéficie qu’à moins de cinq entreprises. Il est, en tout état de cause, parfaitement transparent, puisque le Gouvernement fournit chaque année au président et au rapporteur général de la commission des finances toutes les informations utiles relatives aux bénéficiaires.

Pour terminer, j’indiquerai que, dans ce très difficile contexte de crise, il importe de soutenir les entreprises et l’activité, non pas en revenant sur les avancées de la loi TEPA – M. le président Jean Arthuis s’est exprimé très clairement à ce sujet – mais en construisant face à la crise un plan de relance cohérent et responsable.

Cela passe, bien sûr, par les mesures d’urgence prises à la fin de l’année 2008 pour soutenir notre système financier, au bénéfice des entreprises et des ménages, par le plan de soutien à l’activité, au travers des chantiers de relance, suivis, notamment, par Patrick Devedjian, par l’accélération, que vous avez votée à la fin de l’année 2008, des remboursements de crédits de TVA et de trop-perçus d’impôts sur les sociétés, pour renforcer la trésorerie des entreprises, par les mesures prises à l’issue du sommet social du 18 février 2009 ou encore par le plan de soutien à la filière automobile conclu, également en février dernier, par Christine Lagarde et Luc Chatel.

En conclusion, je répète que, pour préparer la sortie de crise, nous devons renforcer la compétitivité des entreprises françaises par l’innovation, par l’information et par l’investissement. C’est à cela que s’attache le Gouvernement, plutôt qu’à des mesures qui semblent largement inspirées, on peut le dire, par une approche idéologique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Marc Massion. L’idéologie, elle est chez vous !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert.

M. Alain Houpert. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue François Rebsamen et de l’ensemble des sénateurs du groupe socialiste fait suite à une question orale avec débat qu’il avait posée le 7 mai dernier sur l’opportunité d’instaurer une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l’énergie.

Force est de constater, monsieur Rebsamen, que vous avez – et j’y vois une qualité – de la suite dans les idées. Le texte que nous allons examiner cette fois-ci concerne non seulement, de nouveau, les grandes entreprises du secteur de l’énergie, ou, du moins, du secteur pétrolier, visées à l’article 3, mais aussi, d’une manière plus générale, toutes les entreprises, à partir du moment où elles réalisent des bénéfices.

M. François Rebsamen. Non ! C’est faux !

M. Alain Houpert. Le groupe socialiste fait donc le choix d’une politique de relance fondée notamment sur l’augmentation des impôts et la taxation des entreprises. Ce choix politique n’est pas le nôtre.

M. François Marc. On va voir !

M. Alain Houpert. Le Président de la République a déclaré sans ambages qu’il n’était pas élu pour augmenter les impôts.

M. Marc Massion. On a vu ce que cela a donné pour le pouvoir d’achat !

M. Alain Houpert. Le Premier ministre l’a rappelé il y a quelques semaines. Le groupe UMP s’y refuse également.

La crise ne nous fera pas changer de cap, car nous sommes d’avis que notre logique est la bonne et que la crise ne change en rien la vertu de cette logique, bien au contraire.

La hausse des impôts pesant sur les ménages engendre une diminution de la consommation et, donc, de l’activité économique et, par conséquent, de l’emploi. La hausse de la taxation des entreprises freine la compétitivité et l’investissement. Elle affecte, par conséquent, le dynamisme et la santé des entreprises. Elle menace ainsi également l’emploi.

Pour autant, notre logique économique et fiscale n’a pas pour corollaire l’inaction.

Nous luttons contre les abus, en encadrant la rémunération des hauts dirigeants.

Nous avons plafonné les niches fiscales.

Nous poursuivons indéfectiblement nos efforts en matière de diminution de la dépense, par la révision générale des politiques publiques, dite RGPP.

Les résultats sont probants : présenté le 13 mai dernier, le deuxième rapport d’étape de la RGPP souligne que 95 % des 374 décisions de modernisation, qui fondent les économies structurelles de la loi de programmation des finances publiques 2009-2011, sont en cours de mise en œuvre.

Dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, vous prônez donc, monsieur Rebsamen, une augmentation de la taxation des entreprises, qui prendrait la forme d’une majoration, sous certaines conditions, de l’impôt sur les sociétés.

Au-delà des raisons politiques que je viens d’évoquer, c’est également pour des raisons fondées sur des considérations plus techniques, que le rapport de la commission des finances, dont je tiens à saluer le travail, a parfaitement soulignées, que nous ne souscrivons pas, sur le fond, à l’objet de ce texte.

La commission a rejeté l’ensemble des articles de la proposition de loi, au motif qu’elle était préjudiciable, inopportune et inefficace.

En matière d’impôt sur les sociétés, la France applique déjà l’un des taux les plus élevés d’Europe. Le président Jean Arthuis, rapporteur de ce texte, l’a souligné, non seulement cet alourdissement de la fiscalité irait à l’encontre de la simplification de notre fiscalité, mais surtout il engendrerait une perte de compétitivité pour nos entreprises et risquerait de provoquer des délocalisations. Il serait contre-productif pour l’économie française d’augmenter la pression fiscale sur ses entreprises les plus solides, qui parviennent à réaliser des bénéfices en dépit d’un contexte économique particulièrement difficile.

Comme le rapporteur l’a également rappelé dans son exposé, les mesures proposées par ce texte seraient inefficaces, voire inopérantes.

La création d’une contribution exceptionnelle de solidarité sur les entreprises bénéficiaires apporterait peu de recettes à l’État, car le nombre d’entreprises concernées serait très faible.

De même, la modulation du taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation des bénéfices réalisés par les entreprises, avec notamment une majoration de 10 % dès lors que l’entreprise distribue plus de 60 % de ses bénéfices imposables, est une mesure inopérante, car très peu d’entreprises sont susceptibles de dépasser un taux de distribution de 60 %. Cela signifierait qu’elles distribuent la quasi-totalité de leur résultat net.

Quant à la contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises du secteur pétrolier que vise à créer l’article 3 de la proposition de loi, elle reprend l’idée d’une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l’énergie déjà débattue au Sénat le 7 mai dernier.

La surtaxe appliquée au secteur pétrolier non seulement représenterait une forte augmentation de son imposition, de 13,33 points, mais, en outre, serait automatique et non liée aux bénéfices, ce qui est contradictoire avec l’intitulé de la proposition de loi.

Le groupe UMP partage pleinement l’avis de la commission des finances : une telle surtaxe serait inopportune, car les entreprises françaises participent pleinement au dynamisme de notre économie. Une hausse significative de leur fiscalité risquerait d’entraîner leur délocalisation.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe UMP ne votera pas en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe socialiste est intéressante, car elle nous permet aujourd'hui de débattre des inégalités flagrantes entre ceux qui subissent la crise de plein fouet, notamment les PME et les personnes les plus fragiles, et ceux dont les gains annuels très importants présentent, aux yeux de certains, un caractère parfois indécent.

Cette proposition de loi nous offre également l’occasion de revenir sur le bien-fondé du bouclier fiscal. Est-il nécessaire de maintenir un tel dispositif alors que nous traversons une crise très grave ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Eh oui !

M. François Fortassin. Quelle que soit la position que nous ayons pu adopter à certaines périodes, nous devons nous interroger sur ce point.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Absolument !

M. François Fortassin. Je rappelle que les radicaux, qui sont à l’origine de l’impôt sur le revenu, sont particulièrement attachés à la progressivité de l’impôt, car elle constitue le socle de la solidarité nationale.

M. François Fortassin. Toutefois, cette proposition de loi, aussi alléchante qu’elle puisse paraître, présente, à nos yeux, quelque caractère insidieux : le mieux peut être l’ennemi du bien !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Très bien !

M. François Fortassin. Je vais étayer mon raisonnement en m’appuyant sur trois ou quatre points.

Tout d’abord, le prélèvement exceptionnel risque d’être durable.

Ensuite, il n’est pas bon de flécher des entreprises, qui sont susceptibles d’être montrées du doigt. Après tout, si des entreprises françaises sont performantes et gagnent de l’argent, cela n’a rien de choquant. Nous devrions même nous en féliciter !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Très bien !

M. François Fortassin. Nous devons également éviter de donner à certaines entreprises l’impression, je me risque à employer le terme, d’être rackettées, ce qui pourrait entraîner des délocalisations accélérées.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Excellent !

M. François Fortassin. Certes, dans certains cas, les entreprises n’attendent pas pour délocaliser qu’on les y incite !

M. Jean Arthuis, rapporteur. C’est vrai !

M. François Fortassin. Mais nous devons tout de même éviter certaines de prises de position, surtout en période de décroissance.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Quelle sagesse !

M. François Fortassin. L’impératif absolu est de ne pas faire fuir à l’étranger les entreprises qui sont le fleuron économique de notre pays.

Plutôt que de créer une contribution exceptionnelle de solidarité, nous préférerions mettre en place, sous l’autorité de l’État, une forte incitation pour que les entreprises réalisant des bénéfices participent de façon massive à la relance par une sorte de solidarité économique.

M. François Fortassin. Les fonds prélevés ne doivent pas tomber directement dans le budget de l’État, mais doivent être en quelque sorte « fléchés ». C’est la raison pour laquelle nous serions favorables à une forme de parrainage des entreprises afin qu’elles participent à la solidarité économique ainsi qu’à l’aménagement équilibré et harmonieux du territoire national.

À ce jour, le parrainage existe, mais ne fonctionne pas très bien. C’est pourtant une piste à creuser. Nous ne serions pas hostiles à la création d’un abondement librement négocié, via de fortes incitations de l’État, et destiné à financer des actions à vocation sociale ou écologique. Après tout, l’économie solidaire existe. Il est évident qu’elle peut être développée dans notre pays.

À titre personnel, j’ajoute que je me méfie des mesures fiscales de circonstance, surtout lorsqu’elles sont autoritaires et contraignantes. Toute nouvelle forme de taxation doit être mûrement réfléchie, non seulement avec les partenaires sociaux, mais encore avec les entreprises, notamment, dans ce cas précis, avec les grands groupes français et mondiaux.

C’est pourquoi la majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendra sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, mes amis du groupe socialiste et moi-même continuons à proposer, avec obstination, vous en conviendrez, des remèdes fiscaux, voire moraux, à la crise.

Nous sommes très inquiets face à la dégradation de la situation économique et sociale. Notre pays traverse une crise grave que la crise financière internationale n’a fait qu’accélérer et aggraver puisque, avant la crise internationale, la France connaissait déjà la crise, comme l’a souligné M. Philippe Séguin.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Eh oui !

M. François Marc. Absolument !

M. Marc Massion. Cette crise menace la cohésion nationale en dressant, de fait, l’un contre l’autre, deux pans entiers de la société.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Ça, ce n’est pas M. Séguin qui l’a dit !

M. Marc Massion. D’un côté se trouvent les géants du CAC 40, les actionnaires aux dividendes croissants. Un de vos collègues du Gouvernement, madame la secrétaire d'État, a dit il y a quelques mois au sujet de la situation créée par Total, entreprise vertueuse dont nous avons parlé, à côté du Havre que c’était scandaleux !

De l’autre se trouvent les PME survivant difficilement, les salariés en proie au chômage et à la précarité, ainsi que les collectivités locales asphyxiées par le désengagement de l’État.

Je ne suis pas habituellement un partisan de l’approche manichéenne, souvent caricaturale et outrancière, des choses.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Bon !

M. Marc Massion. En l’espèce, le gouffre ne cesse de s’élargir entre ces deux catégories. En tant que maire, comme d’autres ici, je le constate chaque jour dans ma commune.

Madame la secrétaire d'État, avez-vous eu l’occasion de rencontrer des gens qui ont été brutalement licenciés ?

Dans ma commune, si vous me permettez cette parenthèse locale, en quatre mois, trois entreprises ont fermé, ce qui représente la suppression de 500 emplois directs.

Malgré une situation financière saine, les entreprises et les groupes annoncent brutalement des suppressions de postes et acceptent très difficilement de mettre en œuvre un plan social relativement correct. Non seulement des groupes financièrement sains ferment certains sites, mais en plus ils « mégotent » sur le plan social !

Je rencontre des personnes brutalement licenciées, soit en mairie, soit au sein des associations dont elles font partie. Elles sont écœurées.

Le message qu’elles font passer au Gouvernement comme au Président de la République est le suivant : il ne sert à rien de rouler des mécaniques à la télévision au sujet des « flics voyous » si les comportements ne changent pas !

De plus, nous avons appris tout à l’heure de la bouche de M. Arthuis que les banques stockent pendant trente mois les fonds destinés aux PME qui viennent de l’ISF.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Tout à fait !

M. Marc Massion. Madame la secrétaire d'État, que fait le Gouvernement ?

M. Marc Massion. Nous avons entendu des propos fermes à la télévision, du type « vous allez voir ce que vous allez voir », et qu’apprenons-nous ? Que de l’argent est stocké par les banques alors que les PME attendent ! Que fait donc le Gouvernement ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Soutenez notre proposition !

M. Marc Massion. Les dispositions du texte que nous proposons constituent un outil fiscal efficace, qui déroule une politique plus juste et plus solidaire. Les grandes entreprises devront verser une contribution de solidarité sur leurs bénéfices. « Solidarité », le mot est là, simple, incontournable, pour qui défend le pacte républicain.

Il s’agit de faire participer les entreprises qui sont largement bénéficiaires à l’effort d’investissement et d’innovation. Aujourd’hui, les entreprises n’investissent pas assez, ni dans le capital humain ni dans l’outil de production.

Il existe bel et bien un plafonnement qui fait que les grandes entreprises sont aujourd’hui favorisées par rapport aux autres. Les profits des géants du CAC 40 n’ont, jusqu’en 2008, jamais été aussi élevés : 220 millions d’euros par jour pendant cinq ans ! Certes, les profits ont un peu baissé depuis cette époque, mais les grands groupes faisaient-ils auparavant, en matière d’investissements ou de salaires, des efforts à la hauteur de ces profits record ?

En réalité, la prospérité des grandes entreprises, qui peuvent jouer à plein la carte de la mondialisation, n’a pas sur le reste de l’économie autant de retombées qu’on pourrait l’espérer.