Sommaire

Présidence de Mme Catherine Tasca

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine, M. Jean-Paul Virapoullé.

1. Procès-verbal

2. Journée mensuelle réservée aux groupes de l'opposition et aux groupes minoritaires

3. Contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises. – Rejet d'une proposition de loi

Discussion générale : MM. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi ; Jean Arthuis, président de la commission des finances, rapporteur ; Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.

MM. Alain Houpert, François Fortassin, Marc Massion, Thierry Foucaud, Jean-Etienne Antoinette.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement no 1 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, François Rebsamen, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.

Rejet de l’article.

Article 2

MM. François Rebsamen, le rapporteur.

Rejet de l’article.

Article 3

M. François Rebsamen.

Rejet de l’article

Article 4

Amendement no 2 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Jean-Pierre Plancade. – Rejet.

M. François Rebsamen.

Rejet de l’article.

Articles additionnels après l’article 4

Amendement no 3 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. François Rebsamen. – Rejet.

Amendement no 4 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.

Le rejet de la totalité des articles entraînent le rejet de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance

4. Avenir de la politique sociale européenne. – Discussion d’une question orale européenne avec débat

MM. Richard Yung, auteur de la question orale ; Mmes Monique Papon, Bariza Khiari, M. Michel Billout, Mme Anne-Marie Escoffier.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille ; M. Richard Yung, auteur de la question orale.

Clôture du débat.

Suspension et reprise de la séance

5. Sociétés publiques locales. – Adoption d'une proposition de loi (Texte de la commission)

Discussion générale : MM. Daniel Raoul, auteur de la proposition de loi ; Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois ; Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.

MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Léonce Dupont, Mme Éliane Assassi, M. Robert del Picchia, Mme Anne-Marie Escoffier.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement no 5 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Daniel Raoul. – Adoption.

Amendement no 3 du Gouvernement. – M. le secrétaire d'État. – Retrait.

Amendement no 6 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Daniel Raoul. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel avant l'article 2

Amendement no 2 de M. Daniel Raoul. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État, Daniel Raoul. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2

Amendement no 1 rectifié bis de M. Daniel Raoul. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 3

Amendement no 4 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Daniel Raoul. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Adoption de l’ensemble de la proposition de loi.

M. Daniel Raoul.

Suspension et reprise de la séance

6. Réforme de l’hôpital. – Suite de la discussion d’un projet de loi déclaré d’urgence

Articles additionnels après l'article 14 (précédemment réservés) (suite)

Amendement n° 467 de M. François Autain. – MM. Guy Fischer, Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. – Rejet.

Amendements identiques nos 468 de M. François Autain et 717 de M. Bernard Cazeau. – MM. François Autain, Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements identiques.

Amendement n° 469 de M. François Autain. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendements nos 498 rectifié de M. François Autain et 716 de M. Bernard Cazeau. – MM. François Autain, Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.

Article additionnel après l'article 14 quater (précédemment réservé)

Amendement n° 895 rectifié bis de M. Jean-Marc Juilhard, repris par la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Articles additionnels après l'article 14 quinquies (précédemment réservés)

Amendement n° 711 rectifié de M. Claude Jeannerot. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement no 853 de M. Paul Blanc. – MM. Marc Laménie, le rapporteur, Mme la ministre, M. Alain Vasselle. – Retrait de l’amendement n° 853.

Amendement no 852 de M. Paul Blanc. – Retrait.

Amendement n° 854 de M. Paul Blanc. – Retrait.

Articles additionnels après l'article 15 (précédemment réservés)

Amendement n° 728 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendements identiques nos 481 de M. François Autain et 729 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. François Autain, Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 743 de M. Jean-Luc Fichet. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 690 rectifié de M. Jacques Gillot. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 1297 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre, M. François Autain. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Articles additionnels avant l’article 16 (précédemment réservés)

Amendements nos 782 rectifié et 783 rectifié de M. Yves Daudigny et amendement n° 44 de M. Pierre Bordier. – MM. Jacky Le Menn, Pierre Bordier, le rapporteur, Mme la ministre, M. Alain Vasselle. – Rejet de l’amendement n° 782 rectifié ; adoption de l’amendement n° 44 insérant un article additionnel, l’amendement n° 783 rectifié devenant sans objet.

Articles additionnels après l'article 18 (précédemment réservés)

Amendement n° 755 de M. Bernard Cazeau. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 756 de M. Jacky Le Menn. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Articles additionnels après l'article 18 ter (précédemment réservés)

Amendement n° 631 rectifié de M. Gilbert Barbier. – MM. Gilbert Barbier, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 632 rectifié de M. Gilbert Barbier. – MM. Gilbert Barbier, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Article additionnel après l'article 18 quater (précédemment réservé)

Amendement n° 757 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Articles additionnels avant l'article 19 (précédemment réservés)

Amendements nos 499 et 500 de M. François Autain. – MM. François Autain, Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 501 de M. François Autain. – MM. François Autain, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Articles additionnels après l'article 19 (précédemment réservés)

Amendement n° 504 de M. François Autain. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre, M. François Autain. – Rejet.

Amendements nos 506 de M. François Autain et 762 de M. Jean-Jacques Mirassou. – MM. François Autain, Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean Desessard. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 505 de M. François Autain. – MM. François Autain, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Articles additionnels après l’article 19 sexies (précédemment réservés)

Amendement n° 666 de M. Gérard Dériot. – MM. Gérard Dériot, le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 359 rectifié bis de M. Jean-Marc Juilhard, repris par la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1331 du Gouvernement. – Mme la ministre, MM le rapporteur, Alain Vasselle. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Articles additionnels après l’article 21 (précédemment réservés)

Amendement no 773 de M. Bernard Cazeau. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 1243 du Gouvernement. – Mme la ministre, M. le rapporteur. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1241 du Gouvernement. – Mme la ministre, M. le rapporteur, Mme Marie-Thérèse Hermange. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 197 de M. Dominique Leclerc. – M. Gérard Dériot. – Retrait.

Amendement n° 1242 du Gouvernement et sous-amendement n° 1373 de M. François Autain. – Mme la ministre, MM. François Autain, le rapporteur. – Rejet du sous-amendement ; adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 771 de M. Bernard Cazeau. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 772 de M. Bernard Cazeau. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 777 de M. Bernard Cazeau. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Titre III

Mme la ministre.

Article 22 A (supprimé par la commission)

Amendement n° 786 rectifié de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Renvoi de la suite de la discussion.

7. Dépôt d'une question orale avec débat

8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

9. Transmission d'une proposition de loi

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Jean-Paul Virapoullé.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Journée mensuelle réservée aux groupes de l'opposition et aux groupes minoritaires

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous abordons notre troisième journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires en application des nouvelles dispositions du dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution entrées en vigueur le 1er mars.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records
Discussion générale (suite)

Contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises

Rejet d'une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records, présentée par MM. François Rebsamen, Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, (nos 363 et 437, 2008-2009).

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records
Article 1er

M. François Rebsamen. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier ceux qui sont présents ici, en nombre, ce matin, …

M. Jean Arthuis, rapporteur de la commission des finances. Les places sont chères ! (Sourires.)

M. François Rebsamen. … au premier rang desquels mes collègues du groupe socialiste.

La proposition de loi que nous vous présentons s’inscrit dans la continuité des réflexions menées par le groupe socialiste à l’occasion de différents débats.

Elle a pour objectif, à l’article 1er, d’instaurer une contribution exceptionnelle de solidarité à l’égard des grandes entreprises qui ont dégagé, en 2008, des bénéfices au moins supérieurs de 10 % à ceux de 2007.

Elle tend, à l’article 2, à moduler l’impôt sur les sociétés en fonction du « comportement » de l’entreprise en matière de réinvestissement des bénéfices dégagés. Pour simplifier, disons qu’il pourrait s’agir d’une sorte de bonus-malus.

Elle vise, à l’article 3, à créer une contribution complémentaire à l’égard des entreprises « pétrolières ».

Enfin, elle prévoit, à l’article 4, ce qui ne vous surprendra pas, mes chers collègues, de supprimer des dispositifs de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite TEPA, qui grèvent dangereusement les finances publiques.

M. François Rebsamen. La situation, nous la connaissons : les recettes de l’État sont en chute libre, …

M. Jean Arthuis, rapporteur. N’exagérons rien !

M. François Rebsamen. … les rentrées de l’impôt sur les sociétés ont fondu de 11 milliards d’euros au cours du premier trimestre de 2009. À cet égard, le Premier président de la Cour des comptes le rappelait hier encore, les recettes nettes de l’impôt sur les sociétés ont connu, dès 2008, un recul sensible sous l’effet de l’augmentation des dégrèvements et autres remboursements, ce qui représente plus de 20 % de l’impôt sur les sociétés brut.

M. François Rebsamen. Cet effondrement, associé aux nombreux cadeaux fiscaux accordés aux ménages les plus favorisés et à une situation économique très préoccupante, creuse plus encore le déficit de l’État, qui est déjà colossal. Rappelons-le, la dernière loi de finances rectificative a prévu un déficit de plus de 5,6 % du produit intérieur brut, soit 104 milliards d’euros. Lorsque les moins-values de recettes fiscales seront connues, ce déficit va encore augmenter. Ne nous voilons pas la face ! Plus le déficit sera important, plus les conditions de la reprise seront difficiles !

Nous considérons, et nous ne sommes sans doute pas les seuls, que l’État doit retrouver la capacité financière d’intervenir. Comme les membres du groupe socialiste et nos collègues de gauche l’ont déjà rappelé, le Gouvernement ne doit pas, par dogmatisme, s’entêter à maintenir des mesures fiscales socialement injustes et économiquement inefficaces. Nous devons rechercher de nouvelles voies.

Les mesures proposées aujourd’hui visent à obtenir de la part des grands groupes français des contributions significatives afin d’assurer une partie du financement de mesures de lutte anticrise, en s’appuyant sur le principe de solidarité nationale. Elles pourraient aussi corriger les effets peu adaptés au contexte de crise du « bouclier fiscal », abonder le fonds stratégique d’investissement ou soutenir les PME sous-traitantes. Les pistes sont donc nombreuses, même si, nous le savons bien, on ne peut réellement affecter, le cas échéant, les produits de cette contribution.

Du côté de l’emploi, la situation est également très préoccupante, voire dramatique. L’UNEDIC prévoit plus de 630 000 chômeurs supplémentaires et la destruction de 600 000 emplois en 2009. Sur la période 2009-2010, près de un million d’emplois seraient supprimés ! On mesure ainsi l’ampleur du traumatisme pour toutes les familles qui rencontrent de telles difficultés. C’est pourquoi notre proposition de loi pourrait constituer un début de solution.

La contribution sur les sociétés que nous prévoyons à l’article 1er avait déjà été mise en œuvre par le Gouvernement Jospin et elle avait bien conservé son caractère exceptionnel. Je veux donc rassurer tous ceux qui pensent que « toute taxe dérogatoire et exceptionnelle est suspecte et serait contraire aux principes de stabilité et de prévisibilité de l’impôt ».

M. Jean Arthuis, rapporteur. Eh oui, hélas !

M. François Rebsamen. Je vois que vous vous êtes reconnu, monsieur le rapporteur.

De plus, la mesure prévue à l’article 1er n’est pas une taxe, c’est une contribution temporaire. Cette subtilité sémantique a son importance.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Remboursable ?

M. François Rebsamen. Hier encore, Mme Bachelot-Narquin écartait l’idée d’une « taxe », mais évoquait celle d’une « contribution ». Par ailleurs, en 2005, le ministre des finances de l’époque avait appelé les acteurs du secteur pétrolier à se comporter en « entreprises citoyennes » face à l’envolée des prix du pétrole, attendant de leur part « des propositions concrètes et tangibles », faute de quoi, il n’excluait pas « la possibilité de soumettre au vote des députés » – et des sénateurs aurait-il dû ajouter – « une taxe exceptionnelle correspondant à une situation exceptionnelle ».

M. François Marc. Ils l’ont dit, nous le faisons !

M. François Rebsamen. Je ne vois donc pas pourquoi on nous opposerait aujourd’hui la dangerosité de mesures dérogatoires que le ministre des finances avait lui-même envisagées en 2005.

Il s’agit donc d’une contribution exceptionnelle à l’effort national, affectée au budget global de l’État, et qui pourrait redonner des marges de manœuvre au Gouvernement. En outre, rien ne permet de croire que son caractère ponctuel serait dangereux.

Les grands groupes « éligibles » à cette contribution sont GDF-Suez, dont les bénéfices ont augmenté de 13 % en 2008 – nous nous en félicitons –, Total, qui a enregistré des bénéfices de 14 %, ou Lagardère, qui a dégagé 11 % de bénéfices. Je le répète, nous ne sommes pas contre les bénéfices ; nous sommes contre la façon dont ils sont utilisés.

Venons-en à Total, dont j’ai parlé à plusieurs reprises dans cet hémicycle, et je ne suis d’ailleurs pas le seul. Le géant pétrolier, tout en annonçant 555 suppressions d’emplois, que son P-DG qualifie d’« ajustement progressif des effectifs », sans oublier la mise en chômage partiel de 6 000 salariés dans sa filiale Hutchinson, procède à des rachats d’actions et octroie à ses dirigeants plus de 5,4 milliards d’euros de dividendes. D’ailleurs, j’entendais hier encore l’un d’eux se féliciter d’échapper au paiement de l’impôt grâce aux niches fiscales et aux retraites chapeau. En tout cas, pour l’instant !

Nous ne nous satisfaisons pas de l’annonce faite par ce groupe d’abonder de 50 millions d’euros sur cinq ans le fonds d’expérimentation pour les jeunes. Après un rapide calcul, j’ai constaté que cela représentait 0,072% des bénéfices de 2008. Cette enveloppe ou cette participation volontaire, qui a été décidée unilatéralement par le groupe à la suite de l’annonce de la suppression de 555 postes, ne se suffit pas à elle seule !

Nous le répétons encore une fois, c’est au Parlement de décider du principe d’une participation financière aux efforts nationaux à l’occasion du plan de relance. C’est à lui de s’exprimer sur le bien-fondé de la création d’une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises !

L’arme fiscale doit être une arme anticrise et l’outil absolument indispensable de la solidarité, sans creuser davantage les déficits et faire porter aux générations futures une dette encore et toujours plus lourde. Nous n’héritons pas la dette de nos parents, mais nous la léguons assurément à nos enfants.

Lors d’un récent débat, un de nos collègues déclarait qu’il y avait seulement deux solutions pour obtenir des contributions significatives de la part des grands groupes français.

La première, contraignante, consiste à instituer une contribution additionnelle exceptionnelle. C’est l’objet des articles 1er et 3 de notre proposition de loi.

La seconde, partenariale, réside dans des dispositifs d’incitation fiscale. C’est ce que nous essayons de faire avec le « bonus malus » fiscal prévu à l’article 2. D’ailleurs, nous sommes prêts, si c’est nécessaire pour faire adopter cette disposition, à nous montrer ouverts aux modifications que M. le président de la commission des finances pourrait nous suggérer.

Un tel système de « bonus malus » correspond à des propositions que nous avons déjà formulées dans cet hémicycle en vue d’une meilleure répartition des profits. À cette occasion, M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique avait affirmé que cela méritait d’être « approfondi ». Il s’était engagé à consulter le Trésor et la direction de la législation fiscale pour avoir leur expertise sur le sujet. Il nous avait également indiqué que nous aurions un rendez-vous lorsqu’il disposerait d’éléments d’information suffisants, peut-être lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Nous, nous proposons d’avoir ce débat dès à présent.

Selon nous – je parle des membres du groupe socialiste et, d’une manière plus générale, de l’ensemble des sénateurs de gauche –, il est impératif d’adresser des signes de justice aux citoyens, aux consommateurs, aux ménages, aux contribuables ou aux petites et moyennes entreprises, qui subissent lourdement, parfois doublement – je fais référence à la situation observée en 2008, avec une hausse à la fois des prix et du chômage – les effets de la crise, alors qu’on assiste parallèlement au versement incongru de parachutes dorés, de retraites chapeau et de dividendes mirifiques ! C’est, en quelque sorte, une double peine qui est imposée à nos concitoyens, régulièrement « nargués » et agacés par les millions d’euros de dividendes reversés et d’autres super-revenus annoncés.

Les entreprises visées par la présente proposition de loi ont les moyens d’être mises à contribution. Elles ont été largement bénéficiaires en 2008 – j’aurai l’occasion d’y revenir –, même si elles ont enregistré une baisse de leurs bénéfices en 2009.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Cela tombe mal !

M. François Rebsamen. Pas du tout ! Au premier trimestre, les bénéfices dégagés par certains grands groupes – je pense une nouvelle fois à Total – se chiffrent, et c’est tant mieux, en milliards d’euros,…

M. Jean Arthuis, rapporteur. Oui, mais ils sont déjà imposés à l’étranger !

M. François Rebsamen. … et ils vont continuer à progresser, notamment en raison de la hausse du prix du pétrole, qui est appelé à atteindre de nouveaux sommets.

C’est pourquoi nous voulons maintenir une logique vertueuse et mettre un terme à cette politique de maximisation des profits et de retour aux seuls actionnaires, politique d’ailleurs jumelée en 2008 – nous verrons si c’est toujours le cas en 2009 – à une hausse des prix subie par les consommateurs, qu’il s’agisse des ménages ou des petites et moyennes entreprises. Ainsi, nous avons dû attendre le mois d’avril pour voir le prix du gaz baisser, alors que la période de chauffe a touché tous nos concitoyens pendant l’hiver avec des prix maximisés !

Nous proposons donc de faire face à de telles stratégies d’optimisation développées par les grandes firmes et, vous le savez très bien, monsieur le président de la commission des finances, par leur armada d’experts financiers.

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a renoncé à une réforme qui aurait pu contribuer à améliorer le rendement de l’impôt sur les sociétés, ce qui semble nécessaire au vu des rapports de la Cour des comptes. Il s’agit de lutter contre d’ingénieux montages fiscaux que même les juristes de la direction générale des impôts qualifient « d’abus de droit ». À mon sens, la technique qui consiste à exploiter toutes les finesses des procédures légales pour réduire l’addition payée par l’entreprise doit être combattue.

Madame la secrétaire d’État, nous constatons que le Gouvernement recule aujourd'hui sur le contrôle des « prix de transfert », technique permettant à une société de faire transiter sa production par un pays à la fiscalité plus avantageuse. Au même moment – quelle ironie ! –, le président des États-Unis entend, lui, vérifier que les entreprises paient bien leurs impôts à l’État fédéral. Je rappelle que les bénéfices des sociétés américaines sont imposés à hauteur de 35 %. Ce chiffre est à comparer à notre impôt sur les sociétés, dont le taux est de 33 % et dont les recettes sont régulièrement amputées du fait des différentes niches fiscales qui existent. Selon le secrétaire au trésor américain, certaines grandes sociétés recourent à des stratégies de défiscalisation et d’évasion fiscale, alors même que des millions de familles travaillent dur et que les petites entreprises paient, elles, leur part.

En outre, la croissance des entreprises concernées ne s’est pas nécessairement traduite – pourtant, on aurait au moins pu en attendre cela ! – par une hausse proportionnelle des investissements productifs. Et l’explosion des profits financiers au détriment de l’investissement dans le capital productif s’est également souvent accompagnée d’une dérive exponentielle des plus hautes rémunérations. Au cours de ces dernières années, les rémunérations supérieures à 200 000 euros annuels – c’est tout de même un seuil qui permet de vivre convenablement… – n’ont eu de cesse d’augmenter dans la masse salariale, alors même que les salaires des travailleurs de ces entreprises étaient comprimés.

Dès lors, l’argument selon lequel une telle contribution réduirait la capacité d’investissement des entreprises concernées et pénaliserait ce que d’aucuns qualifient, parfois à juste titre, de « fleurons de l’économie française » ne tient pas. Idem pour l’objection selon laquelle les résultats de certaines entreprises au premier trimestre seraient moins bons. D’ailleurs, les bénéfices enregistrés par certaines entreprises, comme Total, en 2008 constituaient des records qui seront difficiles à dépasser.

En outre, et je souhaite insister sur ce point, ces « moins bons résultats » ponctuels ne peuvent pas constituer un argument valable, puisque le Gouvernement demande lui-même une participation ponctuelle à des entreprises publiques dans le cadre du plan de relance. Or des entreprises publiques moins bénéficiaires en 2008 – c’est le cas d’EDF, qui a réalisé 40 % de bénéfices en moins cette année-là – ont bien été mises à contribution.

Si Total annonce des bénéfices en baisse pour le premier trimestre de l’année 2009, d’autres entreprises, par exemple GDF-Suez, sans doute en raison de sa politique des prix, ont continué de progresser, ce dont je me réjouis. À mon sens, de tels résultats justifient l’article 1er de notre proposition de loi.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. François Rebsamen. J’en viens à ma conclusion, madame la présidente.

Le Gouvernement américain a récemment annoncé l’abrogation de plusieurs niches fiscales, qui coûtent des centaines de milliards de dollars, afin de mettre fin à tels allégements.

Par conséquent, on ne peut pas, me semble-t-il, nous opposer l’argument, que nous avons déjà entendu à de nombreuses reprises, du risque de délocalisation.

L’entreprise Total a besoin de la puissance diplomatique de la France pour s’implanter à l’étranger. D’ailleurs, elle serait bien inspirée de regarder à deux fois avant de s’installer dans certains pays, comme la Birmanie !

Nos propositions ne sont donc pas de nature à fragiliser la situation des entités qui résistent le mieux à la crise.

Heureusement, il reste quelques entreprises publiques pour financer le plan de relance, puisque, comme je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement ne dégage pas de nouvelles marges de manœuvre !

Après avoir mentionné EDF, je souhaite faire référence à la SNCF et à la RATP, qui ont été mises à contribution à hauteur respectivement de 300 millions d’euros et de 500 millions d’euros. Nous le voyons bien, il y a là deux poids deux mesures. Nous voulons optimiser les chances de diminuer ce déficit, qui est particulièrement important.

Voilà quelques années, M. Gérard Mestrallet, qui n’était pas encore à la tête de GDF-Suez, mais qui co-présidait la commission « fiscalité » de l’Institut de l’entreprise, écrivait : « L’optimisation fiscale est une pratique aussi ancienne que la fiscalité elle-même ; il est clair, en revanche, que ses techniques tendent à se complexifier…

M. Jean Arthuis, rapporteur. C’est évident !

M. François Rebsamen. … à mesure que progresse la mondialisation des échanges et que s’intensifie la concurrence fiscale internationale. »

En d’autres termes, la complexification du système fiscal est liée non pas aux nouveaux dispositifs que nous proposons, mais bien à la mondialisation des échanges. Pour notre part, nous essayons d’y répondre.

De notre point de vue, et je me permets de le souligner ici, les collectivités locales, qui contribuent à l’investissement public à hauteur de 75 %, ne doivent pas être les seules à servir de parachutes à la crise. Nous pensons que des mesures justes et efficaces s’imposent.

La présente proposition de loi a pour objectif de répondre à une situation de crise exceptionnelle – nous sommes d'accord sur l’analyse –, face à laquelle l’État doit agir pour aider les plus faibles et permettre à l’économie de repartir le moment venu.

À mon sens, c’est justement pour éviter que des débats de cette nature ne ressurgissent que certains, dont des premiers ministres, avaient déjà proposé des taxations, voire des sur-taxations temporaires. Certaines, comme le dispositif institué par M. Juppé, ont duré, duré ! D’autres, comme celle qui a été mise en place par le gouvernement Jospin, n’ont duré que le temps de la promesse. (Sourires.)

Refuser les propositions que nous formulons aujourd'hui, ce serait, me semble-t-il, faire preuve d’un dogmatisme idéologique dont les Français n’ont que faire en cette situation de crise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, rapporteur. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre Haute Assemblée est invitée ce matin à se prononcer sur une proposition de loi, déposée par nos collègues du groupe socialiste, dont l’objectif est d’augmenter la contribution fiscale de certaines entreprises réalisant actuellement des bénéfices « records », afin de financer les mesures nécessaires pour faire face à la crise. François Rebsamen vient de tenter de nous faire partager ses convictions.

M. Daniel Raoul. Il n’a pas tenté ! Il y est parvenu !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Cher collègue, je tiens à vous dire au préalable que mon propos se veut à l’abri de tout dogmatisme. Votre proposition témoigne d’une préoccupation légitime.

M. Daniel Raoul. Cela commence bien !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Je souhaite saluer votre intention et y rendre hommage.

La dégradation des finances publiques résulte à la fois d’une baisse des recettes fiscales et d’une augmentation des besoins de financement. La présente proposition de loi, qui comporte quatre articles, a notamment pour conséquence de majorer, sous certaines conditions, l’impôt sur les sociétés.

Oui, votre intention est bonne. Il faut tout mettre en œuvre pour retrouver l’équilibre de nos finances publiques.

Je souhaite rappeler, à titre liminaire, que la France connaît d’ores et déjà un des taux nominaux d’impôt sur les sociétés les plus élevés d’Europe et que, à ce titre, la commission des finances rappelle régulièrement la nécessité d’envisager une réforme de cet impôt, fondée sur une diminution du taux et un élargissement de l’assiette, par abrogation des multiples niches, dérogations et exonérations spécifiques, …

M. François Marc. Et la fraude !

M. Jean Arthuis, rapporteur. … qui font sans doute le bonheur d’un certain nombre d’experts en optimisation fiscale.

Donc, vous le voyez, madame la secrétaire d'État, notre commission est attachée à la simplification et à la clarté. Elle prône l’abaissement des taux pour accroître l’attractivité du territoire français et l’élargissement de l’assiette.

Sur la base de ce constat, la proposition de l’alourdissement de fiscalité sur certaines entreprises faite par François Rebsamen apparaît – malheureusement, car l’objectif est excellent – particulièrement contre-productive et fondamentalement inefficace pour au moins trois raisons.

Premièrement, la proposition aggrave la dégradation de la compétitivité de la France et accroît le risque de délocalisation d’activités, d’emplois et d’assiette fiscale, ce qui, dans la période actuelle, mes chers collègues, apparaît particulièrement « dangereux ».

Madame la secrétaire d'État, n’est-il pas vrai que les grands groupes français investissent à l’étranger dans la période que nous traversons ? Peut-être pourrez-vous nous apporter quelques précisions à ce sujet.

En se focalisant sur les entreprises bénéficiaires, la proposition de loi qui nous est soumise fragilise, à court terme, une activité économique déjà affaiblie.

Je rappelle que notre commission s’est félicitée, lors de l’examen de la dernière loi de finance rectificative, que le Gouvernement ne procède à aucun ajustement pour compenser les moins-values fiscales attendues, soutenant ainsi indirectement l’activité par le jeu des stabilisateurs automatiques.

Dans la même ligne, notre commission a appelé à un moratoire fiscal pendant l’année 2009. Le grand rendez-vous des initiatives fiscales et des innovations aura lieu à l’automne, au moment de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2010.

La proposition de loi fragilise également, à long terme, une compétitivité qui nécessite d’être maintenue, voire renforcée, afin de réussir la sortie de crise et, tout spécialement, l’après-crise.

Il s’agit, notamment, de conserver sur notre territoire les entreprises dynamiques. Or, si la fiscalité n’explique pas, à elle seule, la localisation des activités, elle en est un facteur décisif, convenons-en.

Deuxièmement, les mesures proposées ajouteraient de la complexité à un système fiscal d’ores et déjà peu lisible ; c’est peu dire !

Ainsi devrait-on distinguer non seulement les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros et dont l’impôt sur les sociétés est supérieur à 763 000 euros, mais aussi les entreprises qui ne sont pas des PME au sens communautaire, mais qui réalisent des bénéfices dont la croissance annuelle est supérieure à 10 %, les entreprises qui réinvestissent leurs profits, celles qui distribuent leurs profits, celles qui appartiennent au secteur pétrolier et les autres ; j’arrête là ma liste ! Mon cher collègue, vous donnez du grain à moudre à tous les optimisateurs !

Ces microrégimes, qui se superposeraient à l’ensemble des niches fiscales, sont contraires à la position de notre commission, qui milite depuis plusieurs années pour un dispositif simple, fondé sur une assiette élargie et un taux d’imposition abaissé.

Troisièmement, les dispositions proposées ont une efficacité pour le moins incertaine.

La proposition de loi a pour objectif, notamment, d’accroître l’effort de contribution fiscale de certaines sociétés et d’inciter ces entreprises à renforcer leurs fonds propres.

Toutefois, les modalités retenues par cette proposition de loi pour atteindre ces objectifs apparaissent particulièrement discutables.

En premier lieu, on peut s’interroger sur le nombre de redevables de la contribution exceptionnelle de solidarité en 2010. Cette contribution concerne des entreprises qui réalisent des bénéfices en hausse de plus de 10 % par rapport à l’exercice précédent.

Vous avez évoqué, François Rebsamen, les résultats de 2008. Mais ce sont les résultats de 2009 qui seraient concernés par votre proposition de loi si elle était adoptée. Or les premiers résultats du premier trimestre de 2009, publiés par certaines grandes entreprises françaises, sont décevants. Le nombre d’entreprises qui seront en mesure d’afficher des bénéfices à deux chiffres pour l’année 2009 risque d’être malheureusement très réduit, convenons-en. Si tel était le cas, la mesure aurait non seulement le tort de présenter les inconvénients que je viens d’indiquer, mais aussi celui de ne pas apporter de recettes supplémentaires à l’État. Par conséquent, ayant affiché une magnifique intention, vous ne vous donneriez pas les moyens de la servir.

En second lieu, la proposition de modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de la politique de distribution des bénéfices des entreprises, si intéressante soit-elle, ne paraît permettre ni un renforcement significatif des fonds propres des entreprises ni une augmentation de recettes fiscales.

La mesure proposée à l’article 2 repose sur la distinction entre profits distribués et profits investis, c’est-à-dire soit mis en réserve, soit incorporés en capital. Le taux de l’impôt sur les sociétés serait majoré de 10 % dès lors que l’entreprise distribue plus de 60 % de ses bénéfices imposables.

À cet égard, je veux souligner que le bénéfice imposable est non pas le bénéfice susceptible d’être distribué ou mis en réserve, mais le bénéfice avant déduction de l’impôt sur les sociétés. Or l’impôt sur les sociétés peut être supérieur à 60 % du bénéfice comptable, parce que certaines dépenses ne sont pas fiscalement déductibles. Par conséquent, à mon avis, la référence au bénéfice imposable nous entraîne dans l’erreur.

Ce dispositif serait particulièrement opportun si la distinction entre profits investis et profits distribués avait un sens pour le plus grand nombre des entreprises établies sur notre territoire, mais tel n’est pas le cas. Comme le souligne le rapport Cotis, le nombre d’entreprises qui distribuent des dividendes est in fine restreint : en 2006, 16,4 % des PME ont distribué des dividendes, cette proportion étant de 30,6 % pour les entreprises de taille intermédiaire et de 41 % pour les grandes entreprises.

En outre, ce dispositif serait intéressant si ses modalités d’application revêtaient un caractère incitatif pour les entreprises potentiellement concernées. Or la référence au bénéfice imposable, c’est-à-dire avant soustraction de l’impôt sur les sociétés, compte tenu des éléments non déductibles du bénéfice comptable, conduit à un dispositif non opérationnel : en effet, très rares seraient les sociétés à dépasser un taux de distribution supérieur à 60 % dans les conditions de la proposition de loi, car cela signifierait qu’elles distribuent la quasi-totalité de leur résultat net.

L’examen des taux de distribution des grandes entreprises françaises montre, à ce titre, que la mesure proposée n’aurait pas l’impact souhaité, puisque la moyenne du taux de distribution des entreprises privées du CAC 40 – taux calculé, selon l’usage, par le ratio entre le montant des dividendes nets et le bénéfice net – était, en 2007, de 40,56 %, soit un taux d’environ 27 %, si l’on prend comme dénominateur le bénéfice imposable. On est bien loin de vos 60 %, mon cher collègue !

Au vu de la proposition de loi, les entreprises bénéficieraient de facto d’une minoration du taux d’impôt sur les sociétés sans avoir pour autant à changer leur politique de distribution.

Par ailleurs, l’actionnaire peut avoir intérêt à ne pas percevoir de dividendes, la mise en réserve de l’intégralité du bénéfice ayant pour conséquence d’augmenter la valeur de ses titres. Il peut être plus intéressant pour l’actionnaire de voir la valeur du titre augmenter plutôt que de percevoir un dividende ; s’il a besoin d’un peu de liquidités, il lui suffit de mettre sur le marché les quelques actions dont le prix de cession lui apportera les ressources dont il a besoin.

En conclusion, la modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de la politique de distribution n’apparaît pas comme le vecteur adéquat pour renforcer les fonds propres des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises.

À ce sujet, j’estime que la consolidation du capital des PME passe davantage par une modification du dispositif de réduction d’impôt de solidarité sur la fortune et je vous renvoie à ma proposition de loi, …

M. Daniel Raoul. Nous y voilà !

M. Jean Arthuis, rapporteur. … qui devrait être discutée en séance publique le 29 juin prochain.

Je rappelle, mes chers collègues, que, en application de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune peuvent souscrire des parts de PME.

Les banques ont inventé des holdings ayant un rôle d’intermédiation financière pour collecter ces fonds d’ISF et les mettre ensuite à disposition des PME. Or il faut parfois attendre trente mois avant que les fonds ainsi collectés soient mis à la disposition des PME.

La proposition de loi que je soumettrai au Sénat vise à réduire impérativement à six mois le délai de détention de ces fonds, afin que, bénéficiant d’un avantage fiscal substantiel, ils ne constituent pas une sorte de matelas où dorment des ressources, au moment même où les PME ont un impératif besoin de fonds propres.

À présent, je dresserai un rapide résumé du contenu des articles.

L’article 1er vise à créer une contribution exceptionnelle de solidarité de 5 % sur l’impôt sur les sociétés, soit 1,66 point, sur les entreprises qui dégagent des bénéfices au moins supérieurs à 10 % à ceux de l’année précédente. Outre le fait que cet article s’appuie sur des dispositions abrogées du code général des impôts, cette mesure est particulièrement inopportune pour les raisons que je viens de développer.

L’article 2 vise à moduler le taux de l’impôt sur les sociétés, de plus ou moins 3,33 points, en fonction de l’affectation des bénéfices réalisés par les entreprises afin de les inciter à renforcer leurs fonds propres. Je m’interrogeais, en introduction, sur la pertinence d’un tel dispositif eu égard à l’objectif recherché et à la situation actuelle des entreprises en la matière. J’ajoute que la neutralité fiscale est souhaitable sur ce point, car l’arbitrage entre ce qui doit être mis en réserve, afin d’alimenter l’autofinancement, et ce qui doit être distribué sous forme de dividendes relève de l’entière responsabilité des organes sociaux des entreprises.

L’article 3 vise à créer une contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises du secteur pétrolier. La taxe « Total » est une idée récurrente. Toutefois, l’application de cette taxe selon les modalités proposées constituerait un alourdissement très significatif, et de surcroît permanent, de la fiscalité de ce secteur.

Or, d’une part, ce dernier contribue à la compétitivité de notre pays et, d’autre part, il convient de prendre du recul sur ces « superprofits » en tenant compte, notamment, de l’importance des budgets d’investissement de ces entreprises – 14 milliards d’euros pour Total en 2009, soit un montant quasi équivalent à ses bénéfices pour 2008 – et du caractère fortement internationalisé de leur activité.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur l’aspect quelque peu arbitraire du périmètre de la disposition au regard de l’ensemble des entreprises relevant du secteur énergétique.

J’ajoute que, en tant qu’actionnaire de plusieurs sociétés sur notre territoire, le groupe Total maintient aujourd'hui des emplois dans des conditions difficiles. En outre, ses profits servent aussi à assurer le financement d’un certain nombre de PME.

L’article 4 prévoit, afin de compenser une éventuelle perte de recettes fiscales, quatre gages, dont l’abrogation de la loi dite TEPA et la suppression de l’indexation automatique de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Cette compensation financière n’est pas seulement formelle, puisqu’elle a pour conséquence de remettre en cause la politique économique conduite par le Gouvernement.

Rappelons que la loi TEPA a, notamment, instauré la défiscalisation des heures supplémentaires, encouragé l’accession à la propriété, allégé les droits de succession et de donation, amélioré le financement des PME et, enfin, mis en place le bouclier fiscal.

M. Daniel Raoul. Pour les plus aisés !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Ces deux dernières mesures font certes l’objet de réflexions au sein de la commission ; elles ne sauraient toutefois être purement et simplement supprimées, sans qu’une mesure alternative soit instaurée. Puis-je rappeler que j’ai eu l’occasion de défendre dans cet hémicycle un triptyque visant à supprimer le bouclier fiscal, abroger l’ISF et instituer une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu pour compenser la diminution des recettes fiscales qui résulterait de l’abrogation de l’ISF ? Nous aurons l’occasion d’en reparler.

En conséquence et pour conclure, je vous propose, vous n’en serez pas surpris, de n’adopter, mes chers collègues, aucun article de cette proposition de loi, ce qui reviendra à la rejeter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi présentée par M. François Rebsamen est fondée sur une analyse avec laquelle nous pouvons être d’accord sur deux points : la gravité de la crise…

M. Marc Massion. Cela ne mange pas de pain !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. … et le souci qu’elle nous inspire en matière de finances publiques, comme l’a dit M. le président Jean Arthuis.

Pour autant, les dispositions de cette proposition de loi ne nous paraissent pas du tout de nature à répondre de manière pertinente à cette double préoccupation.

Je ne reviendrai pas, monsieur Rebsamen, sur le dispositif que vous avez présenté et que M. le président Jean Arthuis a commenté. Je voudrais cependant dire que le Gouvernement conteste l’idée de rechercher des boucs émissaires chez les grandes entreprises ou chez les ménages qui acquittent l’ISF comme si cela permettait de régler les très sérieux problèmes auxquels, c’est vrai, nombre de nos PME et nombre de nos compatriotes sont confrontés.

Dans le cas d’une crise mondiale, il serait particulièrement dangereux de détériorer la situation relative de nos entreprises, particulièrement celle de nos grandes entreprises, qui, compte tenu de la structure de notre appareil industriel, sont aujourd’hui des leaders mondiaux qui tirent nos échanges.

Je voudrais insister sur cette question de la compétitivité par rapport à l’étranger et sur les risques, signalés par M. le président Jean Arthuis, de délocalisation en raison des différents taux d’impôt sur les sociétés.

Je pense que nous devons nous réjouir que nos grandes entreprises, comme d’autres d’ailleurs, investissent à l’étranger. De même devons-nous nous réjouir du fait que la France soit le deuxième pays d’accueil des investissements étrangers. Il n’en reste pas moins que le souci de l’attractivité de notre territoire, qui va de pair avec la compétitivité de nos entreprises, doit, en cette période de crise mondiale, être le fil directeur de notre politique économique et, en l’occurrence, de notre politique fiscale.

Notre analyse des différents articles procède de cette idée.

Le Gouvernement n’est pas favorable à l’article 1er parce qu'il est à l'exact opposé de ses orientations de politique économique, qui consistent à réduire les charges fixes des entreprises, telles l’imposition forfaitaire annuelle ou la taxe professionnelle, et à éviter de léser celles qui affrontent un contexte économique défavorable.

S’agissant de l’article 2, qui vise à moduler le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices distribués, M. le président Jean Arthuis a parfaitement présenté la situation réelle des entreprises et les difficultés techniques qui résulteraient de l’adoption de cette disposition. Je rappellerai que c’est un dispositif tellement complexe, tant pour les entreprises que pour l’administration, que la majorité à laquelle vous apparteniez, monsieur Rebsamen, y avait renoncé en l’an 2000.

Ce dispositif serait source de distorsions de concurrence parce que la politique de distribution des bénéfices ne procède pas seulement en réalité du libre arbitre de l’entreprise elle-même ; elle dépend, entre autres choses, de la structure de ses financements, de la composition de son actionnariat et de son secteur d’activité. Il est donc inapproprié de parler, à ce sujet, de la situation des entreprises publiques qui, dans les secteurs que vous avez indiqués, ont été appelées à participer au financement d’infrastructures spécifiques à leur secteur d’activité, par exemple des infrastructures de transport ou des investissements en matière électrique.

Enfin, le Gouvernement n’est pas non plus favorable, monsieur le sénateur, à l’article 3 de votre proposition, qui crée une taxe sur les entreprises pétrolières. Ce débat a déjà eu lieu au Sénat, et vous n’ignorez pas que les grandes entreprises du secteur de l’énergie sont déjà toutes fortement taxées. Leurs bénéfices sont, dans la généralité des cas, soumis à l’impôt sur les sociétés au taux de 33,33 %, auquel s’ajoute une contribution sociale de 3,3 %, soit un taux effectif d’imposition de 34,43 %.

Quant au cas de l’entreprise Total, sur lequel vous vous êtes plus particulièrement arrêté, vous savez bien que les bénéfices que vous avez évoqués sont en réalité ses bénéfices comptables mondiaux consolidés et non les bénéfices imposables en France. Ils ne représentent d’ailleurs que moins de 5 % du résultat net du groupe et ont déjà été lourdement taxés à l’étranger. Il ne me semble pas opportun de surtaxer notre champion national au seul motif que ses activités imposables chez nous dégagent peu de bénéfices, alors qu’il investit et crée des emplois, en son sein mais aussi dans les entreprises dans lesquelles il détient une participation financière ou chez ses nombreux sous-traitants, comme je peux moi-même le constater à travers le monde.

Vous comprenez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui.

Je voudrais, en outre, monsieur Rebsamen, m’inscrire en faux contre certains de vos propos et donner quelques informations complémentaires au Sénat.

Tout d’abord, je voudrais vous confirmer que nous n’avons renoncé à rien s’agissant du contrôle des montages abusifs ! Nous avons d’ailleurs un dispositif de répression de l’abus de droit particulièrement performant, dont le Sénat a eu connaître à la fin de l’année dernière.

Ensuite, je voudrais rappeler que nous sommes, avec l’Allemagne, le pays qui, en Europe, procède au plus grand nombre de redressements en matière de prix de transfert. Nous faisons preuve d’une extrême vigilance, et les services de mon collègue Éric Woerth travaillent même, comme vous le savez sans doute, à un durcissement des outils de contrôle des grandes entreprises, avec la création d’une obligation documentaire.

Quant aux niches fiscales, j’ai parlé de l’impôt sur les sociétés, mais il faudrait que vous nous précisiez à laquelle vous pensez. S’il s’agit du bénéfice mondial consolidé, sachez que c’est un régime fort ancien – il existe depuis les années soixante – et, en réalité, très peu attractif, qui ne bénéficie qu’à moins de cinq entreprises. Il est, en tout état de cause, parfaitement transparent, puisque le Gouvernement fournit chaque année au président et au rapporteur général de la commission des finances toutes les informations utiles relatives aux bénéficiaires.

Pour terminer, j’indiquerai que, dans ce très difficile contexte de crise, il importe de soutenir les entreprises et l’activité, non pas en revenant sur les avancées de la loi TEPA – M. le président Jean Arthuis s’est exprimé très clairement à ce sujet – mais en construisant face à la crise un plan de relance cohérent et responsable.

Cela passe, bien sûr, par les mesures d’urgence prises à la fin de l’année 2008 pour soutenir notre système financier, au bénéfice des entreprises et des ménages, par le plan de soutien à l’activité, au travers des chantiers de relance, suivis, notamment, par Patrick Devedjian, par l’accélération, que vous avez votée à la fin de l’année 2008, des remboursements de crédits de TVA et de trop-perçus d’impôts sur les sociétés, pour renforcer la trésorerie des entreprises, par les mesures prises à l’issue du sommet social du 18 février 2009 ou encore par le plan de soutien à la filière automobile conclu, également en février dernier, par Christine Lagarde et Luc Chatel.

En conclusion, je répète que, pour préparer la sortie de crise, nous devons renforcer la compétitivité des entreprises françaises par l’innovation, par l’information et par l’investissement. C’est à cela que s’attache le Gouvernement, plutôt qu’à des mesures qui semblent largement inspirées, on peut le dire, par une approche idéologique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Marc Massion. L’idéologie, elle est chez vous !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert.

M. Alain Houpert. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue François Rebsamen et de l’ensemble des sénateurs du groupe socialiste fait suite à une question orale avec débat qu’il avait posée le 7 mai dernier sur l’opportunité d’instaurer une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l’énergie.

Force est de constater, monsieur Rebsamen, que vous avez – et j’y vois une qualité – de la suite dans les idées. Le texte que nous allons examiner cette fois-ci concerne non seulement, de nouveau, les grandes entreprises du secteur de l’énergie, ou, du moins, du secteur pétrolier, visées à l’article 3, mais aussi, d’une manière plus générale, toutes les entreprises, à partir du moment où elles réalisent des bénéfices.

M. François Rebsamen. Non ! C’est faux !

M. Alain Houpert. Le groupe socialiste fait donc le choix d’une politique de relance fondée notamment sur l’augmentation des impôts et la taxation des entreprises. Ce choix politique n’est pas le nôtre.

M. François Marc. On va voir !

M. Alain Houpert. Le Président de la République a déclaré sans ambages qu’il n’était pas élu pour augmenter les impôts.

M. Marc Massion. On a vu ce que cela a donné pour le pouvoir d’achat !

M. Alain Houpert. Le Premier ministre l’a rappelé il y a quelques semaines. Le groupe UMP s’y refuse également.

La crise ne nous fera pas changer de cap, car nous sommes d’avis que notre logique est la bonne et que la crise ne change en rien la vertu de cette logique, bien au contraire.

La hausse des impôts pesant sur les ménages engendre une diminution de la consommation et, donc, de l’activité économique et, par conséquent, de l’emploi. La hausse de la taxation des entreprises freine la compétitivité et l’investissement. Elle affecte, par conséquent, le dynamisme et la santé des entreprises. Elle menace ainsi également l’emploi.

Pour autant, notre logique économique et fiscale n’a pas pour corollaire l’inaction.

Nous luttons contre les abus, en encadrant la rémunération des hauts dirigeants.

Nous avons plafonné les niches fiscales.

Nous poursuivons indéfectiblement nos efforts en matière de diminution de la dépense, par la révision générale des politiques publiques, dite RGPP.

Les résultats sont probants : présenté le 13 mai dernier, le deuxième rapport d’étape de la RGPP souligne que 95 % des 374 décisions de modernisation, qui fondent les économies structurelles de la loi de programmation des finances publiques 2009-2011, sont en cours de mise en œuvre.

Dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, vous prônez donc, monsieur Rebsamen, une augmentation de la taxation des entreprises, qui prendrait la forme d’une majoration, sous certaines conditions, de l’impôt sur les sociétés.

Au-delà des raisons politiques que je viens d’évoquer, c’est également pour des raisons fondées sur des considérations plus techniques, que le rapport de la commission des finances, dont je tiens à saluer le travail, a parfaitement soulignées, que nous ne souscrivons pas, sur le fond, à l’objet de ce texte.

La commission a rejeté l’ensemble des articles de la proposition de loi, au motif qu’elle était préjudiciable, inopportune et inefficace.

En matière d’impôt sur les sociétés, la France applique déjà l’un des taux les plus élevés d’Europe. Le président Jean Arthuis, rapporteur de ce texte, l’a souligné, non seulement cet alourdissement de la fiscalité irait à l’encontre de la simplification de notre fiscalité, mais surtout il engendrerait une perte de compétitivité pour nos entreprises et risquerait de provoquer des délocalisations. Il serait contre-productif pour l’économie française d’augmenter la pression fiscale sur ses entreprises les plus solides, qui parviennent à réaliser des bénéfices en dépit d’un contexte économique particulièrement difficile.

Comme le rapporteur l’a également rappelé dans son exposé, les mesures proposées par ce texte seraient inefficaces, voire inopérantes.

La création d’une contribution exceptionnelle de solidarité sur les entreprises bénéficiaires apporterait peu de recettes à l’État, car le nombre d’entreprises concernées serait très faible.

De même, la modulation du taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation des bénéfices réalisés par les entreprises, avec notamment une majoration de 10 % dès lors que l’entreprise distribue plus de 60 % de ses bénéfices imposables, est une mesure inopérante, car très peu d’entreprises sont susceptibles de dépasser un taux de distribution de 60 %. Cela signifierait qu’elles distribuent la quasi-totalité de leur résultat net.

Quant à la contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises du secteur pétrolier que vise à créer l’article 3 de la proposition de loi, elle reprend l’idée d’une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l’énergie déjà débattue au Sénat le 7 mai dernier.

La surtaxe appliquée au secteur pétrolier non seulement représenterait une forte augmentation de son imposition, de 13,33 points, mais, en outre, serait automatique et non liée aux bénéfices, ce qui est contradictoire avec l’intitulé de la proposition de loi.

Le groupe UMP partage pleinement l’avis de la commission des finances : une telle surtaxe serait inopportune, car les entreprises françaises participent pleinement au dynamisme de notre économie. Une hausse significative de leur fiscalité risquerait d’entraîner leur délocalisation.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe UMP ne votera pas en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe socialiste est intéressante, car elle nous permet aujourd'hui de débattre des inégalités flagrantes entre ceux qui subissent la crise de plein fouet, notamment les PME et les personnes les plus fragiles, et ceux dont les gains annuels très importants présentent, aux yeux de certains, un caractère parfois indécent.

Cette proposition de loi nous offre également l’occasion de revenir sur le bien-fondé du bouclier fiscal. Est-il nécessaire de maintenir un tel dispositif alors que nous traversons une crise très grave ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Eh oui !

M. François Fortassin. Quelle que soit la position que nous ayons pu adopter à certaines périodes, nous devons nous interroger sur ce point.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Absolument !

M. François Fortassin. Je rappelle que les radicaux, qui sont à l’origine de l’impôt sur le revenu, sont particulièrement attachés à la progressivité de l’impôt, car elle constitue le socle de la solidarité nationale.

M. François Fortassin. Toutefois, cette proposition de loi, aussi alléchante qu’elle puisse paraître, présente, à nos yeux, quelque caractère insidieux : le mieux peut être l’ennemi du bien !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Très bien !

M. François Fortassin. Je vais étayer mon raisonnement en m’appuyant sur trois ou quatre points.

Tout d’abord, le prélèvement exceptionnel risque d’être durable.

Ensuite, il n’est pas bon de flécher des entreprises, qui sont susceptibles d’être montrées du doigt. Après tout, si des entreprises françaises sont performantes et gagnent de l’argent, cela n’a rien de choquant. Nous devrions même nous en féliciter !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Très bien !

M. François Fortassin. Nous devons également éviter de donner à certaines entreprises l’impression, je me risque à employer le terme, d’être rackettées, ce qui pourrait entraîner des délocalisations accélérées.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Excellent !

M. François Fortassin. Certes, dans certains cas, les entreprises n’attendent pas pour délocaliser qu’on les y incite !

M. Jean Arthuis, rapporteur. C’est vrai !

M. François Fortassin. Mais nous devons tout de même éviter certaines de prises de position, surtout en période de décroissance.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Quelle sagesse !

M. François Fortassin. L’impératif absolu est de ne pas faire fuir à l’étranger les entreprises qui sont le fleuron économique de notre pays.

Plutôt que de créer une contribution exceptionnelle de solidarité, nous préférerions mettre en place, sous l’autorité de l’État, une forte incitation pour que les entreprises réalisant des bénéfices participent de façon massive à la relance par une sorte de solidarité économique.

M. François Fortassin. Les fonds prélevés ne doivent pas tomber directement dans le budget de l’État, mais doivent être en quelque sorte « fléchés ». C’est la raison pour laquelle nous serions favorables à une forme de parrainage des entreprises afin qu’elles participent à la solidarité économique ainsi qu’à l’aménagement équilibré et harmonieux du territoire national.

À ce jour, le parrainage existe, mais ne fonctionne pas très bien. C’est pourtant une piste à creuser. Nous ne serions pas hostiles à la création d’un abondement librement négocié, via de fortes incitations de l’État, et destiné à financer des actions à vocation sociale ou écologique. Après tout, l’économie solidaire existe. Il est évident qu’elle peut être développée dans notre pays.

À titre personnel, j’ajoute que je me méfie des mesures fiscales de circonstance, surtout lorsqu’elles sont autoritaires et contraignantes. Toute nouvelle forme de taxation doit être mûrement réfléchie, non seulement avec les partenaires sociaux, mais encore avec les entreprises, notamment, dans ce cas précis, avec les grands groupes français et mondiaux.

C’est pourquoi la majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendra sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, mes amis du groupe socialiste et moi-même continuons à proposer, avec obstination, vous en conviendrez, des remèdes fiscaux, voire moraux, à la crise.

Nous sommes très inquiets face à la dégradation de la situation économique et sociale. Notre pays traverse une crise grave que la crise financière internationale n’a fait qu’accélérer et aggraver puisque, avant la crise internationale, la France connaissait déjà la crise, comme l’a souligné M. Philippe Séguin.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Eh oui !

M. François Marc. Absolument !

M. Marc Massion. Cette crise menace la cohésion nationale en dressant, de fait, l’un contre l’autre, deux pans entiers de la société.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Ça, ce n’est pas M. Séguin qui l’a dit !

M. Marc Massion. D’un côté se trouvent les géants du CAC 40, les actionnaires aux dividendes croissants. Un de vos collègues du Gouvernement, madame la secrétaire d'État, a dit il y a quelques mois au sujet de la situation créée par Total, entreprise vertueuse dont nous avons parlé, à côté du Havre que c’était scandaleux !

De l’autre se trouvent les PME survivant difficilement, les salariés en proie au chômage et à la précarité, ainsi que les collectivités locales asphyxiées par le désengagement de l’État.

Je ne suis pas habituellement un partisan de l’approche manichéenne, souvent caricaturale et outrancière, des choses.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Bon !

M. Marc Massion. En l’espèce, le gouffre ne cesse de s’élargir entre ces deux catégories. En tant que maire, comme d’autres ici, je le constate chaque jour dans ma commune.

Madame la secrétaire d'État, avez-vous eu l’occasion de rencontrer des gens qui ont été brutalement licenciés ?

Dans ma commune, si vous me permettez cette parenthèse locale, en quatre mois, trois entreprises ont fermé, ce qui représente la suppression de 500 emplois directs.

Malgré une situation financière saine, les entreprises et les groupes annoncent brutalement des suppressions de postes et acceptent très difficilement de mettre en œuvre un plan social relativement correct. Non seulement des groupes financièrement sains ferment certains sites, mais en plus ils « mégotent » sur le plan social !

Je rencontre des personnes brutalement licenciées, soit en mairie, soit au sein des associations dont elles font partie. Elles sont écœurées.

Le message qu’elles font passer au Gouvernement comme au Président de la République est le suivant : il ne sert à rien de rouler des mécaniques à la télévision au sujet des « flics voyous » si les comportements ne changent pas !

De plus, nous avons appris tout à l’heure de la bouche de M. Arthuis que les banques stockent pendant trente mois les fonds destinés aux PME qui viennent de l’ISF.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Tout à fait !

M. Marc Massion. Madame la secrétaire d'État, que fait le Gouvernement ?

M. Marc Massion. Nous avons entendu des propos fermes à la télévision, du type « vous allez voir ce que vous allez voir », et qu’apprenons-nous ? Que de l’argent est stocké par les banques alors que les PME attendent ! Que fait donc le Gouvernement ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Soutenez notre proposition !

M. Marc Massion. Les dispositions du texte que nous proposons constituent un outil fiscal efficace, qui déroule une politique plus juste et plus solidaire. Les grandes entreprises devront verser une contribution de solidarité sur leurs bénéfices. « Solidarité », le mot est là, simple, incontournable, pour qui défend le pacte républicain.

Il s’agit de faire participer les entreprises qui sont largement bénéficiaires à l’effort d’investissement et d’innovation. Aujourd’hui, les entreprises n’investissent pas assez, ni dans le capital humain ni dans l’outil de production.

Il existe bel et bien un plafonnement qui fait que les grandes entreprises sont aujourd’hui favorisées par rapport aux autres. Les profits des géants du CAC 40 n’ont, jusqu’en 2008, jamais été aussi élevés : 220 millions d’euros par jour pendant cinq ans ! Certes, les profits ont un peu baissé depuis cette époque, mais les grands groupes faisaient-ils auparavant, en matière d’investissements ou de salaires, des efforts à la hauteur de ces profits record ?

En réalité, la prospérité des grandes entreprises, qui peuvent jouer à plein la carte de la mondialisation, n’a pas sur le reste de l’économie autant de retombées qu’on pourrait l’espérer.

M. Jean Arthuis, rapporteur. C’est parce qu’elles réalisent leurs bénéfices ailleurs !

M. Marc Massion. L’effort de solidarité nationale doit être fait par tous et pour tous ! Les mieux dotés ne doivent pas en être exemptés, bien au contraire !

En outre, pourquoi se priver d’une telle recette fiscale alors que le déficit atteint des records abyssaux et menace les finances publiques?

Face à cette situation sociale extrêmement difficile, assise sur les ruines d’un système qui arrive à épuisement, il est impératif de mettre en œuvre, rapidement, des mesures en faveur de nos concitoyens et des entreprises les plus fragiles. Pourquoi ne pas saisir l’opportunité qui vous est donnée de modifier un modèle archaïque et injuste de répartition des richesses ?

La modulation du taux d’impôt sur les sociétés que le texte vise à prévoir privilégiera davantage les entreprises qui participent à la relance et pénalisera les autres. Comme l’a déjà fait remarquer mon collègue auteur de cette proposition de loi, François Rebsamen, cette mesure de « bonus-malus » a déjà été discutée lors du deuxième collectif budgétaire par voie d’amendement sénatorial. Le ministre du budget a alors déclaré qu’un tel débat méritait d’être approfondi. Plus avant, il s’est engagé à interroger le Trésor et la direction de la législation fiscale pour avoir leur expertise sur le sujet, et il nous a donné rendez-vous au projet de loi de finances pour 2010. Comme l’a dit tout à l’heure François Rebsamen : pourquoi attendre ?

En ce qui concerne la répartition des richesses, le chef de l’État a proposé une règle des trois tiers pour la distribution des profits : un tiers à l’investissement, un tiers aux actionnaires et un tiers aux salariés.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Il faut que les entreprises soient bénéficiaires !

M. Marc Massion. Pour éclairer ce choix, il a confié au directeur général de l’INSEE, Jean-Philippe Cotis, la rédaction d’un rapport présentant « un diagnostic de l’évolution du partage de la valeur ajoutée au cours des dernières décennies » et une étude « de la répartition des profits entre salariés, actionnaires et autofinancement ».

Sur le fond, les conclusions du rapport se sont révélées fort intéressantes : elles relèvent notamment que « la croissance des salaires nets depuis vingt ans est extrêmement faible », en raison de la faible croissance économique, du poids accru des cotisations sociales et de la montée des emplois précaires.

Les écarts de salaires se sont creusés, avec notamment une forte accélération dans la dernière décennie pour la tranche représentant un pour cent ou un pour mille des salariés les mieux payés. Selon le rapport, cette situation « a contribué au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l’échelle et fortement distancé par l’extrémité haute de cette même échelle »…

M. Marc Massion. … et « l’intéressement et la participation occupent une place réduite mais croissante » au sein de la masse salariale depuis le début des années quatre-vingt-dix.

Autre enseignement : le montant des dividendes versés aux actionnaires a quasiment quintuplé depuis 1993, tandis que l’autofinancement des investissements par les entreprises a baissé. Les profits sont affectés pour un peu plus d’un tiers aux revenus du capital – 36 % –, pour une grosse moitié à l’investissement – 57 % – et les 7 % restants vont à la participation et à l’intéressement. Enfin, le rapport relève de fortes différences entre grandes entreprises et PME.

Pour me résumer en une seule phrase, les salariés n’ont profité ni des hausses de salaires, ni d’une meilleure répartition des profits.

Face aux conclusions critiques de ce rapport, le Président de la République s’est très vite défaussé de sa responsabilité sur les partenaires sociaux, en leur demandant de lui soumettre des propositions avant le 15 juillet prochain. Ce positionnement « attentiste » est fallacieux, puisque le MEDEF restera arc-bouté sur ses convictions conservatrices, empêchant ainsi toute avancée significative.

Nous retrouvons ici la cacophonie gouvernementale qui prévaut depuis deux ans : en février, Nicolas Sarkozy réclame une meilleure répartition des profits et suggère d’appliquer la règle dite « des trois tiers » – « une bonne règle », affirme-t-il de surcroît – et, deux mois plus tard, le Premier ministre, puis la ministre de l’économie et des finances, écartent toute application de ladite règle en arguant de différences trop grandes entre les entreprises.

Dans ce contexte de crise sociale et économique, les déclarations d’un jour, qui n’ont pas bénéficié d’une étude préalable de faisabilité et ne se concrétiseront pas, sont inutiles, anxiogènes et malvenues ; elles révèlent un capitaine qui navigue à vue… Les nombreuses victimes de la crise sociale et économique mériteraient une politique fiscale globale bien définie et rapidement « redistributive ».

Enfin, mes chers collègues, les discours officiels invoquent souvent les « valeurs de la République ». Ces valeurs ont été puisées dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Face à la situation actuelle, il n’est pas inutile de rappeler la teneur de deux articles de cette déclaration.

Selon l’article XIII, « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Selon l’article XIV, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

Madame la secrétaire d’État, comme tous vos collègues du Gouvernement, vous reprochez souvent aux socialistes de n’être que des opposants, et rien de plus. Eh bien, en déposant cette proposition de loi, nous souhaitons aider le Gouvernement…

M. Jean Arthuis, rapporteur. Mais c’est inopérant !

M. Marc Massion. … à mettre en cohérence les valeurs auxquels il se réfère et les actes qui devraient en résulter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un déficit budgétaire atteignant pratiquement 44 milliards d’euros en trois mois, une contraction du produit intérieur brut de 1,5 % pour le premier trimestre, la probabilité de compter 640 000 chômeurs de plus d’ici à la fin de l’année : voilà comment on pourrait, à l’occasion de la discussion de cette proposition de loi, dépeindre la situation de la France d’aujourd’hui. Ajoutons qu’avec une constance qui s’apparente à de l’autosuggestion, le Gouvernement escompte que le plan de relance obtiendra dans les semaines et les mois à venir d’authentiques résultats, et la description sera presque bouclée !

Ainsi, après les intentions déterminées de la loi en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat, après les rodomontades de l’automne, après la « brillante » présidence française de l’Union européenne,…

MM. Henri de Raincourt, André Dulait et Jacques Gautier. Ah !

M. Thierry Foucaud. … qui a failli permettre aux salariés de notre pays de travailler 65 heures par semaine, (M. Daniel Raoul applaudit), au moment où ressurgit un discours autoritariste, véritable aveu d’échec des politiques répressives menées depuis 2002, nous nous trouvons aujourd'hui face à la réalité.

Le nombre des chômeurs enfle, celui des sans-abri ne diminue pas, les fermetures d’entreprises succèdent aux périodes de chômage technique qui accompagnent les plans de licenciement et les redressements judiciaires, et les comptes publics, qu’il s’agisse de ceux de l’État comme de ceux de la sécurité sociale, sont dans le rouge vif !

Le déficit de l’État atteint 103,8 milliards d’euros, celui de la sécurité sociale une vingtaine de milliards d’euros, au bas mot, le tout malgré la cure d’austérité que vous imposez aux Français depuis de trop longues années, fidèles en cela à ces engagements européens qui recommandent sans cesse la baisse des dépenses publiques, la dérégulation, l’ouverture à la concurrence des services publics, le dumping fiscal et social permanent, et j’en passe !

La proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste explore les voies et moyens permettant d’infléchir la dérive des comptes publics dont, il faut bien le dire, nous ne trouvons pour l’heure aucune justification dans la mise en œuvre du plan de relance.

Car, madame la secrétaire d’État, à quoi sert-il de rembourser plus vite la TVA ou l’impôt sur les sociétés, si c’est pour constater la persistance des plans sociaux, de l’ajustement à la baisse des salaires et de l’emploi, du chômage technique ? Faudrait-il en déduire que l’argent dont l’État s’est délesté, par anticipation, en faveur des entreprises ne sert, pour le moment, qu’à alimenter le produit net bancaire des banques créancières de nos PME, banques dont nous constatons d’ailleurs qu’elles ne sollicitent que relativement peu la ligne de trésorerie que vous leur aviez accordée cet automne ?

La proposition de loi de nos collègues vise expressément les entreprises qui, dans le contexte actuel de crise, roulent sur l’or et n’assument pour autant aucune responsabilité sociale dans le cadre de l’utilisation de ces ressources.

Il est vrai que Total – pour ne donner qu’un exemple évident – préfère sans doute utiliser ses profits à racheter ses propres actions pour les détruire qu’à assurer l’approvisionnement du pays en produits pétroliers. La même compagnie doit sans doute avoir quelques obligations à l’égard de certains dirigeants de pays producteurs, comme ces démocraties exemplaires que sont la Birmanie, le Gabon ou le Congo, où elle procède sans trop d’états d’âme à des activités de production…

En sollicitant des ressources fiscales nouvelles, pour certaines de caractère exceptionnel, en proposant de revenir sur les dispositions de la loi TEPA, nos collègues du groupe socialiste engagent le débat sur une des questions clés qui engagent l’avenir du pays : quelle politique fiscale pouvons-nous concevoir, dans un contexte de crise économique sérieuse, pour redresser, au minimum, les comptes publics et éviter que toute politique ultérieure ne soit en quelque sorte hypothéquée par les conséquences du déficit abyssal que deux années d’agitation élyséenne ont réussi à creuser ?

Le débat est ouvert, et il est plus que regrettable qu’il soit aussitôt refermé, puisque M. le président de la commission des finances – qui a exprimé par le passé sa grande inquiétude devant l’accroissement des déficits – nous recommande de ne pas voter le moindre article de la proposition de loi qui nous est soumise.

M. Jean Arthuis, rapporteur. C’est qu’elle est inopérante !

M. Thierry Foucaud. Pour notre part, nous sommes des parlementaires conséquents et, puisque nous croyons quelque peu à l’initiative parlementaire – dont on prétendait en juillet dernier qu’elle sortirait grandie de la révision constitutionnelle ! –…

M. Jean Arthuis, rapporteur. Tout à fait !

M. Thierry Foucaud. … nous avons déposé quelques amendements sur ce texte, en vue de le rendre plus directement efficace.

En effet, il faut donner un coup d’arrêt à l’aggravation des déficits publics, non pas parce que M. Barroso, du haut de l’immeuble de la Commission européenne, le demande, mais parce qu’un renversement de tendance est nécessaire.

Il est nécessaire pour ne pas hypothéquer l’avenir, en laissant filer un déficit qu’il faudra ensuite résorber et qui privera les Français de toute réforme fiscale digne de ce nom avant longtemps. Il est nécessaire aussi parce que les choix fiscaux et budgétaires du gouvernement actuel ont conduit au désastre, qu’il est beaucoup trop facile d’imputer à une « crise économique » qui a bon dos lorsqu’il s’agit de fuir ses responsabilités.

La loi TEPA, nous l’avons dit, porte une grande responsabilité dans la dérive des comptes publics et le coût de cette loi imbécile et inefficace ne se mesure pas qu’en termes de moins-values fiscales ! Il se mesure aussi en emplois sacrifiés sur l’autel des heures supplémentaires défiscalisées, en chute de l’activité du bâtiment et de l’immobilier du fait de l’allégement des droits de succession, conséquences désastreuses de dispositifs qui ajoutent des coûts supplémentaires au coût initial !

Enfin, nombre de réformes mises en place par le Gouvernement montrent aussi leurs limites. Recommande-t-on à la justice d’être exemplairement rigoureuse ? Les prisons sont surpeuplées et leurs personnels déclenchent des mouvements sociaux ! Se félicite-t-on de supprimer des milliers de postes d’enseignants ? On feint aujourd’hui de découvrir la violence à l’école et on se prépare à recruter une brigade volante de plusieurs centaines de super-surveillants scolaires qui ne remplacera jamais les 80 000 emplois supprimés dans l’éducation nationale depuis quatre ans !

C’est parce que ceux qui peuvent supporter aujourd’hui le poids des déficits publics doivent le faire qu’il faut voter cette proposition de loi. Mais c’est aussi parce qu’il faut définir les voies et moyens de nouveaux choix fiscaux et budgétaires justes, efficaces et détachés des contingences imposées par une construction européenne obsolète qu’il faut aussi la voter.

La France doit porter d’autres choix budgétaires et fiscaux, et montrer la voie à une Europe exténuée par des politiques récessives imposées par la Commission de Bruxelles ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

M. Jean-Etienne Antoinette. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2009, la récession a touché la France, avec son lot de faillites d’entreprises et ses cohortes de chômeurs qui agrandissent chaque mois un peu plus les files d’attentes des pôles emploi.

Ainsi, on compte la destruction de plus de 138 000 emplois au premier trimestre 2009 et plus de 240 000 nouveaux demandeurs d’emploi pendant ce même trimestre. L’UNEDIC prévoit 630 000 chômeurs supplémentaires et la destruction de 591 000 emplois en 2009. Sur la période 2009-2010, l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, annonce la destruction de plus de 800 000 emplois.

Dans ce contexte désastreux, quelques grandes entreprises françaises d’envergure internationale réussissent néanmoins à battre des records de bénéfices. Normalement, nous devrions nous réjouir de ces résultats, nous sentir réconfortés de savoir que quelques bastions de notre économie résistent à la crise, voire s’en sortent encore mieux qu’auparavant.

Hélas, trois fois hélas, ces mêmes entreprises, suivant la logique extrême d’un capitalisme sans âme, licencient malgré leurs résultats, ou utilisent une grande part de leurs bénéfices à distribuer des dividendes à leurs actionnaires, ou augmentent de façon indécente les salaires de leurs dirigeants, ou encore leur accordent bonus, stocks options, parachutes dorés… tandis que les salariés de base continuent à voir diminuer leur pouvoir d’achat et que le taux d’investissement productif des entreprises diminue !

Je rappellerai par exemple, ce n’est un secret pour personne, que les profits du groupe pétrolier Total ont été de 14 milliards d’euros en 2008 et seront sans doute équivalents en 2009 si l’on extrapole à partir des chiffres du premier trimestre de l’année.

Or, ces profits sont avant tout le résultat de restructurations drastiques dans la plupart des activités qui touchent notamment le raffinage : 555 suppressions de postes sur le site de Gonfreville-l’Orcher en Seine-Maritime ont été annoncées le 10 mars dernier et, dans la société Hutchinson, filiale du groupe, 6 000 salariés sont au chômage partiel depuis le mois de janvier.

De même, chez GDF-Suez, l’assemblée générale des actionnaires du 4 mai dernier décidait d’attribuer 6,8 milliards d’euros aux détenteurs de parts sociales.

Ainsi, dans un pays parmi les plus développés de la planète, un pays membre du G8, la France, nous assistons de plus en plus à l’évolution d’une société qui sanctuarise la croissance et la prospérité de quelques-uns en même temps que la tiers-mondisation du plus grand nombre.

N’ayons pas peur des mots, nous vivons une crise sans précédent qui oblige le système économique libéral à réclamer l’intervention de l’État, cet État qu’en temps de prospérité il ignore. Et que fait l’État ? L’État maintient le bouclier fiscal de ceux qui ont déjà beaucoup, donne des milliards à ceux-là mêmes qui sont responsables de la crise, sauve les banques et les multinationales en danger, et il crée le RSA pour ceux qui n’ont rien !

Où allons-nous donc ? Dans quelle société vivons-nous ? Sommes-nous encore dans une démocratie dont la bannière symbolise la liberté, l’égalité, la fraternité – j’ajouterai la solidarité ?

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, devant une situation grave sur le plan économique et explosive sur le plan social, la proposition de loi présentée au Sénat entend donner des ressources supplémentaires à l’État pour faire face aux besoins alors que sa dette publique explose et que son déficit se creuse, en mettant en place un principe à la fois simple et équitable.

Il s’agit de faire participer les entreprises réalisant des bénéfices record à l’effort de solidarité nécessaire en temps de crise pour la relance globale de l’économie et du pouvoir d’achat, pour le soutien aux personnes et aux TPE les plus démunies ou les plus touchées par la crise.

À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle, c’est pourquoi cette contribution est conçue comme un dispositif temporaire.

Notre démarche témoigne d’une préoccupation de justice sociale et de cohérence économique. Elle se situe au-delà d’une vaine tentative de moraliser le capitalisme, et encore moins de le « refonder », selon les vœux du Président de la République, qui y a d’ailleurs bien vite renoncé une fois l’émotion des premiers jours passée.

Nous voulons interpeller chacun d’entre nous sur ce que l’actualité de ces grandes entreprises peu citoyennes dévoile de la nature véritable d’un système inique, amoral, qui a perverti la définition même du mot « économie », et qui n’est pas « moralisable », car se fondant sur la seule logique du profit. À ce titre, nous avons la responsabilité historique de l’encadrer pour en limiter les perversions et les dégâts collatéraux.

C’est pourquoi la proposition de loi attaque également, plus fondamentalement, le problème de la répartition de la richesse produite. Cette répartition est au cœur du drame social que vivent nos concitoyens aujourd’hui avec un sentiment d’injustice dont les effets peuvent être redoutables à la longue.

Sur ce point, la proposition de loi nous place en face de notre devoir, du devoir de l’État en temps de crise, qui doit sauver ou relancer l’économie, mais également tout faire pour maintenir la cohésion sociale dans le pays.

De même que la cohérence économique, cette cohésion sociale est aujourd’hui plus que menacée. Elle a d’ailleurs explosé dernièrement aux confins de la République, dans ces territoires les plus durement frappés par cette crise où la population désespérée criait dans la rue à l’exploitation et à la profitation. Nous en connaissons les conséquences dramatiques.

Le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, Yves Jégo, s’est d’ailleurs ému du scandale des prix inadmissibles de l’essence pratiqués par la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles, une filiale de Total, alors qu’elle réalisait 50 millions d’euros de bénéfices, en évoquant l’ « enrichissement sans cause des compagnies pétrolières ».

Croyez-vous que les schémas du fonctionnement économique soient si différents dans l’Hexagone ? Je ne le pense pas.

Cette proposition de loi invite chacun de nous à dépasser le débat stérile qui opposerait la justice sociale à l’efficacité économique, en apportant à la puissance publique, par une fiscalité juste, des moyens supplémentaires afin d’améliorer le sort de nos concitoyens et celui des entreprises qui en ont le plus besoin pour relancer l’économie de notre pays.

Il s’agit également, avec cette proposition de loi, de pragmatisme économique. Pour financer la relance, l’État creuse son déficit, alors même que ses recettes s’affaiblissent. Sans ressources supplémentaires, jusqu’à quand pourra-t-il soutenir son plan de relance ? La question du financement de l’activité économique est clairement posée. Il faut à l’État de nouvelles ressources, qu’il s’agisse de financer de nouvelles activités économiques ou des dispositifs visant à préserver la cohésion sociale.

Nous n’avons donc pas le droit, par des arguments fallacieux qui n’ont en réalité pour objectif que de protéger ces superprofits, de renoncer à cette possibilité offerte par la proposition de loi d’une meilleure répartition des profits en faveur de l’économie réelle, de l’investissement et de l’amélioration de la situation des salariés et, plus généralement, de nos concitoyens. C’est ce à quoi nous invite l’article 2.

Ne nous laissons pas troubler par le chantage à la délocalisation, car cela est hors sujet pour de telles entreprises.

Des entreprises de pays européens moins imposées qu’en France délocalisent aussi. Les causes de la délocalisation sont donc à chercher ailleurs. En outre, un plus faible taux d’imposition n’a pas empêché les entreprises de ces pays d’être touchées par la crise, comme en Grande-Bretagne.

Ne cédons pas non plus à la peur de la perte de compétitivité qui serait due à une trop forte imposition. Là aussi, pour les entreprises concernées, cela est hors de propos. Nous n’y gagnerons qu’une chose : conforter la politique d’optimisation fiscale et de recherche du profit immédiat à tout prix de ceux qui foulent aux pieds nos valeurs fondamentales, sans même agir, au nom de l’intérêt économique, dans une perspective de pérennité des entreprises.

L’un des facteurs de compétitivité des entreprises, c’est en effet la capacité d’investir et d’innover, et cela passe par la réservation de fonds propres. Or il s’agit de l’une des principales faiblesses des entreprises françaises, à laquelle l’article 2 vise justement à remédier par une mesure incitative en faveur de l’investissement.

Il est du ressort de l’État, surtout en temps de crise, d’assurer l’équilibre entre la réussite micro-économique de quelques-uns et la réponse aux enjeux macro-économiques qui se posent à l’échelle de la nation.

Nous proposons une démarche juste au plan social, responsable et pragmatique au plan économique, courageuse au plan politique, et dont les résultats ne seront que bénéfiques pour l’ensemble de la nation. Nous devons voter cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records
Article 2

Article 1er

Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter ZB ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZB. -- Les personnes morales sont assujetties, dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235 ter ZA, à une contribution exceptionnelle de solidarité égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au 1 de l'article 219 quand ceux-ci font apparaître des bénéfices supérieurs de 10 % à ceux de l'exercice précédent.

« Cette fraction est égale à 5 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010 inclus. Elle est réduite à 2,5 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2011 inclus.

« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros et qui occupent moins de 250 salariés. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux même conditions dont le capital est détenu pour 75 % au moins par des personnes physiques.

« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital risque, des fonds communs de placements à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

L'article 235 ter ZB du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Nous comprenons très bien l’esprit de cet amendement, qui permet au groupe CRC-SPG de réaffirmer sa position. Cet amendement ne modifie qu’à la marge notre proposition de loi. Or nous ne souhaitons pas la dénaturer, c’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Cet amendement rédactionnel ne modifie pas la position de la commission. Lors de la discussion générale, j’ai eu l’occasion de montrer combien ce dispositif nous paraissait inopérant et même dangereux.

En outre, M. François Rebsamen l’a lui-même indiqué, les résultats des entreprises ont été satisfaisants, impressionnants pour certains, en 2008, mais tout laisse à penser que les résultats de 2009 seront décevants, en retrait par rapport à 2008.

Par conséquent, votre proposition risque de s’appliquer à une assiette qui se sera dissipée, estompée, évaporée. Nous sommes là dans l’incantation : y a-t-il matière à légiférer ?

Enfin, je répondrai à plusieurs de nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG que nous ne devons pas nous méprendre : ces entreprises qui opèrent à l’échelon international, Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, sont dans l’économie mondiale et, pour l’essentiel, leurs bénéfices sont constatés hors du territoire national. Or ces territoires mettent eux-mêmes en recouvrement un impôt sur les bénéfices.

Ces bénéfices qui nous impressionnent par leur montant sont donc très largement constatés et imposés hors de France. Ne prenons pas le risque de faire sortir du territoire national les bénéfices qui nous restent.

Cette disposition étant inopérante, la commission demande le retrait de l’amendement n° 1 et le rejet de l’article 1er.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer les raisons pour lesquelles le Gouvernement, comme la commission des finances, était opposé à l’article 1er.

L’amendement n° 1 est de nature rédactionnelle et M. Rebsamen a lui-même reconnu qu’il ne modifiait le dispositif qu’à la marge. En conséquence, un amendement rédactionnel ou une modification mineure d’une disposition qui ne nous convient pas appelle évidemment un avis défavorable du Gouvernement.

M. Henri de Raincourt. C’est logique !

Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.

M. François Rebsamen. Certains arguments qui ont été avancés ne me semblent pas correspondre à la réalité économique. On ne peut pas affirmer que notre pays est le deuxième pays d’accueil pour les entreprises et les investissements étrangers, tout en déclarant que nos taux d’imposition ou une contribution exceptionnelle feraient fuir de notre pays les fleurons de notre industrie. Un tel amalgame me paraît inexact.

Je voudrais en outre souligner, mes chers collègues, que le dispositif ne concerne que les grandes entreprises. Les PME, au sens communautaire, en sont bien sûr écartées.

D'ailleurs, lorsque de tels dispositifs ont été appliqués, ils ont fonctionné et ils ont souvent permis de relancer l’économie, ce qui serait intéressant, surtout en l’état actuel de nos finances publiques.

Les arguments avancés sont de bonne foi, comme les nôtres, mais ils s’opposent radicalement, et je le déplore. Lorsque le Gouvernement nous proposera d’augmenter les prélèvements obligatoires, il ne faudra pas accuser la crise. Il faudra se souvenir que des propositions avaient été faites en 2009, au moment où il était encore possible d’agir.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement n’est pas simplement rédactionnel, il vise aussi à un rappel historique.

En juillet 1995, mes chers collègues, à l’époque de ce que l’on a appelé « la fracture sociale », la dérive des comptes publics était telle que le collectif présenté par le gouvernement Juppé, Madelin, d’Aubert avait pleinement intégré la majoration de certains impôts. Par un tour de passe-passe assez habituel en pareille circonstance, les parlementaires de la majorité s’étaient alors chargés, au nom de l’emploi et notamment de la mise en œuvre du fameux contrat initiative emploi, de majorer la TVA de deux points. Une proposition de loi, défendue par quelques-uns des balladuriens de l’époque « repentis », avait été adoptée en ce sens.

Il faut aussi noter que le collectif budgétaire de l’été 1995 avait également intégré une augmentation – temporaire mais nécessaire – du produit de l’impôt sur les sociétés et avait même prévu une majoration de 10 % de l’impôt de solidarité sur la fortune, comme vous vous le rappelez sans doute.

Les deux mesures étaient rendues nécessaires par l’état des comptes publics, qui présentaient alors, au terme de la gestion Balladur-Sarkozy, un déficit avoisinant 300 milliards de francs. Elles avaient été votées en faisant abstraction de tous les correctifs existant en ces deux matières, c’est-à-dire sans imputation des déficits antérieurs, soit 12 milliards à 14 milliards de francs de recettes fiscales, ou prise en compte des personnes à charge, soit environ 800 millions de francs.

C’est parce que la situation des comptes publics est aujourd’hui particulièrement catastrophique que le groupe CRC-SPG a proposé cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Je remercie Thierry Foucaud d’avoir explicité sa position, car il me permet d’émettre l’hypothèse que son amendement s’applique à un texte qui a été abrogé.

Vous nous proposez, monsieur Foucaud, de rétablir un texte mis en œuvre entre 1995 et 1997, qui n’est plus en vigueur aujourd'hui. L’application de votre amendement au texte que nous propose M. François Rebsamen ouvre par conséquent un champ d’égarement absolu, je me permets de vous le dire.

M. Thierry Foucaud. Le rappel historique vous gêne !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Votre rappel historique était tout à fait intéressant, nous y avons été sensibles, mais on ne va pas, ce matin, ouvrir un débat sur ceux qui paient les impôts en France. C’est politiquement très correct de dire qu’il y a des impôts payés par les entreprises mais je vous ferai remarquer qu’il est très rare que les impôts payés par les entreprises ne soient pas en définitive supportés par les consommateurs, c’est-à-dire par chacun d’entre nous.

Donc, un jour viendra où il faudra peut-être avoir le courage de dire à nos concitoyens que ce sont toujours eux qui paient les impôts.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er n’est pas adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

Avant le a du I de l'article 219 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« aa. Les taux fixés au présent article sont diminués d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable au moins égale à 60 % est mise en réserve ou incorporée au capital au sens de l'article 109, à l'exclusion des sommes visées au 6° de l'article 112. Ils sont majorés d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable inférieure à 40 % est ainsi affectée. »

Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen, sur l’article.

M. François Rebsamen. Monsieur le rapporteur, j’ai bien saisi votre propos sur la complexité du dispositif. Mais la complexité existant aujourd’hui crée, vous l’avez vous-même souligné, des possibilités d’évasion qui sont d’autant plus importantes que nous avons affaire à des experts en la matière.

L’argument que vous avancez pour refuser le principe du bonus-malus, qui a été proposé au niveau européen et présenté dans un certain nombre de pays, c’est que cela ne concernerait que très peu d’entreprises. Cela rapporterait très peu, parce que nous avons visé effectivement le bénéfice imposable et non le bénéfice net.

S’il suffisait que j’inverse ma proposition pour que vous l’acceptiez, je le ferais, mais je sais très bien que, pour autant, vous ne vous y déclareriez pas favorable.

Néanmoins, a contrario, vous devriez la soutenir : de nombreuses entreprises bénéficieraient ainsi d’un bonus, c’est-à-dire qu’elles paieraient moins d’impôts sur les sociétés parce qu’elles investiraient plus.

Il y a donc là certaines contradictions.

De plus, l’un de vos arguments n’est pas recevable, car il est en contradiction avec les propos du Président de la République. Alors que celui-ci prône une plus juste répartition des bénéfices, vous ne pouvez pas affirmer dans cet hémicycle que l’investissement et la répartition des profits de chaque entreprise ne relèvent que des entreprises elles-mêmes.

Nous pensons, pour notre part, qu’il faut une plus juste répartition des bénéfices. Je vous rappelle quand même – peut-être est-ce là une différence entre nous – que les bénéfices des entreprises sont le produit du travail de leurs salariés. Or les seuls qui, aujourd’hui, ne bénéficient pas des plus-values réalisées par les entreprises, ce sont justement ceux qui les créent !

C’est bien beau de redistribuer par des « retraites chapeaux », par des parachutes dorés les bénéfices. Mais le Président de la République a lui-même dit à la télévision – à moins que ce ne soit que des mots, qu’en pensez-vous, mes chers collègues ? – qu’un tiers des bénéfices devait aller aux actionnaires, un tiers aux salariés et un tiers aux investissements. Or, quand nous proposons une plus juste répartition, on nous reproche d’interférer dans la répartition des bénéfices, qui ne relèverait pas de nous. Comment, d’un côté, peut-on soutenir le discours du Président de la République et, de l’autre, nous opposer cet argument ?

Je voulais réaffirmer, au nom de mon groupe, et probablement de l’ensemble des collègues de gauche ici présents, qu’il est profondément injuste que les salariés, les ouvriers, les travailleurs, ceux qui produisent la plus-value des entreprises n’aient jamais, dans les cas que l’on vient de citer, un minimum de retour sur investissement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Il faut au moins que ces propositions de loi nous donnent l’occasion d’échanger des arguments, de tenter de nous convaincre mutuellement, et que nous ne soyons pas suspects de propos et – oserais-je le dire ? – de gesticulations politiques.

Reconnaissez donc, monsieur Rebsamen, que votre texte tel qu’il est construit pourrait être inopérant.

M. François Rebsamen. Il est perfectible !

M. Jean Arthuis, rapporteur. Je salue cette humilité parlementaire !

Vous évoquez la répartition en trois tiers, mais elle n’a rien à voir avec votre texte, sauf à en rendre la présentation très sympathique.

La répartition des trois tiers est une idée formidable. Mais il vaut mieux être salarié dans une entreprise qui est donneuse d’ordre que chez les sous-traitants, où la règle des trois tiers ne donne pas grand-chose. Bien souvent, le donneur d’ordre, surtout s’il est puissant, incite fortement ses sous-traitants à consacrer une part significative de leur activité à des opérations hors du territoire national. À force d’imagination, nous avons fini par ruiner la compétitivité du travail en France.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Nos considérations politiques sont belles à entendre, elles peuvent entretenir le rêve et susciter un bonheur momentané, mais elles peuvent aussi conduire à des désastres économiques. C’est pourquoi je vous mets en garde contre de telles opérations.

Vous qui avez dénoncé l’optimisation fiscale, vous donnez, à travers cet article 2, un formidable instrument d’optimisation.

C’est très simple : si, en tant qu’entreprise, vous distribuez moins de 40 % des bénéfices, vous aurez droit à un bonus. Et vos actionnaires ne seront pas lésés puisqu’ils savent que, si vous mettez en réserve la part non distribuée des bénéfices, la valeur de l’action s’apprécie. Donc, plutôt que de distribuer un dividende, vous donnez la possibilité à l’actionnaire de vendre de temps en temps quelques actions à un niveau de prix plus élevé.

À tous égards, si nos échanges ont pour finalité de faire valoir nos arguments, je crois que vous pourriez renoncer à cet article 2. En tout cas, je suis obligé de demander au Sénat de le rejeter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 n’est pas adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Après l'article 235 ter ZA du même code, il est inséré un article 235 ter ZB bis ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZB bis – À compter du 1er janvier 2009, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont assujetties à une contribution supplémentaire égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés calculée sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »

Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen, sur l'article.

M. François Rebsamen. Alors que nous nous acheminons vers la fin de ce texte, voilà une nouvelle occasion de faire valoir quelques arguments.

Nos collègues du groupe CRC-SPG ont tout à l'heure évoqué les contributions exceptionnelles qui ont été adoptées dans l’histoire récente, notamment la contribution dite Juppé, qu’à l’époque nos collègues de l’actuelle majorité avaient d'ailleurs votée au regard de l’état des finances.

Madame la secrétaire d’État, vous avez tout à l’heure rappelé les contributions temporaires adoptées par le gouvernement de Lionel Jospin, en disant qu’elles avaient été supprimées parce qu’elles n’étaient pas efficaces. Non, elles ont été supprimées parce que le dispositif était arrivé à son terme, et Mme Parly, en 2001, avait parlé de « succès relatif ». Je préfère que l’on soit précis, car cela permet d’avoir un débat plus approfondi. Ces contributions avaient en tout cas permis d’accompagner les finances.

La contribution que nous proposons, pour être exceptionnelle, ne fait pas de Total un bouc émissaire. Total n’a nul besoin de tels défenseurs dans notre assemblée. C’est un groupe qui se défend très bien lui-même par les investissements qu’il réalise un peu partout dans le monde. Le jour où il quittera notre pays n’est pas arrivé.

M. Henri de Raincourt. Cela peut arriver…

M. François Rebsamen. Les contributions qui sont aujourd’hui demandées permettent de participer à l’effort de solidarité et en même temps au redressement des finances publiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 n’est pas adopté.)

Article 3
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Articles additionnels après l’article 4 (début)

Article 4

Les pertes de recettes résultant pour l'État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par :

1° La suppression du dernier alinéa de l'article 885 U du code général des impôts ;

2° L'abrogation de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ;

3° Les recettes dégagées par les articles 1 et 3 de la présente loi ;

4° La création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les articles 1er, 8, 9, 10, 11, 14 et 16 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat sont abrogés.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement a été défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Même si cet amendement est en retrait par rapport à l’article 4, il est contraire aux positions de la commission. Par conséquent, j’en demande le rejet au Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Cet amendement, qui tend à proposer une nouvelle rédaction de l’article 4, est devenu inopérant du fait du rejet des trois articles précédents. Le Gouvernement y est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.

M. Jean-Pierre Plancade. Cette explication de vote va me permettre de préciser la position du RDSE sur l’ensemble du texte.

Nous avons examiné ce texte avec beaucoup d’attention. Il a suscité un vaste débat, ce qui n’a rien d’étonnant au regard des origines très diverses des membres de notre groupe.

Je n’entrerai pas dans le détail de la proposition de loi, M. le rapporteur ayant largement développé toutes les conséquences économiques que son adoption pouvait entraîner.

J’ai lu ce matin les débats qui se sont tenus en commission. Ils n’ont fait que confirmer ce que nous pensions : dans un monde en crise, il est nécessaire d’envoyer certains signaux. Soumettre une entreprise qui gagne de l’argent grâce à un marché extérieur à une taxe si ses bénéfices sont supérieurs de 10 % à ceux de l’an passé n’a pas de sens !

La proposition de loi aurait pu prévoir une répartition différente des bénéfices et affecter une partie de ceux-ci aux salariés, à ceux qui produisent la richesse : mais rien de tel ne figure dans le texte.

En ce qui nous concerne, je tiens à rappeler que nous soutenons la progressivité générale de l’impôt. Nous sommes favorables à ce que les entreprises qui travaillent à l’étranger puissent participer davantage à la solidarité nationale, mais sous une autre forme que celle qui nous est proposée.

C’est pourquoi le groupe RDSE s’abstiendra sur cette proposition de loi.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote sur l'article 4.

M. François Rebsamen. J’interviendrai rapidement…

M. Jean Arthuis, rapporteur. Oui, de grâce !

M. François Rebsamen. … sur la demande d’abrogation de la loi TEPA, qui – nous le voyons bien ! – commence à agacer sérieusement nos collègues de la majorité. Rien de plus normal, d’ailleurs, puisqu’ils mesurent tous les jours la profonde injustice du bouclier fiscal dans notre pays. Au moment où les agents des services fiscaux signent des chèques pour rembourser le trop-perçu à près d’un millier de personnes les plus fortunées, le RSA est créé pour aider les travailleurs pauvres qui ont beaucoup de mal à s’en sortir.

La loi TEPA, cet article est l’occasion de le rappeler, est le pêché originel de cette législature. Nous reviendrons inéluctablement un jour sur cette profonde injustice qui nous a privés, l’année dernière, de plus de 3,5 milliards d’euros de recettes fiscales. Vous le savez bien, monsieur le rapporteur, puisque vous militez, avec d’autres, pour la suppression du bouclier fiscal.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 n’est pas adopté.)

Article 4
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Articles additionnels après l’article 4 (fin)

Articles additionnels après l’article 4

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 4, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 885 U. - Le tarif de l'impôt est fixé à :

« 

FRACTION DE LA VALEUR

nette taxable du patrimoine

TARIF

applicable (%)

 

N'excédant pas 790 000 €

0

 

Supérieure à 790 000 € et inférieure ou égale à 1 280 000 €

0,60

 

Supérieure à 1 280 000 € et inférieure ou égale à 2 520 000 €

0,85

 

Supérieure à 2 520 000 € et inférieure ou égale à 3 960 000 €

1,10

 

Supérieure à 3 960 000 € et inférieure ou égale à 7 570 000 €

1,45

 

Supérieure à 7 570 000 € et inférieure ou égale à 16 480 000 €

1,80

 

Supérieure à 16 480 000€ ou égale à 30 000 000€

2

 

Supérieure à 30 000 000€

2,25

« Les limites des tranches du tarif prévu au tableau ci-dessus sont actualisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondies à la dizaine de milliers d'euros la plus proche. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Nous préconisons, avec cet amendement, de procéder à l’augmentation du produit de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Ainsi, nous proposons de majorer d’un dixième – ou peu s’en faut – le taux d’imposition de chacune des tranches actuelles du barème de l’impôt sur le revenu et nous créons une nouvelle tranche, plus fortement taxée, pour les patrimoines supérieurs à 30 millions d’euros.

D’aucuns ne manqueront pas de nous demander pourquoi nous faisons une telle proposition dans un texte qui vise expressément les entreprises, et non les particuliers. Mais c’est oublier un peu vite que l’ISF, particulièrement depuis la loi TEPA, a partie liée avec le monde de l’entreprise, puisqu’un versement effectué au capital d’une PME ou la souscription d’un pacte d’actionnaires permettent de le réduire.

Notre proposition favorise indirectement le financement des PME et la stabilité du capital des entreprises, pour peu que les détenteurs de ce capital soient redevables de l’ISF. Chers collègues de la majorité sénatoriale, si vous étiez véritablement attachés au devenir de nos PME et à la préservation de nos entreprises contre les raids boursiers et les OPA hostiles, vous la voteriez sans hésiter.

Cela dit, l’objet principal de notre amendement est bel et bien d’accroître le rendement d’un impôt particulièrement mis à mal par la loi TEPA et pourtant indispensable à tout système fiscal qui se respecte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Monsieur Foucaud, je salue votre constance, mais nous n’allons pas reprendre ce matin un débat que nous avons déjà eu à maintes reprises. En tout cas, vous ne devez pas beaucoup croire à l’adoption de votre amendement puisque vous n’avez pas proposé de modifier l’intitulé de la proposition de loi.

La commission demande le rejet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. La position du Gouvernement est identique.

Je voudrais, pour répondre notamment aux interrogations de M. Massion, apporter quelques informations complémentaires. Sur un total de 1,1 milliard d’euros levé en faveur des PME grâce à la réduction d’ISF, 800 millions d’euros ont déjà été distribués. Il reste effectivement la question du solde, à savoir 300 millions d’euros. Le médiateur du crédit, M. René Ricol, a signé une convention avec les gestionnaires de fonds et les établissements financiers pour réduire, avant la fin de l’année 2009, les délais entre la collecte et la distribution, qui sont effectivement choquants.

Monsieur le rapporteur, vous avez vous-même pris l’initiative de déposer une proposition de loi à ce sujet. Le Gouvernement, qui est favorable à un raccourcissement du délai d’investissement des fonds, lui réservera un accueil positif.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Très bien !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Pour autant, le problème ne se pose ni pour l’ISF investi en quelque sorte directement par les contribuables dans les PME, ni pour l’ISF affecté aux holdings, dans lequel la mise à disposition des fonds est traitée autrement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote sur l’amendement n° 3.

M. François Rebsamen. Nous comprenons l’esprit qui a présidé au dépôt de cet amendement, mais nous pensons que celui-ci relève du projet de loi de finances. Néanmoins, la présentation de cet amendement a permis à nos collègues du groupe CRC-SPG de rappeler leur position.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 4, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le 2 de l'article 200 A du code général des impôts, le taux : « 18 % » est remplacé par le taux : « 22 % ».

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui aurait plus certainement sa place dans la discussion du projet de loi de finances pour 2010.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Chacun des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, il n’y a pas lieu de procéder à un vote sur l’ensemble.

La proposition de loi est rejetée.

M. Marc Massion. Quelle déception !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Articles additionnels après l’article 4 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records
 

4

Avenir de la politique sociale européenne

Discussion d’une question orale européenne avec débat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale européenne avec débat n° 4 de M. Richard Yung à M. le Premier ministre sur l’avenir de la politique sociale européenne.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Richard Yung interroge M. le Premier ministre sur l’avenir de la politique sociale européenne. Il lui rappelle que depuis quelques années l’intégration européenne en matière sociale est en panne et que la méthode ouverte de coordination n’a pas permis de la relancer. Le manque de volonté de la Commission européenne, soutenue par les États membres, de légiférer a laissé dans de nombreux domaines le champ libre à la Cour de justice des communautés européennes. Dans trois arrêts consécutifs en 2007 et 2008, celle-ci a ainsi donné une interprétation très étroite des possibilités de déroger à la libre prestation de services remettant en cause le droit fondamental à l’action collective, dont le droit de grève.

« Il déplore le fait que la France, lors de sa présidence du Conseil de l’Union européenne, n’ait pas fait de la relance de l’Europe sociale l’une de ses priorités. Le Gouvernement n’a pas su saisir cette formidable occasion pour prendre des initiatives ambitieuses dans les domaines des services publics, des salaires, du droit de grève, de la négociation collective, etc. La France s’est au contraire alignée sur la position des États les plus libéraux en rendant caduque la limite du temps de travail. Il regrette aussi le fait que le programme de la présidence tchèque en matière sociale se réduise à la libre circulation des travailleurs et à la flexibilité du marché de l’emploi.

« Ce désintérêt est d’autant plus critiquable et dommageable que la crise économique et sociale qui sévit actuellement en Europe plonge les citoyens dans un sentiment d’insécurité sociale. Les Européens, en particulier ceux qui subissent de plein fouet la montée du chômage (4,5 millions d’Européens devraient perdre leur emploi en 2009) et qui basculent dans la précarité, sont demandeurs d’une Europe sociale.

« La gravité de la crise économique et sociale prouve l’impérieuse nécessité d’investir dans l’Europe sociale afin de protéger les citoyens. Comme l’a rappelé le Conseil européen des 19 et 20 mars derniers auquel participait le chef de l’État, "pour rétablir et renforcer la confiance et contribuer à préparer la relance, il est essentiel de s’appuyer sur la solidarité et de permettre aux systèmes de protection sociale de jouer pleinement leur rôle de stabilisateurs automatiques".

« Alors qu’une nouvelle ère politique et institutionnelle est sur le point de s’ouvrir (élection du Parlement européen, renouvellement de la Commission européenne, fin du processus de ratification du traité de Lisbonne et, dans le domaine social, nouvelle stratégie de Lisbonne post-2010), il lui demande quelles sont les propositions du Gouvernement pour donner un nouvel élan à la construction d’une Europe sociale. »

La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question.

M. Richard Yung. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires européennes s’est réunie le 14 mai dernier afin d’examiner le rapport d’information, dont je suis l’auteur, intitulé L'Europe sociale, état des lieux et perspectives, et de débattre sur la question. Le moment me paraît donc opportun, à trois jours du scrutin européen, pour préciser les positions en présence.

Je rappellerai, au préalable, tout ce que l’Europe sociale doit à Jacques Delors, lequel, en 1985, a réussi à transformer ce qui n’était qu’un ensemble de vœux pieux en réalité, en instaurant un dialogue social à l’échelle européenne entre les partenaires sociaux, transposé ensuite dans la législation communautaire.

Les textes qui ont suivi, l’Acte unique européen, la Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et le traité de Maastricht, ont permis des avancées importantes dans les domaines, notamment, de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, du travail à temps partiel et temporaire, des CDD et des comités d’entreprise européens.

Malheureusement, force est de constater que, depuis un certain temps, l’intégration européenne en matière sociale est en panne. Plusieurs raisons peuvent être avancées.

Tout d’abord, dans tous les États membres, le débat social est, par essence, au cœur de la vie politique nationale. Comme l’enseignement, il façonne nos sociétés. La question est éminemment sensible, car elle touche à des valeurs profondes. C’est dire si la subsidiarité joue à plein en la matière.

Ensuite, les mécanismes institutionnels mis en place ne favorisent pas le développement de l’Europe sociale.

Il est ainsi absolument impossible de s’y retrouver dans les règles de vote, entre ce qui relève de l’unanimité, de la majorité qualifiée, de la codécision ou du seul conseil des ministres. Rien d’étonnant, alors, que nos concitoyens se détournent d’une question aussi hermétique. Au demeurant, dans le domaine social, peut-être encore plus que dans d’autres, la prise de décision à l’unanimité des Vingt-Sept est impossible.

En fait, le tour de table en matière sociale est complexe ; les divisions sur cette question ne sont pas celles auxquelles nous sommes habituellement confrontés.

Certains pays, à l’image de la Grande-Bretagne, sont par idéologie réticents, voire hostiles, à toute intervention.

D’autres, à savoir les pays nordiques, notamment la Suède, plus avancés en matière sociale, craignent de se voir imposer une législation européenne finalement en retrait et même en régression par rapport à leurs normes nationales. Ils sont donc extrêmement prudents.

Inversement, les PECO, les pays d’Europe centrale et orientale, redoutent que la fixation de minima sociaux trop élevés ne vienne contrecarrer leurs efforts d’intégration à l’économie européenne et au marché unique.

Par ailleurs, le domaine social est l’un des domaines où le couple franco-allemand, qui est le moteur de l’Europe, fonctionne mal et n’est pas suffisamment énergique. Les Français manquent d’allant. Quant aux Allemands, leur prudence s’explique par le fait que la quasi-totalité de leur législation nationale relève des Länder. Nous connaissons tous les relations entre ces derniers et le Bund, lequel est donc contraint d’agir avec beaucoup de réserve. En outre, tant Mme Merkel, influencée sans doute par le souvenir de sa formation dans l’ex-RDA, que son gouvernement sont assez réticents à toute intervention par trop étatiste.

Ce tour d’horizon le montre : les positions des uns et des autres ne favorisent pas le dynamisme en matière sociale.

En outre, après avoir utilisé les différents outils législatifs européens et, d’une certaine façon, après les avoir épuisés, au moins aux yeux de certains, l’Europe s’est dotée d’un nouveau système, la méthode ouverte de coordination : de prime abord plutôt sympathique, elle fixe des objectifs généraux communs à moyen terme, en laissant aux États membres le soin de choisir, sur le plan national, les voies qu’ils estiment les mieux appropriées pour les atteindre. Voilà, en théorie, une bonne façon de se coordonner !

Cela étant, la méthode a assurément ses limites, car, faute d’avoir un caractère contraignant, elle ne produit pas les résultats escomptés.

L’entrée en vigueur, que nous espérons prochaine, du traité de Lisbonne devrait permettre de surmonter une petite partie de ces obstacles, en particulier grâce à la clause passerelle. Cependant, si avancées il y a, elles resteront à l’évidence bien modestes.

En définitive, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, toutes les difficultés que nous rencontrons dans le domaine de la politique sociale européenne résident moins dans les carences des mécanismes institutionnels que dans l’insuffisance de la volonté politique.

Depuis cinq ans, la Commission européenne a ainsi été singulièrement absente dans ce domaine. M. Barroso a relégué le social au second plan – il a même proposé l’instauration d’un « moratoire social » –, préférant concentrer son action sur l’économie, en suivant ce raisonnement que vous connaissez tous : l’essentiel est que l’économie se porte bien, le social suivra. On sait ce que cela donne !

En dépit des demandes formulées par le groupe socialiste au Parlement européen, le PSE, la Commission européenne a refusé de légiférer sur toute une série de questions importantes qui sont pourtant sur la table des négociations : l’économie sociale, les services d’intérêt général, les services sociaux d’intérêt général. Elle a également écarté l’idée d’une nouvelle directive sur le problème ô combien délicat des travailleurs détachés.

Quant au Conseil européen, il est lui-même extraordinairement partagé et, de ce fait, bloquant, voire « autobloquant » !

La révision de la directive sur le temps de travail est, à ce titre, symptomatique. Le compromis qui avait été dégagé au Parlement européen a malheureusement été brisé, je dois le dire, par le revirement de la France, qui a rejoint les partisans du maintien de la clause permettant de déroger à la durée maximale du travail hebdomadaire. Fixée à 48 heures, cette dernière constituait pourtant selon nous un plafond déjà raisonnable. Or nous en sommes maintenant à 65 heures !

Il convient en outre de rappeler que le sommet européen en matière d’emploi, prévu le 7 mai dernier, a été purement et simplement annulé et remplacé par une réunion de la « troïka sociale européenne ».

Le manque de volonté de la Commission européenne et des États membres de légiférer a laissé le champ libre à la Cour de justice des communautés européennes. Dans une série d’arrêts, celle-ci, au lieu de pallier l’insécurité juridique découlant de cette absence de législation communautaire, l’a au contraire développée en autorisant une certaine forme de dumping social et de mise en concurrence des travailleurs. Une telle situation n’est pas acceptable et montre la nécessité de réviser la directive sur le détachement des travailleurs.

Au Parlement européen, le groupe du parti populaire européen, le PPE, bloque toute relance de l’Europe sociale. Au cours des cinq dernières années, aucun progrès d’envergure n’est ressorti des débats qui s’y sont tenus.

En 2007, les députés du PSE ont proposé de mettre en place un salaire minimum dans chaque État membre, au moins égal à 50 % du salaire moyen national.

Je sais bien qu’il s’agit d’une question difficile et sensible, mais on est en droit de penser que l’on pouvait tout de même la faire progresser.

Il faut prévoir, pour l’avenir, un certain nombre de points de relance. Nous allons avoir un nouveau Parlement européen, une nouvelle Commission. Nous devons nous préoccuper dès maintenant de ce que cette Commission mettra sur la table des discussions en matière sociale. Il nous faut également faire pression sur le patronat européen, qui est singulièrement timide en la matière. Les sujets ne manquent pas ! Ma collègue Bariza Khiari développera les thèmes sur lesquels nous souhaitons être allants.

J’aimerais connaître, madame la secrétaire d’État, le niveau d’ambition de votre gouvernement et les mesures que vous entendez promouvoir au sein du Conseil pour relancer la politique sociale européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Papon.

Mme Monique Papon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour remercier vivement notre collègue Richard Yung et le président Hubert Haenel de nous permettre d’engager au Sénat un débat sur la politique sociale européenne.

L’Europe sociale, voilà bien un thème qui devrait recueillir un large consensus. Nous sommes tous persuadés ici, quel que soit notre bord politique, que l’Europe ne peut pas être seulement un espace de libre concurrence économique, mais qu’elle doit prendre en compte et défendre des valeurs afin de favoriser le progrès social.

Le référendum de 2005 nous a pourtant montré que nombre de nos concitoyens sont déçus des réalisations européennes en matière sociale, qu’ils les jugent insuffisantes, voire négligeables. Ce désappointement provient sans doute, en partie, d’un manque d’information sur les réalisations européennes en matière sociale. Il résulte également d’une incompréhension de ce que peut être une politique sociale européenne, compte tenu de la répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres, et de la nécessité de persuader nos partenaires au sein de l’Union.

L’Europe sociale, c’est d’abord un projet politique. C’est la volonté de montrer concrètement que l’Union européenne repose sur des valeurs, au premier rang desquelles figurent la solidarité, la protection des plus faibles et la non-discrimination. Ce n’est pas un hasard si la politique sociale occupe, dans les États européens, une place plus importante que dans les autres pays développés. C’est le résultat d’une histoire qui repose sur des valeurs.

L’Europe sociale, c’est aussi la volonté de ne pas seulement prendre en compte les avantages économiques de l’ouverture des marchés vers l’extérieur, mais aussi ses conséquences sociales, et d’apporter des remèdes : en un mot, de protéger. Dans la période de crise que nous connaissons, cette volonté est plus nécessaire que jamais.

L’acquis communautaire en matière sociale est loin d’être négligeable. Comme notre collègue Richard Yung le rappelle dans son rapport d’information, ce corpus juridique est constitué de près de 200 textes normatifs, qui concernent aussi bien la libre circulation des travailleurs que le droit du travail, l’égalité entre les hommes et les femmes, ou la lutte contre les discriminations.

Alors, pourquoi cette déception des citoyens européens ?

Sans doute est-elle due au fait que le cœur de la politique sociale relève de la compétence des États membres : les avancées qui résultent des textes européens ne peuvent pas avoir la même portée que celles qui sont obtenues au niveau national, et il est rare qu’elles fassent la « une » des journaux.

Pourtant, la France fait partie des pays européens qui ont mis en place un appareil juridique particulièrement développé en matière sociale.

Certains de nos concitoyens, qui ne sont pas toujours de bonne foi, dénoncent les textes proposés en soutenant qu’ils provoquent une régression sociale. Il n’en est rien, car si ces textes visent à établir un seuil minimal obligatoire, ils laissent chaque État membre libre de mettre en place ou de conserver une législation plus favorable.

Les textes européens, bien qu’en retrait par rapport à notre propre système, ont l’avantage d’éviter le dumping social qui pourrait s’établir au sein de l’Union européenne. De ce fait, même s’ils ne font pas bénéficier directement les travailleurs français d’avancées sociales, ils les protègent indirectement. Si nous voulons éviter les délocalisations et le moins-disant social au sein de l’Union, il nous faut en effet favoriser le rattrapage des nouveaux États membres.

Enfin, on ne doit pas attendre de l’Union européenne qu’elle harmonise les systèmes. Nous n’aurions certainement rien à y gagner, car il serait naïf de croire que c’est le système français qui s’imposerait à tous. La diversité actuelle des systèmes sociaux en Europe correspond à des cultures et à des histoires sociales différentes, une diversité que la subsidiarité doit permettre de conserver.

Quel est l’avenir de la politique sociale européenne ? Que peut-on en attendre ? Faut-il craindre, selon les termes employés par Richard Yung dans son rapport, « une paralysie croissante » ?

Il est vrai que l’on a vu apparaître, au cours des derniers mois, des conflits entre certains États membres, ou entre le Conseil et le Parlement européen, conflits qui ont empêché l’adoption de plusieurs textes importants. Mais cela ne doit pas nous faire oublier les avancées récentes.

Je citerai, tout d’abord, la révision de la directive relative aux comités d’entreprise européens qui, dans l’actuel contexte de crise économique, apporte des garanties supplémentaires aux salariés. Cette directive touche tout de même quinze millions de salariés !

Je pense, ensuite, à l’adoption de la directive relative aux conditions de travail des travailleurs intérimaires : c’est un exemple de ces textes qui ne représentent peut-être pas un progrès direct pour les intérimaires français, mais qui permettent de lutter contre le dumping social. Cette directive constitue un progrès substantiel pour les salariés de dix-sept États membres qui, jusqu’à présent, ne bénéficiaient pas du principe d’égalité de traitement, dès le premier jour, entre les travailleurs intérimaires et les travailleurs permanents.

Par ailleurs, le fonctionnement du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et celui du Fonds social européen ont été améliorés, ce qui permettra, pour chacun d’entre eux, une utilisation plus large et plus aisée des crédits qui y sont inscrits.

Or toutes ces avancées ont été obtenues récemment, très précisément pendant le deuxième semestre de l’année 2008, c’est-à-dire sous la présidence française de l’Union.

J’ai beaucoup apprécié votre rapport, monsieur Yung, et je souscris quasiment à toutes vos propositions, mais j’ai regretté que vous paraissiez ignorer ou négliger ce qui a été fait durant ces six mois.

Quelles sont, en conclusion, les perspectives de la politique sociale européenne ?

Bien sûr, il y a le traité de Lisbonne, dont nous attendons tous ici, ou presque tous, l’entrée en vigueur.

Le traité de Lisbonne donne une valeur contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui reconnaît de nombreux droits sociaux. Dans cette perspective, les droits sociaux seront désormais garantis par les juges nationaux et européens, et constitueront un socle social commun. Il prévoit également une clause sociale « horizontale », qui s’applique à toutes les politiques de l’Union. Le traité de Lisbonne, c’est aussi la consécration des services d’intérêt général sous la forme d’un protocole spécifique.

L’avenir de la politique sociale européenne résultera de la révision de la stratégie de Lisbonne, à laquelle le Gouvernement a beaucoup œuvré. L’emploi et la cohésion sociale doivent reconnaître le rôle de filet de sécurité joué par la protection sociale, qui doit améliorer la capacité de l’Union à amortir les chocs résultant de la mondialisation et répondre au défi du vieillissement démographique.

L’avenir de l’Europe sociale reposera, enfin, sur les réflexions menées au sein de l’Union européenne pour moderniser les marchés du travail en Europe.

Je veux évoquer, à ce sujet, la mission européenne sur la flexisécurité, coprésidée par le président Gérard Larcher et par le commissaire européen Vladimir Spidla. En effet, l’Europe sociale s’illustre aussi par l’établissement d’un équilibre entre la flexibilité dont ont besoin les entreprises et les sécurités que souhaitent les salariés. Le rapport remis en décembre dernier au Conseil de l’Union souligne le rôle primordial de la formation professionnelle pour anticiper et accompagner les mutations du marché du travail. Il y a là un champ d’action important pour l’Union.

Oui, il existe bien une approche intégrée de la flexisécurité, rassemblant le contrat de travail, la formation, l’accompagnement pendant les phases de transition, l’indemnisation et la protection sociale.

On le voit, mes chers collègues, il y a encore beaucoup à faire. C’est pourquoi je serai plus optimiste que Richard Yung. Certes, on pourrait attendre plus et mieux, mais ce qui a été réalisé et ce qui peut être accompli dans les années à venir est plus important qu’on ne le croit. La politique sociale européenne, j’en suis persuadée, a encore un bel avenir devant elle. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quelques jours nous séparent du scrutin européen et dans cette perspective, quelles que soient nos attaches politiques, nous avons un adversaire commun : l’abstention.

Depuis 1979, la participation électorale pour cette échéance n’a cessé de diminuer et les prévisions de participation sont moroses.

On nous reproche d’être en partie responsables de la désaffection de l’opinion publique en menant une campagne nationale, alors que l’enjeu est européen : il est vrai que les discours répétés du chef de l’État sur l’insécurité, les bandes, les cités, s’ils ont pour mérite de sonner doux aux oreilles de certains, sont loin de faire vibrer l’idéal européen. C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, pour faire mentir ceux qui nous reprochent de ne pas parler d’Europe, de débattre et de confronter nos conceptions de l’Europe, et en premier lieu notre conception de son avenir social.

L’Europe des « pères fondateurs » a apporté la paix et, avec elle, l’espérance d’une vie meilleure. Cette promesse d’une vie meilleure pour la génération d’après-guerre, la nôtre, a été honorée : développement de l’État-providence, croissance économique, démocratisation de nos sociétés et, surtout, paix européenne durable.

Soixante ans après sa fondation, l’Union européenne, parce qu’elle s’est détournée de sa vocation sociale, est méconnue de nos concitoyens. L’Europe, dominée par la droite libérale et conservatrice, parce qu’elle ne parvient pas à proposer une protection et un futur meilleurs, est perçue comme un projet politique désenchanté. L’Europe ne fait plus rêver…

L’Europe de la décennie précédente était à majorité sociale-démocrate. Le gouvernement de Lionel Jospin avait alors encouragé l’adoption de la stratégie de Lisbonne reposant sur les trois piliers : économique, écologique et social. Dans cette feuille de route, le social et l’écologie étaient conçus comme des facteurs de la compétitivité économique.

La Commission Barroso et l’Europe libérale ont tourné le dos à cette stratégie. Pire, elles ont dénaturé le projet politique des pères fondateurs en se limitant au seul marché intérieur. Le social est considéré comme un fardeau, relevant de la seule responsabilité des États membres.

La crise des subprimes, de crise financière, est devenue crise économique et sociale. Elle a remis la question sociale et les vertus de la réglementation sur le devant de la scène.

Certes, l’Europe résiste mieux que le reste du monde. Au sein de l’Europe, la France souffre, mais moins durement que d’autres pays, grâce à un modèle social que le Gouvernement s’acharne pourtant à remettre en cause bout par bout. Alors même que l’OCDE se tourne vers notre modèle et vante ses mérites protecteurs, le Gouvernement, par idéologie et manque de pragmatisme politique, persiste à vouloir tout mettre à bas au nom de l’adaptation à un monde qui vient de s’effondrer.

Cette crise a accentué le très fort sentiment d’insécurité économique et sociale : peur de perdre son emploi et de ne pas en retrouver ; peur des parents pour l’avenir professionnel de leurs enfants, qui sont les premiers touchés.

Le gouvernement français, et il n’est pas le seul, a tardé à prendre conscience de l’ampleur du marasme. En août dernier, François Fillon affirmait qu’il était ridicule de craindre la récession. Nous savons à présent que vont arriver sur le marché du travail, en l’absence de mesures adéquates, plus de 1 million de chômeurs supplémentaires en France, et plus de 9 millions en Europe.

En décembre, le Conseil européen, dominé par la droite, a adopté un plan de relance économique à hauteur de 1,5 % du PIB, dont 1,2 % à la charge des États. Ce plan est cruellement insuffisant : alors que l’Europe est la première puissance économique au monde, le Conseil européen s’est contenté d’un « mini plan » indigent, qu’il refuse de reconsidérer à la hausse et dont la seule ambition est d’avaliser les plans nationaux.

Or l’interdépendance des économies européennes implique la coordination des actions nationales et des plans de relance nationaux. Pour l’heure, ils jouent plutôt les uns contre les autres.

Un dessin de Plantu illustrait parfaitement l’état d’esprit qui prévaut dans les gouvernements nationaux : il montrait un ouvrier de chez Renault se réjouissant de la faillite possible d’Opel et un ouvrier de chez Opel se félicitant des difficultés de Renault. Or, il convient non de jouer une entreprise contre l’autre, mais de consolider les deux. Les dogmes de la toute- puissance du marché ont la peau dure et, en dépit des déclarations de principe, ni la droite européenne, ni le gouvernement français n’ont la volonté de mener une véritable politique de relance.

Dans ce contexte, les discours électoraux d’une droite convertie aux vertus de la réglementation ne sont qu’un hommage de circonstance. Hier, le modèle que les pays européens avaient patiemment élaboré depuis un demi-siècle était dénoncé par les esprits chagrins comme un frein à la compétitivité mondiale qu’il fallait démembrer.

Aux yeux de la droite, qu’elle soit française ou européenne, l’Europe sociale est au mieux une chimère, au pire un handicap dans la compétition mondiale. J’en veux pour preuve la décision de juin 2008 du gouvernement français d’accepter que l’on puisse étendre la durée hebdomadaire du travail à 65 heures par semaine, en dérogation à la règle des 48 heures.

Heureusement, cette disposition a été rejetée, mais la tentation demeure. Comment peut-on, d’un côté, prétendre lutter contre les délocalisations et, de l’autre, autoriser un mécanisme de dumping social aussi incitatif ? La tentation de régression sociale est grande dans notre pays quand certains ont l’impudence de proposer de travailler pendant un congé de maladie ou de maternité au motif de l’acquisition de nouveaux droits !

Face à cette droite européenne incohérente et inconséquente, tous les leaders socialistes et sociaux démocrates des vingt-sept pays membres de l’Union ont adopté un véritable programme commun, le Manifesto.

Nous avons fait l’Europe économique en créant des critères contraignants : c’était l’Europe de Maastricht. Aujourd’hui, nous devons nous engager dans un Maastricht social. Il ne s’agit pas de contraindre les États nationaux à modifier leur système de protection sociale. Mais nous pouvons, dans l’Europe des Vingt-Sept, trouver des points d’accord et construire un socle commun de droits sociaux qui prendra appui sur la Charte des droits fondamentaux.

Dans cet esprit, les socialistes et sociaux-démocrates européens se sont engagés sur un Pacte européen de progrès social. Ce pacte prévoit la fixation, dans chaque pays européen, d’un salaire minimum permettant de vivre décemment, un salaire adapté au niveau de vie du pays concerné. Il prévoit aussi la fixation d’un niveau de dépenses sociales et d’un niveau de dépenses d’éducation et de recherche.

Le Manifesto prévoit, en outre, l’insertion d’une clause de non-régression sociale dans chaque directive : cela signifie qu’aucun texte ne pourra s’appliquer au niveau national s’il comporte une menace de diminution des droits sociaux nationaux.

Alors que la droite fait du moins-disant social un élément de compétitivité économique, socialistes et sociaux-démocrates veulent que l’Europe soit le moteur du mieux-disant social. L’idéal européen, c’est non de mettre les travailleurs et les territoires en concurrence, mais de garantir leur protection et d’aligner leurs conditions de vie.

L’Union à Vingt-Sept représente un vrai défi. Le niveau de salaire d’un pays à l’autre varie de un à dix, le seuil de pauvreté de un à cinq. À l’occasion du dernier élargissement, l’Union européenne n’a pas mis assez de moyens pour permettre aux nouveaux entrants de s’engager dans une stratégie de rattrapage social. Elle n’a pas réuni les conditions pour éviter le dumping fiscal et social.

Et les récents arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes – Laval, Viking, Rüffert – sont à cet égard édifiants : la libre prestation de services serait supérieure au droit de grève puisque, dans ces arrêts, la Cour juge toutes les actions collectives illégales et donne une interprétation très étroite des possibilités de déroger à la liberté de circulation des services à des fins de protection des travailleurs.

Y aurait-il donc une hiérarchie des normes à peine voilée, les droits économiques primant sur les objectifs sociaux et les droits fondamentaux de l’Union européenne ? Dans cette jurisprudence, le droit syndical devient un élément de concurrence, alors qu’il devrait être un facteur de protection ! Nous demandons donc la révision de la directive sur le détachement des travailleurs, demande jusqu’ici restée lettre morte, à la Commission comme au Conseil.

Dans ce contexte de crise, nous devons également réaffirmer le principe de solidarité économique en renforçant l’appui financier aux États membres qui souffrent le plus de cette crise. Je pense, notamment, aux pays d’Europe centrale et orientale, non protégés par l’euro. Leur intégration européenne est aujourd’hui en péril. Si nous ne faisons rien, ils risquent de s’enfoncer un peu plus dans la crise et de ne jamais rattraper notre niveau de développement.

Il faut donc renforcer la capacité de la Banque européenne d’investissement, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, du Fonds social européen et de tous les mécanismes existants pour les aider à stabiliser leur système financier, à investir dans la relance, enfin et surtout à protéger leurs salariés.

En outre, le Manifesto s’engage pour l’élaboration d’une directive-cadre sur les services publics en Europe. Le groupe socialiste du Sénat a présenté le 30 avril dernier une proposition de résolution demandant l’adoption d’une telle mesure. La majorité sénatoriale a profondément dénaturé le texte présenté par Catherine Tasca. Or les services publics, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas !

En l’absence d’une véritable réglementation européenne, c’est le droit de la concurrence qui s’applique à nos services publics nationaux et locaux ; autrement dit, sans cette directive, nous nous privons des moyens de préserver nos services publics et nous assisterons, impuissants, à leur démantèlement progressif, au nom de la concurrence libre et non faussée !

Il est donc urgent de donner une nouvelle perspective à l’Europe après ces cinq années de Commission Barroso et d’institutions européennes dominées par une droite libérale. L’agenda social dit « renouvelé » de la Commission Barroso n’est pas à la hauteur du drame qui se joue.

De même, la présidence française du Conseil de l’Union européenne est loin d’avoir été un succès sur le plan économique et social. La fonction a été occupée par le chef de l’État français avec une satisfaction évidente. Or rien de ce qui est issu de cette présidence ne permet de pavoiser : pour la première fois, et dans un contexte de crise mondiale sans précédent depuis les années trente, le thème de l’Europe sociale ne figurait pas au rang des priorités françaises.

La majorité aurait donc bien tort d’instrumentaliser cette présidence à des fins électorales, d’abord parce que nous n’aurons pas la présidence du Conseil européen avant un certain temps, ensuite parce qu’il s’agit ici non de reconduire Nicolas Sarkozy au poste de président du Conseil, mais d’élire des députés européens.

La majorité entretient volontairement la confusion dans l’esprit de nos concitoyens sur les fonctions des institutions. Comment peut-on dès lors être surpris que l’Europe apparaisse illisible auprès des Français ?

Nos concitoyens attendent de l’Europe qu’elle les protège, non qu’elle les rende plus vulnérables. Ils attendent un bouclier social et n’ont que faire d’un bouclier fiscal qui ne profite qu’aux plus riches. Ils attendent un débat « propositions contre propositions », et non un énième discours réchauffé sur la sécurité ou des moulinets sur la prétendue ultragauche terroriste corrézienne.

J’ai ainsi développé certains points du programme socialiste pour les élections européennes. Je regrette qu’au mépris du projet européen et du débat démocratique qui devrait le nourrir, la majorité élève la triangulation au rang de programme politique en utilisant dans cette campagne des mots qui ne sont pas les siens, comme « protection » et « solidarité », alors qu’au nom de la concurrence libre et non faussée, nous assistons, de mois en mois, à une véritable casse de toutes nos protections.

Nous, socialistes, voulons retrouver une Europe de la solidarité et de la coopération, si chère à Jacques Delors. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à quelques jours des élections européennes, l’ordre du jour du Sénat nous appelle à débattre, sur l’initiative de notre collègue Richard Yung, de l’avenir de la politique sociale de l’Union.

Effectivement, il n’aura échappé à personne qu’autour de la dimension sociale de la construction européenne s’ancrent les attentes des peuples, ce qui fait donc de cette question un enjeu électoral majeur en cette période.

À ce titre, l’annonce récente par le président de la Commission d’un plan de relance sociale de 19 milliards d’euros confirme l’importance du sujet. Il est juste regrettable que cet acte, qui se voudrait emblématique, se résume au déblocage de crédits déjà programmés. Il s’agit donc là d’un geste purement médiatique.

De même, l’ensemble des candidats au Parlement européen revendique aujourd’hui avec force l’approfondissement de l’Europe sociale, fustige les dérives de la Commission et appelle à moraliser le capitalisme financier. On en oublierait parfois que beaucoup d’entre eux sont responsables de la construction de ce modèle européen ultralibéral.

En effet, cet apparent consensus cache bien évidemment des desseins très différents. Le leitmotiv de l’Europe sociale ne cesse d’être repris et énoncé comme une formule magique. Avant la prise de fonction de la présidence française de l’Union, le Premier ministre affirmait déjà la volonté du Président Sarkozy de faire de l’Europe sociale sa priorité politique.

Or, évidemment, il n’en a rien été : bien au contraire, alors que cette présidence a été bouleversée par la crise, aveu même de l’échec des politiques mises en œuvre par les institutions européennes, il n’a été à aucun moment question d’une quelconque remise en cause des dogmes libéraux.

Ainsi, les réponses à la crise se sont bornées au sauvetage du système bancaire et financier à grand renfort de dizaines de milliards d’euros, mais sans réelles contreparties, comme en témoigne la faiblesse du paquet de directives proposé pour une régulation des marchés financiers.

En revanche, pour ce qui concerne les garanties sociales, le Conseil européen n’a eu de cesse d’estimer qu’il s’agissait principalement d’une compétence des États membres.

Ainsi, alors qu’un Conseil européen extraordinaire sur les questions de l’emploi devait se tenir le 7 mai dernier, celui- ci s’est transformé en troïka pour la simple raison, affirmée et assumée par le Conseil européen, qu’il ne faudrait pas, à quelques semaines des élections européennes, laisser penser que l’Union serait compétente pour répondre à la crise sociale ! Cela illustre bien le manque d’ambition sociale de la Commission et du Conseil.

Si chacun appelle de ses vœux la mise en chantier de l’Europe sociale, celle-ci se réduit donc souvent à un simple mythe. En effet, après avoir pointé cette exigence comme une priorité politique, un autre consensus se dégage immédiatement. Il a trait, précisément, à l’impossibilité de mettre en œuvre une véritable Europe sociale.

Cette impossibilité est d’ailleurs relayée par le présent rapport qui en expose les deux raisons principales : d’abord, la difficulté d’obtenir un compromis satisfaisant des Vingt-Sept sur ces questions ; ensuite, le fameux principe de subsidiarité dans le domaine des compétences partagées.

En effet, le principe de subsidiarité a le plus souvent conduit l’Union soit à ne prendre les questions sociales que sous l’angle de la lutte contre les discriminations, soit à l’adoption de « soft law », c’est-à-dire de l’usage d’un droit non contraignant.

Pourtant, et contradictoirement, lorsque l’Union a souhaité imposer des mesures libérales et légiférer pour augmenter la durée légale du travail à 65 heures ou pour adopter le fameux principe du pays d’origine, elle s’est estimée compétente ! Il y a donc une ambiguïté coupable dans la faculté de l’Union à se décréter compétente ou non concernant ces domaines.

Au final, sur les questions sociales, les institutions européennes ont mis en place, au fil des années, tout un arsenal législatif visant à la mise en concurrence des travailleurs, des entreprises et des territoires. Ces pratiques ont conduit à la généralisation du dumping social, environnemental et fiscal puisque la compétitivité se fonde essentiellement sur la baisse des coûts salariaux.

Il est vrai, hélas, que l’Europe n’apparaît pas comme un outil de progrès social et que les citoyens en appellent à leur État afin de les protéger contre le dogme de la « concurrence libre et non faussée ».

À ce titre, si beaucoup d’entre vous, en cette période de campagne électorale, évoquent le refus par le peuple français du projet de Constitution européenne comme l’exigence d’une Europe sociale et le refus de l’ultralibéralisme, permettez-moi de vous rappeler que vous ne teniez pas le même discours quand il a fallu, le 4 février 2008, accepter en Congrès la ratification du traité de Lisbonne, simple avatar de feu la Constitution européenne ! Seuls les groupes communistes ont rejeté ce texte pour respecter le vote des Français.

Comment est-il possible de se targuer d’avoir compris les aspirations du peuple français, tout en continuant de penser que les Français se sont trompés en refusant l’application de ce traité, comme les Néerlandais et, plus récemment, d’une certaine façon, les Irlandais ? Il faut un minimum de sincérité dans nos débats !

Sur le fond, en effet, comment pouvez-vous juger que le traité de Lisbonne représente une avancée dans la construction de l’Europe sociale ? Au-delà des évolutions institutionnelles positives comme l’élargissement des domaines soumis au principe de codécision, le projet sous-tendu par ce traité reste manifestement antisocial !

La banque centrale reste indépendante, le pacte de stabilité demeure le socle de toute action publique, la libre circulation des capitaux est réaffirmée à l’article 26 du traité.

Comment envisager un quelconque développement des politiques sociales en dehors d’une réforme globale des politiques de l’Union qui ont conduit, sous prétexte de mise en œuvre de la fameuse notion de service d’intérêt général, à remettre en cause les services publics ?

Comment estimer possible, dans ce cadre, le développement des services publics puisque toute aide d’État reste proscrite par l’article 107 du traité ?

Au final, comme l’indique l’article 119, « l’action des États membres et de l’Union comporte l’instauration d’une politique économique conduite conformément au respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre ».

La messe est dite, et ce traité ne permet donc aucun progrès vers l’Europe sociale.

Dès lors, nous ne pensons pas que l’« harmonisation sociale rime avec l’Europe libérale ».

Nous ne pensons pas davantage que, comme il est prétendu dans le rapport, « une politique sociale soit un facteur de progrès, favorisant à moyen terme des gains significatifs de productivité ». Cette conception de l’utilité sociale n’est pas la nôtre. La raison d’être de l’Union n’est pas simplement économique ; elle correspond avant tout à un modèle de développement solidaire des peuples européens.

La question fondamentale est en effet là : l’Europe doit être utile pour ses peuples. Or, aujourd’hui, non seulement elle n’offre pas la garantie d’accès aux droits fondamentaux, mais, pis, elle se juge profondément incompétente pour mettre en œuvre une politique industrielle, pour agir contre les délocalisations, pour définir une politique sociale en vue d’harmoniser les conditions de travail des Européens.

Le rapport de notre collègue évoque également un renforcement du dialogue social permis par les institutions européennes, mais le cadre même des discussions est entaché par les politiques économiques menées.

La Cour de justice des Communautés européennes, notamment, considère que l’exercice du droit de grève est contraire à la liberté économique des entreprises !

On voit donc, une nouvelle fois, que la primauté du marché prévaut sur toute autre considération.

Certains nous diront qu’Europe sociale et Europe libérale ne sont pas antinomiques, et que nous pourrions même poser les bases d’une Europe sociale libérale, promesse d’une Europe de progrès et de liberté...

Au contraire, nous estimons que le nouveau document définissant la politique économique de l’Union tourne le dos à l’idée même de l’Europe sociale en préconisant la modernisation du marché du travail par la « flexisécurité » ainsi que la soumission de l’éducation aux besoins du marché du travail.

En effet, dans ce nouveau modèle social européen, il ne peut être trouvé de réponse aux besoins collectifs en dehors de l’institution d’un grand marché commun, soumis aux règles de la concurrence. Dans ce modèle, les services publics ne sont plus des outils de progrès garantissant à tous l’accès à des droits dits fondamentaux, mais doivent être simplement réservés aux plus démunis. Les autres citoyens, devenus des clients, peuvent disposer d’un service fourni par des opérateurs privés.

C’est donc le glissement d’une conception assurantielle à une conception « assistantielle ». Or nous estimons que le développement des services publics ne sert pas à corriger les dysfonctionnements du système libéral, qui est une machine à exclure, mais constitue bien au contraire un modèle de société de progrès.

Pour toutes ces raisons, nous militons pour un changement radical d’orientation des politiques européennes et, dans cette perspective, préconisons la mise en chantier d’un nouveau traité européen fondateur, dont les maîtres mots ne seraient pas « concurrence libre et non faussée », mais coopération et harmonisation sociale et fiscale.

Ainsi, nous proposons de troquer cette Europe des marchés, qui a lourdement failli, contre une Europe des peuples, qui reste à construire.

Nous proposons également, au-delà de la nécessaire mobilité des travailleurs, que prône le rapport, d’aller encore plus loin pour permettre cette Europe sociale.

En effet, nous demandons qu’à l’échelle européenne tous les instruments disponibles soient mis prioritairement au service de l’emploi, de sa qualité et de sa sécurisation, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que de l’éradication de la précarité.

La promotion des capacités humaines par la formation, l’éducation, la santé, la culture, la recherche, le logement, des salaires décents, des conditions de travail humaines et des retraites dignes, doit devenir un objectif fondamental de l’Union.

Un autre type de production doit être impulsé, alliant développement humain, social et écologique, ce qui implique notamment la mise en œuvre des fonctions d’anticipation, de prévision et de programmation de la puissance publique.

Cela suppose de nouveaux pouvoirs d’intervention pour les citoyens à l’échelon européen, comme pour les salariés dans l’entreprise.

Cela suppose également, surtout dans la phase actuelle, la maîtrise du crédit pour orienter la gestion des entreprises dans le sens de ces nouvelles priorités.

Nous devons donc nous orienter vers une maîtrise publique du système bancaire pour parvenir à une politique européenne coordonnée en matière monétaire, qui mette au centre de la construction européenne une stratégie de l’emploi et de lutte contre le chômage.

À cette fin, les missions de la BCE doivent être transformées de manière que celle-ci soit mise au service des populations et soumise à un contrôle démocratique.

Face à la crise, il faut mettre en place, au niveau européen un vrai « bouclier social », permettant notamment de s’opposer aux plans de licenciements et aux délocalisations, mais aussi d’augmenter les salaires, les minima sociaux et les pensions.

Il faut donc, sans tarder, engager une harmonisation sociale par le haut, remettre en cause le dogme du libre-échange, développer des services publics européens; soutenir une politique industrielle respectueuse de l’environnement et créatrice d’emplois de qualité.

On se doit aussi d’œuvrer à une large redistribution des richesses, au moyen, notamment, de nouveaux dispositifs fiscaux.

Voilà les propositions ambitieuses que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche formulent pour une réorientation de l’Europe sociale vers la satisfaction des besoins et la garantie des droits fondamentaux des peuples européens. (Mme Bariza Khiari applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à la veille d’élections européennes dont le monde politique parle aujourd'hui beaucoup, bien qu’elles semblent n’intéresser que fort peu nos compatriotes – les sondages sont là, qui augurent un taux d’abstention record –, le débat qui nous est proposé sur l’initiative de notre éminent collègue Richard Yung est de la première importance.

On ne peut que se réjouir que notre Haute Assemblée s’interroge sur l’avenir de la politique sociale européenne, qui plus est à l’heure où la crise économique frappe de plein fouet nos pays.

Dans le contexte actuel, tout nous incite à penser que, sans volet social véritable, il n’y aura pas d’Europe lisible pour les peuples qui la composent.

Le groupe du RDSE partage, à l’évidence, cette façon de voir et fait pleinement sienne l’idée selon laquelle il ne peut y avoir de construction européenne sans une politique sociale forte, respectueuse de la liberté d’entreprendre, certes, mais exigeant aussi des États européens qu’ils soient, comme ils en ont le pouvoir et devoir, les garants absolus de la cohésion sociale et de la solidarité nationale.

L’intervention de l’Union européenne en matière sociale fait l’objet d’une forte attente des citoyens européens, en particulier des citoyens français, attachés qu’ils sont aux dispositions sociales dont ils bénéficient et qui sont jugées parmi les plus favorables. Je pense en particulier à l’assurance maladie, aux retraites garanties par l’État, à l’indemnisation du chômage, à la santé : autant de domaines protecteurs que nous envient beaucoup de nos partenaires européens.

Conjuguée à une situation économique assez favorable lors des premières années d’existence de la Communauté économique européenne, époque des « Trente Glorieuses », où le Vieux continent connaissait une croissance à deux chiffres, la diversité des traditions sociales des États membres a fait que l’Europe, à ses débuts, a manifesté une certaine timidité en matière sociale. En témoigne le traité de Rome, qui n’avait prévu de mesures contraignantes qu’en matière d’égalité des sexes.

Si l’Acte unique européen de 1986 introduisait quelques mesures destinées à protéger les travailleurs, la charte des droits sociaux fondamentaux, dite « charte sociale », promulguée quatre ans plus tard, fut un peu plus explicite, de même que le protocole social annexé au traité de Maastricht en 1992.

Cinq ans plus tard, le traité d’Amsterdam a enfin consacré l’emploi comme question d’intérêt communautaire et proclamé comme objectif la lutte contre les exclusions, tandis que la stratégie de Lisbonne, en 2000, visait à la réalisation du plein-emploi à l’horizon 2010.

Nous mesurons combien cette perspective s’est aujourd'hui éloignée pour l’Europe : sous l’effet de la crise, le nombre de chômeurs semble aller galopant tandis que le ralentissement économique ne peut manquer de nous conduire tous, tous pays d’Europe confondus, de la perplexité à l’inquiétude.

Ce constat étant dressé, il convient de se demander de quels outils l’Europe dispose pour répondre aux grands enjeux de notre xxie siècle, un xxie siècle où toutes les lignes sociales se déplacent, clairement soumises au phénomène de la mondialisation et à ses retombées tantôt bénéfiques, tantôt maléfiques : mutations économiques, nouvelles formes prises par le travail et, en négatif, par le chômage ; mutations sociales, avec le problème – mais en est-ce un ? – de l’allongement de la durée de vie et son cortège de risques, dépendance, isolement des personnes âgées, fracture intergénérationnelle ; émergence de nouvelles valeurs éthiques modifiant notre cadre de vie, qu’il s’agisse de la famille, de la bioéthique, de l’intrusion informatique, laquelle soulève parallèlement la question de l’inclusion de populations ou, à l’opposé, celle des risques de rupture du principe du respect du droit à la vie privée.

Je pourrais allonger la liste de ces nouveaux défis qui montrent combien il est impératif que l’Europe ait, sur toutes ces problématiques, des outils bien préparés.

Il existe, en tout premier lieu, la consultation systématique des partenaires sociaux avant de présenter des propositions dans le domaine social, comme le prévoit le protocole sur la politique sociale annexé au traité de Maastricht, ainsi que la possibilité de négociation d’un accord par ces mêmes partenaires avant qu’interviennent les propositions de la Commission.

Viennent les instruments financiers : 11 milliards d’euros consacrés au domaine de l’emploi et des affaires sociales, soit 8,3 % des crédits, ce qui représente un montant d’intervention bien modeste si on le compare aux 56 milliards d’euros alloués, à bon droit, à l’agriculture.

Il faut néanmoins ajouter à ce montant les fonds de la politique de cohésion, soit 307 milliards d’euros pour la période 2007-2013, issus du fonds européen de développement régional, du fonds social européen et du fonds de cohésion.

Ces deux premiers instruments sont complétés par le programme PROGRESS, programme communautaire destiné à financer la promotion des actions de formation et le retour à l’emploi – soit 657 millions d’euros pour la période 2007-2013 –, et par le fonds européen d’ajustement à mondialisation, qui dispose de 500 millions d’euros pour la même période et soutient les travailleurs venant à perdre leur emploi au sein de secteurs économiques bouleversés par la modification des structures du commerce mondial résultant de la mondialisation.

Si j’ai voulu citer ces chiffres, c’est pour bien montrer que la politique sociale de l’Europe ne se réduit pas au néant dénoncé ici ou là.

Il n’en demeure pas moins que cette politique est encore insuffisante et que ses effets, localement et ponctuellement, sont bien mal appréciés.

Les quelques échecs récents sur la directive « temps de travail », sur la portabilité des pensions ou encore sur les règles relatives au congé de maternité sont là pour illustrer les difficultés rencontrées par l’Union européenne pour intervenir dans le domaine social.

Le principe de subsidiarité, introduit dans le traité de Maastricht, est souvent montré du doigt – l’exemple des Länder allemands est, en ce sens, révélateur –, mais il ne constitue pas le seul frein à l’Europe sociale que nous appelons de nos vœux et qui peine à se mettre en place : s’y ajoutent les antagonismes croissants entre États membres sur les contours de cette même Europe sociale. Il faut voir là les effets de cultures politiques différentes selon qu’on appartient à l’Europe du Nord ou du Sud, à l’Europe anglo-saxonne ou méditerranéenne, cette dernière étant celle qui comporte le plus grand nombre d’États véritablement favorables à une harmonisation sociale plus poussée.

Les élargissements de 2004 et de 2007, enfin, ne sont pas, eux non plus, sans conséquences sur l’action européenne en matière sociale, l’arrivée massive de nouveaux États risquant de se traduire par du dumping social à l’intérieur même de l’Union.

Cela explique pourquoi il est aujourd'hui très difficile de réunir un vote du Conseil à la majorité qualifiée sur les questions sociales, ce qui, du reste, conduit régulièrement la Cour de justice des Communautés européennes à intervenir pour pallier l’insécurité juridique née de l’absence de législation ou de disposition précise.

Malgré les préjugés de certains, en particulier les thuriféraires les plus acharnés du libéralisme absolu, l’Europe a besoin qu’on se préoccupe plus que jamais du social. Serait-il en effet concevable qu’aujourd'hui, alors que sévit la crise économique et sociale, on se préoccupât moins de ce domaine qu’en période plus prospère ?

N’est-il pas nécessaire que notre Europe réunisse toutes ses forces pour éliminer la pauvreté et la précarité, qui prennent aujourd'hui des visages si divers et restent trop souvent, par fierté, dissimulées ? Ne vaut-il pas mieux coordonner et harmoniser les législations sociales dans un pacte de convergence sociale ? N’avons-nous pas des devoirs à l’égard des personnes qui sont victimes des embûches de notre situation actuelle ? Ne nous faut-il pas, partout dans l’Union, préserver les droits familiaux, assurer un emploi aux travailleurs seniors, garantir le minimum vital aux personnes retraitées, harmoniser les retraites ?

Tous ces chantiers exigent, madame la secrétaire d'État, volontarisme et détermination.

Comment ne pas évoquer la politique européenne en matière de santé ? Au mois de mars 2002, le Conseil européen de Barcelone a adopté trois principes fondamentaux pour la réforme du système de santé : l’accessibilité pour tous, une haute qualité de soins, une viabilité financière à long terme ; trois principes qui faisaient de la politique de santé en France un modèle.

Au moment où la Haute Assemblée examine le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », comment ne pas former le vœu que ces trois principes soient bien ceux qui président à la mise au point de ce texte et qu’on y trouve inscrit en lettres d’or qu’il n’est pas de plus haute valeur que le respect de la dignité humaine ?

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la secrétaire d'État, vous l’aurez compris, mes collègues du RDSE et moi-même nous interrogeons sur les perspectives de l’Europe sociale au moment où le traité de Lisbonne entre en vigueur. Une porte semble s’ouvrir, à tout le moins s’entrouvrir, vers le renforcement, au sein des États membres, de la défense des droits sociaux, de la lutte contre les exclusions sous toutes leurs formes et de la reconnaissance du rôle joué par les partenaires sociaux.

Madame la secrétaire d'État, il serait intéressant à plus d’un titre que vous nous livriez votre interprétation des textes sur ces divers points. Pourriez-vous surtout nous dire si le Gouvernement envisage d’aiguiller dans ce sens les futurs sommets européens ?

Il est temps, nous semble-t-il, que cesse cette oscillation chronique entre des effets d’annonce et des résultats modestes, trop modestes. Il est également temps d’en finir avec un mécanisme institutionnel européen qui a pour effet de bloquer toute évolution sociale.

Peu avant que nos compatriotes prennent, dimanche, le chemin des urnes, nous attendons dans cet hémicycle un signe fort, qui pourrait constituer un encouragement à continuer de croire en l’Europe et nous donnerait une bonne raison de nous battre pour elle. (Applaudissements.)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il n’est pas du tout dans mes intentions de marcher sur les brisées de mon collègue Richard Yung ou sur celles des différents orateurs qui sont intervenus sur la politique sociale européenne. Je voudrais seulement faire un peu de pédagogie.

Ce que nous vivons aujourd'hui est inédit. Depuis qu’a été créée la commission des affaires européennes du Sénat, à la suite de la révision constitutionnelle, nous pouvons intervenir régulièrement sur les questions européennes, à titre de vigies, en quelque sorte. En outre, dans le cadre de la journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires, il nous est possible soit de poser une question orale européenne avec débat, comme c’est le cas aujourd'hui, soit de demander au Gouvernement de nous informer sur les suites qu’il a ou non données aux positions qu’a prises le Sénat, que ce soit dans l’hémicycle, au sein des commissions permanentes ou de la commission des affaires européennes.

Il nous faut nous habituer à utiliser les nouveaux instruments que nous offre la Constitution et que mettra d’ici peu à notre disposition le nouveau règlement du Sénat, dès que le Conseil constitutionnel aura rendu sa décision.

Si j’ai appuyé, en conférence des présidents, l’inscription à l’ordre du jour de cette question orale européenne avec débat déposée par Richard Yung et soutenue par le groupe socialiste – étant entendu que, au demeurant, cet appui n’était nullement nécessaire pour que cette inscription soit décidée –, c’est Qu’il me paraissait absolument indispensable que notre assemblée débatte sur ce point.

En tant que membre de la commission des affaires européennes, Richard Yung a mené un important travail en amont et sa question orale européenne avec débat s’adosse au rapport qu’il a rédigé au nom de la commission des affaires européennes et qui vous a été communiqué. Il s’agit d’un document de référence, car il dresse un état des lieux de l’Europe sociale et trace des perspectives, ce qui n’a jamais été accompli jusqu’à présent. Nous pouvons imaginer ce que se serait exclamé le général de Gaulle : « L’Europe sociale ! L’Europe sociale ! Qu’est-ce que c’est ? » Eh bien, maintenant, nous avons la réponse.

Tous nos collègues, quelle que soit leur sensibilité, ont pu exprimer leur conception de l’Europe sociale. Le traité de Lisbonne entrera en vigueur – je le souhaite – et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne deviendra une norme européenne, certains l’ont souligné. Nous pourrons enfin nous appuyer sur les dispositions de nature sociale de ce texte pour bâtir l’Europe sociale que nous souhaitons tous.

Mes chers collègues, la nouvelle politique sociale européenne sera la prochaine étape. Nos travaux d’aujourd'hui nous y préparent. (M. Richard Yung applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise mondiale que nous traversons actuellement aura au moins eu un mérite, celui de révéler l’importance de la dimension sociale de l’Union européenne. Elle a aussi montré que nos concitoyens attendaient une Europe qui protège. Enfin, elle a mis en évidence que chaque citoyen européen avait besoin d’être accompagné, soutenu et épaulé.

Nous faisons tous le même constat, et ce pour deux raisons.

D’une part, nous, Européens, et en particulier nous, Français, sommes attachés au caractère « global » du projet européen. Nous ne nous sommes jamais contentés d’une construction européenne qui serait limitée au marché ou à la monnaie. Comme l’a rappelé le 5 mai dernier le Président de la République, « l’Europe, c’est nous ».

Les politiques relatives au travail et aux affaires sociales doivent se trouver au cœur du projet européen, dans la mesure où elles concernent très directement la vie quotidienne de millions d’Européens et que la justice à l’égard des personnes les plus fragiles est un facteur indispensable à la croissance économique, au développement durable et à la stabilité.

D’autre part, il existe une conviction commune qu’aucun État membre ne pourra, isolément, ni défendre ses intérêts ni promouvoir son modèle sans l’Europe. Nous avons besoin d’une solidarité européenne pour défendre nos intérêts communs. Malgré la diversité dans l’organisation des relations et des politiques sociales en Europe, ce qui nous rapproche l’emporte de loin sur ce qui nous sépare, surtout lorsque nous comparons les États membres de l’Union européenne au reste du monde.

Il est vrai, monsieur Yung, que, pendant plusieurs années, le processus législatif communautaire avait pu donner le sentiment de ne plus produire de résultats dans le champ social. Mais des progrès ont été accomplis sous la présidence française de l’Union européenne ; j’y reviendrai.

Le modèle social européen, quel est-il ? Il représente à la fois les valeurs communes à tous les États membres et les droits que ceux-ci reconnaissent.

Nous sommes aujourd’hui parvenus à un niveau de développement social de l’Europe que nous n’avons jamais connu dans le passé.

En droit du travail, nous avons des standards minimums dans pratiquement tous les domaines : temps de travail, travail intérimaire, santé et sécurité au travail, information et consultation des travailleurs.

Par ailleurs, nous avons des mécanismes de coordination, d’évaluation et d’échange de bonnes pratiques sur l’emploi, la protection sociale, la lutte contre la pauvreté, le revenu minimum. Je prendrai un exemple très concret : un rapport d’Eurostat publié mardi dernier fait apparaître que les vingt-sept pays de l’Union européenne ont consacré en moyenne 6 350 euros par habitant à la protection sociale en 2006, soit plus d’un quart du PIB de l’Union. Dans le classement qui a été établi, la France arrive d’ailleurs en tête avec 31 % de son PIB. Ces chiffres témoignent de la réalité de la dimension sociale de l’Europe.

D’indéniables progrès ont été réalisés afin de construire ce modèle social européen qui protège. Car tel est bien notre objectif.

Je pense en particulier aux garanties contre le dumping social. Il s’agit à la fois de garanties juridiques – l’article 136 du traité précise que les directives visent à l’harmonisation dans le progrès, grâce à la clause de non-régression que comporte chaque directive – et de garanties économiques – les politiques de convergence entre les économies des États membres tendant à accélérer le développement de nos partenaires les moins avancés.

Je pense aussi à l’égalité professionnelle, dont vous rappelez dans votre rapport, monsieur Yung, qu’elle représente un acquis important à l’échelon européen. Le traité de Rome a posé des principes et des règles claires. S’il est un domaine où l’Europe a fait avancer les droits des citoyens, c’est bien celui-là.

Pourtant, les inégalités et les écarts de rémunération perdurent. C’est bien le signe que, au-delà du droit et des principes, ce sont les mentalités qu’il faut changer et qu’il importe de mobiliser l’ensemble des acteurs de la société civile, en collaboration avec les partenaires sociaux. La France milite ainsi en faveur d’un label européen pour favoriser les bonnes pratiques.

Je pense encore à des exemples très concrets d’harmonisation européenne au bénéfice de nos concitoyens, comme la carte européenne d’assurance maladie, qui permet à un Français qui passe ses vacances en Allemagne et qui doit consulter un médecin de voir ses dépenses de santé prises en charge. Cette carte a fêté ses cinq ans lundi et, à la fin de 2008, plus de 180 millions de citoyens européens en détenaient une, soit 35,7 % de la population des trente et un pays où elle a été introduite, à savoir les vingt-sept États membres de l’Union européenne, l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.

Tous ces exemples illustrent l’action des États membres, notamment de la France, pour que l’Europe sociale s’incarne de façon concrète dans la vie de nos concitoyens.

La présidence française de l’Union européenne a marqué une étape importante dans la promotion du modèle social européen.

Durant ces six mois, sous l’autorité de Nicolas Sarkozy, nous avons défendu cette vision sociale de l’Europe et sommes parvenus à la fois à renouveler les bases d’un consensus entre États membres sur le projet européen et à obtenir des avancées concrètes pour les citoyens. Celles-ci portent sur plusieurs sujets ; vous les connaissez. Madame Papon, vous avez eu raison de souligner que nous avions relancé des dossiers qui étaient enlisés depuis des années.

Ainsi, la directive sur le travail intérimaire a été adoptée au mois de novembre 2008. Elle marque une étape importante dans l’harmonisation par le haut des conditions de travail au sein de l’Union européenne.

M. Richard Yung. C’est vrai !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Désormais, les travailleurs intérimaires devront partout être traités sur un pied d’égalité avec les salariés de l’entreprise dans laquelle ils exercent leurs missions, comme c’est déjà le cas en France.

La directive sur le comité d’entreprise européen a été révisée, comme le réclamaient les syndicats européens depuis 1999. Ce texte, qui concernera 880 entreprises européennes et 15 millions de salariés européens, permettra de renforcer le dialogue social en Europe.

Le règlement de coordination des régimes de sécurité sociale a connu une refonte importante. Certes, il s’agit d’un exercice technique et complexe, qui a néanmoins un impact direct sur la situation de tous les citoyens en Europe et de leurs familles. Modernisé, ce règlement garantit le maintien d’une affiliation à la sécurité sociale pour tous les citoyens européens, la reconnaissance des droits acquis d’un pays à l’autre – pour la retraite, par exemple – et l’égalité d’accès aux prestations de chaque État membre.

Je pourrais également citer un accord sur la transposition en Europe de la convention maritime de l’organisation internationale du travail en 2006 – là encore, nous nous sommes appuyés sur les partenaires sociaux – qui renforce les droits et protections des 300 000 marins soumis au droit communautaire.

Un accord sur les principes communs d’inclusion active a également été trouvé. Il s’agit d’une stratégie commune européenne pour lutter contre la pauvreté, promouvoir un revenu minimum dans chaque État membre qui puisse s’inscrire dans des politiques actives de retour à l’emploi. C’est bien la preuve que, à l’échelon européen, la question de l’exclusion est au cœur de nos préoccupations.

Une feuille de route a été adoptée, que la Commission s’est engagée à mettre en œuvre, visant notamment à garantir une meilleure sécurité juridique aux prestataires de services sociaux d’intérêt général vis-à-vis des règles des marchés publics.

En collaboration avec la Commission, a été lancée une évaluation de la situation résultant des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes – arrêts Laval, Viking, Rüffert et Luxembourg – sur le détachement des travailleurs, pour identifier les failles de la mise en œuvre de la réglementation européenne en ce domaine, étant entendu que, le cas échéant, cette dernière devra faire l’objet d’une révision. Les partenaires sociaux européens ont entamé cette tâche ardue.

Nos travaux ont également laissé une large place à la famille, en particulier aux mesures en faveur de l’activité des femmes et de l’égalité professionnelle.

Outre les avancées concrètes que je viens de rappeler, nous avons aussi posé les fondements d’un nouveau consensus entre les États membres sur la dimension sociale de l’Union européenne. Tous ces clivages paralysaient en effet les travaux du conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs », dit « conseil EPSCO », notamment depuis 2004.

Nous avons proposé un programme de travail pour mettre en œuvre l’agenda social renouvelé de l’Union européenne. Nous avons mené à bien une mission européenne sur la flexicurité, avec Gérard Larcher et le commissaire Špidla, afin de rechercher un juste équilibre entre la flexibilité et la sécurité dont ont respectivement besoin les entreprises et les salariés.

Cette mission a reçu un accueil très positif dans des pays aussi divers que la Suède, l’Espagne et la Pologne. Signe de son succès, les partenaires sociaux européens y ont participé et en ont approuvé les conclusions.

Il importe, par ailleurs, de relancer le dialogue social européen.

Le dialogue avec les partenaires sociaux constitue en effet l’un des piliers du modèle social européen. Il est la clé de réussite de l’Europe sociale. La présidence française a donc souhaité associer étroitement l’ensemble de ces partenaires sociaux.

En bref, la présidence française aura conduit à l’affirmation de la dimension sociale de l’Europe, grâce à l’adoption de textes qui étaient en discussion depuis plusieurs années et de principes communs d’action, et je répète que ce résultat est dû à une collaboration étroite avec les partenaires sociaux européens.

La France tire aujourd'hui les bénéfices des efforts qu’elle a déployés lors de cette présidence. Face à la crise, nous disposons désormais d’instruments européens rénovés, qu’il s’agisse du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation ou encore du Fonds social européen, qui ont été adaptés, sur une impulsion forte et décisive de la France, afin qu’ils soient mieux utilisés en cette période de crise. Je vous rappelle que ces fonds jouent un rôle de levier. Ils doivent compléter les financements nationaux et cibler des priorités définies au plan européen.

Quel avenir pour la dimension sociale de l’Europe ?

Je veux insister sur la nécessité de promouvoir des avancées concrètes dans les mois et les années qui viennent pour les citoyens, pour les travailleurs et leurs familles. Il faut ainsi continuer à améliorer les droits des citoyens européens, qu’il s’agisse de l’égalité de traitement dans tous les cas de discrimination possibles, de l’égalité entre hommes et femmes ou encore de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Il faut aussi améliorer les garanties en matière de droits sociaux nationaux lorsque ces derniers entrent en conflit avec des règles communautaires, comme celles du marché intérieur. À cet égard, il faudra être attentif aux suites de l’arrêt Laval et aux travaux que les partenaires sociaux européens ont engagés.

Il faut également poursuivre la réflexion menée, sous la présidence française, sur les services sociaux d’intérêt général, sur la formation professionnelle, qui est la clé à la fois de la sécurisation des transitions professionnelles, de l’amélioration de l’insertion des jeunes et du maintien des seniors dans l’emploi, et sur la méthode de travail au sein de l’Union européenne, notamment de la méthode ouverte de coordination, la MOC, qui a déjà permis une extension de la coopération entre États membres, des échanges d’expériences et de bonnes pratiques et une participation de la société civile sur le plan européen.

Monsieur Yung, vous reprochez à la MOC d’être trop bureaucratique, de manquer de visibilité. Nous avons fait le même constat. C’est pourquoi la présidence française a défendu certaines propositions telles que des objectifs plus simples, des procédures d’évaluation plus transparentes. Vous retenez d’ailleurs toutes ces propositions dans votre rapport d’information.

Pour les années qui viennent, il faut maintenir le cap. La crise a révélé l’importance de la politique sociale en Europe. Il faut donc saisir l’occasion pour réaffirmer cette dimension sociale, alors que l’Union européenne doit élaborer sa nouvelle stratégie, celle qui est appelée à succéder en 2010 à la stratégie de Lisbonne.

Dans ce travail de rénovation, nous devons aujourd’hui relever en commun un certain nombre de défis qui ne se prêtent pas à une réglementation communautaire. Je pense, en particulier, à l’adaptation à la mondialisation, au vieillissement démographique, à la modernisation des marchés du travail ou encore à la lutte contre la pauvreté.

L’Union européenne doit servir à nous enrichir réciproquement de l’expérience et des pratiques nationales pour parvenir à des objectifs définis en commun.

Enfin, ainsi que vous l’avez fort justement souligné, madame Papon, le traité de Lisbonne met en œuvre des avancées dans le domaine des droits sociaux.

Il intègre d’abord les principes et les droits de la Charte des droits fondamentaux, qui, par conséquent, lieront le juge européen, de même que la Commission. Ce n’est pas abstrait ; c’est une avancée très concrète.

Ensuite, la clause sociale dite « horizontale » impose que la Commission et le législateur européen prennent en compte, dans chacune des politiques communautaires et des législations sectorielles, les objectifs de protection sociale et de plein-emploi. Là encore, elle permettra de mieux orienter les politiques commerciales, les politiques de la concurrence ou du marché intérieur en fonction de leurs conséquences sociales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République l’avait réaffirmé dès le mois de décembre 2007 : « le projet européen doit également revêtir une dimension sociale ».

Je suis fière de l’affirmer aujourd’hui devant vous : la dimension sociale de l’Europe n’est pas un concept abstrait, c’est une réalité concrète. J’en veux pour preuve les nombreuses avancées que je viens de mentionner. Bien évidemment, certains progrès restent à accomplir, dans le droit chemin de l’action engagée au cours de la présidence française de l’Union européenne.

À force de dialogue et de concertation, nous apportons une réponse collective aux défis qui sont devant nous, en particulier dans ce contexte de crise mondiale.

Il est aujourd’hui plus que jamais de notre responsabilité à tous – élus européens, nationaux, locaux, responsables politiques et syndicaux – de placer la cohésion sociale, la protection des citoyens et la solidarité au cœur de nos priorités.

Si l’Europe doit agir vite face à la crise actuelle afin de protéger les populations, nous devons aussi développer un projet à long terme sur lequel nous devons travailler sans cesse. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. En application de la décision de la conférence des présidents, la parole est à M. Richard Yung, auteur de la question, qui dispose de cinq minutes pour répondre au Gouvernement.

M. Richard Yung. Nous ne pouvons que nous réjouir du débat qui vient de se dérouler sur une question d’une telle importance. Dans le même temps, nous pouvons regretter la faible participation de nos collègues. Madame la présidente, peut-être pourriez-vous signaler ce fait lors d’une prochaine conférence des présidents. Visiblement, l’examen de ce type de questions, pourtant au cœur de la démocratie, soulève un problème.

Le débat qui vient d’avoir lieu m’inspire quelques remarques.

Je veux à nouveau revenir sur une idée centrale : la crise économique et ses conséquences sociales devraient constituer un accélérateur de la politique sociale. Tous les jours, nous constatons la suppression de dizaines de milliers d’emplois engendrant drames et misère.

Des instruments existent déjà à l’échelon européen, notamment le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, mais il ne représente que 500 millions d’euros, soit un montant ridicule au regard du PIB européen. Nous devrions envisager un accroissement significatif de ce fonds, qui sous-tend l’existence d’un modèle social européen défendant les droits et assurant la protection des citoyens – sorte d’État-providence, comme on disait jadis –, différent du système américain.

Madame le secrétaire d’État, vous avez évoqué un certain nombre de perspectives. Je fais d’ailleurs miennes certaines d’entre elles. Vous avez souligné la volonté d’avancer en ce qui concerne les services sociaux d’intérêt général, et nous sommes les premiers à œuvrer en la matière.

Nous devrions également faire progresser les droits des travailleurs détachés. À ce sujet a été citée la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Nous serons vigilants, car nous ne nous contenterons pas de déclarations. Or la Commission paraît bien timide en la matière et les perspectives politiques immédiates me donnent peu de raisons d’espérer.

Comme vous, j’ai pris connaissance de la déclaration commune du Président Sarkozy, et de la Chancelière Merkel relative à la plate-forme européenne, je l’ai même relue : on n’y trouve pas un seul sur la politique sociale ! Il est clair que, dans ces conditions, le Conseil ne sera donc pas très audacieux.

Pour ma part, je ne m’en remettrais pas trop à la méthode ouverte de coordination parce que celle-ci permet, en réalité, de botter en touche. Ce que je souhaite, c’est qu’un programme social européen soit présenté par la Commission, repris par le Conseil, adopté par le Parlement, afin que la Commission puisse ensuite formuler des propositions. C’est ainsi que nous pourrons progresser. Mais, dans l’état actuel des choses, j’ai quelques doutes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales
Discussion générale (suite)

Sociétés publiques locales

Adoption d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales (nos 253 et 430).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Daniel Raoul, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales
Article 1er

M. Daniel Raoul, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de loi est de doter nos collectivités et leurs groupements d’un nouvel outil d’intervention.

Ce nouvel instrument leur permettra de contracter avec une société publique locale en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui précise les conditions dans lesquelles une collectivité peut être dispensée d’appliquer les règles communautaires en ce qui concerne les marchés publics ; elle explicite en particulier la notion de in house, autrement dit, en français, les « prestations intégrées ».

L’arrêt Teckal du 18 novembre 1999 a posé deux conditions pour qu’un contrat puisse être qualifié de in house : que la collectivité exerce sur son cocontractant « un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services » et que ce cocontractant « réalise l’essentiel de son activité » avec la ou les collectivités qui le détiennent.

À cet égard, j’ai noté que le Gouvernement avait déposé un amendement visant à préciser le périmètre, que nous avions pourtant, me semble-t-il, bien défini. Cela étant, je ne vois pas d’inconvénient à ce que l’adverbe « exclusivement » soit ajouté.

Dans son arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005, la Cour a précisé que la participation, fût-elle minoritaire, d’une entreprise privée dans le capital d’une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause exclut que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services.

Depuis l’arrêt ASEMFO du 19 avril 2007, le contexte du in house est clairement établi. Sous réserve du respect des deux conditions fixées par l’arrêt Teckal, les sociétés dont le capital est entièrement détenu par des collectivités sont, vis-à-vis de ces dernières, dans une situation de prestations intégrées.

Dans presque tous les pays de l’Union européenne, comme l’a d’ailleurs relevé de façon exhaustive notre rapporteur, de tels outils existent. Ils permettent de respecter pleinement le droit communautaire tout en préservant la liberté de la collectivité de travailler avec une société publique locale.

En France, compte tenu de la présence obligatoire d’au moins un actionnaire privé à leur capital, les sociétés d’économie mixte ne peuvent prétendre se trouver dans une relation in house avec leurs collectivités. Et pourtant, nombre de SEM travaillent essentiellement pour les collectivités actionnaires dans les domaines de la construction, des services, de l’aménagement, ainsi que dans ceux de la gestion de logements, d’équipements sportifs et culturels, sans oublier le domaine de l’eau et de son assainissement ni ceux du stationnement ou des transports.

La présente proposition de loi vise à doter les collectivités et leurs groupements d’un nouvel outil qui élargit la palette des moyens leur permettant d’exercer leurs compétences, tout en respectant le droit communautaire et le principe de libre-administration des collectivités territoriales, dans le cadre d’un statut sécurisé, y compris, pour ce qui concerne la responsabilité civile des administrateurs des SEM, ce qui n’est pas du tout négligeable.

Dans le même temps, cette procédure garantit une transparence et un contrôle stricts. C’est l’objet de l’article 1er, qui a été judicieusement modifié par notre rapporteur, en plein accord avec moi. Il s’agissait, en particulier, de prendre en compte la loi du 25 mars dernier. En effet, lorsque j’ai déposé la présente proposition de loi, le texte en question n’avait pas été voté, ce qui explique la nécessité d’actualiser l’article 1er.

Je reconnais que l’amendement du Gouvernement lève le doute juridique lié à la présence éventuelle d’établissements publics dans l’actionnariat, que prévoit le texte de la proposition de loi. Nous en reparlerons certainement lorsque nous examinerons l’article 1er.

L’article 2 prévoit de simplifier l’actionnariat des sociétés publiques locales d’aménagement, les SPLA, qui, créées par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, font l’objet de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme. Cela correspond aux recommandations du Gouvernement quant à une simplification de nos règles en vue d’obtenir plus d’efficacité et de réactivité, en particulier dans le cadre des plans de relance.

Ce système d’actionnariat semble en effet trop complexe à certaines collectivités. Il a d’ailleurs limité le nombre de créations de SPLA. Par ailleurs, le champ d’application est trop limité pour couvrir certaines opérations d’aménagement, en particulier celles que conduisent des collectivités avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Pour tenir compte de la loi du 25 mars dernier, je vous présenterai donc, en accord avec le rapporteur – c’est ce qui s’appelle de la coproduction ! (Sourires.) –, un amendement visant à modifier le texte puisque la version initiale de celui-ci remonte à décembre 2008. J’avoue avoir été sensible, monsieur le rapporteur, à l’argumentation que vous avez développée devant la commission des lois. Cet amendement tend donc à exclure la forme de la société par actions simplifiée. On en restera ainsi à celle de la société anonyme.

Dois-je vous dire, monsieur le secrétaire d’État, à quel point je me réjouis que vous proposiez la suppression de l’article 3 ? (Sourires.) Cet article se justifie en effet par la menace que fait peser l’article 40 de la Constitution, dont l’interprétation suscite souvent quelque trouble dans notre assemblée, voire y sème le doute…

On nous avait fait comprendre, à M. le rapporteur et à moi-même, qu’il valait mieux gager cette proposition de loi. Je ne parvenais d’ailleurs pas à comprendre pourquoi puisque l’objet même de ce texte était de diminuer les charges des collectivités en évitant notamment la publicité et les appels d’offres. Mais on nous avait dit que, faute de gage, il serait possible que nous soit brutalement opposé l’article 40. D’où cet article 3.

Je suis donc très sensible au fait que vous leviez le gage en proposant la suppression de cet article, si tant est que certains aient pu avoir l’idée de nous opposer brutalement l’article 40 ! (Nouveaux sourires.)

Les auditions, conduites aussi bien par moi-même que par notre rapporteur auprès de l’Association des maires de France, de l’Assemblée des départements de France, de l’Association des régions de France et de la fédération des SEM, nous confortent dans l’idée que ce nouvel outil procure un avantage indéniable à nos collectivités en termes d’efficacité, de réactivité et de sécurité juridique, que ce soit pour la société elle-même ou pour les administrateurs, notamment lorsqu’il s’agit d’élus.

Dans le contexte de crise économique que nous connaissons, et sachant que les collectivités sont les principaux investisseurs dans le domaine des équipements, il importait de leur fournir un nouvel outil.

Je vous propose donc, mes chers collègues, d’ajouter celui-ci à la panoplie d’instruments dont disposent nos collectivités pour leur permettre d’exercer leurs compétences. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Léonce Dupont applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les réflexions menées sur la nécessaire réforme des collectivités territoriales mettent en évidence que les lois de décentralisation ont profondément modifié le champ de compétences et le mode de fonctionnement de ces collectivités.

Quelles que soient les différences de point de vue, qui ne recoupent pas forcément les clivages traditionnels, il apparaît aujourd’hui clairement que la grande majorité des élus locaux souhaitent disposer d’outils de gestion assurant tout à la fois une simplification des procédures et une accélération du processus administratif, ainsi que la transparence et la sécurité juridique, au regard tant du droit interne que de la jurisprudence communautaire.

C’est dans cette perspective que notre collègue Daniel Raoul et le groupe socialiste ont déposé la présente proposition de loi sur la création des sociétés publiques locales, qui procède manifestement du même esprit que la proposition de loi dont notre collègue Jean Léonce Dupont, rejoint par un certain nombre de collègues, avait pris l’initiative. (M. Jean-Léonce Dupont acquiesce.)

Ce dispositif est destiné à permettre aux collectivités, pour l’exercice de leurs compétences, d’intervenir dans le domaine concurrentiel, dans le respect des dispositions régissant ce champ. Il introduit dans notre arsenal législatif les instruments qui, dans les autres États membres de l’Union européenne, assurent aux collectivités publiques la liberté de contracter avec une société locale conformément aux exigences communautaires.

En effet, la jurisprudence dispense, sous certaines conditions, une collectivité de l’application des règles édictées en matière de marchés publics, selon le principe dit des « prestations intégrées ». Je fais d’ailleurs observer qu’il ne s’agit aucunement de contourner la jurisprudence européenne, mais bien au contraire d’être en harmonie avec elle.

C’est pourquoi les auteurs de la proposition de loi suggèrent d’adapter la loi française aux principes européens pour renforcer la capacité d’action des collectivités locales en leur permettant d’agir plus rapidement.

La proposition modifie par ailleurs le régime des sociétés publiques locales d’aménagement introduites par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

Au fil des années, la Cour de justice des Communautés européennes a élaboré une jurisprudence dont on peut considérer qu’elle est aujourd'hui univoque.

Elle a fixé les conditions permettant à une personne morale qui dispose d’un pouvoir adjudicateur, au sens de la réglementation communautaire, de confier à un tiers la réalisation d’opérations qualifiées de « prestations intégrées », non soumises aux procédures de passation des marchés publics ; ces normes communautaires visent à garantir le jeu de la concurrence.

Pour écarter l’application des règles concurrentielles, la jurisprudence communautaire des « prestations intégrées » exige la réunion de deux conditions, qui ont été déterminées par l’arrêt Teckal du 18 novembre 1999 : l’autorité publique doit, d'une part, exercer sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et, d'autre part, réaliser l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.

Dans des décisions ultérieures, la Cour a précisé ces deux circonstances.

En ce qui concerne la réalité du contrôle analogue, celui-ci ne doit pas nécessairement être identique en tout point au contrôle exercé sur les services propres de l’autorité publique, comme le précise l’arrêt Coditel Brabant SA du 13 novembre 2008. Il doit permettre au pouvoir adjudicateur d’influencer les décisions sur son cocontractant, c’est-à-dire de disposer « d’une possibilité d’influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes de cette société ».

En tout état de cause, le critère du contrôle analogue se trouve exclu si le capital de l’entité en cause est ouvert au privé, même pour une part infime, puisque, dans ce cas, la Cour considère que l’entreprise obéit « à des considérations propres aux intérêts privés et poursuit des objectifs de nature différente de ceux d’intérêt public ».

Nos sociétés d’économie mixte locales, nos SEML, sont donc clairement soumises aux procédures de mise en concurrence, puisqu’elles doivent comporter au moins un actionnaire privé ; d’où l’intérêt de créer et de développer des sociétés publiques locales. Pour le reste, les éléments de l’espèce sont déterminants.

Par ailleurs, s’il importe que le contrôle exercé sur l’entité soit effectif, il n’est pas indispensable qu’il soit individuel. En conséquence, ce contrôle peut être exercé conjointement par les autorités publiques. La procédure utilisée pour la prise de décision dans un organe collégial, notamment le recours à la majorité, est sans incidence.

Le second critère fixé par la Cour de justice est dit « de l’essentiel de l’activité ». Cette exigence, destinée à établir une harmonie avec les règles communautaires, impose à l’entité distincte de la collectivité – ou des collectivités – qui la détient de réaliser avec cette dernière l’essentiel de son activité.

Là encore, cette condition vise à préserver le jeu de la concurrence, dans le cas où une entreprise contrôlée par une ou plusieurs collectivités publiques exercerait une part importante de son activité économique avec d’autres opérateurs.

Cette notion résulte de la jurisprudence de la Cour de justice, qui, au fil de ses décisions, en a affiné les contours, prenant en compte « toutes les circonstances de l’espèce, tant qualitatives que quantitatives ».

L’activité de l’entreprise doit donc être consacrée principalement à la collectivité publique. Son volume, dans le cas d’une entité détenue par plusieurs collectivités publiques – une configuration que votre commission a souhaité favoriser – est évalué en prenant en compte les prestations réalisées au profit de l’ensemble des actionnaires.

La Cour vérifie le respect du second critère sans exiger que l’essentiel de l’activité soit réalisé avec telle ou telle de ces collectivités ; il importe, en revanche, de prendre en compte ces collectivités dans leur ensemble.

Je le répète, depuis la publication de l’arrêt Teckal, une série de décisions de la Cour de justice des Communautés européennes ont permis de dégager une jurisprudence que l’on peut considérer comme univoque et qui a été clairement confirmée par l’arrêt République italienne du 17 juillet 2008.

Par ailleurs, les sociétés publiques locales d’aménagement ont été créées par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, après de longs débats et plusieurs tentatives antérieures, avec notamment, au Sénat, la proposition de notre ancien collègue M. André Vézhinet et les interventions de MM. Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Sueur.

En définitive, la loi a consacré cette initiative. Les SPLA constituées sous la forme de sociétés anonymes avec des actionnaires exclusivement publics – les collectivités territoriales et leurs groupements –, ont pour objet de réaliser des opérations d’aménagement.

Selon un premier bilan de ce dispositif dressé au 31 mars 2009, trente-neuf initiatives ont été engagées : sept sociétés publiques locales d’aménagement ont été créées et trente-deux autres sont en projet. Parmi les promoteurs des SPLA, on trouve tout à la fois une région, des départements, des communes et des intercommunalités.

Deux cas de figure se présentent : soit la création d’une SPLA ex nihilo, soit la transformation en une telle société d’une SEML existante.

La proposition de loi présentée par notre collègue Daniel Raoul prévoit, en premier lieu, d’offrir aux collectivités locales un nouvel outil d’intervention, en généralisant à l’ensemble des services publics locaux le dispositif des SPLA, et, en second lieu, d’amender le régime des SPLA au vu de l’expérience acquise depuis trois ans.

Les sociétés publiques locales, ou SPL, se définissent tout à la fois par leur objet, la qualité de leurs actionnaires et la spécificité des règles qui les régissent.

Aux termes de l’article 1er de la présente proposition de loi, ces sociétés seraient créées soit pour réaliser, en plus des activités déjà ouvertes aux SPLA, des opérations de construction, soit pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général.

Pour les auteurs de ce texte, les SPL, dont l’objet social doit être déterminé par référence aux compétences reconnues par la loi aux collectivités territoriales, pourraient intervenir « dans tous les domaines de compétence actuellement ouverts aux SEM ». En effet, nombre de ces dernières, comme l’a constaté Daniel Raoul, « ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires ».

Mes chers collègues, précisons que ce dispositif provoquera la transformation de certaines SEML en EPL, c'est-à-dire en établissements publics locaux, mais concernera essentiellement des sociétés créées à l’initiative d’une collectivité pour ses besoins propres.

Ces SPL sont constituées sous la forme de sociétés anonymes régies par le code de commerce, sous réserve des dispositions spécifiques aux SEML qui sont prévues par le code général des collectivités territoriales.

En ce qui concerne le capital de la société, l’ensemble des actions est détenu par des personnes publiques, à savoir les collectivités territoriales et leurs groupements, associées éventuellement – j’insiste sur ce dernier terme, car nous trouverons, me semble-t-il, une solution permettant de supprimer cette disposition – à des établissements publics.

Par dérogation à l’article L. 225-1 du code de commerce, qui fixe à sept le nombre minimum des actionnaires, la proposition de loi abaisse ce seuil à un ; toutefois, nous serons amenés à examiner un amendement tendant à le relever à deux.

Afin de tirer les enseignements de l’expérimentation menée actuellement dans les sociétés publiques locales d’aménagement, l’article 2 de la proposition de loi en modifie le régime sur trois points : la composition de l’actionnariat, l’objet et la forme de ces sociétés.

En ce qui concerne l’allégement de l’actionnariat, la loi du 25 mars 2009 a abaissé à deux le nombre minimum d’actionnaires.

Par ailleurs, l’article 2 de la proposition de loi élargit l’objet des sociétés publiques locales d’aménagement, pour permettre à celles-ci de « devenir de réels outils d’aménagement et de rénovation urbaine ». Il tend à doter les SPLA des pouvoirs institués dans ce cadre au profit des collectivités locales, à savoir la réalisation d’études préalables, l’acquisition foncière ou immobilière, les opérations de construction et de réhabilitation immobilières, l’acquisition et la cession de baux commerciaux.

Ces sociétés pourraient également exercer, par délégation de leurs titulaires, les droits de préemption et de priorité définis par le code de l’urbanisme, mais aussi agir par voie d’expropriation.

Enfin, l’article 2 de la proposition de loi prévoyait de diversifier le champ de la forme sociétale en permettant la constitution de SPLA en sociétés par actions simplifiées. Toutefois, après réflexion, nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, pour supprimer une disposition qui emporterait plus de conséquences dommageables en matière de sécurité juridique qu’elle n’aurait d’avantages. (M. Daniel Raoul acquiesce.)

Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons pu constater que les collectivités locales étaient unanimement favorables aux dispositions de cette proposition de loi. Elles se sont exprimées par la voie de l’Association des régions de France, de l’Association des maires de France et de l’Assemblée des départements de France ; leurs représentants ont considéré que les sociétés publiques locales devaient constituer un outil complémentaire de la SEM, sans s’y substituer. Bien entendu, cette proposition de loi a aussi reçu un avis très favorable de la Fédération des entreprises publiques locales.

En revanche, les représentants de l’Union nationale des services publics industriels et commerciaux, l’UNSPIC, et de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau, la FP2E, se sont déclarés plus réservés sur cette initiative, qui, selon eux, pourrait susciter de multiples contentieux.

En réalité, les sociétés publiques locales existent déjà dans la plupart des pays européens ; on en compterait 16 000 au total dans les États constituant l’Union européenne.

Mes chers collègues, la position de votre commission des lois est d’approuver sur le principe la création de ces sociétés publiques locales tout en renforçant et en sécurisant leur régime juridique.

À l’évidence, ces sociétés publiques deviendront un outil indispensable au bon fonctionnement des collectivités locales, car elles apporteront à celles-ci une souplesse supplémentaire, ce qui leur permettra d’exercer leurs compétences avec plus d’efficacité et de rapidité, tout en respectant la réglementation communautaire.

Cette proposition de loi mettra également un terme à une situation paradoxale : dans l’état actuel du droit, une collectivité locale peut créer une SEML, qui lui sert de « bras armé », mais elle doit engager les procédures de mise en concurrence pour réaliser les opérations pour lesquelles cette SEML a pu être créée.

Nous adhérons donc à la démarche des auteurs de la proposition de loi.

Par ailleurs, notre commission a proposé un statut sécurisé qui encadre la création et le fonctionnement de ces nouvelles structures ; des procédures de contrôle seront indispensables pour leur permettre de fonctionner en toute transparence et dans un cadre strict.

J’approuve donc le choix de la forme de la société par actions. Il considère que celle-ci permettra une information transparente sur la réalité des coûts et des risques.

Complété par le régime spécifique des SEML, ce dispositif offrira une palette d’outils susceptibles de garantir pleinement l’information et le contrôle des collectivités actionnaires, ce qui est tout à fait indispensable.

Bien entendu, il importe que les règles posées par le législateur soient scrupuleusement respectées, tant dans la rédaction des statuts que dans la vie sociale, afin de ne pas enfreindre les normes communautaires édictées pour assurer le jeu de la concurrence.

De là des sûretés supplémentaires, qui ont fait l’objet d’amendements retenus par la commission des lois.

Ainsi, nous avons considéré que l’actionnariat unique pouvait présenter un risque de dérive et que, par conséquent, il était préférable, dans l’intérêt même des collectivités, de maintenir la présence obligatoire de deux actionnaires au moins. Il s'agit là d’un filtre supplémentaire pour assurer le respect de l’objectif assigné par le législateur, servir l’intérêt général et faciliter le contrôle démocratique.

De même, notre commission a estimé que la faculté, offerte par l’article 2 de la proposition de loi, d’opter pour la forme de la société par actions simplifiée, ou SAS, pour la constitution de SPLA n’était pas conforme à l’intérêt des collectivités, car les dispositions réglementant les SAS ne présentent pas la même protection que celles qui sont applicables aux sociétés anonymes. Aussi la commission recommande-t-elle l’abandon de la forme sociétale de la SAS pour la création des sociétés publiques locales d’aménagement.

Enfin, nous avons proposé de préciser que les sociétés publiques locales devaient impérativement réaliser leurs activités sur le territoire des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales actionnaires.

La commission des lois a donc adopté cette proposition de loi en modifiant l’article 1er et en s’en remettant à l’auteur de ce texte pour les modifications à apporter à l’article 2. D’où les deux amendements que présentera notre collègue Daniel Raoul, mais qui ont été rédigés en concertation avec lui et sur lesquels la commission des lois a émis un avis favorable.

En effet, tout en approuvant l’économie générale de cet article, la commission a estimé nécessaire de renforcer la protection des collectivités et de clarifier la rédaction du texte.

Le Gouvernement a, quant à lui, déposé quatre amendements.

L’amendement n° 4 visant à lever le gage, il a évidemment reçu un avis favorable de la commission et je ne doute qu’il recueillera l’unanimité de notre assemblée.

La commission est également favorable à l’amendement n° 6, qui tend à spécifier que les sociétés publiques locales travaillent exclusivement pour le compte de leurs actionnaires.

L’amendement n° 3, qui a pour objet de restreindre l’objet social des SPL aux opérations d’aménagement, de construction, de maintenance et d’exploitation des équipements construits, a reçu un avis défavorable de la commission, car une telle restriction équivaudrait à enlever tout intérêt à la création des SPL.

Enfin, le Gouvernement a déposé un amendement visant à supprimer la possibilité pour les établissements publics d’être actionnaire d’une SPL, afin de conforter le respect du critère de contrôle analogue. La commission a réservé son avis sur cet amendement, dans l’attente d’explications du Gouvernement. En tout cas, nous n’y sommes pas hostiles – je viens de m’en entretenir avec notre collègue Mme Troendle –, même si nous pensons qu’il eût été intéressant de retenir la notion d’établissement public administratif, écartant ainsi les établissements publics à caractère industriel et commercial ; il sera toujours possible d’y revenir ultérieurement.

Je dirai en conclusion que la commission a vu l’intérêt pour les collectivités locales, et donc pour nos concitoyens, de la création des sociétés publiques locales. Je considère que cette proposition de loi doit aussi s’inscrire dans un esprit de confiance vis-à-vis de nos collectivités territoriales – et de leurs élus –, car elles assument la plus grande part de l’investissement public, votent leur budget en équilibre et exercent leurs compétences avec la garantie de contrôles justifiés.

Par conséquent, faciliter et moderniser l’action des collectivités locales est un enjeu qui justifie l’avis favorable de la commission sur cette proposition de loi, assortie des modifications que nous suggérons et que ses auteurs ont bien voulu accepter. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Léonce Dupont applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi de M. Daniel Raoul relative au développement des sociétés publiques locales n’est pas la seule initiative parlementaire qui traite de ce sujet puisque votre collègue M. Jean-Léonce Dupont et M. Jean-Pierre Schosteck, député, ont également déposé des propositions de loi rédigées en termes comparables.

Cette convergence d’initiatives entre les deux assemblées et entre différents groupes politiques, appartenant à la majorité à l’opposition, démontre s’il en est besoin la volonté du Parlement de proposer des outils nouveaux aux collectivités locales. Le Gouvernement ne peut évidemment que s’en réjouir.

Les collectivités assurant plus des deux tiers de l’investissement public dans notre pays, elles jouent évidemment, particulièrement dans la période de crise que nous traversons, un rôle majeur. Il est donc essentiel de soutenir leur action et de leur permettre d’agir dans un cadre juridique sûr et efficace.

L’adoption de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a permis, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de créer des sociétés publiques locales d’aménagement dont ils détiennent l’intégralité du capital.

Ces sociétés sont compétentes pour conduire des opérations d’aménagement, au sens du code de l’urbanisme. À ce jour, selon mes sources, six de ces sociétés ont été créées et une dizaine est en cours de constitution. J’ai bien entendu, monsieur le rapporteur, que vous faisiez état de sept SPLA créées : c’est sans doute que l’une de celles qui était en cours de constitution a été formée entre le moment où j’ai recueilli des informations et celui où vous vous avez établi votre rapport.

Les différentes initiatives parlementaires tendent à aller plus loin, d’une part, en pérennisant les sociétés publiques locales d’aménagement, et surtout, d’autre part, en créant des sociétés publiques locales, aux compétences élargies.

Dans cet esprit, le Gouvernement est favorable aux simplifications et allégements de procédures ainsi qu’au développement de l’économie mixte, mais il doit aussi – j’ai cru comprendre que tel était aussi le sentiment de l’auteur de cette proposition de loi – s’assurer de la fiabilité du cadre juridique proposé aux collectivités. C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, je défendrai plusieurs amendements en ce sens.

Différents textes adoptés récemment tendent à alléger les procédures et à simplifier le cadre juridique dans lequel évoluent les collectivités locales.

Ainsi, la création des contrats de partenariat entre le public et le privé permet de faire émerger les projets des collectivités et de trouver les financements nécessaires à leur réalisation.

Les décrets du 19 décembre 2008 visant à relever les seuils des procédures formalisées pour les marchés de travaux ainsi que ceux qui sont relatifs aux dispenses de publicité et de mise en concurrence offrent plus de réactivité et de souplesse aux élus locaux, dans le respect des normes européennes.

Enfin, l’adoption de la loi du 17 février dernier sur l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés permet au conseil municipal, par exemple, d’accorder une délégation au maire concernant les marchés quel qu’en soit le montant.

Toutes ces mesures de simplification vont dans le bon sens.

Je ne veux pas dresser ici un catalogue exhaustif, mais personne ne peut nier que, dans bon nombre de domaines, le recours à des montages juridiques associant initiatives publiques et initiatives privées permet de réaliser des opérations de grande envergure. Je pourrais donner l’exemple, pour en être l’un des praticiens, de la rénovation urbaine, indispensable à nos villes et à leurs habitants, qui fait appel à des fonds publics, mais aussi à des interventions privées.

De la même manière, la réalisation et la gestion d’un nombre non négligeable de services publics à caractère industriel et commercial sont possibles grâce à l’intervention combinée des collectivités territoriales et de la sphère privée.

Il ne fait aucun doute que, demain, le recours à des systèmes mixtes sera très utile pour mettre en œuvre la grande ambition du Grenelle de l’environnement, qui doit amener un certain nombre de collectivités à prendre des décisions d’ampleur.

Il est important que les collectivités puissent recourir, selon leurs besoins et selon leurs moyens, à des procédures et à des opérateurs différents : délégation de service public, régie, société d’économie mixte, société publique locale d’aménagement et, demain, société publique locale. La palette doit être large, clarifiée et aussi simple que possible d’utilisation, pour permettre à chacun d’y trouver l’instrument dont il a besoin.

Nous devons évidemment offrir un cadre juridique fiable aux collectivités locales ; à défaut, ce sont leurs procédures qui risqueraient d’être annulées par le juge, avec toutes les conséquences tant financières qu’humaines qui en découlent.

Je ne voudrais pas être un oiseau de mauvais augure en refaisant l’historique du dossier concernant les concessions d’aménagement, mais il constitue une bonne illustration de ce qu’il convient désormais d’éviter. Tous, vous savez les fragilités juridiques de cette procédure. De nombreuses conventions antérieures à la loi du 30 juillet 2005 pourraient être requalifiées en marchés publics de travaux par le juge administratif à la suite de la question préjudicielle transmise à la Cour de justice des communautés européennes.

Le Gouvernement a donc déposé plusieurs amendements permettant d’éviter ces écueils, de simplifier les dispositifs et surtout de s’assurer de la compatibilité de la proposition de loi avec les exigences communautaires.

À l’instar des sociétés publiques locales d’aménagement, les futures SPL doivent bien entendu exercer leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires. Cela a été dit et est, semble-t-il, accepté par tous. Le Gouvernement a déposé un amendement de précision en ce sens.

Par ailleurs, ainsi que vous le savez, la jurisprudence communautaire exige que le contrôle opéré par l’autorité publique soit analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services. À défaut, le juge communautaire estime que le lien de type in house entre la personne publique et la société est rompu.

Je vous proposerai donc d’adopter un amendement qui vise à offrir la possibilité aux seules collectivités et à leurs groupements de créer des SPL mais à exclure la présence d’établissements publics parmi les actionnaires de la société. Je remercie M. le rapporteur de son ouverture sur cette question : cette attitude amènera sans doute le Gouvernement à faire preuve lui-même d’ouverture en ce qui concerne l’amendement n° 3, sur lequel nous divergeons. Pour que la coproduction soit parfaite, nous essaierons chacun de faire un pas vers l’autre, de manière que les souhaits de la commission et de l’auteur de la proposition de loi soient satisfaits.

Par ailleurs, je suis conduit à appeler l’attention de la Haute Assemblée sur une ouverture trop large du champ de compétences des SPL. La loi n’empêchera pas que des contentieux soient introduits par des sociétés privées aujourd’hui prestataires des collectivités territoriales après publicité et mise en concurrence. Il serait donc hasardeux de ne pas limiter le champ d’intervention des SPL, si ce n’est aux seules missions des services publics à caractère industriel et commercial et aux activités d’intérêt général.

L’absence de soumission aux règles de publicité et de concurrence, dans le cadre du in house, n’est jamais qu’une dérogation, et le juge administratif, s’il est saisi, devra se prononcer au cas par cas sur la qualité des actionnaires et le champ d’intervention de la société.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage votre ambition : aider nos collectivités territoriales à réaliser dans les meilleures conditions de rapidité, de simplicité et de transparence leurs projets, au bénéfice non seulement de leurs habitants, mais aussi de toute l’économie de notre pays. Le Gouvernement est donc soucieux de supprimer procédures et formalismes inutiles.

Toutefois, il nous appartient aussi de donner des repères et de nous assurer de la fiabilité du cadre juridique sur lequel seront fondés les projets locaux.

C’est ainsi que, j’en suis sûr, nous saurons concilier, au cours du débat qui va s’ouvrir, le dynamisme et l’innovation dont savent faire preuve les élus locaux, la confiance que nous avons dans nos collectivités territoriales, mais aussi la sécurité juridique que nous leur devons. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, grâce à la contribution brillante des orateurs précédents, chacun connaît désormais le contexte.

En premier lieu, la Commission européenne a remis en cause les conventions publiques d’aménagement, ce qui nous a conduits à adopter la loi du 20 juillet 2005 – dont j’ai d’ailleurs eu l’honneur d’être le rapporteur ici même – relative aux concessions d’aménagement organisant une procédure de mise en concurrence de ces contrats.

En second lieu, le fameux arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005, déjà cité, définit bien ce qu’est une entité in house.

Les sociétés d’économie mixte sont exclues du dispositif in house justement parce qu’elles ont des actionnaires privés ; d’où la nécessité d’apporter une réponse.

Une première réponse a été apportée avec la création, par la loi du 13 juillet 2006, des sociétés publiques locales d’aménagement, les SPLA.

Aujourd’hui, M. Daniel Raoul a l’excellente idée de nous proposer un nouvel outil, qui va s’ajouter aux SPLA, et nous tenons à l’en remercier.

M. Roland Courteau. Et à le féliciter !

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

Je lui ai demandé voilà un instant s’il n’aurait pas été possible de fusionner les deux outils. Il m’a répondu, à juste titre, qu’il était préférable, d’un point de vue pragmatique, de conserver les deux. En effet, les SPLA répondent à des besoins et plusieurs sont en cours de création. Le champ des SPLA va, par la présente proposition de loi, être élargi à tout ce qui concerne l’aménagement de manière exhaustive, y compris les acquisitions, de sorte qu’elles seront le « bras séculier », si je puis dire, des collectivités locales, un prolongement d’elles-mêmes, un outil qu’elles se sont donné à elles-mêmes dans le respect de leur identité.

On peut considérer que, avec ces dispositifs, nous offrons à nos collectivités des instruments diversifiés, souples et adaptés, conformément à leur attente.

Je veux maintenant dire en quelques mots notre profond attachement au principe de la concurrence.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué les partenariats public-privé. Vous le savez, en cette matière, nous avons toujours exercé une grande vigilance, non que nous soyons contre ces partenariats – nous pensons même qu’il est bon que cet outil existe –, mais parce que nous sommes très respectueux des décisions du Conseil constitutionnel. Et celles-ci s’appliquent à toutes les autorités publiques, aussi bien au Gouvernement, qu’au Parlement ou aux collectivités locales.

Le recours au partenariat public-privé doit avoir lieu dans des circonstances précises, exceptionnelles, liées à l’urgence ou la complexité d’un projet. Nous sommes donc opposés à sa généralisation, car, comme l’a d’ailleurs affirmé le Conseil constitutionnel, cela porterait atteinte à l’égal accès à la commande publique. On voit bien ce que ce principe emporte comme conséquences pour les PME, les artisans du bâtiment ou les entreprises de second œuvre de notre pays.

M. Jean-Pierre Sueur. Si l’on veut qu’il y ait en France trois ou quatre grands groupes dominants et, à côté, de petites entreprises obligées de passer sous leurs fourches caudines, généralisons les PPP ! En revanche, si l’on veut respecter la concurrence, conservons la grande pluralité de nos procédures et les règles de passation des marchés publics, qui sont extrêmement précieuses.

Je tenais à apporter ces précisions pour montrer que, s’il est favorable à cette proposition de loi, notre groupe ne cherche pas pour autant à restreindre la concurrence. Celle-ci est nécessaire dans une société ouverte et démocratique, dans une société dynamique et innovante.

À cet égard, le rapport de M. Mézard est excellent et nous apprend beaucoup. La liste qu’il a établie permet de constater que la plupart des pays européens autorisent les collectivités locales à détenir en totalité des sociétés in house, ce qui leur permet d’agir sans concurrence. Dans ce contexte européen, refuser de se doter d’un outil de ce genre reviendrait à désavantager la France et nos entreprises.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes donc favorables à la création de ces sociétés, à condition qu’elles exercent leur activité dans le strict prolongement de l’action des collectivités locales. Cela n’enlève donc rien au fait que nous restons attachés à une concurrence juste et équitable.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Enfin, je voudrais émettre un vœu.

Je souhaite ardemment que les deux outils offerts aux collectivités locales, en plus des SEM et des autres procédures existantes, apportent plus de souplesse et d’efficacité à ce qu’on appelle la politique de la ville, qui, pour nous, est indissociable de la politique du développement urbain.

On sait combien il est nécessaire de « refaire » des villes, de réhabiliter des quartiers, et on sait aussi à quel point c’est difficile. L’expérience nous montre que, si l’on veut mettre fin à la ville de la discrimination, à la ville marquée par les quartiers en difficulté, il faut rompre avec l’illusion selon laquelle on doit se contenter d’agir sur ces quartiers-là. C’est la ville dans son ensemble qu’il faut repenser, avec des opérations d’aménagement promouvant à la fois la mixité sociale et la mixité fonctionnelle.

Dans le même ordre d’idée, je voudrais évoquer un autre problème très délicat, celui des entrées de ville.

Toutes nos villes sont magnifiques. Or, si l’on cherchait jadis à magnifier les portes de la cité, pendant quatre ou cinq décennies, on a laissé faire n’importe quoi à l’orée des villes. Les routes nationales sont ainsi « agrémentées », dirai-je par dérision, de collections de pancartes et de parallélépipèdes, de blocs, de cubes mêlant tôles ondulées et plastiques aux couleurs criardes, et qui ont pour caractéristique d’être partout les mêmes, de Dunkerque à Perpignan, de Quimper à Strasbourg, en passant par Boulogne-Billancourt. Cette uniformité désolante, affligeante même, n’est bonne ni pour l’image de notre pays ni pour l’attachement que devraient éprouver ses habitants pour les paysages, tous les paysages qui les environnent.

Si nous voulons que cette situation change, nous devons y consacrer beaucoup de moyens et nous servir d’outils d’urbanisme adaptés à l’activité et au paysage. En fait, nous avons besoin que soient menées des opérations d’aménagement au sens plein et entier du terme.

J’émets donc le vœu que les SPL et les SPLA, enfin créées ou rénovées grâce à cette proposition de loi, nous permettent d’aller dans le sens d’un urbanisme plus conforme aux espoirs que nous plaçons en notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.

M. Jean-Léonce Dupont. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, historiquement, la réalisation d’infrastructures publiques dans le cadre d’un partenariat entre autorités publiques et personnes privées a eu cours dès l’Ancien régime. C’est ainsi, par exemple, que fut construit, au xviie siècle, le canal du Midi. Mais c’est au xxe siècle, notamment avec les lois de décentralisation, que la création de nouvelles formes de coopération entre les personnes publiques et les personnes privées connut un véritable essor.

Désormais, les partenariats public-privé recouvrent une gamme de solutions juridiques visant à faciliter cette coopération. Cependant, en raison de la raréfaction du crédit, mais également de la complexité juridique de ces montages, ceux-ci peinent à se développer.

Les sociétés d’économie mixte pourraient constituer un levier puissant de développement des PPP, puisque la loi fait obligation aux collectivités territoriales de s’associer en leur sein à des partenaires privés. Cependant, les conditions particulièrement restrictives qu’elle impose à cette coopération freinent leur lancement. Je reviendrai ultérieurement sur ce sujet en formulant une proposition pour lever ces freins.

Dans ce contexte, les collectivités locales, dont la libre administration et l’autonomie financière sont reconnues comme ayant valeur constitutionnelle, doivent disposer en contrepartie de tous les outils – je dis bien : « tous » les outils – adéquats à la réalisation de leurs missions pour leur permettre de faire face à leurs besoins toujours croissants.

C’est dans cet état d’esprit qu’un premier pas a été franchi en 2006 : le Parlement a prévu la création, à titre expérimental, des sociétés publiques locales d’aménagement, nouveau dispositif permettant de résoudre les difficultés liées à la jurisprudence communautaire quant aux limites du in house.

Une SPLA peut donc être constituée par les collectivités territoriales et leurs groupements, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, lesdites collectivités détenant la totalité du capital. Aujourd’hui, sept SPLA ont été créées et une quarantaine de projets sont étudiés ou en cours de constitution. Cependant, il semble que nos statistiques sur ce point ne soient pas toutes identiques, mes chers collègues. Mais on sait qu’il existe deux types de mensonges : les mensonges et les statistiques. (Sourires.)

Ces sociétés ne sont compétentes que pour réaliser des opérations d’aménagement. Il est évident que la gestion d’un service public sous la forme d’une société anonyme détenue par les collectivités territoriales offrirait à celles-ci des avantages indéniables en termes d’efficacité, de réactivité et de sécurité, avantages dont les solutions juridiques disponibles, établissement public ou association du type loi de 1901, sont dépourvues.

Or il est des domaines d’activités autres que l’aménagement où l’existence de sociétés à 100 % publiques présenterait le même intérêt que les SPLA. En effet, nombre de sociétés d’économie mixte ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires, pour le compte desquelles elles exploitent un service ou un équipement public. Il convient donc d’étendre ce dispositif à d’autres domaines d’activités que l’aménagement afin que les élus locaux puissent avoir à leur disposition, dans tous les domaines de compétence visés par la loi, l’outil leur permettant d’appliquer pleinement le droit communautaire ainsi que le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Tel est l’objet de la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui, ainsi que de celle que j’avais déposée avec un certain nombre de mes collègues en décembre dernier, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Voter ce texte constituera donc un second pas dans la diversification des moyens à la disposition des collectivités.

Dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales ne viendront cependant pas se substituer aux sociétés d’économie mixte, dont le statut conservera toute son attractivité dès lors que des collectivités territoriales veulent s’associer à des partenaires privés pour entreprendre en commun des projets d’intérêt général.

Il convient de souligner que les sociétés publiques locales seront assujetties aux règles du code général des collectivités territoriales propres aux SEM, qu’il s’agisse des contrôles auxquelles celles-ci sont soumises – et ils sont nombreux : chambre régionale des comptes, commissariat aux comptes… – ou des dispositions visant à assurer la sécurité juridique des élus administrateurs de SEM, notamment au regard de leur responsabilité civile.

Je ne peux donc que vous inciter, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi, en espérant que l’Assemblée nationale fera de même dans les meilleurs délais.

Outre cette proposition de loi, que je considère comme une avancée certaine, je voudrais dès aujourd’hui soumettre à votre réflexion la possibilité de créer à terme des SEM à capitaux publics minoritaires.

En 1926, les décrets-lois Poincaré ont autorisé les collectivités territoriales à constituer des SEM, tout en limitant leur participation à 40 % dans le but de préserver l’épargne publique. Ce texte fondateur a donné naissance à des partenariats public-privé fructueux et durables en favorisant une implication réelle du partenaire privé dans le management des SEM.

Dans le sillage des premières lois de décentralisation, la loi du 7 juillet 1983, tout en alignant les SEM sur le droit des sociétés commerciales, a établi la prééminence des collectivités territoriales dans leur gestion en les obligeant à être majoritaires au capital des SEM nouvellement créées, la participation des autres actionnaires étant au minimum de 20 %. Mais cette répartition du capital ne répond à aucune justification économique.

Aujourd’hui, le contexte a profondément évolué. L’intégration européenne a mis en lumière, cher collègue Jean-Pierre Sueur, le fait que, dans la quasi-totalité des pays de l’Union européenne, la composition du capital des SEM n’est soumise à d’autres contraintes que celles du droit des sociétés. Dans toute l’Europe, le co-investissement public-privé apparaît comme un levier pour répondre à un large éventail de besoins collectifs.

La crise économique presse les acteurs publics et privés de rechercher des voies nouvelles et sûres, permettant de créer des partenariats de long terme au service de l’intérêt général.

Dès lors, il semble opportun de réfléchir à un assouplissement des règles de répartition du capital entre actionnaires publics et privés dans les SEM.

Une telle réforme devrait être mise en œuvre dans l’optique d’un retour aux sources de l’économie mixte et, par conséquent, à l’esprit de la loi de 1983, dont l’exposé des motifs, rappelons-le, posait un principe essentiel : « S’agissant de sociétés auxquelles les collectivités confient des tâches de leur compétence dans le respect de l’intérêt général, il est normal qu’elles soient à même d’exercer un contrôle de la gestion et qu’elles veillent au respect de l’objet initial. » Ce principe doit être sauvegardé.

Dans cet esprit, la proposition de loi que je compte déposer visera à maintenir la prééminence des collectivités territoriales, garantes de l’intérêt général, en leur assurant dans tous les cas, par la minorité de blocage, le contrôle effectif des décisions relevant de l’assemblée générale extraordinaire, en particulier toute modification de l’objet social.

Les SEM à capitaux publics minoritaires resteront naturellement soumises aux obligations de communication spécialement imposées aux SEM, de même qu’au double contrôle du préfet et de la chambre régionale des comptes.

Cette liberté d’action offerte, et non imposée – ce sont les acteurs territoriaux qui décideront –, aux collectivités territoriales permettra une accélération rapide et durable des programmes d’investissement locaux.

Un tel assouplissement, assorti de garanties de contrôle public, dotera les collectivités territoriales de moyens d’action renforcés pour développer les territoires.

D’abord, cela stimulera les co-investissements dans des domaines où des besoins collectifs ont émergé ces dernières années, comme les énergies renouvelables, la valorisation des déchets ou les infrastructures numériques.

Ensuite, cela facilitera les opérations d’aménagement et de renouvellement urbain, de réalisation d’équipements en mandat ou à l’aide de montages complexes – baux emphytéotiques administratifs, ou BEA, et contrats de partenariat – ou de construction d’immobilier d’entreprise.

Enfin, cela encouragera la participation des SEM immobilières à la relance de la production de logements sociaux et intermédiaires.

Je conclurai en rappelant un chiffre. En 2008, dans leur ensemble, les collectivités territoriales ont réalisé près de 73 % de l’investissement public. Aussi, dans le contexte de la crise économique, donner aux élus locaux les moyens d’accélérer leurs programmes d’investissement revêt une importance décisive. Toute mesure en ce sens est donc, me semble-t-il, à encourager. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, de lUMP et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est pas la première tentative pour mettre nos pratiques d’aménagement en conformité avec la jurisprudence européenne.

Par le passé, nos collègues communistes et socialistes de l’Assemblée nationale ont déjà tenté de rétablir le droit pour les collectivités locales de bénéficier du régime « in house », qui prévalait autrefois dans les projets d’aménagement.

En effet, depuis le début des années 2000, la Commission européenne a remis en cause les contrats de mandat passés entre les personnes publiques et les sociétés d’économie mixte, en critiquant la loi du 12 juillet 1985 relative à la maitrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée et en déclarant contraire aux directives communautaires certaines de ses dispositions. Selon la Commission, ces contrats de mandat devaient respecter une procédure préalable de publicité et de mise en concurrence, étant assimilés à des prestations de service de droit commun.

Toujours prompte à appliquer les sacro-saintes règles de la concurrence partout où elle le peut, la Commission européenne a, de fait, limité considérablement le champ des possibles pour les collectivités locales, désormais obligées de passer par les règles du marché et de l’appel d’offres, quand bien même elles disposeraient d’une SEM au sein de laquelle elles seraient supra-majoritaires et qui ne travaillerait que pour les collectivités actionnaires.

C’est donc pour se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne qu’ont été créées les sociétés locales publiques d’aménagement, les SPLA, par loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. Force est de le constater, trois ans plus tard, le résultat est plus que mitigé. Du fait de la complexité de leurs règles de création et de leur champ d’action très limité, ces SPLA n’ont pas su occuper la place laissée vacante par les SEM.

Désormais, les élus locaux souhaitent donc de nouveaux outils pour développer leurs territoires. En effet, il est des domaines d’activités autres que l’aménagement où l’existence de sociétés 100 % publiques présenterait le même intérêt que les SPLA. Nombre de sociétés d’économie mixte ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires, pour le compte desquelles elles exploitent un service ou un équipement publics. Il en va ainsi dans les domaines de la construction et de la gestion de logements, de l’eau et de l’assainissement, du stationnement ou des transports. Il convient de noter que le règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route définit la notion d’« opérateur interne » de la manière suivante : « une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ».

De nombreuses SEM agissant dans ces secteurs correspondent bien à une telle définition.

Il convient donc d’étendre le dispositif à d’autres domaines d’activités que l’aménagement, afin que les élus locaux puissent avoir à leur disposition, dans tous les domaines de compétence visés par la loi, l’outil leur permettant d’appliquer pleinement le droit communautaire et le principe de libre administration des collectivités territoriales.

À cela, il faut ajouter que la gestion d’un service public sous la forme d’une société anonyme détenue par les collectivités territoriales offrirait à celles-ci des avantages indéniables en termes d’efficacité, de réactivité et de sécurité, avantages dont les solutions juridiques disponibles, comme la création d’un établissement public ou d’une association loi 1901, sont dépourvues.

Enfin, le texte proposé tire les enseignements pratiques de l’expérimentation des sociétés publiques locales dans le domaine de l’aménagement, en permettant aux collectivités territoriales de déroger au code de commerce qui impose, s’agissant des sociétés anonymes, un minimum de sept actionnaires. Cette obligation peut se heurter à des difficultés réelles lorsque la société a pour objet la réalisation d’un projet ou la gestion d’un équipement intéressant un nombre inférieur de partenaires publics.

Cependant, même si elles sont dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales ne viendront pas se substituer aux sociétés d’économie mixte, dont le statut conservera toute son attractivité dès lors que des collectivités territoriales voudront s’associer à des partenaires privés pour entreprendre en commun des projets d’intérêt général.

En somme, cette proposition de loi a pour objet d’adapter les SEM à la législation européenne pour qu’elles puissent continuer leur activité comme elles le faisaient auparavant. Cela permettra d’offrir à nouveau aux collectivités locales la possibilité de mener à bien leurs politiques d’aménagement.

Dès lors, nous ne pouvons qu’accorder notre crédit à cette proposition de loi. Nous avons donc décidé de voter en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi, déposée par notre collègue Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste, qui nous est aujourd’hui soumise a pour principal objet d’introduire un nouvel outil juridique au service des collectivités locales.

Ce texte ouvre la possibilité pour les collectivités locales et leurs groupements de créer des sociétés publiques locales, sur le modèle de ce qui existe dans pratiquement tous les États membres de l’Union européenne.

Il s’agit de permettre aux entités décentralisées, pour l’exercice de leurs compétences, de confier à un tiers la réalisation d’opérations qualifiées de « prestations intégrées », non soumises aux procédures de passation des marchés publics.

Mes chers collègues, nous devons donc être particulièrement vigilants et veiller à ce que le dispositif mis en place par cette proposition de loi respecte bien la jurisprudence communautaire en la matière, afin d’éviter tout risque de contentieux.

Quel est le contexte communautaire ?

Les autres États membres de l’Union européenne se sont déjà dotés de la faculté de créer des sociétés détenues à 100 % par des autorités publiques.

Il existe aujourd’hui près de 16 000 entreprises publiques locales, présentes dans les vingt-cinq pays de l’Union européenne et employant 1 125 000 salariés.

À l’image des sociétés d’économie mixte, les SEM, de telles entreprises mettent en œuvre les politiques d’intérêt général des collectivités territoriales, notamment dans les domaines du développement urbain, des transports, de l’énergie, de l’environnement et de la culture.

Dans la plupart des cas, la loi ne définit pas de niveau de participation des collectivités dans le capital des entreprises publiques locales, les laissant ainsi totalement maîtresses de leurs choix.

Il en va ainsi notamment en Allemagne, en Autriche, en Espagne, aux Pays-Bas, en Pologne ou encore en République Tchèque.

Par ailleurs, à l’exception de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni, tous les États admettent la détention de 100 % du capital d’une entreprise publique locale par une ou plusieurs collectivités publiques ou par des collectivités publiques avec d’autres entités publiques.

Aujourd’hui, 80 % des entreprises publiques locales européennes sont entièrement détenues par des actionnaires publics.

Examinons à présent la jurisprudence communautaire.

En principe, les SEM, comme toutes les entreprises publiques locales, sont soumises au droit communautaire de la concurrence.

Toutefois, la jurisprudence communautaire dispense, sous certaines conditions, une collectivité de l’application des règles édictées en matière de marchés publics, selon le principe du « in house » ou des « prestations intégrées ».

Conformément à l’arrêt Teckal du 18 novembre 1999, la Cour de justice des Communautés européennes exige la réunion de deux conditions pour écarter l’application des règles de la concurrence.

Première condition, la collectivité doit exercer sur l’entité un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services.

Seconde condition, l’entité doit réaliser l’essentiel de son activité pour la ou les personnes qui la détiennent.

Ainsi, le droit communautaire reconnaît l’existence d’un mode d’organisation du service public local et, par conséquent, le droit des collectivités locales d’attribuer directement des missions à des outils dont l’activité leur est exclusivement dédiée.

En l’état actuel de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, il apparaît que le concept de « in house » ou de « prestations intégrées » n’est pas applicable aux relations unissant les sociétés d’économie mixte locales à leurs collectivités actionnaires.

Dès lors, si les collectivités souhaitent recourir à leurs sociétés d’économie mixte locales, les SEML, pour assurer telle ou telle prestation, elles sont tenues de les mettre en concurrence, et ce alors même qu’elles les ont créées pour répondre à leurs propres besoins.

Vous le comprendrez, cette situation est quelque peu paradoxale. Voilà pourquoi elle reste aujourd’hui mal comprise par de nombreux élus.

Afin de remédier à cette difficulté, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a créé les sociétés publiques locales d’aménagement, dont le capital est détenu à 100 % par des collectivités et leurs groupements.

Je vous rappelle que cette création a été décidée à titre expérimental, pour une durée de cinq ans.

Le caractère entièrement public de ces sociétés, sans la présence d’aucun actionnaire privé, permet ainsi de qualifier les relations entre lesdites sociétés et leurs collectivités actionnaires de « in house ».

La proposition de loi de M. Daniel Raoul vise donc à pérenniser le dispositif des SPLA et à créer des sociétés publiques locales aux compétences élargies.

Quelle est position du groupe UMP ?

Compte tenu de l’absence d’évolution de la jurisprudence communautaire dans le sens d’un élargissement de la notion de « prestations intégrées » et du maintien, par conséquent, de l’obligation pour les collectivités de mettre en concurrence leurs SEML lorsqu’elles entendent y faire appel, le groupe UMP estime cette proposition de loi particulièrement intéressante.

Ce texte présente le mérite incontestable d’offrir aux collectivités territoriales un élément de souplesse susceptible de leur permettre d’exercer leurs compétences avec une plus grande efficacité et rapidité.

Certes, de prime abord, nous aurions pu craindre que cette proposition de loi ne soit comprise comme une volonté d’échapper aux règles de publicité et de mise en concurrence pour les projets d’aménagement, alors que les possibilités d’intervention des collectivités territoriales dans ce domaine sont aujourd’hui très encadrées.

Nous estimons, en effet, que la création de sociétés publiques locales ne doit pas affranchir les collectivités de la totalité des procédures d’appel d’offres.

Le texte que nous propose la commission des lois semble répondre à la crainte qui était la nôtre, dans la mesure où les sociétés publiques locales sont dotées d’un statut juridique très sécurisé et renforcé.

La commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, M. Jacques Mézard, a adopté un dispositif qui vise à encadrer la création et le fonctionnement de nouvelles structures. À cette fin, les procédures de contrôle seront indispensables pour permettre à ces structures de fonctionner en toute transparence et dans un cadre strict. Nous nous en félicitons.

Nous nous réjouissons également du fait que la commission des lois ait précisé que ces sociétés doivent impérativement exercer leurs activités sur le territoire des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales actionnaires.

Mes chers collègues, cette disposition est importante, car elle répond à l’esprit de la jurisprudence communautaire selon laquelle l’activité des sociétés publiques locales doit être réalisée principalement avec la ou les collectivités actionnaires.

Les membres du groupe UMP approuvent aussi la présence obligatoire d’au moins deux actionnaires dans la composition du capital. Il s’agit d’une garantie supplémentaire posée dans l’intérêt même des collectivités, tant il est vrai que l’actionnariat unique prévu par la proposition de loi pouvait présenter un risque de dérive.

Nous souhaitons toutefois insister sur le fait que la société publique locale doit constituer un outil complémentaire de la société d’économie mixte locale, sans cependant venir concurrencer sérieusement cette dernière au point de s’y substituer.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons et sous réserve de ces observations, le groupe UMP votera le texte proposé par la commission des lois. (M. le rapporteur applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales, déposée par le groupe socialiste et que nous examinons aujourd’hui, est particulièrement bienvenue pour tous ceux qui, sur le terrain, travaillent en faveur du développement de l’économie locale.

Dans cet hémicycle, nombreux sont ceux qui voient dans la proposition de loi un outil nouveau, dans la panoplie des instruments économiques existants, susceptible de répondre aux attentes des collectivités locales et d’améliorer leurs conditions et leur capacité d’intervention.

Du reste, la commission ne s’y est pas trompée, qui, par la voix toujours éloquente de notre collègue Jacques Mézard, a adopté ce texte consensuel.

Mme Anne-Marie Escoffier. L’objet de ce texte, au demeurant très court – il ne comporte que trois articles –, est d’ouvrir aux collectivités locales et à leurs groupements la possibilité de constituer des sociétés publiques locales susceptibles d’intervenir dans tous les domaines de leur champ de compétence, sans qu’il leur soit fait obligation de recourir aux procédures des marchés publics.

Si le texte de la proposition de loi, qui s’appuie au demeurant sur un dispositif déjà existant – les sociétés publiques locales d’aménagement –, est, en droit, incontestable, en opportunité, il vient – pardonnez l’expression – « chatouiller » les opérateurs privés, qui y voient une mauvaise manière qui leur serait faite en dérogeant, selon eux, au principe de l’appel à concurrence, une concurrence à laquelle les collectivités tiennent, une concurrence juste et équitable, comme l’a rappelé tout à l’heure notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur.

Il est essentiel, sur ce point, de bien mesurer le fonctionnement de nos collectivités locales et de leurs groupements. Leur taille – grande, moyenne ou petite –, leur implication dans la vie communale ou intercommunale, la modestie de leur budget aujourd’hui, sont autant de raisons pour les collectivités locales et leurs groupements de vouloir disposer, dans des conditions de facilité – respectueuse du droit en tous points – d’un outil proche et efficace pour réaliser les opérations d’aménagement qui font partie de leur quotidien.

Le service public local d’aménagement, qui n’existe que depuis un peu plus de deux ans et demi, a donné la preuve de son intérêt. D’expérimental, il devient définitif. Amélioré dans le présent texte, il sert de modèle au nouveau service public local, dont le champ d’intervention est élargi.

Pour répondre aux préoccupations des opérateurs privés, le texte, judicieusement amendé par la commission des lois, s’est voulu sécurisé grâce aux dispositions suivantes : actionnariat exclusivement accordé à des personnes publiques, collectivités territoriales et leurs groupements ; limites géographiques fixées au territoire des collectivités actionnaires ; présence obligatoire de deux actionnaires au moins pour éviter tout effet potentiel de dérive si la règle avait été celle d’un seul actionnaire ; application du régime des sociétés d’économie mixte permettant d’assurer pleinement l’information et, surtout, le contrôle des collectivités concernées.

En outre, sur proposition du Gouvernement, le gage financier qui pesait sur les collectivités est levé, et on ne peut que s’en féliciter.

Au total, cette proposition de loi joue un rôle de facilitation pleinement opportune dans un contexte juridique et réglementaire singulièrement complexe, en particulier pour les petites collectivités.

Dès lors, on ne peut que s’étonner – sauf meilleure information – de l’amendement déposé par le Gouvernement et qui tendrait à limiter sensiblement la portée de ce nouveau dispositif, en ne retenant pas pour les sociétés publiques locales la possibilité d’exploiter des services publics à caractère industriel et commercial ou toute autre activité d’intérêt public. Ce serait – pardonnez cette image – comme vouloir fabriquer un marteau sans manche, le rendant de fait inopérant.

Le groupe RDSE ne peut qu’affirmer son intérêt pour le nouveau dispositif tel qu’il est proposé, sous réserve, bien entendu, que ce dernier ne soit pas vidé de son essence même.

Il remercie le rapporteur des enrichissements apportés au texte initial et votera la présente proposition de loi dans le seul souci de répondre aux besoins bien légitimes des collectivités locales, en particulier dans les circonstances économiques sensibles que nous connaissons actuellement. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales
Article additionnel avant l'article 2

Article 1er

Après l'article L. 1525-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une division additionnelle ainsi rédigée :

« Titre III

« Sociétés publiques locales

« Art. L. 1525-4. - Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital.

« Ces sociétés peuvent également être créées avec des établissements publics. Dans ce cas, les collectivités territoriales et leurs groupements détiennent la majorité du capital et des droits de vote.

« Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général.

« Ces sociétés exercent leurs activités pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres.

« Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce et sont composées, par dérogation à l'article L. 225-1 du même code, d'au moins deux actionnaires.

« Sous réserve des dispositions du présent article, elles sont soumises au titre II du livre V de la première partie du présent code. »

Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1525-4 du code général des collectivités territoriales.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Nous avons déjà évoqué, à l’instant, cet amendement, qui est un amendement de sécurisation juridique.

Je rappelle que les sociétés publiques locales d’aménagement ont été créées par la loi du 13 juillet 2006.

Comme je l’ai indiqué tout à l'heure, le Gouvernement est favorable à la présente proposition de loi, sous réserve de l’adoption de cet amendement qui vise à prendre en compte les éléments contenus dans la jurisprudence européenne et à faire en sorte que l’organisation et le tour de table des futures SPL soient sécurisés.

Cet amendement tend non pas à remettre en cause le fond de votre texte, monsieur le sénateur, mais à apporter des garanties pour l’avenir, en permettant d’éviter deux inconvénients majeurs, notamment celui de la qualification d’« opérateur intégré » dès lors que l’établissement ne poursuivrait que des intérêts industriels ou commerciaux. C’est l’un des éléments importants sur lequel il faut mettre cette barrière.

C’est pourquoi le Gouvernement tient à ce que nous puissions apporter cette garantie de sécurité juridique par le biais de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Mézard, rapporteur. Après en avoir discuté avec l’auteur de la proposition de loi et ma collègue vice-présidente de la commission des lois, nous pourrions adopter cet amendement.

La notion d’établissement public est assez floue dans notre droit interne. J’ai d’ailleurs sous les yeux un article de doctrine indiquant que, même du point de vue de sa nature juridique, l’établissement public est un pavillon qui abrite des marchandises très diverses ! (Sourires.)

Certes, nous aurions pu aller plus avant dans l’analyse juridique et adopter une approche plus précise de cette notion, afin d’essayer d’intégrer les établissements publics administratifs. Nous aurions ainsi peut-être pu faire en sorte que les offices publics d’aménagement et les sociétés publiques d’HLM puissent être intégrés dans le tour de table.

Peut-être l’Assemblée nationale, si elle est saisie prochainement de ce texte, trouvera-t-elle un moyen de faire droit à cette demande, ce qui serait utile pour les collectivités locales.

Sous cette réserve, la commission est favorable à cet amendement, qui permet d’instaurer un équilibre et de parvenir à un consensus général.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. J’ai été sensible au problème de l’insécurité juridique soulevé par le Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi une simple remarque de forme. Depuis la réforme constitutionnelle, le Gouvernement peut participer aux travaux en commission lors de l’examen des projets de loi. Si vous nous aviez soumis alors cet amendement, nous aurions eu la possibilité d’affiner, voire de peaufiner, l’analyse juridique qu’aurait pu faire notre rapporteur.

En tout état de cause, lors de l’élaboration du texte, nous visions évidemment les offices publics d’aménagement et les offices d’HLM qui se trouvent dans nos collectivités, mais en aucune façon les établissements publics à caractère industriel ou commercial. Je reconnais que la mention « établissement public » est ambiguë.

Je me rallie donc à cet amendement qui apporte une sécurité juridique.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté à l’unanimité.)

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1525-4 du code général des collectivités territoriales :

« Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, ainsi que des opérations de construction, de maintenance et d'exploitation des équipements construits.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Compte tenu de l’adoption par le Sénat de l’amendement n° 5 et conformément au souhait de l’auteur de la proposition de loi et de la commission, je retire le présent amendement. (MM. Daniel Raoul et Robert del Picchia applaudissent.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3 est retiré.

L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Au quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1525-4 du code général des collectivités territoriales,

après le mot :

activités

insérer le mot :

exclusivement

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. C’est un amendement de mise en cohérence. Il s’agit, en ajoutant l’adverbe « notamment », de préciser les activités exercées par les sociétés publiques locales, point qui a été évoqué par l’auteur de la proposition de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission ne voit aucun inconvénient à l’adoption de cet amendement qui permet d’avoir une double sécurité. Elle émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. J’apprécie la modeste contribution de M. le secrétaire d’État à la rédaction de cette proposition de loi. (Sourires.) L’ajout de l’adverbe « exclusivement » ne nous dérange aucunement, puisqu’il correspond exactement à notre vision du périmètre des SPL.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel avant l'article 2

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Raoul, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article L. 327-1 du code de l'urbanisme, les mots : « à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, » sont supprimés.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement s’inscrit dans la logique même de la présente proposition de loi, qui a pour objet de pérenniser les SPLA et d’accroître leurs prérogatives.

Jusqu’à récemment, les SPLA ne pouvaient pas compter moins de sept actionnaires, conformément à l’article L. 225-1 du code de commerce auquel renvoyait leur statut. Sept actionnaires, c’était beaucoup pour une société qui peut ne réunir que deux, voire trois acteurs locaux. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles l’opération n’a pas rencontré le succès escompté.

Les SPLA sont au nombre d’une dizaine aujourd’hui, mais, comme cela a été dit, d’autres sont en cours de création.

Depuis qu’un amendement proposé par le groupe socialiste lors de l’examen du texte qui est devenu la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a modifié l’article du code de l’urbanisme, il est possible de créer une SPLA composée de deux actionnaires.

Plusieurs projets de SPLA devraient sortir de terre dans les prochains mois, accompagnant ainsi le lancement d’une série de projets de rénovation urbaine.

Dans ces conditions, il nous paraît être dans la logique du texte de supprimer le caractère expérimental des SPLA ainsi que la durée de cinq ans prévue lors de leur création.

Nous souhaitons clairement créer deux outils pérennes : les SPL et les SPLA.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.

Il convient simplement de noter que le dispositif concernant les sociétés publiques locales, par lui-même, entraîne la pérennisation du dispositif des SPLA.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Par cohérence avec ce qui a été dit lors de l’examen des amendements précédents, il me semble logique de supprimer le caractère expérimental des SPLA.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que cet amendement à été adopté à l’unanimité des présents.

Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 2.

Article additionnel avant l'article 2
Dossier législatif : proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales
Article 3 (Texte non modifié par la commission) (début)

Article 2

(Texte non modifié par la commission)

Les deux derniers alinéas de l'article L. 327- 1 du code de l'urbanisme sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Ces sociétés sont compétentes pour réaliser, pour le compte exclusif d'un ou de plusieurs de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres toute action ou opération d'aménagement au sens du présent code.

« Elles sont également compétentes pour réaliser des études préalables, procéder à toute acquisition foncière ou immobilière en application des articles L. 221-1, L. 221-2 et L. 300-1 du présent code ; procéder à toute opération de construction, de réhabilitation immobilière, en vue de la réalisation des objectifs énoncés à l'article L. 300-1 du présent code ou encore procéder à toute acquisition et cession de baux commerciaux, de fonds de commerce, de fonds artisanaux, au sens de l'article 58 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. Elles peuvent exercer, par délégation de leurs titulaires, les droits de préemption et de priorité définis par le présent code, et agir par voie d'expropriation.

« Les sociétés publiques locales d'aménagement revêtent la forme de société anonyme ou de société par actions simplifiées régies par le livre II du code de commerce. Toutefois, par exception à la deuxième phrase de l'article L. 225-1 du même code, elles peuvent être composées d'un ou plusieurs actionnaires.

« Elles sont soumises aux dispositions du chapitre IV du titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales. »

Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Raoul, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Remplacer les deux premiers alinéas de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article L. 327-1 du code de l'urbanisme est inséré un alinéa ainsi rédigé :

II. - Après les mots :

de fonds artisanaux,

rédiger comme suit la fin de la première phrase du troisième alinéa de cet article :

au sens du chapitre IV du livre II du présent code

III. - Compléter la seconde phrase du troisième alinéa de cet article par les mots :

dans le cadre des conventions conclues avec un de ses membres

IV. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

ou de sociétés par actions simplifiées

V. - À la fin de la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :

d'un ou plusieurs actionnaires

par les mots :

de deux actionnaires ou plus

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Cet amendement, je l’ai dit dans la discussion générale, vise à introduire plusieurs précisions ayant pour objet d’améliorer le régime des SPLA.

D’abord, nous souhaitons préciser que les SPLA ne peuvent procéder par voie d’expropriation que dans le cadre des conventions qui les lient à leurs membres.

L’adverbe « exclusivement », qui a été évoqué tout à l’heure par le Gouvernement, s’applique également aux SPLA et explicite le périmètre d’activités visé dans la proposition de loi. Ce point nous paraissait évident, mais ça ira certainement mieux en le disant ou en l’écrivant !

Ensuite, nous souhaitons supprimer la possibilité de créer les SPLA sous forme de sociétés par actions simplifiées. Je me rends très volontiers aux arguments qui ont été développés par M. Mézard dans son rapport. Ce statut juridique était peut-être plus risqué pour la collectivité et, surtout, pour les élus.

Enfin, nous souhaitons préciser que les SPLA doivent comprendre deux actionnaires ou plus. Sur ce point également, je me suis rendu à l’argument selon lequel un seul actionnaire pourrait donner lieu à des dérives. La présence de deux actionnaires publics locaux accroîtra peut-être la transparence et permettra en tout cas un meilleur suivi des comptes et des appels d’offres ou des attributions à des délégataires.

Bien évidemment, cet amendement actualise la proposition initiale, qui avait été déposée en décembre dernier, en tenant compte de la loi du 25 mars 2009, c'est-à-dire en supprimant les deux alinéas qui sont satisfaits par cette loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement puisqu’il correspond à la concertation que nous avions eue avec l’auteur de la proposition de loi.

Cet amendement est relatif à l’expropriation et à l’impossibilité de recourir à la création de sociétés par actions simplifiées – ce qui nous paraissait beaucoup trop laxiste et était susceptible d’engendrer des dérives.

La disposition selon laquelle les SPLA doivent comprendre deux actionnaires ou plus répond également à un souci de sécurisation du système.

Je suggère simplement, dans un souci de cohérence avec la rédaction retenue à l’article 1er, de remplacer les mots « de deux actionnaires ou plus » par les mots « d’au moins deux actionnaires ».

Mme la présidente. Monsieur Raoul, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur ?

M. Daniel Raoul. Oui, madame la présidente. Nous pourrions aussi écrire « de deux actionnaires au moins » (Sourires), mais nous n’allons pas entrer dans une querelle sémantique !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Raoul, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

I. - Remplacer les deux premiers alinéas de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article L. 327-1 du code de l'urbanisme est inséré un alinéa ainsi rédigé :

II. - Après les mots :

de fonds artisanaux,

rédiger comme suit la fin de la première phrase du troisième alinéa de cet article :

au sens du chapitre IV du livre II du présent code

III. - Compléter la seconde phrase du troisième alinéa de cet article par les mots :

dans le cadre des conventions conclues avec un de ses membres

IV. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

ou de sociétés par actions simplifiées

V. - À la fin de la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :

d'un ou plusieurs actionnaires

par les mots :

d'au moins deux actionnaires

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Favorable sur tout !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales
Article 3 (Texte non modifié par la commission) (fin)

Article 3

(Texte non modifié par la commission)

I. - Les éventuelles conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement.

II. - Les conséquences financières résultant pour l'État du I sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. J’ai senti que la levée du gage ferait plaisir à l’ensemble de la Haute Assemblée. Cet amendement a donc pour objet d’apporter cette touche de bonheur en cette fin de discussion.

M. Jacques Gautier. Quel talent !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission est véritablement enthousiasmée par cet amendement et espère qu’il fera jurisprudence. À l’avenir, cet amendement sera certainement rappelé au Gouvernement à de multiples reprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Je salue cet amendement. J’espère qu’il fera jurisprudence, y compris dans notre assemblée. Mes chers collègues, lors de nos débats sur le texte tendant à modifier le règlement du Sénat, notre interprétation de l’article 40 de la Constitution a été différente de celle qu’en a faite l’Assemblée nationale. Je souhaite que l’amendement du Gouvernement fasse jurisprudence pour les deux assemblées. Quoi qu’il en soit, nous saurons le rappeler à bon escient !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 3 est supprimé.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Je souhaite remercier mes collègues ainsi que le Gouvernement de la confiance qu’ils m’ont accordée pour cette proposition de loi qui a été adoptée à l’unanimité. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous en revenons à l’ordre du jour fixé par le Gouvernement

Article 3 (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales
 

6

Articles additionnels après l’article 14 (précédemment réservés) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Articles additionnels après l'article 14 (précédemment réservés)

Réforme de l’hôpital

Suite de la discussion d’un projet de loi déclaré d’urgence

(Texte de la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 290, 380 et 381).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 14.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article additionnel après l'article 14 quater (précédemment réservé)

Articles additionnels après l'article 14 (précédemment réservés) (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 467, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Les titulaires du diplôme de médecine générale mentionné à l'article 60 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale peuvent se voir retirer leur conventionnement s'ils ne pratiquent pas effectivement la médecine de premier recours. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous entendons, à travers cet amendement, insérer dans le code de la sécurité sociale un article supplémentaire précisant que les titulaires du diplôme de médecine générale mentionné à l’article 60 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale pourraient se voir retirer leur conventionnement s’ils ne pratiquent pas effectivement la médecine de premier recours.

En effet, dans le contexte de crise actuelle de la démographie médicale, il faut impérativement que les titulaires du diplôme de médecine générale se consacrent à cette spécialité. Il est totalement illogique que des médecins qui ont reçu un conventionnement pour l’exercice de la médecine de premier recours ne se voient pas retirer ce conventionnement dès lors qu’ils n’exercent pas la pratique médicale pour laquelle il leur a été attribué.

Nous considérons que cette disposition, si elle était adoptée, constituerait une bien meilleure réponse que le seul rehaussement du numerus clausus, qui ne garantit en rien l’effectivité de la pratique de la médecine de premier recours.

Bien sûr, il ne s’agit là que d’une suggestion ! De là à ce qu’elle soit adoptée… (Sourires.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet, il y a loin de la coupe aux lèvres !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Nous poursuivons l’examen, entamé hier soir, d’une série d’amendements déposés par le groupe CRC-SPG. L’avis de la commission est donc identique à celui d’hier soir, c’est-à-dire défavorable !

M. François Autain. Et pour ceux de demain ? (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Défavorable. Je m’en suis déjà expliquée hier.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 467.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 468 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 717 est présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 162-1-13 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-1-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 162-1-13-1. - La négociation des conventions mentionnées à l'article L. 162-14-1 et de l'accord mentionné à l'article L. 162-32-1 est conduite dans le respect du principe d'égalité de traitement des professionnels de santé exerçant à titre libéral et des centres de santé. »

La parole est à M. François Autain, pour présenter l’amendement n° 468.

M. François Autain. Notre amendement a pour objet de préciser que la négociation des conventions mentionnées à l’article L. 162-14-1 et de l’accord mentionné à l’article L. 162-32-1 est conduite dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les professionnels de santé exerçant à titre libéral et les centres de santé.

En effet, madame le ministre, les centres de santé disposent, selon le rapport que vous a remis Mme Acker, « d’atouts incontestables face aux enjeux de notre système de santé liés à la démographie médicale, au vieillissement de la population, à l’efficience de la prise en charge et à l’accès pour tous à des soins de qualité ».

Je crois que le constat de la performance de ces centres de santé ne peut être remis en cause. Au contraire, je voudrais rappeler combien ils jouent un rôle important en termes de continuité dans l’offre de soins, notamment dans les quartiers populaires où l’offre de soins libérale est parfois inexistante.

Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, nous n’avons cessé, à travers nos amendements et nos interventions, de défendre ce mode d’exercice collectif de la médecine, sans jamais l’opposer au mode individuel de l’exercice en cabinet, ou à l’exercice collectif libéral dans les maisons de santé. Tous ces modes d’exercice sont complémentaires. Nous n’entendons ni en favoriser un, ni les opposer entre eux.

Toutefois, et vous le savez car cette question a fait l’objet d’un important débat à l’Assemblée nationale, la situation des centres de santé est aujourd’hui fragilisée, notamment en raison de l’absence de transposition de certaines dispositions contenues dans les conventions conclues avec les professionnels de santé libéraux.

Tel est d’ailleurs le constat formulé par le rapport que je citais précédemment, selon lequel les centres « rencontrent, presque tous, des difficultés financières que seules la taille et la diversification des activités parviennent à juguler. Ces difficultés proviennent […] d’une transposition inexistante ou incomplète d’éléments de rémunération venant s’ajouter au paiement à l’acte dans les conventions libérales : non application du forfait de prise en charge des patients en [affections de longue durée], du paiement des astreintes pour la permanence des soins, du bilan bucco-dentaire, des [feuilles de soins électroniques] […] ; transposition non encore opérationnelle pour la prise en charge de la formation professionnelle et les aides à l’installation ; transposition non cohérente des aides sur l’informatisation et la prise en charge des cotisations sociales ».

Car, en réalité, et c’est bien là l’une des difficultés, rien n’oblige les caisses d’assurance maladie à discuter de la transposition de ces dispositifs avec les centres de santé. En effet, depuis la promulgation de l’accord national des centres de santé, en avril 2003, aucun dispositif conventionnel négocié avec les professionnels libéraux n’a été transposé aux centres de santé, malgré les demandes répétées des représentants de ces derniers dans le cadre des instances paritaires conventionnelles.

Il nous semble pourtant que cette situation, que certains pourraient considérer comme inégalitaire lorsque l’on compare la situation des médecins libéraux à celle des centres de santé, n’est pas justifiée.

Ainsi, je voudrais que l’on m’explique pourquoi et en raison de quel principe les centres de santé dont les médecins salariés prennent en charge un patient atteint d’une affection de longue durée, ou ALD, ne bénéficient pas, contrairement aux omnipraticiens libéraux, du forfait annuel de 40 euros.

Je voudrais que l’on m’indique les motifs qui conduisent à ne pas appliquer aux centres de santé les dispositions conventionnelles concernant notamment la rémunération des médecins participant au dépistage du cancer colorectal, la rémunération des médecins participant à la permanence de soins, ou encore le financement de la mise à disposition des centres de santé de tests de diagnostic rapide des angines.

Nous sommes convaincus que rien ne justifie l’absence de transposition aux centres de santé des éléments issus de la négociation conventionnelle.

Je voudrais par ailleurs souligner que le rapport Acker préconisait précisément « d’intégrer dans l’accord national avec la CNAMTS les points de non-transposition par rapport à la convention libérale et de mettre en place l’instance de représentation des centres de santé prévue par la loi du 4 mars 2002 », et que votre gouvernement a supprimée au début de nos travaux.

Suivant ces recommandations, et dans un souci d’équité à l’égard des centres de santé, nous vous invitons à voter en faveur de notre amendement.

J’ai pu constater que M. le président de la commission avait été particulièrement intéressé par ma présentation ! J’espère donc qu’il se montrera plus favorable que par le passé aux centres de santé…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je comprends le but, mais je n’approuve pas la méthode !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur About, ne commencez pas à titiller M. Autain ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l’amendement n° 717.

M. Jacky Le Menn. Le présent amendement participe du même esprit que celui de M. Autain. Il vise à instaurer un principe d’égalité de traitement entre les centres de santé et les professionnels libéraux, dans le prolongement d’autres amendements.

Nous pensons qu’il est important de faire figurer ce principe à chaque étape de ce texte. Nous estimons notamment que l’assurance maladie doit appliquer strictement ce principe d’égalité entre les différentes modalités d’exercice de la médecine.

En effet, trop souvent, dans le cadre conventionnel, les centres de santé ne sont pas traités de la même façon que les autres acteurs de l’offre de soins de premier recours. C’est d’ailleurs ce qu’a prouvé le rapport d’information présenté en octobre 2008 au nom de la mission d’information sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, qui, je le rappelle, a été adopté à l’unanimité !

Il est évident que l’assurance maladie ne transpose pas comme elle le devrait les mesures adoptées conventionnellement avec les syndicats de médecins libéraux aux centres de santé.

Pourtant, ces structures doivent subsister, car elles proposent aux populations un accès à des praticiens à des tarifs opposables. Elles sont donc parfaitement complémentaires de l’offre de soins libérale en permettant à des populations plus modestes un accès aux soins facilité. À Paris, madame la ministre, vous le savez, dans les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements, trois centres de santé sont aujourd’hui quasiment en faillite et s’apprêtent à fermer.

Cette situation, qui frappe nos concitoyens les plus fragiles n’est pas tolérable. Ne pénalisons pas les centres de santé. Il est de notre devoir d’inscrire ce principe dans la loi !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Nous avons déjà beaucoup discuté de ces questions en commission, où ces dispositions ont reçu un avis défavorable. Les termes du débat étant les mêmes aujourd’hui, en séance plénière, les termes de l’avis sont eux aussi identiques !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis un peu surprise de cette demande d’alignement, car les centres de santé présentent des spécificités.

Vous le savez, monsieur Autain, je milite en faveur des centres de santé. Je l’ai d’ailleurs prouvé au travers d’amendements et en leur offrant certaines possibilités.

Les centres de santé traduisent leurs spécificités dans une convention qui leur est propre. Cette convention régit leurs rapports avec l’assurance maladie. Elle est plus favorable aux centres de santé sur certains points et plus exigeante sur d’autres, à la demande des représentants des centres eux-mêmes. Elle est d’ailleurs en ce moment en cours de renégociation avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM.

Vous parliez notamment du forfait que touche le médecin traitant. Il est, dans les centres de santé, de 46 euros, alors que son montant n’est que de 40 euros pour un médecin d’exercice libéral !

M. Guy Fischer. Est-ce bien vrai ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je veux bien que vous parliez d’aligner le montant de ce forfait, mais si vous le faites, les centres de santé perdront six euros !

Autre exemple : dans le secteur dentaire, les centres de santé reçoivent des forfaits pour le diagnostic et le suivi des patients. Ces forfaits n’existent pas dans les cabinets de chirurgie dentaire libéraux. Ils s’élèvent à 50 euros pour le diagnostic et 30 euros pour le suivi, parce que l’on considère que les centres de santé ont vocation à faire de la prévention auprès de populations particulièrement précaires.

Je crois donc qu’il convient de conserver les spécificités des centres de santé.

En tout état de cause, l’égalité des tarifs opposables demandés aux patients est, quant à elle, garantie. D’ailleurs, vous n’en avez pas parlé.

Les centres de santé ont pleinement profité des récentes revalorisations des médecins, des infirmières ou des masseurs-kinésithérapeutes, ou encore de la CCAM.

Il est très important de préserver la culture et la spécificité des centres de santé, que je défends. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Madame la ministre, je prends acte de vos déclarations. Peut-être suis-je mal informé. Les représentants des centres de santé, que j’ai rencontrés, m’ont pourtant indiqué n’être pas bénéficiaires du forfait de 40 euros, contrairement à leurs collègues de médecine libérale. Vous m’indiquez qu’ils ont droit à un forfait de 46 euros. J’avoue ne pas comprendre.

Quoi qu’il en soit, puisque vous défendez, comme moi, les centres de santé, vous ne devriez pas voir d’inconvénient à insérer l’article que je propose dans le code de la santé publique. Je ne comprends pas comment nous pouvons être d’accord sur les objectifs, mais pas sur les moyens !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, ce sont des médecins salariés. Ils n’ont pas connaissance des forfaits, contrairement aux médecins libéraux !

M. François Autain. Je maintiens tout de même mon amendement. Nous aurons certainement l’occasion de reparler de ce sujet ultérieurement.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 468 et 717.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 469, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement dépose sur le Bureau de l'une des assemblées, au plus tard le 1er janvier 2010, un rapport étudiant l'opportunité de modifier la législation, et plus particulièrement l'arrêté du 21 mars 2005 relatif à la classification commune des actes médicaux remplaçant l'ancienne nomenclature générale des actes professionnels, afin d'autoriser les titulaires du diplôme de médecine générale à coter dans les mêmes conditions que les autres médecins spécialistes.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. La loi de 17 janvier 2002 de modernisation sociale avait notamment pour objectif d’encourager les étudiants en médecine à s’orienter vers la médecine générale en reconnaissant celle-ci comme une spécialité.

Toutefois, les omnipraticiens se retrouvent dans une situation particulière : ils sont désormais considérés comme des spécialistes, mais ne peuvent pas coter comme tel, c’est-à-dire en CS, ce qui correspond à une rémunération égale à 23 euros. J’espère que je ne raconte pas de bêtises ! (Sourires.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous souhaitez un dépassement ?

M. Guy Fischer. Si nous voulons véritablement valoriser la spécialité de médecine générale auprès des étudiants, il faut mettre rapidement fin à cette incohérence.

De plus, cette situation engendre une grande instabilité juridique, puisqu’une action en justice a été entamée par les médecins généralistes.

En effet, la cour d’appel de Grenoble a reconnu, infirmant par là même la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence, la possibilité de coter au tarif CS. La CNAM, qui est opposée à cette décision, s’est naturellement pourvue en cassation, afin de contraindre les médecins généralistes à coter au tarif C.

Cette bataille juridique a pour conséquence de faire peser sur les patients un risque quant au remboursement de leurs consultations puisque, en l’absence d’une jurisprudence établie, les CPAM s’estiment fondées à ne pas traiter les feuilles de soins émises par des médecins généralistes cotant au tarif CS.

Notre amendement, qui prévoit le dépôt d’un rapport sur la question, est en réalité un amendement d’appel. Nous entendons faire naître la réflexion : ce qui est en jeu est non pas tant la différence financière entre une cotation C et une cotation CS – qui n’est que d’un euro – que la reconnaissance effective de la spécialité de médecine générale.

Par ailleurs et pour conclure, je voudrais souligner que, si nous sommes favorables à la confirmation de la décision de la cour d’appel de Grenoble, nous sommes opposés à ce que l’euro supplémentaire, c'est-à-dire la différence entre la cotisation C et la cotisation CS, soit financé par les patients, qui s’acquittent déjà des franchises médicales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car elle estime que cette mesure relève plutôt de la politique conventionnelle et de la loi de financement de la sécurité sociale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Fischer, je vais vous répéter les propos que j’ai tenus hier à M. Vasselle.

Sur un plan juridique, le rétablissement du tarif à 23 euros ne vaut que pour le médecin qui a esté en justice, et en aucun cas pour l’ensemble des médecins. La qualification en médecine générale n’emporte pas un droit à tarification. Les médecins qui porteraient cette tarification à 23 euros risquent d’exposer leurs patients à ne pas se voir rembourser non pas l’euro supplémentaire, mais l’ensemble de la consultation.

Je connais votre assiduité à tous nos débats, en particulier à ceux qui sont relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale : vous savez donc que l’augmentation du tarif C à 23 euros a été provisionnée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Dans le cadre de la négociation conventionnelle, j’ai conditionné cette augmentation à des progrès sur la démographie médicale et sur l’accès aux soins. Vous ne pouvez, me semble-t-il, qu’être sensible à la demande que j’ai formulée. La balle est maintenant dans le camp des médecins, car l’argent est là !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 469.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 498 rectifié, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

L'existence d'une convention conclue entre les membres des professions médicales et les entreprises ou établissements mentionnés au premier alinéa doit être rendue publique. Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. 

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. La disposition qui fait l’objet de cet amendement avait déjà été adoptée par le Sénat à l’occasion de la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, avant d’être rejetée en commission mixte paritaire.

Madame la ministre, vous aviez alors déclaré comprendre notre volonté de transparence, tout en exprimant des réserves sur les atteintes à la vie privée qu’une telle disposition pourrait engendrer.

La rédaction de cette disposition a donc été modifiée pour tenir compte de ces réserves. Nous proposons dorénavant de rendre publique uniquement l’existence de liens d’intérêts, le contenu de la convention n’étant pas concerné et restant privé, entre un professionnel médical et une entreprise produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits.

Nous ne pouvons hélas ! que le constater, rien ne permet encore à ce jour de mettre en œuvre les dispositions sur la transparence des liens entre les médecins et les industriels, pourtant inscrites dans la loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. L’obligation de transmission des conventions au conseil de l’Ordre n’y contribue pas.

La publication, tardive, du décret d’application de l’article 26 de la loi de 2002, qui précise les conditions dans lesquelles doit être effectuée l’information du public sur « l’existence de liens directs et indirects » entretenus par le professionnel de santé qui s’exprime et un laboratoire, n’a rien changé.

C’est sans doute pour cette raison que vous n’avez pas répondu, madame la ministre, à la question écrite que je vous avais adressée en juillet dernier. Il est vrai que ce n’est qu’une des nombreuses questions auxquelles vous n’avez pas répondu.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mme Bachelot-Narquin est le ministre qui reçoit le plus de questions écrites !

M. François Autain. Elle n’en reçoit pas beaucoup de ma part.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Un certain nombre, tout de même…

M. François Autain. Je vous pose donc de nouveau ma question à l’occasion de la présentation de cet amendement, madame la ministre. Je comprends votre embarras : il est très difficile de dresser le bilan de l’application d’une mesure qui n’est pas appliquée !

L’enquête menée très récemment par l’association UFC-Que choisir et le collectif FORMINDEP démontre, au travers de l’observation du comportement de cent cinquante professionnels de santé au cours de leurs interventions dans trente médias de tous genres, publics et professionnels, que la loi n’est toujours pas respectée. L’UFC-Que choisir a d’ailleurs décidé de porter plainte contre neuf de ces médecins leaders d’opinion pour non-respect de la loi sur la transparence de l’information médicale.

Si le Gouvernement ne fait rien et si le conseil de l’Ordre ne peut rien, alors il est possible d’accorder aux citoyens le droit de savoir si les professionnels de santé auxquels ils s’adressent ont des liens d’intérêts, ou non, avec des firmes.

Toute argumentation visant à refuser cet amendement au nom du respect de la confidentialité n’a pas de sens : que je sache, personne n’a jamais avancé un tel argument pour refuser la publication des liens d’intérêts des membres des commissions de la Haute Autorité de santé et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé !

Mon amendement tend à rendre plus transparent un domaine qui ne l’est guère. C’est pourquoi, madame la ministre, je comprendrai difficilement que vous y soyez défavorable.

Mme la présidente. L'amendement n° 716, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le premier alinéa de l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les conventions conclues entre les membres des professions médicales et les entreprises ou établissements mentionnés au premier alinéa doivent être rendues publiques. Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

II. - En conséquence, dans le second alinéa du même article, les mots : « à l'alinéa » sont remplacés par les mots : « aux alinéas ».

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Comme vous le savez, madame la ministre, depuis le 25 mars 2007, date de la parution du décret d’application, l’article 26 de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est enfin applicable : il s’agit de l’article L. 4113-13 du code de la santé publique.

Celui-ci prévoit que tout professionnel de santé – médecins, pharmaciens – doit déclarer ses liens d’intérêts avec les entreprises commercialisant ou fabriquant des produits de santé ou avec des organismes de conseil intervenant sur ces produits.

Cet article avait pour objectif d’imposer l’indépendance et de renforcer la transparence, qui sont essentielles non seulement pour garantir des soins de meilleure qualité, mais également pour réduire les dépenses de sécurité sociale.

Cependant, cette obligation ne contraint les professionnels que lorsqu’ils s’expriment sur des produits de santé lors d’une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle.

Le présent amendement vise à accroître la transparence concernant les liens qui peuvent exister entre des professionnels de santé et des entreprises privées, et à étendre substantiellement l’éventail des cas où les professionnels de santé se voient contraints de faire connaître les liens qu’ils nouent avec les entreprises privées.

Il s’agit ainsi de permettre au patient, comme à n’importe quel citoyen, de connaître l’existence de liens entre les médecins et les entreprises hors du simple cadre de la communication publique. Le contenu de la convention n’a pas à être rendu public, seule l’existence du lien unissant le médecin à l’entreprise devant être mentionnée.

Mes chers collègues, vous en conviendrez, il serait en effet plus que fâcheux que l’on puisse remettre en cause l’impartialité scientifique, qui doit être à la base du travail de tout professionnel de la santé. Sans compter qu’une information subjective, partisane, émise par un professionnel de santé à destination d’un patient, d’un confrère ou de n’importe quel citoyen peut entraîner des soins injustifiés et avoir de graves conséquences en termes de santé publique.

Notre amendement tend à reprendre celui qui a été présenté par nos collègues du groupe CRC-SPG et adopté par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, avant d’être rejeté en commission mixte paritaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Ces amendements quasi identiques visent à étendre le champ de l’obligation de publicité faite aux professionnels de rendre publics leurs liens avec l’industrie du médicament au-delà des cas où le professionnel s’exprime publiquement.

Cette publicité ne nous ayant pas semblé nécessaire pour garantir la qualité des soins dispensés, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons. La transmission à l’Ordre garantit le respect de la déontologie.

Cette publicité se heurterait à des difficultés juridiques, qui ont été rappelées en creux des interventions des auteurs de ces amendements, au regard de la nécessaire confidentialité de certains aspects des contrats. Il serait de plus assez difficile d’identifier les contrats appelés à être rendus publics. Une telle proposition exige, à tout le moins, une concertation préalable avec les professionnels de santé.

Monsieur Autain, je tiens à m’excuser de n’avoir pas répondu à votre question écrite. Comme l’a signalé M. le président de la commission des affaires sociales, je suis effectivement le ministre qui reçoit le plus de questions écrites – près de 7 000 par an, contre 3 500 pour le ministre suivant.

M. Guy Fischer. Comment expliquer cela ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Depuis mon arrivée au ministère de la santé, leur nombre est d’ailleurs en très forte augmentation. Je dois l’admettre, j’ai pris du retard.

M. François Autain. On s’en était rendu compte !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai toutefois signalé votre demande, et vous recevrez une réponse dans les prochains jours.

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je ne reviendrai pas sur les arguments du rapporteur qui, comme d’habitude, sont inexistants. (M. le rapporteur s’exclame.) Peut-être ces propos vont-ils l’inciter dorénavant à argumenter lorsqu’il exprime l’avis de la commission…

Madame la ministre, je comprends que vous ne puissiez pas répondre à toutes les questions écrites qui vous sont adressées, mais je vous signale que j’en ai posé une il y a deux ans qui n’a toujours pas reçu de réponse.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vais m’y atteler !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est la prochaine ! (Sourires.)

M. François Autain. Nous allons y venir, parce que je transforme toutes mes questions écrites, d’abord en questions orales, puis je les pose directement en séance.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Donc, rien ne se perd !

M. François Autain. Vous n’aurez même plus besoin de répondre à mes questions écrites, et peut-être même ne vais-je plus en poser, me réservant la possibilité de vous interroger directement en séance, à condition que mes collègues aient la patience de le supporter !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La mienne est infinie !

M. François Autain. Je m’en suis en effet aperçu.

Madame la ministre, je ne comprends pas votre réticence à rendre publics ces contrats étant donné que vous ne faites pas preuve de la même retenue lorsqu’il s’agit, pour ces mêmes médecins, de publier leurs liens d’intérêts à la HAS et à l’AFSSAPS.

Là, il y a vraiment deux poids, deux mesures, mais peut-être pourrez-vous m’en donner les raisons. À tout le moins, vous devriez veiller à ce que les praticiens, les grands professeurs auxquels vous recourez pour la rédaction de vos rapports respectent la législation.

Je veux citer le cas du professeur Bernard Charbonnel, que certains ici connaissent – j’ai très bien connu son père qui fut l’un de mes professeurs à Nantes –, qui est un brillant endocrinologue et à qui vous avez confié une tâche importante, à savoir la rédaction du rapport Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Qu’il a rédigé avec M. Christian Saout.

M. François Autain. Effectivement. Par curiosité, j’ai voulu savoir si M. Charbonnel respectait la loi de 2002 dont on vient de parler à l’instant. Malheureusement, j’ai dû me rendre à l’évidence : ce n’était pas le cas. Il a fallu que je passe par des publications américaines pour le savoir.

En effet, M. Charbonnel a énormément de liens d’intérêts - ces liens ont été signalés dans sa déclaration publique d’intérêts remplie à la fin du mois de mars 2009 – avec les laboratoires GSK, Takeda, Merck MSD, Pfizer, Sanofi-Aventis. Il est membre du Medical Congress Editorial, site soutenu par Sanofi-Aventis.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. S’il travaille avec tout le monde, c’est plutôt rassurant !

M. François Autain. Il publie aux États-Unis où la législation sur l’obligation de la publication des liens d’intérêts avec les laboratoires avant toute expression publique est, elle, appliquée – c’est comme cela que j’ai pu connaître ces liens d’intérêts.

Ce n’est malheureusement pas le cas en France. Je constate, madame la ministre, que, en l’occurrence, la loi n’a pas été respectée. Vous n’êtes sans doute pas responsable mais il faudrait au moins veiller à ce que les professeurs à qui vous confiez des rapports publient leurs liens d’intérêts.

Cela pourrait être intéressant, d’autant plus que, en la circonstance, il ne s’agit pas de n’importe quel rapport ; il s’agit d’un rapport sur l’éducation thérapeutique et l’on y reviendra lors de l’examen de l’article 22 qui, comme vous le savez, concerne directement ou indirectement les laboratoires.

Par conséquent, même si vous ne voulez pas que ces liens soient divulgués, il faudrait au moins que vous appliquiez la législation en ce qui vous concerne.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elle est appliquée !

M. François Autain. C’est la seule observation que je ferai, en regrettant que vous ne vouliez pas vous en donner les moyens.

D’ailleurs, M. Charbonnel est l’objet d’une plainte de la part de l’UFC-Que Choisir. Il fait partie des neuf praticiens qui sont visés par cette association.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.

M. Jacky Le Menn. Madame la ministre, je m’associe aux réflexions qui viennent d’être formulées par notre collègue M. Autain.

Je suis persuadé que vous voulez la plus totale transparence. Je sais également que vous êtes saisie de très nombreuses questions et qu’il vous est matériellement difficile d’y répondre. C’est tout à fait compréhensible.

Mais il existe des dossiers très sensibles, c’est le cas de celui-là. Dans l’intérêt des patients et des professionnels de santé, on ne peut pas laisser subsister l’ombre d’un doute sur l’indépendance dans le cadre de travaux dits scientifiques et publiables. Il y a une foule de naïfs – terme qui n’est pas péjoratif dans ma bouche – qui accordent crédit aux qualités des personnes qui s’expriment.

Malgré la masse de travail qui est la vôtre, il faudrait que vous puissiez trouver le moyen d’accélérer la réflexion sur ce dossier. Nous y serions tous gagnants, et notamment vous-même.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, il est extrêmement délicat, pour ne pas dire inconvenant, de faire référence à un cas particulier dans une discussion parlementaire : la personne que vous avez citée ne peut pas s’exprimer de manière contradictoire. Vous risquez d’entretenir des risques d’amalgame et de confusion. Je trouve ce procédé peu élégant et je m’étonne que vous y ayez recours. (M. Gilbert Barbier s’exclame.)

Je n’ai aucune raison de mettre en doute l’honorabilité du professeur Charbonnel, qui a fait, dans le cadre de cette évaluation de l’éducation thérapeutique, un remarquable travail, lequel a été salué par l’ensemble de la communauté scientifique et de la communauté associative. Les personnes qui travaillent pour la Haute Autorité de santé - ce qui n’était pas le cas en l’occurrence - transmettent évidemment les liens qu’elles peuvent avoir avec des groupes d’intérêt, en particulier l’industrie pharmaceutique et, à ma connaissance, cette prescription est respectée.

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Il n’est pas question de mettre en cause l’honneur du professeur Charbonnel. (Exclamations sur plusieurs travées de lUMP.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Alors, cessez de le faire !

M. Gilbert Barbier. Oui, ça suffit !

M. François Autain. M. Charbonnel est un éminent spécialiste et ce n’est pas porter atteinte à son honneur que de faire état des déclarations publiques d’intérêts qu’il a faites à la HAS. C’est public !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il a respecté la législation !

M. François Autain. Je ne vois pas en quoi je porte atteinte à l’honneur de M. Charbonnel, qui a tout à fait le droit de travailler pour un laboratoire. On lui demande simplement de respecter la loi.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il l’a respectée !

M. François Autain. Non, car il aurait dû, dans son rapport, dire qu’il avait des liens d’intérêts avec les nombreux laboratoires que j’ai cités tout à l’heure.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela n’aurait eu aucun intérêt !

M. François Autain. Je déplore que vous n’ayez pas été là pour lui faire respecter la loi.

Pour dépasser le cas particulier de M. Charbonnel, je signale qu’un certain nombre de médecins ont également fait l’objet d’une publication dans le magazine Que Choisir.

M. Gilbert Barbier. Que Choisir, ce n’est pas le Journal officiel !

M. François Autain. Sont cités : MM. Laurent Boccon-Gibod, Yves Dauvilliers, Philippe Faucher, Xavier Girerd, Serge Halimi, Mme Florence Pasquier, MM. Henri Rozenbaum et Olivier Ziegler. Ainsi, vous ne pourrez pas m’accuser de faire un cas particulier. (Vives exclamations sur plusieurs travées de lUMP et sur certaines travées du RDSE.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est sous Staline que l’on dressait des listes !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ou sous la Terreur !

M. François Autain. Mais, encore une fois, je ne porte pas du tout atteinte à l’honneur de M. Charbonnel,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Rétablissez la loi sur les suspects !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous refaites la loi des suspects ; faites attention, cela a coûté cher à ceux qui faisaient les listes !

M. François Autain. … je ne fais qu’énoncer des liens d’intérêts qui sont publics et qui auraient dû figurer dans son rapport.

M. Gilbert Barbier. C’est honteux ! Les intéressés ne sont pas là pour se défendre !

Mme la présidente. Mes chers collègues, retrouvons le calme !

M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, vous pourriez intervenir lorsqu’il y a des accusations personnelles !

Mme la présidente. Quand vous serez président, monsieur Barbier, vous ferez comme vous l’entendez !

Je mets aux voix l'amendement n° 498 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 716.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Articles additionnels après l'article 14 quinquies (précédemment réservés)

Article additionnel après l'article 14 quater (précédemment réservé)

Mme la présidente. L'amendement n° 895 rectifié, présenté par M. Juilhard, est ainsi libellé :

Après l'article 14 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le chapitre III ter du titre II du livre troisième de la sixième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre III quater ainsi rédigé :

« Chapitre III quater

« Dotation de financement des services de santé

« Art. L. ... - Les réseaux de santé, centres de santé, maisons de santé et pôles de santé signataires du contrat mentionné à l'article L. 1435-3, peuvent percevoir une dotation de financement du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins, dans les conditions prévues à l'article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale. Cette dotation contribue à financer l'exercice coordonné des soins. Son montant est fixé chaque année dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Alain Milon, rapporteur. Je le reprends, madame la présidente.

Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 895 rectifié bis, présenté par M. Milon, au nom de la commission.

Vous avez la parole pour le présenter, monsieur le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à simplifier et à compléter les dispositions relatives à la dotation de financement que percevront les structures de soins ambulatoires de la part du FIQSV pour le financement de l’exercice coordonné des soins.

Cet amendement avait reçu un avis favorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 895 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14 quater.

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Articles additionnels après l'article 14 quinquies (précédemment réservés)

Mme la présidente. L'amendement n° 711 rectifié, présenté par M. Jeannerot, Mme Schillinger, MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, Mirassou et Rebsamen, Mmes Printz et Le Texier, MM. Teulade, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 14 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La médecine vasculaire est une spécialité.

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Cet amendement vise à reconnaître la médecine vasculaire comme une spécialité.

En effet, il n’est pas normal que la médecine vasculaire reste dans un statut de sous-spécialité, alors que, en raison du vieillissement de la population, les besoins en traitements vasculaires vont croître. L’Europe a bien compris la nécessité de faire évoluer la médecine vasculaire. C’est pourquoi l’Union européenne des médecins spécialistes l’a reconnue comme une spécialité.

La médecine vasculaire est la discipline qui intervient dans la prévention, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients atteints d’affections vasculaires périphériques, artérielles, veineuses, lymphatiques et de la microcirculation.

Les maladies vasculaires périphériques constituent d’importants problèmes de santé publique, et sont, pour leur très grande majorité, prises en charge par les médecins vasculaires. En effet, ils prennent en charge des patients atteints de maladies comme la maladie thromboembolique, l’artériopathie des membres inférieurs et l’insuffisance veineuse chronique.

Les médecins vasculaires se consacrent exclusivement à leur discipline et n’exercent en aucune façon la médecine générale. Ils sont, dans les faits, considérés comme des spécialistes à part entière par leurs patients et par leurs confrères de toutes disciplines qui leur adressent leurs malades pour diagnostic, avis et traitement.

Or la médecine vasculaire, bien qu’elle soit accessible après quatre ans de formation de troisième cycle, n’est toujours pas une spécialité médicale officiellement reconnue ; c’est un « mode d’exercice particulier » de la médecine générale.

Le nombre de postes d’internes validant pour ce cursus pourrait être fixé en tenant compte des besoins de la population. Imposer un numerus clausus de quarante par an réduirait de plus de 50 % le nombre de médecins qui délaissent actuellement la médecine générale au profit de la médecine vasculaire. En effet, aujourd’hui, les capacités en angiologie forment environ 100 médecins par an qui sont issus de l’internat de médecine générale, privant cette spécialité d’autant de futurs médecins.

Aujourd’hui, en France, 1 975 médecins exercent cette profession, dont 200 praticiens hospitaliers, les autres sont des médecins libéraux. Ils examinent six millions de patients par an, qui, à l’avenir, seront de plus en plus nombreux.

La reconnaissance de la spécialité est indispensable pour éviter qu’elle ne disparaisse. Or cette disparition serait une perte de chance et une erreur dramatique en termes de santé publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Sans revenir sur tout ce qui a été dit par M. Le Menn sur la médecine vasculaire, que je connais bien, je souligne que cette question relève plus du domaine réglementaire que du domaine législatif.

Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable au niveau législatif. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis défavorable à cet amendement.

Actuellement, les médecins vasculaires qui ont un diplôme d’études spécialisées complémentaires – DESC – de type 1 peuvent parfaitement faire de la médecine vasculaire en plus de leur exercice de médecine générale.

Je sais que de nombreux groupes se déploient sur ce sujet ; ils pensent et essaient de faire accroire que cela ferait abandonner l’exercice de la médecine vasculaire. Ce n’est pas du tout le cas ! Ils veulent, à partir de ce DESC de type 1, faire en sorte que les médecins accèdent à l’exercice exclusif.

J’y suis évidemment tout à fait opposée, car un grand nombre de médecins généralistes en formation risqueraient de s’orienter vers une pratique professionnelle autre que celle de la médecine générale de premier recours.

D’ailleurs, au niveau européen, monsieur Le Menn, il n’est pas question d’en faire une spécialité qualifiante, bénéficiant d’une reconnaissance mutuelle automatique au sein des vingt-sept États membres. Les médecins qui le demandent et que j’ai reçus personnellement à mon cabinet savent d’ailleurs très bien qu’ils peuvent continuer à exercer dans le cadre de ce DESC de type 1 la médecine vasculaire en plus de leur exercice généraliste.

Je ne souhaite pas assécher encore un peu plus la filière de médecine générale. Nous en avons tous été d’accord au cours de cette discussion, vous le premier.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 711 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 667 est présenté par M. Houpert.

L'amendement n° 853 est présenté par MM. P. Blanc et Laménie.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 14 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 21° Le contenu et les contreparties financières du contrat d'amélioration des pratiques auquel peuvent adhérer les médecins conventionnés. Ce contrat peut porter sur la prescription, la participation à des actions de dépistage et de prévention, des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins, la participation à la permanence de soins, le contrôle médical, ainsi que toute action d'amélioration des pratiques, de la formation et de l'information des professionnels. »

L’amendement n° 667 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l'amendement n° 853.

M. Marc Laménie. Le contrat d'amélioration des pratiques qui peut être proposé aux médecins conventionnés et aux centres de santé doit rester du domaine conventionnel et être négocié par les partenaires conventionnels pour devenir une option conventionnelle à choix individuel, et ce afin de ne pas conduire à des conventionnements individuels qui videraient de tout sens la convention nationale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet avis portera sur les amendements nos 853, 852 et 854 qui sont sensiblement identiques.

Ces trois amendements très proches ont le même objet : revenir sur le contrat d’amélioration des pratiques individuelles, le CAPI, qui a été adopté lors de l’examen du texte qui est devenu la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

La commission était évidemment favorable à la mesure du PLFSS pour 2008. Elle n’a pas changé d’avis sur la question.

Le CAPI est un contrat passé entre le directeur de la CPAM du lieu d’exercice et les médecins libéraux conventionnés qui le souhaitent. Il prévoit une rémunération à la performance selon l’atteinte d’objectifs individualisés en termes de prescription de médicaments, de vaccination, de dépistage et de suivi. Il est proposé pour trois ans.

La décision officialisant la mise en place du CAPI est parue au Journal officiel du 21 avril dernier.

L’objectif de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, est d’atteindre 5 000 adhésions d’ici à la fin de l’année 2009, soit un peu plus de 8 % des médecins déclarés comme médecins traitants.

En conséquence, la commission demande le retrait des amendements nos 853, 852 et 854 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. De la même façon, ma réponse vaudra pour les trois amendements.

Monsieur Laménie, le CAPI est issu, comme l’a rappelé le rapporteur, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Nous avons ainsi voulu permettre aux médecins volontaires qui le souhaitent de développer leurs relations avec l’assurance maladie et compléter le dispositif conventionnel, qui garde toute sa valeur, en introduisant la notion de paiement à la performance.

J’ai approuvé mi-avril le contrat type sur lequel nous avons longtemps travaillé avec les représentants des médecins et des instances scientifiques, notamment la Haute Autorité de santé.

D’ailleurs, depuis la semaine dernière, des CAPI sont signés. Nous en comptons déjà une dizaine ; nous devrions atteindre l’objectif rappelé par le rapporteur, à savoir 5 000 contrats volontaires.

Les concertations ont eu lieu avec les organisations professionnelles et les instances d’expertise. Il n’y a donc aucune raison d’attendre. Ce nouveau dispositif doit prendre son envol sans délai, sur la base du volontariat. Il pourra ainsi être évalué.

Au motif de ces explications, vous pourriez, monsieur Laménie, retirer votre amendement n° 853, de même que les amendements nos 852 et 854.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Je profiterai de l’examen de l’amendement de nos collègues Paul Blanc et Marc Laménie sur le renvoi aux négociations conventionnelles pour poser une question à Mme la ministre.

Auparavant, je précise simplement que, pour les raisons expliquées par le rapporteur, compte tenu des dispositions adoptées lors du PLFSS pour 2008 et des résultats déjà obtenus par le Gouvernement à travers la signature de ces contrats, il n’est sans doute pas souhaitable de maintenir cet amendement.

Madame la ministre, comment réagissez-vous aux propos tenus par le Président de la République cet après-midi même à Bordeaux ? Il ne s’agissait pas d’une injonction, mais il a très fortement invité sa ministre de la santé à aboutir enfin et très rapidement sur la question du secteur optionnel, par la prise en charge des honoraires supplémentaires. (MM. Guy Fischer et François Autain s’exclament.)

Or j’avais, madame la ministre, déposé plusieurs amendements sur le sujet, que j’ai retirés sur votre demande pressante.

Pas plus tard qu’hier, vous me faisiez remarquer qu’il n’était pas du ressort de la ministre de se mêler des négociations conventionnelles et de forcer la main aux partenaires conventionnels ! Vous m’avez donc demandé de retirer l’amendement que j’avais déposé concernant les généralistes.

M. François Autain. Pourquoi l’avoir retiré ? Il fallait le maintenir !

M. Alain Vasselle. Je vais donc observer avec intérêt la suite des événements. Ce que je demandais, qui n’était pas acceptable en l’état, deviendra peut-être possible à la demande du Président de la République.

M. Guy Fischer. Il faut croire qu’il vous a entendu !

M. Alain Vasselle. Il serait présomptueux de ma part de me comparer au Président de la République. (Sourires.) Mais on a quelquefois tort d’avoir raison trop tôt…

Nous allons peut-être enfin pouvoir avancer sur le secteur optionnel, et je m’en réjouis.

Le ministre Xavier Bertrand avait pris des engagements à ce sujet,…

M. Guy Fischer. Oui, lors du PLFSS !

M. Alain Vasselle. … mais il n’a pas pu les respecter. Vous y parviendrez, je n’en doute pas, madame la ministre.

Je viens de vous livrer une simple réflexion au passage, pour agrémenter notre débat…

M. Guy Fischer. C’est bien ! Il faut l’animer un peu ! 

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. Vasselle est un trop fin connaisseur de ces choses pour ignorer la différence qui existe entre un souhait partagé de la ministre de la santé et du Président de la République et une injonction législative qui est exprimée dans un texte : l’un et l’autre n’ont rien à voir.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et toc !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela pour solde de tout compte, monsieur Vasselle… (Sourires.)

Mme la présidente. Monsieur Laménie, l’amendement n853 est-il maintenu ?

M. Marc Laménie. Je remercie Mme la ministre et M. le rapporteur de leurs explications, au vu desquelles je retire l’amendement n° 853 et, puisque leur objet est identique, il en est de même pour les amendements nos 852 et 854.

Mme la présidente. Les amendements nos 853, 852 et 854 sont retirés.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 664 est présenté par M. Houpert.

L'amendement n° 852 est présenté par MM. P. Blanc et Laménie.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 14 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 162-12-21 du code de la sécurité sociale est abrogé.

L’amendement n° 664 n'est pas soutenu.

L’amendement n° 852 a été retiré.

L'amendement n° 854, présenté par MM. P. Blanc et Laménie, est ainsi libellé :

Après l'article 14 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article  L.162-32-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 9° Le contenu et les contreparties financières du contrat d'amélioration des pratiques auquel peuvent adhérer les centres de santé. Ce contrat peut porter sur la prescription, la participation à des actions de dépistage et de prévention, des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins, la participation à la permanence de soins, le contrôle médical, ainsi que toute action d'amélioration des pratiques, de la formation et de l'information des professionnels. »

 

Cet amendement a été retiré.

Articles additionnels après l'article 14 quinquies (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Articles additionnels avant l’article 16 (précédemment réservés)

Articles additionnels après l'article 15 (précédemment réservés)

Mme la présidente. L'amendement n° 728, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 632-9 du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Des enseignements dans le domaine de la santé environnementale sont dispensés à tous les étudiants en médecine et ouverts aux divers professionnels impliqués dans ce domaine. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Le Plan national santé-environnement 2004-2008 relevait l’absence d’une « culture de l’environnement et de ses relations avec la santé qui soit suffisamment diffuse au sein de la population pour permettre une implication, pourtant essentielle, du citoyen dans la prise de décision publique et pour influencer notablement les comportements individuels et collectifs. »

En effet, les professionnels des différents secteurs, à l’exception de ceux qui exercent spécifiquement dans le domaine de la santé environnementale, se cantonnent le plus souvent à leur discipline et sont encore peu sensibilisés à ce type d’approche transversale.

C’est pourquoi il convient de développer une politique de formation et d’information en matière d’environnement et de santé, destinée à différentes catégories de public – professionnels, salariés, élus, citoyens... Il s’agit de permettre à chacun d’intégrer la relation entre l’environnement et la santé afin d’adapter ses pratiques, d’assumer au mieux ses responsabilités et de prendre part aux décisions qui le concernent.

Le PNSE prévoyait notamment dans son action 41 d’intégrer la dimension santé-environnement dans les formations initiales de l’ensemble des professions de santé. (L’orateur interrompt son propos en raison de murmures de conversations au banc des commissions.)

Je sors d’un débat avec Arlette Chabot où François Bayrou et d’autres personnalités s’énervaient.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ah ! Ce n’est pas nous que ça arriverait ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Je retrouve ici encore des partisans de M. Bayrou qui s’énervent également pendant que j’interviens ! (Nouveaux sourires.)

M. François Autain. Le débat était sur quelle chaîne ?

M. Jean Desessard. Sur France 2.

D’ailleurs, vous avez raison, monsieur le président About, nous aurions dû prévoir des vacances parlementaires avant les élections européennes. Mais si cela n’a pas été fait, c’est sans doute que l’on ne prend pas ces élections très au sérieux !

Ainsi, un parlementaire ne peut pas participer à un débat public pour défendre ses conceptions de l’Europe. Pourtant, dans nos débats, l’Europe et ses décisions sont très importantes. (M. le président de la commission des affaires sociales demande la parole.) Puis-je continuer, monsieur le président de la commission ? Vous pourrez parler tant que vous voudrez après mon intervention !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est à Mme la présidente d’en décider !

Mme la présidente. Monsieur Desessard, poursuivez, s’il vous plaît !

M. Jean Desessard. Nous ne sommes pourtant pas très nombreux dans l’hémicycle, voulez-vous encore nous exclure ?

Certains partis ne sont pas même représentés. Mais peut-être considérez-vous que deux partis suffisent. Ils auraient ainsi tous les droits !

Et on l’a vu lors de l’examen du texte tendant à modifier le règlement de notre assemblée, non seulement ils auraient tous les droits mais ils auraient aussi tous les pouvoirs. Une seule personne pourrait même cumuler jusqu’à 140 voix !

Si telle est votre conception de la démocratie, monsieur About,…

M. Nicolas About, président de la commission des lois. Nous n’en sommes pas là !

M. Jean Desessard. … il faut le dire ! Maintenant, si vous le permettez, je vais revenir à mon propos.

Mme Marie-Thérèse Hermange. N’oubliez pas votre temps de parole…

M. Jean Desessard. De toute façon, à moins que vous ne changiez le règlement, si vous ne me laissez pas m’exprimer, soyez certain que je prendrai la parole plus tard. J’utiliserai mes cinq minutes pour l’ensemble des articles et des explications de vote.

Je suis venu présenter cet amendement. Si vous m’écoutez, monsieur le président About, je vous écouterai à mon tour.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous sommes là pour ça !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Desessard.

M. Jean Desessard. L’action 42 insistait plus particulièrement sur la nécessité d’intégrer la dimension santé-environnement dans la formation continue des professionnels de santé. En effet, cette dimension n’est qu’exceptionnellement abordée dans le cadre de la formation continue des médecins, des pharmaciens et des professions paramédicales.

Pour la réalisation de ces actions, le PNSE (Murmures de conversations au banc des commissions)… J’attends que M. le rapporteur ait terminé sa discussion !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vous écoute.

M. Jean Desessard. Vous avez le droit de ne pas m’écouter – vous pouvez lire un livre ou penser à certaines choses – mais ne parlez pas pendant mon intervention,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne parle pas !

M. Jean Desessard. … c’est la moindre des corrections ! À moins que vous ne considériez que le Parlement ne sert à rien…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne l’a pas dit !

M. Jean Desessard. Dans ce cas, permettez l’expression des minorités.

Pour la réalisation de ces actions, disais-je, le PNSE prévoyait de mettre à contribution l’École des hautes études en santé publique, l’EHESP, les universités, les agences spécialisées, et l’ensemble des établissements concernés. Il prévoyait également la création de diplômes appropriés.

Nous sommes en 2009 et rien, ou presque, n’a été fait pour développer l’enseignement de la santé environnementale et sensibiliser les jeunes médecins à ces problématiques.

C’est pourtant un maillon essentiel de la politique de prévention et de veille sanitaire.

Voilà pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement qui rendra obligatoire l’enseignement de la santé environnementale au cours des études de médecine, et l’ouvrira aux professionnels concernés pour leur formation continue.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur Desessard, je ne parlais pas, je vous écoutais avec beaucoup d’attention. Le voisinage d’Arlette Chabot semble vous avoir un peu excité et vous avez le sens de la provocation !

Par ailleurs, je ne savais pas que les vacances parlementaires que vous demandiez faisaient partie du programme de santé environnementale que vous souhaitez ! (Sourires.)

Cela dit, la définition du contenu du programme des études de médecine relève du domaine réglementaire.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est évidemment très important que la santé environnementale soit intégrée aux maquettes de formation des professionnels de santé, mais celles-ci sont déterminées par voie réglementaire.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur votre amendement.

Je souhaite apporter une précision sur un sujet qui vous tient à cœur, monsieur Desessard. J’ai reçu ce matin le préfet de Guyane et je lui ai exprimé l’intérêt tout particulier que je porte à la reconstruction et à la modernisation du centre de prévention de Twenké ; il est reparti muni de ce viatique et je suis convaincue qu’il sera très attentif à cette question.

M. François Autain. Cette nouvelle a apaisé notre collègue ! (Sourires.)

Mme la présidente. Monsieur Desessard, l’amendement n° 728 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Mon énervement ne m’a pas mis dans les meilleures dispositions pour accueillir une aussi bonne nouvelle ; je vous en remercie néanmoins, madame la ministre.

Monsieur le rapporteur, la santé environnementale est très importante, mais les vacances parlementaires pour la campagne des élections européennes le sont également ! Je me suis permis de faire une allusion à la nécessité de réserver un temps pour permettre aux parlementaires nationaux de participer au débat préalable aux élections européennes. Vous préfèreriez que je le dise à un autre moment ! Mais quand ? Je profite de ma présence dans l’hémicycle pour m’exprimer, puisque je ne peux pas participer à la campagne des élections européennes.

Cette situation est révélatrice de l’estime dans laquelle les parlementaires nationaux tiennent l’Union européenne. En effet, puisqu’ils sont maîtres de leur ordre du jour, s’ils n’interrompent pas leurs travaux, c’est qu’ils considèrent que les élections au Parlement européen sont moins importantes que des élections nationales. Cette situation me désole et j’estime que nous aurions pu interrompre nos travaux pendant une semaine.

M. Guy Fischer. Il a raison ! Nous aurions même dû nous arrêter quinze jours !

M. Jean Desessard. Quoi qu’il en soit, je maintiens mon amendement, car la santé environnementale n’est pas suffisamment prise en considération.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 728.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 481 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 729 est présenté par MM. Michel, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le 3° de l’article L. 162-12-9 du code de la sécurité sociale est complété par un membre de phrase ainsi rédigé : « ainsi que celles relatives à la durée minimum d’expérience professionnelle acquise en équipe de soins généraux au sein d’un établissement sanitaire, social ou médico-social ».

II. - Le 1° de l’article L. 162-9 du même code est complété par un membre de phrase ainsi rédigé : « ainsi que pour les orthophonistes, la durée minimum d’expérience professionnelle acquise au sein d’un établissement sanitaire, social ou médico-social ».

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. L’article L. 162-12-9 du code de la sécurité sociale concerne les relations qu’entretiennent les organismes d’assurance maladie avec les masseurs-kinésithérapeutes, alors que l’article L. 162-9 du même code à trait aux relations entre les organismes d’assurance maladie et les orthophonistes.

Avec cet amendement, nous proposons que les masseurs-kinésithérapeutes, et dans une moindre mesure les orthophonistes, en échange de la formation universitaire dont ils ont bénéficié dans les établissements publics de santé, réalisent, une fois diplômés, une période minimale d’exercice professionnel au sein de ces établissements.

Le mécanisme que nous proposons est très clairement inspiré de celui qui a été mis en place pour les infirmières, qui nous paraît être de nature à corriger une situation pénalisant, de fait, les établissements publics de santé, qui subissent parfois la concurrence de praticiens qu’ils ont contribué à former. En effet, ces établissements rencontrent aujourd’hui un certain nombre de difficultés pour recruter des masseurs-kinésithérapeutes et des orthophonistes.

Vous l’aurez compris, il s’agit là d’un amendement d’appel, destiné à attirer l’attention du Gouvernement sur ces difficultés. Nous ne saurions trop insister, madame la ministre, pour que vous preniez l’initiative de l’ouverture d’une négociation conventionnelle avec les deux professions visées par notre amendement.

En effet, si les orthophonistes – pour ne prendre que cet exemple – délaissent l’exercice en établissement public de santé au profit d’un exercice en cabinet, c’est que la rémunération à l’hôpital public est, en début de carrière, de 1 500 euros bruts en moyenne, quand elle s’élève à 2 000 euros en exercice libéral. Cette rémunération peut naturellement être plus importante en fonction de la patientèle.

Vous le savez, les parlementaires n’ont pas la capacité de légiférer sur la rémunération des praticiens hospitaliers. Mais si nous voulons favoriser l’activité des orthophonistes et des kinésithérapeutes dans les établissements publics de santé, il est impératif de revoir leur mode de rémunération. Or, madame la ministre, vous êtes la seule à détenir cette capacité.

C’est pourquoi nous considérons que vous devez provoquer rapidement l’ouverture d’une négociation conventionnelle, portant notamment sur la rémunération des élèves – je pense, par exemple, aux orthophonistes, pour lesquels nous pourrions proposer des périodes de formation dans les établissements publics de santé avec une rémunération garantie par l’État –, sur le numerus clausus et sur la contrepartie que nous estimons légitime à la rémunération que je viens de mentionner, à savoir une durée minimale d’exercice professionnel en équipe de soins généraux au sein d’un établissement de santé avant toute installation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l’amendement n° 729.

M. Jacky Le Menn. Je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 729 est retiré.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je suis sûr que notre collègue François Autain n’a pas oublié que nous avons examiné hier un amendement identique, l’amendement n° 758 à l’article 19, qui a recueilli un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Même explication qu’hier.

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je ne me souviens pas de l’explication qui a pu être donnée et je n’ai pas pris connaissance du compte rendu analytique de la séance d’hier. Je m’y reporterai et je remercie Mme la ministre des informations qu’elle m’a apportées. (Mme la ministre s’exclame.) Le procédé est cavalier !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, je peux vous donner une explication, si vous le souhaitez ! Comme je l’ai déjà indiqué à la Haute-Assemblée, il m’arrive de faire des réponses un peu elliptiques parce que j’ai déjà développé une argumentation lors de l’examen des amendements précédents, mais si un parlementaire me demande de nouvelles explications, je les lui donne bien volontiers !

M. François Autain. Merci, madame la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement vise à transposer expressément aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes le dispositif existant pour la formation des infirmières. Je partage ce souci de renforcer les effectifs de personnels de rééducation au sein des établissements de santé pour répondre à leurs besoins, mais cette mesure nécessite une concertation préalable entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les organisations représentatives de ces deux professions, dans le cadre du dialogue conventionnel. Car seule la convention, je l’ai rappelé hier, peut déterminer les conditions à remplir par ces praticiens pour être conventionnés.

Pour cette raison, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Autain, l’amendement n° 481 est-il maintenu ?

M. François Autain. Je remercie Mme la ministre de ses explications et je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 481 est retiré.

Mme la présidente. L’amendement n° 743, présenté par MM. Fichet, Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, M. Fauconnier, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1110-1-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les schémas prévus aux articles L. 1434-5, L. 1434-6 et L. 1434-10 prennent en compte les besoins des personnes en situation de handicap après consultation des associations de personnes en situation de handicap, de familles, de malades et de consommateurs agréées au sens des dispositions de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique. »

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Cet amendement vise à favoriser l’égalité des personnes en situation de handicap avec le reste de nos concitoyens.

La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 a affirmé les principes d’égal accès à la santé et de non-discrimination des personnes en situation de handicap. Or de nombreux obstacles empêchent encore aujourd’hui la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, comme tend à le démontrer l’audition publique relative à l’accès aux soins organisée par la Haute Autorité de santé et les associations représentant les personnes handicapées réunies au sein du comité d’entente, les 22 et 23 octobre 2008.

Cette audition publique a souligné la difficulté d’accès aux simples soins de base relevant de la gynécologie, de l’ophtalmologie, de l’orthodontie ; l’inaccessibilité physique des structures aux personnes ; l’absence de sensibilisation et de formation des professionnels de santé aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap, par exemple dans l’accueil aux urgences ; les difficultés d’articulation entre le secteur libéral, l’hôpital et le secteur médico-social ; les difficultés financières liées aux participations diverses : franchises, tickets modérateurs, restes à charge, notamment sur les aides techniques, et impossibilité d’accéder à une complémentaire santé de qualité.

Pour permettre la prise en compte des besoins des personnes en situation de handicap dans l’ensemble des politiques de santé – schéma régional de prévention, schéma régional de l’organisation sanitaire, schéma régional de l’organisation médico-sociale, etc. –, il est nécessaire de les mentionner dans les objectifs des documents d’orientation de l’agence régionale de santé et il est impératif que les associations de personnes en situation de handicap participent aux consultations préalables à l’élaboration de ces documents.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission approuve bien entendu l’objectif poursuivi, mais l’amendement est satisfait par le texte proposé par l’article 26 pour l’article L. 1434-10 du code de la santé publique.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je partage pleinement les préoccupations exprimées par M. Le Menn sur la prise en compte des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap. Ces préoccupations traversent tout ce projet de loi et il me semble qu’elles sont largement satisfaites.

Les différents schémas, vous l’avez vu lors de la discussion du titre IV, prendront en compte les besoins de la population dans la diversité de sa composition et, en particulier, ceux des personnes en situation de handicap. La création même des agences régionales de santé, en décloisonnant les secteurs médico-social et sanitaire et en améliorant leur articulation, permettra la prise en compte de cette problématique.

Nous pourrons ainsi développer de meilleures politiques de prévention pour dépister le handicap et mieux le prendre en compte. Nous pourrons aussi améliorer les relations des professionnels de santé qui œuvrent dans les structures médico-sociales avec les réseaux de santé et nous les sensibiliserons à la question du handicap, comme le prévoit l’article L. 1110-1-1 du code de la santé publique.

Il n’est pas nécessaire de préciser une nouvelle fois cette obligation. Les procédures de concertation sont déjà extrêmement denses, substantielles ; la conférence régionale de santé et de l’autonomie accordera toute leur place aux associations représentant les personnes en situation de handicap, qui n’étaient pas associées, jusqu’à présent, à la réflexion sur les questions sanitaires, à l’inverse des questions médico-sociales.

Le projet de loi comporte véritablement de très fortes avancées et il n’est peut-être pas opportun d’alourdir son dispositif par des procédures parallèles et redondantes. J’estime donc que votre préoccupation est satisfaite.

Mme la présidente. Monsieur Le Menn, l’amendement n° 743 est-il maintenu ?

M. Jacky Le Menn. Compte tenu des explications de Mme la ministre, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 743 est retiré.

L’amendement n° 690 rectifié, présenté par MM. Gillot, Antoinette, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer, le nombre et la répartition des postes d’internat par région et par spécialité médicale sont fixés sur proposition du comité régional de l’observatoire des démographies des professions de santé des régions d’outre-mer. Chaque comité régional transmet au ministère de la santé et au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche une évaluation et une prévision tri-annuelle de la répartition des postes d’internat.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Il est fondamental que, dès la rentrée prochaine, le nombre de postes d’internat pour l’ensemble des spécialités hors médecine générale dans les territoires d’outre-mer soit mieux adapté aux besoins futurs de ces territoires. En effet, alors que le taux d’occupation des postes de médecine générale s’est amélioré, le nombre de postes d’internes de spécialités médicales est notoirement insuffisant.

Le comité régional de l’Observatoire national de démographie des professions de santé compétent pour chaque région d’outre-mer pourra soumettre au ministère de la santé et au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche une prévision pluriannuelle de répartition des postes d’internat, par région et par spécialité médicale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Mon cher collègue, dans la mesure où le texte précise que la situation de chaque région sera examinée avant la fixation du nombre de postes d’interne, il n’y a aucune raison de prévoir un mécanisme spécifique pour l’outre-mer.

La commission vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Desessard, vous avez raison d’insister sur la situation de l’outre-mer. En effet, l’organisation du système de santé et de l’administration sanitaire est actuellement trop centralisée, alors qu’elle s’applique à des territoires extrêmement différents. Les territoires ultramarins en sont d’ailleurs l’exemple frappant.

C’est pour remédier à cette situation que j’entends déconcentrer cette organisation, sans rien renier, bien entendu, des responsabilités de l’État en la matière.

En réalité, vos objectifs rejoignent les miens. Je veux, au travers de ce projet de loi, mettre en place une administration sanitaire déconcentrée : nous l’avons évoqué la semaine dernière, les agences régionales de santé et l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, qui, par le biais de ses comités régionaux, sera présent au sein de ces agences pour aiguiller leurs actions, pourront ainsi prendre en compte les spécificités de l’outre-mer et proposer une prévision quinquennale.

Bien entendu, ces instances feront des propositions aux ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur, puisque ce sont eux qui décident en ce domaine, et ceux-ci seront en mesure de poursuivre l’action que j’ai moi-même engagée en augmentant, entre les épreuves classantes nationales des années universitaires 2007-2008 et 2008-2009, les postes d’interne ouverts dans ces territoires.

Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je tenais à vous apporter. Soyez-en assuré, l’amendement n° 690 rectifié est satisfait par le texte même du projet de loi.

Mme la présidente. Monsieur Desessard, l’amendement est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Madame la ministre, je tiens à vous remercier, une nouvelle fois, de votre grande réactivité face à un problème qui touche, notamment, la Guyane. Je vous félicite également pour votre capacité à expliquer vos idées et pour votre ténacité à revenir sur des sujets déjà évoqués, afin de bien vous faire comprendre.

Malgré tout, je maintiens cet amendement ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 690 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1297, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’intitulé de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre 3 du titre II du livre Ier est ainsi rédigé : « École nationale de la protection sociale » ;

2° L’article L. 123-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « École nationale supérieure de sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « École nationale de la protection sociale » ;

b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État définit les missions de l’École nationale de la protection sociale. » ;

3° L’article L. 123-4 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, les mots : « École nationale supérieure de sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « École nationale de la protection sociale » ;

b) À la fin du second alinéa, les mots : « École nationale supérieure de sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « École nationale de la protection sociale ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à modifier la dénomination et le champ de compétences de l’École nationale supérieure de sécurité sociale en la transformant en École nationale de la protection sociale.

M. François Autain. Cela change tout !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Par cet amendement, la commission reprend une demande manifestée par l’École nationale supérieure de sécurité sociale et son président, que chacun connaît certainement, demande qui me paraît correspondre à l’évolution des métiers auxquels cette école prépare.

Je suis donc très favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Monsieur le rapporteur, pourquoi avez-vous déclassé cette école ? Elle était « supérieure », et elle ne le serait plus !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Mon cher collègue, la commission n’a en aucune façon voulu opérer un quelconque déclassement. C’est l’École nationale supérieure de sécurité sociale elle-même qui a exprimé la volonté, au vu des évolutions des différents métiers, de se dénommer « École nationale de la protection sociale », sur le modèle de l’École nationale d’administration.

M. François Autain. Me voilà éclairé !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, pour dissiper vos inquiétudes, souhaitez-vous que je vous transmette le discours que j’ai prononcé récemment devant cette école ?

M. François Autain. S’il y a un passage sur le changement de dénomination, volontiers !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Absolument, le voici ! (Mme la ministre transmet le document à M. François Autain.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1297.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.

Articles additionnels après l'article 15 (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article additionnel après l'article 16 bis (précédemment réservé)

Articles additionnels avant l’article 16 (précédemment réservés)

Mme la présidente. L’amendement n° 782 rectifié, présenté par MM. Daudigny, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, M. Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, MM. Teulade, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l’article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 6311-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« L’aide médicale urgente assurée par les établissements de santé qui ont créé en leur sein une section urgence a pour objet d’assurer aux malades, blessés et parturientes, notamment par la mobilisation par ceux-ci des services d’incendie et de secours dans les conditions définies par l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état.

« Des conventions financières entre les établissements de santé susvisés et les services d’incendie et de secours précisent les modalités financières des interventions réalisées par ceux-ci. Ces dépenses sont pour les établissements de santé des dépenses obligatoires. »

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 783 rectifié.

Mme la présidente. J’appelle donc les deux amendements suivants, qui sont en discussion commune.

L’amendement n° 44, présenté par MM. Bordier, Doligé, Pinton et Leroy et Mme Rozier, est ainsi libellé :

Avant l’article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6145-1 du code de la santé publique, après les mots : « à l’article L. 162-22-14 du même code » sont insérés les mots : «, des prestations prévues aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, ».

L’amendement n° 783 rectifié, présenté par MM. Daudigny, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, M. Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, MM. Teulade, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l’article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après les mots : « à l’article L. 162-22-14 du même code, », la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6145-1 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « des prestations prévues à l’article L. 1424-42, alinéas 3 et 4 du code général des collectivités territoriales, et, le cas échéant, des dotations annuelles prévues aux articles L. 162-22-16 et L. 174-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que de l’activité prévisionnelle de l’établissement et, d’autre part, en cohérence avec les objectifs et les orientations du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ».

Veuillez poursuivre, monsieur Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Madame la ministre, mes chers collègues, nous vous proposons, par les amendements nos 782 rectifié et 783 rectifié, de sortir d’une impasse et de régler durablement la question du financement des interventions des sapeurs-pompiers : à l’origine soldats du feu, ils sont en effet progressivement devenus les premiers engagés dans les secours et les soins d’urgence à la personne.

Les chiffres illustrent, à eux seuls, cette évolution. Les secours aux personnes, victimes notamment d’accidents de la route, représentent près de 70 % des interventions des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, soit 2,8 millions de sorties en 2007, à comparer avec les 650 000 interventions des SAMU, les services d’aide médicale urgente, des SMUR, les services mobiles d’urgence et de réanimation, et des ambulanciers privés.

Selon le code général des collectivités territoriales, le secours à personne n’est pas une mission spécifiquement dédiée aux SDIS : ceux-ci y concourent avec les autres services et professionnels concernés. Aujourd’hui, force est de constater que la situation s’est renversée : le secours à la personne représente désormais l’activité principale des sapeurs-pompiers.

En effet, les services de régulation médicale des centres 15 peuvent faire appel aux SDIS pour effectuer, en cas d’indisponibilité de transporteurs sanitaires privés, des missions spécifiques de secours à la personne qui n’entrent pas dans le champ d’application du code général des collectivités territoriales. Ces missions spécifiques doivent faire l’objet d’une prise en charge par l’hôpital siège du service d’aide médicale urgente.

Rappelons-le, l’articulation des interventions entre SAMU, SDIS et transporteurs sanitaires privés a été établie par une circulaire conjointe des ministères de l’intérieur et de la santé, en date du 29 mars 2004, qui a défini leur rôle respectif dans l’aide médicale urgente, réaffirmé que chaque service reste maître de ses moyens et procédé à une meilleure répartition des compétences.

Dans les cas de prise en charge financière des transports réalisés par les SDIS en raison de l’indisponibilité des transporteurs sanitaires privés, la participation financière des établissements de santé sièges des SAMU a bien été prévue dans le code général des collectivités territoriales, mais pas dans celui de la santé publique, malheureusement.

Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la ministre, mes chers collègues, les conflits entre les « hommes blancs » et les « hommes rouges » sont nombreux. Nous tenons à votre disposition un tableau présentant de façon non exhaustive les litiges constatés et les montants financiers en cause.

C’est pour remédier à ces difficultés qu’a été installée une commission quadripartite du secours à la personne, à l’issue du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers qui s’est tenu en 2007.

Cette commission a associé, autour de la direction de la défense et de la sécurité civiles et de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, les représentants des structures de médecine d’urgence et des SDIS. Elle a été chargée d’élaborer un « référentiel commun » relatif à l’organisation de la chaîne de secours et de soins d’urgence.

Permettez-moi, madame la ministre, de regretter, comme l’a souligné notre collègue Pierre Bordier lors de la discussion générale, la non-participation des élus à l’élaboration de ce référentiel, et ce malgré les demandes réitérées de l’ADF, l’Assemblée des départements de France.

C’est pourquoi les élus n’ont pas souhaité examiner l’arrêté interministériel approuvant ce référentiel lors de la réunion, en novembre 2008, de la conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS. Ils ont alors demandé, en tant que financeurs des SDIS, d’être associés au comité de suivi du dispositif et d’avoir une présentation de son étude d’impact.

Le projet d’arrêté a de nouveau été présenté à la conférence nationale des services d’incendie et de secours le 3 mars dernier. Une note explicative, distribuée en séance, a fait état de d’impossibilité d’évaluer le coût du dispositif. Les élus ont alors suggéré que la durée de validité de l’arrêté soit limitée à trois ans, afin de procéder à une réévaluation en 2011 soumise à la CNSIS, subordonnant ainsi leur avis favorable au texte. Le projet d’arrêté, présenté de nouveau le 2 avril, ne reprend pas cette proposition et soumet l’évaluation au seul comité de suivi du référentiel, ce qui ne correspond pas à la demande des élus.

À nos yeux, si ce référentiel contient en son sein des précisions et quand bien même il sera rendu opposable sur le plan juridique, ce « niveau » de texte s’avérera insuffisant pour clarifier de façon précise les financements entre les SDIS et les hôpitaux.

En conséquence, nous vous proposons, mes chers collègues, de saisir l’occasion que constitue l’examen du présent projet de loi pour opérer cette liaison et inscrire dans le code de la santé publique les dispositions prévues par le code des collectivités territoriales en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bordier, pour présenter l’amendement n° 44.

M. Pierre Bordier. Cet amendement vise à mettre en cohérence, comme l’a dit M. Le Menn, le code de la santé publique et le code général des collectivités territoriales.

Alors que les interventions des services d’incendie et de secours devraient faire l’objet d’une prise en charge, ce n’est pas toujours le cas. Je le rappelle à mon tour, les deux tiers des interventions des sapeurs-pompiers portent sur les secours à personne et, même lorsque des conventions existent, celles-ci ne sont pas toujours respectées.

Certains SDIS ne reçoivent pas de compensations financières en dépit de la mise en place du référentiel et de la signature de conventions. Dérive supplémentaire, des agences régionales de l’hospitalisation refusent d’inscrire les sommes correspondantes dans les budgets des centres hospitaliers. Les SDIS, donc les collectivités territoriales – communes et conseils généraux –, paient à la place de la sécurité sociale.

Je terminerai en rappelant les propos tenus par le préfet Alain Perret, directeur de la sécurité civile : « Je partage le constat qui vient d’être fait, car les faits et les chiffres sont incontestables ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Ces trois amendements portent sur la prise en charge financière par les établissements de santé de l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente, ainsi que sur les relations entre les « blancs » et les « rouges ».

La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 782 rectifié, qu’elle trouve trop long et excessivement compliqué.

En revanche, elle s’en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 44 et 783 rectifié, afin d’ouvrir le débat avec le Gouvernement sur cette question.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à faire un certain nombre d’observations.

Concernant la définition de l’aide médicale urgente, l'article L. 6311-1 du code de la santé publique associe déjà les dispositifs communaux et départementaux d’organisation des secours à l’aide médicale urgente. Les demandes formulées sur ce point sont donc satisfaites.

D’ailleurs, un travail de clarification de la répartition des compétences entre SAMU et SDIS a été réalisé avec la rédaction du référentiel commun sur le secours à personne et l’aide médicale urgente. Depuis l’arrêté du 24 avril dernier, ce référentiel s’impose aux organisations opérationnelles de ces services.

S’agissant des relations financières entre ces deux services publics, le code général des collectivités territoriales prévoit d’ores et déjà que les interventions effectuées par les SDIS à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate une indisponibilité ambulancière, font l’objet d’une prise en charge financière par les établissements de santé sièges de SAMU. Le code précise que les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le SDIS et l’hôpital. Sur ce point aussi, les souhaits exprimés lors de la présentation des amendements sont donc également satisfaits.

Enfin, les auteurs des amendements souhaitent rendre obligatoires les dépenses afférentes aux interventions des SDIS. Or le code de la santé publique ne retient pas la notion de « dépenses obligatoires » pour les établissements publics de santé. Dès lors que ceux-ci signent une convention, ils doivent la mettre en œuvre et prévoir les dépenses afférentes dans l’état des prévisions de recettes et de dépenses, le fameux EPRD, soumis à l’approbation de l’agence régionale de santé. Si l’établissement n’exécute pas ses obligations conventionnelles, le cocontractant peut demander réparation de son préjudice.

Le directeur général de l’ARS a la possibilité, quant à lui, de procéder au mandatement d’office d’une dépense que l’établissement refuserait ainsi d’honorer. Afin de financer cette charge, 106 millions d'euros ont été délégués au profit des établissements concernés.

Néanmoins, et pour répondre à votre souci de garantir les relations financières entre les services départementaux d’incendie et de secours et les établissements de santé au titre des indisponibilités ambulancières, je ne vois pas d’inconvénient à ce que l’article L. 6145-1 du code de la santé publique soit modifié, comme le prévoit l’amendement n° 44.

J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 44 et je demande le retrait des amendements nos 782 rectifié et 783 rectifié, qui seraient satisfaits par l’amendement n° 44.

Mme la présidente. Monsieur Le Menn, les amendements nos 782 rectifié et 783 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Jacky Le Menn. Oui, madame la présidente, je les maintiens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 782 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.

M. Alain Vasselle. Je voterai l’amendement n° 44.

En tant que conseiller général et maire, expérience que je partage avec la plupart de mes collègues sénateurs, je sais que la stricte application de la convention est très difficile, car dès que survient un problème, la plupart de nos concitoyens ont le réflexe d’appeler les pompiers, en composant le 18, plutôt que de passer par le centre 15. Des discussions interminables ont donc lieu entre les établissements de santé et les conseils généraux pour la prise en charge des interventions des SDIS.

J’ose espérer que la disposition proposée par notre collègue permettra de mettre un terme à cette situation. Encore faudra-t-il que les établissements de santé puissent bénéficier de budgets qui leur permettent d’honorer les dépenses correspondantes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certainement ! C’est prévu !

M. Alain Vasselle. Nous faisons confiance aux futurs directeurs des agences régionales de santé, qui auront des pouvoirs très étendus et pourront obliger les établissements de santé à assurer cette prise en charge.

J’espère cependant que cela ne viendra pas aggraver le déficit de la sécurité sociale et que l’on saura trouver les moyens budgétaires qui permettront aux ARS de fonctionner et de donner satisfaction aux conseils généraux.

Étant donné l’investissement de Mme la ministre sur ce sujet, comment ne pas lui faire confiance ? Les explications qu’elle fournit ont même souvent incité M. Desessard à retirer les amendements qu’il avait déposés. (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Investissement : c’est bien le terme qui convient !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 16, et l'amendement n° 783 rectifié n'a plus d'objet.

Articles additionnels avant l’article 16 (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article additionnel après l'article 17 (précédemment réservé)

Article additionnel après l'article 16 bis (précédemment réservé)

Mme la présidente. L'amendement n° 30, présenté par M. Fichet, est ainsi libellé :

Après l'article 16 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 162-4-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les assurés sociaux ont accès à ces données, ainsi qu'à l'historique permettant d'identifier les médecins qui ont consulté leur relevé. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Article additionnel après l'article 16 bis (précédemment réservé)
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Articles additionnels après l'article 18 (précédemment réservés)

Article additionnel après l'article 17 (précédemment réservé)

Mme la présidente. L'amendement n° 274, présenté par M. Houpert, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, il est ajouté un article L. 4113-15 ainsi rédigé :

« Art. L. 4113-15. - La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance réalisée dans le strict respect du code de déontologie et du secret professionnel, en utilisant les technologies de l'information et de la communication. Elle met en rapport, soit un patient et un ou plusieurs professionnels de santé, soit plusieurs professionnels de santé entre eux. Parmi les professionnels de santé figure au minimum un professionnel médical. Elle permet, à distance, d'établir un diagnostic, d'obtenir un avis spécialisé, de prendre une décision thérapeutique et de la mettre en œuvre, de mettre en place une surveillance de l'état des patients, et de réaliser, ou de prescrire, des produits, des prestations ou des actes. La définition des actes constituant la télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre et de rémunération sont fixées par voie réglementaire, par assimilation, le cas échéant, aux actes existants ».

II. - L'article 32 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie est abrogé.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Article additionnel après l'article 17 (précédemment réservé)
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Articles additionnels après l'article 18 ter (précédemment réservés)

Articles additionnels après l'article 18 (précédemment réservés)

Mme la présidente. L'amendement n° 755, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième phrase du premier alinéa du V de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Lorsque la pénalité envisagée concerne un professionnel de santé, un fournisseur ou autre prestataire de services, des représentants de la même profession ainsi qu'un représentant des usagers, membres des associations mentionnées à l'article L. 1114-1 du code de la santé publique participent à la commission. Lorsqu'elle concerne un établissement de santé ou un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes un établissement médico-social, des représentants au niveau régional des organisations nationales représentatives des établissements ainsi qu'un représentant des usagers, membres des associations mentionnées à l'article L. 1114-1 du code de la santé publique participent à la commission. »

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. La lutte contre une discrimination commence par son identification elle-même. C’est relativement simple lorsque la discrimination est explicite, inscrite dans la loi et la jurisprudence, et que son caractère injustifié est bien apparent. C’est beaucoup plus difficile lorsque la discrimination est couplée à des réalités professionnelles. En effet, face à l’afflux de patients, le médecin ne peut pas toujours travailler sans faire de discrimination. Cela devient problématique quand les professionnels de santé choisissent de soigner d’abord tel ou tel malade en fonction de son revenu, et non selon sa pathologie ou la date de la demande de soins.

Pour contrer ces phénomènes, l’article 18 mise sur les directeurs des CPAM et précise les sanctions prononcées à l’encontre des médecins qui pratiqueraient une discrimination, exposeraient les assurés à des dépassements d’honoraires excessifs ou omettraient l’information écrite préalable. Cela nous laisse pantois.

En effet, octroyer des pouvoirs supplémentaires à ces directeurs ne servira pas à grand-chose, tant leurs sanctions effectives sont rares, peu dissuasives et inefficaces en réponse à l’ampleur des refus de soins constatés dans de nombreux départements.

C’est pourquoi, en plus des dispositions nouvelles pour lutter contre de telles pratiques, il nous semble nécessaire de prévoir la place des représentants des usagers dans les commissions des pénalités. Cette reconnaissance leur donnerait un rôle plus important au sein des organismes locaux d’assurance maladie et permettrait de mieux veiller à la proportionnalité et à l’effectivité des sanctions retenues. Elle répondrait mieux au besoin des patients d’être protégés correctement contre des discriminations économiques ou sociales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 755, car celui-ci tend en fait à inclure les usagers au sein de la commission de la caisse locale chargée de prononcer les sanctions. Cela ne paraît pas de nature à rendre les sanctions plus acceptables par le corps médical.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 755.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 756, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1111-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le professionnel de santé qui télétransmet une feuille de soins est tenu d'en remettre une copie à son patient. De même, il doit obligatoirement fournir une quittance au patient si celui-ci a réglé en espèces les soins qui lui ont été délivrés. »

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Cet amendement vise à renforcer l’information du patient sur deux points essentiels : d’une part, lorsque les actes concernant le patient sont transmis par voie informatique aux organismes de sécurité sociale – c’est la télétransmission – et, d’autre part, lorsque le patient règle les honoraires du professionnel de santé en espèces.

En effet, aujourd’hui, on remarque que l’information du patient en la matière n’est pas correctement assurée. Or il est indispensable que le patient puisse avoir un double de la feuille de soins qui a été transmise aux organismes de sécurité sociale par son médecin afin d’être clairement averti des actes le concernant. De plus, lorsque le patient s’est acquitté en espèces de la somme qu’il doit verser au médecin, il est essentiel qu’il puisse recevoir une quittance.

Ces preuves de l’acte sont non seulement élémentaires, comme lors de toute transaction, mais également nécessaires, car elles rassurent le patient qui évolue de nos jours dans un univers de plus en plus dématérialisé. Cela fait aussi partie de l’information du patient.

Vous le savez, cette obligation n’entre pas dans les faits, car elle n’a aucune force législative. En conséquence, le patient ne peut pas faire valoir ses droits en cas de litige.

La dématérialisation ne doit pas s’effectuer au détriment de l’information du patient qui reste, je vous le rappelle, la première personne concernée.

L’article R. 161-47 du code de la sécurité sociale dispose que le professionnel, l’organisme ou l’établissement qui transmet la feuille de soins par voie électronique doit en fournir la copie sur support papier au patient si celui-ci en fait la demande. Mais ce dernier n’est pas obligatoirement informé de ses droits.

Pour l’ensemble de ces raisons, il nous semble important d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La remise de l’acte télétransmis sous forme papier a été rejetée par la commission. La remise d’une facture en cas de paiement en liquide a semblé une bonne idée à la commission, mais celle-ci pense qu’une telle mesure relève non pas de la loi, mais du règlement.

Elle demande donc le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La question est un peu compliquée.

Vous voulez, monsieur le sénateur, que le professionnel de santé remette systématiquement à son patient une copie de la feuille de soins électronique et, en cas de règlement en espèces, une quittance. Or tous ces systèmes de paiement électronique et de télétransmission visent à alléger les procédures administratives. Si, dans le même temps, on conserve les « procédures papier », ce n’est pas une bonne idée sur le plan environnemental.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien joué !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais ce n’est pas le sujet qui nous occupe !

Il faut évidemment garantir les droits des patients. Ceux qui le souhaitent peuvent demander une copie de la feuille de soins électroniques.

Le développement de la télétransmission permet à la fois d’augmenter l’efficience de l’assurance maladie et de respecter l’environnement.

Par ailleurs, les professionnels de santé doivent remettre une quittance au patient en cas de paiement direct en espèces. Il n’y a pas lieu de rappeler cette obligation, qui est prévue à l’article R. 161-49 du code de la sécurité sociale.

De grâce, ne faisons pas de la possibilité de remettre une copie de la feuille de soins électronique une obligation : la remise de cette copie en cas de demande du patient est largement suffisante.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 756.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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Mme la présidente. L'amendement n° 631 rectifié, présenté par MM. Barbier et Charasse, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 18 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 4° de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. »

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Nous revenons sur une importante question : la possibilité pour le conseil de l’ordre de sanctionner financièrement les abus et les manquements à la déontologie ; nous en avons longuement discuté.

Mme la ministre considère que les sanctions pécuniaires relèvent uniquement des caisses de sécurité sociale. Or il serait intéressant, notamment en l’absence de plaignants, en cas d’abus constatés en matière de dépassements d’honoraires ou de manquements, de prévoir une amende d’un montant qui ne pourrait excéder 10 000 euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il faut bien distinguer les sanctions ordinales, de nature disciplinaire, et les sanctions des caisses, de nature financière. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, constante en cette matière, interdit très clairement le cumul de deux peines de même nature pour le même motif. Votre amendement réduirait la portée des peines que pourraient prononcer les deux institutions.

Je demande donc le retrait de cet amendement, qui pose un vrai problème juridique.

Mme la présidente. Monsieur Barbier, l'amendement est-il maintenu ?

M. Gilbert Barbier. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 631 rectifié est retiré.

L'amendement n° 632 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Charasse, Mme Escoffier et MM. Fortassin, Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'article 18 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1111-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mutuelles régies par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale et les entreprises régies par le code des assurances peuvent délivrer aux membres et aux assurés les informations en vue notamment de faciliter l'accès aux soins et de leur permettre de connaître les conditions dans lesquelles les actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'ils reçoivent sont pris en charge. La nature et les moyens d’informations qui peuvent être fournies sont définis par décret. » 

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à donner aux mutuelles le pouvoir d’informer leurs adhérents des conditions de leur prise en charge. Très souvent, ceux-ci ignorent dans quelle mesure les actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont pris en charge. Il serait intéressant de pouvoir mieux les informer, donc que les mutuelles, qui ont été à l’honneur aujourd’hui, aient la possibilité de le faire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement tend à permettre aux assureurs complémentaires de délivrer à leurs assurés des informations sur l’accès aux soins et les conditions dans lesquelles les soins qu’ils reçoivent peuvent être pris en charge.

Cette disposition a sans doute une portée bien supérieure à celle qui est énoncée dans l’exposé des motifs, car elle pourrait entraîner une orientation des assurés vers certains professionnels ou vers certains réseaux, ce que la commission ne souhaite pas.

Elle demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous souhaitons évidemment que les patients soient le plus complètement informés des ressources du système de soins et des offres dont ils peuvent bénéficier. Cependant, en lisant votre amendement, monsieur le sénateur, je me demandais s’il ne risquait pas, finalement, d’apporter plus de confusion que de transparence.

Aujourd’hui, ce sont les caisses d’assurance maladie qui sont chargées d’assurer cette mission d’information pour, d’une part, les assurés et, d’autre part, les professionnels de santé. Elles le font d’ailleurs remarquablement bien – je veux leur rendre hommage –, par des lettres aux assurés, des services d’information téléphoniques, mais aussi, de plus en plus, par le site « ameli.fr », qui figure au cinquième rang des sites internet publics les plus consultés en France : plus de 4 millions de visiteurs en janvier dernier, ce qui est considérable.

L’assurance maladie enrichit continuellement le champ des informations fournies : le dispositif Infosoins, que j’ai évoqué à plusieurs reprises lorsque nous parlions des dépassements d’honoraires, délivre, par exemple, des informations sur les tarifs et les dépassements pratiqués par les professionnels de santé. Seule l’assurance maladie a véritablement la capacité de fournir des informations exhaustives.

Pour éviter la confusion, je préfère renvoyer les patients vers l’offre de renseignements la plus exhaustive et la plus sûre possible. C’est la raison pour laquelle je demande à M. Barbier de bien vouloir retirer son amendement.

Mme la présidente. Monsieur Barbier, l’amendement n° 632 rectifié est-il maintenu ?

M. Gilbert Barbier. La plupart des adhérents des mutuelles s’adressent aux correspondants de celles-ci dans leur ville ou dans leur département pour obtenir des renseignements ; le parcours pour avoir des informations est trop compliqué.

Si l’on veut que les organismes complémentaires puissent un jour jouer un rôle, notamment en matière de prévention, cette mesure présentera un intérêt. En attendant, j’accepte de retirer cet amendement.

Nous verrons bien dans quelle mesure le Président de la République entend faire jouer un rôle plus important à la mutualité française. On a peut-être quelquefois tort d’avoir raison trop tôt, à l’instar de M. Vasselle ! (Sourires.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je crois que vous serez comblé !

Mme la présidente. L’amendement n° 632 rectifié est retiré.

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Mme la présidente. L’amendement n° 757, présenté par MM. Godefroy, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mmes Ghali et Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 18 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article L. 1111-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Le professionnel de santé doit indiquer sur sa plaque le secteur conventionnel auquel il appartient. Il doit en outre afficher de façon visible et lisible dans sa salle d'attente ou à défaut dans son lieu d'exercice les informations relatives à ses honoraires, y compris les dépassements qu'il facture. Les infractions aux dispositions du présent alinéa sont recherchées et constatées dans les conditions prévues et par les agents mentionnés à l'article L. 4163-1. Les conditions d'application du présent alinéa et les sanctions sont fixées par décret en Conseil d'État. »

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. L’article L. 1111-3 du code de la santé publique détaille l’information qu’un professionnel de santé libéral doit à sa patientèle quant aux tarifs qu’il pratique, et ce avant l’exécution de l’acte. Pour cela, il doit afficher de façon visible et lisible les informations relatives à ses honoraires dans sa salle d’attente ou sur son lieu d’exercice.

Cette information est essentielle. Il nous semble néanmoins qu’elle pourrait être complétée, dans l’intérêt du patient, par une disposition prévoyant que les professionnels de santé libéraux doivent afficher sur la plaque apposée à l’extérieur de leur cabinet le secteur conventionnel auquel ils appartiennent. Certains médecins le font déjà, et il nous semble judicieux de demander la généralisation de cette pratique.

Vous conviendrez avec moi, par simple esprit pratique, que lorsqu’un patient entre dans la salle d’attente ou dans le lieu d’exercice d’un praticien c’est non pas pour se renseigner sur les tarifs qu’il pratique, mais pour le consulter dans les minutes qui viennent. Une fois dans la salle d’attente, il semble délicat et compliqué pour un patient de sortir par la porte de derrière lorsqu’il vient de découvrir les tarifs, dépassant parfois le tact et la mesure, imposés par son praticien, surtout lorsque plusieurs mois d’attente séparent la prise de rendez-vous de la consultation.

Il est vrai que l’information relative au secteur d’appartenance des médecins est disponible sur le site internet de l’assurance maladie. Mais tous les Français n’ont pas accès à internet. La dernière enquête annuelle du CRÉDOC relative à la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, datée de 2008, montre ainsi que 61 % seulement des Français ont accès à internet depuis leur domicile ; les retraités et les ménages modestes, quant à eux, n’y ont respectivement accès qu’à 26 % et 34 %.

Il est vrai aussi que cette information ne renseigne pas exactement sur les tarifs appliqués, qui dépendent des actes éventuellement réalisés par le médecin. Néanmoins, elle donne déjà une bonne indication sur la gamme des tarifs pratiqués.

Cette proposition ne nous semble pas constituer une contrainte insurmontable pour les praticiens, mais ce serait une information utile pour les patients.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement est déjà en grande partie satisfait, notamment pour ce qui concerne l’obligation d’affichage des informations dans la salle d’attente. En revanche, s’agissant de l’indication du secteur conventionnel sur la plaque apposée à l’extérieur du cabinet, la commission y est défavorable.

Elle demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Une telle mesure existe, et elle ne date pas d’hier : l’obligation pour les médecins libéraux de mentionner le secteur conventionnel auquel ils appartiennent sur leur plaque professionnelle est prévue à l’article 2 de l’arrêté du 11 juin 1996. Les médecins qui ne s’y conforment pas sont en contravention.

M. Gérard Dériot. Il faut envoyer M. Autain pour contrôler !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sans doute est-il nécessaire de faire appliquer ledit article, mais il n’est pas utile de rappeler cette obligation.

Mme la présidente. Monsieur Le Menn, l’amendement est-il maintenu ?

M. Jacky Le Menn. Puisque la disposition existe, il faut la faire appliquer. Dans la pratique, cet affichage est loin d’être généralisé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il serait en effet sage de rappeler aux médecins cette obligation !

M. Jacky Le Menn. Mme la ministre nous ayant rappelé l’existence de cette obligation importante, votée il y a quatorze ans, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 757 est retiré.

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Articles additionnels avant l'article 19 (précédemment réservés)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 499, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale est abrogé.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. J’ai déjà eu l’occasion, madame la ministre, de vous interroger sur la procédure de dépôt de prix et, au-delà, sur l’efficacité du Comité économique des produits de santé, le CEPS, dans l’exercice de ses missions.

Vous m’avez répondu que, de votre point de vue, ce comité faisait bien son travail. Mais telle n’était pas la question ! Je suis donc obligé de vous interroger de nouveau, en formulant ma question différemment, dans l’espoir que, cette fois-ci, je me ferai bien comprendre. (Sourires.)

La mission du CEPS est de fixer le prix des médicaments remboursables au niveau le plus avantageux possible pour la collectivité, en veillant à ce que les modalités de cette fixation permettent d’assurer la compatibilité des dépenses de remboursement du médicament avec l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie, l’ONDAM, tout en préservant un approvisionnement adéquat du marché des médicaments remboursables.

Or, depuis la signature de l’avenant à l’accord-cadre de ville de juin 2003, signé le 29 janvier 2007, la procédure de dépôt de prix, auparavant possible pour les médicaments d’ASMR I et II, et, sous condition de chiffre d’affaires, pour les médicaments d’ASMR III, a été étendue à tous les médicaments apportant une amélioration du service médical rendu, aussi faible soit-elle. En conséquence, le CEPS a été dépouillé quasi-totalement de ses prérogatives puisque la procédure dite de « dépôt de prix » permet désormais aux laboratoires de fixer eux-mêmes le montant du prix des produits qu’ils commercialisent et de libérer ainsi le prix des médicaments.

Cette procédure touche, notamment, les médicaments anticancéreux qui, comme vous le savez, sont particulièrement onéreux et figurent en bonne place sur la « liste en sus » des hôpitaux, dont les directeurs, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, sont chargés d’élaborer le plan de maîtrise. Je vous rappelle que ces prescriptions ont augmenté de 18,4 % entre 2006 et 2007, ce qui est considérable. La moitié de ces médicaments ont un prix dépassant les 200 euros l’unité, et treize d’entre eux ont un prix supérieur à 2 000 euros l’unité. En 2006, les médicaments de cette liste représentaient 61 % de l’ensemble des dépenses de médicaments dans les établissements de santé en France.

Le président du CEPS exprime très bien la situation lorsqu’il indique que le plafond de 30 000 euros que constituait le coût du traitement d’une personne pendant un an, par un célèbre anticancéreux, est aujourd’hui largement dépassé puisqu’il se situe à 50 000 euros.

Dans ces conditions, demander aux directeurs d’hôpitaux de réguler les dépenses, dans leur établissement, des médicaments pris en charge en sus des groupes homogènes de séjour est une mission impossible, car ils ne peuvent rien faire face à l’inflation du prix de ces médicaments pour lesquels il n’existe aucune copie : ils ne peuvent pas faire jouer la concurrence pour obtenir une diminution de leur prix. Seul le CEPS a le pouvoir d’aider ces directeurs d’hôpitaux. Encore faut-il que le législateur lui permette d’accomplir à nouveau sa mission de fixation des prix.

Madame la ministre, mes chers collègues, ne pensez-vous pas que, pour mettre fin à cette situation très contradictoire où l’on recherche les économies tout en aménageant un contexte inflationniste pour le prix des médicaments, il faut supprimer la procédure de dépôt de prix ? Cette mesure mérite sans doute concertation et réflexion. Mais il nous serait déjà utile de connaître les orientations du Gouvernement dans ce domaine, d’autant que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet lors de la discussion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mon amendement constitue donc, en quelque sorte, un appel, auquel j’espère, madame la ministre, vous voudrez bien répondre.

Mme la présidente. L’amendement n° 500, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Le Comité économique des produits de santé rend publics, sans délai, l'ordre du jour et les comptes rendus assortis des détails et explications des votes, y compris les opinions minoritaires, à l'exclusion des informations relatives au secret des stratégies commerciales, des réunions des deux sections prévues à l'article D. 162-2-3 siégeant auprès de lui.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous exprimons à nouveau, au travers de cet amendement, notre volonté de rendre plus transparente la procédure de fixation du prix des médicaments et des dispositifs médicaux.

Notre groupe a présenté le même amendement à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour le repousser, madame la ministre, vous avez usé d’arguments qui ne nous semblent pas correspondre à la difficulté que nous proposions de résoudre. En effet, vous avez considéré que cet amendement, qui visait à introduire plus de transparence au sein du CEPS en rendant public l’ordre du jour du comité, ses comptes rendus, les votes et les explications de vote, y compris les opinions minoritaires, à l’exclusion bien entendu des informations liées au secret des stratégies commerciales, était de nature à briser le secret des délibérations, « consubstantiel au caractère collégial des décisions du CEPS ».

Je ne peux pas vous suivre aveuglément sur ce point. Les délibérations de la commission d’AMM de l’AFSSAPS permettent, par exemple – son règlement le précise –, que ses activités restent « confidentielles, sans préjudice de la publication des comptes rendus de réunion sur le site internet » de l’agence.

Les décisions de cette commission dans des domaines aussi importants que l’octroi et le retrait du marché de médicaments lient également tous ses membres et les engagent une fois qu’elles sont prises. Eux aussi forment un collège !

Je ne vois pas non plus en quoi les membres du CEPS, à savoir son président et ses deux vice-présidents, le directeur de la sécurité sociale, le directeur général de la santé, le directeur général de la concurrence, le directeur général de l’industrie, ainsi que les deux représentants des organismes nationaux d’assurance maladie et le représentant désigné par le conseil de l’UNOCAM, adopteraient, si les décisions qu’ils prennent étaient rendues publiques, « des postures systématiques qui cristalliseraient des oppositions et rendraient impossible le consensus sur des sujets importants ».

Vous donnez de ces protagonistes une bien mauvaise image qui, de toute évidence, ne cadre pas avec le niveau de responsabilités que ceux-ci sont amenés à assumer de par leur fonction.

Il est nécessaire de rendre plus transparentes les activités du CEPS, car cela constitue le meilleur moyen de contrôler que la réglementation y est bien appliquée. De nombreux indices nous font penser que ce n’est pas tout à fait le cas.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 499, qui tend à supprimer, entre autres, le CEPS (M. François Autain le conteste.) et l’ensemble de la procédure de fixation du prix des médicaments, a donné un peu le vertige à la commission. Elle a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 500 est un amendement de repli par rapport au précédent. La commission considère qu’il n’y a pas lieu de rendre publics tous les détails des travaux et débats ayant conduit à la fixation des prix ou des tarifs – ces derniers sont publiés au Journal officiel –, car cela pourrait entraver la concurrence entre les laboratoires. L’avis de la commission est donc également défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La disposition relative au dépôt de prix, condamnée par M. Autain dans l’amendement n° 499, permet d’accélérer l’inscription au remboursement des médicaments apportant une amélioration du service médical rendu, ce qui est important pour les malades. Elle favorise l’innovation et facilite un accès rapide et équitable aux médicaments les plus efficaces, principalement dans les pathologies les plus graves. Il faut rendre à César ce qui est à César, et au dépôt de prix ce qui lui revient !

Je souhaite vous rassurer sur le prétendu caractère inflationniste de la mesure. En effet, les conditions fixées par l’accord-cadre pour bénéficier de cette procédure sont très strictes et le CEPS peut s’opposer au dépôt de prix en cas de non-respect de l’une d’entre elles, notamment si le prix proposé est excessif au regard des prix européens pratiqués.

Le dispositif présente donc l’énorme avantage de permettre un accès extrêmement rapide aux thérapies innovantes, tout en prévoyant des mécanismes de sauvegarde qui limitent, voire empêchent la dérive que vous craignez.

Le bilan entre les bénéfices et les risques m’amène à émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je pense aux malades !

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l’amendement n°499.

M. François Autain. Moi aussi, je pense aux malades, et je ne voudrais pas que mon intervention soit interprétée comme une volonté de nuire aux malades !

Je constate, comme vous, madame la ministre, que les médicaments figurant sur la « liste en sus » sont vraiment très chers – d’où leur appellation de « molécules onéreuses » – et que la croissance de cette liste est exponentielle : plus 18,7 % entre 2005 et 2006, si ma mémoire est bonne. Je ne pense pas que l’on puisse tenir cette cadence éternellement.

On ne peut pas s’en remettre uniquement aux directeurs d’hôpitaux, comme vous l’avez fait dans l’article qui a été adopté par le Sénat…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Quel rapport avec le dépôt de prix ?

M. François Autain. Il est plus facile d’agir en amont qu’en aval ! La « liste en sus » est constituée de médicaments efficaces qui font donc tous l’objet d’une procédure de dépôt de prix. Par conséquent, si l’on veut vraiment peser sur le prix de ces médicaments, il faut agir en amont, lors de la fixation du prix, et non pas en aval, par une législation qui contraindrait les directeurs d’hôpitaux à réguler l’utilisation de ces médicaments, au risque de porter atteinte à la qualité des soins dispensés dans ces hôpitaux : en enjoignant aux directeurs d’hôpitaux de réaliser des économies sur la « liste en sus », on les incite à réduire l’emploi des anticancéreux.

L’amendement que j’ai défendu va dans le sens d’un meilleur respect de la qualité des soins dispensés dans les hôpitaux, car la procédure de dépôt de prix maintient artificiellement des prix très élevés pour ces médicaments. Il est préférable de diminuer le prix des médicaments lors de l’autorisation de leur mise sur le marché, plutôt que de demander aux directeurs d’hôpitaux de réduire la quantité de médicaments mis à la disposition des malades. Dans un article de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, il est demandé aux directeurs d’hôpitaux de rationner, en quelque sorte, les médicaments pour ramener le taux de croissance de cette « liste en sus » à un chiffre plus raisonnable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, permettez-moi de vous dire qu‘en la circonstance vous raisonnez faux !

M. François Autain. Cela m’arrive, hélas !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre D’abord, la procédure de dépôt de prix est encadrée et fait référence au prix européen ; elle aboutit donc au prix qui aurait été fixé. Ainsi, elle accélère l’accès au produit.

Ensuite, le mécanisme de la « liste en sus » n’est pas à enveloppe fermée. C’est précisément la raison d’être de cette « liste en sus » : on s’en sert autant que de besoin !

Monsieur Autain, ne travestissez pas ce que j’ai demandé dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale ! Du reste, vous avez vous-même souligné la croissance très importante des médicaments figurant sur la « liste en sus ».

M. François Autain. C’est vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai demandé aux établissements dont le budget de médicaments figurant sur la « liste en sus » dérivait par trop de la moyenne de s’interroger et de chercher des solutions avec les instances sanitaires.

Comment ne pas se poser des questions quand, pour une moyenne légèrement supérieure à 15 %, certains établissements dépassent le taux de 30 % ? En bons gestionnaires des fonds publics, on est quand même en droit de s’interroger ! Il ne s’agit pas d’imposer un retour à 15 % ou 18 % : une telle situation s’explique peut-être par de bonnes raisons, liées, par exemple, à la typologie des malades reçus par cet établissement de santé.

Ne me faites pas dire, monsieur Autain, que, dans la loi de financement de la sécurité sociale, j’ai imposé des contraintes s’agissant de la « liste en sus ». Ce n’est pas vrai ! J’ai simplement demandé que l’on se pose des questions en cas de dérive. Il faut être loyal, monsieur Autain ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. M. Autain a protesté quand j’ai dit qu’il proposait la suppression du comité économique des produits de santé. Mais l’amendement n° 499 prévoit d’abroger l’article L.162-17-3 du code de la sécurité sociale, lequel traite justement de la création du CEPS.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un mauvais coup ! (Sourires.)

M. François Autain. Je ne m’en relèverai pas ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 499.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 500.

M. François Autain. Bien entendu, il ne s’agissait pas de supprimer le CEPS ! Quoique, dans le rapport d’information Médicament : Restaurer la confiance, je proposais, précisément, la suppression du CEPS. Il est possible que cette idée me soit revenue inconsciemment… Cela s’inscrit, en tout cas, dans une réforme d’ensemble de la politique du médicament : si l’on se contentait de supprimer le CEPS, cela n’aurait pas de sens, j’en conviens. C’est peut-être l’origine de la confusion.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Faute avouée est à moitié pardonnée. (Sourires.)

M. François Autain. Quoi qu’il en soit, ce que nous demandons, c’est plus de transparence dans la façon dont le CEPS élabore les prix.

Si je me permets d’intervenir à nouveau, c’est parce qu’une telle demande n’est pas aberrante. Elle s’inscrit tout à fait dans la ligne de la directive 89-105 du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments, qui prévoit de fournir un accès public aux accords nationaux dans ce domaine « à toute personne concernée par le marché des produits pharmaceutiques dans les États membres ».

Selon la Cour de justice des Communautés européennes, l’exigence de transparence en matière de fixation des prix englobe les critères et la manière selon lesquels les prix sont formés dans certains cas particuliers.

Demander plus de transparence pour le CEPS est tout à fait conforme aux préconisations de la législation européenne. Je regrette que, dans ce domaine, le Gouvernement français soit un peu à la traîne.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Puis-je vous rappeler, monsieur Autain, que la directive à laquelle vous avez fait allusion enjoint aux États de respecter des délais ? Or la procédure de dépôt de prix permet aux États d’appliquer cette directive !

M. François Autain. C’est un autre problème !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela vous gêne peut-être ?... Vous n’avez pas de chance !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 500.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 501, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le septième alinéa de l'article L. 5323-4 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :

La non-remise de la déclaration mentionnée à l'alinéa précédent ou l'omission de son actualisation peut entraîner une interdiction temporaire de collaborer aux travaux de l'agence avec ou sans sursis, cette interdiction ne pouvant excéder trois années. Les conditions d'application du présent alinéa sont définies par décret. 

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Il s’agit, là encore, d’une question écrite à laquelle vous n’avez pas répondu, madame la ministre, mais vous avez des excuses puisque je ne vous l’ai posée que le 2 avril dernier. (Sourires.)

Cet amendement vise à contraindre les personnes collaborant à l’AFSSAPS et à la HAS à effectuer les déclarations publiques d’intérêt prévues par la loi, laquelle devrait normalement s’appliquer. Hélas ! tel n’est pas le cas pour tous les experts qui y travaillent, et l’article L. 5323-4 du code de la santé publique est trop souvent bafoué : non seulement il interdit aux personnes collaborant aux travaux des agences de « traiter une question dans laquelle elles auraient un intérêt direct ou indirect » sous peine de sanctions pénales, mais il leur impose aussi de déclarer et de tenir à jour « leurs liens, directs ou indirects, avec les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence ».

De toute évidence, la création d’un énième comité chargé de gérer et de prévenir les conflits d’intérêts ou la mise en place d’une nouvelle charte ne parviendra pas à inculquer plus de rigueur chez les contrevenants.

Deux cas récents concernant l’élaboration au sein de la HAS de deux recommandations professionnelles sur la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et du diabète de type 2, parues en mars 2006 et en novembre 2006, en témoignent.

L’association Formindep, qui œuvre pour la transparence en matière d’information médicale, a constaté, en effet, que les déclarations publiques d’intérêts de certains des experts ayant participé à l’élaboration de ces recommandations ne sont pas accessibles, que si certaines déclarations sont accessibles, elles sont incomplètes, et enfin, que certains participants ont des conflits d’intérêts majeurs au regard du thème des recommandations professionnelles étudiées.

La recommandation sur la prise en charge de la maladie d’Alzheimer publiée en mars 2006 a été rédigée par cinq experts de la HAS présentant des liens d’intérêts directs avec les firmes commercialisant des médicaments indiqués dans les démences. Parmi eux, quatre de ces membres ont des liens d’intérêts majeurs. L’un d’entre eux, le professeur Anne-Sophie Rigaud – mes collègues n’aiment pas que l’on cite des noms, mais je le ferai quand même –, présente un lien d’intérêt non déclaré en tant qu’investigateur d’un essai clinique testant la mémantine, médicament utilisé dans la maladie d’Alzheimer.

La situation est d’autant plus troublante que cette recommandation préconise le recours à des traitements qui ne présentent pas d’amélioration par rapport à l’arsenal thérapeutique existant et que la pertinence du recours à ces produits est loin de faire l’unanimité dans la communauté scientifique médicale.

Certains spécialistes de la maladie, outre-manche, qui ont signé un article dans le British Medical Journal du 9 février 2009, vont même jusqu’à remettre en cause l’intérêt du dépistage de la maladie, car les médicaments anti-Alzheimer, selon eux, n’ont fait que la preuve extrêmement ténue de leur efficacité.

Ces médicaments ont pourtant été recommandés par les experts de la HAS que je viens d’évoquer et ils représentent en France une dépense annuelle de 250 millions d’euros. Je me demande dans quelle mesure il ne serait pas plus utile pour les malades que la collectivité utilise cette somme pour créer des postes d’auxiliaires de vie.

Comment peut-on contraindre ces médecins qui travaillent pour la HAS et l’AFSSAPS à déclarer, conformément à la loi, leur lien d’intérêt ? Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à renforcer la législation dans ce domaine.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Il entre dans les missions du directeur général de l’AFSSAPS de vérifier les déclarations faites par les personnes collaborant aux travaux de l’agence, déclarations qui doivent en outre être rendues publiques.

La mesure proposée par l’amendement de notre collègue vise à compléter ce dispositif. Est-elle vraiment utile ?... La commission se rangera à l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, j’émets un avis défavorable,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. …non pas sur le fond – car il faut prévenir les conflits d’intérêts dans l’évaluation des produits de santé –, mais parce que votre amendement est satisfait par de nombreux dispositifs.

Les règlements intérieurs des commissions de l’AFSSAPS prévoient ainsi d’ores et déjà des suspensions temporaires en cas de non-remise d’une déclaration publique d’intérêt et en cas de manquement à l’obligation de divulguer les liens d’intérêt avec les laboratoires.

Lorsque les experts s’expriment publiquement, l’article L. 5323-4 du code de la santé publique prévoit que l’autorité met fin à leurs fonctions

Quant aux agents de l’AFSSAPS, les textes relatifs à la fonction publique de l’État et aux agents non titulaires de l’État s’appliquent et des procédures disciplinaires peuvent conduire à des sanctions.

C’est donc parce que les outils permettant d’atteindre votre objectif existent déjà tant dans le règlement intérieur de l’AFSSAPS que dans le code de la santé publique et dans le code du travail que je suis défavorable à votre amendement, monsieur Autain.

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Si je vous comprends bien, madame la ministre, tout va bien et il n’y a pas de raison de modifier la législation : on continue ! Parfait, j’en prends acte…

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 501.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 19 (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article additionnel après l'article 19 quinquies (précédemment réservé)

Articles additionnels après l'article 19 (précédemment réservés)

Mme la présidente. L'amendement n° 504, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 4113-6 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et de financer les actions de développement professionnel continu » ;

2° En conséquence, le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sauraient soumettre à convention les relations normales de travail. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Les laboratoires pharmaceutiques sont des structures à vocation commerciale, donc non philanthropiques. Considérer que leur participation à la formation continue des médecins, ou à leur développement professionnel, relève du mécénat n’est pas crédible.

Pour entrer dans le cadre du mécénat, dans celui de l’action désintéressée, il faudrait que les laboratoires pharmaceutiques investissent dans un secteur au sein duquel il n’y aurait pas pour eux de bénéfices à réaliser, de parts de marché à emporter, d’objectifs de ventes à remplir.

De toute évidence, la participation d’un laboratoire pharmaceutique à la formation continue des médecins est stratégique, car elle lui permet de pousser les ventes des produits qu’il met sur le marché : plus les médicaments se vendent, plus le retour sur investissement est rapide et le chiffre d’affaires important. C’est du simple bon sens !

Agir sur les prescripteurs est, bien sûr, un levier que tout plan marketing digne de ce nom dans le domaine de la santé utilise scrupuleusement. Leur formation est, bien entendu, une occasion idoine pour les approcher et les convaincre.

De la sorte, se crée rapidement un conflit d’intérêts pour les médecins, qui, d’un côté, doivent agir en ne recherchant que l’intérêt de leurs patients et, de l’autre, sont influencés par les laboratoires qui ont activement participé à leur formation médicale continue et qui ont pour ambition de les convaincre de privilégier les produits qu’ils leur ont présentés. C’est, là encore, du bon sens !

Considérant que les firmes pharmaceutiques ne doivent pas influencer les praticiens dans le choix des traitements qu’ils prescrivent à leurs patients, je propose de ne plus leur permettre de financer le développement professionnel continu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cette question a déjà été examinée lors de la discussion de l’article 19. Le nouvel organisme gestionnaire aura la charge d’agréer les actions de formation et de veiller à leur qualité.

J’estime donc que votre amendement est satisfait, mon cher collègue, et, à défaut de son retrait, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est évidemment indispensable que le développement professionnel continu soit totalement indépendant de l’industrie pharmaceutique, dans ses contenus comme dans ses orientations.

C’est justement l’objet de l’organisme gestionnaire que je vous propose d’instituer pour financer le développement professionnel continu. Cet organisme, sur avis d’une commission scientifique indépendante, assurera l’enregistrement des organismes de formation et financera des actions prioritaires. À cette occasion, l’indépendance des organismes intervenant dans le champ du développement professionnel continu sera vérifiée.

En conséquence, on pourra utiliser des financements de l’industrie pharmaceutique – après tout, il est souhaitable que l’industrie pharmaceutique finance le développement professionnel continu —, mais on le fera d’une manière totalement étanche en ce qui concerne tant le choix des organismes que le contenu de la formation.

Que demander de plus ? Le respect des critères de déontologie et de transparence étant garanti, je suis tout à fait défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Madame la ministre, je note tout de même un progrès par rapport à certains de vos prédécesseurs – je ne sais pas si je dois citer des noms –…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Inutile : on les connaît !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, c’était sous Staline que l’on faisait des listes ! (M. Guy Fischer s’indigne.) Je ne pensais pas que c’était l’un de vos amis, monsieur Fischer !

M. Guy Fischer. Toujours ces vieilles antiennes !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. D’accord : ne parlons plus de Staline, parlons de Mao !

M. François Autain. L’un de vos prédécesseurs, donc, considérait qu’il était bien et même souhaitable que l’industrie pharmaceutique finance la formation professionnelle des médecins.

Vous estimez, vous, que les laboratoires peuvent financer celle-ci, mais à condition qu’ils le fassent de manière étanche. C’est donc un progrès, mais je me pose une question : si le système devient vraiment étanche, les laboratoires auront-ils toujours la même appétence pour le financement de la formation professionnelle ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il faut être cohérent !

M. François Autain. J’ai tendance à penser que, tant qu’ils financeront celle-ci, l’étanchéité ne sera pas complète et qu’il vous faudra attendre le jour où ils cesseront de le faire pour atteindre votre objectif d’étanchéité.

Aujourd'hui, je ne peux que constater que cette étanchéité n’existe pas et je suis défavorable au principe même du financement par l’industrie pharmaceutique de la formation professionnelle.

J’ajoute pour finir que, si l’étanchéité était à ce point assurée, on ne voit pas pourquoi d’autres industries ne financeraient pas aussi la formation professionnelle des médecins. Pour l’heure, il n’est question que des laboratoires, mais il n’est pas impossible que, bientôt, il puisse s’agir aussi de l’industrie agroalimentaire…

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 504.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 506 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 762 est présenté par MM. Mirassou, Demerliat, Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, M. Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un titre IX ainsi rédigé :

« Titre IX

« Profession d'assistant dentaire

« Chapitre 1er

« Exercice de la profession

« Art. L. 4391-1.- Est considérée comme exerçant la profession d'assistant dentaire toute personne qui, non chirurgien-dentiste, exerce, sous la responsabilité et la surveillance du chirurgien-dentiste, les actes définis par décret en Conseil d'État.

« Art. L. 4391-2. - Peuvent exercer la profession d'assistant dentaire et porter le titre d'assistant dentaire les personnes titulaires des diplômes ou certificats mentionnés à l'article L. 4391-3 ou titulaires des autorisations prévues à l'article L. 4391-4 et inscrites sur une liste départementale.

« Art. L.4391-3. - Les diplômes et certificats mentionnés à l'article L. 4391-2 sont le diplôme d'État français d'assistant dentaire ou le certificat de qualification d'assistant dentaire.

« Art. L. 4391-4.- L'autorité compétente peut, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser à exercer la profession d'assistant dentaire les ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ont suivi avec succès un cycle d'études post-secondaires et qui, sans posséder l'un des diplômes ou certificats prévus à l'article L.4391-3, sont titulaires:

« 1° D'un titre de formation délivré par l'autorité compétente d'un État, membre ou partie, qui réglemente l'accès à cette profession ou son exercice, et permettant d'exercer légalement ces fonctions dans cet État ;

« 2° Ou d'un titre de formation délivré par l'autorité compétente d'un État, membre ou partie, qui ne réglemente pas l'accès à cette profession ou son exercice. Les intéressés fournissent un certificat de l'autorité compétente de cet État attestant de leur préparation à cette profession et justifient de son exercice à temps plein pendant deux ans au cours des dix dernières années dans cet État ou de leur exercice à temps partiel pendant une durée correspondante au cours de la même période ;

« 3° Ou d'un titre de formation délivré par un État tiers et reconnu dans un État, membre ou partie, autre que la France, permettant d'y exercer légalement la profession et dans lequel l'intéressé a acquis une expérience professionnelle pertinente, dont il atteste par tout moyen.

Dans ces cas, lorsque l'examen des qualifications professionnelles attestées par ce titre et fondées sur l'expérience professionnelle pertinente fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour l'accès et l'exercice de la profession en France, l'autorité compétente exige que l'intéressé se soumette à une mesure de compensation qui consiste, au choix du demandeur, en une épreuve d'aptitude ou en un stage d'adaptation.

La délivrance de l'autorisation d'exercice permet au bénéficiaire d'exercer la profession dans les mêmes conditions que les personnes titulaires de l'un des diplômes ou, certificats mentionnés à l'article L. 4391-3.

« Art. L. 4391-5. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4391-2, peuvent exercer la profession d'assistant dentaire et porter le titre d'assistant dentaire, les salariés ayant exercé, à titre principal, l'activité d'assistant dentaire depuis dix ans au sein d'un cabinet dentaire ou médical.

« Chapitre 2

« Règles d'exercice de la profession

« Art. L. 4392-1.- Les assistants dentaires sont tenus de faire enregistrer sans frais leurs diplômes ou certificats auprès du service de l'État compétent ou de l'organisme désigné à cette fin. En cas de changement de situation professionnelle ou de résidence, ils en informent ce service ou cet organisme. L'obligation d'information relative au changement de résidence est maintenue pendant une période de trois ans à compter de la cessation de leur activité.

« Il est établi, pour chaque département, par le service de l'État compétent ou l'organisme désigné à cette fin, une liste de cette profession, portée à la connaissance du public.

« L'assistant dentaire, lors de la délivrance de l'autorisation ministérielle d'exercice doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession et celles relatives aux systèmes de poids et mesures utilisés en France.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.

« Chapitre 3 

« - Dispositions pénales

 « Art. L.4393-1.-L'exercice illégal de la profession d'assistant dentaire est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

« Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :

« a) L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;

« b) La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, conformément à l'article 131-21 du code pénal ;

« c) L'interdiction définitive ou pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une ou plusieurs professions régies par le présent code ou toute autre activité professionnelle ou sociale à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal.

« Le fait d'exercer l'une de ces activités malgré une décision judiciaire d'interdiction définitive ou temporaire est puni des mêmes peines.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal de l'infraction prévue au présent article.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« a) L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« b) Les peines complémentaires mentionnées aux 2° à 9° de l'article 131-39 du code pénal, dans les conditions prévues aux articles 131-46 à 131-48 de ce code. L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur une ou plusieurs professions régies par le présent code ou toute autre activité professionnelle ou sociale à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

« Art. L. 4393-2.- L'usage sans droit de la qualité d'assistant dentaire ou d'un diplôme, certificat ou autre titre légalement requis pour l'exercice de cette profession est puni comme le délit d'usurpation de titre prévu à l'article 433-17 du code pénal.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ce délit, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent les peines prévues pour le délit d'usurpation de titre aux articles 433-17 et 433-25 du même code.

La parole est à M. François Autain, pour présenter l’amendement n° 506.

M. François Autain. Cet amendement a pour objet une unification de diplômes et de référentiel professionnel pour les hommes et les femmes qui officient auprès des dentistes et constituent ce qu’il est convenu d’appeler, par analogie avec les autres professions médicales, les assistants dentaires.

À ce jour, la profession d’assistant dentaire ne constitue pas une « profession réglementée » au sens du code de la santé publique. Pour autant, il existe des écoles de formation à ce métier.

La convention collective des salariés des cabinets dentaires libéraux prévoit l’obligation pour ces cabinets de n’employer que des assistants dentaires diplômés.

Dans les centres de santé dentaires, aucune disposition légale ou réglementaire n’impose aux assistants dentaires la possession d’un diplôme, même si de nombreux assistants dentaires en sont titulaires.

Dans le souci d’unification que je viens d’énoncer et afin d’accorder à ces personnels la reconnaissance qu’ils méritent compte tenu de l’importance des fonctions qu’ils exercent aux côtés des chirurgiens-dentistes, nous proposons de compléter le code de la santé publique en prévoyant la reconnaissance de la profession d’assistant dentaire, reconnaissance qui semble être attendue par les chirurgiens-dentistes comme par ceux qui se destinent à exercer cette profession.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l'amendement n° 762.

M. Jacky Le Menn. Je m’associe aux propos que vient de tenir M. Autain.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission n’est pas du tout hostile à l’idée que défendent les auteurs de ces amendements. Cela étant, les concertations nécessaires n’ont pas encore été menées à bien.

En outre, je crois savoir, et Mme le ministre va certainement nous le confirmer, qu’une mission de réflexion a été engagée sur cette question. Il paraît plus raisonnable d’attendre la fin de ses travaux pour nous prononcer.

Je demande donc le retrait de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comme vient de le dire M. le rapporteur, je viens en effet de mandater l’IGAS pour qu’elle mène une enquête approfondie et engage une large concertation en vue de faire des propositions.

Le moins que l’on puisse dire est que la discussion au sein de la profession est extrêmement dense et souvent conflictuelle ; nous avons donc besoin de disposer d’éléments d’appréciation plus substantiels.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je souhaite vous poser une question très technique, madame la ministre : manque-t-on d’assistants dentaires en France et, dans l’affirmative, à combien évalue-t-on ce manque ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Desessard, je n’ai pas ce chiffre en tête, mais je vous garantis que je vous donnerai cette information avant la fin de la discussion.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 506 et 762.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 505, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Compléter le 2° de l'article L. 162-32-1 du code de la sécurité sociale par deux phrases ainsi rédigées :

« Les caisses d'assurance maladie inscrivent à l'ordre du jour de l'organisme paritaire national prévu par l'accord national des centres de santé, avant le 1er janvier de chaque année, l'application à ces centres de l'ensemble des dispositions conventionnelles qu'elles concluent avec les différentes catégories de professionnels libéraux dans un délai de trois mois après leur signature. Sauf opposition d'une des parties, ces dispositions conventionnelles deviennent applicables aux centres de santé et sont formalisées dans un avenant à l'accord national des centres de santé. »

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Étant longuement intervenu sur l’un de nos amendements concernant les centres de santé et dont l’objet était similaire à l’amendement qui est actuellement en discussion, je vais essayer d’être bref.

Depuis avril 2003, date de la promulgation de l’accord national des centres de santé, aucun dispositif conventionnel négocié avec les professionnels libéraux n’a été transposé aux centres de santé, et ce en dépit de leurs demandes répétées.

Cette situation de blocage nous paraît être en contradiction totale avec les déclarations de principe défendues dans le titre II du présent projet de loi. Car si la volonté réelle est de permettre l’accès de tous à des soins de qualité, il est alors urgent de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux centres de santé de disposer des moyens financiers nécessaires à leur pérennité.

Nous souhaitons donc inscrire dans la loi le principe de l’ouverture d’une négociation annuelle obligatoire entre les centres de santé et les caisses d’assurance maladie. Il est en effet injuste que des professionnels de santé ne disposent pas des mêmes conditions de rémunération au prétexte que les uns auraient choisi l’exercice de la médecine sur le mode libéral et les autres sous une forme salariée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Nous avons déjà beaucoup parlé de cette question. Je me bornerai donc à demander le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me suis déjà expliquée tout à l’heure et mon explication vaut également pour cet amendement ; M. Autain comprendra pourquoi j’y suis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 505.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 19 (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Articles additionnels après l’article 19 sexies (précédemment réservés)

Article additionnel après l'article 19 quinquies (précédemment réservé)

Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par MM. Mirassou et Patriat, est ainsi libellé :

Après l'article 19 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 6325-1 du code de la santé publique, après le mot : « médecin », sont insérés les mots : «, d'un chirurgien-dentiste ou ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

Article additionnel après l'article 19 quinquies (précédemment réservé)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Articles additionnels après l’article 21 (précédemment réservés)

Articles additionnels après l’article 19 sexies (précédemment réservés)

Mme la présidente. L'amendement n° 666, présenté par M. Dériot, est ainsi libellé :

Après l'article 19 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1°) L'intitulé est ainsi rédigé : « Règles communes liées à l'exercice de la profession » ;

2°) L'article L. 4113-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4113-1. - Les professionnels de santé et autres personnes désignés aux 1° et 2° sont tenus de se faire enregistrer auprès du service ou de l'organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé :

« 1° Les titulaires des diplômes, certificats ou titres requis pour l'exercice des professions de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme avant leur entrée dans la profession, ainsi que ceux qui n'exercent pas mais ont obtenu leurs diplômes, certificats ou titres depuis moins de trois ans ;

« 2° Les internes en médecine et en odontologie, ainsi que les étudiants dûment autorisés à exercer à titre temporaire la médecine, l'art dentaire ou la profession de sage-femme, ou susceptibles de concourir au système de soins au titre de leur niveau de formation, notamment dans le cadre de la réserve sanitaire.

« L'enregistrement de ces personnes est réalisé après vérification des pièces justificatives attestant de leur identité et de leurs diplômes, certificats, titres ou niveau de formation. Elles informent le même service ou organisme de tout changement de résidence, de niveau de formation ou de situation professionnelle.

« Pour les personnes ayant exercé la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme, l'obligation d'information relative au changement de résidence est maintenue pendant une période de trois ans à compter de la cessation de leur activité.

« La procédure prévue au présent article est sans frais.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. » ;

3°) Après l'article L. 4113-1, sont insérés deux articles L. 4113-1-1 et L. 4113-1-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 4113-1-1. - Les organismes, notamment de formation, délivrant les formations, diplômes, certificats ou titres mentionnés à l'article L. 4113-1 transmettent au service ou à l'organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé des informations certifiées concernant les diplômes, certificats, titres ou attestations de formation délivrés aux personnes susceptibles d'exercer l'une des professions médicales.

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du premier alinéa, notamment les catégories d'informations concernées et la date à laquelle ce dispositif est mis en œuvre.

« Art. L. 4113-1-2. - Lorsqu'elles sont disponibles, les informations certifiées mentionnées à l'article L. 4113-1-1 tiennent lieu de pièces justificatives pour l'accomplissement des obligations prévues à l'article L. 4113-1. »

La parole est à M. Gérard Dériot.

M. Gérard Dériot. L'État doit garantir aux usagers les qualifications des professionnels susceptibles de les prendre en charge.

Le contrôle des diplômes, titres et niveaux de formation requis sera rendu plus simple et plus efficace s'il s'appuie sur des informations saisies à la source et certifiées par les organismes qui assurent la formation des professionnels de santé et délivrent les diplômes.

L'objet du présent amendement est triple.

Premièrement, il s’agit d’élargir le périmètre des personnes tenues de se faire connaître auprès des guichets d'enregistrement, qui sont généralement tenus par les ordres professionnels, périmètre incluant désormais les personnes susceptibles de concourir aux soins dans le cadre de la réserve sanitaire : étudiants en fin d'études, internes et nouveaux diplômés non exerçant. L'ensemble de ces informations alimente le répertoire partagé des professionnels de santé, le RPPS.

Deuxièmement, il convient d’organiser la saisie à la source et la transmission des informations nécessaires en provenance des organismes de formation délivrant les diplômes.

Troisièmement, il importe de prévoir que les informations certifiées transmises sous forme électronique par les organismes délivrant les diplômes dispensent les personnes concernées d'avoir à présenter d'autres justificatifs.

Les modalités d'application de ce nouveau dispositif, notamment pour ce qui concerne les organismes de formation visés, seront fixées par décret en Conseil d'État.

L'extension du même dispositif aux autres professions de santé, notamment à celle de pharmacien, est renvoyée à la disposition d'adaptation prévue à l'article 21 du projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. C’est une mesure de simplification utile. La commission émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet excellent amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 666.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 19 sexies.

L'amendement n° 359 rectifié, présenté par M. Juilhard, est ainsi libellé :

Après l'article 19 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 4243-1 du code de la santé publique, après les mots : « préparateur en pharmacie » sont insérés les mots : « et de préparateur en pharmacie hospitalière ».

II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 4243-2 du même code, après les mots : « de préparateur en pharmacie » sont insérés les mots : « ou de préparateur en pharmacie hospitalière » et les mots : « cette profession » sont remplacés par les mots : « ces professions ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Alain Milon, rapporteur. Je le reprends, madame la présidente !

Mme la présidente. Il s’agit donc de l'amendement n° 359 rectifié bis, présenté par M. Milon, au nom de la commission.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer le principe de sanction pénale pour l’exercice illégal et l’usurpation du titre de préparateur en pharmacie hospitalière. Son adoption comblera utilement une lacune du droit actuel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 359 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 19 sexies.

L'amendement n° 1331, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 19 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre IV du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par les articles L. 4343-3 et L. 4343-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 4343-3. - Le directeur général de l'agence régionale de santé refuse l'inscription si le demandeur ne remplit pas les conditions légales exigées pour l'exercice des professions d'orthophoniste ou d'orthoptiste ou s'il est frappé soit d'une interdiction temporaire ou définitive d'exercer la profession en France ou à l'étranger, soit d'une suspension prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 4311-26.

« Toutefois, lorsque le demandeur est frappé d'une interdiction d'exercer la profession dans un autre pays qu'un État membre de la Communauté européenne ou autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, il peut être autorisé à exercer cette profession en France par décision du directeur général de l'agence régionale de santé.

« Art. L. 4343-4. - S'il apparaît que le demandeur est atteint d'une infirmité ou se trouve dans un état pathologique qui rend dangereux l'exercice de sa profession, le directeur de l'agence régionale de santé refuse l'inscription sur la liste. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement a pour objet de permettre la suspension du droit d'exercice des orthophonistes et des orthoptistes. Le code de la santé publique prévoit cette possibilité lorsque les conditions légales d’exercice ne sont pas satisfaites.

Plusieurs dispositions relatives aux infirmiers ont été rendues applicables aux orthophonistes et aux orthoptistes. Mais l’instauration d’un ordre infirmier a modifié les dispositions en vigueur en introduisant une compétence ordinale, alors même que les orthophonistes et les orthoptistes ne sont pas dotés d’un ordre.

Il convient donc de restaurer cette compétence auparavant dévolue au préfet du département dans le cadre d’enregistrements sur la liste départementale en la confiant au directeur général de l’agence régionale de santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à combler une lacune juridique. La commission y est donc favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Bien entendu, je voterai cet amendement. Je souhaite toutefois faire part d’une inquiétude, qui, je l’espère, se révélera infondée.

Pendant trop longtemps, nous avons rencontré des difficultés dans nos territoires lorsque plusieurs représentants de l’État détenaient chacun un pouvoir autonome et dépendaient directement du ministère. L’un des objectifs de la décentralisation et de la réforme de l’État était de faire en sorte qu’il n’existe plus qu’un seul représentant de l’État sur le territoire.

Désormais, il y aura deux autorités de l’État à l’échelon régional : le préfet et le directeur général de l’agence régionale de santé. J’espère que la pratique démontrera qu’une véritable complémentarité règne entre le représentant de l’État – le préfet de région ou le préfet de département – et le directeur général de l’agence régionale de santé et qu’aucune difficulté relationnelle ne surgira entre eux.

M. Jean Desessard. Mais si, bien sûr !

M. Alain Vasselle. Nous avons connu cette situation avec les trésoriers-payeurs généraux et un certain nombre de directeurs d’administrations d’État : au niveau départemental, le préfet n’avait pas autorité sur eux. Les lois de décentralisation avaient apporté un changement à cet égard.

Je crains que des problèmes ne surgissent quant à l’offre du service public sur l’ensemble du territoire.

M. François Autain. Il y en aura !

M. Alain Vasselle. Telle est la réflexion que je souhaitais vous livrer, afin que nous soyons tous attentifs à ce risque au fur et à mesure que ces dispositions s’appliqueront dans le temps.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1331.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 19 sexies.

Articles additionnels après l’article 19 sexies (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article 22 A (Supprimé par la commission) (début)

Articles additionnels après l’article 21 (précédemment réservés)

Mme la présidente. L'amendement n° 773, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Le Texier, Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mme Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À la fin de la seconde phrase du quatrième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».

II. - Le quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Sauf dans le cas où, d'une part, le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré, et où, d'autre part, les plafonds de garantie prévus dans les contrats d'assurance en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1142-2 du présent code sont dépassés, l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. »

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Aujourd'hui, de nombreux praticiens exercent dans l'insécurité. En effet, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l’ONIAM, intervient au-delà du plafond défini réglementairement à 3 millions d'euros. Comme il s’agit d'argent public, celui-ci doit ensuite se retourner contre le praticien.

Cette situation a provoqué une augmentation tant du montant des primes que des sommes versées par la sécurité sociale au titre de la responsabilité civile professionnelle – 66 % en secteur 1 et 50 % en secteur 2 –, sans que la pratique du professionnel soit pour autant sécurisée. Elle a aussi conduit non seulement à augmenter sans cesse les primes exigées par les assureurs – leur montant est aujourd'hui de 50 000 euros par an –, a fortiori à enrichir ces derniers, mais également, et surtout, à détourner les jeunes médecins des spécialités les plus exposées, en particulier celles qui sont liées à la naissance. Faute de résoudre ce problème, il est clair que le secteur libéral concerné risque de perdre progressivement ses acteurs, mettant évidemment en cause la qualité et la sécurité de la naissance.

En faisant disparaître le « trou de garantie » dont on doit aujourd'hui déplorer l'existence, cet amendement vise à offrir aux médecins les plus exposés une sécurité d'exercice indispensable à la poursuite de leur activité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l'article 18 quater B.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons débattu de cette question hier. L'article 18 quater B répond en effet à votre préoccupation, monsieur Le Menn.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Le Menn., l'amendement n° 773 est-il maintenu ?

M. Jacky Le Menn. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 773 est retiré.

L'amendement n° 1243, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 4212-7 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 4212-7. - Le fait de distribuer ou de mettre à disposition du public des médicaments à usage humain collectés auprès du public et non utilisés est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement vise à instituer une sanction pénale en cas de non-respect de l’interdiction en vigueur depuis le 1er janvier 2009 de réutiliser, de distribuer ou de mettre à disposition du public des médicaments non utilisés, les MNU, lorsque ceux-ci sont directement collectés auprès du public par des médecins, des associations humanitaires ou de simples particuliers, sans que ces derniers passent par l’intermédiaire d’un pharmacien d’officine.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement est cohérent avec la réforme des médicaments non utilisés. La commission émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1243.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.

L'amendement n° 1241, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 6153-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il précise notamment les conditions dans lesquelles les internes peuvent bénéficier du temps partiel thérapeutique. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite rendre hommage à Marie-Thérèse Hermange, qui est à l’origine de la disposition prévue dans cet amendement présenté par le Gouvernement : il faut rendre à César ce qui est à César et à Marie-Thérèse Hermange ce qui est à Marie-Thérèse Hermange ! (Sourires.)

Cet amendement vise à ouvrir la possibilité aux internes de bénéficier d’un temps partiel thérapeutique.

Les internes de médecine, de pharmacie et d’odontologie sont régis, pour les fonctions hospitalières qu’ils doivent accomplir dans le cadre de leur cursus de formation, par les dispositions des articles R. 6153-1 à R. 6153-45 du code de la santé publique.

Ils bénéficient d’ores et déjà de périodes de congés de maladie pendant lesquelles tout ou partie de leur rémunération est maintenu, dans l’attente qu’ils soient de nouveau aptes à accomplir leurs fonctions : congé de maladie ordinaire, congé de maladie pour un certain nombre de pathologies particulières, congé de maladie pour pathologie nécessitant des soins longs et coûteux ; congé en cas d’accident ou de maladie professionnels.

La durée pendant laquelle tout ou partie de la rémunération est maintenu est de neuf mois pour le congé de maladie ordinaire et de trente-six mois pour les autres catégories de congés.

Un décret, actuellement en cours de signature, instaure une prime de responsabilité pour les internes de quatrième et cinquième années et prévoit le maintien du versement de la prime pendant la totalité de ces périodes de congés de maladie rémunérées.

En cas d’incapacité temporaire de l’interne au-delà de ces périodes, celui-ci peut, en outre, bénéficier d’un congé supplémentaire non rémunéré de douze mois.

Cependant, comme l’a fait remarquer avec justesse Marie-Thérèse Hermange, ces dispositions ne permettent pas à l’interne qui aurait eu un problème de santé justifiant un arrêt de travail d’une durée significative de reprendre progressivement ses fonctions en cas d’amélioration de son état de santé. Actuellement, le comité médical chargé de donner un avis sur l’état de santé de l’interne n’a que deux possibilités : soit le déclarer apte à reprendre ses fonctions, soit le déclarer inapte sans possibilité d’aménagement.

L’adoption de cet amendement permettra aux internes de bénéficier de ce que l’on appelle communément le « mi-temps thérapeutique », dénommé plus précisément « temps partiel thérapeutique » dans le statut de la fonction publique.

Cette nouvelle possibilité fera l’objet de dispositions réglementaires qui préciseront également dans quelles conditions un stage réalisé à temps partiel pourra être validé au titre du troisième cycle.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vraiment une bonne mesure !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L'article R. 6153-1 du code de la santé publique prévoit que le régime de l’internat des centres hospitaliers et universitaires est déterminé par décret en Conseil d’État.

Cet amendement vise à compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Il précise notamment les conditions dans lesquelles les internes peuvent bénéficier du temps partiel thérapeutique. »

Comme notre collègue Marie-Thérèse Hermange, nous ne pouvons qu’être favorables à cette mesure prévoyant d’accorder le bénéfice du temps partiel thérapeutique aux internes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la ministre, je suis très touchée que vous ayez repris cet amendement que la commission des finances avait déclaré irrecevable.

Aujourd’hui, un certain nombre d’internes veulent continuer à rendre service à la médecine, malgré leur maladie. Pour eux, c’est aussi une façon de guérir. Je pense plus particulièrement à une interne qui, en cet instant, se trouve confrontée à des problèmes inextricables, alors qu’elle souhaitait ardemment continuer à rendre service à l’Assistance publique-hôpitaux de Paris.

Je vous remercie vivement, madame la ministre, d’avoir inséré cette disposition dans le projet de loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1241.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.

L'amendement n° 197, présenté par MM. Leclerc, Dériot, P. Blanc, Vasselle, Laménie et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 6221-11-1 code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, les mots : « de services » sont remplacés par le mot : « médicale » ;

2° Au cinquième alinéa, les mots : « prestataire de services » sont remplacés par les mots : « professionnel médical » ;

3° À la fin de la première phrase du sixième alinéa, les mots : « de services » sont remplacés par le mot : « médicale » ;

4° Dans la première phrase du septième alinéa, les mots : « prestataire de services » sont remplacés par les mots : « professionnel médical ».

La parole est à M. Gérard Dériot.

M. Gérard Dériot. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 197 est retiré.

L'amendement n° 1242, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 4° bis, les mots : « , ainsi que les sanctions encourues en cas de non-réalisation ou de retard dans la réalisation de ces études qui pourront aboutir, après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations, à une baisse de prix du médicament concerné, fixée exclusivement sur la base des conséquences entraînées pour l'assurance maladie par la non-réalisation des études » sont supprimés ;

2° Au 5°, les références : « aux 3°, 4° et 4° bis » sont remplacées par les références : « aux 3° et 4° » ;

3° Après le douzième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« En cas de manquement par une entreprise à un engagement souscrit en application du 4 bis, le comité économique des produits de santé peut prononcer, après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations, une pénalité financière à l'encontre de ladite entreprise.

« Le montant de cette pénalité ne peut être supérieur à 10 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entreprise, au titre des spécialités objets de l'engagement souscrit, durant les douze mois précédant la constatation du manquement.

« Le montant de la pénalité est fixé en fonction de l'importance du manquement constaté. » ;

4° Au treizième alinéa, après les mots : « La pénalité », sont insérés les mots : «, prononcée au titre d'une mesure d'interdiction de publicité ou de la non-réalisation des études mentionnées au 4° bis, ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement vise à renforcer le contrôle de la réalisation des études pharmaco-épidémiologiques postérieures à l'autorisation de mise sur le marché. La loi du 15 avril 2008 a prévu la possibilité de sanctionner l’absence ou le retard dans la réalisation de telles études. Elle précise toutefois que cette sanction prend la forme d’une baisse de prix du médicament concerné.

En pratique, mettre en œuvre cette sanction s’avère délicat, car il est difficile, voire impossible, pour l’assurance maladie de démontrer la réalité du préjudice en cas de non-réalisation d’une étude postérieure à l’autorisation de mise sur le marché.

Afin de rendre plus effectif le contrôle de la réalisation de ces études, l’amendement n° 1242 vise à remplacer la baisse de prix par une pénalité financière qui sera appliquée si l’entreprise considérée ne respecte pas ses engagements d’effectuer des études post-AMM. Le montant de la pénalité sera fixé par le CEPS, dans la limite d’un plafond et dans le respect du principe du contradictoire, en fonction de la gravité des manquements constatés.

Une telle sanction sera beaucoup plus aisée à mettre en œuvre en cas de besoin, dans la mesure où le CEPS pratique déjà des pénalités similaires.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1373, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter le 3° de l'amendement n° 1242 par un alinéa ainsi rédigé :

« La sanction prévue au huitième alinéa du présent 5° est également applicable en cas de non-réalisation ou de retard dans la réalisation des études demandées par la Haute Autorité de santé, ainsi que de celles demandées par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé dans l'exercice de ses attributions. »

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Comme je l’ai fait remarquer à plusieurs reprises, la non-réalisation des études post-AMM prescrites par l’AFSSAPS ne donne pas lieu à sanction. Le présent sous-amendement a pour objet de remédier à cette lacune – il mériterait d’ailleurs d’être rectifié – en appliquant auxdites études le dispositif prévu pour les études qui sont demandées par le CEPS ou la HAS.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 1242, l’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale prévoit des sanctions – une réduction du prix du médicament concerné – pour les entreprises pharmaceutiques qui ne réalisent pas – ou qui les effectuent avec retard – les études pharmaco-épidémiologiques requises lors de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament.

Les études susvisées sont essentielles pour une mise en œuvre effective de la pharmacovigilance, mais le dispositif ne semble pas opérationnel. Le Gouvernement nous propose donc que le Comité économique des produits de santé, qui existe encore, puisse prononcer des pénalités financières en cas de manquement.

Je regrette que cet amendement ait été soumis à notre assemblée après le début de l’examen du projet de loi, ce qui a été préjudiciable à son évaluation précise. Néanmoins, il vise à améliorer un dispositif que le Sénat a soutenu. La commission émet donc un avis favorable.

Par ailleurs, l’objectif des auteurs du sous-amendement n° 1373 est tout à fait louable, à savoir sanctionner également la non-réalisation ou le retard dans la réalisation des études post-AMM qui sont demandées par l’AFSSAPS. La rédaction proposée par ce sous-amendement me paraît tout à fait adaptée.

Cependant, la commission n’a pas étudié ce texte. J’émets donc, à titre personnel, un avis favorable.

MM. François Autain et Guy Fischer. Merci, monsieur le rapporteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1373 ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, si vous avez déposé un sous-amendement à l’amendement n° 1242, c’est parce que vous êtes favorable à ce dernier…

Vous avez vous-même reconnu que votre sous-amendement posait quelques problèmes. Évidemment, le Comité économique des produits de santé relaie les demandes de la Haute Autorité de santé. Sur ce point, vous êtes donc satisfait.

La situation est différente en ce qui concerne les demandes d’études de l’AFSSAPS. La Commission européenne a adopté un projet de directive le 10 décembre 2008, prévoyant la possibilité pour les autorités sanitaires nationales compétentes d’obliger le titulaire d’une AMM à effectuer une étude de sécurité postérieure à l’autorisation, dès lors qu’il existe des craintes liées à l’utilisation du médicament concerné.

Ce projet de texte indique que les États membres devront prendre les mesures nécessaires pour que tout titulaire qui ne s’acquitte pas de cette obligation fasse l’objet de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, qui pourront aller jusqu’à la suspension, voire au retrait, de l’AMM.

L’adoption de ce projet, transmis au Parlement et au Conseil au mois de décembre dernier, dépendra évidemment du calendrier des travaux du Parlement ; elle peut être rapide, puisque ce dernier se réunit au mois de juillet.

Je préfère attendre l’adoption de cette directive. Pour l’instant, il serait prématuré de légiférer en France. Pour tout ce qui concerne la législation pharmaceutique, nous avons tout intérêt à tenir compte des dispositions européennes.

Sous le bénéfice de ces explications, monsieur Autain, vous pourriez retirer le sous-amendement n° 1373 et adopter l’amendement n° 1242.

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Madame le ministre, je ne suis favorable à l’amendement n° 1242 que dans la mesure où le sous-amendement n° 1373 est adopté.

Je n’approuve pas la modification que vous voulez introduire, à savoir que la sanction applicable aux laboratoires consiste non plus en une baisse du prix du médicament, mais en une pénalité financière unique. Le sous-amendement représentait une sorte de compromis, car ce que je perdais d’un côté, je le gagnais de l’autre.

Si je retire mon sous-amendement, je n’ai plus aucun bénéfice à voter votre amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous n’êtes pourtant pas un homme de bénéfices ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1373.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1242.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.

L'amendement n° 771, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement un rapport d'évaluation précise sur la transformation des services de médecine préventive universitaire en centres de santé.

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Les services interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé assurent la protection médicale des étudiants tout au long de l’année : assistantes sociales, infirmières, médecins, gynécologues, psychologues et autres spécialistes sont à leur écoute.

La majeure partie des interventions médicales pratiquées dans ces services sont gratuites. Toutefois, en raison des faibles moyens dont disposent ces centres et du manque de personnel, nombre d’étudiants n’ont pas recours à ces prestations de santé pour une raison simple : les délais pour consulter un spécialiste peuvent atteindre plus de trois mois.

Une étude menée en 2006 auprès de 9 228 jeunes adultes âgés de dix-huit à vingt-trois ans par la mutuelle des étudiants révèle l’existence d’un véritable « mal-santé » étudiant.

En 2005, près d’un étudiant sur quatre – 23 % – a renoncé à des soins, notamment ophtalmologiques et dentaires, pour des raisons financières. Plus inquiétant, la majorité des étudiants présentaient des signes de fatigue physique et psychologique : 62 % d’entre eux ont répondu ne pas se sentir en forme souvent ou de temps en temps. Au cours des douze derniers mois, 45 % étaient angoissés. Pour faire face à de telles situations, plus d’un étudiant sur dix a déclaré se tourner vers la consommation d’alcool.

En outre, faute de moyens et d’informations, le recours au système de santé est inégal, même pour les cas les plus lourds.

Il avait donc été décidé tardivement, par un décret du 7 octobre 2008, de donner la possibilité aux services de médecine préventive universitaire de se transformer en centres de santé. À ce jour, aucune université n’a toutefois enclenché ce processus, faute de financement et d’accompagnement technique.

L’amendement n° 771 tend à faire en sorte que la représentation nationale se saisisse de ce dossier, en lui permettant de suivre ce processus de transformation extrêmement important.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Il semble assez difficile de prévoir une disposition législative visant à demander au Gouvernement un rapport sur cette question. Les parlementaires ont la possibilité d’interroger le Gouvernement par le biais de questions écrites ou de questions orales.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, il est en effet utile de développer une offre de soins accessibles aux étudiants et de leur permettre un suivi médical. D’ailleurs, la consultation de prévention pour les jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans, que nous avons votée hier, me semble-t-il, va dans ce sens.

Dans le cadre du plan « Santé des jeunes » paru le 27 février 2008, j’ai proposé de réviser les missions des services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé, afin de permettre à ceux d’entre eux qui le souhaitent de se constituer en centres de santé – voilà qui plaira à MM. Autain et Fischer –, voire en centres de planification d’éducation familiale. Tel est l’objet du décret du 7 octobre 2008, qui a modifié l’organisation et les missions de ces services.

L’obtention par les services susvisés de l’agrément en centres de santé devrait s’effectuer de manière progressive : une dizaine de services par an. Valérie Pécresse et moi-même avons demandé à la direction générale de la santé et à la direction générale de l’enseignement supérieur d’établir un suivi précis de la montée en charge de l’agrément des services universitaires de médecine préventive en centres de santé.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, de mon implication en la matière. Néanmoins, je ne crois pas souhaitable de systématiser une telle organisation, dans la mesure où de nombreux centres de santé existent déjà à proximité des établissements d’enseignement supérieur et sont facilement accessibles aux étudiants. Il faut agir au cas par cas, en fonction de ce qui existe.

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 771.

Par ailleurs, monsieur Desessard, j’ai le chiffre que vous souhaitiez connaître : il existe environ 15 000 assistants ou assistantes dentaires, dont 90 % sont employés par des chirurgiens dentistes libéraux.

Mme la présidente. Monsieur Autain, l’amendement n° 771 est-il maintenu ?

M. François Autain. Oui, madame la présidente, je le maintiens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 771.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 772, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Le Texier, Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mme Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les statuts de médecin inspecteur de la santé publique et de praticien hospitalier qualifié en santé publique seront harmonisés par décret.

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Les médecins inspecteurs de santé publique, au nombre de 500 environ aujourd’hui, dépendent du ministère chargé de la santé. Ils sont affectés dans l'administration centrale, notamment dans les agences de veille sanitaire, les DDASS, les DRASS.

Leurs missions sont importantes et s'accroissent : santé publique, surveillance des épidémies, veille et sécurité sanitaire, addictologie, programmes de prévention, surveillance des hôpitaux… Ces missions essentielles sont pourtant menacées du fait de la désaffection qui frappe ce corps, très peu attractif pour les médecins.

De nombreux médecins inspecteurs sont inquiets : alors que l’on compte environ 500 postes, 70 postes sont vacants. Ils déplorent aussi un manque d'infirmières et de secrétaires. Ils craignent qu'en cas de crise grave de santé publique ou environnementale leur faible nombre ne soit insuffisant pour assurer la protection de la population.

Selon certains d’entre eux, leurs lourdes responsabilités sont disproportionnées par rapport aux moyens humains, faute d'attractivité et de reconnaissance de leur métier. Ils demandent donc une harmonisation de leur statut avec celui du praticien hospitalier, ce qui devrait permettre une mobilité, un décloisonnement.

Nous souhaiterions qu’un débat ait lieu au Sénat sur les missions que les médecins inspecteurs de santé publique souhaitent accomplir de manière complémentaire : il faudrait soit leur permettre d’effectuer en parallèle des tâches de praticiens hospitaliers qualifiés en santé publique, soit s’interroger sur l’organisation de l’internat, sur la qualification reconnue : publications, master, etc.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement prévoit l’harmonisation des statuts de médecin inspecteur de santé publique et de praticien hospitalier qualifié en santé publique.

Les effectifs des médecins inspecteurs de santé publique sont en effet insuffisants. Cependant, le dispositif proposé ne répond pas aux enjeux et pourrait même se révéler contre-productif.

En attendant de connaître l’avis du Gouvernement, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite profiter de cet avis pour faire brièvement le point sur le statut des médecins inspecteurs de santé publique, les MISP.

Ces praticiens apportent une contribution essentielle à la mise en œuvre de la politique de santé publique. Ils sont les seuls à intervenir dans le champ du sanitaire et du social, que ce soit dans le cadre de l’expertise collective, des inspections ou des missions d’appui aux autres acteurs intervenant en ce domaine.

La mise en place des agences régionales de santé constitue un tournant majeur pour le développement d’une politique de santé publique territorialisée et décloisonnée. Les MISP ont été, en quelque sorte, les éclaireurs : ils sont à l’origine de la philosophie des agences régionales de santé. Il faut valoriser leur expertise, afin de contribuer à la diffusion d’une culture de santé publique.

C’est dans cette perspective que je souhaite augmenter les recrutements de médecins inspecteurs de santé publique. Pour l’année 2009, trente postes seront mis au concours, contre vingt en 2008, ce qui constitue une progression substantielle.

De même, je veille à la bonne application du protocole signé avec les représentants des MISP en 2007, qui vient renforcer l’attractivité du corps. Ce texte prévoit l’accélération des possibilités d’avancement entre les différents grades de médecins inspecteurs, une revalorisation significative et conduite dans la durée de leur régime indemnitaire – 10 % en 2007, 7 % en 2008, et 7 % sont prévus en 2009 –, enfin la création d’un statut d’emploi dont l’indice terminal culmine à la hors échelle D.

Ces efforts particulièrement soutenus contribueront à renforcer l’attractivité du corps des MISP, dont les compétences sont particulièrement précieuses pour la conduite de leurs missions dans le domaine de la santé. C’est d'ailleurs pour moi l’occasion de rendre publiquement hommage à ces professionnels de très grande qualité.

Monsieur Le Menn, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, mais vous comprenez bien le sens réel de cet avis.

Mme la présidente. Monsieur Le Menn, l’amendement est-il maintenu ?

M. Jacky Le Menn. Mme la ministre a parfaitement saisi qu’au travers de cet amendement nous voulions nous associer à la reconnaissance du travail exceptionnel accompli par ce corps d’inspecteurs.

Compte tenu des explications fournies, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 772 est retiré.

L'amendement n° 777, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le montant de la cotisation au régime étudiant de sécurité sociale est gelé jusqu'à l'année universitaire 2011-2012.

II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Aujourd'hui, la situation des jeunes étudiants ne correspond plus à l’image d’Épinal d’une jeunesse dorée et insouciante que les médias ne cessent de véhiculer. Cet âge, qui devrait être celui où tous les choix sont possibles, est désormais celui de tous les risques : précarité de l’emploi, dépendance vis-à-vis de la famille, chômage, etc.

La pauvreté des étudiants n’est pas un vain mot. En octobre 2008, l’Observatoire de la vie étudiante a publié une enquête qui dresse un constat alarmiste. Entre le coût des études, les hausses de loyers et la stagnation du montant des bourses, nombre d’étudiants admettent ne pas s’en sortir. En France, quelque 17 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-quatre ans vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 680 euros par mois. Un étudiant sur cinq est obligé d’abandonner ses études pour des raisons financières.

Pour réussir à vivre, de plus en plus d’étudiants doivent exercer des petits « boulots ». Or ces jeunes obligés de travailler régulièrement le font au détriment de leur réussite à l’université, et parfois même de la simple poursuite de leurs études. Leur taux de succès aux examens est de 30 % inférieur à celui des étudiants qui ne travaillent pas, selon un rapport de l’Observatoire de la vie étudiante daté de 2004.

L’augmentation de la cotisation au régime étudiant de sécurité sociale constitue un autre facteur d’échec scolaire. Celle-ci augmente tous les ans ; elle a progressé de 12 % depuis 2002, passant de 174 euros à 195 euros. À chaque rentrée, cette cotisation s’ajoute au paiement des frais d'inscription, à la caution pour le logement, aux fournitures et autres dépenses essentielles…

La situation sociale des étudiants continue donc de se dégrader. En moyenne, à la rentrée de l'année universitaire 2008-2009, le coût de la vie étudiante a augmenté de 5,9 %.

Nous proposons donc que la cotisation au régime étudiant de sécurité sociale ne soit plus augmentée durant les trois années universitaires à venir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Le sujet que vient d’aborder M. Le Menn relève non pas du présent texte, mais d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur, mais je voudrais répondre au fond à l’intervention de M. Le Menn.

Nous avons mis en place une série de mesures qui visent à améliorer les conditions de la vie étudiante, grâce à un système d’aides sociales équitables, à la facilitation de l’accès au logement, à la possibilité de fractionner le versement de la cotisation étudiante.

J'ajoute que, malgré un déficit structurel du régime étudiant qui n’est pas mince, puisqu’il atteignait 530 millions d'euros l’an dernier, la revalorisation de la cotisation maladie a évolué strictement comme l’indice des prix à la consommation, ce qui signifie que cette cotisation est restée stable en euros constants.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement pour des raisons de fond, mais aussi parce que la disposition proposée relève strictement d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. François Autain. Comme bien d’autres !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 777.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE III

PRÉVENTION ET SANTÉ PUBLIQUE

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons le titre III, le dernier de ce projet de loi, qui est essentiel, comme les deux autres d'ailleurs, car il porte sur ce que l’on nomme dorénavant la « pandémie silencieuse », c'est-à-dire les maladies chroniques. Celles-ci concernent aujourd’hui environ quinze millions de personnes, soit plus de 20 % de la population, et près de 60 % du total des remboursements d’assurance maladie. Les économistes de la santé prévoient même qu’elles représenteront 70 % des dépenses d’assurance maladie dans les dix ans à venir.

M. Guy Fischer. C’est pourquoi on va faire payer les complémentaires !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il s’agit donc d’un enjeu de santé publique aigu, notamment au regard de la pérennité de notre système de soins.

Nous devons nous poser plusieurs questions, et d’abord celle du contrôle de la survenue des maladies chroniques, grâce à la prévention, menée très en amont, auprès des jeunes, en luttant contre ces deux facteurs de risque majeurs de maladies chroniques que sont l’alcool et le tabac.

Quand la maladie est présente, il faut contrôler son évolution et ses conséquences, afin de permettre au patient et à son entourage le retour à une vie normale de qualité ; c’est l’éducation thérapeutique du patient.

C’est la raison pour laquelle, pour la première fois, je donne à l’éducation thérapeutique du patient toute la place qu’elle mérite dans la loi. Celle-ci va promouvoir de nouvelles modalités de relation des professionnels au malade, qui, dorénavant, sera au cœur des stratégies de prise en charge de sa pathologie.

Mon projet tend également à s’attaquer, de manière claire, au phénomène de l’alcoolisation des jeunes, qui constituent une population vulnérable, sans pour autant les stigmatiser.

La précocité de la consommation d’alcool et la recherche de la « défonce », le binge drinking – pardonnez-moi d’employer ces termes –, sont pour notre société des phénomènes dangereux, dont les conséquences sont immédiates, mais parfois aussi différées.

C’est dans ce cadre que j’ai souhaité, d’une part, simplifier et clarifier la loi en prohibant la vente d’alcool aux mineurs, et, d’autre part, interdire les opens bars, qui offrent gratuitement ou par forfait de l’alcool à volonté, en ciblant précisément les jeunes.

En outre, 98 % des 12-17 ans utilisent aujourd’hui internet. J’ai voulu résoudre les problèmes que pose la publicité pour l’alcool sur ce média, tout en m’assurant de la protection des jeunes. C’est pourquoi j’ai accepté d’encadrer sur internet ce type de publicité, qui resterait interdite sur les sites sportifs ou destinés aux jeunes.

Au-delà des dommages sanitaires, est-il besoin de rappeler les dégâts sociaux et les drames humains liés à l’alcool que relate l’actualité quotidienne ? Je pense notamment à la sécurité routière et à l’alcool au volant. Chacun, dans son entourage proche, a certainement eu à connaître de tels drames épouvantables.

La mesure qui, d’une part, interdit toute vente de boissons alcoolisées réfrigérées dans les stations-service, et, d’autre part, élargit les plages horaires d’interdiction de vente d’alcool dans ces mêmes lieux répond à cet enjeu de sécurité routière, tout en tenant compte des préoccupations économiques.

Comme vous pourrez l’apprécier, mesdames, messieurs les sénateurs, ces dispositions destinées à lutter contre l’alcoolisme sont équilibrées et permettent de concilier enjeux de santé publique et impératifs économiques.

En ce qui concerne le tabac, si la lutte contre le tabagisme passif est considérée comme un succès et si personne n’aurait l’idée de revenir sur les mesures d’interdiction que j’ai mises en œuvre au début de l’année dernière, nous devons poursuivre nos efforts pour réduire encore la consommation, particulièrement chez les jeunes.

L’apparition de nouveaux produits destinés à attirer les plus jeunes vers le tabagisme doit être contrée tout de suite, et avec la plus extrême fermeté. L’introduction d’un article interdisant la vente de tabac aux mineurs permet ainsi de mettre en cohérence le régime de vente de ce produit avec celui qui a été voté pour l’alcool.

L’encombrement du calendrier parlementaire et l’évaluation en cours par le Haut conseil de la santé publique de la loi du 9 août 2004 relative à la santé publique nous ont conduits à reporter nos ambitions initiales pour ce titre au prochain rendez-vous, la grande loi de santé publique révisée en 2010, comme l’a annoncé récemment le Président de la République.

Toutefois, la démarche est lancée, et je ne doute pas qu’elle sera enrichie par nos débats ; c’est ainsi que nous progresserons dans la définition des prochaines priorités de santé publique.

Je tiens à rappeler que la politique de santé publique que je mène n’est pas seulement tournée vers l’interdiction.

On m’a parfois fait le reproche de n’avoir prévu que des mesures d’interdictions dans ce projet de loi. Bien sûr, une véritable politique de santé publique repose toujours à la fois sur des mesures d’interdiction, d’information et de prise en charge. Toutefois, ces deux derniers types de dispositions relèvent non pas du domaine législatif, mais de formes d’actions différentes, comme les plans de santé ou les campagnes d’information assurées par le « bras armé » du ministère de la santé, c'est-à-dire l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, et elles utilisent d’autres techniques de communication. Seule la loi porte les mesures d’interdiction ; c’est pourquoi celles-ci apparaissent dans ce texte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout au long de l’examen de ce projet de loi, vous avez travaillé sur des dispositions novatrices en matière de prévention.

Les ARS visent à déployer une prévention de proximité, plus efficiente, au plus près des populations.

Des instances régionales auront spécifiquement à traiter des questions de promotion de la santé et de prévention au sein des ARS. Celles-ci piloteront un schéma régional de prévention et de promotion de la santé et passeront des contrats locaux de santé permettant de fédérer décideurs et acteurs locaux autour de projets ciblés sur les plus fragiles d’entre nous.

Le Président de la République, lors du discours qu’il a prononcé dans le Jura, à Bletterans,…

M. François Autain. Un discours mémorable ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … nous a fixé des objectifs ambitieux, puisque les crédits destinés à la prévention doivent passer de 7 % des dépenses de santé à 10 % en 2012, soit une augmentation de près de 50 %. Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que je vous présente s’inscrit tout à fait dans cet esprit : ses dispositions sont entièrement dédiées à la prévention et à la santé publique.

Articles additionnels après l’article 21 (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article 22 A (Supprimé par la commission) (interruption de la discussion)

Article 22 A

Mme la présidente. L’article 22 A a été supprimé par la commission.

L'amendement n° 786 rectifié, présenté par MM. Desessard, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Avant l'article L. 1110-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 110-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 110-1 A- La santé est un état de complet bien être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.

« La santé environnementale comprend les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement. Elle concerne également la politique et les pratiques de gestion, de résorption, de contrôle et de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d'affecter la santé des générations actuelles et futures. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je suis admiratif devant la résistance de Mme la ministre qui, après quatre semaines de débat, nous donne des explications aussi détaillées !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Merci, monsieur Desessard !

M. Jean Desessard. Les directeurs d’ARS auront du souci à se faire s’ils n’accomplissent pas leur travail. (Sourires.)

M. Guy Fischer. Elle ne sera plus là !

M. Jean Desessard. Peut-être… Je n’en sais rien !

Cet amendement tend à rétablir le texte de l’article 22 A, adopté par l’Assemblée nationale et supprimé par notre commission des affaires sociales, tout en complétant la définition de la santé adoptée par l’Organisation mondiale de la santé en 1946 par celle de santé environnementale proposée par le bureau européen de l’Organisation mondiale de la santé lors de la conférence d’Helsinki en 1994, et reconnue par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET.

L’article 22 A visait à insérer en préambule du code de la santé publique la définition de la santé reconnue internationalement par l’Organisation mondiale de la santé depuis 1946. Bien que cette définition ne soit pas parfaite, elle présente l’avantage d’offrir une définition large de la santé qui sorte de la dimension purement curative et prenne en compte le bien être à la fois physique, mental et social. Malheureusement, la commission n’a pas jugé nécessaire de la conserver.

Vous allez me dire, monsieur le rapporteur, que la loi ne doit pas être bavarde, et vous aurez raison, mais j’estime qu’en matière de santé il est important de savoir de quoi l’on parle. Selon la définition que l’on retient, c’est l’orientation d’ensemble des politiques publiques de santé qui peut être changée.

Il me semble nécessaire de rappeler que deux cancers sur trois sont d’origine environnementale. En vingt ans, leur nombre a augmenté de 63 %, et, pour certaines maladies dues à une dégénérescence neurologique, de forts soupçons pèsent sur des facteurs environnementaux.

D’autres maladies chroniques sont en forte progression, telles que les allergies et les maladies neuro-dégénératives comme celles d’Alzheimer et de Parkinson. Les problèmes de santé psychique progressent également de façon inquiétante : la dépression touche 15 % des Français, qui sont les premiers consommateurs au monde d’antidépresseurs, et de nouvelles formes de pathologies mentales se développent, ce qui est la conséquence des conditions actuelles de vie et de travail : isolement, solitude, compétition dans tous les domaines, course à la consommation, dépendance, précarité, harcèlement.

La prise en compte de la santé environnementale dans l’ensemble de nos politiques de santé est une avancée indispensable. Vous l’avez dit, madame la ministre, lorsque nous vous proposions d’inclure la santé environnementale dans les compétences des ARS : la préoccupation de l’environnement doit non pas faire l’objet de mesures spécifiques, mais irriguer l’ensemble des politiques en matière de santé.

En retenant cette définition en préambule du code de la santé publique, nous marquerons notre ambition de ne plus réduire les politiques de santé à leur dimension purement curative et de garantir à tous l’accès à la santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Sans nier l’intérêt que pourrait avoir le fait d’inclure une définition de la santé dans le code de la santé publique, la commission estime que fixer légalement le contenu d’une notion aussi complexe est porteur de plus de risques que d’avantages.

La reprise de la définition de l’OMS se présente d’abord comme un ajout au droit positif français. En effet, bien que la constitution de l’OMS ait été régulièrement ratifiée et publiée par la France, la définition contenue dans son préambule ne peut trouver à s’appliquer sur le fondement de l’article 55 de la Constitution, car il est d’interprétation constante en droit international public que seules les dispositions contenues dans le corps d’un traité ont une force contraignante.

Par ailleurs, la définition de la santé est par nature évolutive, comme le montre la définition de l’OMS elle-même, qui s’oppose à la définition traditionnelle de la santé comme absence de maladie et inclut des dimensions mentales et sociales.

On ne peut donc espérer fixer une définition légalement consensuelle de la santé, quand bien même celle-ci serait particulièrement large et adaptée à la conduite d’une action internationale destinée principalement à l’amélioration du niveau des soins dispensés dans les pays les plus pauvres de la planète. La santé demeure un concept neutre que chacun est appelé à définir et qu’il n’est pas possible d’appréhender d’une manière générale et abstraite, valable pour tous, en tout lieu et en tout temps.

Enfin, la définition adoptée par l’OMS, volontairement ambitieuse à une époque où les « potentialités de réalisation sociale surpassaient les attentes de tous les philosophes et hommes d’État qui [aient] jamais esquissé dans des programmes utopiques l’idée d’une société vraiment humaine », est restée controversée.

Elle est, selon l’analyse du professeur Jean-Michel de Forges, « étrangement excessive » : « la retenir sans réserve conduirait à aborder l’ensemble du droit social et donc à nier la spécificité du droit de la santé. Le bien-être social est une notion trop subjective pour être retenue, même si chacun comprend qu’il a des répercussions sur la santé physique et mentale ».

Cette définition, dès lors qu’elle aurait force de loi, est susceptible de servir de base à des recours contentieux devant les deux ordres de juridiction. Elle pourrait être utilisée devant les juridictions administratives pour contester la légalité de textes qui ne rempliraient pas les objectifs de « complet bien-être », et devant les juridictions judiciaires pour faire évoluer les notions relatives à la santé, celles de « droit à la santé » ou de « danger pour la santé de l’homme ou de l’animal ».

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. Desessard me trouve résistante ; j’y vois une sorte de filiation avec mes deux parents résistants. Je prends donc cette remarque comme un compliment et je l’en remercie.

Monsieur Desessard, je vous félicite, quant à moi, pour votre assiduité à ce débat très technique.

Votre souhait me semble déjà exaucé : la charte de l’OMS, qui a été ratifiée par la France, le traité et son préambule sont applicables en droit interne et il n’y a pas d’obligation à reprendre cette définition dans le chapitre préliminaire du code de la santé publique.

Quant à la santé environnementale telle que définie à Helsinki, elle est déjà reprise dans l’article L.1411-1 du code de la santé publique, qui précise le champ de la santé publique en y incluant explicitement l’identification et la réduction des risques pour la santé liée à des facteurs environnementaux.

Vous pourriez m’objecter qu’il est toujours utile de reprendre un certain nombre de proclamations. Certes, cela peut se comprendre pour certains textes ou discours, mais je doute que le code de la santé publique soit le livre de chevet de nos concitoyens (M. François Autain s’exclame.), sauf vous, monsieur Autain, bien entendu !

M. François Autain. Non, même pas moi !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de textes très importants, monsieur Desessard : loin de moi l’idée d’en contester l’intérêt.

La Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 786 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Cet amendement tend à rétablir un texte adopté par l’Assemblée nationale. Par conséquent, je le maintiens.

Je remercie toutefois Mme la ministre et M. le rapporteur de leurs explications sur le fond, d’autant que l’un et l’autre ont pris le temps de répondre de façon très précise et détaillée, alors que le débat dure depuis quatre semaines.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons tout notre temps !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je tiens tout de même à rappeler à M. Desessard que ces quatre semaines de discussion en séance publique ont été précédées de deux semaines de débat en commission au cours desquels tous ces points ont été exposés. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 786 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 22 A (Supprimé par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Discussion générale

7

Dépôt d'une question orale avec débat

Mme la présidente. J’informe le Sénat que M. le président du Sénat a été saisi de la question orale avec débat suivante :

N° 43 - Le 11 juin 2009 - M. André Vantomme demande à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi de bien vouloir l’informer sur la situation de la nouvelle entité issue de la fusion ANPE-ASSEDIC, Pôle emploi, dans le cadre du nouveau service public de l’emploi. En effet, de nombreux dysfonctionnements sont apparus en raison de la précipitation avec laquelle cette opération a été conduite. Tout particulièrement, les métiers des agents de l’ANPE et des salariés des ASSEDIC ne peuvent être confondus et les compétences respectives ne sont pas interchangeables. De plus, la question des deux statuts différents n’est pas réglée.

Ces graves difficultés internes portent préjudice aux demandeurs d’emploi déjà inscrits, ainsi qu’aux 300 000 chômeurs supplémentaires que compte notre pays depuis le début 2009. Les plates-formes téléphoniques sont totalement saturées, les rendez-vous ne peuvent être assurés par des agents submergés, les entretiens mensuels personnalisés annoncés comme un nouveau service de Pôle emploi ne peuvent avoir lieu. On compte aujourd’hui jusqu’à 200 demandeurs d’emploi par conseiller, alors que le Gouvernement s’engageait à diminuer le nombre déjà excessif de 120 demandeurs d’emploi en moyenne par conseiller à 60.

L’hypothèse d’un million de demandeurs d’emploi nouveaux en 2009, désormais crédible, conduit à s’interroger sur l’annonce du Président de la République de 1 840 agents supplémentaires qui seraient embauchés fin juin, sans que l’on sache exactement sous quel type de contrat ils seront embauchés, à quelles tâches ils seront affectés et quelle formation ils auront préalablement suivie. Cette annonce, si elle devait être suivie d’effet, ne serait manifestement pas à la hauteur d’une situation aussi grave.

En conséquence, il la prie de lui indiquer ce qu’elle envisage de faire pour mettre un terme à cette situation, et pour que les demandeurs d’emploi, victimes des licenciements et de la précarité, trouvent auprès de Pôle emploi le service auquel ils ont droit dans le cadre du respect qui leur est dû.

(Déposée le 4 juin 2009 – annoncée en séance publique le 4 juin 2009)

Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

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Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Action commune du Conseil modifiant et prorogeant l’action commune 2007/405/PESC relative à la mission de police de l’Union européenne menée dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (RSS) et son interface avec la justice en République démocratique du Congo (EUPOL RD Congo) ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4505 ;

- Action commune du Conseil relative à la mission intégrée

« État de droit » de l’Union européenne pour l’Irak, EUJUST LEX ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4506 ;

- Action commune du Conseil modifiant l’action commune 2008/124/PESC relative à la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo, EULEX KOSOVO ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4507.

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Transmission d'une proposition de loi

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l’Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 454, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.

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Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 5 juin 2009, à neuf heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 290, 2008-2009).

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 380, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 381, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 5 juin 2009, à zéro heure vingt-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD