M. Jean Arthuis, rapporteur. C’est parce qu’elles réalisent leurs bénéfices ailleurs !

M. Marc Massion. L’effort de solidarité nationale doit être fait par tous et pour tous ! Les mieux dotés ne doivent pas en être exemptés, bien au contraire !

En outre, pourquoi se priver d’une telle recette fiscale alors que le déficit atteint des records abyssaux et menace les finances publiques?

Face à cette situation sociale extrêmement difficile, assise sur les ruines d’un système qui arrive à épuisement, il est impératif de mettre en œuvre, rapidement, des mesures en faveur de nos concitoyens et des entreprises les plus fragiles. Pourquoi ne pas saisir l’opportunité qui vous est donnée de modifier un modèle archaïque et injuste de répartition des richesses ?

La modulation du taux d’impôt sur les sociétés que le texte vise à prévoir privilégiera davantage les entreprises qui participent à la relance et pénalisera les autres. Comme l’a déjà fait remarquer mon collègue auteur de cette proposition de loi, François Rebsamen, cette mesure de « bonus-malus » a déjà été discutée lors du deuxième collectif budgétaire par voie d’amendement sénatorial. Le ministre du budget a alors déclaré qu’un tel débat méritait d’être approfondi. Plus avant, il s’est engagé à interroger le Trésor et la direction de la législation fiscale pour avoir leur expertise sur le sujet, et il nous a donné rendez-vous au projet de loi de finances pour 2010. Comme l’a dit tout à l’heure François Rebsamen : pourquoi attendre ?

En ce qui concerne la répartition des richesses, le chef de l’État a proposé une règle des trois tiers pour la distribution des profits : un tiers à l’investissement, un tiers aux actionnaires et un tiers aux salariés.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Il faut que les entreprises soient bénéficiaires !

M. Marc Massion. Pour éclairer ce choix, il a confié au directeur général de l’INSEE, Jean-Philippe Cotis, la rédaction d’un rapport présentant « un diagnostic de l’évolution du partage de la valeur ajoutée au cours des dernières décennies » et une étude « de la répartition des profits entre salariés, actionnaires et autofinancement ».

Sur le fond, les conclusions du rapport se sont révélées fort intéressantes : elles relèvent notamment que « la croissance des salaires nets depuis vingt ans est extrêmement faible », en raison de la faible croissance économique, du poids accru des cotisations sociales et de la montée des emplois précaires.

Les écarts de salaires se sont creusés, avec notamment une forte accélération dans la dernière décennie pour la tranche représentant un pour cent ou un pour mille des salariés les mieux payés. Selon le rapport, cette situation « a contribué au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l’échelle et fortement distancé par l’extrémité haute de cette même échelle »…

M. Marc Massion. … et « l’intéressement et la participation occupent une place réduite mais croissante » au sein de la masse salariale depuis le début des années quatre-vingt-dix.

Autre enseignement : le montant des dividendes versés aux actionnaires a quasiment quintuplé depuis 1993, tandis que l’autofinancement des investissements par les entreprises a baissé. Les profits sont affectés pour un peu plus d’un tiers aux revenus du capital – 36 % –, pour une grosse moitié à l’investissement – 57 % – et les 7 % restants vont à la participation et à l’intéressement. Enfin, le rapport relève de fortes différences entre grandes entreprises et PME.

Pour me résumer en une seule phrase, les salariés n’ont profité ni des hausses de salaires, ni d’une meilleure répartition des profits.

Face aux conclusions critiques de ce rapport, le Président de la République s’est très vite défaussé de sa responsabilité sur les partenaires sociaux, en leur demandant de lui soumettre des propositions avant le 15 juillet prochain. Ce positionnement « attentiste » est fallacieux, puisque le MEDEF restera arc-bouté sur ses convictions conservatrices, empêchant ainsi toute avancée significative.

Nous retrouvons ici la cacophonie gouvernementale qui prévaut depuis deux ans : en février, Nicolas Sarkozy réclame une meilleure répartition des profits et suggère d’appliquer la règle dite « des trois tiers » – « une bonne règle », affirme-t-il de surcroît – et, deux mois plus tard, le Premier ministre, puis la ministre de l’économie et des finances, écartent toute application de ladite règle en arguant de différences trop grandes entre les entreprises.

Dans ce contexte de crise sociale et économique, les déclarations d’un jour, qui n’ont pas bénéficié d’une étude préalable de faisabilité et ne se concrétiseront pas, sont inutiles, anxiogènes et malvenues ; elles révèlent un capitaine qui navigue à vue… Les nombreuses victimes de la crise sociale et économique mériteraient une politique fiscale globale bien définie et rapidement « redistributive ».

Enfin, mes chers collègues, les discours officiels invoquent souvent les « valeurs de la République ». Ces valeurs ont été puisées dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Face à la situation actuelle, il n’est pas inutile de rappeler la teneur de deux articles de cette déclaration.

Selon l’article XIII, « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Selon l’article XIV, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

Madame la secrétaire d’État, comme tous vos collègues du Gouvernement, vous reprochez souvent aux socialistes de n’être que des opposants, et rien de plus. Eh bien, en déposant cette proposition de loi, nous souhaitons aider le Gouvernement…

M. Jean Arthuis, rapporteur. Mais c’est inopérant !

M. Marc Massion. … à mettre en cohérence les valeurs auxquels il se réfère et les actes qui devraient en résulter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un déficit budgétaire atteignant pratiquement 44 milliards d’euros en trois mois, une contraction du produit intérieur brut de 1,5 % pour le premier trimestre, la probabilité de compter 640 000 chômeurs de plus d’ici à la fin de l’année : voilà comment on pourrait, à l’occasion de la discussion de cette proposition de loi, dépeindre la situation de la France d’aujourd’hui. Ajoutons qu’avec une constance qui s’apparente à de l’autosuggestion, le Gouvernement escompte que le plan de relance obtiendra dans les semaines et les mois à venir d’authentiques résultats, et la description sera presque bouclée !

Ainsi, après les intentions déterminées de la loi en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat, après les rodomontades de l’automne, après la « brillante » présidence française de l’Union européenne,…

MM. Henri de Raincourt, André Dulait et Jacques Gautier. Ah !

M. Thierry Foucaud. … qui a failli permettre aux salariés de notre pays de travailler 65 heures par semaine, (M. Daniel Raoul applaudit), au moment où ressurgit un discours autoritariste, véritable aveu d’échec des politiques répressives menées depuis 2002, nous nous trouvons aujourd'hui face à la réalité.

Le nombre des chômeurs enfle, celui des sans-abri ne diminue pas, les fermetures d’entreprises succèdent aux périodes de chômage technique qui accompagnent les plans de licenciement et les redressements judiciaires, et les comptes publics, qu’il s’agisse de ceux de l’État comme de ceux de la sécurité sociale, sont dans le rouge vif !

Le déficit de l’État atteint 103,8 milliards d’euros, celui de la sécurité sociale une vingtaine de milliards d’euros, au bas mot, le tout malgré la cure d’austérité que vous imposez aux Français depuis de trop longues années, fidèles en cela à ces engagements européens qui recommandent sans cesse la baisse des dépenses publiques, la dérégulation, l’ouverture à la concurrence des services publics, le dumping fiscal et social permanent, et j’en passe !

La proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste explore les voies et moyens permettant d’infléchir la dérive des comptes publics dont, il faut bien le dire, nous ne trouvons pour l’heure aucune justification dans la mise en œuvre du plan de relance.

Car, madame la secrétaire d’État, à quoi sert-il de rembourser plus vite la TVA ou l’impôt sur les sociétés, si c’est pour constater la persistance des plans sociaux, de l’ajustement à la baisse des salaires et de l’emploi, du chômage technique ? Faudrait-il en déduire que l’argent dont l’État s’est délesté, par anticipation, en faveur des entreprises ne sert, pour le moment, qu’à alimenter le produit net bancaire des banques créancières de nos PME, banques dont nous constatons d’ailleurs qu’elles ne sollicitent que relativement peu la ligne de trésorerie que vous leur aviez accordée cet automne ?

La proposition de loi de nos collègues vise expressément les entreprises qui, dans le contexte actuel de crise, roulent sur l’or et n’assument pour autant aucune responsabilité sociale dans le cadre de l’utilisation de ces ressources.

Il est vrai que Total – pour ne donner qu’un exemple évident – préfère sans doute utiliser ses profits à racheter ses propres actions pour les détruire qu’à assurer l’approvisionnement du pays en produits pétroliers. La même compagnie doit sans doute avoir quelques obligations à l’égard de certains dirigeants de pays producteurs, comme ces démocraties exemplaires que sont la Birmanie, le Gabon ou le Congo, où elle procède sans trop d’états d’âme à des activités de production…

En sollicitant des ressources fiscales nouvelles, pour certaines de caractère exceptionnel, en proposant de revenir sur les dispositions de la loi TEPA, nos collègues du groupe socialiste engagent le débat sur une des questions clés qui engagent l’avenir du pays : quelle politique fiscale pouvons-nous concevoir, dans un contexte de crise économique sérieuse, pour redresser, au minimum, les comptes publics et éviter que toute politique ultérieure ne soit en quelque sorte hypothéquée par les conséquences du déficit abyssal que deux années d’agitation élyséenne ont réussi à creuser ?

Le débat est ouvert, et il est plus que regrettable qu’il soit aussitôt refermé, puisque M. le président de la commission des finances – qui a exprimé par le passé sa grande inquiétude devant l’accroissement des déficits – nous recommande de ne pas voter le moindre article de la proposition de loi qui nous est soumise.

M. Jean Arthuis, rapporteur. C’est qu’elle est inopérante !

M. Thierry Foucaud. Pour notre part, nous sommes des parlementaires conséquents et, puisque nous croyons quelque peu à l’initiative parlementaire – dont on prétendait en juillet dernier qu’elle sortirait grandie de la révision constitutionnelle ! –…

M. Jean Arthuis, rapporteur. Tout à fait !

M. Thierry Foucaud. … nous avons déposé quelques amendements sur ce texte, en vue de le rendre plus directement efficace.

En effet, il faut donner un coup d’arrêt à l’aggravation des déficits publics, non pas parce que M. Barroso, du haut de l’immeuble de la Commission européenne, le demande, mais parce qu’un renversement de tendance est nécessaire.

Il est nécessaire pour ne pas hypothéquer l’avenir, en laissant filer un déficit qu’il faudra ensuite résorber et qui privera les Français de toute réforme fiscale digne de ce nom avant longtemps. Il est nécessaire aussi parce que les choix fiscaux et budgétaires du gouvernement actuel ont conduit au désastre, qu’il est beaucoup trop facile d’imputer à une « crise économique » qui a bon dos lorsqu’il s’agit de fuir ses responsabilités.

La loi TEPA, nous l’avons dit, porte une grande responsabilité dans la dérive des comptes publics et le coût de cette loi imbécile et inefficace ne se mesure pas qu’en termes de moins-values fiscales ! Il se mesure aussi en emplois sacrifiés sur l’autel des heures supplémentaires défiscalisées, en chute de l’activité du bâtiment et de l’immobilier du fait de l’allégement des droits de succession, conséquences désastreuses de dispositifs qui ajoutent des coûts supplémentaires au coût initial !

Enfin, nombre de réformes mises en place par le Gouvernement montrent aussi leurs limites. Recommande-t-on à la justice d’être exemplairement rigoureuse ? Les prisons sont surpeuplées et leurs personnels déclenchent des mouvements sociaux ! Se félicite-t-on de supprimer des milliers de postes d’enseignants ? On feint aujourd’hui de découvrir la violence à l’école et on se prépare à recruter une brigade volante de plusieurs centaines de super-surveillants scolaires qui ne remplacera jamais les 80 000 emplois supprimés dans l’éducation nationale depuis quatre ans !

C’est parce que ceux qui peuvent supporter aujourd’hui le poids des déficits publics doivent le faire qu’il faut voter cette proposition de loi. Mais c’est aussi parce qu’il faut définir les voies et moyens de nouveaux choix fiscaux et budgétaires justes, efficaces et détachés des contingences imposées par une construction européenne obsolète qu’il faut aussi la voter.

La France doit porter d’autres choix budgétaires et fiscaux, et montrer la voie à une Europe exténuée par des politiques récessives imposées par la Commission de Bruxelles ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

M. Jean-Etienne Antoinette. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2009, la récession a touché la France, avec son lot de faillites d’entreprises et ses cohortes de chômeurs qui agrandissent chaque mois un peu plus les files d’attentes des pôles emploi.

Ainsi, on compte la destruction de plus de 138 000 emplois au premier trimestre 2009 et plus de 240 000 nouveaux demandeurs d’emploi pendant ce même trimestre. L’UNEDIC prévoit 630 000 chômeurs supplémentaires et la destruction de 591 000 emplois en 2009. Sur la période 2009-2010, l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, annonce la destruction de plus de 800 000 emplois.

Dans ce contexte désastreux, quelques grandes entreprises françaises d’envergure internationale réussissent néanmoins à battre des records de bénéfices. Normalement, nous devrions nous réjouir de ces résultats, nous sentir réconfortés de savoir que quelques bastions de notre économie résistent à la crise, voire s’en sortent encore mieux qu’auparavant.

Hélas, trois fois hélas, ces mêmes entreprises, suivant la logique extrême d’un capitalisme sans âme, licencient malgré leurs résultats, ou utilisent une grande part de leurs bénéfices à distribuer des dividendes à leurs actionnaires, ou augmentent de façon indécente les salaires de leurs dirigeants, ou encore leur accordent bonus, stocks options, parachutes dorés… tandis que les salariés de base continuent à voir diminuer leur pouvoir d’achat et que le taux d’investissement productif des entreprises diminue !

Je rappellerai par exemple, ce n’est un secret pour personne, que les profits du groupe pétrolier Total ont été de 14 milliards d’euros en 2008 et seront sans doute équivalents en 2009 si l’on extrapole à partir des chiffres du premier trimestre de l’année.

Or, ces profits sont avant tout le résultat de restructurations drastiques dans la plupart des activités qui touchent notamment le raffinage : 555 suppressions de postes sur le site de Gonfreville-l’Orcher en Seine-Maritime ont été annoncées le 10 mars dernier et, dans la société Hutchinson, filiale du groupe, 6 000 salariés sont au chômage partiel depuis le mois de janvier.

De même, chez GDF-Suez, l’assemblée générale des actionnaires du 4 mai dernier décidait d’attribuer 6,8 milliards d’euros aux détenteurs de parts sociales.

Ainsi, dans un pays parmi les plus développés de la planète, un pays membre du G8, la France, nous assistons de plus en plus à l’évolution d’une société qui sanctuarise la croissance et la prospérité de quelques-uns en même temps que la tiers-mondisation du plus grand nombre.

N’ayons pas peur des mots, nous vivons une crise sans précédent qui oblige le système économique libéral à réclamer l’intervention de l’État, cet État qu’en temps de prospérité il ignore. Et que fait l’État ? L’État maintient le bouclier fiscal de ceux qui ont déjà beaucoup, donne des milliards à ceux-là mêmes qui sont responsables de la crise, sauve les banques et les multinationales en danger, et il crée le RSA pour ceux qui n’ont rien !

Où allons-nous donc ? Dans quelle société vivons-nous ? Sommes-nous encore dans une démocratie dont la bannière symbolise la liberté, l’égalité, la fraternité – j’ajouterai la solidarité ?

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, devant une situation grave sur le plan économique et explosive sur le plan social, la proposition de loi présentée au Sénat entend donner des ressources supplémentaires à l’État pour faire face aux besoins alors que sa dette publique explose et que son déficit se creuse, en mettant en place un principe à la fois simple et équitable.

Il s’agit de faire participer les entreprises réalisant des bénéfices record à l’effort de solidarité nécessaire en temps de crise pour la relance globale de l’économie et du pouvoir d’achat, pour le soutien aux personnes et aux TPE les plus démunies ou les plus touchées par la crise.

À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle, c’est pourquoi cette contribution est conçue comme un dispositif temporaire.

Notre démarche témoigne d’une préoccupation de justice sociale et de cohérence économique. Elle se situe au-delà d’une vaine tentative de moraliser le capitalisme, et encore moins de le « refonder », selon les vœux du Président de la République, qui y a d’ailleurs bien vite renoncé une fois l’émotion des premiers jours passée.

Nous voulons interpeller chacun d’entre nous sur ce que l’actualité de ces grandes entreprises peu citoyennes dévoile de la nature véritable d’un système inique, amoral, qui a perverti la définition même du mot « économie », et qui n’est pas « moralisable », car se fondant sur la seule logique du profit. À ce titre, nous avons la responsabilité historique de l’encadrer pour en limiter les perversions et les dégâts collatéraux.

C’est pourquoi la proposition de loi attaque également, plus fondamentalement, le problème de la répartition de la richesse produite. Cette répartition est au cœur du drame social que vivent nos concitoyens aujourd’hui avec un sentiment d’injustice dont les effets peuvent être redoutables à la longue.

Sur ce point, la proposition de loi nous place en face de notre devoir, du devoir de l’État en temps de crise, qui doit sauver ou relancer l’économie, mais également tout faire pour maintenir la cohésion sociale dans le pays.

De même que la cohérence économique, cette cohésion sociale est aujourd’hui plus que menacée. Elle a d’ailleurs explosé dernièrement aux confins de la République, dans ces territoires les plus durement frappés par cette crise où la population désespérée criait dans la rue à l’exploitation et à la profitation. Nous en connaissons les conséquences dramatiques.

Le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, Yves Jégo, s’est d’ailleurs ému du scandale des prix inadmissibles de l’essence pratiqués par la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles, une filiale de Total, alors qu’elle réalisait 50 millions d’euros de bénéfices, en évoquant l’ « enrichissement sans cause des compagnies pétrolières ».

Croyez-vous que les schémas du fonctionnement économique soient si différents dans l’Hexagone ? Je ne le pense pas.

Cette proposition de loi invite chacun de nous à dépasser le débat stérile qui opposerait la justice sociale à l’efficacité économique, en apportant à la puissance publique, par une fiscalité juste, des moyens supplémentaires afin d’améliorer le sort de nos concitoyens et celui des entreprises qui en ont le plus besoin pour relancer l’économie de notre pays.

Il s’agit également, avec cette proposition de loi, de pragmatisme économique. Pour financer la relance, l’État creuse son déficit, alors même que ses recettes s’affaiblissent. Sans ressources supplémentaires, jusqu’à quand pourra-t-il soutenir son plan de relance ? La question du financement de l’activité économique est clairement posée. Il faut à l’État de nouvelles ressources, qu’il s’agisse de financer de nouvelles activités économiques ou des dispositifs visant à préserver la cohésion sociale.

Nous n’avons donc pas le droit, par des arguments fallacieux qui n’ont en réalité pour objectif que de protéger ces superprofits, de renoncer à cette possibilité offerte par la proposition de loi d’une meilleure répartition des profits en faveur de l’économie réelle, de l’investissement et de l’amélioration de la situation des salariés et, plus généralement, de nos concitoyens. C’est ce à quoi nous invite l’article 2.

Ne nous laissons pas troubler par le chantage à la délocalisation, car cela est hors sujet pour de telles entreprises.

Des entreprises de pays européens moins imposées qu’en France délocalisent aussi. Les causes de la délocalisation sont donc à chercher ailleurs. En outre, un plus faible taux d’imposition n’a pas empêché les entreprises de ces pays d’être touchées par la crise, comme en Grande-Bretagne.

Ne cédons pas non plus à la peur de la perte de compétitivité qui serait due à une trop forte imposition. Là aussi, pour les entreprises concernées, cela est hors de propos. Nous n’y gagnerons qu’une chose : conforter la politique d’optimisation fiscale et de recherche du profit immédiat à tout prix de ceux qui foulent aux pieds nos valeurs fondamentales, sans même agir, au nom de l’intérêt économique, dans une perspective de pérennité des entreprises.

L’un des facteurs de compétitivité des entreprises, c’est en effet la capacité d’investir et d’innover, et cela passe par la réservation de fonds propres. Or il s’agit de l’une des principales faiblesses des entreprises françaises, à laquelle l’article 2 vise justement à remédier par une mesure incitative en faveur de l’investissement.

Il est du ressort de l’État, surtout en temps de crise, d’assurer l’équilibre entre la réussite micro-économique de quelques-uns et la réponse aux enjeux macro-économiques qui se posent à l’échelle de la nation.

Nous proposons une démarche juste au plan social, responsable et pragmatique au plan économique, courageuse au plan politique, et dont les résultats ne seront que bénéfiques pour l’ensemble de la nation. Nous devons voter cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.