M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour défendre l'amendement n° 80.

Mme Isabelle Pasquet. À l’occasion de cette proposition de loi, vous proposez de modifier l’article L.3132-3 du code du travail. Celui-ci prévoyait une règle impérative, posait un principe fondamental : « Le repos hebdomadaire est donné le dimanche. »

La nouvelle rédaction que vous proposez est pour le moins curieuse puisque d’une règle impérative, d’ordre commun, vous faites une règle individualisée : le repos le dimanche n’est accordé que dans l’intérêt du salarié. Certes, me direz-vous, c’est heureux ! Il faut dire que la seule suppression de cet article L.3132-3 aurait été un peu difficile à justifier.

Il vous fallait alors trouver un stratagème pour affaiblir le principe général, tout en donnant l’impression de vous préoccuper des salariés.

Sur quels critères le juge éventuellement saisi mesurera-t-il l’intérêt du salarié ? S’agira-t-il d’intérêts économiques, familiaux, de santé ? Personne ne le sait !

Du coup, cette formulation très vague laisse interrogatif et permet d’imaginer, voire de craindre, au vu des pratiques déjà en œuvre dans certaines entreprises, la préparation d’une autre phase de contentieux, et donc d’une autre phase de légalisation. Ainsi, les tribunaux auront à constater une généralisation du travail le dimanche dans tous les secteurs de l’économie, au prétexte que les salariés, sous la pression permanente d’un odieux chantage à l’emploi, auront signé à leur employeur une décharge consistant à admettre que leur renoncement au repos dominical ne nuit pas à leurs intérêts. Si tel n’est pas le cas, pourquoi modifier la législation en vigueur ?

Par ailleurs, nous considérons que l’existence d’un jour de repos commun et collectif, s’il est bénéfique au salarié, est également nécessaire à une société harmonieuse. Ce repos dominical profite tout autant aux salariés, qui trouvent en ce jour un temps pour se reconstruire physiquement, qu’à la société dans son ensemble, qui dispose d’un temps ouvert permettant l’engagement de tous dans la construction d’un « vivre ensemble » qui exige toujours plus de mise en commun.

C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous nous opposons à une rédaction obscure, source de conflits et privant le repos dominical de l’aspect sociétal dans lequel il s’inscrit aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Debré, rapporteur. La précision selon laquelle le repos hebdomadaire est donné le dimanche dans l’intérêt des salariés s’inspire de la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle a été apportée, sur proposition de nos collègues Pierre Méhaignerie et Jean-Frédéric Poisson, pour insister sur la protection des salariés et sur l’attention que nous portons tous à la vie personnelle des salariés. Elle n’est absolument pas antinomique avec le principe de protection du salarié : elle est au contraire complémentaire.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. C’est en effet l’Assemblée nationale qui est à l’origine de cet ajout, qui conforte l’intérêt des salariés. Je ne vois pas pourquoi nous reviendrions sur le travail des députés.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 10 et 80.

M. Jean-Pierre Michel. Bien entendu, je voterai cet amendement.

J’en profite pour remercier M. Darcos de la réponse qu’il m’a apportée tout à l’heure.

Nous savons que les travaux préparatoires à la loi sont importants, notamment nos débats. M. Darcos a indiqué qu’il n’y aurait pas de circulaire de Mme la garde des sceaux demandant au parquet de classer sans suite les procédures engagées ou, éventuellement, de requérir à l’audience des relaxes, en vertu de la loi qui va être votée. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 80.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 2 (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires
Discussion générale

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

Article 2 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires
Article 2 (Texte non modifié par la commission) (début)

Repos dominical

Suite de la discussion d’une proposition de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 2, à l’amendement n° 11.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires
Article 2 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)

Article 2 (suite)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Le repos dominical a pour finalités le respect de la protection de la santé, de la qualité de vie en société, de la vie privée et familiale et de l'exercice de la responsabilité parentale, ainsi que du droit effectif aux loisirs et aux activités culturelles et sportives. »

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Le dimanche apparaît comme un marqueur socio-historique essentiel et constitue un temps de respiration collective permettant aux individus qui travaillent durant la semaine de se retrouver pour d’autres activités et pour des échanges non marchands.

La consommation ne doit pas être le seul moteur ni la seule valeur de notre fonctionnement social. Par ailleurs, nous devons éviter de renforcer les dangers liés à l’addiction à l’acte d’achat, qui peut conduire au surendettement.

Le dimanche est un temps d’échange entre parents et enfants, essentiel à la vie familiale. Il permet aussi l’exercice de loisirs épanouissants, d’échanges sociaux et, pour certains de nos concitoyens, un enrichissement de leur vie spirituelle.

Il convient de rappeler dans la loi, de manière solennelle, ces dimensions importantes pour la personne humaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales. Sur le fond, je suis en parfait accord avec vous, monsieur Le Menn. En revanche, sur la forme, une telle disposition, dont la portée est uniquement déclarative, aurait pour conséquence d’alourdir le texte.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Je partage l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune autorisation de dérogation au repos dominical ne peut être accordée à une entreprise ou un établissement dépourvu d'accord salarial datant de moins de deux ans en application de l'article L. 2242-8 ou d'un accord salarial de branche de moins de deux ans en application de l'article L. 2241-1. »

La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Cet amendement a pour objet de mettre en évidence et de tenter d’empêcher un effet pervers prévisible de cette proposition de loi pour l’ensemble des commerces susceptibles de bénéficier de dérogations. Car le texte laisse largement ouverte la possibilité qu’une dérogation soit accordée dans une entreprise ou un établissement non couvert par un accord salarial.

La faculté pour l’employeur de décider unilatéralement de l’ouverture dominicale, avec des contreparties approuvées par référendum, soit le doublement du salaire pour la journée et le repos compensateur d’une journée, ou moins encore, risque dans bien des cas de tenir lieu de politique salariale.

Cela ne doit pas exonérer l’employeur de mettre en place une politique de progression des carrières, de revalorisation régulière, et des procédures de validation des acquis en s’appuyant, notamment, sur le droit individuel à la formation.

Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’un groupe de sénateurs travaille actuellement sur la formation professionnelle, dont la réforme sera présentée au Sénat le 21 septembre, soit un lundi, et non un dimanche ! (Sourires.)

Nous ne devons pas oublier que la profession de caissière demeure menacée à terme, même si, pour le moment, en raison de la situation économique, un consensus existe pour ne pas mettre en place dans les hypermarchés les moyens techniques de scannage des caddies. Des expériences ont cependant déjà été faites en ce sens et 200 000 emplois sont directement menacés à terme.

Si l’on ajoute à cela les emplois qui seront très vite en danger dans les petits commerces, le bilan global de l’opération « Travail le dimanche » risque d’être catastrophique en termes d’emplois : pas de créations, mais des suppressions par transfert de consommation, et rien pour empêcher les suppressions en masse.

Il est donc urgent, plutôt que de développer un rideau de fumée autour du travail dominical, de se préoccuper du sort des personnels des grandes surfaces. C’est très exactement le profil des personnes qui auront besoin de formation pour préparer leur reconversion. Dans le souci de protéger les personnels, nous voulons rappeler ces données et prévoir, dès à présent, l’existence d’un accord salarial récent comme condition à toute autorisation d’ouverture dominicale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Debré, rapporteur. La loi en faveur des revenus du travail du 3 décembre 2008, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, a déjà créé des mécanismes d’incitation à la conclusion d’accords salariaux. Mieux vaut, pour le moment, laisser cette loi produire ses effets. Nous évaluerons ainsi son impact avant d’introduire de nouvelles dispositions.

Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Nous partageons le souhait de Mme Blondin que soient dynamisés les revenus du travail, mais cette question a déjà été réglée par l’entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2008, qui incite les entreprises à mener une négociation annuelle sur les salaires en conditionnant les aides de l’État à l’existence de cette négociation.

Cet amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Madame Blondin, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?

Mme Maryvonne Blondin. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune autorisation de dérogation au repos dominical ne peut être accordée à une entreprise ou un établissement dépourvu d'un plan d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en application des articles L. 1143-1 et L. 1143-2. »

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Les femmes gagnent aujourd’hui, en moyenne, entre 20 % et 25 % de moins que les hommes.

Cette situation est due à ce que l’on considère comme des raisons objectives, bien qu’elles n’en soient pas : des études moins poussées, notamment dans les matières scientifiques et techniques, et surtout un arrêt d’activité professionnelle après la naissance des enfants, parfois durant trois ans et plus, ce qui pose ensuite des problèmes quasi-insurmontables de réinsertion professionnelle. Diverses études sont d’ailleurs en cours, notamment le rapport Grésy, sur le raccourcissement du congé parental et sur la hausse de sa rémunération.

Dans le commerce et la grande distribution, la situation est particulièrement mauvaise pour les femmes. Elles occupent les emplois subalternes, intérimaires, précaires, à temps partiel subi, souvent avec des coupures quotidiennes qui conduisent à des amplitudes horaires incompatibles avec leur vie familiale.

Ces femmes sont très vulnérables, car elles sont tentées par une très faible augmentation de leur pouvoir d’achat en contrepartie d’un travail dominical qui ne fera qu’aggraver leurs conditions de vie personnelle et familiale. Je pense, notamment, aux femmes qui sont séparées de leur compagnon ou aux mères célibataires. Comment, dans ces conditions, parviendront-elles à assumer l’éducation de leurs enfants ?

Les femmes occupant des emplois peu qualifiés et mal payés cumulent les handicaps. Il est donc indispensable que le travail dominical ne puisse pas être utilisé par les employeurs comme un appât sur le plan strictement pécuniaire, et pour des sommes ridicules, alors que c’est leur vie et celle de leurs proches qui serait malmenée.

Ce gouvernement, comme d’autres avant lui, n’est pas avare de promesses sur l’égalité professionnelle ; j’en veux pour preuve la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. On nous promet, cette fois-ci, un grand plan en la matière pour 2010. Acceptons-en l’augure !

Certes, en matière d’égalité professionnelle, les pouvoirs publics ne peuvent pas tout. Mais nous avons là un exemple précis de conditionnalité d’une autorisation donnée à des employeurs par les pouvoirs publics à l’existence d’un plan pour l’égalité professionnelle. C’est une occasion à ne pas manquer, surtout parce que nous savons tous qu’il concerne les femmes les moins bien traitées de toutes les branches professionnelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous sommes tous conscients que les femmes représentent une part importante des salariés du commerce, mais je trouve quelque peu étrange d’établir un lien entre les dérogations au repos dominical et le plan d’égalité femmes-hommes.

Les partenaires sociaux se sont saisis de cette question de l’égalité professionnelle femmes-hommes. Je vous propose d’attendre les résultats de leurs réflexions et de leurs travaux afin de pouvoir en discuter ultérieurement.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Vous avez raison, madame Printz, de souhaiter l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes. Mais pas seulement le dimanche ! Évoquer cette question à l’occasion d’une réflexion sur les dérogations au repos dominical reviendrait à limiter la portée des projets gouvernementaux relatifs à la parité et à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Plus généralement, le Gouvernement est attentif à ces sujets. Le rapport de Mme Grésy, qui m’a été remis la semaine dernière, prévoit un certain nombre de conditions ainsi que des sanctions pour les entreprises qui ne les respecteraient pas.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Il peut paraître risible à certains d’évoquer un tel plan d’égalité salariale entre les hommes et les femmes lors de l’examen d’une proposition de loi relative au travail le dimanche.

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ce n’est pas risible !

M. Xavier Darcos, ministre. On ne rit pas du tout !

Mme Annie David. Mon propos ne vous visait pas, monsieur le ministre.

Selon moi, l’amendement n° 13 est la traduction d’une demande tendant à faire respecter par l’ensemble des entreprises le plan d’égalité salariale entre les hommes et les femmes qui doit être appliqué – vous avez raison – non seulement le dimanche, mais aussi tout au long de la semaine et de l’année.

Si ce plan n’existe pas dans l’entreprise, refuser à celle-ci une dérogation au travail le dimanche l’obligerait à mettre en place un tel plan avant d’obtenir cette autorisation accroissant encore davantage les inégalités entre les salariés.

Si, pour certains, il paraît étrange, voire risible, de formuler cette proposition, pour notre part, elle nous semble tout à fait fondée vis-à-vis d’une entreprise qui ne respecte déjà pas les règles figurant dans le code du travail, tel le plan d’égalité salariale entre les hommes et les femmes qui s’impose à toutes les sociétés.

Aujourd’hui, nous le savons toutes et tous dans cet hémicycle, dans nombre d’entreprises, ce plan soit n’existe pas, soit n’est pas respecté. Nous ne devons donc pas accorder à ces entreprises des dérogations supplémentaires qui créeront de nouvelles inégalités salariales.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC-SPG voteront l’amendement n° 13.

M. le président. Madame Printz, l’amendement n° 13 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Printz. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant toute modification aux dispositions relatives au repos dominical, une étude d'impact étudiant les conséquences notamment en matière d'emploi, de transfert de consommation entre catégories de commerces et entre territoires, d'environnement, et de demandes de fonctionnement des services publics, est déposée par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat. »

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. La présente proposition de loi nous est soumise après un avis du Conseil économique, social et environnemental, présenté par M. Salto, rapporteur issu du groupe des entreprises privées, et une étude, très controversée, de M. Bailly, chargé de mission à la suite de l’adoption d’un amendement critiqué dans nos murs. Ces deux textes concluent à la possibilité d’ouverture dominicale des commerces, mais avec d’importantes réserves.

Aux termes du rapport Salto, « l’ouverture dominicale de commerces entraînerait des modifications structurelles substantielles dans l’organisation du fonctionnement de la société, impliquant nombre d’autres professions et notamment les services publics, les services à la personne (ouverture de crèches pour garder les enfants…) et les services de logistique et de maintenance. De même l’équilibre entre les différentes formes de commerce pourrait se voir remis en cause de façon accélérée. Dès lors, la question posée est celle du modèle de société auquel nous aspirons. »

Ces deux textes ont permis aux représentants des centrales syndicales de s’exprimer clairement sur l’ouverture dominicale des commerces. Le moins que l’on puisse dire est que leur appréciation est négative. Est négative aussi celle de l’Union professionnelle des artisans et de la CGPME, ce qui est sans doute encore plus significatif.

Rappelons, notamment, que 90 % des commerçants se sont dits favorables au maintien du repos dominical, dont 94 % gérant des magasins d’équipement sportif et 96 % des magasins de vêtements et de chaussures.

Une étude du CREDOC du mois de novembre 2008 sur l’opinion a donné des résultats clairs : le petit commerce subira une évasion de clientèle, ce qui signifie qu’il y a transfert et non augmentation de la chalandise, et l’emploi restera, au mieux, stable ; au pire, il diminuera, ce qui n’est pas forcément l’objectif que doit chercher à atteindre tout gouvernement ou législateur responsable.

Tels sont aujourd’hui les documents dont nous disposons. Aucune étude d’impact n’a été réalisée par les pouvoirs publics, par des services d’études officiels, non pas pour exprimer une opinion, mais pour étudier de manière objective l’impact de la présente proposition de loi.

Pour les collectivités territoriales que nous représentons, cette affaire n’est pas neutre. Allons-nous devoir faire face à des demandes d’ouverture de crèches ou de haltes-garderies, ce qui impliquerait – ce dont rêve M. Sarkozy –, que les personnels de ces structures travaillent aussi le dimanche ? Leur salaire serait-il alors doublé ? Ces employés bénéficieraient-ils aussi d’un repos compensateur ? Ce serait parfaitement normal, mais comment l’organiser et avec quels fonds ? Les grandes enseignes seraient-elles sollicitées ou seuls les contribuables seraient-ils mis à contribution ?

Faudrait-il renforcer les transports publics en fin de semaine ? Dans cette hypothèse, selon quelle organisation et avec quels crédits ?

L’ouverture dominicale des commerces se fait-elle au détriment non seulement des petits commerces, mais aussi des impôts locaux, ce qui porterait fatalement atteinte au pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens ?

Nous ne disposons d’aucune étude sur ces questions importantes. C’est pourquoi nous demandons que, préalablement à toute décision, une étude d’impact soit présentée afin d’éclairer le Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ma chère collègue, comme vous le savez, sur l’initiative de notre collègue Pierre Méhaignerie, un comité de suivi va être créé. Il sera composé à parité de membres de la majorité et de l’opposition. Il lui appartiendra d’évaluer les effets de la loi dans l’année qui vient. Il reviendra alors aux parlementaires d’apporter les éventuelles corrections nécessaires.

La commission émet donc un avis défavorable sur votre amendement.

Certes, nous ne disposons d’aucune étude d’impact, mais de nombreuses recherches et comparaisons ont été réalisées dans d’autres pays. De ce fait, nous connaissons les résultats qu’un tel texte pourrait produire. La crise que nous connaissons ne fait qu’ajouter à la difficulté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Je ne commenterai pas le fait que les projets de loi bénéficient d’études d’impact, contrairement aux propositions de loi. C’est ainsi !

Par ailleurs, comme vient de le dire Mme le rapporteur, de nombreuses études ont été effectuées avant l’examen de la présente proposition de loi. Un comité de suivi a également été créé par un amendement de M. Méhaignerie.

On peut considérer le rapport du Conseil économique, social et environnemental, évoqué par Mme Jarraud-Vergnolle, comme une étude d’impact préalable qui a fait l’objet d’une analyse approfondie.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. À titre de comparaison avec les autres pays d’Europe, notons qu’une étude d’impact a été réalisée en Grande-Bretagne sur l’ouverture des magasins de chaussures le dimanche. Il ressort de cette étude que, voilà quelques années, ces magasins étaient au nombre d’environ 11 000, alors qu’aujourd’hui ils ne sont plus que 350.

Il est dommage qu’une étude de ce type n’ait pas été effectuée en France avant le vote de la présente proposition de loi.

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Elle a été faite !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Alors, on ne veut pas nous communiquer ses résultats !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 139 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Barbier et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde, MM. Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Telle que la proposition de loi est rédigée, l’obligation d’une double rémunération et d’un droit au repos compensateur ne s’applique pas à l’ensemble des travailleurs du dimanche. Dans les communes d’intérêt touristique ou thermales, ces contreparties ne seront pas obligatoires, puisque l’Assemblée nationale a prévu des négociations collectives sans obligation de résultat.

Cet amendement tend donc à rétablir une égalité entre tous les travailleurs du dimanche.

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le I bis de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 3132-3 du même code, il est inséré un article L. 3132-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-3-2 - Les contreparties accordées au titre du travail dominical sont constituées au minimum pour chaque salarié privé de repos le dimanche du bénéfice d'une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et d'un repos compensateur équivalent en temps. »

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Sans revenir sur notre opposition de principe à toute extension du travail dominical au-delà des services nécessaires, nous entendons fixer dans la loi l’obligation de contreparties significatives pour ceux qui seraient contraints de s’y soumettre.

À cette fin, l’amendement n° 14 vise à l’octroi de contreparties pour tout travail dominical. Il en précise les modalités : une majoration de 100 % du salaire et un repos compensateur équivalent en temps, soit également de 100 %.

Ces deux points se justifient pleinement en raison de la nature particulière du travail dominical. Nous sommes non plus dans la configuration d’heures supplémentaires qui mobilisent les salariés quelques heures par jour, mais dans celle d’une journée consacrée à l’activité professionnelle. Il s’agit d’une véritable atteinte à la vie personnelle, familiale et sociale des personnes, qui doit donc être compensée à juste proportion.

La compensation financière, qui est souvent l’appât par lequel l’employeur conduit des salariés sous-payés à accepter de travailler le dimanche, n’est qu’un élément de cette compensation.

Le temps est un élément fondamental. Si vous admettez, au pire, que les salariés travaillent le dimanche, il convient au moins qu’ils disposent d’une journée de compensation, en plus des repos légaux, ne serait-ce que pour compenser leur préjudiciable absence ce jour-là auprès de leurs enfants. De surcroît, une véritable discrimination sera créée : certains enfants, que nous souhaitons les plus nombreux, passeront le dimanche avec leurs parents, alors que d’autres resteront seuls, avec une nourrice, avec une gardienne, ou devant la télévision.

Rappelons que ces repos par semaine ne sont que de 24 heures auxquelles s’ajoutent 11 heures, soit un total de 35 heures, en application des articles L. 3132-1 et L. 3132-2 du code du travail. De plus, ils ne sont même pas consécutifs. Seule la fraction de 24 heures l’est.

De surcroît, il n’est écrit nulle part dans les propositions que vous nous soumettez que ce travail dominical serait limité à un nombre prédéterminé de dimanches par an. Un salarié pourra être définitivement privé de repos dominical, le volontariat étant évidemment un leurre dans la plupart des cas.

La logique est très différente de celle des heures supplémentaires, puisque la durée du travail hebdomadaire est limitée expressément par la loi. En l’espèce, aucune limite n’est prévue.

Nous suggérons donc que des règles précises, de principe et d’ordre public soient fixées en ce domaine et qu’elles concernent tous les salariés relevant du code du travail.