M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Claude Jeannerot. Une telle performance serait inenvisageable sans le travail des services d’orientation. Ces derniers permettent aux publics accueillis de s’orienter vers des parcours qualifiants offrant à chacun de vraies chances de réussite. Pôle emploi, reconnaissons-le, confronté à d’autres difficultés, n’est pas, pour l’instant, en l’état de pouvoir apporter une telle garantie de réussite.

M. Jean-Luc Fichet. Bien sûr !

M. Claude Jeannerot. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, en avril dernier, le directeur général de Pôle emploi et le directeur général de l’AFPA vous remettaient une note vous indiquant que l’article 19 du projet de loi faisait « potentiellement courir à l’AFPA un risque global ».

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. C’est faux !

M. Claude Jeannerot. Est-il raisonnable, en cette période de crise économique, de créer des dysfonctionnements supplémentaires qui remettraient en question l’efficacité d’un service public ?

Ne faut-il pas éviter qu’une décision précipitée de transfert de ces services ne prive des publics prioritaires du droit à un parcours qualifiant sécurisé, dont l’efficacité pour le placement dans l’emploi est une nouvelle fois soulignée ?

Monsieur le secrétaire d'État, dans votre belle ville du Puy-en-Velay se trouve un centre AFPA à recrutement national.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Celui de Saint-Germain Laprade !

M. Claude Jeannerot. Si, demain, les psychologues de l’AFPA sont à Pôle emploi, je ne suis pas sûr que vous serez en situation de pouvoir continuer à accueillir des stagiaires venant d’ailleurs.

Je vous demande non pas de renoncer définitivement à votre décision, mais d’accepter, sur ce point, un moratoire. Ma demande n’est pas dilatoire. Je vous propose au contraire, monsieur le secrétaire d'État, une position de sagesse active. Lorsque vous aurez développé une vision de l’orientation tout au long de la vie, lorsque vous aurez décidé des conditions de coordination des différents réseaux, lorsque les régions auront pu assumer, sur ce champ, leurs responsabilités, enfin, lorsque Pôle emploi aura stabilisé son mode de fonctionnement et son organisation, alors, la décision que vous prendrez concernant l’AFPA, quelle qu’elle soit, sera naturellement éclairée et aura du sens. Aujourd’hui, le sens n’est pas au rendez-vous.

L’ensemble des organisations syndicales de l’AFPA sont hostiles à ce transfert. Vous répondrez à cela que c’est bien naturel dans la mesure où elles sont un peu juge et partie. Mais ce qui devrait vous troubler, monsieur le secrétaire d'État, c’est que l’ensemble des confédérations syndicales sont opposées à ce transfert. Elles n’en ont compris ni les attendus, ni les raisons, ni les objectifs. Cela devrait vous troubler d’autant plus que le MEDEF, par la voix de Jean-François Pillard, a, lui aussi, fait part de son opposition. Tous ces partenaires craignent simplement que le dispositif AFPA, qui, aujourd’hui, donne satisfaction tant aux demandeurs d’emploi qu’en matière de développement économique, puisse connaître des dysfonctionnements.

L’AFPA fête aujourd’hui ses soixante ans. Je trouve que vous lui faites un bien mauvais cadeau d’anniversaire.

M. Guy Fischer. Il l’assassine !

M. Claude Jeannerot. Son nom est attaché à l’histoire sociale de ce pays.

M. Guy Fischer. Elle date de la Libération !

M. Claude Jeannerot. Elle est une composante du service public de l’emploi. Les acteurs sociaux, dans leur ensemble, ne comprennent pas que le Gouvernement ait en quelque sorte « l’AFPA honteuse », alors même qu’elle est un outil essentiel à la politique de l’emploi.

Nous y reviendrons dans le cadre du débat, mais chacun comprend que la formation est un moteur pour le développement économique. Elle est un facteur de promotion personnelle et collective, elle est source de cohésion sociale et ce projet de loi, même si l’on peut espérer qu’il conduise aux quelques avancées que j’ai mentionnées, n’est pas à la hauteur de l’ambition à laquelle on pouvait espérer aboutir dans ce contexte.

Si l’ambition n’est pas au rendez-vous, c’est en raison de l’urgence avec laquelle le Gouvernement a souhaité expédier cette réforme. Très franchement, au-delà de ces questions de procédure, j’aurais aimé, monsieur le secrétaire d'État, que nous puissions collectivement engager une sorte de Grenelle de la formation professionnelle, qui nous aurait permis d’aller au terme du processus de simplification, de mobiliser les acteurs dans chacune des régions, de mobiliser largement autour de cet enjeu essentiel. Nous nous y serions associés !

Je ne prendrai qu’un seul exemple, en me tournant vers M. le rapporteur, auquel je rends hommage pour son travail remarquable.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Merci !

M. Claude Jeannerot. La question de l’apprentissage aurait pu être plus largement traitée, vers plus d’innovation. En la matière, les voies de progrès sont potentiellement considérables et si nous avions pu tenir ces assises régionales, alors nous aurions pu soumettre les propositions de M. le rapporteur à l’ensemble des acteurs. Franchement, monsieur le secrétaire d'État, je regrette que le rendez-vous soit manqué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. L’anniversaire l’est aussi ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la durée et, parfois, la violence des événements ayant secoué les départements d’outre-mer ont révélé l’ampleur du malaise qui affecte, d’une part, notre économie et, d’autre part, les classes les plus défavorisées, ainsi que les catégories sociales ayant un travail, et, c’est plus récent, la couche moyenne.

Aujourd’hui, deux constats sont unanimement partagés : l’un sur la gravité de la crise, l’autre sur l’inefficacité des réponses apportées jusqu’à présent.

Cette crise est grave. En effet, le chômage ne cesse de croître. Chaque jour, à l’important chômage structurel que nous connaissions viennent s’ajouter d’autres personnes privées de leur emploi. Cette situation est encore aggravée par la fin d’une série de grands travaux et la rupture qui, du fait d’obstacles juridiques volontairement accumulés, interdit aujourd’hui que le relais soit pris par d’autres grands chantiers pourtant entièrement financés.

Ainsi, 52 % des Réunionnais vivent avec des revenus inférieurs à 817 euros mensuels, le seuil de pauvreté en métropole. Trente mille demandes de logements restent insatisfaites au moment même où les mises en chantier s’effondrent. Au cours des huit premiers mois de 2009, la chambre de métiers a recensé la liquidation de 900 entreprises, dont 350 dans le secteur du BTP. Le nombre d’illettrés ne décroît pas : il est estimé à 120 000.

Les réponses mises en œuvre jusqu’à présent ont atteint leurs limites et ne permettent plus d’envisager de sortir d’une crise aussi grave. Tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale conviennent désormais qu’il faut changer de politique.

Cette évidence est également partagée par le chef de l’État, qui a donc proposé la tenue des états généraux de l’outre-mer.

Pour notre part, nous nous y sommes pleinement investis. En qualité de membre de notre assemblée, d’une part, au sein de mon organisation politique, d’autre part, nous avons participé aux huit ateliers. La région et le département ont, pour ce qui les concerne, adopté des propositions conjointes.

De cet ensemble de contributions se dégagent de grandes orientations.

Premièrement, trois mesures immédiates pour l’emploi sont préconisées : la création de deux grands services d’intérêt public, l’un pour faire face aux risques environnementaux et pour sauvegarder la biodiversité, l’autre d’aide à la personne pour tenir compte de la proportion sans cesse croissante des personnes âgées et des besoins pour les personnes handicapées et la petite enfance ; enfin, la mise en œuvre d’un plan d’urgence de construction de logements.

Deuxièmement, il est préconisé de se mettre en capacité de relever les grands défis du monde tels qu’ils se posent dans notre île : les changements climatiques et leurs conséquences, la crise énergétique, la crise alimentaire, la globalisation des échanges commerciaux, la progression démographique, la crise économique et financière.

Il nous faut inventer un type de développement réellement durable, créateur de richesses et d’emplois, respectant notre environnement et notre identité culturelle.

C’est la raison pour laquelle notre projet vise, notamment, l’autonomie énergétique à l’horizon 2025, l’autosuffisance et la sécurité alimentaire en coopération avec nos voisins, une politique de grands travaux pour le logement, les déplacements et l’aménagement du territoire, et, enfin, un projet identitaire unificateur, à savoir la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise.

En plus de cela, face à nos économies traditionnelles en crise et pour lesquelles il faut trouver des solutions, nous nous orientons résolument vers ce qu’il est convenu d’appeler l’économie de la connaissance dans les domaines des énergies renouvelables, de la santé, de la formation, du numérique, etc., qui doivent devenir pour nous des pôles d’excellence. Telles sont nos priorités pour faire face à la crise et aux accords de partenariat économiques que l’Union européenne est en train de passer avec les pays de la zone ACP, Afrique, Caraïbes et Pacifique, voisins de la Réunion.

Troisièmement, ces grandes orientations et l’importance du chômage, ainsi que le nombre d’illettrés exigent que soit mise en place une politique de formation innovante, tant initiale que professionnelle.

En ce qui concerne la formation initiale, université incluse, l’énumération des objectifs nouveaux découlant des défis à relever implique une importante amélioration du système éducatif, afin de l’adapter aux exigences du développement durable.

La formation professionnelle est l’objet de ce projet de loi. Celui-ci vise à créer un fonds paritaire qui, je l’espère, donnera plus de moyens à la formation professionnelle.

À nos yeux, la réussite d’une telle entreprise implique que les compétences de l’État, par le biais du Pôle emploi, et de la région soient coordonnées, voire « synchronisées », irai-je jusqu’à dire. Il faut en effet mettre en place une structure permettant une gestion prévisionnelle de la formation professionnelle prenant pleinement en compte les besoins des nouveaux projets.

Or de grandes inquiétudes existent quant à la survie d’un organisme de formation financé principalement par la région, l’AFPAR, l’Association pour la formation professionnelle des adultes à la Réunion. Certains voient dans l’article 19 du projet de loi l’annonce de sa disparition. Si tel est le cas, ce n’est pas acceptable.

Au moment où il faut renforcer toutes les compétences et mutualiser les moyens pour faire face aux défis que la formation professionnelle doit relever – et cela est particulièrement vrai à la Réunion, pour les raisons que je vous ai exposées –, affaiblir l’un des partenaires, c’est hypothéquer gravement l’avenir.

C’est pour cette raison que, avec d’autres collègues, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de retirer l’article 19 du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la formation professionnelle est un levier essentiel de lutte contre le chômage et une nécessité en cette période de crise. Elle offre aux salariés qui ont perdu leur emploi une reconversion dans des secteurs qui recrutent ; elle garantit l’employabilité de ceux qui ont un travail en leur permettant de faire évoluer leurs compétences ; elle améliore le capital-emploi de notre pays.

Le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en juillet dernier, et désormais en discussion au Sénat, vise à rénover le système de formation professionnelle avec deux objectifs ambitieux : sécuriser les parcours et améliorer l’efficacité du système.

L’Assemblée nationale a complété le projet de loi par un nouveau titre IV bis entièrement consacré à l’emploi des jeunes ; je me réjouis de ces mesures.

Vous n’êtes pas sans savoir que le Sénat a décidé de créer, le 11 mars 2009, une mission commune d’information dont l’objectif est de contribuer aux réflexions actuelles sur la situation des 16-25 ans, qui sont plus de huit millions dans notre pays. Voulue par le M. le président du Sénat, Gérard Larcher, cette mission commune, présidée par Raymonde Le Texier et dont je suis le rapporteur, a fait le constat d’une jeunesse inquiète, ayant le sentiment de moins bien vivre que la génération précédente.

Aujourd’hui, les jeunes se heurtent à des problèmes structurels et conjoncturels de manière beaucoup plus forte, notamment dans l’orientation, la formation ou l’insertion professionnelle.

Les jeunes Français rencontrent de graves difficultés à s’insérer dans l’emploi durable. La France est l’un des pays développés où ils rencontrent les plus lourdes difficultés pour s’insérer dans la vie active. Leur taux d’emploi, en 2007, n’était que de 31,5 % pour les 15-24 ans, contre 37,4 % dans l’Union européenne. Quant à celui des jeunes non qualifiés, il atteint près de 40 % trois ans après leur sortie du système éducatif.

Le taux de chômage des actifs est particulièrement élevé : au quatrième trimestre 2008, il était proche de 21,2 % chez les 15-24 ans, contre 7,4 % pour la tranche d’âge 25-54 ans.

Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, leur taux de chômage est presque deux fois plus élevé : 42 % ; la concentration des problèmes sociaux et les phénomènes de discrimination à l’embauche expliquent cette situation.

Les jeunes sont particulièrement touchés par la précarité de l’emploi et doivent patienter en moyenne six à sept ans avant de décrocher un CDI. Ils sont donc les premiers touchés par l’actuelle montée du chômage.

Par ailleurs, les jeunes diplômés sont fréquemment confrontés à un problème de déclassement qui les conduit à accepter des emplois pour lesquels le niveau de qualification requis est inférieur à celui qu’ils ont atteint. Au total, 20 à 30 % des diplômés seraient concernés par ces phénomènes, notamment les bacheliers des filières technologiques et professionnelles.

L’addition de ces difficultés est source de découragement et de perte d’estime de soi. Elle est à l’origine d’un véritable gâchis économique et humain qui appelle une mobilisation de tous les acteurs.

J’en viens à la relation entre l’école et l’entreprise, sujet majeur qui ne relève pas directement de votre compétence, monsieur le secrétaire d’État, mais il apparaît difficile de séparer la formation initiale de la formation continue. C’est l’une des sources de dysfonctionnement de notre système. Il est urgent d’accentuer le rapprochement entre ces deux mondes. Les principes en sont d’ores et déjà inscrits dans la réglementation. La difficulté est de faire vivre cette relation dans les faits. Cela suppose d’insuffler dans le système éducatif et dans le monde professionnel une véritable culture du stage et de combattre les cloisonnements qui paralysent le système français et l’insertion des jeunes.

Je suis convaincu de la nécessaire généralisation des parcours de découverte et des stages. Leur efficacité est liée à l’accompagnement des jeunes par les enseignants et l’organisation de séances de préparation en amont avec des professionnels.

II convient de garder à l’esprit que ces stages sont un moyen de combattre les cloisonnements qui nuisent à l’ensemble du système éducatif, sociologique et économique français.

Les élèves, les étudiants et les salariés vivent dans des univers de travail, de formation initiale ou continue trop éloignés. Les immersions professionnelles jouent donc un rôle irremplaçable : elles permettent aux jeunes de découvrir le monde de l’entreprise, avec ses codes et ses règles, de se confronter à la réalité des métiers. Ceux-ci disposent ainsi d’éléments d’appréciation pour réfléchir à leur orientation et acquièrent une expérience qui favorise leur insertion professionnelle future.

Les stages complètent utilement la formation théorique dispensée aux élèves et doivent donc être encouragés. Cependant, les stages étudiants ont parfois donné lieu à des abus. Il arrive que des stagiaires soient affectés à de véritables postes et ne perçoivent, en contrepartie, que des indemnités dérisoires. Le stage est alors détourné de sa vocation première et se substitue à des emplois qui devraient être occupés par des jeunes diplômés.

M. Christian Demuynck. Le lancement, en septembre 2005, de la pétition du collectif Génération précaire, demandant une réforme de leur statut, a joué un rôle déterminant dans la prise de conscience de ces dérives par les pouvoirs publics et par l’opinion. Leur réglementation a depuis été précisée et une charte a été élaborée, en concertation avec les employeurs et les établissements d’enseignement supérieur.

La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a d’ailleurs fixé des règles pour encadrer et moraliser leur pratique. Les stages sont conditionnés à leur inscription au règlement intérieur de l’établissement et dans la scolarité. Ils complètent et valident un enseignement, comme c’est le cas dans les instituts universitaires de technologie, les IUT, les instituts universitaires professionnalisés, les IUP, les écoles d’ingénieur et les écoles de commerce.

En principe, les stages ne peuvent donc plus se dérouler que dans le cadre d’un cursus de formation. En pratique, il apparaît néanmoins que certains jeunes s’inscrivent à l’université dans le seul but d’obtenir une convention de stage et de pouvoir travailler ensuite comme stagiaire dans une entreprise.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Christian Demuynck. Ainsi, il n’est pas rare que de jeunes diplômés soient contraints, à la fin de leurs études, d’enchaîner les stages, alors qu’ils possèdent déjà les qualifications correspondant aux tâches qui leur sont confiées et sont prêts à entrer dans la vie professionnelle.

Le développement des stages hors cursus rallonge donc inutilement le délai d’insertion professionnelle des jeunes. Forte de ce constat, la mission d’information sur la politique en faveur des jeunes a proposé d’inscrire clairement dans la loi l’interdiction des stages hors cursus.

Je me réjouis par ailleurs que la commission approuve l’abaissement de trois à deux mois du délai au terme duquel l’entreprise d’accueil est tenue d’accorder une gratification à l’étudiant stagiaire. En effet, à l’issue de cette période, le stage constitue non plus simplement une séquence d’observation ou de familiarisation avec l’entreprise, pendant laquelle l’absence de rémunération se justifie par la faible productivité de l’étudiant, mais bel et bien une phase d’activité et de production.

Je suis donc très heureux que la commission, présidée par ma collègue Catherine Procaccia, ait souhaité nous suivre sur ce sujet et que, sur l’initiative du rapporteur, Jean-Claude Carle, la commission ait adopté ces amendements, qui vont dans le sens d’un plus grand encadrement.

Compte tenu de l’apport des stages à la formation des jeunes, la mission sénatoriale a proposé de les rendre obligatoires pour toutes les formations de l’enseignement supérieur.

Nous avons proposé, en outre, que l’obtention de la licence soit subordonnée à l’accomplissement de deux stages d’une durée d’au moins un mois.

Même dans le contexte actuel, je ne pense pas qu’il soit juste de dire qu’il vaut mieux un jeune en stage, même s’il est hors cursus, plutôt que rien.

Nous devons donc être à la hauteur des attentes de nos enfants qui construiront la France de demain. Il est de notre responsabilité de parlementaire de ne pas les décevoir. Aujourd’hui, plus que jamais, le droit à la formation professionnelle doit être une réalité pour tous, en particulier pour les jeunes. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi, en cette rentrée parlementaire, de vous dire que nous revenons dans l’hémicycle comme nous l’avons quitté : dans la précipitation. Nos travaux se sont achevés à la fin du mois de juillet, après un débat sur le travail du dimanche agité, où les parlementaires ont dû – cela devient une fâcheuse habitude – travailler dans l’urgence.

M. Jean Desessard. Et aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, vous nous présentez un projet de loi faisant l’objet de la procédure accélérée. Je ne me félicite pas que les sénateurs, les personnels, notamment les administrateurs, aient travaillé au mois d’août.

Monsieur le secrétaire d’État, quelle urgence y avait-il à examiner ce texte ? Nous vous le répétons : à confondre vitesse et précipitation, le Gouvernement nous propose des textes fleuves, mal conçus, sans aucun recul et sans profondeur. D’ailleurs, ils sont parfois retoqués par le Conseil constitutionnel, et même non appliqués par les ministres ; le dernier texte en date est la loi instituant les tests ADN, refusés par M. Besson.

Le présent projet de loi est la parfaite illustration de cette méthode, voire de cette absence de méthode.

Si ce texte comporte des éléments positifs, comme le fait de combler certains vides juridiques, ainsi que le prévoit l’article 6, ou la portabilité du droit à la formation individuelle, il reste de nombreuses imprécisions et même des incohérences ; nous ne manquerons pas de les pointer lors de l’examen des articles.

Dans son discours du 3 mars dernier, le Président de la République a présenté les grands axes de la réforme sur la formation professionnelle. Il a indiqué que l’un des volets de ce projet de loi serait de créer un droit à l’information et à l’orientation. Notons tout d’abord que les salariés non francophones sont largement exclus de ce droit.

Nicolas Sarkozy a évoqué la création d’un centre d’appels téléphoniques et d’un portail internet dédiés à l’information et à l’orientation « pour expliquer les dispositifs, recenser l’offre de formation et orienter vers les interlocuteurs adéquats ». Quid de cette proposition dans le projet de loi ?

Vous me répondrez sans doute, monsieur le secrétaire d’État, qu’il suffit d’un décret pour mettre en place ce système. Dès lors, et si nous étions dans une situation d’urgence, pourquoi avoir attendu six mois pour publier ce décret ?

M. Jean-Luc Fichet. Voilà une bonne question !

M. Jean Desessard. On nous annonçait une « grande réforme » de la formation professionnelle et nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner un texte a minima, une réformette.

Les organisations syndicales et patronales n’ont pas approuvé l’ensemble des propositions de ce texte, loin de là ; de nombreuses organisations nous font part depuis plusieurs semaines de leurs réticences. Certes, ce texte est issu de l’accord national interprofessionnel sur le développement de la formation tout au long de la vie, conclu le 7 janvier dernier, mais il inclut également des dispositions nouvelles proposées par le Gouvernement. Par ailleurs, il ne reprend pas, par exemple, la disposition de l’ANI sur le droit à la formation différée pour les 150 000 jeunes sortis prématurément et sans diplôme du système éducatif.

Mme Annie David. Il n’a repris que ce qui les arrange !

M. Jean Desessard. Je souhaite évoquer maintenant le problème particulier de l’apprentissage, dernier remède miracle trouvé par le Gouvernement pour enrayer la montée du chômage.

Depuis quelques mois, en effet, vous avez soi-disant décidé d’investir massivement dans la formation par l’apprentissage. Et ce pour une raison a priori louable : favoriser l’accès à l’emploi de personnes peu favorisées, notamment les jeunes.

Nous ne pouvons évidemment pas être contre un tel objectif. Mais, en réalité, ce sont les grandes entreprises qui vont tirer leur épingle du jeu du système de l’apprentissage, et pas nécessairement dans le sens souhaité.

M. Jean-Luc Fichet. Exactement !

M. Jean Desessard. Dans notre conception, l’apprentissage est surtout une voie pour former les jeunes à des métiers manuels ou techniques. La notion d’apprentissage est aujourd’hui beaucoup plus vaste et concerne aussi bien des jeunes de 16 ans ayant le brevet des collèges que ceux de niveau bac + 5 sortant d’écoles d’ingénieurs. C’est dans ce second cas que les entreprises, et surtout les grands groupes, sont favorisées par ce système. Car pour faciliter l’accès des apprentis aux stages, l’État accorde aux entreprises accueillantes une exonération de la taxe d’apprentissage. Vous comprenez maintenant l’objet de mon propos : les grands groupes utilisent ce système pour déguiser des emplois, économiser de l’argent et précariser un peu plus la situation des jeunes arrivant sur le marché du travail.

M. Christian Cambon. C’est de la caricature !

Mme Annie David. Pas du tout !

M. Jean Desessard. C’est la réalité qui est caricaturale ! En 2006 et 2007, le nombre de jeunes en apprentissage a stagné. Pourtant, dans le même temps, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, l’apprentissage dans le cadre des études supérieures a augmenté de 17 %.

M. Jean Desessard. Ce ne sont donc pas les jeunes les plus défavorisés qui profiteront des récents investissements de l’État vers l’apprentissage : ce sont ceux qui ont un niveau d’études supérieur, alors que vous venez de nous dire, monsieur le secrétaire d’État, que votre objectif était de favoriser les jeunes sans diplômes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Et ce sont les grandes entreprises qui bénéficieront encore de ces investissements !

Mme Annie David. Les gagnants sont toujours du côté du MEDEF !

M. Jean Desessard. Rappelons que la première définition du mot « apprentissage » est « l’acquisition de nouveaux savoirs ou savoir-faire ». Cela nous amène à une autre réflexion : la formation a-t-elle pour seul et unique but de répondre aux besoins du marché du travail ?

Mme Annie David. C’est une bonne question !

M. Jean Desessard. Aujourd’hui, nous assistons à une véritable instrumentalisation de la formation. Vous venez de nous dire, monsieur le secrétaire d’État, que la formation professionnelle avait un seul objectif : l’emploi. Pourtant, ce n’est pas seulement un outil qui conduit ou reconduit les personnes vers l’emploi ; c’est également un moyen d’émancipation sociale et culturelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Christian Cambon s’exclame.)

Mme Annie David. C’est un outil de promotion sociale !

M. Jean Desessard. Il faut, bien sûr, favoriser l’accès à la formation professionnelle pour les personnes moins bien formées, mais il faut envisager la formation professionnelle non seulement comme un gain en compétitivité des entreprises, mais également comme un apport personnel pour le salarié ou le demandeur d’emploi, un moyen de s’épanouir.

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, en tant que représentant des Verts, je ne peux que m’étonner du peu de cas qui est fait de l’écologie dans ce projet de loi. Nous sommes tous d’accord aujourd’hui pour dire que nous faisons face à une crise d’une ampleur telle qu’elle nous oblige à repenser en profondeur notre mode de vie, nos modes de production, notre manière de travailler et de consommer.

Nous savons aujourd’hui que la prochaine révolution industrielle sera une révolution « verte » génératrice de nombreux emplois. Néanmoins, ce projet de loi ne reprend à aucun moment les engagements du Grenelle.

Nous vous proposerons donc de favoriser les formations liées aux technologies vertes. La France est aujourd’hui en retard dans ce domaine.