Mme Nathalie Goulet. Très juste !

Mme Odette Herviaux. J’ai aussi noté que le Gouvernement se défaussait de ses responsabilités sur les régions, par exemple, puisqu’il est prévu dans ce projet de loi que toute augmentation de leur part de taxe intérieure sur les produits pétroliers devrait être obligatoirement utilisée pour financer les projets du Grenelle, tels que les lignes à grande vitesse, l’infrastructure fluviale, projets qui relèvent pourtant, normalement, de la seule compétence de l’État.

Même si je reconnais que certaines de ces collectivités ont déjà accompli les efforts nécessaires, et c’est tout à fait logique, pourquoi être aussi directif dans ce texte, alors que l’on prône la plus grande liberté ? Nous pouvons d’autant moins l’admettre que ce transfert de charges s’accompagne de la volonté clairement affichée par l’État de procéder à une recentralisation, y compris de la démocratie écologique. Les collectivités devront donc s’impliquer financièrement sans assumer la responsabilité politique des décisions en question.

Enfin, si nous nous félicitons, encore une fois, du sérieux du travail et de la qualité des débats, nous regrettons les conditions dans lesquelles ils se sont déroulés et la méthode utilisée : multiplication des renvois à des décrets, à des ordonnances, amendements du Gouvernement de plusieurs pages déposés tardivement. Tout cela nous prouve, même si je reconnais toute l’importance du travail accompli en commission, que l’urgence déclarée n’était pas forcément justifiée ; et cela affaiblit encore, à notre avis, la portée du texte puisque les projets visant à la réforme des collectivités territoriales et à celle de la fiscalité locale ne sont pas encore parvenus au Parlement.

En conclusion, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, je dirai que vous avez, selon les médias, défendu l’idée selon laquelle il existe une écologie de droite, fondée sur les valeurs de liberté, de libre choix et de travail. Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de l’écologie. Pour nous, celle-ci doit être fondée non seulement sur des valeurs de pédagogie, mais aussi sur la solidarité entre les citoyens et entre les territoires. Elle doit s’appuyer sur le principe pollueur-payeur, bien sûr, mais à tous les maillons de la chaîne des responsabilités. Surtout, elle doit être mise à sa juste place dans le triptyque du développement durable, à côté des valeurs sociales et de l’économie.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne peut apporter son soutien à ce projet de loi, et je vous assure que c’est à regret qu’il votera contre. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, à l’issue des débats au Sénat sur le Grenelle II, je veux dire combien a été fructueuse la mobilisation de la société civile : je veux dire par là que, tout au long du travail parlementaire qui est mené depuis un an, le poids de groupes d’intérêts financiers et de certaines corporations professionnelles s’est fait sentir. (Exclamations sur le banc des commissions.)

Pour notre part, à aucun moment, nous n’avons pris de positions politiciennes, …

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous non plus !

M. Jacques Muller. … nous concentrant strictement sur le contenu du texte. Nous sommes même venus à votre secours, madame la secrétaire d'État, pour préserver la loi littoral, menacée par vos troupes présentes au Sénat.

Quel bilan dresser de la discussion de ce projet de loi ? Nous sommes extrêmement déçus devant le contenu final.

Dans le domaine des transports, la transposition des directives européennes s’est faite a minima. On nous a dit qu’il n’était pas nécessaire d’aller aussi loin... Vous avez notamment refusé de protéger les zones sensibles en montagne par des droits régulateurs.

En matière d’énergie, le texte issu de nos travaux est plombé par le tabou du nucléaire, indûment privilégié par le biais des dérogations quant aux normes d’isolation des bâtiments. Et il a fallu un vibrant plaidoyer des Verts pour arracher, contre l’avis du Gouvernement et celui de la commission, l’inscription dans le texte d’un plan de développement de l’éolien.

En ce qui concerne les déchets, les propositions restent prisonnières d’une logique industrielle, qu’il s’agisse des incinérateurs ou des technologies de tri mécano-biologique. Elles témoignent d’une approche frileuse au regard des mesures prises dans les pays voisins. Le refus d’instituer l’obligation de justifier le dimensionnement des unités de tri mécano-biologique ou des incinérateurs, avec un objectif de réduction à échéance de quinze ans, me paraît tout à fait emblématique.

S’agissant de la biodiversité, nous n’avons pu que nous étonner du refus de la compatibilité entre les schémas de cohérence territoriale, les schémas de cohérence régionale écologique de l’environnement et les plans Climat territoriaux.

Nous avons également dû profondément regretter que le Gouvernement et le Sénat, dans sa majorité, refusent de se positionner sur un sujet représentant un enjeu planétaire, à savoir le pillage des ressources génétiques dans le monde et des savoir-faire des populations autochtones ; une disposition affirmant notre volonté de lutter contre cette bio-piraterie avait sa place dans un texte fondateur tel que celui-ci.

Mais plus préoccupants encore sont les reculs sur la question de la biodiversité. L’un des plus graves concerne ce qu’il faut bien appeler le « recyclage » de la notion d’agriculture raisonnée. Ce concept, qui ne repose pas sur des exigences de résultat, a fait un véritable « flop » commercial auprès des consommateurs. Or il se voit attribuer une certification environnementale applicable aux exploitations et aux produits concernés.

Je veux également dénoncer la trahison dont on s’est rendu coupable au sujet des préparations naturelles peu préoccupantes. Là, le recul est indéniable !

Enfin, je citerai l’introduction de la traçabilité génétique dans la filière agroalimentaire, sans utilité pour les consommateurs, mais qui intéresse les firmes au plus haut point.

Sur le thème santé-environnement, je relève la frilosité dont il a été fait preuve quant au marquage des téléphones mobiles et à la nomenclature des nanomatériaux.

Pour ce qui est de la gouvernance, je regrette la responsabilité au rabais qui a été retenue à l’encontre des maisons mères dont les filiales ont occasionné des dégâts.

Surtout, je déplore la volte-face opérée sur la question de l’« éco-blanchiment », ou greenwashing. C’est un vrai retour en arrière par rapport au Grenelle I. Le refus de faire clairement figurer ce concept dans la loi nous contrarie franchement. Et pourtant, des exemples d’éco-blanchiment, nous en avons d’évidents sous les yeux, et qui ne sont nullement remis en question par ce projet de loi, qu’il s’agisse de l’agriculture raisonnée ou du nucléaire. Ainsi, AREVA, dans sa communication, définit le nucléaire comme « l’énergie au sens propre » ! Si le texte avait indiqué que l’éco-blanchiment n’est pas acceptable, AREVA aurait eu quelques soucis !

Force est de constater que les groupes d’intérêts ont pesé constamment sur les débats et favorisé les reculs dans le domaine de la biodiversité.

Au final, les sénateurs Verts sont embarrassés. Sur le fond, les reculs graves que comporte ce texte nous inciteraient à voter contre. Pour autant, il comporte aussi un certain nombre d’avancées. Nous ne jetterons donc pas le bébé avec l’eau du bain, fût-il bien chétif et malade à sa naissance. En conséquence, nous nous abstiendrons, tout en ajoutant que nous sommes très sceptiques quant aux suites qui seront données à cette loi. Le « bébé Grenelle » (Sourires) né dans ces conditions nécessitera des soins pour grandir et je doute que ses parents d’aujourd’hui soient en capacité de les lui apporter.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Muller. La taxe carbone est emblématique du galvaudage d’un concept fondateur du développement durable. De même, les choix budgétaires qui sont opérés dans la perspective de la relance favorisent des projets « grenello-incompatibles ». Mais c’est un autre débat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Je tiens tout d’abord à m’associer à Mme Odette Herviaux pour me féliciter de l’atmosphère de courtoisie qui a présidé à nos débats et remercier les membres du Gouvernement qui se sont succédé, en particulier vous, madame la secrétaire d’État, pour votre élégance et votre professionnalisme. Mes remerciements s’adressent également à MM. les rapporteurs, y compris à M. Braye, dont les amabilités sont parfois sélectives ! (Sourires.)

J’évoquerai, pour ma part, les dispositions relatives à l’urbanisme, aux transports et le chapitre consacré aux déchets, dont nous avons débattu aujourd’hui.

Pendant le Grenelle I, vous nous aviez annoncé des réformes considérables du droit de l’urbanisme et des transports.

D’une manière générale, nous cherchons les avancées concernant le financement des transports publics, en particulier les transports urbains. Où sont celles que nous avait promises le rapporteur sur le versement transport ? Celles qui concernent le péage urbain sont minimes, car les conditions que vous avez posées pour son expérimentation sont telles qu’il ne sera probablement jamais mis en œuvre.

La taxe sur les plus-values foncières est intéressante, mais, encore une fois, nous nous interrogeons sur sa portée tant vous en avez réduit le champ.

Pour un certain nombre de dispositions, telles que, par exemple, la nouvelle compétence de création des infrastructures de recharge des véhicules électriques, vous imposez de nouvelles charges aux entreprises et aux collectivités, sans compensation ni aide.

En matière d’urbanisme, vous vous êtes contentés de préciser des facultés prétendument nouvelles pour les maires, omettant de dire qu’elles existaient déjà : je pense, notamment, à la possibilité de densifier autour des systèmes de transports en commun, mais aussi au PLU intercommunal. Toutes ces possibilités qui ont été brandies comme des avancées sont, en fait, des dispositions qui figuraient déjà dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, sous forme d’incitations. En fait, vous avez fait une loi de codification, mais en aucun cas vous n’avez créé de mesures nouvelles !

C’est un vaste trompe-l’œil que de donner la possibilité aux communautés qui disposent de la compétence PLU de faire du PLU intercommunal. Si elles disposent de la compétence, c’est précisément parce qu’elles ont déjà commencé à travailler sur cette question. En tout état de cause, seulement 11 % d’entre elles détiennent cette compétence pour le moment.

Je passe sur la recentralisation, avec le retour en grâce des projets d’intérêt général, ce dispositif qui permet à l’État de passer outre tous les documents d’urbanisme élaborés par les collectivités ! Sans compter qu’une bonne partie du problème sera réglée par ordonnance. Comment penser la réforme de la fiscalité de l’urbanisme indépendamment de celle des collectivités ? Comment oser soustraire à la réflexion parlementaire cette dimension structurante de la gestion des territoires ?

Enfin, les avis que nous avons pu recueillir jusqu’à maintenant auprès des professionnels et des avocats sont unanimes : votre réforme de l’urbanisme rend le droit encore plus complexe. Elle risque de paralyser toutes les énergies.

Dès lors, si nous sommes d’accord sur les principes, nous ne pouvons que dénoncer le caractère timoré de mesures qui ne feront pas changer le paysage. Mais nous avions déjà voté sur les principes dans le Grenelle I, me semble-t-il ! Et on nous avait promis une loi pour concrétiser les avancées du Grenelle I ; malheureusement, ce n’est pas du tout ce à quoi nous avons affaire à l’issue de ce débat !

Par ailleurs, nul ne peut ignorer que la réforme des collectivités prévoit des modifications dans les compétences mêmes des collectivités. S’agissant des transports, vous savez comme moi à quel point les partages de responsabilités complexes ont pu empêcher la mise en œuvre de réelles politiques coordonnées et intégrées en matière de service, mais aussi en matière tarifaire. Nous avons discuté dans cette enceinte de dispositions qui risquent de prendre un tout nouveau sens d’ici à un an.

Nous notons des avancées, certes, mais pas de « New Deal écologique ». Nous voyons des mesures timides, dont on évalue mal la portée à la veille d’un débat important relatif aux compétences des collectivités. Il y a donc lieu de s’inquiéter quant à l’efficacité d’un tel texte.

Et que dire de l’obligation pour les collectivités d’appliquer, dès 2010, les normes de basse consommation pour leurs bâtiments sans qu’elles puissent bénéficier de l’accès à une ressource qui leur aurait permis de rendre moins douloureuse la facture qui va s’alourdir ? Notre proposition de leur donner accès au prêt à taux zéro a, hélas ! rencontré l’opposition du Gouvernement.

Pour illustrer mon propos, voici l’exemple, fourni par M. Repentin, de la petite commune de Tournon, en Savoie, qui a le projet de réhabiliter en 2010 un bâtiment communal regroupant la mairie, au rez-de-chaussée, et un logement, à l’étage. Avec ces nouvelles normes, l’évaluation du coût des travaux passe de 318 500 euros à 440 000 euros, soit 35 % de plus, c'est-à-dire 120 000 euros supplémentaires à trouver pour une commune de 500 habitants !

Il y a lieu de s’inquiéter sur les conséquences financières d’un tel texte et pour les collectivités locales !

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Bariza Khiari. Je souhaite seulement revenir sur les titres « Risques, santé, déchets » et « Gouvernance ».

Vous nous avez proposé une réforme des enquêtes publiques environnementales. Cela concerne chaque année plus de 17 000 projets. Mais quel sens peut avoir une telle réforme si, parallèlement, vous réduisez le champ de ces enquêtes ?

Le 5 mai dernier, le ministre de la relance a annoncé une réforme des seuils de déclenchement de l’enquête publique, ce qui permettrait, selon lui, de développer des projets à échéance très courte pour soutenir l’économie. Couplée à votre réforme, cette mesure entraînera une judiciarisation des procédures et produira l’inverse de l’effet attendu : on portera devant le juge ce qui n’aura pas été discuté en amont.

Pis, vous méprisez le dispositif que vous mettez en place. D’ailleurs, dans le projet du Grand Paris présenté mercredi au conseil des ministres, vous créez une procédure de consultation ad hoc pour un projet de métro automatique complètement pharaonique ! (On s’impatiente sur les travées de l’UMP.)

Mme la présidente. Maintenant, il faut vraiment conclure, madame Khiari.

Mme Bariza Khiari. Je vais abréger mon propos.

Concernant les déchets, nous avons voté un amendement impliquant la grande distribution dans leur gestion, faisant notamment en sorte qu’elle prenne sa part de responsabilité dans la chaîne de production des emballages.

Nous ne pouvons que nous réjouir de l’adoption de l’amendement sur l’information des consommateurs relative aux produits les moins générateurs de déchets.

Mais, globalement, c’est trop peu !

Le texte qui nous est proposé est loin d’être satisfaisant. L’ambiance des débats du Grenelle de l’environnement a été dévoyée et diluée. En outre, le projet de loi de finances ne propose pas de moyens supplémentaires pour donner du crédit au Grenelle II. Nous souhaitons exprimer par un vote négatif l’ampleur de notre déception face à ces occasions ratées.

Mme la présidente. Je vous rappelle, mes chers collègues, que vos explications de vote ne doivent pas dépasser cinq minutes.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Au regard du chemin parcouru avec ce texte, à partir d’un processus encourageant de consultation de l’ensemble des acteurs concernés, en passant par le vote d’une loi Grenelle I aux objectifs ambitieux, notre sentiment est d’être passé à côté de quelque chose.

Certes, on peut qualifier le Grenelle II de réforme de grande ampleur si l’on se réfère au nombre de secteurs concernés ou au nombre d’innovations réglementaires qu’il comporte en matière de protection de l’environnement.

Nous avons traité de sujets aussi divers que le logement, les schémas d’urbanisme, la gouvernance des entreprises, les péages urbains, les déchets, l’assainissement non collectif, les téléphones portables, etc. Mais nous pouvons regretter que cette profusion ait provoqué une certaine confusion. De plus, des dispositions importantes qui ressemblaient fort à des cavaliers ont été introduites par le Gouvernement.

Trop souvent, les objectifs du Grenelle I ont été revus à la baisse.

Néanmoins, le dialogue avec le Gouvernement et les différents rapporteurs ainsi que le débat entre les parlementaires sur ce texte ont été constructifs. Nous nous félicitons que certaines de nos propositions aient été entendues et retenues. Chacun avait la volonté d’être consensuel, c’est évident. Les rapporteurs, le président de la commission et les ministres ont été à l’écoute de l’ensemble de nos propositions, même s’ils ne l’ont pas été au point de nous satisfaire totalement.

Je tiens d’ailleurs à remercier les services du Sénat et du ministère. Ils ont été à notre disposition et nous avons pu, chaque fois que nous le souhaitions, leur poser des questions ou leur demander des précisions.

Les rapporteurs ont fait un travail de fond. Ils n’ont pas évité le débat et ont répondu très clairement tout en défendant, comme nous, leurs convictions.

Ces points positifs ne nous font pas oublier les fondements d’un texte qui, en cohérence avec le mouvement de mise au pas des collectivités locales, depuis 2002, et bien plus encore depuis 2007, transfère des responsabilités aux communes et aux départements tout en asséchant leurs ressources financières et en renforçant le pouvoir de contrôle des préfets. Nous ne pouvons malheureusement pas souscrire à une loi qui s’inscrit dans un schéma de recentralisation des pouvoirs et d’asphyxie de nos collectivités.

Nous regrettons que l’objectif principal soit ainsi « pollué » – c’est le cas de le dire ! – par cette question de la répartition des compétences et de la mise au pas des élus et des collectivités à travers la loi de finances et, plus encore, la réforme territoriale à venir.

Nous soulignons aussi le fait que tant d’articles de cette loi restent inachevés ; ils seront en réalité écrits par l’exécutif, dans les décrets, loin des parlementaires.

On nous présente en urgence – et pourquoi cette urgence ? – un texte qui n’est pas abouti, tant il reste d’incertitudes au regard du nombre de dispositions dont l’application demeure soumise à la publication d’un décret ou qui attendent la fin des travaux de tel ou tel comité opérationnel.

Pour prendre un seul exemple, l’obligation pour les entreprises de plus de 500 personnes de réaliser un bilan carbone de leur activité ne s’appliquera qu’à une liste de secteurs définis de façon réglementaire. On nous a, au fond, demandé de voter une mesure sans que nous puissions réellement savoir quel effet elle aura.

On nous a parfois répondu que la question serait réglée plus tard parce que le travail en COMOP – comité opérationnel – n’était pas terminé… Espérons que ces travaux auront abouti avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Ainsi, le dernier mot pourra tout de même revenir au Parlement.

Les Français, chacun le sait, sont désormais conscients des enjeux écologiques. Mais ils ne souhaitent pas forcément être inondés d’informations, de labels, d’étiquetages, de recommandations – quelle que soit l’utilité de ces mesures – pour être mieux renvoyés à leur culpabilité de consommateurs.

La droite cherche à dynamiter tout ce qui fait de notre société une société solidaire et fraternelle, à démolir tout ce qui peut gêner la confrontation directe entre un individu et le marché, entraînant au pas de course notre société vers un modèle forcément anti-écologique et antisocial. (M. Jean-Pierre Fourcade proteste.)

On nous parle d’« écologie de droite ». Si c’est cela l’écologie, c’est-à-dire des individus seuls face à leurs choix, dans un grand marché plus ou moins peint en vert, alors, ce projet nous ne le soutenons pas.

Face à un problème d’une telle gravité – car il s’agit de « décarboner » la société, de faire face aux émissions de gaz à effet de serre et à leurs conséquences –, les Français attendent que l’État prenne le problème à bras-le-corps, un État qui soit fort, rassurant, capable de prendre les décisions qui s’imposent avec le courage politique que la situation exige, qui agisse à la source, au niveau des entreprises, sur les modes de production.

Les Français attendent également de l’État qu’il soit conscient à chaque instant que cette révolution verte passe forcément par une révolution sociale, parce que la réduction des inégalités est au cœur de la question écologique.

Vous l’aurez compris, nous refusons la philosophie générale qui sous-tend votre politique, une politique au service du marché, aux antipodes des intérêts des habitants de ce pays.

C’est pourquoi nous voterons contre ce texte.

Mme la présidente. Merci d’avoir respecté votre temps de parole, madame Didier.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Je suis un bon soldat : mon groupe politique a dit de voter « non », donc je voterai « non ». C’est clair, net et précis ! Vous m’avez compris… (Sourires.)

Cela dit, j’ai ma liberté de parole et de conviction. Je considère que, au cours des deux ans écoulés, nous avons déjà fait un travail sérieux. Avec le président de la commission, les rapporteurs, les collaborateurs et les ministres, nous avons accompli, ces dernières semaines, un travail solide, émettant des propositions qui font avancer les choses.

Nous sommes devant une démarche innovante, ambitieuse et pleine de bonnes intentions. D’ailleurs, nous avions voté à l’unanimité le Grenelle I. À travers la démarche qui a été ainsi entreprise, apparaît la prise de conscience d’un autre développement, d’un développement durable.

Dans bien des domaines, que ce soit en matière d’urbanisme, d’énergie, de transports, de biodiversité, de déchets, d’agriculture ou d’eau, les avancées sont significatives.

Dans un domaine que j’ai beaucoup suivi, la trame bleue et la trame verte, je peux en témoigner, toutes les préconisations du COMOP ont été reprises intégralement.

La boîte à outils qui est ainsi proposée doit permettre aux élus de notre pays de stopper la chute de la biodiversité.

Il s’agit donc bien d’un bouleversement. En effet, jusqu’à présent, depuis trente ans, nous avions réalisé un zonage remarquable de la biodiversité, travail utile, mais insuffisant. Avec la trame bleue et la trame verte, c’est l’ensemble de la biodiversité, remarquable aussi bien que banale, qui est intégré dans notre réflexion. Cela signifie que, dans notre pays, l’infrastructure écologique doit être mise en œuvre avant tout aménagement du territoire.

Bien sûr, tout texte étant forcément imparfait, nous avons des regrets.

Je regrette d’abord qu’un texte aussi important ait été examiné en urgence. Dans certains amendements qui ont été présentés au cœur de telle ou telle nuit, j’ai constaté des imprécisions de vocabulaire et des contradictions qui m’ont laissé rêveur… Nous verrons ce qu’il en sera après le passage du texte à l’Assemblée nationale !

Il reste aussi des questions en suspens, notamment en ce qui concerne les moyens de protéger ou de réhabiliter les sols agricoles. Il y a là un enjeu important. Nous attendons une directive européenne sur ce sujet.

Il faut savoir que, aujourd’hui, aux Pays-Bas, par exemple, on ne peut plus cultiver certaines plantes à cause du manque d’humus dans les sols ou du lisier qui y a été déversé en trop grande quantité. Des industriels et des commerçants viennent en Picardie signer des contrats avec les agriculteurs pour produire des oignons blancs qu’ils ne peuvent plus cultiver sur leur territoire !

Il faudra développer de manière plus significative la recherche sur les produits de substitution moins nocifs, sur des espèces ou variétés plus rustiques et plus résistantes, même si les rendements sont moins élevés. D’ailleurs, il est clair que nous ne parviendrons plus à accroître les rendements, ou bien ce sera au détriment du milieu naturel.

J’en viens à la crise agricole et plus particulièrement, pour une région qui m’est chère, à la crise de l’élevage. Malgré les beaux textes que nous aurons votés, si nous n’aidons pas les agriculteurs, demain, ce sont 30 000 éleveurs qui vont disparaître et, avec eux, des espaces en herbe, du bocage, dont il ne nous restera plus que le souvenir !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Paul Raoult. C’est tout un milieu et toute une identité régionale qui n’existeront plus, et ce sera un véritable désastre écologique.

Demain, dans l’Avesnois, la crise laitière aura totalement détruit les paysages de bocage et de pâtures !

Mme Nathalie Goulet. En Normandie itou !

M. Paul Raoult. M. Vasselle et d’autres membres du groupe UMP ont manifesté des réticences à propos du développement durable parce que, en temps de crise, il mettrait les entreprises en péril. C’est non seulement un raisonnement à court terme, mais c’est un raisonnement faux ! L’économie verte est capable de créer des emplois ! Et il ne faut surtout pas supprimer les garde-fous. Or j’ai pu constater que, pendant l’été, des mesures réglementaires concernant les études d’impact avaient été abrogées, sous prétexte de faire avancer les travaux plus vite !

Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Paul Raoult. Je termine, madame la présidente.

Pour ce qui est des engagements financiers, il faudra faire davantage d’efforts dans le budget pour 2010.

J’ai souvent entendu Mme la secrétaire d'État dire que l’écologie n’était pas politique. Un article du Figaro parle pourtant d’une « écologie de droite ». Alors qu’est-ce qu’une « écologie de gauche » ? Ce serait, ma-t-on dit, une écologie qui voudrait un développement zéro !

Pour ma part, je suis persuadé qu’il existe une « écologie républicaine », soucieuse de freiner les excès de cette « concurrence libre et non faussée », cette loi du marché qui fait qu’on cherche sans cesse et aveuglément le profit à court terme.

Il appartient au pouvoir politique de déterminer où se situe l’intérêt général et de prévoir les régulations nécessaires afin de sauvegarder cette nature qui est déjà bien abîmée. À cet égard, je pourrais citer de nombreux exemples.

Mme la présidente. Maintenant, il faut conclure, monsieur Raoult !

M. Paul Raoult. Il faut faire émerger un concept de croissance qui intègre les relations entre l’homme et la nature et préserve les droits de l’homme.

Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je reste malgré tout optimiste parce que ce texte nous donne tout de même des moyens supplémentaires. Encore faut-il que les collectivités territoriales, qui seront le bras armé de cette politique, aient, sur le plan financier, la capacité d’agir.

Enfin, il nous revient d’assurer une véritable conversion intellectuelle et morale pour que les trames verte et bleue – j’ai parfois des frissons en écoutant ce que dit M. Vasselle à ce sujet ! – puissent être considérées comme une véritable assurance vie pour l’homme et la planète.

La crise écologique peut être une chance pour notre économie et notre développement : saisissons-la ! (Mme Odette Herviaux applaudit.)