M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument ! Instrumentalisées pour des raisons de pure politique politicienne ! (Mme Nicole Bricq s’esclaffe.)

Mme Raymonde Le Texier. Vous savez de quoi vous parlez !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces inquiétudes naissent d’abord de l’incertitude. Si nous n’avions pas le courage de voter un dispositif complet, il est clair que ces incertitudes ne feraient que prospérer, notamment dans le climat électoral du début de l’année 2010 ; nous devons absolument éviter cela.

Je souhaite également évoquer quelques questions plus prospectives.

Il paraît possible et raisonnable de mettre en œuvre ce que nous appelons la « trilogie », c’est-à-dire la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et du bouclier fiscal –  qui n’en est que le « fils » ! –, et l’ajustement à due concurrence de l’impôt sur le revenu par la création d’une tranche imposée à 50 %. Il faudra aussi ajuster le taux de la taxation des plus-values, notamment sur les valeurs mobilières. Je ne pense pas que ce soit réalisable immédiatement, dans le contexte de crise que nous connaissons. J’observe cependant que de plus en plus de bons esprits, un peu partout, s’expriment en faveur de cette solution en trois points, pour sortir des contradictions inextricables dans lesquelles nous nous trouvons et qui nuisent à notre pays.

Nous vous proposerons donc, monsieur le ministre – c’est une idée de Jean Arthuis – de tirer les conséquences de la crise financière, en opérant un redéploiement de fiscalité sur le secteur financier. La taxe sur les salaires, dont le montant est de l’ordre de 2 milliards d’euros pour ce secteur, n’a en effet plus de sens. Il faut donc la supprimer, mais en la remplaçant budgétairement, c’est-à-dire pour obtenir le même rendement, par une prime d’assurance systémique, contrepartie de la garantie accordée par l’État à l’ensemble du système financier. Cela permettra de préserver la recette budgétaire et, espérons-le, d’induire des comportements de gestion plus vertueux au sein des grands groupes financiers.

Je conclurai mon propos en évoquant une initiative prise par la commission des finances ; nous devrions, à cet égard, obtenir prochainement quelques éléments de réponse. Il s’agit d’examiner l’impact du développement des nouvelles technologies et d’internet sur les ressources fiscales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très important !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est pour nous une vraie préoccupation, car les bases des assiettes fiscales risquent d’être rongées par l’essor de ces nouvelles technologies qui, si elles apportent une grande liberté, remettent en question de façon fondamentale notre organisation administrative.

Nous devons y réfléchir pour l’avenir. Nous ne serons sans doute pas en mesure d’apporter dans l’immédiat de nombreuses réponses opératoires, mais nous serions heureux, monsieur le ministre, de travailler sur ce sujet en lien étroit avec vos services. Nous devons éviter l’évaporation des recettes fiscales liée à la dématérialisation de certaines procédures ou prestations.

Il nous faut développer toutes ces réflexions en veillant à la soutenabilité de nos finances publiques. En effet, si la dette est à peu près gratuite aujourd’hui, du fait des taux d’intérêt négatifs, cela ne saurait durer longtemps.

Vous savez mieux que nul autre, monsieur le ministre, ce que représenterait pour notre budget une tension sur les taux d’intérêt et ses répercussions sur la proportion des charges financières dans les dépenses de fonctionnement de l’État, toutes choses qui se produiront inéluctablement et qu’il vaut mieux envisager comme une réalité proche. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Tout d’abord, si j’en crois les propos de M. le ministre, il semble que le budget de la sécurité sociale qui, je le rappelle, représente à peu près 54 % des prélèvements obligatoires, ne soit pas la préoccupation majeure du Gouvernement. Cela laisse donc toute latitude à la commission des affaires sociales pour prendre quelques initiatives !

Ensuite, je partage tout à fait le diagnostic de Philippe Marini sur les déficits du budget de l’État et de la sécurité sociale, de même que j’approuve sa référence à la loi de programmation des finances publiques : nous avons adopté un certain nombre de principes et de règles, dont il faudra tenir compte dans le prochain projet de loi de finances et dans ceux qui suivront.

Enfin, j’ai lu dans la presse que la commission des finances avait proposé de supprimer la taxe sur les salaires, ainsi que l’a précisé M. Marini, et de la remplacer par une nouvelle taxe, dont la création compenserait à due concurrence la disparition de la taxe sur les salaires.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette nouvelle taxe alimentera le budget de la sécurité sociale !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il ne vous aura pas échappé, monsieur le rapporteur général et monsieur le président de la commission des finances, que la taxe sur les salaires vient alimenter le panier consacré à la compensation des allégements de cotisations sociales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est la même caisse, monsieur le rapporteur général !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mais vous avez sans doute déjà imaginé ce qui remplacera, dans ce panier, le produit de la taxe sur les salaires !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous le ferons par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela étant dit, vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, que notre devoir aujourd’hui est de tenter d’anticiper la sortie de crise. On a toujours tort de reporter au lendemain ce que nous pouvons faire le jour même. Il est donc de notre responsabilité, et de celle du Gouvernement, de proposer et d’adopter dès à présent un certain nombre de mesures indispensables au redressement de nos finances publiques.

Face à la situation actuelle, j’ai en effet deux certitudes.

La première est que notre système de protection sociale est, cette fois-ci, parvenu au bout d’une logique et que sa pérennité est sérieusement menacée.

La seconde est que nous devons impérativement cesser de reporter nos difficultés d’aujourd’hui sur les générations futures. Le Gouvernement a d’ailleurs fait sienne cette conviction, si j’en crois les propos tenus par M. le ministre du budget lors de l’examen des précédentes lois de financement de la sécurité sociale ; je ne peux que m’en féliciter.

Il faut en effet avoir bien conscience du fait que le retour de la croissance au niveau qui était le sien avant la crise permettra seulement, pour ce qui concerne le budget de la sécurité sociale, de stabiliser le déficit à son niveau d’après-crise, soit, dans le meilleur des cas, environ 30 milliards d’euros.

Mme Raymonde Le Texier. Tout à fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Or, si la sécurité sociale a pu supporter depuis 2003 des déficits annuels voisins de 10 milliards d’euros au prix d’un accroissement important de la dette sociale, elle ne résistera pas, à mon sens, à plusieurs années d’un déficit qui se maintiendrait à 30 milliards d’euros par an. Il ne s’agirait plus d’un déficit conjoncturel lié à la crise mais, comme l’a dit M. Marini, d’un déficit structurel.

Nous devons donc réagir avec vigueur et surtout ne pas croire que le retour de la croissance arrangera tout.

Quel est l’état de nos prélèvements sociaux ? Ils se stabilisent autour de 22 % du produit intérieur brut de 2008 à 2010 et stagnent, en valeur, à environ 430 milliards d’euros – ce n’est pas rien ! –, un chiffre à rapporter aux 240 milliards d’euros du budget de l’État.

Cette évolution appelle plusieurs remarques de ma part.

C’est d’abord la première fois qu’on observe deux années consécutives de baisse de la masse salariale, soit une baisse de 2 % en 2009 et de 0,4 % en 2010. En conséquence, par rapport à la moyenne observée au cours des dix dernières années, on enregistre plus de 21 milliards d’euros de pertes de recettes pour 2009 et 2010, au seul titre des recettes liées aux revenus d’activité, c’est-à-dire les cotisations et une grande partie de la CSG.

De leur côté, les prélèvements sur les revenus du capital chutent d’environ 20 %, soit une perte de 3,4 milliards d’euros.

Cependant, quelques recettes fiscales affectées à la sécurité sociale résistent assez bien à la crise, notamment les taxes dites comportementales, comme les droits sur les tabacs, les droits sur les alcools, ainsi que la TVA sur les produits pharmaceutiques.

Il résulte de cet ensemble de facteurs que le ratio de couverture des dépenses par les recettes se réduit considérablement puisqu’il passe, pour le régime général, de près de 97 % en 2008 à 90 % à peine en 2010.

Ce rapide accroissement des déficits a un corollaire : l’aggravation de la dette sociale. Pour l’instant, cette dette est portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, et le restera tout au long de l’année 2010 ; M. le ministre l’a d’ailleurs confirmé devant la commission des affaires sociales. C’est à ce titre qu’il est prévu dans le projet de financement de la sécurité sociale un plafond d’emprunt de 65 milliards d’euros en 2010.

Au-delà des risques financiers que cela comporte, et dont nous reparlerons lors de l’examen du projet de financement de la sécurité sociale, le simple report du traitement de la dette risque de rendre plus coûteux et douloureux, demain, les prélèvements pour en assurer le financement.

Nous avons posé en juin dernier les données du problème : conformément à la règle organique, tout transfert de dettes à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, doit s’accompagner d’un transfert de ressources pour lui permettre d’y faire face. La reprise par la CADES au 1er janvier 2011 des déficits sociaux de 2009 et 2010 exigera donc une augmentation de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, de 0,54 point, soit plus du doublement de son taux, qui passerait de son niveau actuel, 0,5 %, à 1,04 %. Si l’on attend une année supplémentaire, la reprise de dette devrait avoisiner les 100 milliards d’euros, et il faudra alors porter la CRDS au taux de 1,44 %, soit le triplement de l’actuel taux de prélèvement.

Ces chiffres démontrent de façon évidente la nécessité d’envisager sans plus tarder le traitement de la dette sociale en cours d’accumulation. Le reporter reviendrait à transférer aux générations futures des prélèvements obligatoires que nous n’aurons pas voulu acquitter nous-mêmes, ce qu’elles pourront, à juste titre, nous reprocher un jour.

À moins que nous n’acceptions de modifier la loi organique : les Français d’aujourd’hui devraient alors supporter cette charge.

Je reconnais que le contexte actuel est complexe. Vous êtes, monsieur Woerth, un des ministres des comptes publics qui aura été confronté à la situation budgétaire la plus difficile. Votre tâche est donc ardue. Mais qu’une reprise de la dette par la CADES soit d’ores et déjà mise en œuvre et que les ressources nécessaires lui soient transférées m’apparaîtrait comme une solution pertinente. La hausse de la CRDS qui devrait alors être votée pourrait éventuellement être atténuée, bien que cette solution ne m’enchante pas, par un léger desserrement de la contrainte liée à la durée de vie de la CADES, à condition qu’il n’entraîne pas un basculement complet de la totalité de la dette sur les générations suivantes.

Cette première étape, le traitement des déficits en cours, étant posée, la question essentielle reste entière : comment réduire les déficits des années à venir ou, autrement dit, comment financer le maintien d’un haut niveau de protection sociale à nos concitoyens, en tenant compte du niveau élevé de nos prélèvements obligatoires et des problèmes de compétitivité de nos entreprises ?

Puisque nous débattons des prélèvements obligatoires, je passerai quasiment sous silence le problème de la maîtrise des dépenses. Simplement, par référence à un principe qui s’applique uniquement aux niches sociales et fiscales, l’on pourrait imaginer qu’une augmentation des prélèvements obligatoires soit compensée par une diminution des dépenses. Mais il n’est pas évident de diminuer les dépenses sociales. La seule possibilité consisterait à revoir les périmètres du régime obligatoire et des régimes complémentaires. Je vous laisse imaginer dès à présent les débats que provoquerait une telle initiative chez les partenaires sociaux et chez nos concitoyens. Mais pourrons-nous en faire l’économie ?

Sur le plan des recettes, je constate qu’aucun observateur, aucune institution, aucun expert avisé n’exclut aujourd’hui une hausse des prélèvements pour faire face aux dépenses supplémentaires, liées notamment au vieillissement de la population.

Les décisions relatives aux prélèvements de la sortie de crise et de l’après-crise doivent donc être préparées dès à présent.

La priorité, semble-t-il, est de poursuivre l’élargissement et la préservation de l’assiette des prélèvements sociaux. Comme le rappelle régulièrement la Cour des comptes dans ses différents rapports, les meilleurs prélèvements sont ceux qui ont une assiette large et des taux bas.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, j’avais proposé de créer une flat tax sur l’ensemble des niches sociales, que n’a pas souhaité mettre en œuvre le Gouvernement. Cependant, j’ai été quelque peu écouté puisque, l’année suivante, les stock-options ont commencé à être taxées. De plus, le forfait social a été mis en place ; vous en proposez d’ailleurs le doublement cette année.

Nous devons continuer à réduire les niches sociales et poursuivre l’idée d’un élargissement de l’assiette du forfait social.

De même, des marges de manœuvre existent sans doute dans la taxation des stock-options. Un alignement au moins partiel de l’assiette de la CSG sur celle de la CRDS, par exemple en ce qui concerne les jeux et les ventes de métaux précieux, de bijoux et d’objets d’art, pourrait rapporter quelques recettes supplémentaires.

Pensons aussi à mobiliser de nouvelles ressources. Je sais, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas insensible à cette idée, puisque vous réfléchissez à un meilleur ciblage des allégements de charges sociales, qui pèsent aujourd'hui 28 milliards d'euros. Ne faut-il pas envisager une baisse du seuil de 1,6 SMIC ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bien sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ne faut-il pas limiter ce dispositif aux entreprises de taille petite ou moyenne et réserver son accès aux entreprises respectant certains critères sociaux ou environnementaux ?

Ce sont autant de pistes sur lesquelles il faut travailler. Vous avez confié, me semble-t-il, une mission sur ce sujet à un haut fonctionnaire. Mais ne pourrions-nous pas, dès l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, prendre une initiative tendant à annualiser le calcul des allégements, mesure qui pourrait rapporter entre 2 milliards d'euros et 3 milliards d'euros ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Par ailleurs – autre piste à creuser –, ne faudrait-il pas développer les taxes comportementales, que ce soient les droits sur les tabacs ou les droits sur les alcools, en particulier sur les alcools forts, en grande partie importés et dont la consommation est forte chez les jeunes, ce qui constitue un grave problème de santé publique ? La taxe nutritionnelle, évacuée d’un revers de la main, pourrait contribuer à la prévention de l’obésité, du diabète et d’autres pathologies, et mériterait réflexion.

Monsieur le ministre, pour conclure, je veux insister sur deux points.

Premièrement, évitons de transférer sur les générations futures les dettes que nous avons créées nous-mêmes.

Deuxièmement, ne tardons pas à mobiliser les prélèvements d’après-crise en exploitant toutes les marges de manœuvre et d’efficience possibles. J’ai établi la liste de quelques-unes d’entre elles.

Je souhaite que, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, nous puissions trouver un accord sur ces pistes de réflexion. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’intervention du rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, je voudrais concentrer mon propos sur la question cruciale du déficit de la sécurité sociale.

Nous nous trouvons, en effet, face à une situation totalement inédite. Jamais encore les déficits n’ont atteint une telle ampleur : 25 milliards d’euros pour le régime général en 2009, 31 milliards d’euros en 2010, montants auxquels il faut naturellement ajouter le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, soit 7,5 milliards d’euros en cumulé à la fin de l’année 2010.

Je crains que ces nouveaux ordres de grandeur ne nous échappent et que, par un regrettable phénomène d’accoutumance, nous ne soyons plus capables de faire la différence entre un solde négatif de quelques milliards d’euros et un déficit de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Or c’est précisément ce changement d’échelle qui est grave et plus que préoccupant. À court terme, il est porteur d’une menace sérieuse pour l’ensemble de notre système de protection sociale.

Je vous rappelle que, voilà un an seulement, alors que nous envisagions déjà un environnement économique difficile – certes peut-être pas aussi préoccupant qu’il l’est actuellement –, les projections pluriannuelles contenues dans l’annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale montraient un retour à l’équilibre progressif et un déficit limité à 3 milliards d’euros en 2012.

Cette année, dans la même annexe, il est simplement prévu que le déficit se stabilise aux alentours de 30 milliards d’euros en 2011, 2012 et 2013, ce qui, vous l’avouerez, n’est pas la même chose ; c’est dix fois plus !

J’insiste, en outre, sur le fait que ces prévisions reposent sur des hypothèses économiques extrêmement ambitieuses : une croissance annuelle du PIB de 2,5 % et une progression de la masse salariale de 5 % à partir de 2011. Or si l’on compare ces hypothèses avec les résultats très favorables observés au cours des années 1997-2006 – la masse salariale a notamment progressé à cette époque de 4,1 % chaque année –, on peut légitimement s’interroger sur le caractère réaliste de ces prévisions.

Un déficit annuel de 30 milliards à 40 milliards d’euros représente plus de trois points de CSG et au moins six points de cotisations sociales. Cela représente aussi l’équivalent de l’ensemble des exonérations de charges sociales accordées aux entreprises.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est juste !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Nous ne pouvons donc rester inactifs face à une telle situation. La commission des affaires sociales souhaite que des décisions à la hauteur des enjeux soient prises dès les prochains mois. Alain Vasselle a ouvert de nombreuses pistes. Je souhaite qu’elles soient, sinon retenues, du moins étudiées avec attention. Je pense, par exemple, à la question des allégements généraux de charges sociales, sur laquelle la commission des affaires sociales, comme la Cour des comptes, a déjà fait des propositions.

Nous ne voulons naturellement pas empêcher la sortie de crise, mais nous ne pouvons pas nous permettre de prendre le moindre retard, au moment où notre pays pourra espérer renouer avec la croissance.

J’observe d’ailleurs que nombre de nos partenaires sont actuellement engagés dans de telles réflexions et que certains d’entre eux prennent les mesures, souvent difficiles et impopulaires, que la hausse des déficits et de la dette impose.

Le ton de mon intervention est un peu grave, monsieur le ministre, mais la situation l’exige, comme le souci de ne pas transmettre nos difficultés actuelles et nos dettes à nos enfants et à nos petits-enfants. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je veux vous faire part de ma sympathie et de mon estime pour le soin que vous mettez à accomplir une tâche ô combien délicate.

J’ai apprécié votre référence aux impôts pesant sur les ménages et sur les entreprises. Je fonde l’espoir, à l’écoute de vos propos, qu’un jour nous pourrons expliquer sereinement aux Français qu’en définitive ce sont eux qui paient l’impôt. Il est commode d’accréditer l’idée selon laquelle des impôts seraient uniquement supportés par les entreprises. Mais, mes chers collègues, existe-t-il un seul impôt de production acquitté par les entreprises qui ne se répercute pas sur les prix des biens de consommation ? Au final, ce sont toujours les Français qui paient.

La référence à un paiement des impôts par l’entreprise, donc par les patrons, était politiquement extrêmement correcte, mais, je le répète, ce sont toujours les consommateurs qui paient.

Lorsque nous n’étions pas dans une économie mondialisée, le système fonctionnait. Mais aujourd'hui, pour échapper à l’impôt, il est aisé, pour une entreprise, d’aller produire ailleurs.

Je fonde beaucoup d’espoir sur le débat que nous aurons un jour sereinement face à l’opinion publique pour ouvrir les voies d’une fiscalité rénovée, qui contribue à la compétitivité et qui permette le retour de la croissance à un niveau significatif, sans lequel il est vain d’espérer réduire nos déficits publics.

Le temps qui m’est imparti est bref. Monsieur About, je vous demande de bien vouloir me pardonner, car je risque de vous voler deux ou trois minutes sur le temps attribué au groupe de l’Union centriste.

M. Nicolas About. Vous l’êtes, mon cher collègue !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vais cibler mon propos sur la suppression de la taxe professionnelle et sur la réorganisation des finances publiques qu’elle implique.

La réforme est incontestablement d’ampleur, et sa justification, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, n’est pas en cause. En abrogeant la taxe professionnelle, nous mettrons fin à un impôt unique en Europe qui, en frappant l’outil de production avant même que cet outil n’ait commencé à produire de la valeur, pénalise injustement et durement notre industrie. Vous ne tarderez pas à constater qu’il pénalise aussi les services.

Le schéma proposé pour remplacer la taxe professionnelle avec la création de la contribution économique territoriale doit encore être analysé dans le détail. À ce stade, je veux mettre en évidence trois difficultés majeures.

Premièrement, en l’état, la réforme n’est pas précédée d’une révision des bases des taxes foncières, et la cotisation locale d’activité sera calculée sur les valeurs locatives actuelles, dont nous savons tous qu’elles sont depuis longtemps obsolètes et injustes, puisqu’il s’agit d’un impôt de répartition. Le Président de la République comme le Gouvernement ont manifesté la volonté – je la crois forte – de prendre en compte cette objection, à mes yeux, majeure. Je souhaite que vous me le confirmiez, monsieur le ministre.

Mais je tiens d’ores et déjà à souligner un point : aucune réforme de l’impôt économique dévolu aux collectivités territoriales ne sera possible sans révision préalable et intégrale des bases taxables. Je l’affirme clairement : une révision au fil de l’eau me paraît exclue. Elle serait contraire à l’égalité des contribuables devant l’impôt. La révision doit être générale.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Deuxièmement, la cotisation complémentaire sera assise sur la valeur ajoutée, ce qui a pour conséquence très directe que la réforme, engagée au nom de l’objectif de rétablissement de la compétitivité de nos entreprises, va réintroduire dans l’assiette d’imposition les salaires qui en avaient été exclus en 1999, sous l’invocation du même objectif de défense de la compétitivité de l’économie française.

Concrètement, le prélèvement de 1,5 % se traduira par une nouvelle cotisation de près de 2,5 % sur les salaires bruts, s’ajoutant aux charges sociales déjà acquittées par les entreprises. Ce paradoxe ne peut être en partie surmonté que par l’allégement de 4,3 milliards d’euros des prélèvements obligatoires dont bénéficieront globalement les entreprises et par l’aggravation concomitante du déficit public. Mes chers collègues, évitons de proclamer que nous supprimons la taxe professionnelle en créant une contribution économique territoriale qui aurait toutes les apparences d’une taxe professionnelle antérieure à 1999 !

Troisièmement, il existe un risque d’optimisation, car, en France, certains sont champions en la matière. L’Assemblée nationale devrait cependant y pourvoir en imposant que la valeur ajoutée soit calculée au niveau de la structure mère et non pas des filiales.

Le second volet de la réforme, à savoir la refonte des finances locales, est celui qui suscite aujourd’hui les crispations les plus visibles, à la mesure de l’enjeu pour les collectivités territoriales, qui perdront une recette leur rapportant globalement plus de 20 milliards d’euros par an.

L’inquiétude est d’autant plus forte que les simulations détaillées par contribuable et par collectivité des conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et de l’attribution de nouvelles ressources tardent à être diffusées auprès des intéressés. Celles qui sont d’ores et déjà disponibles paraissent peu lisibles et guère probantes…

D’ailleurs, monsieur le ministre, ces simulations ne se fondent que sur le texte du projet de loi de finances initial et ne prennent pas en compte les propositions de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Peuvent-elles être réalisées de manière suffisamment éclairante dans des délais aussi courts et conduire à une prise de décision efficace par le Parlement, dès l’examen du présent projet de loi de finances ? Très sincèrement, je ne le pense pas…

J’ai bien noté la position du Gouvernement, qui peut se résumer ainsi : prenons les décisions maintenant et procédons l’année prochaine aux inévitables réglages qu’appelle une réforme de cette ampleur.

Pour ma part, je constate que 2010 sera une année de transition : profitons-en pour mettre en place une organisation des ressources locales qui soit fondée sur le plus large consensus possible et dissocions clairement le volet « entreprises » de la réforme, qui doit entrer en vigueur dès le 1er janvier prochain, du volet « collectivités territoriales », qui n’a vocation à s’appliquer qu’à partir de 2011, quoi qu’il arrive.

M. le rapporteur général de la commission des finances a fait une ouverture : inscrire ce dernier volet dans la seconde partie du projet de loi de finances, puisqu’il n’aura pas d’impact au cours de l’année 2010. Nous discuterons de cette proposition. Personnellement, je reste persuadé qu’il faudra mettre à profit les premiers mois de 2010 pour procéder aux derniers réglages et ne laisser subsister aucun soupçon ni aucun doute.