M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’automne est arrivé avec son wagon de réformes.

Alors même que la crise financière impose la solidarité de la puissance publique, le Président de la République a réussi, dans un ordre du jour plus que chargé, à introduire successivement la transformation de La Poste, la suppression de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités territoriales.

M. Roland Courteau. Ça fait beaucoup !

M. Robert Tropeano. Préparons-nous à un hiver rude, mes chers collègues, car, en janvier, nos collectivités se retrouveront fort peu vêtues, c'est-à-dire privées d’une grande part de leurs ressources, et elles le seront aussi bientôt de l’un de leurs derniers services publics : je veux parler de leur bureau de poste.

M. Robert Tropeano. L’acheminement du courrier est le service public par excellence ; il est le plus ancien de tous. La Poste est l’administration historique, qui reste encore dans les esprits comme les PTT, Postes Télégraphes et Téléphones, alors que l’entreprise publique a débuté son adaptation au monde du numérique et communique par « spots » publicitaires.

La Poste est une administration ancrée dans le cœur des Français, une grande maison autrefois vecteur d’ascension sociale. Bien plus qu’une entreprise, La Poste est, dans notre inconscient collectif, l’un des piliers de la vie communale, au même titre que l’école et la mairie. Le postier, à l’instar du maire et de l’instituteur, est bien souvent le dernier lien avec le monde extérieur, que ce soit dans le monde rural ou dans les zones urbaines où la solidarité fait défaut.

Le président Yvon Collin l’a annoncé le 20 octobre, la majorité du groupe du RDSE défend l’idée selon laquelle les citoyens doivent avoir la possibilité d’intervenir sur cette réforme touchant leur service public. Plus de soixante organisations politiques, syndicales et associatives collaborant à cette démarche ont permis à une partie d’entre eux de s’exprimer lors de la votation citoyenne organisée le 4 octobre dernier.

Le Gouvernement, mes chers collègues, nous oppose une impossibilité législative à l’organisation d’un référendum d’initiative populaire. Cependant, les dispositions de l’article 11, issues de la révision constitutionnelle de 1995, demeurent applicables et nous permettent l’adoption d’une motion référendaire. La population ne doit pas être écartée d’un choix aussi déterminant pour l’avenir.

Pour diminuer de moitié le nombre d’élus sur notre territoire, le Gouvernement se targue d’avoir le soutien de l’opinion publique. M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, a affirmé ici même, mercredi dernier : « Nous ne craignons rien, la réforme des collectivités est populaire auprès de l’opinion. »

Mme Annie David. Ce n’est pas vrai !

M. Robert Tropeano. Deux poids, deux mesures !

Vous vous exemptez de sondages, d’enquêtes d’opinion, et vous ignorez le déplacement de 2,3 millions de personnes qui ont montré l’attachement qu’elles portaient à leur service public postal.

Alors, monsieur le ministre, afin que vous puissiez une nouvelle fois asseoir votre réforme sur le soutien de l’opinion, dès demain, nous proposerons une motion référendaire allant en ce sens.

J’en reviens à la teneur même de la réforme.

La longue période de stabilité juridique a associé La Poste à l’avènement du service public dans l’imaginaire collectif. Pourtant, même si elle est une incarnation emblématique du service public, La Poste est avant tout, et depuis 1991, une entreprise publique qui a déjà démontré ses capacités d’adaptation, d’évolution et de mutation au fil des directives et de la libéralisation du secteur. On l’a vu, La Poste s’est adaptée à chaque directive, à chaque nouvelle percée de la libre concurrence. Pourquoi subordonner toute perspective d’avenir à sa transformation en société anonyme ?

Ni les directives européennes ni la situation financière de La Poste ne justifient le changement de statut.

Nous aurions pu renégocier le maintien du monopole, compte tenu de l’évolution des mentalités de nombreux États membres. Ces derniers penchent désormais vers le maintien du monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de 50 grammes.

Le statut d’EPIC n’est en rien un frein à l’ouverture à la concurrence. La transformation en société anonyme, en définitive, est plus symptomatique de la situation d’un État « ruiné » nourrissant l’ambition d’ouvrir le capital de son entreprise publique pour faire face à ses dettes.

Si le but n’est pas l’ouverture à la concurrence, alors il n’y a aucun intérêt à modifier le statut juridique de La Poste.

L’article 9 de notre Constitution protège La Poste tant qu’elle exerce une mission de service public. Monsieur le ministre, a été signé en juillet de l’année dernière avec La Poste, pour la période 2008-2012, un contrat dénommé « contrat de service public ». Je ne doute donc pas que vous soutiendrez l’amendement déposé par mon groupe visant à formaliser définitivement le service public national de La Poste.

Plusieurs points me tiennent à cœur.

Tout d’abord, le sort du personnel, qui est trop souvent stigmatisé, doit être au centre de nos préoccupations.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Robert Tropeano. La Poste, en effet, a longtemps incarné l’État, l’« administration bureaucratique » au sens que Max Weber donne à cette expression. Cela tient également au fait que ses salariés, en majorité issus des classes populaires ou moyennes, ont pu réaliser une certaine forme d’ascension sociale.

Fort de cet esprit et du sentiment d’appartenance à un corps public, le personnel a accompagné La Poste, « son entreprise », dans toutes ses transformations. Oui, les postiers font bien leur travail ! Et même si, quelquefois, monsieur le ministre, le courrier arrive en retard ou si les colis sont distribués après le jour de Noël, ce n’est pas toujours la faute des postiers : c’est peut-être aussi parce qu’il manque du personnel dans les bureaux de poste !

M. Robert Tropeano. Comment remercie-t-on ces salariés ? En proposant aujourd’hui un projet de loi ayant pour objet une réforme qui ignore le maintien de leurs droits, prive certains d’entre eux de régime de mutuelle complémentaire, fait basculer les autres dans un régime de retraite moins favorable.

La transformation de La Poste en société anonyme aura une incidence certaine sur le statut du personnel, notamment sur le régime de retraite complémentaire des salariés, comme l’a expliqué mon collègue Michel Teston.

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

M. Robert Tropeano. En effet, 140 000 d’entre eux sont affiliés à l’IRCANTEC, régime concernant les agents publics non-fonctionnaires. La création de la société anonyme La Poste entraînerait leur basculement vers le régime AGIRC-ARRCO.

Mes chers collègues, La Poste a prouvé qu’elle pouvait s’adapter, et son intervention dans les secteurs concurrentiels a été réalisée avec succès. Le débat doit porter sur la nécessaire compatibilité de sa modernisation avec le maintien de sa capacité à assurer ses missions de service public.

La Poste doit maintenir le maillage territorial. Il est vrai que le maintien des 17 000 points de contact nous a été confirmé. Mais je suis, comme de nombreux élus locaux, attaché aux bureaux de plein exercice. Or ceux-ci sont peu à peu transformés en agences postales communales ou en relais poste. C’est par ce biais que seront conservés les 17 000 points de contact !

Mme Annie David. Voilà l’astuce !

M. Robert Tropeano. Cela ne nous convient pas, car les services rendus ne seront pas les mêmes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

De ce fait, la présence postale, lien social unique et indispensable, en particulier dans les zones rurales ou dans les quartiers populaires, est de plus en plus menacée.

Ce service public est notre bien commun, enraciné au plus profond de la vie des villages et des quartiers, où la question de la présence postale prend une dimension particulière.

Même si la loi de 2005 fixe certains critères, le débat sur la nature de la présence postale rebondit avec la prise de conscience que l’on ne trouvera pas les mêmes prestations en fonction de la nature des points de contact.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, la transformation de La Poste en société anonyme est inutile et néfaste tant pour ses usagers que pour ses salariés.

M. Roland Courteau. Néfaste, c’est le mot !

M. Robert Tropeano. La Poste dispose à l’heure actuelle de tout l’outillage juridique pour se défendre face à ses concurrents.

Aujourd’hui, l’avenir de La Poste ne peut se concevoir que dans le cadre d’un service public national maîtrisé par l’État. Il est bien évident que, si ces principes ne sont pas respectés, je voterai contre ce projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, qui vise à transformer l’établissement public de La Poste en société anonyme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Organisation des débats

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Organisation des débats (interruption de la discussion)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamerons demain la discussion des articles du projet de loi, sur lesquels de nombreux amendements ont été déposés.

En application de l’article 49, alinéa 2, du règlement, et pour la clarté du débat, je propose d’éviter que, lorsqu’un amendement tend à supprimer ou à rédiger complètement un article ou une disposition, tous ceux qui suivent ne soient mis en discussion commune. Bien sûr, il ne s’agit aucunement de faire tomber l’un ou l’autre de ces amendements,…

M. Guy Fischer. On espère bien !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. … et les présidents des groupes politiques du Sénat, que j’ai pris le soin de consulter, sont d’accord pour que nous procédions ainsi.

Mes propositions concernent, au titre Ier, les articles 1er, 2 et 2 bis.

À l’article 1er, je demande l’examen séparé des amendements de rédaction globale nos 439 et 443, ainsi que des amendements de suppression partielle nos 24, 25, 28 et 445.

À l’article 2, je propose l’examen séparé de l’amendement n° 195 de rédaction globale de cet article.

Enfin, à l’article 2 bis, je demande l’examen séparé de l’amendement n° 52, qui est également de rédaction globale.

M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Organisation des débats (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Discussion générale

9

Retrait d'une proposition de loi

M. le président. Par lettre en date du 29 octobre 2009, M. Richard Yung m’a fait connaître qu’il retirait la proposition de loi tendant à élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France (n° 308, 2008-2009), déposée le 31 mars 2009.

Acte est donné de ce retrait.

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 3 novembre 2009 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À quatorze heures trente et le soir :

2. Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).

Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 3 novembre 2009, à zéro heure trente-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD