M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Pour autant, 2008 a été un rendez-vous particulièrement manqué. Il n’a pas été répondu aux attentes, pourtant nombreuses et légitimes, sur le financement du système de retraite.

Ainsi, le redéploiement des cotisations chômage au profit des cotisations vieillesse, prévu par la loi du 21 août 2003 et qui devait garantir le financement des retraites d’ici à 2020, a évidemment été reporté sine die. Or l’augmentation de la part patronale des cotisations retraite de 0,3 % en 2009 aurait dû rapporter 1,8 milliard d’euros à la CNAV. En 2012, l’absence de transfert d’un point de cotisation retraite en provenance de l’UNEDIC privera la branche vieillesse de 6,5 milliards d’euros.

J’en viens maintenant au PLFSS pour 2010. Quelles mesures comporte-t-il pour l’assurance vieillesse ?

Fort peu de choses, à l’inverse de l’année dernière, hormis la réforme de la majoration de durée d’assurance, la MDA, accordée aux mères de famille, qui figure à l’article 38. Rendue inévitable par un arrêt de la Cour de cassation de février dernier, cette réforme a été conduite dans le souci de maintenir le maximum de garanties aux mères, tout en rendant, du moins je l’espère, le dispositif acceptable du point de vue juridique de l’égalité hommes-femmes.

Je signale, au passage, que le compromis initial, qui avait été accepté par la plupart des organisations syndicales, a été modifié lors du passage à l’Assemblée nationale, dans un sens qui ne me paraît pas convaincant. Je proposerai donc des amendements pour revenir à l’esprit du texte.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cela étant, la réforme de la MDA n’exonère pas d’une réflexion plus approfondie sur les droits familiaux et conjugaux, en particulier sur l’articulation entre les majorations de durée d’assurance et l’assurance vieillesse des parents au foyer, dont nous devrons impérativement parler l’an prochain, et sur laquelle un amendement proposera dès à présent d’ouvrir le débat.

Pour finir, je souhaite évidemment évoquer le rendez-vous de 2010. Que faut-il en attendre ?

Comme l’a déclaré le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin dernier, 2010 doit être l’occasion de remettre à plat notre système de retraite, en n’éludant aucune question ni aucune solution.

Cet engagement m’inspire trois séries d’observations.

Tout d’abord, il est urgent de fonder un nouveau contrat social des retraites, et ce pour deux raisons.

La première est que le pacte intergénérationnel est aujourd’hui brisé. Les jeunes générations n’accepteront pas de payer des cotisations pour assurer à leurs aînés un niveau de pension dont elles ne pourront pas bénéficier.

La seconde raison est que le pacte intragénérationnel est lui aussi miné par l’inéquitable répartition de l’effort contributif entre les corps sociaux, ce qui écorne le fameux principe « à cotisations égales, retraites égales ».

Ensuite, il est inconcevable de continuer à différer la question du financement des retraites, en raison de l’ampleur délétère des déficits et du fait que les limites du report des difficultés actuelles sur les générations futures ont été atteintes. Cela doit nous obliger à modifier les paramètres actuels pour dégager de nouveaux financements à court terme et, surtout, à poser les fondements d’une réforme structurelle plus profonde.

Enfin, je crois à l’importance de la méthode de réforme lorsqu’il s’agit de faire un choix de société aussi déterminant pour l’avenir du pays que celui de notre système de retraite. Son degré d’acceptabilité dépendra de la capacité à faire œuvre de pédagogie et de vérité à l’égard des Français, ainsi que de la lisibilité et de la transparence des mesures proposées.

L’idée d’un « Grenelle des retraites » a été lancée par certains partenaires sociaux. Quel que soit le crédit que l’on accorde à cette nouvelle forme de négociation, elle a au moins le mérite d’associer aussi la société civile à la recherche du plus large consensus possible.

Sous réserve de ces observations et des amendements qu’elle présente, votre commission a adopté les mesures relatives à l’assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et maladies professionnelles. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la branche accidents du travail-maladies professionnelles, AT-MP, est la plus petite des quatre branches de la sécurité sociale puisqu’elle représente 3 % seulement de ses dépenses, soit, en 2010, environ 12,9 milliards d’euros, dont 11,4 milliards pour le régime général.

Pour autant, sa situation est un bon reflet de l’état des risques professionnels. Les statistiques récentes indiquent une stabilisation du nombre d’accidents du travail mais une augmentation des maladies professionnelles.

Le nombre d’accidents du travail, qui avait beaucoup augmenté entre 2006 et 2007, tend de nouveau à baisser. Du fait de cette bonne nouvelle pour 2008, conjuguée à la hausse des effectifs en activité sur la même période, la fréquence des accidents, et notamment de ceux qui occasionnent un arrêt de travail, n’a jamais été aussi faible.

Le nombre d’accidents du trajet, en revanche, continue hélas ! de croître depuis 2005, mais on constate que leur niveau de gravité, mesuré par le nombre d’incapacités permanentes et de décès, est moindre.

Le tableau est plus sombre du côté des maladies professionnelles, dont la prévalence est toujours en augmentation à un rythme soutenu, de même que les incapacités permanentes et le nombre de décès qui en résultent. Les cas demeurent concentrés sur un petit nombre de pathologies : 74 % sont des affections péri-articulaires, causées par des gestes ou des postures de travail, 12 % des maladies de l’amiante et 6 % des affections du rachis lombaire.

Il reste difficile de déterminer si l’augmentation du nombre de malades tient à la dégradation de la santé au travail ou à l’amélioration du taux de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles. Nous savons qu’un nombre non négligeable d’entre elles ne sont pas déclarées aux caisses de sécurité sociale ou ne sont pas reconnues comme telles, pour des raisons diverses : les médecins pensent rarement à rechercher l’éventuelle origine professionnelle d’une maladie, qui n’est pas non plus toujours facile à établir du point de vue scientifique ; des salariés s’abstiennent de déclarer leur maladie de peur de perdre leur emploi ; des pathologies ne sont pas prises en compte dans les tableaux des maladies professionnelles à cause d’un manque d’actualisation.

Une commission, présidée par Noël Diricq, se réunit régulièrement pour évaluer l’ampleur de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance et son coût pour la branche maladie. Dans son rapport de juillet 2008, elle l’a chiffré entre 564 millions et 1 milliard d’euros ; en 2010 comme en 2009, la branche AT–MP effectuera donc un versement de 710 millions d’euros à la branche maladie à titre de compensation.

Cette analyse des risques m’amène aux données financières de la branche AT–MP du régime général.

Longtemps à l’équilibre ou légèrement excédentaire, elle est malheureusement à son tour contaminée par le déficit : 650 millions d’euros en 2009, 800 millions d’euros prévus pour 2010.

Ce retournement de situation s’explique par la conjonction de deux facteurs. Tout d’abord, la crise économique, qui a réduit les recettes, même si elle a également limité les dépenses en contenant la revalorisation des différents indices. Ensuite, et sans doute plus durablement, les charges nouvelles que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a fait assumer à la branche.

Certes, le montant de ces charges sera stable en 2010, mais la progression des dépenses restant supérieure à celle des recettes, le déficit va forcément se creuser. Il faudra donc nécessairement que les partenaires sociaux qui gèrent la branche envisagent une augmentation des cotisations, dont le taux moyen est resté stable depuis 2006.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 propose une amélioration du système de « bonus-malus » qui caractérise les cotisations de la branche, ce qui devrait avoir des effets bénéfiques en permettant une sanction plus efficace des entreprises qui exposent sciemment leurs salariés au risque et une incitation renforcée à la prévention. Cette réforme traduit, sur le plan législatif, l’accord interprofessionnel de mars 2007 relatif à la prévention, à la tarification et à la réparation des risques professionnels, qui appelle aussi plusieurs textes réglementaires.

L’Assemblée nationale a toutefois modifié dans un sens restrictif la procédure initialement envisagée pour que les risques soient appréciés au niveau du seul établissement, plutôt qu’à celui de l’entreprise. Il est vrai que cela peut affaiblir l’incitation à la prévention à laquelle nous souhaitons engager certaines entreprises, dans des secteurs comme le nettoyage, mais je pense que nous devons faire confiance au choix des partenaires sociaux qui gèrent la branche.

Je souhaite aborder brièvement les autres enjeux liés à la branche.

Une nouvelle convention d’objectifs et de gestion liant l’État et la branche a été signée le 29 décembre 2008 pour la période 2009-2012.

Je retiendrai trois de ses objectifs principaux.

Premièrement, renforcer la prévention : un plan national d’actions coordonnées va être déployé dans toutes les régions. Il se concentre sur les quatre risques considérés comme prioritaires, à savoir les troubles musculo-squelettiques, les cancers d’origine professionnelle, le risque routier et les risques psychosociaux, ainsi que sur les trois activités à forte sinistralité que sont le BTP, la grande distribution et l’intérim.

Deuxièmement, accompagner la victime : la convention d’objectifs et de gestion poursuit l’objectif de lutte contre la désinsertion professionnelle consécutive à un arrêt prolongé du travail.

Troisièmement, traiter de manière homogène les dossiers sur l’ensemble du territoire : il s’agit de répondre aux critiques répétées, émanant notamment de la Cour des comptes, sur les écarts de reconnaissance des pathologies d’origine professionnelle. Ainsi, selon les caisses, la reconnaissance des troubles musculo-squelettiques peut varier de 40 % à 85 %.

Plus généralement, l’actualité a posé de manière dramatique la question de la santé au travail. Le plan Santé au travail 2010-2014 devrait permettre, vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, de placer résolument la santé au travail au sein de la santé publique. Il se concentrera sur les risques à moyen terme que sont les troubles musculo-squelettiques, les cancers et les risques psychosociaux. Un suivi des objectifs sera désormais possible au travers de la mise en place d’indicateurs chiffrés, ce qui était une lacune importante du plan précédent.

Cela étant, il faut regretter que les négociations entre les partenaires sociaux sur la médecine du travail aient échoué le 11 septembre dernier, après sept séances de négociation qui n’ont pas permis d’aboutir à un accord, aucune organisation syndicale n’ayant accepté de s’engager. Sur ce point crucial, il me semble que les pouvoirs publics devront prendre leurs responsabilités pour permettre un véritable suivi de la santé au travail. La commission des affaires sociales du Sénat a constitué, le 28 octobre dernier, une mission d’information sur le mal-être au travail et cette question sera nécessairement au cœur de nos travaux.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est exact !

M. Gérard Dériot, rapporteur. Pour finir, je dirai quelques mots sur la question récurrente de la réforme du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA.

Le rapport consacré par Jean Le Garrec à ce sujet préconisait la mise en place d’une voie d’accès individualisée au fonds. Elle devait permettre à une personne exposée à l’amiante de demander à bénéficier d’une cessation anticipée d’activité quelle que soit son entreprise ou son affiliation sociale. Tout en reconnaissant le bien-fondé d’une telle mesure, il convient d’en apprécier les enjeux financiers, qui sont considérables. Le fait que le ministre ait accepté de rendre un rapport sur cette question au Parlement nous permettra, j’en suis sûr, de disposer d’éléments concrets pour l’avenir.

Au bénéfice de ces observations, et sous réserve d’un amendement tendant à supprimer un rapport qu’elle ne juge pas nécessaire, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les mesures relatives à la branche AT–MP proposées pour 2010 par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ça va décoiffer ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, déficits « historiques », « inédits », « records », « jamais atteints », les qualificatifs ne manquent pas pour souligner la singularité de la situation actuelle de nos comptes sociaux. Je ne vais pas m’attarder sur ce constat, partagé par tous, et fort bien présenté par nos collègues de la commission des affaires sociales.

La crise économique et financière n’a pas fini d’interpeller nos modes de fonctionnement. Si, ces derniers mois, les réflexions ont essentiellement concerné la redéfinition du rôle de l’État dans une économie mondialisée et financiarisée, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 souligne aujourd’hui l’urgence des décisions à prendre en matière de protection sociale.

La crise aura eu au moins le mérite de mettre en avant les limites de notre système de financement de la sécurité sociale fondé majoritairement sur les revenus d’activité et donc très sensible aux évolutions de la conjoncture. La faiblesse des recettes, alors que la dynamique de croissance des dépenses reste soutenue, pose en effet des questions de fond aux responsables politiques que nous sommes. Car n’oublions pas que le déficit d’aujourd’hui n’est pas la seule résultante de la crise. Notre système de protection sociale est entré dans la crise avec un handicap de plus de 10 milliards d’euros, et c’est avec un handicap de près de 30 milliards d’euros qu’il en sortira.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis Ne nous berçons pas d’illusions, la reprise économique, chacun le sait, ne sera pas suffisante pour résorber de tels déficits.

J’ai bien compris, monsieur le ministre, le choix du Gouvernement de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires et de laisser la sécurité sociale « jouer son rôle d’amortisseur social », expression dont nous usons et abusons.

Cependant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous nous présentez n’est pas soutenable. Les mesures proposées dans le cadre de ce PLFSS devraient permettre, au mieux, de stabiliser le déficit du régime général autour de 30 milliards d’euros par an à compter de 2010, ce qui conduira, au total, entre 2009 et 2013, à une aggravation des déficits du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, au minimum de 135 milliards d’euros, soit un quasi-doublement de la dette sociale en quatre ans. Je dis bien « au minimum », compte tenu des hypothèses macroéconomiques optimistes, comme l’ont dit mes collègues, je me permettrai de dire « irréalistes », sur lesquelles les projections pluriannuelles annexées au PLFSS sont bâties.

Cette situation, je le répète, n’est pas soutenable et le choix du Gouvernement de ne pas organiser de reprise de dette en 2010 place l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, c’est-à-dire la banque de la sécurité sociale, dans une situation de trésorerie périlleuse qui appelle une solution rapide.

Compte tenu des prévisions pour 2010, l’article 27 du présent PLFSS prévoit, en effet, de fixer le plafond d’avances de trésorerie de l’ACOSS – mais est-ce encore une avance de trésorerie, monsieur le ministre ? – à 65 milliards d’euros, soit le double du plafond actuel, déjà revalorisé de 10 milliards d’euros cet été. Cette situation est d’autant plus exceptionnelle que les plafonds records des années précédentes, notamment en 2004 et en 2008, avaient été atteints avant une reprise de déficits par la CADES.

Or, la solution qui consiste à faire porter à l’ACOSS le déficit du régime général ne peut être acceptable pour quatre raisons.

Tout d’abord, plus aucun bénéfice ne peut être espéré d’une baisse des taux d’intérêt à court terme. En effet, ces derniers ont atteint un plancher et immanquablement, même si nous ne le souhaitons pas, remonteront d’ici au printemps prochain.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est probable !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ensuite, le niveau particulièrement élevé du plafond d’avances conduit l’ACOSS à diversifier son financement ou à renégocier des dispositifs existants, ce qui est délicat, car cette augmentation d’activité nécessite, au sein de l’Agence, un investissement humain important, qui pose la question de l’accroissement du risque opérationnel sur le back office de l’ACOSS.

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’Agence France Trésor interviendra !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. En outre, la multiplication des sources de financement ne signifie pas pour autant la possibilité de couvrir n’importe quel niveau de besoin de trésorerie : l’ACOSS ne pourra pas assumer une fois de plus en 2011 la couverture des déficits cumulés 2009-2010 et ceux, à venir, de 2011.

Enfin, le portage de la dette par l’ACOSS constitue une dérogation au partage implicite des responsabilités entre la CADES et l’ACOSS, qui ne doit, en principe, assumer la charge que des découverts infra-annuels. Vous nous l’avez affirmé, monsieur le ministre, mais je suis en désaccord sur ce point avec vous. L’ACOSS supporte bien une dette biannuelle ou trisannuelle.

Le retour à l’équilibre est durablement éloigné. Effectivement, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois depuis que je suis chargé de rédiger un rapport pour avis,…

M. Guy Fischer. Cela fait une éternité ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. … ce texte ne vise plus le retour à l’équilibre.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Avec la crise, ce n’est plus possible !

M. François Autain. C’est d’ailleurs pour ça que vous allez le voter, monsieur le rapporteur pour avis ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, n’hypothéquez pas, je vous prie, la décision du rapporteur pour avis, qui risque de vous surprendre… (Ah ! sur les mêmes travées.)

L’ACOSS ne pouvant supporter un plafond d’avances plus élevé que celui qui est prévu en 2010, une reprise de dette paraît inéluctable. Dès lors, trois questions se posent : comment, quand et combien ?

Pour ce qui concerne la première d’entre elles, j’estime qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause le système actuel de cantonnement de la dette sociale au sein de la CADES, qui rembourse effectivement chaque année une partie de cette dette : depuis sa création, cette caisse a amorti 42,6 milliards d’euros,…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il en reste 90 !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. …soit 31,6 % de la dette transférée, qui s’élève, depuis le premier trimestre 2009, 27 milliards d'euros ayant été repris, à 134,6 milliards d’euros.

M. François Autain. Ce n’est pas fini !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J’en viens à la deuxième question : quand ?  Le transfert de dette doit être engagé dès 2010. L’attentisme serait en effet la pire des solutions. Deux préoccupations doivent nous guider : d’une part, faire preuve de responsabilité à l’égard des générations futures, sur lesquelles le législateur de 2005 – rappelons-le – n’a pas souhaité reporter la charge de la dette sociale. En repoussant la décision de transférer la dette à la CADES, le législateur actuel revient sur cet engagement, car il sera difficile de ne pas augmenter la durée de vie de la CADES compte tenu de l’augmentation des tarifs de reprise.

Monsieur le ministre, dans les couloirs de l'Assemblée nationale, j’ai entendu, et ces propos ont été diffusés par les médias, un député, non des moindres, plutôt connu dans la majorité pour être informé, indiquer que ce ne serait sans doute pas glorieux mais que nous serions peut-être amenés à prolonger la dette de la CADES jusqu’en 2041. J’espère qu’il se trompe.

M. François Autain. C’est la solidarité avec les générations futures ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Au Sénat, nous ne pourrons pas accepter ce genre de plaisanterie.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous ne tomberons pas dans ce piège !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Par ailleurs, le transfert, dès 2010, d’une partie de la dette sociale à la CADES réduirait, à terme, le coût d’ensemble de retraitement de la dette sociale, retraitement qui est inévitable, je le répète.

En effet, une reprise de dette par la CADES dès 2010 permet non seulement de bénéficier d’un tarif plus faible de reprise, mais aussi d’amortir une partie de la dette transférée, ce qui, vous en conviendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’est pas le cas avec l’ACOSS car celle-ci supporte la dette mais n’amortira rien.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Dans ces conditions, – et j’aborde la troisième question : combien ? – la commission des finances vous propose, comme la commission des affaires sociales, une reprise de dette par la CADES de 19,5 milliards d’euros, qui nécessitera une augmentation de la CRDS de 0,15 point, soit un taux global de 0,65 %.

Je n’imagine pas que l’on essaie de redéployer des ressources existantes comme l’année dernière. Monsieur le ministre, le bonneteau a, certes, quelques vertus, mais il ne peut pas être répété chaque année.

Le chiffre de 19,5 milliards d’euros correspond au besoin moyen structurel de trésorerie de l’ACOSS en 2010, comme l’a excellemment expliqué Alain Vasselle précédemment. Cette augmentation, qui devrait procurer un surplus d’environ 1,8 milliard d’euros, impacterait à la hausse le taux de prélèvement obligatoire de 0,1 point, ce qui ne peut être qualifié d’excessif.

Cette reprise partielle de dette en 2010 n’est cependant qu’une partie de la réponse à la question posée par la dette.

D’une part, il conviendra de poursuivre son retraitement. Dans le cadre des prochains PLFSS, il sera ainsi nécessaire d’augmenter à nouveau les recettes de la CADES et de procéder à un arbitrage entre deux possibilités, à savoir allonger à nouveau la durée d’amortissement de sa dette, afin d’éviter un effet « boule de neige » des prélèvements qui lui sont affectés, ou maintenir cette durée en refusant tout report sur les générations futures. Ce débat, particulièrement important et déterminant, aura lieu lors de la discussion des amendements.

D’autre part, il sera impératif de prendre les décisions permettant d’enrayer la dynamique structurelle de la dette. Le préalable nécessaire à toute réflexion consiste à choisir et à affirmer le modèle de sécurité sociale que nous souhaitons ; le système de 1945 doit sans aucun doute évoluer, mais dans quelle mesure ?

Ces questions sont d’autant plus essentielles que notre système de protection sociale va devoir affronter un nouveau défi, que M. Leclerc a évoqué tout à l’heure : le vieillissement de la population. Deux chantiers de réforme importants nous attendent : le financement des retraites et la prise en charge de la dépendance.

S’agissant des recettes, la sécurisation de ces dernières représente un enjeu majeur, qui doit être concilié avec les impératifs de compétitivité économique de notre pays, mais aussi d’équité, car la légitimité du prélèvement social conditionne en partie l’acceptabilité du système.

Le renforcement de l’universalité de l’assiette des prélèvements sociaux me semble un axe pleinement pertinent. Il permet de conjuguer la recherche de l’équité et celle du rendement. Deux points doivent être privilégiés : d’une part, un réexamen plus global de l’ensemble des niches sociales et des facultés contributives de chacun – cela fait d’ailleurs partie des droits de l’homme –, d’autre part, un réexamen des allégements de charges, dont la compensation par les recettes fiscales de l’État avoisine 21 milliards d’euros. La commission des finances présentera des amendements en ce sens.

Du côté des dépenses, il est impératif de ne pas relâcher les efforts de maîtrise entrepris ces dernières années.

Je crois, tout d’abord, qu’il convient de ne pas se méprendre sur les résultats de 2008 et de 2009. Certes, les dépassements de l’ONDAM sont moins importants que ceux qui ont été observés par le passé. Cependant, je rappelle que les objectifs fixés ont été dépassés, alors même qu’ils se voulaient, au moment de leur adoption, plus réalistes que ceux qui avaient été retenus les années précédentes.

Ces résultats s’expliquent, en outre, pour partie par des gels de dotations, dont les taux habituels de consommation laissaient entrevoir, dès leur adoption, qu’elles risquaient d’être surévaluées.

Enfin, s’agissant de la rectification de la prévision de l’ONDAM pour 2009, les dépenses supplémentaires que la grippe H1N1 pourrait induire n’ont pas été prises en compte. M. Vasselle est intervenu lui aussi sur ce point. Un dépassement plus important de l’ONDAM 2009 pourrait ainsi être constaté d’ici à la fin de l’année.

Quant à 2010, je déplore principalement deux mesures de ce PLFSS qui auront une forte incidence sur la maîtrise des dépenses.

Comme je viens de l’indiquer, l’exclusion des dépenses liées à la grippe H1N1 de la procédure d’alerte revient, en fait, à casser le thermomètre quand la température monte, si je puis dire, ce qui n’a jamais été une bonne solution.

Par ailleurs, je regrette également le report de 2012 à 2018 de l’achèvement du processus de convergence tarifaire entre les établissements de santé publics et privés, réforme pourtant centrale du mode de financement des hôpitaux.

À moyen terme, des décisions structurantes pour notre système de protection sociale devront être prises : la réussite du rendez-vous sur les retraites en 2010 dépend de chacun d’entre nous. Il est grand temps de témoigner de notre capacité collective à décider des évolutions futures de notre système de protection sociale, qui, je l’espère, sera pérennisé.

En conclusion, la commission des finances a émis un avis favorable sur l’adoption du présent projet loi de financement de la sécurité sociale,…