M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Nous allons financer cette année 125 000 logements sociaux. C’est un record absolu, je le rappelle, correspondant à une augmentation de 300  % par rapport à l’année 2000. Mais, c’est bien la localisation de ces logements qui pose des difficultés : aujourd’hui, nous construisons 60 % de ces logements dans des zones faiblement tendues ou moyennement tendues, et à peine 40  % dans des zones tendues.

Il nous faut impérativement réorienter notre production de logement social, si nous souhaitons que cette production soit efficace, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Notre vision est donc celle d’un État exemplaire, qui gère correctement les outils dont il dispose, qui réoriente sa production de logement social, et non celle d’un État qui contraint ses citoyens pour combler ses propres insuffisances.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous serons évidemment attentifs aux discussions parlementaires et, dans quelques instants, je prendrai l’engagement de modifier le décret relatif à la taxe sur les logements vacants. En effet, je partage votre analyse en la matière. Pour mieux répondre à l’attente de nos concitoyens, nous devons élargir cette taxe à d’autres communes. (À Neuilly ! sur les travées du groupe socialiste.)

En revanche, je ne donnerai pas d’avis favorable à l’amendement déposé sur ce sujet, qui me semble beaucoup trop large. Mais je crois que nous aurons l’occasion de revenir sur ce point au cours de nos débats.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs les maires présents aujourd’hui dans nos tribunes, dans très exactement dix jours – le 27 novembre – se tiendra sur la place de la Bastille la deuxième nuit solidaire pour le logement, sur l’initiative d’une large plate-forme rassemblant trente-deux associations.

Après l’amitié franco-allemande, célébrée la semaine dernière sur la place de la Concorde, la bien-nommée,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. On commémorait la chute du communisme ! Ce n’est pas pareil !

M. Thierry Repentin. … ce sera donc un rassemblement sur la place de la Bastille, la citoyenne, pour construire une nouvelle politique du logement.

Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous avez cité une étude selon laquelle les services fiscaux n’auraient pas été en mesure de répertorier les 96 000 logements vacants sur Paris, je voudrais simplement vous indiquer que, place des Vosges, des associations ne disposant pas des moyens des services fiscaux ont identifié des logements inoccupés et les occupent depuis quelques jours !

La crise du logement est partout, ou presque : là où les prix ne sont pas prohibitifs, ce sont les logements locatifs qui manquent ; là où les logements locatifs et en accession existent, ce sont les prix qui excluent. Toutes les catégories sociales sont touchées, tant et si bien que le logement est devenu la première dépense des ménages, comme le montre l’INSEE dans son rapport sur la consommation des Français, paru en septembre 2009.

Bref, la crise est telle que rien ne doit être négligé. C’est la modeste ambition de cette proposition de loi, qui vise, d’une part, à approfondir et à améliorer des dispositifs existants et, d’autre part, à responsabiliser les élus locaux et les territoires, car ce sont eux qui sont au plus près des besoins.

Notre proposition de loi est donc d’abord un texte d’optimisation.

Il s’agit de rendre plus opérants des dispositifs existants, parfois inachevés. Je pense en premier lieu au droit au logement opposable.

Comme nous l’avions souligné à l’époque, le texte adopté en mars 2007 est bancal. Il assigne à l’État une responsabilité que celui-ci n’est pas en mesure d’assumer. Deux ans après l’adoption de la loi, le problème de l’effectivité du droit au logement opposable reste entier.

Mais qui pâtit le plus de cette légèreté législative ? Ce n’est pas l’État ! Ce sont nos concitoyens mal logés, sans logement ou sous le coup d’une expulsion sans solution de relogement. Pour eux, la contradiction des pouvoirs publics est cruelle : ils peuvent être reconnus prioritaires pour l’attribution d’un logement, mais, dans le même temps, être expulsés avec le concours de la force publique !

L’objet de l’article 4 de cette proposition de loi est de les protéger dans le cas – et dans ce cas seulement – où ils seraient reconnus prioritaires, et donc de bonne foi, par la commission de médiation.

J’entends d’ici les craintes de certains de mes collègues concernant le dédommagement du propriétaire qui ne recouvre plus ses loyers depuis déjà plusieurs mois. Je les partage, comme François Rebsamen et l’ensemble des signataires de cette proposition de loi.

L’article 40 de la Constitution nous a empêchés de traiter cet aspect dans la proposition de loi. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, vous avez la possibilité de déposer en séance un amendement gouvernemental tendant au versement au propriétaire d’indemnités journalières.

Cela ne sera pas plus coûteux que le concours de la force publique et les frais de prise en charge sociale des familles expulsées. Autant que l’argent public serve à maintenir des locataires de bonne foi chez des propriétaires de bonne foi, plutôt qu’à héberger ces mêmes locataires chez des marchands de sommeil !

M. Thierry Repentin. J’évoquais une proposition de loi d’optimisation… S’il en est une qui mérite d’être optimisée, c’est précisément la taxe sur les logements vacants, la TLV, car elle n’a été qu’insuffisamment explorée.

Pourtant, cette taxe a montré son efficacité. Oui, mes chers collègues, j’utilise bien le mot « efficacité » et je conteste fortement la position prise par le Conseil d’analyse économique. L’efficacité d’un impôt ne se mesure pas seulement à son rendement ; la fiscalité sert aussi à influencer les comportements.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est le cas avec la TLV !

M. Thierry Repentin. C’est d’ailleurs la position de M. Borloo, qui entend utiliser la fiscalité écologique pour inciter les citoyens à modifier leurs actes d’achat ou leurs choix en termes de modes de déplacement. Il en va de même pour la TLV : moins nous percevrons de TLV, plus il y aura de logements remis sur le marché !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Tout à fait d’accord !

M. Thierry Repentin. C’est aussi un but que nous cherchons à atteindre avec cette proposition de loi.

Ainsi, dans les huit agglomérations où cette disposition, inventée sous le gouvernement de Lionel Jospin, a été mise en place en 1999, on a constaté une diminution de 50 % du nombre de logements qui n’étaient pas remis sur le marché.

Plus généralement, j’ajoute que cette proposition de loi est peu coûteuse, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités quand le déficit public dépasse 8 % du produit intérieur brut, ou PIB, et l’endettement public 73 % de ce PIB.

D’abord, les mesures d’urbanisme des articles 1er, 2 et 3 n’ont pas d’effet budgétaire pour l’État. Mieux, la proposition de loi peut être source de ressources supplémentaires pour l’ANAH, destinataire du produit de la TLV.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Au détriment des communes !

M. Thierry Repentin. Ces ressources ne seront pas un luxe à l’heure où l’État a totalement renoncé à soutenir l’amélioration de l’habitat ancien. Il a en effet sorti du budget la subvention qu’il allouait à l’ANAH et a sommé Action logement de compenser son retrait.

Notre proposition de loi est aussi un texte de confortation des territoires.

La suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, la réforme de la taxe professionnelle, la réduction du nombre d’élus locaux, en Île-de-France le transfert autoritaire de la quasi-totalité de la compétence d’urbanisme à la Société du Grand Paris, voilà autant d’éléments, mes chers collègues, qui nous permettent de constater l’effritement des collectivités locales.

Une VIe République se dessine, qui oublie les territoires, oublie le rôle essentiel joué par les élus locaux, oublie la pertinence d’une action locale sur mesure. La réforme des collectivités territoriales se trompe de cible : les territoires sont responsables et efficaces.

M. Thierry Repentin. Le logement est un besoin fondamental de nos concitoyens, au même rang que l’emploi. Le logement sera pourtant l’une des politiques publiques qui souffriront le plus de cette reprise en main de l’État. Ce sont bien les maires qui sont en première ligne, face aux situations de détresse de leurs administrés, face à la difficulté des jeunes adultes à trouver d’autres solutions que la cohabitation, face à la contrainte imposée aux jeunes ménages de quitter les cœurs d’agglomération pour aller habiter plus loin quand la famille s’agrandit...

Si les départements et les régions ne peuvent plus participer au cofinancement des logements sociaux du fait de la perte de la clause de compétence générale, comment les communes et intercommunalités parviendront-elles à assurer seules le bouclage du financement des opérations ?

Vous vous exprimez régulièrement, monsieur le secrétaire d’État, sur la territorialisation des politiques du logement, en particulier en matière de logement social. Les mesures que nous vous proposons vous offrent l’occasion de contribuer à cet objectif.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ah non ! Pas du tout !

M. Thierry Repentin. Ainsi, dans son rapport, la commission s’inquiète des difficultés d’identification des logements vacants. Or, l’association Jeudi-Noir n’a eu aucun problème à identifier des logements vacants sur la place des Vosges ! Cette problématique prend une tout autre tournure dès lors qu’elle est examinée à l’échelle locale. C’est au plus près des acteurs, des biens et des marchés que l’on peut apprécier la vacance réelle et entamer les démarches nécessaires : recherche du propriétaire et engagement des procédures.

De la même façon, le transfert du droit de préemption urbain aux organismes d’HLM est une contribution évidente à l’efficacité des politiques locales.

Prendre en compte les réalités locales, c’est enfin accepter de se ranger au constat que font tous les élus locaux sur leur territoire : le droit au logement opposable est inapplicable en l’état si le parc privé n’est pas mobilisé, au moins pour partie.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est faux !

M. Thierry Repentin. C’est l’objet de l’article 5, qui permet de reloger les demandeurs jugés prioritaires par la commission de médiation dans des logements conventionnés avec l’ANAH.

Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez compris, personne n’est montré du doigt avec cette proposition de loi. (M. le secrétaire d’État acquiesce.) Celle-ci ne vise pas à mettre à mal des textes existants qui s’appliquent sur la totalité du territoire. Il s’agit tout simplement, en se fondant sur les expériences des élus locaux, d’optimiser les dispositifs existants et d’en tirer toutes les conséquences.

Par exemple, celui de nos voisins européens qui connaît le taux de vacance le plus élevé est aussi celui qui a le moins développé son offre locative. L’Espagne est l’illustration de l’impérieuse nécessité de déployer une politique du logement diversifiée, encourageant tous les segments de l’offre de logement et favorisant, surtout, la réalisation de logements abordables.

Chers collègues, la crise du logement, pour nous, n’est pas une fatalité, et nous souhaitons vous faire partager cette conviction par le vote de ce texte donnant de nouveaux outils aux élus locaux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

Un sénateur socialiste. Le poète des Pyrénées ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Mais il ne s’agit pas ici de poésie,…

M. Ivan Renar. Quoique !

M. François Fortassin. … il s’agit de donner un toit à nos concitoyens !

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, force est de constater que, dans ce pays, de très nombreux rapports, publics ou privés, ont été consacrés au logement. Depuis quelques années, ces rapports se sont multipliés – vingt-huit sur la seule période allant de 2002 à 2005 –, contenant plus d’un millier de propositions, d’ailleurs régulièrement recyclées faute d’avoir pu connaître un aboutissement normal.

Malgré les sept lois adoptées au cours des six dernières années, force est de constater que la situation du logement est loin de s’améliorer. En 2009, 3,5 millions de nos concitoyens sont mal logés ou ne sont pas logés du tout. Il faudrait d’ailleurs y ajouter les laissés-pour-compte de la crise économique qui vont encore gonfler ce chiffre.

Il y a un décalage très fort entre les capacités contributives des ménages et le coût de logement en accession à la propriété ou à la location. Aujourd’hui, on raisonne financièrement : une personne qui veut mettre un appartement en location attend un retour sur investissement durant quinze ou vingt ans, alors qu’en réalité le logement est avant tout un problème de possibilités contributives de nos concitoyens. Les plus modestes sont en quelque sorte assignés à résidence dans des quartiers en difficulté ou n’ont le choix qu’entre des formes dépréciées d’habitat.

Au-delà de discriminations économiques très réelles, il existe aussi des discriminations sociales, voire raciales, dans l’accès au logement. Cela, nous ne pouvons pas l’ignorer.

Le droit au logement opposable, dont la mise en œuvre se révèle laborieuse et décevante, restera sinon lettre morte, du moins une disposition intelligente mais difficile à mettre en œuvre et, en tout état de cause, insuffisante.

À cette situation, il faut ajouter l’engorgement des dispositifs d’hébergement.

Le moins que l’on puisse dire, à ce stade, c’est que l’accès au logement ressemble pour beaucoup de nos concitoyens à un parcours du combattant, lorsqu’il n’est pas un mirage dans le désert.

Les politiques publiques sont insuffisantes ou inefficaces. Tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, vous avez stigmatisé l’attitude de la gauche,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Non, je ne me le permettrais pas !

M. François Fortassin. …  qui, en présentant ce projet, serait considérée comme rêveuse. Moi, je ne stigmatise personne, je considère que tous les ministres sont excellents mais qu’il y a peut-être des degrés dans l’excellence… (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

L’engagement budgétaire de l’État est insuffisant. Dans certaines zones, il y a pénurie d’offres, dans d’autres, surabondance. Le parc locatif est souvent incompatible avec les besoins réels. La mainmise de l’État sur le 1 % logement prive, dans une certaine mesure, les salariés d’un outil essentiel pour résoudre leurs problèmes d’accès au logement et de mobilité. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)

La fiscalité du logement a une lisibilité faible et une efficacité contestable.

Il y a urgence, car la France va devoir faire face à des défis susceptibles d’affecter durablement le nombre et la nature des logements à réaliser, liés aux recompositions familiales, au vieillissement de la population, au souhait légitime d’un certain nombre de nos jeunes concitoyens de pouvoir accéder à un logement indépendant. Ces besoins nouveaux accentuent le problème du logement, qui est aujourd'hui beaucoup plus prégnant qu’il ne l’était voilà quinze ou vingt ans.

Il faut favoriser la solvabilisation de la demande par un relèvement et un meilleur ciblage des aides personnelles au logement et, surtout, par l’encadrement des loyers.

Selon certains chiffres officiels de l’INSEE, les Français consacreraient 6 % de leurs revenus au logement. Peut-on réellement croire que la plupart de nos concitoyens se logent avec 6 % de leur budget, à part, bien entendu, ceux qui, comme moi, sont privilégiés et possèdent une maison pour laquelle ils ont fini de rembourser les emprunts ? Dans ce cas, la part du budget peut descendre en dessous de 6 %. Mais, pour la plupart des gens, cette part est d’au moins 30 %.

Une solution serait de fixer un pourcentage minimum de logements sociaux sur les programmes de plus de dix logements : un promoteur réalisant dix logements devrait construire parallèlement deux logements sociaux.

Cette proposition, qui n’est pas révolutionnaire, aurait le mérite, me semble-t-il, de favoriser une véritable mixité sociale. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) On ne peut pas laisser le maire seul face à ce problème ! Et que l’on ne me dise pas que les promoteurs seront freinés par une telle disposition !

Cette proposition serait extrêmement incitative dans la mesure aussi où les aides publiques instaurées pour développer l’offre de logements et pour réduire les tensions sur le marché de l’immobilier n’ont pas toujours été suffisantes.

L’urgence, aujourd’hui, est-elle de répondre aux besoins de nos concitoyens mal logés ou qui ne sont pas logés du tout ? Si l’on répond par l’affirmative à cette question, on devra adopter une attitude draconienne. Je sais très bien que l’on ne peut pas, dans ce pays, porter atteinte au droit de propriété, qui est inscrit dans la Constitution. En revanche, rien ne nous empêche de mettre en œuvre certaines taxations.

Ainsi, serait-il scandaleux d’imposer au propriétaire d’une résidence secondaire qui l’occupe quinze jours par an et qui ne la loue pas une taxe supplémentaire destinée à alimenter un fonds pour les logements sociaux ?

Mme Nathalie Goulet. Pas du tout !

M. Dominique Braye, rapporteur. Et s’il la prête, comme c’est d'ailleurs mon cas ?

M. François Fortassin. Cela m’arrive aussi, mais je ne trouverais pas anormal de payer une surtaxe à la taxe d’habitation !

Il faut donc incontestablement des prises de position draconiennes.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Fortassin. La politique du logement doit devenir, selon nous, un grand principe républicain fondé sur la solidarité et sur la reconnaissance de la dignité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lors des débats sur la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, la ministre de la ville et du logement de l’époque évoquait des objectifs ambitieux : construire plus, faciliter l’accès au logement, lutter contre le mal-logement. Elle justifiait la procédure d’urgence par « la culture du résultat ».

Sept mois après le vote de cette loi, force est de constater que la situation du logement en France est plus que jamais alarmante et que la loi votée, loin d’apporter des réponses adaptées, soulève, au contraire, bon nombre d’inquiétudes.

Considéré comme première préoccupation par nos concitoyens, le logement représente 30 % des dépenses des ménages français, pour un montant global de 282 milliards d’euros en 2006, soit 23 % du produit intérieur brut.

Mais le logement n’est pas seulement une question de pouvoir d’achat. Il est devenu de plus en plus une question d’urgence sociale.

Selon le dernier bilan de la Fondation Abbé-Pierre, plus de 6,7 millions de nos concitoyens, soit 13 % de la population, seraient en situation de fragilité par rapport au logement.

La crise économique et sociale n’a fait qu’accentuer une situation déjà préoccupante. En effet, si la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a institué le droit au logement opposable – le désormais célèbre « DALO » –, elle ne permet pas de répondre à la diversité des situations de mal-logement et d’exclusion sociale qui n’ont cessé de s’accroître ces dernières années.

Face à cette crise sans précédent, notre pays a besoin d’une politique du logement qui soit ambitieuse et se dote des moyens nécessaires pour que tout individu puisse accéder à ce droit fondamental.

Au lieu de cela, les signes envoyés par le Gouvernement sont loin d’être encourageants. Pour ne citer qu’un exemple, la suppression du ministère du logement et son remplacement par un secrétariat d’État a été un message sans appel quant aux priorités données à l’action publique.

Il faut rappeler également que le budget de la ville et du logement pour 2009 a été des plus restrictifs puisqu’il a enregistré une baisse de 720 millions d’euros, soit plus de 7 % par rapport à 2008.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Non !

Mme Odette Terrade. S’il paraît augmenter, c’est parce que le hold-up opéré sur les fonds du 1 % salarial vous a permis d’atténuer les déficits.

Le budget pour 2010 n’est pas meilleur…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il est en augmentation !

Mme Odette Terrade. … puisqu’il prévoit une baisse de 70 millions d’euros de l’aide à la pierre, amputant par là même tout effort en matière de construction de logement social. Cela ne laisse augurer aucune amélioration, alors même que le nombre de logements mis en chantier en 2007 était de 450 000 et que ce chiffre, déjà insuffisant pour répondre à l’urgence, est passé à moins de 300 000 cette année. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)

D’ailleurs, le Conseil d’État, dans son rapport intitulé Droit au logement, droit du logement, publié le 10 juin 2009, note à cet égard une mutation de la définition du logement, devenu depuis la réforme Barre de 1977 un « bien économique qui s’échange sur un marché ».

On ne peut mieux résumer l’action du Gouvernement en matière de logement, action qui s’est en effet progressivement effacée au profit du marché. Le Gouvernement s’est privé des principaux moyens dont il disposait pour contrôler le coût de la construction et le niveau des loyers. (M. le secrétaire d’État fait à nouveau un signe de dénégation.)

Outre le désengagement financier de l’État, l’empilement législatif de ces dernières années – sept textes de loi sur le logement en sept ans ! – n’a pas permis de freiner l’aggravation de la situation du logement en France, mais, comme le souligne M. le rapporteur, a placé la politique du logement dans « une instabilité juridique chronique », instabilité peu propice à la mobilisation de l’ensemble des partenaires.

Aujourd’hui, les loyers du privé sont 45 % plus élevés que ceux du parc social, et l’augmentation des loyers n’est plus en corrélation avec une amélioration des conditions de vie.

Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte, la mise en place de la loi DALO rencontre un nombre important de difficultés d’application et montre ses limites dans la réalité de la vie quotidienne des victimes de la crise du logement. Les demandes sans réponse ne cessent de s’accumuler, provoquant des situations que l’on peut qualifier d’« urgence installée » !

Pour le seul département du Val-de-Marne, sur 12 000 dossiers déposés, seuls 1 300 ont été déclarés pour l’instant « éligibles », soit environ 10 %. Si le chiffre des dossiers éligibles est si bas, c’est parce que, sur les 12 000 dossiers, seuls 6 000 ont pu être traités ; il en reste donc environ 6 000 en attente depuis plus de six mois, alors même qu’il en arrive à la commission du Val-de-Marne de 600 à 700 par mois et qu’elle n’en traite que de 150 à 160 par semaine.

Actuellement, les accusés de réception, à partir desquels court le délai de six mois pour statuer, sont délivrés quatre mois après la réception des dossiers, soit un temps de réponse de dix mois pour les demandeurs !

Vous le voyez, ce dispositif est très loin de pouvoir répondre efficacement aux énormes besoins qui existent.

La proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste que nous examinons aujourd’hui repose sur « l’idée que pour donner corps à la solidarité nationale pour le logement de tous, nous devons consentir à imposer des mécanismes de régulation innovants et audacieux ».

De l’audace, il en faut effectivement pour s’attaquer à ces phénomènes de spéculation sur l’immobilier !

Par ailleurs, nos collègues du groupe socialiste ont raison de proposer un moratoire sur cette pratique d’un autre âge que sont les expulsions locatives, traumatisantes pour les familles et les enfants. Ils ont également raison de proposer d’augmenter le taux comme l’assiette de la taxe sur les logements vacants en donnant parallèlement plus de pouvoirs aux maires pour l’expropriation de logements vacants depuis de trop nombreuses années.

Monsieur le rapporteur, pour ne pas soutenir ce texte, vous arguez qu’il s’oppose au droit de propriété et qu’il aboutirait à priver les propriétaires de loyers dont ils ont pourtant absolument besoin. Nous pensons, sans amoindrir ce « droit de propriété », que celui-ci doit non s’opposer mais se conjuguer avec celui du droit au logement au moins aussi fondamental.

Il faut être cohérent : cette proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste vise fondamentalement à rendre effectif le droit au logement opposable dont vous vous êtes faits vous-mêmes, mes chers collègues, les fervents défenseurs.

Cette proposition de loi est une boîte à idées permettant d’aller au-delà des belles déclarations d’intention, qui, sans moyens, restent aujourd’hui lettre morte.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG avaient déposé une proposition de loi tendant à favoriser la prévention des expulsions locatives, qui contenait déjà plusieurs propositions allant dans le même sens.

Face aux situations dramatiques vécues par tous ceux qui sont en attente d’un logement, parfois depuis de nombreuses années, il paraît nécessaire de développer rapidement un véritable contre-projet à la politique menée par le Gouvernement.

Pour notre part, nous sommes favorables à la création d’un grand service public du logement décentralisé soutenu par un engagement financier de l’État, qui représenterait 2 % du PIB. Nous prônons également le lancement d’un grand plan national de construction de logements sociaux soutenu par une politique volontaire en matière d’aide à la pierre.

Mes chers collègues, nous ne pouvons que constater qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le droit au logement soit une réalité pour tous, partout. En attendant, notre groupe votera la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste reconnaît que la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste dénote leurs bonnes intentions.

La lutte contre le logement vacant ne peut en effet qu’être encouragée. Toutefois, si l’on en croit l’adage, l’enfer est parfois pavé de bonnes intentions,…

M. Dominique Braye, rapporteur. Je l’ai indiqué !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … et cette proposition de loi n’échappe pas à ce constat.

Certaines dispositions de ce texte – je pense aux articles 2, 3 et 4 – sont intéressantes.

L’article 2 prévoit la taxation des logements vacants. Mais cette dernière est déjà possible ! En effet, cette taxation est déjà autorisée dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants. Mais l’article 47 de la loi de 2006 portant engagement national pour le logement – vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le secrétaire d’État – autorise les collectivités non concernées à assujettir les logements vacants à la taxe d’habitation.