M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cette disposition permet donc aux agglomérations de moins de 200 000 habitants, comme la mienne – elle ne comprend que 100 000 habitants – de taxer les logements vacants.

Il me paraît néanmoins utile de renforcer les mesures déjà existantes. La disposition figurant à l’article 2 de la proposition de loi pourrait ainsi être étendue aux agglomérations visées à l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, c'est-à-dire à celles de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. Cette disposition, somme toute assez logique, permettrait d’apporter une solution au problème, soulevé par plusieurs de nos collègues, des agglomérations connaissant une tension du marché locatif.

Les articles 3 et 4 ont également le mérite de confirmer d’autres dispositifs existants, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Mon groupe y est favorable, même si l’application de la loi instituant le droit au logement opposable – je reviendrai d’ailleurs sur cette question lors de la discussion du projet de loi de finances – est particulièrement difficile dans la région parisienne et les grandes agglomérations.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Bien sûr !

M. Dominique Braye, rapporteur. À Paris, en particulier !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En revanche, dans les régions, les dispositifs mis en place ne sont pas toujours justifiés.

L’article 1er est, à mon avis, assez difficile à mettre en œuvre. Comment évaluer les intentions spéculatives au regard des difficultés de location que nous connaissons actuellement dans nos agglomérations ?

Quant à l’article 5, il me semble en contradiction avec les objectifs de l’ANAH. Faut-il freiner le combat que mène cette Agence contre l’habitat indécent, voire indigne, en adoptant des mesures qui risquent d’inquiéter les bailleurs privés ? Je n’ai pas la réponse, mais j’estime que nous devons au moins nous poser la question.

Je conclurai mon propos en encourageant les collectivités locales à accompagner la garantie du logement locatif, qui permet de remettre sur le marché des logements vacants. Elle constitue en effet une incitation financière pour le bailleur et une plus-value sociale pour le locataire. Cette mesure, qui figurait dans le projet de loi de mobilisation pour le logement voté en 2008, rejoint les préoccupations du groupe socialiste, qui sont aussi les nôtres.

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise essentiellement, d’une part, à augmenter l’offre de logements abordables en luttant contre la vacance et en mobilisant le parc privé et, d’autre part, à éviter les expulsions de locataires reconnus comme prioritaires au titre de la loi relative au droit au logement opposable.

Comme l’a très justement fait observer notre rapporteur, Dominique Braye, auquel je veux rendre hommage pour ses grandes compétences en matière d’urbanisme et de logement,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Très juste !

Mme Colette Giudicelli. … il est indispensable de replacer ces dispositions dans le contexte des nombreux dispositifs qui existent déjà ou viennent d’être adoptés.

Il est bien évident que les gouvernements qui ont été soutenus par notre groupe ne sont pas restés inactifs depuis 2002, loin de là !

Lutter contre le mal-logement est un impératif qui s’impose à nous tous et qui ne souffre aucune démagogie. C’est la raison pour laquelle nous avons voté le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion le 19 février 2009, présenté par Mme Boutin, qui vise à soutenir l’activité de construction pour répondre aux besoins en matière de logement de nos concitoyens.

Ce texte comporte des dispositions permettant de renforcer la prise en compte des populations en difficulté, afin de leur donner les moyens d’accéder plus facilement à des solutions d’hébergement ou de logement. Dans ce domaine, la loi s’attache à mobiliser à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l’État.

Elle vise également à permettre aux bailleurs sociaux de prendre en gestion des logements dans le parc privé, afin de les sous-louer à des ménages logés dans des hôtels ou des centres d’hébergement, le plus souvent avec l’aide d’associations subventionnées par les départements. Cette mesure attendue participe indéniablement au développement d’une offre d’hébergement plus humaine.

Une politique du logement est nécessairement complexe, parce qu’elle revêt des dimensions à la fois humaines, économiques, financières et techniques. En outre, elle doit tenir compte d’une grande diversité de situations locales ou d’exigences personnelles. Mais elle constitue également, et surtout, une chaîne de solidarité entre tous les citoyens de notre pays.

La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion est venue compléter plusieurs lois importantes, votées ces dernières années, qui ont profondément modifié, comme M. Fortassin l’a justement souligné, le paysage dans le domaine du logement. Je pense en particulier à la loi instituant le droit au logement opposable, adoptée par le Sénat en 2007.

Par cette loi, le principe du droit à un logement décent et indépendant est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. La loi précise que ce droit s’exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux.

L’objectif que nous recherchons tous est, bien évidemment, que les logements sociaux soient occupés par les personnes qui en ont vraiment besoin. Or, monsieur le secrétaire d’État, tel n’est pas toujours le cas. Dans les mairies et les conseils généraux, il nous arrive d’être confrontés à des cas spéciaux : les logements sociaux disponibles sont quelquefois attribués à des personnes qui auraient les moyens de se loger par elles-mêmes soit dans le secteur privé, soit dans un logement dont elles sont déjà propriétaires. Je pourrais vous donner des exemples très précis.

La loi instituant le droit au logement opposable a prévu un recours amiable devant une commission de médiation pour les personnes déclarant ne pas pouvoir se loger. La réglementation prévoit que cette commission peut demander, pour l’instruction des demandes dont elle est saisie, aux services compétents de l’État ou des collectivités territoriales, ou à toute autre personne, de faire les constatations sur place ou, au moins, l’analyse de la situation sociale du demandeur, qui sont nécessaires à l’instruction du dossier.

Cette réglementation devrait normalement permettre d’écarter les demandeurs qui ont les moyens de se loger ou de se reloger par leurs propres moyens.

Or, dans les faits, les commissions statuent, la plupart du temps, uniquement en fonction du formulaire déclaratif que leur ont remis les demandeurs, sans qu’aucune enquête soit diligentée. Si cette situation s’explique certainement par le manque de temps et de moyens pour approfondir les enquêtes, il s’agit souvent d’une volonté de ne pas mettre en porte-à-faux les services sociaux, face à des populations souvent difficiles et peu enclines à livrer le détail de leurs revenus et de leur patrimoine. En tout cas, une telle méthode ne garantit pas l’équité, alors que le but de la loi DALO est d’aider les plus démunis.

Dans le département dont je suis l’élue, j’ai parfois été confrontée à des comportements qui frôlaient l’escroquerie, et je pèse mes mots.

Les commissions de médiation peuvent être abusées lors du dépôt du dossier de recours par des demandeurs qui trichent notamment sur le montant de leurs revenus et sur l’étendue de leur patrimoine.

Lorsque j’apprends que certaines personnes gardent leur logement social alors qu’elles n’y habitent plus, par exemple pour y loger leurs enfants lorsqu’ils viennent en vacances, je suis vraiment scandalisée. (M. François Rebsamen s’exclame.)

Puisque M. Rebsamen a cité l’exemple de Dijon, je vais évoquer la ville de Menton : il nous arrive de voir des membres d’une même famille ayant chacun un logement HLM s’installer ensemble, et sous-louer les appartements restants.

M. Daniel Raoul. Quel rapport avec les logements vacants ?

Mme Colette Giudicelli. La loi Boutin va permettre de faciliter les contrôles, voire d’intenter des actions contre les locataires indélicats. Je voudrais également plaider en faveur d’une diminution des plafonds, pour que les familles les plus modestes soient bien celles qui bénéficient des logements sociaux.

Dans les faits, il est difficile d’expulser un locataire d’un logement social, quand bien même celui-ci ne rassemble pas toutes les conditions pour s’y maintenir, et encore plus difficile de le faire, moralement, lorsqu’il s’agit d’une famille avec enfants.

C’est la raison pour laquelle il me semble que la meilleure façon de réserver les logements sociaux à nos concitoyens qui en ont réellement besoin est, à mon avis, de se prémunir des tricheurs et de contrôler en amont la réalité de la situation patrimoniale des demandeurs.

À Menton, j’ai demandé au service du logement que chaque dossier soit assorti d’une déclaration dans laquelle le demandeur certifie sur l’honneur ne pas posséder de patrimoine immobilier. Je suis consciente des limites d’un tel document, la tricherie étant toujours possible.

La solution, qui ne doit pas non plus être trop radicale, serait de rendre obligatoire, au moment où est déposé le recours amiable, outre les justificatifs de revenus, la présentation par les demandeurs d’une attestation fiscale de non-propriété. Or il n’existe pas de justificatif fiscal sur lequel figurerait une mention de non-propriété. Monsieur le secrétaire d’État, je suis bien consciente que cet outil reste à inventer, et je compte évidemment sur vous.

J’en viens maintenant aux mesures de la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour de nos travaux.

Avec mes collègues de l’UMP, nous avons évidemment conscience du problème de la vacance de longue durée.

C’est la raison pour laquelle l’ANAH mène déjà une politique active d’incitation à la remise sur le marché. En 2008, pas moins de 9 000 logements l’ont été après plus d’une année de vacance.

Mais, si nous soutenons cette politique d’incitation, nous ne pouvons accepter les mesures figurant dans cette proposition de loi sur laquelle nous avons, tout comme la commission de l’économie, de sérieuses objections de fond.

La proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste vise, en effet, à permettre au maire, lorsqu’un logement a été vacant durant au moins cinq années consécutives, de déclencher une procédure au terme de laquelle l’expropriation du bien peut être effectuée.

Ce n’est pas en voulant porter atteinte au droit de propriété, qui est garanti par la Constitution, que nous arriverons à surmonter la crise du logement social dans notre pays.

En outre, il faut bien s’interroger sur les difficultés pratiques auxquelles se heurteraient des communes souhaitant utiliser une telle procédure. M. le rapporteur nous l’a très bien expliqué, il faut d’abord identifier les logements ou immeubles vacants.

En outre, nos collègues du groupe socialiste proposent un moratoire visant à empêcher toute expulsion d’ici le 16 mars 2012 de personnes reconnues comme prioritaires tant qu’aucune offre de relogement ou d’hébergement ne leur aura été proposée.

Comme l’a également très justement souligné M. le rapporteur, une telle mesure ne ferait que dissuader les propriétaires de louer leur bien. Le marché de la location serait totalement bloqué et le nombre de logements vacants ne ferait qu’augmenter. Cette mesure aurait donc l’effet inverse du but recherché. De plus, il s’agirait d’une nouvelle atteinte au droit de propriété, surtout pour les petits propriétaires.

M. Rebsamen, dans sa présentation de cette proposition de loi, a parlé des petits propriétaires qui plaçaient leur intérêt personnel avant l’intérêt général.

M. François Rebsamen. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit.

Mme Colette Giudicelli. Que ce soit à Dijon, à Menton, ou dans le Nord, lorsque, après toute une vie de travail, des gens ont décidé, malgré des revenus modestes, d’acheter un petit studio ou un appartement pour le louer afin d’améliorer leur retraite, et qu’ils ont connu une ou deux expériences malheureuses – des locataires qui ne paient pas leur loyer, des occupants qu’ils mettent cinq ans à expulser ou qui leur laissent un appartement dans un état dégradé –, vous aurez beaucoup de mal à les convaincre de relouer leur appartement.

C’est la raison pour laquelle certains propriétaires modestes décident – c’est fréquent dans les Alpes-Maritimes – d’opter pour les locations saisonnières, au mois ou à la semaine. Cela ne contribue pas à résoudre notre problème. Je dis « notre problème », car ce problème est autant celui de l’UMP que celui du groupe socialiste, puisque, sur le fond, nous sommes d’accord.

Enfin, le Gouvernement a annoncé une remise à plat du droit de préemption urbain dans le cadre d’une prochaine réforme globale sur la préemption. Je souhaite que M. le secrétaire d’État complète les précisions qu’il nous a déjà apportées sur ce point.

Il ne serait pas responsable de traiter un problème aussi grave par une proposition de loi démagogique.

L’idée que les logements vacants constituent un gisement d’offres potentielles s’exprime couramment et donne lieu à des actions en vue de remettre sur le marché lesdits logements.

D’aucuns considèrent l’existence de logements vacants comme une anomalie, voire comme un scandale. La vacance est rapprochée des difficultés de logement d’une partie de la population et même de la question des sans-abri. Établir une relation entre logements vacants et sans-abri n’a pas grande signification. C’est pourtant fréquent, car cela permet d’appréhender la politique du logement en termes de recherche de coupables et de fédérer les indignations contre un adversaire abstrait : les propriétaires de logements vacants.

Le plan de cohésion sociale a ainsi assigné à l’ANAH un objectif de remise sur le marché de 100 000 logements, moyennant une prime incitative. On peut penser qu’en bénéficieront surtout des logements qui, faute de travaux, étaient inhabitables. Enfin, nombreuses sont les collectivités locales qui ont mis en place des dispositifs d’incitation à la remise sur le marché de logements vacants, ou qui envisagent de le faire.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai la chance de présider le conseil d’administration d’un institut médico-pédagogique qui accueille de jeunes autistes et trisomiques. Ce centre est installé dans un superbe bâtiment dans lequel il fallait faire des travaux importants et que le conseil général a décidé de rénover.

Nous avons décidé de faire participer les enfants aux travaux en leur demandant de dessiner la maison qu’ils aimeraient avoir. Près de 70 % d’entre eux ont tracé un vague carré surmonté d’un toit. La couleur ou la forme pouvaient être différentes, mais il y avait toujours un toit.

Ces enfants un peu différents nous apprennent mieux que quiconque que, lorsque l’on est fragile, ou très fragile, on va à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est d’avoir un toit. Nous avons trouvé cela très symbolique et nous avons évoqué cette question avec les pédopsychiatres de l’établissement.

Permettre à tous d’avoir un toit est une priorité pour nous, membres de l’UMP. Nous devons nous battre pour que chacun, dans ce pays, puisse être logé décemment.

M. le président. Veuillez conclure, madame Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Cela dit, pour toutes les raisons que j’ai invoquées, le groupe l’UMP ne votera pas cette proposition de loi. Nous faisons confiance au Gouvernement et à son secrétaire d’État à l’urbanisme pour mener ce nécessaire combat. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, M. Claude Jeannerot ayant malheureusement dû retourner en urgence dans son département pour des raisons personnelles, je vais vous faire part de ses observations sur cette proposition de loi.

L’existence de logements vacants est un scandale aux yeux de tous. L’indignation de nos concitoyens est bien compréhensible au moment où tant de gens ont du mal à se loger.

Le taux de vacance est actuellement très bas, et c’est justement ce qui révèle la tension du marché et ce qui explique le nombre de demandes non satisfaites.

C’est au moment de l’appel de l’abbé Pierre que ce taux a été le plus bas. Il était alors pratiquement impossible de trouver un logement.

Aujourd’hui, le rapport public du Conseil d’État pour l’année 2009, intitulé Droit au logement, droit du logement, dresse un constat inquiétant : 3,5 millions de personnes seraient mal logées ou non logées et le nombre de personnes hébergées est en forte augmentation.

On assiste par ailleurs à une « déconnexion » entre le montant du loyer et les caractéristiques du logement. Les ménages doivent consentir un effort financier accru pour se loger, sans que cet effort s’accompagne d’une amélioration des conditions de logement. La perte du pouvoir d’achat ressentie par la population semble découler d’abord des dysfonctionnements récents constatés sur le marché du logement.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est à cette demande de logements qu’il nous faut répondre. L’État a tendance à se défausser sur les collectivités locales qui sont de plus en plus sollicitées. Encore faudrait-il leur donner les moyens d’agir.

À ce titre, l’article 3 du présent texte vise à doter les communes d’un véritable pouvoir d’intervention. Il reprend une proposition formulée dans un rapport du Conseil d’état de décembre 2007 sur le droit de préemption urbain. Il s’agit de confirmer que les communes peuvent préempter à fin de relogement et d’élargir cette prérogative au motif de relogement de personnes évincées dans le cadre d’opérations de lutte contre l’insalubrité, d’aménagement, voire de démolition.

Il existe plusieurs procédures en matière de lutte contre l’insalubrité, mais le relogement final échoit toujours à l’autorité qui a engagé la procédure, c’est-à-dire au maire ou au préfet. Compte tenu des problèmes que rencontrent ces personnes publiques pour procéder à des relogements dans leur propre parc social, on peut craindre une diminution du nombre des procédures engagées du seul fait des difficultés à reloger les ménages concernés.

Ainsi, offrir aux maires la possibilité de procéder à des préemptions de logements existants afin de reloger des personnes évincées dans le cadre de ces procédures constitue un outil supplémentaire, dont le financement serait de surcroît assuré par les sommes dues par les propriétaires de logements insalubres.

L’évolution du droit dans ce domaine est d’autant plus indispensable que le Conseil d’État a rappelé, dans sa décision du 6 avril 2001, que des préemptions peuvent être effectuées pour remplir une obligation de relogement à condition de constater que le parc social ne permet pas d’y pourvoir. Or, pour qu’une offre de relogement soit valable, la collectivité est contrainte de respecter certains critères, notamment en matière de géographie et de solvabilité des ménages.

Une commune peut donc disposer de logements vacants sans toutefois être en mesure de les proposer pour le relogement d’une famille. Offrir aux maires la possibilité de préempter est une manière de faciliter l’aboutissement des procédures engagées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.

M. Alain Houpert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat est aujourd’hui saisi d’une proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement.

Comme l’a souligné M. le rapporteur, cette proposition de loi semble, à bien des égards, louable. Nul doute que les hommes et les femmes de bonne volonté, de part et d’autre de notre hémicycle, reconnaîtront les bonnes intentions qui président à ce texte.

Néanmoins, force est de constater que les bonnes intentions ne suffisent pas. Nos concitoyens n’attendent pas de leurs élus de vibrants plaidoyers, si brillants soient-ils. Ce qu’ils attendent, ce sont des résultats et c’est pourquoi ils ont confié à notre majorité le soin d’engager des réformes.

L’article 1er prévoit que le maire pourrait obtenir l’expropriation d’un bien au terme d’une vacance anormalement longue, de cinq ou huit années consécutives.

Le caractère général d’une telle mesure constituerait une nouvelle atteinte à la petite propriété.

En premier lieu, cette proposition me paraît quelque peu dogmatique.

L’expropriation peut être envisagée au terme d’une durée de vacance non seulement longue, mais surtout abusive. Seul l’abus peut justifier une expropriation. La durée de vacance ne saurait à elle seule constituer un abus.

De fait, on peut remédier à la vacance d’un logement, même anormalement longue, par des dispositifs plus consensuels. Le maire pourrait par exemple enjoindre le propriétaire de mettre en location son logement au profit de bailleurs intermédiaires.

Cette perspective va dans le sens des propositions du Gouvernement qui, dans sa grande sagacité, a affiché sa volonté de limiter les expulsions en expérimentant l’intermédiation locative, c’est-à-dire la reprise du bail par une association amenée à sous-louer le logement.

J’ai préféré ne pas amender le présent texte afin de laisser à M. le secrétaire d’État la possibilité de mieux évaluer la portée d’un tel dispositif.

En second lieu, l’article 1er me paraît dangereux.

Les conditions proposées pour permettre l’expropriation sont discrétionnaires. Selon les termes de la proposition de loi, le maire pourra enclencher la procédure d’expropriation si le logement est resté vacant pendant une durée de cinq à huit ans.

Cette proposition ne tient pas compte de la diversité des cas de vacances. Certains logements ne répondent à aucun besoin. Pourtant, avec cette proposition de loi, le propriétaire d’un immeuble situé dans une zone géographique sans intérêt pourra être exproprié !

Par ailleurs, cette proposition laisse au maire le pouvoir discrétionnaire de déclencher une procédure d’expropriation pour tel logement resté anormalement vacant.

L’extension du pouvoir d’expropriation est dangereuse. Il aurait été bienvenu de l’entourer de garanties objectives : soit en liant le pouvoir du maire à une déclaration de vacance « anormalement longue » ; soit en limitant géographiquement la possibilité de recourir à un tel droit d’expropriation.

L’article 2 de la présente proposition de loi tend tout à la fois à élargir le champ de la taxe sur les logements vacants à l’ensemble des villes visées par l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation et à doubler les taux applicables.

La taxe sur les logements vacants semble certes avoir fait ses preuves. L’idée d’en élargir le champ d’application me paraît opportune, car, comme le souligne M. le rapporteur, le taux de vacance a baissé plus rapidement dans les agglomérations où la taxe est en vigueur que dans le reste du pays.

En revanche, il faut entendre la critique du Comité d’analyse économique, qui suggère la suppression de la taxe, car son rendement est nul.

D’aucuns proposent donc le doublement des taux applicables. Néanmoins, cette proposition n’apporte aucun gage supplémentaire d’efficacité. Le rendement de la taxe sera certes meilleur, mais elle ne contiendra pas davantage la spéculation sur le logement.

Je considère que nous devrions examiner d’autres hypothèses. Par exemple, pourquoi ne pas envisager de ne pas accorder d’exonération sur la plus-value résultant de la vente de logements restés vacants ? De fait, à ce jour, toute plus-value immobilière bénéficie d’une exonération de 10 % par année de détention au-delà de cinq ans. Cette exonération pourrait ne pas être accordée pour chaque année de vacance des biens aujourd’hui assujettis à la taxe.

Plutôt que de taxer, il me semble plus utile de revenir sur les avantages fiscaux existants. Cela serait sans doute plus efficace, plus rentable et plus juste.

L’article 4 vise à instituer un moratoire pour les expulsions de personnes reconnues prioritaires par la commission de médiation tant qu’aucune offre de logement ou d’hébergement respectant l’unité et les besoins de la famille ne leur aura été proposée par ladite commission.

L’intention de la proposition est encore louable, mais les effets n’en seront que pervers.

En effet, elle ne fait qu’accroître les risques pesant sur le propriétaire. Au lieu de remédier à la vacance intentionnelle des logements, elle ne fait que la renforcer. Ainsi, cette proposition de loi s’inscrit en porte-à-faux avec les objectifs mêmes qu’elle cherche à atteindre.

Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que de nombreuses mesures de prévention limitaient le recours à l’expulsion. Ainsi, le taux d’expulsions effectives n’est que de 10 %, portant le délai d’expulsion à deux ans. Le moratoire, allongeant encore les délais, augmentera d’autant l’insécurité juridique, au détriment des seuls propriétaires. Le marché locatif s’en trouverait encore moins fluide.

En dépit du manque de réalisme de la proposition, l’intention est appelée à mûrir.

La question pourrait éventuellement se poser d’opposer un tel moratoire aux investisseurs institutionnels qui interviennent sur le marché locatif. Mais, plus simplement, il faudrait trouver des compensations financières au maintien dans les lieux, notamment lorsque le bail est rompu pour des raisons financières.

En revanche, il faudrait travailler à réduire les délais d’expulsion dans des cas de rupture ou de non-renouvellement de bail à fin de reprise. En effet, un propriétaire doit pouvoir disposer de son bien, lorsque l’occupant est sans droit ni titre.

Par ailleurs, le Gouvernement travaille actuellement à la mise en place d’une garantie des risques locatifs qui devrait également permettre de sécuriser les propriétaires contre les risques d’impayés et éviter aux locataires d’avoir à fournir la caution de tiers.

Il s’agit là d’une mesure d’accompagnement intéressante, qui appelle toutefois une remarque : on fait encore peser sur la tête du propriétaire la prise en charge de l’intérêt général, ce qui n’est pas sa vocation. À défaut d’être une obligation d’assurance à la charge du locataire, la souscription à une telle garantie, monsieur le secrétaire d’État, devra ouvrir droit à une diminution du revenu imposable.

Pour conclure, je dirai que cette proposition de loi est aussi paradoxale que l’état du marché locatif. La France est le pays qui compte le plus de logements par propriétaires, de même qu’elle compte le plus de logements sociaux par habitants. Et pourtant les problèmes demeurent.

Il va sans dire qu’il y a des cas de grande urgence que nous devons accompagner.

Cela dit, ce n’est pas en stigmatisant les petits propriétaires que l’on apportera des solutions durables. Si le taux de logements vacants est en diminution constante depuis quelques années, c’est que l’équilibre trouvé est globalement efficace en l’état. Rien ne sert donc de renforcer le climat d’insécurité juridique qui entoure le contrat de location ; mais il faut fluidifier le marché du logement locatif.

En ce sens, je voterai contre cette proposition de loi.

Je m’y opposerai d’autant plus fermement qu’il serait souhaitable que l’opposition, plutôt que de stigmatiser les propriétaires, s’attache à formuler des propositions qui aillent dans le sens de l’accession sociale à la propriété. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. C’est n’importe quoi !