M. Éric Woerth, ministre. Oui !

M. Alain Fouché. À partir de 2011, la taxe professionnelle n’existera donc plus, mais nous savons qu’EDF sera ponctionnée au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux. Par le biais de quel mécanisme l’État permettra-t-il la compensation pour les collectivités ? Les sommes attribuées seront-elles identiques à celles d’aujourd’hui ou seront-elles évolutives ? Seront-elles toujours ventilées sur l’initiative des conseils généraux ?

Les élus locaux sont très inquiets. Nombre de chantiers programmés par les communes pour les mois à venir ont été délaissés et les entreprises nous appellent. Il est donc urgent, monsieur le ministre, qu’une décision soit prise. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nul plus que moi n’a le droit de déclarer : « tout est dit et j’arrive trop tard » ! (Sourires.) Néanmoins, je tiens à mon tour à intervenir pour exprimer mon point de vue.

Monsieur le ministre, nous n’avons pas le droit de manquer l’occasion que nous donne la réforme de la taxe professionnelle de renforcer la solidarité entre les collectivités locales et, par conséquent, d’améliorer la péréquation, mot que nous prononçons tous souvent, mais qui, hélas ! a fort peu de réalité actuellement.

Le Gouvernement laisse au Parlement le soin d’affiner le dispositif, en particulier de trouver le juste équilibre entre une nécessaire mutualisation des moyens, afin que la péréquation soit réelle, et le lien entre la réalité économique et les collectivités dans lesquelles les entreprises sont implantées. Cette mission difficile, nous devons la mener à bien ; la commission des finances y travaille.

Il ne faut pas que le barème progressif du nouvel impôt sur la valeur ajoutée et l’exclusion des petites et moyennes entreprises pénalisent les territoires les moins favorisés. Ce risque, que nous saurons éviter, je le sais, serait mortel !

Aussi affiné que soit le dispositif que nous élaborerons, il est indispensable que nous saisissions l’occasion de la réforme pour mettre en place des mécanismes extérieurs, en quelque sorte, et un véritable fonds de péréquation. Comment sera alimenté ce dernier ? On peut en débattre, mais ne manquons pas l’opportunité qui nous est offerte.

Bien entendu, la péréquation doit concerner tous les niveaux de collectivités. À ce moment de mon propos, je veux évoquer la situation des départements qui ne sont pas les plus favorisés, à savoir les départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale, la DFM, qui a perdu un peu de sa force, monsieur le président de la commission, depuis que la liste des bénéficiaires a été très allongée.

Je vous citerai l’exemple de mon département, qui illustre une situation dramatique. Le budget du département de la Haute-Loire s’élève à 245 millions d’euros. Sont consacrés à l’APA 24 millions d’euros, compensés à hauteur de 8 millions d’euros. Cette situation doit se trouver ailleurs !

M. Christian Poncelet. Oui, mon cher collègue !

M. Adrien Gouteyron. Toutefois, étant donné l’importance de ce budget, la situation prend un tour particulièrement grave.

Quelle en est la conséquence sur la marge de manœuvre du département en matière d’investissement ? À une certaine époque, celui-ci investissait presque 50 % de son budget. Je vous livre, mes chers collègues, l’évolution du pourcentage des investissements dans le budget global : en 1999, 42 % ; en 2005, 31 % ; en 2009, 23 % ; en 2010, je crains qu’il ne soit inférieur à 20 %.

Ces pourcentages illustrent assez bien ce que nous tentons de faire comprendre depuis longtemps. Si nous ne saisissons pas l’occasion de ce texte pour remédier à cette situation, nous aurons manqué à notre devoir de parlementaire qui nous commande de mettre en œuvre une véritable solidarité nationale.

Je sais bien, monsieur le ministre, que ce texte ne suffira pas à régler tous les problèmes des départements, qu’il faut envisager d’autres mesures et que le cinquième risque doit être et, je l’espère, sera prochainement institué. Profitons de ce texte pour faire avancer les choses.

Je voudrais aussi évoquer le problème de la part des communes dans le prélèvement sur la valeur ajoutée. L’Assemblée nationale a prévu un taux de 20 % pour le bloc regroupant intercommunalité et commune. C’est un sujet qui sera traité lors de l’examen des articles de la seconde partie, mais la référence à l’actuelle répartition de la taxe professionnelle entre les niveaux de collectivités, c’est-à-dire entre le bloc communal, les départements et les régions, me paraît très intéressante.

Je rappelle brièvement cette répartition : le bloc communal reçoit près de 60 % de la taxe professionnelle, les départements en reçoivent 30 % et les régions 10 %. À compétence constante, franchement, je ne vois pas de raison de s’éloigner par trop de ces pourcentages. Je ne dis pas qu’il faut se caler exactement sur eux, mais nous considérons qu’il faut tenter de s’en approcher.

Enfin, j’ai interrogé plusieurs fois Mme la ministre de l’économie à propos des communes qui appartiennent à des EPCI à fiscalité additionnelle, et je n’ai pas obtenu de réponse satisfaisante. Or, j’ai entendu dire que les communes appartenant à ce type d’EPCI à fiscalité additionnelle ne bénéficieraient pas de la cotisation complémentaire.

M. Éric Woerth, ministre. C’est l’EPCI.

M. Adrien Gouteyron. Une telle solution, monsieur le ministre, serait absolument inadmissible.

Je rappelle que ces communes ont fait des efforts d’investissement, qu’elles ont attiré des entreprises. Il n’est donc pas normal qu’elles n’aient pas leur part. Si ce point n’était pas traité de manière convenable, je comprendrai mal une injustice à ce point criante, insupportable.

Je terminerai en saluant les efforts considérables déployés par notre rapporteur général et notre commission des finances pour introduire de la clarté dans un texte difficile. C’est un enjeu national, parce que c’est toujours à la faveur de l’obscurité que le doute s’introduit. Je voudrais féliciter la commission pour la démarche qu’elle a suivie et qu’elle va continuer à suivre. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne répondrai pas à tout le monde à cette heure avancée, d’autant plus que le débat de l’article 2 est déjà largement engagé. Or, vous aurez tout loisir de le faire au cours des prochains jours. Je me contenterai pour ma part d’un propos introductif.

Le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation territoriale, c’est la territorialisation, introduite lors des débats au sein de l’Assemblée nationale, la péréquation, la compensation, mais aussi le dynamisme, puisque les recettes en termes de valeur ajoutée sont plus dynamiques que la plupart des autres recettes.

Franchement, on peut difficilement prendre au sérieux les arguments qui sont employés, souvent de manière abrupte, notamment dans les courriers envoyés par certains départements aux maires pour expliquer qu’il n’y aura plus de subventions, comme si une bombe nucléaire était tombée sur la décentralisation. Bien sûr, de tels propos créent de l’inquiétude, mais c’est de la pure désinformation.

Face à ces arguments, le Gouvernement et les élus continueront à fournir des explications, mais c’est assez difficile de le faire avant que le texte soit sorti du Sénat.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Éric Woerth, ministre. Ce serait manquer de respect à l’égard de la Haute Assemblée, qui va modifier ce texte. On en détaille les bases telles qu’elles sont aujourd’hui, mais elles vont évoluer dans les deux ou trois jours qui viennent, à l’issue des débats que vous aurez sur le remplacement de la taxe professionnelle.

Sur ce point, il n’y a pas de place au doute : les choses vont encore être probablement améliorées.

J’indiquerai à M. Charles Guené que le Gouvernement soutiendra les deux amendements en faveur de l’investissement des collectivités locales dans le cadre du plan de relance de l’économie. Je le dis en face de M. Christian Poncelet, nous sommes favorables à l’assouplissement de la mesure 2009, en prenant évidemment en compte les délais pour réussir à investir. Très souvent, les communes engagent les investissements avant de payer et de remplir une facture. On sait tout cela. Cela a d’ailleurs été acté par le Premier ministre.

Un amendement déposé par le groupe UMP sur ce point ne manquera pas de rassurer les maires qui ont engagé des fonds en espérant un double remboursement de TVA. Ils y auront bien évidemment droit. La reconduction de la mesure, en 2010, pour les collectivités qui n’avaient pas choisi de l’utiliser en 2009 pour des raisons qui leur étaient propres, est aussi une mesure importante. Les collectivités gagneront ainsi un peu plus d’investissements, et cela aura un impact positif sur la relance.

En ce qui concerne l’affaire des bases et des taux, évoquée par Mme Jacqueline Gourault et d’autres sénateurs, je rappelle que le choix sorti de l’Assemblée nationale – produit base 2009 par taux 2009, produit base 2010 par taux 2008 – est une bonne manière de procéder. Ce n’est pas, comme je l’ai entendu dire, un signe de défiance vis-à-vis des élus, ni une crainte de voir les taux abusés. Le problème était le suivant : il fallait choisir des données très récentes et incontestables, chacun disposant du même niveau d’information sur les taux votés en 2008. Les bases 2010 sont très dynamiques : elles datent de deux ans, comme vous le savez. L’investissement des entreprises a augmenté de 5,5 % en 2008, c’est-à-dire avant la crise.

C’est une bonne manière d’assurer une base de remboursement pour la dotation de l’année 2010, et c’est une bonne base de départ pour la compensation qui se fera année après année, en fonction de l’évolution des impôts. Je tiens également à rappeler que le mécanisme de garantie sera bien indexé, et vous aurez d’ailleurs à décider de la nature de l’indexation.

Le Premier ministre a dit devant le congrès de l’Association des maires de France que le choix devait être fait, et j’imagine qu’il sera fait ici même. Je voudrais remercier M. Philippe Dallier d’avoir montré que nous avons bougé. Nous nous sommes en partie compris. Certes, j’ai le sentiment qu’il y a encore un peu de chemin à faire, mais je ne doute pas qu’il soit fait dans les jours qui viennent.

Je dirai à MM. Marc et Hervé que je ne suis pas favorable à l’idée que l’on puisse verser une partie de la CSG aux départements. Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, la CSG ne parvient même pas à financer le régime de sécurité sociale. Dans ces conditions, on ne peut pas l’utiliser pour financer autre chose. Je suis conscient, bien sûr, que les départements rencontrent des difficultés, liées aux dépenses occasionnées par l’ancien RMI et aux dépenses sociales galopantes. Des compléments aux engagements de compensation pris par l’État ont été mis en place pour cette raison. Pour autant, l’augmentation de la CSG n’est pas une bonne solution, et je souhaitais l’affirmer dans cette enceinte. Reste que je suis pleinement conscient des difficultés rencontrées par les départements pour faire face aux augmentations des prestations sociales.

En ce qui concerne la question posée par M. Alain Fouché sur le fond départemental et l’industrie nucléaire, je rappelle que le texte initial prévoyait un gel des fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle. L’Assemblée nationale l’a remplacé par un autre dispositif, et je crois savoir que la commission des finances est en train de revenir à la rédaction initiale, ou tout du moins à une autre rédaction. La question des fonds départementaux de taxe professionnelle et le principe de péréquation seront de toute façon traités dans cette assemblée.

Je terminerai en répondant à M. Adrien Gouteyron. Dans les EPCI à fiscalité additionnelle, c’est l’EPCI qui va toucher la cotisation complémentaire. Les communes ne touchent pas la valeur ajoutée dans le texte retenu par l’Assemblée nationale. Les communes touchent d’autres taxes, comme les taxes d’habitation et les taxes foncières. L’Assemblée nationale a situé la répartition de la cotisation complémentaire et l’a fixée sur les EPCI. Cette répartition diffère en fonction de l’organisation de ces derniers, selon qu’il s’agit d’EPCI à fiscalité mixte, à taxe professionnelle unique ou à fiscalité additionnelle. C’est en tout cas ce que prévoit le texte en l’état.

Dans le texte initial, il n’y avait pas de répartition de la cotisation complémentaire au sein du pôle regroupant commune et intercommunalité. L’Assemblée nationale a choisi les intercommunalités.

Je vous ai présenté l’état du débat aujourd’hui. Je ne vais pas l’ouvrir aujourd’hui, puisque vous aurez tout lieu d’en débattre durant les deux prochains jours et que ce dossier est plutôt piloté par Mme Christine Lagarde. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Excellent !

M. le président. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances se réunira ce matin à dix heures pour examiner les sous-amendements à son amendement à l’article 2, pour lequel elle demandera la priorité.

Articles de la première partie - articles 2 à 3 et 13 à 20 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Discussion générale

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 20 novembre 2009 à quatorze heures trente et le soir :

- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010). Examen des articles de la première partie.

Rapport (n° 101, 2009-2010) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 20 novembre 2009, à deux heures trente.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD