Article 54
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Culture

Article 54 bis

I. – Au premier alinéa de l’article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, l’année : « 2009 » est remplacée par l’année : « 2010 ».

II. – À la fin de la première phrase de l’avant-dernier alinéa du I de l’article 21 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009, l’année : « 2009 » est remplacée par l’année : « 2010 ».

La parole est à M. Jean-Claude Danglot, sur l’article.

M. Jean-Claude Danglot. Cet article, subrepticement ajouté au projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, règle le cas de la troisième grande garantie accordée par l’État dans le cadre du plan de sauvetage des marchés financiers conçu l’an dernier. Il vise la Caisse centrale de réassurance, habilitée à intervenir dans le champ de l’assurance-crédit, pour ce qui concerne les relations entre les établissements bancaires et les plus petites et moyennes entreprises.

Le rapport de la commission des finances fait état de la « protection » ainsi accordée à une cinquantaine de milliers de dossiers de prêt pour un encours de 1 100 millions d’euros, soit un montant moyen d’environ 20 000 euros par dossier.

Le coût budgétaire de la mesure est sans nul doute faible puisqu’il s’agit de l’appel en garantie et que cette garantie ne semble pas encore avoir dû jouer, mais le bilan de l’ensemble de l’opération est pour le moins mitigé.

Les entreprises confrontées à des difficultés d’accès au crédit sont, en effet, plus nombreuses, d’autant que le robinet s’est singulièrement resserré, et rien ne prouve, selon les indications dont nous disposons, que la tendance soit vraiment en train de s’inverser.

D’ici à penser que les trois articles dont nous débattons ont précisément comme raison d’être d’inciter les banquiers à desserrer les cordons de la bourse et à financer plus directement l’économie de production, il n’y a qu’un pas, que nous franchissons aisément.

En vérité, l’intervention publique est décisive dans les choix stratégiques des banques. Aujourd’hui, ces choix se résument à une orientation simple : comment se sortir au plus vite des difficultés dans lesquelles des années de déréglementation les ont plongées, avant de pouvoir recommencer au plus tôt comme avant ? Et le « comme avant » est de plus en plus évident : les banques françaises s’empressent de rembourser au plus vite la SPPE, qui leur a prêté de l’argent avec un taux de rémunération extrêmement faible, notamment au regard du redressement des cours.

L’État a, pour le moins, perdu une bonne dizaine de milliards d’euros en n’entrant pas dans le capital des banques, dont les pratiques n’ont pas véritablement changé, et en ne souscrivant auprès d’elles que des titres super-subordonnés, attribués sans droit de vote.

Tels sont les points qui nous amènent, à défaut d’expertise, à ne pas voter plus l’article 54 bis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote. (Manifestations de lassitude sur les travées de lUMP.)

Mes chers collègues, à défaut d’écouter M. Danglot, laissez-le s’exprimer, ne serait-ce que parce que le règlement l’y autorise.

M. Jean-Claude Danglot. La politique économique de tout gouvernement, notamment les aides accordées aux entreprises, nécessite que soit mis à disposition un bon appareil statistique. Notre collègue Odette Terrade a précédemment présenté les éléments relatifs à l’INSEE. Je ne reviendrai que pour mémoire sur la baisse des moyens financiers et humains dédiés à cet institut. Comme chaque année, les emplois diminuent : 203 emplois ont été supprimés cette année et le nombre des agents partant à la retraite augmente. En raison des politiques gouvernementales de réduction draconienne du nombre de fonctionnaires, ces personnels ne seront que partiellement remplacés.

Je souhaite évoquer le projet de délocalisation de l’INSEE à Metz…

M. le président. Mon cher collègue, en vertu du règlement, je vous ai donné la parole pour explication de vote sur l’article 54 bis. Or, manifestement, votre intervention porte non pas sur cet article, mais sur un point qui a déjà fait l’objet d’un vote. Aussi, à mon grand regret, je suis contraint de vous interrompre et je vous prie d’excuser cette sévérité, à laquelle, croyez-le bien, je m’astreins, mais la règle doit s’appliquer à tous de la même façon !

M. Robert del Picchia. Hier, je n’ai effectivement pas pu prendre la parole !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellente présidence !

M. le président. Je mets aux voix l'article 54 bis.

(L'article 54 bis est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » (et articles 53, 54 et 54 bis).

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Culture

Article 54 bis (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 35 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et articles 52 et 52 bis).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2,88 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 2,92 milliards d’euros de crédits de paiement sont demandés, pour 2010, au titre de la mission « Culture ».

Ces montants sont en augmentation significative par rapport aux crédits votés lors de la loi de finances de 2009 et vont au-delà des plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques. Ce dépassement résulte principalement de l’engagement pris par le Président de la République de pérenniser les moyens supplémentaires dévolus au patrimoine dans le cadre du plan de relance, soit 100 millions d’euros.

Monsieur le ministre, dans un contexte de pénurie budgétaire, votre mission tire donc son épingle du jeu et il est à souhaiter que ces crédits supplémentaires vous permettent d’apurer les passifs accumulés au fil des ans.

Comme je l’ai déjà souligné, l’accumulation de ces « reste-à-payer », pour technique qu’elle puisse paraître, est un réel facteur d’inquiétude, car elle peut porter préjudice à la « soutenabilité » budgétaire des politiques dont vous avez la charge.

Au cours des auditions que j’ai réalisées cette année, vos collaborateurs ont fait état d’un plan d’apurement de ces passifs qui semble porter ses fruits. La commission des finances s’en félicite et vous invite à poursuivre et à accentuer les efforts entrepris.

L’examen des crédits de la mission « Culture » a pour toile de fond la mise en œuvre du plan de relance et les suites de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

S’agissant du plan de relance, j’observe que les taux de consommation des crédits sont satisfaisants et traduisent le respect de l’impératif d’exécution rapide des mesures.

Dans le prolongement de la RGPP – cause d’une grève qui vient de débuter au centre Pompidou –, l’année 2010 sera celle de la réorganisation de l’administration centrale du ministère, dont la composition passera de dix à trois directions, « flanquées » d’un secrétariat général. Ces directions seront dédiées aux patrimoines, à la création artistique, ainsi qu’aux médias et aux industries culturelles.

La commission aimerait vous entendre confirmer, monsieur le ministre, que cette réorganisation permettra de rassembler un plus grand nombre de services dans l’immeuble de la rue des Bons-Enfants, conformément à ce que nous avions déjà préconisé. Nous souhaitons également savoir si ces réorganisations se traduiront, à terme, par une refonte de la maquette budgétaire et, en particulier, par une fusion des missions « Culture » et « Médias ».

Le temps qui m’est imparti étant limité, je vous épargnerai, chers collègues, une longue description des crédits des trois programmes pour en venir aux principales questions que suscite ce projet de budget pour 2010.

S’agissant du patrimoine, le Sénat aimerait tout d’abord connaître votre analyse, monsieur le ministre, des résultats de la politique de gratuité dans les musées conduite cette année. J’ai cru comprendre que cette politique avait produit des effets réels, mais contrastés et inférieurs à ceux de l’expérimentation de gratuité totale menée en 2008, ce qui n’est d’ailleurs pas franchement étonnant. Si ce diagnostic est avéré, quelles inflexions faudrait-il donner à cette mesure pour en renforcer le succès ?

Je relève, en deuxième lieu, que l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, fait toujours face à des problèmes structurels de ressources. Nous ne nous sortirons pas de ces difficultés persistantes par un énième « rafistolage » de la redevance d’archéologie préventive...

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. C’est vrai !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. ... ou par la pérennisation des subventions budgétaires du ministère. Et nous sommes fatigués de voter, chaque année ou tous les deux ans, des lois sur l’archéologie préventive… La situation financière de l’INRAP appelle une refonte totale de son mode de financement, certainement liée à un problème de refonte de la législation sur la taxe locale d’équipement. Nous aimerions connaître votre opinion sur ce point, monsieur le ministre.

Un dernier bémol doit être apporté en matière de patrimoine. Il intéresse le transfert de la maîtrise d’ouvrage au Centre des monuments nationaux, CMN. Nous avions critiqué, en son temps, les modalités de ce transfert, car nous estimions qu’elles compliqueraient encore le paysage de la maîtrise d’ouvrage culturelle – il y a déjà l’Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, l’ÉMOC, le service national des travaux, les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, etc. – et qu’elles aboutiraient à des circuits financiers complexes, comme on l’a vu dans le passé.

Dans l’attente des résultats de l’enquête que la commission des finances a confiée à la Cour des comptes sur le CMN, pouvez-vous nous présenter, monsieur le ministre, un bilan d’étape de la réforme de la maîtrise d’ouvrage culturelle et de son impact sur la situation économique des entreprises du secteur de l’entretien et de la restauration des monuments historiques ?

J’en viens, à présent, à la création, et plus précisément aux suites qui seront données aux entretiens de Valois sur le spectacle vivant.

Les orientations qui résultent de ces entretiens visent à clarifier les modalités d’intervention financière de l’État et à mieux les articuler avec celles des collectivités, à réexaminer la carte des équipements et à favoriser les rapprochements des structures.

Je gage que la mise en œuvre concrète de ces préconisations, auxquelles nous souscrivons, sera délicate et exigera autant de tact que de détermination. Pourriez-vous néanmoins préciser, monsieur le ministre, si des suites opérationnelles vont être données aux entretiens de Valois dès 2010 ?

S’agissant de vos crédits, je me félicite enfin qu’un effort particulier soit consenti en faveur des bourses d’études allouées aux étudiants des établissements d’enseignement artistique. Nous y voyons un signe de la promotion de la « culture sociale », dont vous avez fait l’une de vos priorités.

Je conclurai en abordant l’article 52 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Culture ».

Cet article prolonge et élargit l’application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui permettait aux collectivités territoriales de se porter candidates au transfert d’éléments du patrimoine. L’article 52 élargit le champ des monuments transférables et ne limite plus la procédure dans le temps. En contrepartie de ces évolutions, une clause permet explicitement au représentant de l’État de ne désigner aucune collectivité bénéficiaire du transfert, au vu de plusieurs critères, dont nous aimerions que vous nous précisiez la portée exacte.

Sous réserve de quelques amendements, la commission des finances approuve pleinement l’évolution qui nous est proposée par l’article 52. J’ajouterai, en toute immodestie, qu’elle s’inscrit dans la droite ligne de la « désétatisation » du patrimoine monumental que j’avais préconisée dans mon rapport de 2002

Au demeurant, je ne suis pas le seul à endosser la « paternité sénatoriale » de l’article qui nous est présenté puisque son dispositif reprend peu ou prou le texte d’une proposition de loi déposée à la fin de l’année 2008 par notre collègue Philippe Richert.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances invite le Sénat à adopter les crédits de la mission « Culture » et l’article 52 rattaché. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour apprécier le budget du ministère de la culture, le rapporteur pour avis de la mission culture que je suis dispose d’une pierre de touche : ce budget permet-il de faire progresser l’accès du plus grand nombre à la culture, de développer en France la démocratisation de la connaissance, de la découverte ou, d’une certaine manière, la démocratisation de la beauté ? Il s’agit là, en tout cas et plus que jamais, d’une ardente obligation.

À l’aune de ce critère, le budget pour l’année 2010 est incontestablement un très bon budget et, en tant que rapporteur pour avis depuis maintenant dix-sept ans de ce budget, je puis vous assurer que je n’ai pas dit cela tous les ans, monsieur le ministre ! Ce budget est un bon budget tant pour le programme « Patrimoines » que pour le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Cinq remarques me permettront d’en faire la démonstration.

La première porte sur un domaine qui est depuis de nombreuses années très important pour le Sénat : il s’agit des crédits du patrimoine. L’effort, considérable, est dans la droite ligne de l’engagement pris à Nîmes par le président de la République puisque 419 millions d’euros sont affectés à ce programme.

La mission d’information chargée d’étudier l’entretien et la gestion du patrimoine architectural, présidée par Philippe Richert et dont j’étais rapporteur, avait conclu à l’époque que, pour être un bon budget, celui du patrimoine devait se situer dans une fourchette de 350 millions à 400 millions d’euros par an. Nos espérances ont été dépassées ; cela est suffisamment rare pour que je le souligne aujourd’hui à cette tribune.

Cet effort permettra de rattraper le retard que connaissent, depuis de nombreuses années, les grands chantiers du patrimoine. Il permettra également, je l’espère, de poursuivre l’effort entrepris pour améliorer l’état sanitaire du patrimoine.

Il faut simplement souhaiter, et je le fais avec beaucoup d’ardeur, que, dans les années futures, cet effort soit poursuivi. Il y va de l’intérêt du patrimoine, mais aussi de l’attractivité de la France et de l’emploi dans notre pays. Je rappelle en effet que près de 250 000 emplois directs sont générés par le patrimoine.

Un seul souci explique les amendements que la commission de la culture a déposés : l’article 52 élargit les conditions de transfert du patrimoine aux collectivités territoriales.

Une première vague avait permis de transférer soixante-cinq monuments : cinquante-six l’ont été définitivement et neuf sont en cours de transfert. Le résultat était incontestablement positif, car les collectivités avaient consenti un effort financier important et fait de ces monuments un véritable symbole de leur territoire.

Il n’en demeure pas moins qu’il faut préserver un équilibre fondamental entre la nécessité de soutenir l’effort que font ces collectivités et celle de protéger l’intégrité du patrimoine transféré. C’est la raison pour laquelle je présenterai tout à l’heure, au nom de notre commission, des amendements qui permettront d’encadrer les conditions dans lesquelles sera transféré ce patrimoine.

Ma deuxième remarque porte sur les musées, auxquels sont consacrés 441 millions d’euros. C’est aussi un aspect fondamental de la démocratisation de la culture. Il faudrait peut-être inscrire sur le fronton de chacun de nos musées la citation de Paul Valéry qui figure sur celui du musée de l’Homme : « Ami n’entre pas sans désir » !

C’est en développant l’accès aux musées, leur démocratisation, que l’on arrivera à en faire un élément essentiel de l’accès de tous à la connaissance.

Un an d’expérimentation de la gratuité pour les moins de vingt-six ans : voilà une expérimentation encourageante, qui devrait permettre d’aller dans ce sens ; c’est le souhait que j’exprime dans mon rapport.

Je vous remercie, monsieur le ministre d’avoir poursuivi l’effort qui est important et nécessaire pour soutenir les musées des collectivités territoriales en même temps que la rénovation des musées nationaux.

Ma troisième remarque a trait aux bibliothèques. Indépendamment de l’effort qui est fait pour aider les collectivités à les multiplier, nous sommes face à un défi : celui de la numérisation à laquelle, récemment, notre commission s’est longuement attachée. Comme la langue d’Ésope, la numérisation est la pire et la meilleure des choses ! Elle doit permettre de s’adapter aux moyens par lesquels les générations nouvelles accèdent aujourd’hui à la connaissance.

Là encore, il faut simplement raison garder et préserver un équilibre. En effet, l’ouverture du livre à l’informatique est une perspective enthousiasmante, mais encore faut-il protéger les droits d’auteur et éviter l’uniformisation de la connaissance à travers la numérisation.

Si vous me permettez une confidence, monsieur le ministre, en matière d’informatique, je suis croyant, mais non pratiquant ! (Sourires.) Par conséquent, aujourd’hui, j’ai beaucoup de mérite à dire à quel point il est enthousiasmant d’accéder à la connaissance par l’intermédiaire d’internet.

Ma quatrième remarque concerne l’archéologie préventive, un autre point important qui a été évoqué par le rapporteur spécial de la commission des finances.

Le budget prévoit bien des crédits, mais ils sont destinés à colmater des brèches, comme cela se fait, année après année. À l’évidence, les nombreuses réformes que nous avons votées sur la redevance de l’archéologie préventive n’ont pas permis d’assurer la stabilité financière de l’INRAP. Il va sans doute être nécessaire de revoir le mode de financement de cet institut. La commission des finances a d’ailleurs demandé un rapport à l’inspection générale des finances.

Enfin, ma cinquième et dernière remarque touche l’enseignement de l’histoire des arts qui va maintenant irriguer les niveaux de l’enseignement secondaire et peut-être permettre enfin de compléter, d’uniformiser cet accès à la culture qui fera de chaque jeune l’« honnête homme » que l’on ambitionnait d’être au xviie siècle. Cette réforme me paraît fondamentale.

J’ai commencé mon intervention en disant que j’avais disposé, pour examiner ce budget, d’une pierre de touche, celle de la démocratisation. Certes, ce n’est pas la pierre philosophale, mais il n’en reste pas moins vrai que l’effort accompli est important. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication recommande au Sénat l’adoption des crédits du budget de la culture pour les deux missions que je rapporte. (Applaudissements sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.

M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai quelques-unes de mes observations et préoccupations concernant, d’une part, le programme « Création » de la mission « Culture » et, d’autre part, le secteur du cinéma.

S’agissant tout d’abord du «  Création », la hausse de 2 % des crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2009 recouvre en réalité une stagnation des crédits compte tenu de l’inflation. Ce programme fait donc figure de « parent pauvre » du budget. Tel est notamment le cas pour le spectacle vivant, pourtant en difficulté.

Cette évolution s’inscrit, certes, dans un contexte de hausse non négligeable au cours des années précédentes, mais aussi dans la programmation pluriannuelle de la mission « Culture », qui prévoit une stabilisation du plafond des crédits de paiement et une baisse des autorisations d’engagement en 2010 et en 2011.

Dans ces conditions, je m’inquiète du risque d’un désengagement de l’État au moment même où les collectivités territoriales sont, elles aussi, souvent confrontées à des difficultés budgétaires.

Il est vrai que le soutien aux secteurs de la création passe aussi par des réformes structurelles et que ces dernières avancent.

Les moyens nouveaux consacrés au spectacle vivant n’augmenteront que de 0,4 %. Ils bénéficieront aux opérateurs de l’État. Mais les crédits des autres institutions, situées à 85 % en région, stagneront. Dans ces conditions, nous nous inquiétons pour l’avenir du spectacle vivant.

Par ailleurs, si nous comprenons l’intérêt de créer, avec la Philharmonie de Paris, un équipement capable de rivaliser avec les plus grandes salles mondiales et de disposer ainsi d’un pôle musical très fort au nord-est de Paris, nous nous soucions néanmoins de voir que les grands projets parisiens concentrent une part essentielle des moyens budgétaires.

Les entretiens de Valois se sont conclus le 2 juillet 2009. Nous constatons que trois axes de réforme seront engagés. J’attire néanmoins votre attention, monsieur le ministre, sur la lassitude de nombreux professionnels, qui craignent l’absence d’avancées concrètes.

Les arts plastiques bénéficieront, quant à eux, d’une forte hausse – de 6 % – des crédits de paiement. En revanche, les crédits destinés au livre et à la lecture n’augmentent que de 1,55 % : c’est peu. Les moyens de Centre national du livre doivent être renforcés pour permettre à celui-ci d’assumer ses nouvelles fonctions. L’ajustement de l’assiette de la taxe relative aux appareils de reprographie, de reproduction et d’impression est nécessaire. Nous formons le vœu que ce sujet soit traité dans le prochain projet de loi de finances rectificative pour 2009.

Pour ce qui concerne les bibliothèques, la dotation devrait diminuer en euros constants. Cela me contrarie fort au moment où l’enquête décennale sur les pratiques culturelles des Français montre que les relations de ces derniers avec le monde du livre se sont distendues et que les bibliothèques ont connu un léger tassement de leur fréquentation.

En revanche, j’approuve le lancement d’une nouvelle politique d’expérimentation de l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques municipales. Mais, monsieur le ministre, prenons garde à son impact, à terme, sur les budgets des communes !

S’agissant du cinéma, je relève avec satisfaction que le secteur de la production cinématographique est florissant. En revanche, le secteur de l’exploitation est source de préoccupations, car la hausse de 7,2 % des entrées entre septembre 2008 et septembre 2009 recouvre des évolutions très divergentes selon la nature des exploitations.

Alors que la fréquentation augmente pour la grande exploitation, notamment dans les grandes agglomérations, la moyenne exploitation et la petite exploitation souffrent d’un très sévère tassement de leur fréquentation. C’est pourquoi je regrette beaucoup que l’amendement de la commission de la culture visant à améliorer le dispositif permettant aux communes de les exonérer totalement ou partiellement n’ait pas pu être adopté samedi dernier par notre Haute Assemblée. Mais nous en reparlerons à l’occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2009, et je ne doute pas, monsieur le ministre, que, d’ici là, vous réussirez à obtenir un arbitrage favorable sur ce point.

S’agissant de l’emploi culturel, je relève des avancées réelles en matière de conventions collectives et d’accords interbranches. Toutefois, je m’étonne que la convention collective concernant le cinéma et l’audiovisuel n’ait toujours pas abouti, notamment en raison d’un point d’achoppement lié à la question des rémunérations dans le cas de la production de films économiquement fragiles.

Il faut sortir de cette situation. Les parties pourraient s’accorder sur les critères permettant de qualifier un film de « fragile » et sur les modalités de contrôle d’une telle qualification.

Pour autant, il conviendra de veiller à ce que les salariés concernés ne fassent pas office de variable d’ajustement. Il paraîtrait légitime que l’effort soit équitablement réparti entre tous ceux qui concourent à la production du film. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Enfin, vous le savez, je m’intéresse de près aux problèmes de numérisation, tant des œuvres cinématographiques que des salles.

Pour ces dernières, il est urgent de lancer le fonds de mutualisation qui sera géré par le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée. En effet, le développement d’un réseau à deux vitesses entraînerait une marginalisation, puis une disparition des petites salles non numérisées, ainsi que des effets pervers sur la programmation, la distribution et la diversité des films diffusés.

Monsieur le ministre, comment concevez-vous la coordination des interventions du CNC et des initiatives déjà lancées par des entreprises privées, afin que chacun puisse occuper sa place légitime ? Et quel sera le calendrier de mise en œuvre du fonds de mutualisation ?

En conclusion, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication est favorable à l’adoption des crédits consacrés au programme « Création » de la mission « Culture » pour 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le projet de budget pour 2010 consacré à la culture présente une hausse globale de 5 %, il comporte toutefois plusieurs facettes.

La valorisation du patrimoine constitue clairement la priorité budgétaire du Gouvernement. Les crédits de paiement qui y sont consacrés augmentent de 100 millions d’euros par rapport à 2009. Je ne peux que m’en réjouir, même si cette décision, particulièrement attendue après des années de restriction, s’inscrit dans une perspective historique, ce programme rattrapant enfin le retard accumulé.

Assurément, le patrimoine est le socle de notre culture. Il contribue au rayonnement de la France, mais aussi à l’attractivité de notre économie touristique.

Le groupe du RDSE sera attentif à ce que cette augmentation budgétaire soit pérennisée sur plusieurs années, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre.

Par ailleurs, à l’occasion de l’examen de la mission « Culture », il nous est proposé, par le biais de l’article 52, rattaché, d’étendre une procédure de reprise par les collectivités territoriales des monuments appartenant au patrimoine historique de l’État. Nous y reviendrons tout à l’heure, mais je tiens d’ores et déjà à vous dire que nous nous inquiétons des conséquences de l’élargissement de cette procédure, qui ne saurait aboutir à un désengagement de l’État en matière de sauvegarde et d’entretien de notre patrimoine ni se faire aux dépens des collectivités territoriales repreneuses.

Quant aux crédits de paiement du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », ils marquent un recul de 10 millions d’euros. L’influence de la RGPP engagée par le Gouvernement pèse sur le budget en termes d’emploi et d’organisation. Les personnels du ministère de la culture et des établissements publics, qui occupent 70 % des emplois, seront considérablement touchés par le non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite. Selon une formule sibylline du ministère, ces mesures permettront de respecter la trajectoire de diminution des emplois, c'est-à-dire de supprimer 249 équivalents temps plein sur trois ans.

En 2010, l’administration centrale devra donc réorganiser ses directions, dont le nombre passera de dix à trois. Les nouveaux périmètres ainsi créés distingueront le patrimoine, la création artistique, ainsi que les médias et industries culturelles.

Je voudrais aborder maintenant la situation contrastée du secteur associatif de la culture et de la communication. En dix ans, les 2 millions de bénévoles qui font vivre la création artistique et la culture de proximité ont contribué à une augmentation de 5 % du nombre d’associations répertoriées, qui sont aujourd’hui 204 800. Le soutien budgétaire de l’État doit maintenant suivre cette évolution, car les collectivités territoriales ne peuvent seules en définir l’orientation et en subir la charge.

Les acteurs du secteur associatif se trouvent souvent impuissants face au désengagement de l’État, qui concentre son action sur certains territoires privilégiés et des établissements de grande taille, comme le démontre l’utilisation des crédits alloués aux DRAC. Je souhaite relayer leur inquiétude : l’État doit veiller à ce que la conception des politiques culturelles continue à s’élaborer en partenariat avec le secteur associatif.

La préoccupante dégradation de l’industrie de la musique appelle également toute notre attention. Nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de la discussion des lois HADOPI 1 et HADOPI 2. La relance de ce pan de l’économie culturelle est cruciale. Elle ne peut passer, je l’ai souligné lors de nos précédents débats, que par la mise en place d’un système de licence globale.

Aujourd’hui, l’accès à la culture passe aussi par l’internet et le numérique, surtout pour les plus jeunes. La numérisation des fonds patrimoniaux en faveur des écoles et des bibliothèques est d’ailleurs lancée. Pour ma part, comme nous l’a suggéré M. Racine, président de la BNF au cours de son audition par la commission de la culture, je serai attentive à ce que soit élaborée une charte déontologique de partenariat entre institutions publiques patrimoniales et partenaires privés.

En effet, certaines inquiétudes persistent concernant le monopole des opérateurs et moteurs de recherche commerciaux. Notre rôle de parlementaires est bien d’accompagner la marche du progrès. Or il est indéniable que ces nouveaux outils démultiplieront les conditions d’accès du plus grand nombre à la culture et à la richesse des collections culturelles. Reste, assurément, à encadrer les conditions de leur progression.

Les questions numériques concernent également le domaine du cinéma, dont la production est plutôt florissante. La nécessaire numérisation des salles devra être accomplie rapidement. La mise en place du fonds de mutualisation en faveur de la numérisation des salles de cinéma me paraît déjà engagée par le CNC, même si, pour les petites salles municipales, le cap sera plus difficile à franchir.

J’en arrive au sujet qui nous préoccupe tous ici depuis de nombreux mois, et pour longtemps encore, je ne crois pas me tromper en l’affirmant : la réforme imminente des collectivités territoriales.

Dans cette perspective, monsieur le ministre, comment comptez-vous garantir le dynamisme des politiques culturelles des territoires ? Les ressources sont remises en cause, notamment par la suppression de la taxe professionnelle. Les collectivités locales se verront-elles contraintes d’arbitrer à la baisse les budgets consacrés aux actions culturelles ? L’avenir nous le dira !

Outre les compétences régaliennes qui lui incombent, l’État doit mettre en œuvre les moyens de corriger les inégalités entre les territoires. Or je n’en vois pas la traduction dans votre budget, monsieur le ministre ; je déplore même l’inverse ! Sont inscrits des grands projets principalement situés en Île-de-France : le Grand Paris, la Philharmonie de Paris, le Palais de Tokyo, le site historique de la BNF et le Centre national de conservation, de recherche et de restauration des patrimoines en Île-de-France. Comme l’année dernière, une exception notable concerne le MUCEM, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, situé à Marseille.

J’aurais souhaité, monsieur le ministre, que les efforts soient mieux répartis, notamment en direction des arts du spectacle vivant. Ce sont les vecteurs les plus efficaces de la démocratisation de l’accès à la culture et de l’aménagement du territoire.

Même si je salue la progression globale de 2 % des crédits du programme « Création », ainsi que la pérennisation, à hauteur de 15 millions d’euros, des ressources exceptionnelles extrabudgétaires affectées en 2009, permettez-moi de regretter une augmentation trop timide, de 0,4 %, de la dotation consacrée au spectacle vivant. Ce chiffre ne permettra pas de compenser le taux d’inflation, qui devrait atteindre cette année 1,2 %. Ne l’oublions pas, les coûts du spectacle vivant sont incompressibles. Ils reposent essentiellement sur des moyens humains. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que le spectacle vivant soit privilégié dans le budget que nous examinerons l’année prochaine.

Avant de conclure, je tiens absolument à évoquer très rapidement la question de l’éducation artistique et culturelle à l’école, dont je reparlerai lors de la discussion de la mission « Enseignement scolaire ». En la matière, il ne suffit pas de prendre des engagements : les moyens doivent suivre.

Ces enseignements ont été confiés, dans un premier temps, aux professeurs d’histoire-géographie. Mais le programme déjà très chargé de ces disciplines ne leur permet pas de consacrer du temps à l’éducation artistique, alors même que l’éducation civique a déjà du mal à trouver sa place. Il faut donc franchir une étape supplémentaire et mettre en place un programme à part entière, confié à des enseignants recrutés à cet effet. Garantir l’égalité d’accès à la culture pour tous, par le biais de l’école, est à ce prix.

Enfin, que sont devenues les préconisations des entretiens de Valois et les réformes qui devaient découler de cette concertation ? Quels crédits y sont consacrés ? Certes, affichant une volonté à toute épreuve, vous souhaitez œuvrer en faveur d’une politique culturelle ambitieuse. Mais, des engagements à la pratique, le chemin à parcourir est encore long !

Devant les fortes disparités affectant les différents programmes de la mission « Culture », la majorité du groupe du RDSE ne votera pas ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)