M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré les récentes déclarations gouvernementales, la sortie de crise n’est pas tangible !

Les chiffres du chômage du mois dernier sont là pour en attester : ils progressent de 1,3 % sur un mois et de près de 17 % sur une année. Nous sommes bien dans une situation extrêmement difficile.

D’ailleurs, le discours gouvernemental laissant penser que la situation nationale serait meilleure que celle de nos voisins européens est certes vrai pour certains, mais pas pour d’autres. Ainsi, l’Italie et l’Allemagne font mieux que nous : leur taux de chômage est inférieur à 8 %, alors que le nôtre flirte avec le niveau de 10 %.

Cette crise sans précédent a des effets catastrophiques sur l’ensemble de notre économie.

Elle est d’autant plus inquiétante qu’elle frappe très durement le secteur industriel. Or, tous les économistes le reconnaissent, c’est un secteur particulier et essentiel. II est le lieu principal des innovations technologiques et des gains de productivité. Un rapport récemment remis au Premier ministre, intitulé « Pour une nouvelle politique industrielle », considère que « même si la part des services dans l’économie s’accroît, une industrie solide est nécessaire à un équilibre vertueux de la balance commerciale et à la croissance ».

Ce secteur industriel a perdu plus de 125 000 emplois en un an, des disparitions qui enclenchent mécaniquement un effet domino. Les sous-traitants et les entreprises partenaires sont, à leur tour, touchés de plein fouet et, parfois – en tant qu’élus locaux, nous ne le savons que trop bien –, ce sont des territoires entiers qui sont déstructurés économiquement et socialement. Il suffit de considérer le secteur automobile pour s’en rendre compte.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre budget permettra-t-il de relever les défis qui sont les nôtres ? Saura-t-il apporter des réponses aux légitimes angoisses de nos concitoyens et de leur famille ? J’en doute !

Ma première remarque concerne l’évolution des crédits de cette mission. À périmètre constant, ils sont en baisse de 1,73 %, soit 410 millions d’euros. Dans le contexte actuel de hausse du chômage et de précarité, comment justifiez-vous cette contraction ? À nos yeux, elle traduit parfaitement la priorité que vous accordez au travail et à sa revalorisation... une priorité faite de discours, mais certainement pas d’actes !

Ainsi le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » est doté d’une enveloppe de 5,886 milliards d’euros, soit une baisse des crédits de 2,9 % par rapport à 2009. En réduisant les possibilités de financement, vous remettez en cause le potentiel des hommes et des femmes concernés à intégrer ou réintégrer l’emploi. Aujourd’hui, nous le savons bien, la croissance n’atteint que 0,3 % et ne permet pas le retour à l’emploi et la baisse du chômage.

En outre, ce sont particulièrement les jeunes qui sont concernés par cette situation. Le taux de chômage des 16-25 ans est passé de 18 % à 24 % et je ne parle pas des quartiers en difficulté et des banlieues. Dans les faits, un jeune sur quatre est au chômage : un quart de notre avenir collectif n’a pas sa place dans notre économie !

Quant aux femmes, les données parues dans le dernier rapport du Secours catholique laissent transparaître une situation dramatique : 42 % des femmes seules vivent uniquement de transferts sociaux, cette proportion passant à 60 % quand elles ont des enfants. La pauvreté et la précarité sont leur lot quotidien.

Dans un contexte où les plans sociaux se multiplient, les seniors qui éprouvent les plus grandes difficultés à retrouver un emploi ne sont pas épargnés. On aurait pu penser que le dispositif AER – allocations équivalent retraite, allait être reconduit en 2010. Ce n’est pas le cas, le Gouvernement se contentant tout juste de prolonger les entrées de 2009.

Le Comité national des entreprises d’insertion demande une juste revalorisation de « l’aide au poste ». Stable depuis de trop nombreuses années, cette aide est d’un montant de 9 650 euros et il est demandé de la réévaluer à hauteur de 12 500 euros, ce qui permettrait aux entreprises d’insertion de poursuivre leurs actions d’accès et de retour à l’emploi pour ceux qui en ont le plus besoin.

Bien sûr – Mme Procaccia l’a tout à l’heure souligné –, le Gouvernement a enfin compris que les contrats aidés pouvaient être, dans certaines situations, tout à fait utiles. Il est donc heureux – et nous l’apprécions – que le taux de subvention passe de 70 % à 90 %. Cela dit, le « contrat aidé » doit faire l’objet de politiques d’accompagnement et de formations, et c’est bien souvent là que le bât blesse.

Je veux indiquer également que les collectivités territoriales, que vous ne cessez de stigmatiser, investissent dans ces contrats aidés, auxquels elles croient. Elles prennent toute leur part dans le soutien à l’économie et aux populations victimes de la crise. Toutefois, cette dynamique ne doit pas être brutalement rompue lorsqu’il y a passage d’un dispositif à l’autre ; je pense en particulier au contrat unique d’insertion qui devrait voir le jour en janvier prochain.

Je voudrais une nouvelle fois attirer votre attention sur la situation de Pôle emploi.

Le Gouvernement avait promis – on en a déjà parlé, en particulier lors de l’examen du projet de loi sur la formation professionnelle – qu’un conseiller aurait à suivre au plus une soixantaine de personnes. Or, aujourd’hui, un conseiller a, en moyenne, la charge de 150 à 160 demandeurs d’emploi. Comment comptez-vous obtenir une amélioration du service rendu alors que les moyens font défaut ?

Que dire des contrats d’autonomie ? J’observe qu’en un peu plus d’un an et pour la somme faramineuse de 30 millions d’euros, seuls 1 000 contrats ont été signés.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Non !

Mme Christiane Demontès. La presse a récemment titré « La faillite du plan banlieue ». C’est dire !

Alors que l’économie mondiale est en pleine transformation, les entreprises sont confrontées à des choix multiples et doivent anticiper.

À cet égard, le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » revêt une grande importance. Vous diminuez, monsieur le ministre, les crédits de près de 12 %.

Cette logique qui sacrifie nos lendemains se retrouve aussi dans les programmes concernant la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, mise en place dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale de M. Borloo. La GPEC est un facteur déterminant pour éviter les restructurations brutales. Là aussi, vous passez de 11 millions d’euros à 7 millions d’euros.

Vous mécontentez tout le monde, les entreprises, comme la population active. Ce budget n’est pas à la hauteur, compte tenu de la situation que connaît notre pays. Il hypothèque notre avenir, pénalise les plus fragiles, les jeunes et ne constitue pas l’instrument adéquat pour faire face aux bouleversements importants de notre économie. Nous n’adopterons pas un budget qui nie la gravité de la situation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, très sincèrement, dans le contexte actuel, je reconnais que la tâche du Gouvernement n’est pas facile.

La première des difficultés est bien entendu liée à la situation économique particulièrement dégradée de notre pays.

Si la France résiste mieux que d’autres à la crise – mais elle n’est pas la seule –, il n’en reste pas moins que le chômage a progressé de 25 % en un an Avec une hausse de 52 400 inscrits, le nombre de demandeurs d’emploi a, le mois dernier, dépassé 2,6 millions, sans compter que la reprise qui semble s’annoncer ne produira sans doute pas ses premiers effets sur l’emploi avant neuf mois – aux dires des plus optimistes – et plus vraisemblablement pas avant un an.

Je suis bien sûr conscient que le Gouvernement n’est pas responsable de tout, notamment de l’ensemble de l’activité économique, et que sa marge de manœuvre est contrainte avec un tel déficit budgétaire.

Nous saluons les points positifs de ce budget : le financement en 2010 de 360 000 contrats uniques d’insertion dans le secteur non marchand et de 50 000 dans le secteur marchand ; les mesures de soutien à la formation en alternance ; la limitation au recours des préretraites.

Nous avons bien noté également que vous souhaitiez renforcer la politique de santé – il y a eu cette année quelques exemples dramatiques – et de sécurité. Cette politique voit ses crédits augmenter de 30 millions d’euros, ce qui représente une progression de 20 %.

Nous nous félicitons aussi de la volonté du Gouvernement de promouvoir l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, de maintenir l’emploi des seniors, dont un sur quatre seulement travaille encore à l’âge de soixante ans, taux qui est l’un des plus bas d’Europe.

Cependant, monsieur le ministre, malgré ce que je viens de rappeler, plusieurs éléments importants me semblent insuffisants dans le budget que vous proposez.

Les moyens financiers de la mission « Travail et emploi », dont les crédits diminuent à périmètre constant, ne sont pas à la hauteur des besoins : sur un total de 52  milliards d’euros dévolus au travail et à l’emploi, seuls 11,2 milliards d’euros sont directement affectés à la mission « Travail et emploi ». Onze autres milliards d’euros sont en fait des dépenses fiscales, et les trente milliards restants correspondent à des exonérations de cotisations sociales.

Je voudrais également souligner la très préoccupante situation de Pôle emploi. La fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC avait été faite – je l’avais dit en son temps – de manière précipitée. On voit le résultat aujourd’hui. Mme Lagarde s’était engagée à ce que chaque conseiller de Pôle emploi soit, à terme, en charge de 60 demandeurs d’emploi.

M. Guy Fischer. Mensonge !

M. Jean-Pierre Plancade. Or le ratio est aujourd’hui supérieur à 100. Je pense même qu’elle avait cité le chiffre de 30 pour les publics les plus en difficulté.

Autant vous dire qu’on est loin du compte et que les recrutements auxquels a procédé Pôle emploi cette année ne seront vraisemblablement pas suffisants.

En outre – et c’est là que le bât blesse le plus à mon sens –, l’accompagnement social prévu pour les personnes privées d’emploi est loin d’être suffisant, car de nombreuses études nous montrent que le nombre de personnes en situation précaire, celles qui précisément ont absolument besoin de ces aides spécifiques, ne cesse d’augmenter.

Nous pensons notamment que les crédits affectés à l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, ou à l’allocation équivalent retraite, l’AER, sont insuffisants parce qu’ils ne prennent pas en compte les nombreux chômeurs victimes de la crise qui arriveront en fin de droit et se retrouveront sans aucune couverture à la fin du deuxième semestre de 2010 et au début de 2011.

M. Guy Fischer. Et voilà !

M. Jean-Pierre Plancade. Enfin, je note que le programme « Accès et retour à l’emploi » voit ses crédits diminuer de 145 millions d’euros tandis que ceux du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » accusent une baisse de 11 %.

Tout cela va à l’encontre du renforcement absolument nécessaire de l’accompagnement social des personnes privées d’emploi, dont le nombre s’accroît et qui voient leur situation se dégrader. Cette dimension n’est pas assez valorisée dans votre budget. Vous comprendrez que, dans ces conditions, monsieur le ministre, notre groupe soit extrêmement réservé sur ce budget.

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'état, mes chers collègues, quel que soit l’endroit où je porte mon attention en matière de politique de l’emploi menée par le Gouvernement, je ne vois aucune bonne raison – et je m’en désole – de souscrire à l’optimisme souriant de Mme Lagarde, pas plus qu’à la vigueur auto-satisfaite du Président de la République.

Comme garde-corps en politique, je me remémore, aussi souvent que nécessaire, cet adage minimal : n’est pas devin qui veut. Il ne suffit pas de décréter que le pire est derrière nous pour que les Français y croient, surtout s’il s’agit d’un pari sur un avenir aussi incertain aujourd’hui qu’il l’était hier.

Il ne suffit pas que le Président de la République aille féliciter les salariés de Pôle Emploi pour que nous soyons dupes du succès de cette structure, quand nous savons que chaque agent a la charge de plus de 120 demandeurs d’emploi. Que le Président de la République en soit fier, c’est une chose. Qu’il croit, comme il l’a dit, que « le climat social est aussi apaisé qu’on pouvait l’imaginer », alors que les syndicats – même les plus modérés – dénoncent les difficultés croissantes des salariés, confine à l’aveuglement.

Les chiffres du chômage que vous nous servez ne reflètent pas la réalité puisque sont exclus : les salariés victimes de licenciements économiques bénéficiant d’un contrat de transition professionnelle ou d’une convention de reclassement personnalisé ; les radiations par défaut d’actualisation, soit 42,2 % en octobre dernier, de ceux qui se désespèrent et renoncent à chercher du travail face à la conjoncture actuelle ; les personnes en chômage partiel ; enfin, les demandeurs d’emploi des autres catégories de classement.

Il convient néanmoins de ne pas oublier que, derrière les promesses, les programmes, le marketing politique, il y a une réalité que vivent plus de quatre millions de Français et leurs familles.

Dans la vraie vie, monsieur le ministre – et tous mes collègues de bonne foi qui connaissent le quotidien de leurs concitoyens peuvent en attester – la réalité de l’emploi et ses conséquences partout en France sont une vraie catastrophe.

Alors, bien sûr, la crise a bon dos. Mais pendant ce temps, que faites-vous ?

En étudiant les chiffres, j’ai constaté que 580 000 destructions d’emplois marchands étaient intervenues en 2009, sans marge d’action puisque les outils de traitement conjoncturels sont déjà sollicités.

Vous pariez sur une normalisation progressive de l’activité économique pour 2010 ramenant ce chiffre à 190 000 destructions d’emplois. Une normalisation à 190 000, c’est ce que l’on appelle un oxymore !

Malgré ces chiffres, les dotations de la mission « Travail et emploi » pour 2010 sont en régression de 6,2 %.

Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » subit une coupe de 2,4 %.

Le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » est en diminution de 11,8 %. C’est ce que l’on appelle une anticipation joyeuse et optimiste, sans doute.

La mission « Plan de relance » a déjà absorbé 170 millions d’euros en autorisations d’engagement et 142 millions d’euros en crédits de paiement.

L’AER n’est pas reconduite en 2010, alors que le Gouvernement s’était engagé, lors du sommet social de février dernier, à prolonger l’ouverture de ce dispositif.

De même, aucune nouvelle entrée n’est prévue pour l’allocation de fin de formation. L’« aide au poste » dans les entreprises d’insertion n’a pas été revalorisée depuis huit ans. Le resserrement est à l’œuvre dans le cadre des dispositifs censés permettre le relèvement du taux d’emploi des salariés de plus de cinquante ans, prévu par le Plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors 2006-2010. Attention, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, 2010, c’est demain !

Le nombre de journées de chômage partiel a atteint 4,1 millions d’heures en 2008 et pas moins de 6,9 millions d’heures en 2009. Pour ce qui est de la « glandouille » que Fadela Amara promettait d’éradiquer, je m’en tiendrai à la remarque suivante : en la matière, il conviendrait de donner l’exemple en nous occupant en priorité des habitants des zones urbaines sensibles, les ZUS, qui, pour 33 % d’entre eux, vivent en dessous du seuil de pauvreté, cette proportion atteignant plus de 44 % pour les moins de dix-huit ans, qui sont les premiers touchés par les inégalités de revenus.

Je vous mets au défi d’emmener une délégation expliquer à ces personnes que, si elles sont pauvres et sans emploi, c’est parce qu’elles « glandouillent » !

Je finirai par les dépenses fiscales.

À l’instar du duo comique qui sévit sur Internet en décernant les « Satanas d’or », je propose de décerner au Président de la République le titre d’« Homme qui valait trois milliards », puisque c’est le prix que coûtera le cadeau fiscal consenti à la restauration.

On s’abstiendra de rappeler que les effets d’aubaine escomptés n’ont pas vraiment profité à ceux qui auraient dû en bénéficier. On n’a pas réellement assisté à une explosion de l’embauche dans ce secteur.

Pendant ce temps, à l’instar du Président de la République, qui affectionne les diversions, au lieu de vous soucier réellement de mettre en œuvre les moyens que requiert une situation économique frappant de plein fouet les plus fragiles, vous aidez les banques à réitérer leurs exploits. Vous aidez les grands patrons – saluons au passage l’immense courage qu’il a fallu à M. Estrosi pour doubler le salaire d’un patron d’entreprise publique –, vous baissez la TVA dans la restauration. Enfin, j’en viens à la fameuse diversion, vous vous achetez une morale en menaçant de punir les méchants employeurs qui font travailler depuis des années les vilains sans-papiers dans les secteurs dits « en tension ».

Soit dit en passant, expliquez-nous comment résoudre cette contradiction qui voudrait que ces méchants employeurs assument le risque d’une garde à vue en fournissant aux sans-papiers les fiches de paie requises pour fonder une demande de régularisation ?

Pour nous faire oublier vos choix en matière de fiscalité, vous attirez notre attention sur des problèmes qu’il nous faudra certes résoudre, mais qui ne pèsent pas lourd comparés aux 30 milliards d'euros d’exonérations sociales et aux 11 milliards d'euros d’exonérations fiscales que coûtent vos cadeaux hasardeux, parmi lesquels on peut citer les exonérations sur les heures supplémentaires, contre-productives en termes de création d’emplois.

Si nous ne pouvons souscrire aux orientations de cette mission du projet de loi de finances, c’est simplement par pur bon sens, celui-là même qu’une promenade sur le terrain vous ferait recouvrer ! Mais il vous faudrait vous éloigner des sentiers battus par les équipes de communication, des castings de figurants dociles et des caméras complaisantes. Il vous faudrait aller là où la fameuse valeur travail dont vous nous avez rebattu les oreilles pendant vos campagnes s’est terriblement désagrégée, jusque dans les rangs de ceux qui ont cru dans vos promesses, là où le chômage n’est pas une variable d’ajustement macro-économique, là où plus de 100 demandeurs d’emploi par conseiller de Pôle Emploi n’est pas seulement une donnée moyenne qui n’atteint pas son objectif, mais une source de découragement pour tous !

Ce n’est que sous réserve de la prise en compte de quelques suggestions auxquelles vous restez sourds, comme le prolongement de six mois de la durée d’indemnisation des chômeurs à 80 % des salaires, l’extension des contrats de transition professionnelle à l’ensemble des bassins d’emploi avec une durée d’indemnisation de deux ans, ou l’augmentation des coûts des licenciements pour les entreprises qui reversent des dividendes ou rachètent leurs propres actions, que nous pourrions prendre au sérieux la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nul besoin de dépenser 3 millions d’euros en sondage pour savoir que le chômage est la première préoccupation des Français. Avec la plus grave récession qu’ait connue notre pays depuis l’après-guerre, un chômage en augmentation de 30 % en un an et demi, un recours au chômage partiel plus que décuplé, il n’est pas difficile de comprendre que la véritable sortie de crise dépend de la reprise de l’emploi.

Les politiques en faveur de l’emploi sont donc au cœur des défis que nous a lancés cette crise sans précédent. C’est dire si nous nous attendions à voir le Gouvernement proposer des politiques innovantes, se mobiliser pour les victimes de la récession, lancer des pistes de réflexion, bref, investir massivement pour l’avenir.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » aurait dû connaître une augmentation aussi exceptionnelle que le sont les circonstances. Or, ils sont en diminution !

D’après notre rapporteur, cette diminution est factice. Le plan de relance, les dépenses fiscales et les exonérations de cotisations sociales concentrent, d’après lui, la réalité des efforts réalisés en matière d’emploi. Toutefois, même en tenant compte de cet argument, la pertinence des choix économiques et politiques du Gouvernement est douteuse.

Rappelons d’abord que, selon la Cour des comptes, l’impact des exonérations de cotisations sociales en matière de création d’emplois est très marginal, alors même que le coût de ces dispositifs est évalué à 30 milliards d’euros. Ces cadeaux pèsent sur le budget de la sécurité sociale, la couverture de nos risques se réduisant face à l’ampleur des déficits.

Avec de tels résultats, faire de la politique d’exonération des charges le dispositif le plus important en matière d’emploi augure mal de la suite, d’autant qu’un des reproches adressé à ce dispositif, outre celui d’être une trappe à bas salaires, est de ne financer que les emplois les moins qualifiés, donc les plus précaires. Aucune mesure n’est prévue pour soutenir et donner la priorité aux emplois à forte valeur ajoutée.

Quant aux dépenses fiscales, et donc au financement des heures supplémentaires, elles permettent justement d’éviter des embauches en jouant sur l’augmentation du temps de travail. Cherchez l’erreur !

Enfin, le plan de relance concentre les actions en faveur du reclassement des salariés licenciés économiques avec des crédits totalement prélevés sur la mission « Travail et emploi ». Or, il ne devrait prendre en charge que des mesures exceptionnelles et temporaires pour 2010. En gonflant artificiellement ses crédits avec des transferts provenant d’autres missions, le Gouvernement se borne à faire du recyclage pour justifier ses effets d’annonce.

Selon notre rapporteur, le Gouvernement aurait mobilisé une grande variété d’outils de lutte contre le chômage. M. Gournac a notamment cité en commission le recours au chômage partiel et les conventions de reclassement.

Monsieur le ministre, lutter contre le chômage en favorisant le chômage, et présenter cela comme un progrès et le fruit des efforts du Gouvernement, il fallait le faire. Vous l’avez osé ! Dans la catégorie des perles, on peut également mentionner l’affirmation de notre rapporteur selon laquelle « le Gouvernement a résisté à la tentation d’avoir recours aux dispositifs de préretraite ».

En réalité, au dispositif de préretraite s’est substituée l’utilisation par les entreprises de la rupture conventionnelle, c’est-à-dire le licenciement. Bref, le seul constat qui peut être dressé est que le taux d’activité des personnes de plus de 55 ans est toujours aussi bas.

Et ce n’est pas l’affirmation incantatoire du Gouvernement sur cette question qui devrait faire bouger les lignes, puisque la seule mesure concrète en la matière est l’instauration d’une pénalité de 1 % de la masse salariale à l’encontre des entreprises qui n’auraient pas signé le plan senior au 1er janvier 2010. Les entreprises concernées ayant une obligation de moyens, mais pas de résultats, on peut considérer qu’il s’agit d’un dispositif chargé à blanc.

Enfin, alors que la situation des jeunes ne cesse de s’aggraver, que leur taux de chômage en 2009 est d’un peu plus de 25 %, avec des pointes à 42 % dans les banlieues, les mesures qui leur sont destinées se résument à l’apprentissage.

Or, on le sait bien, de nombreux jeunes en qualification ne trouvent ni contrats ni lieux de stage, ce qui explique qu’une baisse de 10 % des contrats d’apprentissage et de professionnalisation ait été prévue en 2010. Si telle est la mesure phare du Gouvernement, elle se révèle peu porteuse pour les jeunes.

J’ajouterai que, lorsqu’on sait que plus de 62 % des diplômés de 2008 n’avaient toujours pas trouvé d’emploi un an après, on voit à quel point la question de l’insertion sur le marché du travail concerne tous les jeunes au-delà de leur niveau de formation. Face à ce constat, le Gouvernement ne propose rien.

Le temps m’étant compté, j’en terminerai là. Proposer au Parlement un budget si indigent alors que le chômage ne cesse d’augmenter et l’avenir de s’obscurcir est inquiétant.

Tout le monde l’admet : si la crise financière est peut-être derrière nous, la crise économique est toujours là et la crise sociale, encore devant nous. À l’examen de ce budget, le groupe socialiste ne peut que constater la démission du Gouvernement sur le front de l’emploi. Les Français apprécieront. Quant à nous, bien évidemment, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les chiffres du chômage en octobre sont mauvais, comme l’a reconnu avec franchise Mme Lagarde.

À l’évidence, le Gouvernement a été surpris par cette nouvelle et franche dégradation. Le directeur général de Pôle emploi lui-même s’est dit dans l’incapacité d’éclairer cette évolution. Quelques jours plus tôt, en réponse à une question d’actualité que je lui avais posée sur la situation de l’emploi observée en septembre, Mme Lagarde tentait, avec sincérité, de nous rassurer en évoquant une « décélération de la dégradation ».

Monsieur le ministre, alors que vous vouliez voir dans ce ralentissement de la hausse les premiers signes précurseurs d’une sortie de crise, vous voilà brutalement replongés dans le réel ! Cela a d’ailleurs conduit, il y a quelques jours, Mme Lagarde à reconnaître que « la tendance à la dégradation de l’emploi devrait se poursuivre quelques trimestres ».

À l’appui de votre analyse, l’OCDE estime que la hausse du taux de chômage pourrait bien ne pas s’achever avant le début de 2011, date à laquelle il pourrait dépasser le taux de 10 % en métropole. Le Premier ministre lui-même reconnaît que l’économie française ne recommencera à créer des emplois que lorsqu’elle retrouvera un niveau de croissance de 2 %.

Dans ce contexte, comment comprendre, et accepter, que les dotations de la mission « Travail et emploi » pour 2010, affichent, hors mesures du plan de relance, une diminution de l’ordre de 5 % ? Comment comprendre les réductions des dispositifs d’accompagnement comme le chômage partiel et l’allocation équivalent retraite ? Comment comprendre que la subvention que l’État accorde à Pôle emploi, qui est maintenue au même niveau que l’an passé, n’augmente pas ? Comme mes collègues l’ont fait remarquer, devant l’accroissement du nombre mécanique des demandeurs d’emploi, on peut craindre une nouvelle dégradation des conditions de fonctionnement de ce service public, qui est déjà particulièrement mis à mal.

Dans ce contexte de crise, la formation professionnelle aurait dû, vous en conviendrez, monsieur le ministre, trouver une place privilégiée dans le budget.

Or, pour ne prendre qu’un seul exemple, qui a également été évoqué par mes collègues, les contrats d’apprentissage sont en baisse d’une année sur l’autre, et dans des proportions très significatives. De même, la baisse des crédits pour 2010 concernant les contrats de professionnalisation est surprenante.

J’en viens à l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, dont la subvention est réduite de 20 millions d’euros. Cette diminution semble correspondre à une réduction de sa dotation d’investissement. Or, monsieur le ministre, jamais autant qu’aujourd’hui sans doute, cet organisme n’a eu besoin de budget pour entretenir le patrimoine que vous venez ou que vous allez lui transférer.

J’observe par ailleurs que l’AFPA se trouve, et j’ai déjà eu l’occasion de vous exprimer toutes mes craintes sur ce sujet, engagée dans un processus malthusien. Les embauches sont désormais gelées, alors même qu’elle devrait être au plein de sa capacité pour assurer l’accompagnement sur le marché de l’emploi et la sortie de crise.

Alors, non seulement je ne vous fais pas de procès d’intention, mais je vous donne pleinement raison lorsque vous déclariez il y a quelques jours dans Le Monde qu’il fallait des mesures plus offensives pour l’emploi. Or, ce projet de budget n’est, me semble-t-il, ni à la mesure du contexte observé, que j’ai décrit tout à l’heure, ni en phase avec vos propres déclarations. Comment expliquer ce décalage ? Je propose une hypothèse. Vous avez élaboré ce projet de budget sur un pari, celui de la sortie de crise dans les prochains mois. J’observe d’ailleurs que la tonalité du rapport de notre rapporteur Alain Gournac, sans doute rédigé avant que nous ayons connaissance des chiffres du mois d’octobre, le confirme : « En cette fin d’année 2009, plusieurs signes positifs permettent d’espérer que la période la plus difficile est maintenant derrière nous ».

Ce pari, on le constate aujourd’hui, est en fait une erreur d’analyse, qui rend caduque et dépassé ce projet de budget, avant même son début d’exécution.

(M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)