Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, le budget de la sécurité n’augmente pas.

Même si les rapporteurs pour avis se félicitent de la légère hausse du budget de la mission «  Sécurité », ils reconnaissent néanmoins qu’elle est absorbée immédiatement par l’augmentation du poste des pensions, étant donné le nombre important de policiers partant à la retraite. Certes, l’année qui vient de s’écouler appartient à une période de crise, mais la prévention de la délinquance et la sécurité relèvent essentiellement de politiques de long terme, pour lesquelles les efforts consentis ne devraient pas faiblir.

J’avais tenté de démontrer, lors de l’examen du projet de budget pour 2009 de la mission « Sécurité », pourquoi cette politique n’était plus une priorité pour le Gouvernement. Il apparaît aujourd’hui clairement qu’il en va de même cette année. Malgré les annonces du Gouvernement et du Président de la République, l’État ne manifeste pas de réelle volonté politique d’assurer la sécurité des Français dans les années à venir.

Cette année encore, le Gouvernement se félicite de la suppression de postes de policier et de gendarme, alors que les chiffres de la délinquance ne montrent aucune amélioration de la situation.

S’il est déjà paradoxal de réduire les effectifs des forces de l’ordre tandis que les chiffres de la délinquance tendent à augmenter – je ne reviendrai pas sur l’éternel débat de la véracité des chiffres –, il est surtout assez incompréhensible que cette réduction des effectifs intervienne alors que de nouvelles missions sont attribuées aux forces de l’ordre !

Ainsi, prenons l’exemple des unités territoriales de quartier : si nous nous félicitons de ce que, après avoir supprimé la police de proximité, vous la rétablissiez sous une autre dénomination, il est curieux de le faire dans un contexte de réduction des effectifs !

Mais par-dessus tout, monsieur le ministre, les fonctionnaires de police souffrent, ce qui les amène à descendre dans la rue, comme hier à Toulouse et aujourd’hui dans toute la France.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. C’est le fait d’un seul syndicat…

M. Charles Gautier. Ils vous disent régulièrement le malaise qu’ils ressentent au quotidien. Ils nous alertent nous aussi, parlementaires !

Les policiers en ont assez de la politique du chiffre – ils parlent d’ailleurs de « bâtonite » ! Cela pourrait prêter à sourire si le sujet n’était aussi grave. De plus en plus de fonctionnaires s’interrogent sur leur utilité sociale et sur la manière dont on leur demande d’accomplir leurs missions. Ils déplorent la logique de production imposée depuis sept ans, qui laisse très peu de temps à l’investigation, creuse le fossé avec la population et finit même par saper l’efficacité des services de police. En 2010, les policiers devront continuer à faire toujours plus avec moins d’effectifs, pour gagner la même chose, contrairement à ce qui avait été promis…

La situation est alarmante. Cette année encore, le projet de budget qui nous est soumis nie, dans sa présentation, l’existence du Parlement. En effet, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est censé encadrer les moyens alloués à la sécurité intérieure pour la période 2009-2013. Or ce texte n’a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale que le 27 mai dernier et, qui pis est, il n’a même pas encore été inscrit à l’ordre du jour ! Nous devons donc nous prononcer sur la deuxième année d’exercice d’un projet de loi qui n’a pas encore été adopté par le Parlement ! Cette absurdité est assez révélatrice de la façon dont le Gouvernement considère les travaux des parlementaires !

Cette année encore, le Gouvernement se repose sur la bonne volonté des maires des communes les plus défavorisées, qui doivent faire face au quotidien aux violences. Les élus locaux sont de plus en plus seuls face aux citoyens qui les sollicitent sur ces questions. Les maires sont les pivots des politiques de prévention de la délinquance, et vous avez renforcé leur rôle en la matière. Lorsqu’ils constatent que les effectifs de police sont insuffisants, ils créent une police municipale !

À cet égard, les chiffres sont éloquents : en 2008, les forces de l’ordre ont perdu 6 000 agents ; dans le même temps, les communes se sont dotées de 6 000 agents affectés à la sécurité publique… Vous pouvez bien vous féliciter de la meilleure répartition des effectifs sur le territoire : dans les faits, ce sont les municipalités qui subissent les baisses d’effectifs qui sont obligées de pallier les carences de l’État. En cette période de réforme des collectivités territoriales, ces chiffres sont tout à fait frappants !

Et c’est aussi vrai pour la vidéosurveillance ! Les élus répondent à la pression du Gouvernement, qui présente la vidéosurveillance comme l’outil magique en matière de sécurité. Ils se dotent donc de tels systèmes, mais qui les finance ? Certes, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, va encore servir à 80 %, comme l’année passée, à financer ces installations, bien qu’il ait été créé à d’autres fins, désormais négligées ! Mais qui financera l’entretien du matériel ? Qui financera les emplois qui doivent nécessairement accompagner la mise en place de la vidéosurveillance ? Là encore, les collectivités locales financent des politiques essentielles pour les citoyens, mais dont l’État se désengage presque totalement !

Le Gouvernement continue d’annoncer la multiplication du nombre de caméras de vidéosurveillance, le Président de la République s’étant exprimé en ces termes le 24 novembre dernier : « Le ministre de l’intérieur a prévu, et je le soutiens totalement, […] que si un maire refuse l’installation de vidéosurveillance sur son territoire, le préfet puisse se substituer à ce maire. »

La question n’est plus, aujourd’hui, de savoir si l’on est pour ou contre la vidéosurveillance, mais de savoir comment nous la mettons en œuvre en France.

Plusieurs études montrent que c’est non pas le nombre de caméras qui assure son efficacité, mais l’intelligence des systèmes mis en place.

Le rapport d’information que M. Courtois et moi-même avons rédigé démontre aussi que l’encadrement juridique actuel de la vidéosurveillance est totalement désuet. Il est donc urgent, avant de pousser les élus locaux à se doter de systèmes de vidéosurveillance, de réformer les textes afin de garantir tous les droits de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, notre groupe est en désaccord avec vos orientations politiques en matière de sécurité et votera donc contre les crédits de la mission « Sécurité ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Sécurité » est en hausse, avec 16,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 16,3 milliards d’euros de crédits de paiement.

Si l’on ne constate pas la baisse de la délinquance que vous ne cessez de mettre en avant et qui est l’objectif premier de cette mission, monsieur le ministre, on observe en revanche une forte baisse des effectifs de policiers.

Aujourd’hui, chose suffisamment rare pour être relevée, les policiers manifestent dans plusieurs grandes villes de notre pays : c’est dire l’ampleur de leur mécontentement ! Ils expriment ainsi leur colère d’être sacrifiés sur l’autel de la RGPP et des réductions d’effectifs qui l’accompagnent, mais ils manifestent aussi pour dire qu’ils refusent votre politique du chiffre qui transforme le policier en « un robot qui doit placer en garde à vue et verbaliser de manière automatique », selon les mots de M. Nicolas Comte, secrétaire général du premier syndicat de gardiens de la paix.

Ainsi, votre projet de budget prévoit la suppression de 1 390 équivalents temps plein travaillé dans la police nationale et de 1 354 dans la gendarmerie nationale. Or, comme vous le dites, monsieur le ministre, malgré la baisse des effectifs, les dépenses de personnel augmentent encore. De nouvelles suppressions d’emplois sont donc à attendre pour l’année prochaine…

En effet, la baisse des effectifs s’inscrit dans un processus triennal qui vise à supprimer environ 4 000 ETPT de policier, en particulier dans le corps d’encadrement et d’application, et 3 000 de gendarme, essentiellement parmi les sous-officiers.

Nous allons d’ailleurs nous prononcer sur des crédits qui vont servir à l’application de la LOPPSI 2, alors même que ce texte n’a pas été examiné par les assemblées, ce qui montre au passage votre profond attachement aux prérogatives du Parlement, que vous avez prétendument renforcées.

Vous avez donc pour objectif d’améliorer la productivité des policiers, mais même le syndicat Alliance a dénoncé cette politique du chiffre, qu’il juge, fort justement, contre-productive. Votre politique visant à « faire mieux pour moins cher » ne peut réussir en supprimant massivement les postes.

Or, lorsque vous mettez en avant l’objectif de mutualisation des structures et des formations, la politique d’achats groupés, le regroupement des fichiers, c’est bien vers une réduction des moyens offerts aux forces de l’ordre que l’on s’achemine.

Il est ainsi incroyable que votre budget, qui suit donc le plan triennal de réduction des effectifs, supprime tous les emplois créés à la suite de la LOPSI 1 : le manque de cohérence est flagrant.

Comment pouvez-vous, dans ces conditions, prétendre faire durablement baisser la délinquance et renforcer la lutte contre les violences aux personnes, ainsi que contre le phénomène des bandes ?

S’agissant de l’extension de l’utilisation de la vidéosurveillance – pudiquement appelée « vidéo-protection » –, qui serait, selon certains, une « technique d’avenir », le projet de budget prévoit notamment l’installation de 1 200 caméras dans Paris, pour un coût de 120 millions d’euros. À mon avis, monsieur le ministre, vous devriez écouter les critiques que formulent ceux qui ont expérimenté la vidéosurveillance, en particulier les policiers britanniques, qui soulignent son inefficacité !

Votre projet de budget, qui fait une grande place à l’utilisation de la technologie, néglige le contact avec la population, alors même que celui-ci est essentiel pour trouver des remèdes durables – mais encore faut-il en avoir la volonté – aux problèmes liés à la délinquance.

Dans cette optique, le développement d’une police de quartier, proche des préoccupations des populations, doit prévaloir sur l’organisation occasionnelle d’opérations « coup de poing », largement médiatisées mais qui se révèlent inefficaces dans la durée.

Je profite de cette occasion, monsieur le ministre, pour vous demander où en est la mise en place de la police d’agglomération parisienne. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur ses missions, notamment en matière de lutte contre les trafics de drogue, sur le territoire dont elle a désormais la charge ?

La police technique et scientifique est le seul secteur qui voie ses effectifs augmenter, avec 249 ETPT supplémentaires. À première vue, cela peut paraître une bonne chose, à ceci près que cette augmentation d’effectifs aura manifestement pour conséquence un développement des fichiers d’identification, y compris pour lutter contre la petite et moyenne délinquance. Des dérives pouvant porter atteinte aux libertés individuelles sont donc à craindre.

L’autre nouvelle « grande idée » est l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs délinquants de moins de treize ans, alors même que de nombreux tribunaux administratifs ont invalidé les arrêtés municipaux instituant un couvre-feu pour les mineurs.

Nous voici donc devant un exemple typique de votre politique de pur affichage pour occuper le terrain sécuritaire ! Si elle devait être adoptée, cette idée, vous le savez, serait inapplicable. Surtout, elle aurait pour conséquence, sur le terrain, de détourner les policiers de tâches plus importantes, alors même qu’ils ont déjà reçu pour mission prioritaire, de votre part, de faire la chasse aux étrangers et aux sans-papiers. En détournant la police de ses missions premières, c’est vous, monsieur le ministre, qui permettez la hausse de la délinquance !

Vous continuez ainsi votre offensive sur le terrain sécuritaire avec des propositions qui remettent en cause les libertés publiques, mais n’apportent rien sur le plan de la lutte contre la délinquance. D’ailleurs, les chiffres que vous avancez pour démontrer une baisse de la délinquance nous laissent aussi dubitatifs que nombre de magistrats et de policiers.

On est donc en droit de s’inquiéter lorsque l’on vous entend dire, monsieur le ministre, que vous reportez l’examen de la LOPPSI 2 pour « la muscler dans sa partie normative »…

La délinquance trouve ses racines dans les difficultés sociales et économiques que nos concitoyens endurent. Or vous ne faites rien pour remédier à ces difficultés. Bien au contraire, votre politique détruit le lien social et le désengagement de l’État dans tous les secteurs de la vie quotidienne en est devenu le symbole. Surtout, elle ne cesse d’aggraver les inégalités, en favorisant les plus riches.

Bien sûr, nous n’excusons pas les délinquants, mais, pour traquer la délinquance, il faut d’abord, nous semble-t-il, en définir les causes et s’y attaquer. Puisque vous faites fi d’une telle démarche, votre politique, dont ce projet de budget est une illustration, ne pourra qu’échouer. C’est pourquoi, sans grande surprise, notre groupe votera contre les crédits alloués à la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité », cela ne fait nul doute, est au cœur des problématiques de société les plus actuelles, non pas seulement sur notre territoire, mais aussi, de façon plus large et plus globale, bien au-delà des frontières européennes. Chaque pays cherche à appliquer à ces phénomènes, avec sa culture, ses traditions, ses appareils juridiques, sa propre conception de la sécurité.

Je voudrais pouvoir me féliciter de l’application, au pays des droits de l’homme, d’une politique équilibrée, généreuse, forte des valeurs de respect de la dignité de tout un chacun. Ce vœu me paraît être pleinement partagé, mais sa mise en œuvre trouve des voies divergentes.

En premier lieu, je veux relever, monsieur le ministre, la détermination de votre administration à donner une meilleure cohérence et, dès lors, une meilleure efficience aux structures.

La fusion entre la Direction de la surveillance du territoire et les Renseignements généraux, par exemple, est effective à l’échelon central, même si, dans les départements et les régions, il semble bien que chacun cherche encore à définir son nouveau cœur de métier.

Le rapprochement – vous m’aviez reprise, monsieur le ministre, lorsque j’avais utilisé de façon erronée le mot « fusion » – entre police et gendarmerie s’est opéré sans grand retentissement. Il est vrai que la police et la gendarmerie avaient pris, depuis plusieurs années déjà, l’habitude de mieux coopérer, selon une meilleure complémentarité, dans leurs domaines communs d’intervention. La loi du 3 août dernier, dont on peut regretter la promulgation tardive, ne faisait en fait que rendre effectives les mesures arrêtées dans la loi de finances de 2009.

La réorganisation en cours des structures de police à Paris et dans les départements de la petite couronne vient conclure une réflexion depuis longtemps engagée et qui a pour mérite de s’adapter aux nouvelles modalités de la délinquance.

Comment ne pas se satisfaire, également, du retour de ce que l’on appelait, dans les années 1997-2002, la police de proximité, et qui a été rebaptisée « unités territoriales de quartier » ? Aujourd'hui comme hier, les policiers affectés à ces entités ont pour mission de développer la connaissance des quartiers et de leur population, et de créer des liens de confiance.

En deuxième lieu, je voudrais saluer les efforts faits par votre ministère pour donner, tant à la police qu’à la gendarmerie, les moyens techniques modernes nécessaires pour assurer leurs missions : développement de la vidéosurveillance, équipement des voitures de patrouille pour participer à la lutte contre la criminalité routière, amélioration des capacités d’investigation par l’utilisation de nouvelles technologies, renouvellement du parc automobile et du parc de motos… Autant d’outils qui améliorent le fonctionnement des services, mais aussi qui se voient et donnent une meilleure image de la police à l’extérieur.

Mais, en troisième lieu – il faut bien, monsieur le ministre, que j’en vienne à ce « mais » –, le budget de la mission « Sécurité » est-il à la hauteur de vos ambitions ?

Je mesure pleinement les contorsions auxquelles donne lieu l’élaboration du budget de l’État et j’imagine qu’aucun ministre n’accepte de gaité de cœur de voir brider ses moyens : tous les domaines sont essentiels pour le développement harmonieux de notre territoire. C’est notamment le cas de la sécurité, mais l’augmentation de 1,3 % des crédits de paiement qui y sont affectés par rapport à l’exercice 2009 est bien faible rapportée à des projets qui impliquent, avant tout, la mobilisation des hommes.

Tout d’abord, comment concilier le principe de réduction des effectifs inscrit dans la RGPP avec la nécessité de déployer, dans le même temps, des moyens nouveaux pour faire fonctionner les unités territoriales de quartier, les compagnies de sécurisation des banlieues, la nouvelle police d’agglomération, les brigades de protection des familles ? Dans ce contexte, la suppression de plus de 2 600 emplois de policier ou de gendarme est très durement ressentie au sein des services.

Ensuite, ces projets nécessitent le développement de tous les moyens technologiques adaptés aux nouvelles formes de délinquance. Le déploiement du réseau de radiocommunication ACROPOL, qui a connu bien des vicissitudes, arrive à cet égard fort opportunément, moyennant 8 millions d'euros supplémentaires. C’est l’outil incontournable pour permettre à la police et à la gendarmerie, mais aussi aux services départementaux d’incendie et de secours et aux services d’aide médicale urgente, de bénéficier d’un degré de sécurisation optimal de leurs moyens de communication.

Les services de police ne disposent pas encore des moyens embarqués leur permettant de consulter efficacement les fichiers des contrevenants aux règles de la sécurité routière. Pourtant, les atteintes à cette sécurité-là constituent bien un des plus grands fléaux pour notre pays.

Parmi les nouvelles formes de délinquance, je ne voudrais pas manquer de citer la cybercriminalité.

Police et gendarmerie ont créé des services d’enquête adaptés à la traque des dévoiements de l’utilisation d’internet, outil dont on ne saurait nier l’intérêt. Mais, pour faire rendre raison à d’ingénieux criminels qui détournent l’outil informatique de sa vocation, il faut des hommes formés, ingénieux eux aussi et dotés de moyens performants. Quels moyens ont été réservés à cette mission, monsieur le ministre ?

Je pourrais bien entendu allonger la liste des domaines dans lesquels les besoins de financement sont criants, mais je suis sûre que vous disposez déjà de cette liste, sur laquelle vous avez dû cocher des priorités, « au cas où », et que vous saurez défendre vos ambitions.

Je voudrais, en dernier lieu, évoquer non pas tant des chiffres que des comportements, des habitudes de gestion, des modes de réflexion, et en particulier l’utilisation des statistiques. Qui pourrait nier que l’on fait dire aux statistiques ce que l’on veut, comme on le veut et quand on le veut ? Sur ce point, les statistiques de la délinquance sont éclairantes. La façon dont on « entre » les données, l’interprétation que l’on donne des notions de « fait constaté » et de « fait élucidé », l’importance accordée aux diverses catégories d’infractions, les outils statistiques utilisés, qu’ils appartiennent à la police ou à la gendarmerie : autant d’éléments qui peuvent jeter la suspicion sur les résultats présentés.

Je ne peux donc que me féliciter de ce que la collecte, la mise en cohérence et l’harmonisation des statistiques de la délinquance aient été confiées à l’Observatoire national de la délinquance. Je ne peux que me féliciter, également, de la volonté de cet observatoire de partager et d’échanger les analyses avec les autres administrations de l’État, en particulier l’éducation nationale. Je me demande, néanmoins, s’il n’y aurait pas intérêt à donner à cet instrument d’analyse un véritable statut indépendant, qui le mettrait à l’abri des critiques.

Les fichiers sont une autre source de préoccupation. Certes, ce thème est récurrent, mais il faut bien admettre que depuis l’affaire du trop fameux fichier EDVIGE, la vigilance est de mise. Nous sommes tous attachés à notre sécurité, mais aussi à notre liberté ; d’où les débats sur la vidéosurveillance, opportunément rebaptisée « vidéo-protection ». La multiplication des fichiers de police pose problème : ils étaient au nombre de cinquante-huit, l’an dernier ; on en compte sans doute soixante aujourd’hui. Ces fichiers, nous les voudrions tous nécessaires, tous opérants, mais pas tous interopérables ! C’est la raison pour laquelle nous sommes nombreux à nous interroger sur les protections juridiques à mettre en œuvre avant toute création de fichier. Je sais que ce problème fait aujourd’hui débat, et je suis de celles et de ceux qui souhaitent ardemment que l’on sorte d’un flou nuisible aux valeurs républicaines de liberté et de justice. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, le groupe RDSE, particulièrement attaché à ces valeurs, n’ignore pas pour autant les contraintes et les contradictions auxquelles vous être confronté. Nous aurions tous souhaité un meilleur budget, qui soit à la hauteur de l’estime et du respect que nous portons aux personnels placés sous votre autorité. Certains d’entre nous s’abstiendront pour exprimer leur insatisfaction, d’autres n’approuveront pas les crédits pour dire leur déception. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à associer à mes propos M. Antoine Lefèvre, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Je souhaite tout d’abord saluer le travail des trois rapporteurs et de M. le président de la commission des lois, ainsi que celui de l’ensemble des gendarmes et des policiers, dont les missions sont de plus en plus difficiles. Ces professionnels assurent au quotidien, avec dévouement et courage, souvent au péril de leur vie, la sécurité des personnes et des biens.

Le nombre des gendarmes et des policiers décédés en mission ne peut que nous interpeller. Ainsi, dans mon département des Ardennes, deux motards de la gendarmerie ont trouvé la mort, en 2007 et 2008, à cause de l’irresponsabilité et de l’inconscience de certains individus. Avant-hier, deux gendarmes ardennais de l’escadron de Vouziers ont été grièvement blessés au cours d’une mission à Mayotte. Incontestablement, l’aspect humain doit être privilégié, en insistant sur le respect et la reconnaissance dus à ceux qui se mettent au service des autres, de la collectivité tout entière.

L’examen des crédits de la mission « Sécurité » est pour nous l’occasion de constater que les engagements pris par le Président de la République alors qu’il était encore ministre de l’intérieur sont tenus. Nous nous approchons concrètement de cette sécurité durable que les Français ont appelée de leurs vœux lors de l’élection présidentielle.

Grâce à votre détermination, monsieur le ministre, la délinquance a diminué, au mois d’octobre 2009, de 6,21 % par rapport à octobre 2008. Mais si les chiffres sont résolument encourageants, si les choses vont mieux, nous avons encore du chemin à parcourir pour garantir une vie paisible et tranquille à tous les honnêtes gens dans nos villes, dans nos quartiers et dans nos campagnes.

Le projet de budget pour 2010 atteste que la sécurité est toujours une priorité de l’action gouvernementale, puisque plus de 16 milliards d’euros sont prévus pour financer cette mission budgétaire qui regroupe les crédits de la police et de la gendarmerie nationales.

Le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, est équilibré. Tout en augmentant les autorisations d’engagement de 3,29 %, vous avez su vous adapter à un contexte budgétaire difficile. Avec la crise sans précédent que nous connaissons, l’effort de rigueur doit être partagé par tous. Aussi les objectifs prioritaires sont-ils la réorganisation et la mutualisation des moyens, dans la perspective d’une optimisation de la dépense publique.

Ce projet de budget témoigne, en effet, de votre volonté de participer pleinement à la révision générale des politiques publiques et de votre engagement dans la dynamique du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, qui se traduit par la suppression de 2 632 postes cette année. Malgré cela, le nombre de recrutements demeure particulièrement satisfaisant en 2009, avec 4 400 emplois, dont 900 de cadet.

Ainsi, sans jamais affecter la capacité des forces de l’ordre, ce projet de budget répond à l’objectif essentiel de faire mieux à moindre coût. Force est de constater que les représentants de l’ordre l’ont bien compris, les syndicats de la police nationale étant globalement satisfaits. (M. Charles Gautier sourit.)

Ce projet de budget de la sécurité pour 2010 est bon, monsieur le ministre, car il vous donnera les moyens d’atteindre l’objectif que vous vous êtes assigné : garantir la sécurité partout et pour tous.

Votre politique de sécurité intérieure a pour ambition de faire reculer durablement toutes les formes de délinquance et de criminalité. Pour cela, elle tend à renforcer la lutte contre les violences faites aux personnes, notamment les violences intrafamiliales ou en milieu scolaire, ainsi que celles commises par les bandes, visées par la proposition de loi de M. Christian Estrosi que nous venons d’adopter.

Votre politique, par ailleurs, a pour objet de mieux réprimer les dégradations de biens, les cambriolages, les trafics de drogue, et de mieux prévenir l’insécurité routière, qui demeure un véritable fléau.

Votre projet de budget dote notre pays des moyens humains, de fonctionnement et d’équipement nécessaires pour lutter contre ces formes de violences.

La première ambition est d’amorcer les évolutions envisagées dans le cadre de la LOPPSI 2, qui est centrée sur la recherche de la performance.

Les moyens alloués à la sécurité, grâce à la LOPSI 1, adoptée le 29 août 2002, ont permis sur le terrain une réussite incontestable en matière de lutte contre la délinquance. Les objectifs quantitatifs de la LOPSI 1 ayant été remplis, il est donc légitime qu’ils cèdent désormais la place aux objectifs plus qualitatifs prévus dans le cadre de la LOPPSI 2. Le groupe UMP se réjouit de la présentation prochaine de ce nouveau projet de loi d’orientation et de programmation, qui mettra l’accent sur la modernisation, la mutualisation et le management, avec une dotation de 2,5 milliards d’euros.

La seconde ambition est de poursuivre les efforts engagés en termes de modernisation de la sécurité intérieure.

Nous nous félicitons du recours intensif aux nouvelles technologies, qui permettra de renforcer l’efficacité des forces de sécurité. Les systèmes d’information et de communication doivent être améliorés en permanence pour répondre aux performances croissantes des criminels, comme l’a rappelé Mme Escoffier.

À cet égard, le programme de développement accéléré de la vidéosurveillance apporte une pierre supplémentaire à un édifice d’une importance majeure pour la sécurité de nos concitoyens. L’efficacité de tels dispositifs pour améliorer de façon significative la sécurité quotidienne n’est plus à démontrer ; des expériences étrangères l’ont largement prouvée et des expériences locales menées en France l’attestent quotidiennement. L’opinion publique est d’autant plus prête à les accepter que de nombreux progrès ont été accomplis pour protéger la vie privée.

C’est pourquoi nous soutenons la volonté affirmée par le Président de la République, lors de son discours du 24 novembre dernier prononcé au Perreux-sur-Marne, de tripler d’ici à 2012 le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique. L’utilisation de la vidéo-protection constitue un véritable instrument de prévention, puisqu’elle intervient avant que les faits de violence ou les dégradations ne surviennent.

Le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, concilie ainsi les deux impératifs de prévention et de répression sur lesquels toute politique de sécurité doit se fonder.

Nous nous félicitons en outre des efforts engagés pour poursuivre la modernisation de la police technique et scientifique de masse afin d’accroître les capacités d’investigation et d’améliorer ainsi le taux d’élucidation.

Pour cette deuxième annuité de programmation, le projet de loi de finances privilégie les programmes d’investissement, notamment en matière de modernisation technologique, d’équipement et de logistique. Dans cette perspective, la police est dotée de 133 millions d’euros et la gendarmerie de 111 millions d’euros.

Une autre ambition majeure est le regroupement des moyens humains qui sont au service de la protection des Français, ainsi que le renforcement des coopérations entre la police et la gendarmerie.

La loi du 3 août 2009 consacre le rattachement organique et opérationnel de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Pour des raisons d’efficacité, mais aussi de bonne utilisation de l’argent public, des synergies devaient être recherchées afin que l’unité de commandement des forces de l’ordre se trouve placée entre les mains d’un seul ministre. Ce rapprochement s’est opéré, dans le respect toutefois des spécificités propres à chacun de ces deux corps, qui doivent demeurer. Il ne remet en aucun cas en cause les missions, la répartition territoriale et le statut militaire de la gendarmerie,…