M. Bruno Retailleau, rapporteur. Bien !

M. Hervé Maurey. L’Assemblée nationale, malheureusement, n’a pas amélioré le texte s’agissant du financement du fonds.

M. Michel Teston. C’est vrai !

M. Hervé Maurey. Notre collègue Xavier Pintat avait, dans sa rédaction initiale, proposé de demander une contribution aux opérateurs. La commission avait supprimé cette disposition.

Pour ma part, j’avais, lors de la première lecture, déposé un amendement visant à supprimer la taxe de 0,9 % instituée, pour financer l’audiovisuel public, par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Je proposais que cette taxe soit remplacée par une autre, de même taux, mais destinée à alimenter le fonds d’aménagement numérique des territoires. Une taxation de 0,9 % sur les opérateurs permettrait en effet le raccordement par la fibre de 380 000 foyers, mes chers collègues.

Il est assurément plus dans le rôle des opérateurs de financer la couverture numérique que l’audiovisuel public ou encore la suppression de la taxe professionnelle avec la création d’une taxe sur les pylônes ou d’une taxe sur les répartiteurs !

À l’époque, j’avais retiré mon amendement, en espérant qu’une réponse nous serait apportée dans le cadre du grand emprunt et, surtout, des réflexions susceptibles d’intervenir avant l’examen de la présente proposition de loi en deuxième lecture.

Aussi, madame la secrétaire d’État, je dois vous avouer ma grande déception lorsque j’ai appris que, selon toute vraisemblance, 2 milliards d’euros seulement seraient mobilisés en faveur du numérique au titre du grand emprunt ! Au regard des quelque 20 milliards d’euros dont nous avons besoin pour assurer la couverture en très haut débit de l’ensemble de notre territoire et des 30 milliards d’euros, voire plus, qui seront engagés dans le grand emprunt, une telle somme me paraît extrêmement faible et totalement insuffisante.

Je regrette que le Gouvernement semble ne pas avoir pris la mesure des enjeux du numérique.

Je le rappelle, la Commission européenne a clairement établi que le déploiement du très haut débit représentait 1 million d’emplois et 0,6 point de croissance annuelle supplémentaires ; cela me paraît extrêmement important.

Peut-être les décisions que le Président de la République annoncera la semaine prochaine nous réserveront-elles – en tout cas, je l’espère – de meilleures surprises…

Madame le secrétaire d’État, j’en appelle donc, par votre intermédiaire, au Gouvernement et au Président de la République, afin que cette somme de 2 milliards d’euros soit revue à la hausse.

Parmi les autres ressources envisagées pour financer le fonds figurent l’affectation d’une partie du dividende numérique, le recours aux fonds européens, la mise en place d’un mécanisme de péréquation dans lequel les départements les plus riches, c'est-à-dire ceux qui ont déjà une bonne couverture numérique, participeraient au financement des autres ou de nouveaux systèmes de taxation… Vous le voyez, nous sommes toujours dans la même situation : l’absence totale d’informations précises quant au financement du fonds !

C’est la raison pour laquelle le groupe de l’Union centriste a déposé un amendement visant à assurer un financement pérenne du fonds, faute de quoi ce texte ne relèverait – je le crois très sincèrement – que des bonnes intentions ! À mon sens, l’adoption d’un tel amendement permettrait de donner un contenu effectif à cette proposition de loi, pour que nous n’en restions pas aux vœux pieux.

Je suis certain que le vote de cet amendement permettrait l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi par notre Haute Assemblée. Je pense que nous sommes tous ici extrêmement attachés à la couverture numérique du territoire ; une adoption à l’unanimité serait donc un très beau symbole ! C'est la raison pour laquelle j’espère vraiment que cet amendement sera voté. (M. Paul Blanc applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est pour moi un grand plaisir de pouvoir débattre de cette proposition de loi, dont j’espère l’adoption très rapide.

J’aimerais pouvoir apporter en cadeau de Noël à la Lozère la certitude de l’accès au haut débit et de la couverture TNT ! (Sourires.) Cela ne se produira sans doute pas dès demain, mais c’est du moins en très bonne voie.

À cet égard, je tiens à remercier une nouvelle fois notre collègue Xavier Pintat, qui, fort de son expérience à la tête du syndicat départemental d’énergie électrique de la Gironde et de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, institution dont il assure la présidence avec talent, a su initier et proposer ce texte, d’ailleurs enrichi grâce à la qualité des travaux de la commission. J’en profite pour saluer nos rapporteurs.

L’examen de la proposition de loi a peut-être été un peu plus compliqué à l’Assemblée nationale, mais, au final, nos collègues députés ont tout de même enrichi le texte.

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Absolument !

M. Jacques Blanc. Madame la secrétaire d’État, comme l’ont indiqué les intervenants qui m’ont précédé, des décisions rapides s’imposent.

Ne passons pas à côté du grand emprunt ! Bien entendu, on peut toujours souhaiter qu’il y ait plus de crédits. Toutefois, d’après ce que j’ai compris, 4 milliards d’euros devraient être mobilisés en faveur du haut débit, dont 2 milliards d’euros seraient plus spécifiquement affectés au fonds. Peut-être nous confirmerez-vous ces chiffres, madame la secrétaire d’État.

Le volet consacré à la couverture pour la télévision numérique, qui était un peu moins important dans la version initiale de la proposition de loi, a pris une dimension dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Notre collègue évoquait tout à l’heure les territoires ruraux. Croyez-moi, en tant que sénateur de la Lozère, je sais ce que cela signifie ! Je connais le désarroi des maires de petites communes devant les sollicitations quotidiennes dont ils font l’objet, qu’elles émanent des habitants permanents, des touristes de passage, des entreprises ou des vacanciers ayant une résidence secondaire sur place.

La scène est toujours la même : « Alors, monsieur le maire ? Le haut débit, c’est pour quand ? Je ne peux toujours pas télécharger les photos ; mon ordinateur rame, avec vos 512 kilobits ! Pensez-vous que je doive acheter une parabole ? Et le dégroupage total, c’est pour quand ? »

La fibre optique a bien été installée à Auxillac, elle court d’ailleurs sur un fil électrique torsadé qui passe au-dessus de ma maison, mais on ne peut pas s’y raccorder…

Que va-t-il se passer ? Ce sont des interrogations très fortes ! Si nous sommes capables d’y apporter des réponses, nous aurons une chance de transformer en profondeur l’aménagement du territoire.

L’opérateur historique a équipé autant qu’il le pouvait nos villages en ADSL, mais, en même temps, il ne veut pas laisser ses fourreaux à la concurrence, ce qui pose parfois problème. Nous avons participé aux opérations d’installation, mais nous ne savons pas toujours qui est le propriétaire. Avec ce texte, nous serons fixés.

Je souhaite que cette proposition de loi fasse l’objet d’un vote conforme, afin d’éviter toute éventuelle remise en cause ultérieure, même si nous n’avons pas répondu à toutes les questions.

En effet, il est capital de pouvoir indiquer à nos interlocuteurs sur le terrain qu’un fonds a été créé et qu’il est déjà abondé. Certes, à l’instar de ce qui a été mis en place pour le fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, il faudra sans doute instituer de véritables mutualisations et ouvrir des possibilités de participations. Il nous appartiendra de mieux préciser les modalités de financement de ce fonds. Ainsi, nous pourrons éviter que ne se creuse le fossé entre les rats des villes et les rats des champs ! (Sourires.)

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, loin de menacer l’avenir de nos campagnes, l’évolution technologique peut leur fournir de nouveaux atouts. C’est dans cette perspective que l’intervention de la puissance publique s’impose, …

M. Bruno Retailleau, rapporteur. C’est même ce qui la justifie !

M. Jacques Blanc. … ainsi que la mise en place de nouvelles solidarités.

Au même titre que l’électricité, l’eau potable ou le téléphone hier, la présence du très haut débit est un critère de l’attractivité de nos territoires, donc du maintien des populations. C’est un service qui est demandé par les candidats à l’installation dans nos départements.

On nous dit que nos territoires sont préservés, mais ils ne le seront effectivement que s’il y a une présence humaine. Il faut donc que les programmes éligibles au fonds d’aménagement numérique des territoires soient définis le plus rapidement possible.

D’ailleurs, les collectivités locales ont déjà pris des initiatives en ce domaine. Ainsi, le département de la Lozère s’est saisi à bras-le-corps du dossier ; il a lancé une DSP là où c’était possible. Mais à quel prix ! Et il est vrai que cela ne pourra pas fonctionner sans solidarité nationale.

D’ailleurs, les projets qui sont actuellement en cours en matière de très haut débit pourront-ils être éligibles au fonds d’aménagement numérique des territoires ?

J’en viens à présent à la question de la télévision numérique. En l’occurrence, des avancées incontestables sont à noter. Je me réjouis que le problème des zones de montagne ait été pris en compte, puisqu’il doit y avoir un rapport spécifique sur le sujet.

En outre, vous avez annoncé tout à l’heure qu’il y aurait des aides complémentaires pour les particuliers ou pour les collectivités locales amenées à investir dans des petits relais ; c’est tout de même un élément important.

Madame la secrétaire d’État, nous aurons effectivement besoin de mieux garantir les modalités de financement du fonds. Pour autant, il me paraîtrait dangereux de relancer la navette en n’adoptant pas ce texte en termes identiques ; on ne sait jamais ce qui peut se produire ensuite…

Avançons et nous démontrerons une nouvelle fois que le Sénat porte de grandes ambitions pour l’aménagement du territoire !

Je remercie donc notre collègue Xavier Pintat de nous avoir permis de montrer que nous sommes, avec le numérique, au cœur des responsabilités qui sont les nôtres vis-à-vis des collectivités locales. L’aménagement équilibré et harmonieux du territoire est, de notre point de vue, une exigence permanente pour notre pays, et pour le monde ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’intitulé de cette proposition de loi fait référence à « la fracture numérique ». À mon sens, la formule n’est pas complètement pertinente.

En effet, il y a non pas « une » fracture, mais bien « des » fractures numériques. Si on ne perçoit pas cette réalité, on ne peut pas apporter de réponses aux problèmes que rencontrent nombre de nos concitoyens.

D’ailleurs, cette proposition de loi, qui était nécessaire, n’aborde le problème des fractures numériques que dans leur dimension technologique ou sous l’angle des infrastructures. C’est effectivement une étape obligée, mais elle est très largement insuffisante pour répondre à toute la problématique des fractures numériques non seulement sur notre territoire, mais également sur l’ensemble de la planète.

Si les infrastructures font partie de la solution, elles n’en sont qu’un aspect.

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Nous sommes d'accord !

M. David Assouline. En effet, imaginons que l’ensemble de nos concitoyens puissent demain avoir accès au numérique grâce à des infrastructures de qualité, comme nous le souhaitons tous : les fractures existeraient toujours, voire s’aggraveraient, si les autres dimensions du problème n’étaient pas abordées !

Je pense aux fractures sociales, au sens large, c'est-à-dire celles dont sont victimes les personnes âgées, isolées ou exclues de la société de l’information, et j’y intègre la fracture territoriale, qui est loin, de mon point de vue, de ne concerner que les possibilités techniques de réception ; elle est avant tout une fracture sociale entre les territoires.

Dans les zones rurales, les difficultés ne se limitent pas à la question de l’accès aux nouvelles technologies ; se pose aussi un problème d’information et de formation à leur utilisation.

Ce n’est, certes, pas l’objet de la présente proposition de loi – ce n’est donc pas une critique en soi –, mais, lorsque nous débattons ici des milliards d’euros que nous engageons, peut-être pourrions-nous également examiner de quelles lignes budgétaires nous pourrions disposer pour réduire les fractures dans l’accès à la culture et à l’information. À cet égard, l’éducation nationale a une responsabilité fondamentale, ne serait-ce que parce qu’elle concerne tous les enfants.

Les fractures seraient sans doute moins importantes si les efforts qui s’imposent à cet égard étaient réalisés. Je pourrais également mentionner les possibilités d’accès autres que l’abonnement individuel ; il y a très peu d’offres collectives pour ceux qui n’ont pas les moyens de se connecter à partir de chez eux.

Faute d’appréhender le problème en ces termes, nous aurons délibéré en pure perte et sans la moindre conséquence concrète pour des millions de nos concitoyens.

Le déploiement est dans une phase très avancée, notamment en ce qui concerne la télévision numérique. La région Alsace passera au tout numérique le 2 février prochain. Pensez-vous sincèrement, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous qui suivez de très près ces questions, que l’information a été diffusée en profondeur sur l’ensemble du territoire alsacien ? Les personnes âgées, par exemple, sauront-elles s’équiper d’un décodeur, l’initialiser et même s’en servir ?

Avec le hertzien, c’était simple, il suffisait de brancher le poste sur le secteur et d’avoir une antenne râteau ! Mais comment feront dorénavant les personnes âgées, qui vivent souvent isolées, parfois malades, et qui, pour certaines, n’ont d’autre visite que celle du facteur tous les quatre ou cinq jours ? Cette première expérience risque de nous ramener brutalement à la réalité : sans l’aide de quelqu’un pour effectuer les branchements et les réglages, puis expliquer comment l’installation fonctionne, ceux qui, aujourd'hui, sont déjà un peu exclus de la société de la communication risquent de se trouver demain devant un écran noir !

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Un article vise à préciser l’accompagnement des personnes vulnérables !

M. David Assouline. Oui, je le sais très bien, mais le tout-numérique, c’est pour le 2 février, et c’est du concret !

Nous avions pointé du doigt dès 2007 cette réalité, monsieur Retailleau.

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je suis d’accord !

M. David Assouline. Il nous a été répondu que l’expérience du Royaume-Uni avait été soigneusement examinée. Eh bien, parlons-en : les Britanniques ont mis trois ans pour préparer le terrain, en ne se contentant pas de la seule technologie mais en allant au fond des problèmes sociaux pour qu’il n’y ait pas de laissés-pour-compte.

Le numérique n’est pas un confort de plus que nous offrons aujourd'hui aux gens. C’est une nécessité absolue pour se mouvoir dans la société, avoir accès à la culture, à l’information, au travail, et parfois même pour exercer son activité professionnelle, puisque le numérique permet l’amplification du télétravail. Et je ne le dis pas seulement pour les ruraux, pour les personnes isolées, pour tous ceux qui, aujourd’hui, ne profitent pas du haut débit parce qu’ils sont « out » : cette technologie de l’information, qui envahit tout, n’est pas un luxe ; c’est désormais une dimension de notre quotidien avec l’avènement de la société de l’information.

La représentation nationale doit faire un effort particulier, et le Gouvernement aussi, représenté aujourd'hui par Mme la secrétaire d'État. Et je voudrais bien savoir où se trouve le centre d’impulsion, au sein du Gouvernement, pour que le sujet soit pris en compte par tous les départements ministériels.

L’éducation nationale, pour reprendre cet exemple, manifeste un désintérêt certain alors qu’il lui faudrait chercher à rattraper son gigantesque retard pour se mettre à la hauteur de ses homologues étrangers.

Pour avoir réalisé un rapport relatif à l’impact des nouveaux médias sur la jeunesse, je sais que l’éducation nationale compte des personnels convaincus, presque militants, pour lutter contre ce retard. Pourtant, aucune mesure n’est prise qui soit à la hauteur du problème.

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Il y a eu le programme « Écoles numériques rurales » !

M. David Assouline. Je connais tous ces programmes, et je peux vous dire que nous sommes en retard !

L’effort n’est pas à la hauteur, et pas uniquement en termes de compétitivité et d’intérêts. Il y va de la citoyenneté, de l’accès à la culture, à l’éducation. Il s’agit ici de réduire une fracture sociale profonde.

Il est faux de croire, parce que la globalisation est incontournable, que nous réduirons la fracture en nous contentant de fournir les moyens et les infrastructures.

Au contraire, la fracture se creusera davantage entre la sphère qui détiendra les codes, et pour qui tout sera de plus en plus facile, et la sphère qui sera de plus en plus perdue, de plus en plus à la dérive !

Tout cela doit absolument être pris en compte, associé aux éléments d’information que M. Teston a apportés sur le plan législatif et sur le plan technique.

Nous ne devons pas empêcher l’adoption de cette proposition de loi absolument nécessaire.

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Très bien !

M. David Assouline. Nous exercerons simplement notre vigilance dans cet hémicycle, et pas uniquement sur ce texte de loi, pour que le numérique entre dans la vie sinon de l’ensemble de nos concitoyens, du moins du plus grand nombre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons un texte qui vise à passer du haut débit au très haut débit et à effacer les zones d’ombre. La Réunion, elle, est dans l’obscurité totale !

Au vu des chiffres que je vais vous communiquer, vous déciderez des mesures nécessaires pour nous aider : chez nous, 1 mégabit coûte 60 euros ; en métropole, 20 mégabits coûtent 30 euros, soit pratiquement un rapport de 1 à 40 !

Par ailleurs, notre population est jeune. Les nouvelles technologies de l’information par des moyens électroniques effacent la distance et représentent le plus gros secteur de création d’emplois pour les années à venir.

Il faut savoir que l’île Maurice, voisine, a bénéficié de 700 millions d’euros d’investissements mauriciens, français et indiens. Les Chinois envisagent maintenant d’y investir 600 millions de dollars dans les trois ans qui viennent.

Nous ne sommes pas jaloux, mais si l’île Maurice se développe dans ce secteur, c’est que seule la productivité de la main-d’œuvre compte désormais, et non la distance.

Dans la mesure où la Réunion est dotée d’une université et de lycées, sachant que vous avez créé le Fonds stratégique d’intervention et que le grand emprunt sera consacré en grande partie à l’université, madame la secrétaire d'État, vous détenez entre vos mains les moyens de gommer la plus grande source d’inégalité qui existe outre-mer.

Jusqu’à présent, nous étions confinés dans l’assistance. Mais je ne suis pas monté à cette tribune pour quémander un triple play à tarif social en faveur des populations en difficulté ! Non, je suis ici pour vous faire une proposition.

Le Gouvernement a demandé à l’ARCEP un rapport sur le développement du secteur des communications électroniques dans les départements d’outre-mer ; ce rapport sera remis dans quelques semaines. Je vous propose donc, madame la secrétaire d’État, de mettre en place un groupe de travail qui associe votre ministère et les parlementaires qui s’intéressent à cette question afin d’analyser le rapport de l’ARCEP.

Si notre ami Bruno Retailleau l’accepte, je serais heureux qu’il se joigne à nous.

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Pas de problème !

M. Jean-Paul Virapoullé. Je veux analyser avec vous le rapport de l’ARCEP. Je veux connaître les verrous qui bloquent le développement économique de l’outre-mer. Je veux prendre connaissance des pistes de travail pour les vingt ans qui viennent. Je veux connaître les moyens que nous mettrons en place, madame la secrétaire d'État, main dans la main, pour sortir l’outre-mer de son mal-développement.

Le secteur dont vous avez la charge est prioritaire et porteur. L’année prochaine, les technologies de l’information et de la communication, les TIC, deviendront le premier secteur d’avenir, devant le bâtiment et les travaux publics.

Je vous présenterai tout à l’heure un amendement destiné à permettre aux régions qui ont été, on peut le dire, abusées par les DSP de revenir à des termes de négociation plus équitables qui permettront à leurs investissements, donc à l’argent public, de servir l’intérêt général.

J’attends du Gouvernement qu’il soutienne mon amendement.

Vous ne pouvez pas nous reprocher de tendre la main si, lorsque nous proposons de mettre en place les rails d’une modernité assumée et voulue, vous nous répondez par l’assistance !

La Réunion, comme les autres DOM, s’est engagée résolument sur la voie du développement, c’est-à-dire du travail, de l’effort et de la responsabilité.

Vous êtes chargée, madame la secrétaire d’État, d’un secteur qui crée des espoirs dans nos départements. Ne les décevez pas !

En tout cas, vous pouvez compter sur nous pour travailler avec vous, madame la secrétaire d'État, de sorte que l’année 2010 soit celle du Livre blanc sur les nouvelles technologies outre-mer.

Et, dans quelques années, lorsque les entreprises réunionnaises auront créé des milliers d’emplois et que l’assistance aura diminué en conséquence, vous pourrez alors vous féliciter avec nous de la dignité retrouvée des populations d’outre-mer.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous remercie par avance du soutien du Gouvernement et de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entrer plus avant dans l’examen du texte, je souhaite vous apporter quelques éléments de réponse.

Plusieurs d’entre vous, en particulier Hervé Maurey, Jacques Blanc, Michel Teston et Mireille Schurch, ont exprimé leurs inquiétudes sur la couverture du territoire par la TNT. Il me semble que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale leur apporte une réponse satisfaisante.

L’État consacrera 333 millions d’euros sur trois ans au déploiement de la TNT, dans la droite ligne de ce qu’a voulu le Sénat en première lecture. L’Assemblée nationale a prolongé cet effort en prévoyant 56 millions d’euros supplémentaires.

Par ailleurs, l’augmentation des puissances a un impact significatif sur l’amélioration de la couverture des territoires les plus défavorisés. J’ai communiqué les chiffres, département par département, à la commission. Ces données sont naturellement publiques.

Je sais que le besoin d’équité territoriale est important. Jacques Blanc, qui nous a parlé de la Lozère, a insisté sur ce point.

S’agissant du cofinancement des émetteurs, je me réjouis de constater que certains d’entre vous sont d’ores et déjà demandeurs. Nous aurons besoin de fixer une date limite pour le dépôt des demandes afin de nous assurer que les émetteurs complémentaires sont bien mis en place. En effet, les foyers qui seront couverts par ces émetteurs n’auront du coup pas droit à l’aide à la parabole et nous ne voudrions pas les en priver avant d’être certains qu’ils ont bien une autre solution. Un délai de neuf mois pour savoir si l’on se dirige vers l’une ou l’autre des deux solutions semble assez protecteur.

Un montant maximal et un montant minimal de cofinancement seront fixés en fonction des subventions accordées par l’État pour financer les paraboles dans le secteur géographique considéré. Plus la population concernée est importante, plus le cofinancement sera attractif, ce qui semble assez logique si l’on veut une mise en œuvre la plus intelligente possible.

Nous serons particulièrement attentifs à ce que, dans le cadre du cofinancement, les dépenses des collectivités soient des dépenses d’investissement. Le coût usuel pour un émetteur se situe entre 7 500 euros et 15 000 euros, pour un émetteur de taille moyenne.

Les commissions territoriales, nées d’une initiative de Pierre Hérisson, permettront une meilleure concertation, une meilleure anticipation et, surtout, un meilleur échange d’informations en amont sur tous ces sujets.

Michel Teston a opposé la notion de couverture minimale à celle de couverture maximale. Le terme « minimal » est mal choisi, j’en conviens : il frappe l’oreille de manière négative, mais, dans cette proposition de loi, il signifie « couverture garantie » et ne désigne pas la couverture la moins étendue possible.

En fait, cette disposition vise à sécuriser la liste complémentaire de 1 626 sites proposée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui s’avère très positive, puisqu’elle a permis d’augmenter le nombre de sites numérisés. Vous le voyez donc, « minimal » n’a pas le sens de « minimum », monsieur le sénateur.

En ce qui concerne la montée en débit des territoires et le très haut débit, certains d’entre vous, comme Hervé Maurey ou Michel Teston, ont souligné que l’on ne pouvait pas développer le très haut débit s’en s’assurer au préalable que l’ensemble des territoires disposaient déjà d’un accès au haut débit dans des conditions satisfaisantes.

Tel est l’objectif visé par le label « Haut débit pour tous » qui vient d’être lancé. Il s’agit d’un service minimum, je dirais même d’un service d’urgence, car je souscris aux propos de tous ceux d’entre vous qui ont souligné la nécessité de développer le haut débit, compte tenu du très grand bénéfice qu’il apporte. Ce service d’urgence permettra donc aux foyers des zones les plus reculées de disposer, généralement grâce à une offre satellitaire, d’un accès internet pour moins de 35 euros par mois tout compris, c’est-à-dire en incluant la location éventuelle du matériel.

Cet appel à projets a été « calé » sur un minimum de 512 kilobits par seconde, mais les candidats à ce label proposent déjà, ils nous l’ont dit, 2 mégabits par seconde. Ce débit sera certainement appelé à augmenter au fur et à mesure, c’est pourquoi il me semble dangereux de fixer un minimum dans la loi.

Par ailleurs, le texte adopté par l’Assemblée nationale demande un rapport et des propositions concrètes pour la montée en débit des territoires : j’y travaille actuellement avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Nous confirmons ainsi nos engagements sur l’accès de tous les Français au haut débit.

Telle est la réponse que je souhaite apporter ici à ceux d’entre vous qui, comme Michel Teston ou Mireille Schurch, privilégient l’approche du service universel.

Cette approche était adaptée pour le téléphone, mais il ne nous semble pas qu’elle le soit de la même manière pour le haut débit.

Le processus doit être progressif : la migration vers le très haut débit permettra aussi de faire monter en débit nos territoires, à condition, bien sûr, que les crédits restent réutilisables par la suite pour le très haut débit.

L’identification d’un certain nombre de fonds par la commission du grand emprunt national participe aussi de ce mouvement et constitue un espoir formidable.

Permettez-moi de revenir sur quelques ordres de grandeur. Certains d’entre vous ont cité des montants allant de 30 à 40 milliards d’euros pour la seule fibre optique. Je ne souscris pas à ces chiffres. En effet, après étude attentive, il apparaît que ce montant sera en fait amené à diminuer dans les prochaines années, à mesure que les investissements dans la fibre optique prendront de l’importance.

Par ailleurs, un certain nombre de foyers auront accès aux services de très haut débit grâce aux fréquences du dividende numérique. Tel est d’ailleurs bien l’objet du basculement vers la télévision numérique avec l’extinction de la diffusion en mode analogique. Pour ces foyers, la fibre optique ne sera certainement pas adaptée, car il faut savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette solution ne convient pas à toutes les situations et partout.

Pour répondre très précisément à M. Maurey, le besoin de financement pour la fibre optique dans les quinze prochaines années s’élève, selon nous, à 15 milliards d’euros, compte tenu des éléments que je viens de mentionner. Cette somme est globale et concerne toutes les zones, les plus denses comme les moins denses.

Ce financement sera, bien sûr, partagé entre l’État, les collectivités territoriales et les investisseurs privés : par exemple, dans les zones les plus denses, les investisseurs privés interviendront seuls. L’État n’aura donc pas à trouver 15 milliards d’euros.

Certains d’entre vous, comme Michel Teston et Mireille Schurch, estiment qu’il faut taxer les opérateurs pour abonder le fonds. À ce stade du développement des réseaux, cette approche nous semble très contre-productive, car elle aboutirait à un ralentissement des investissements. Or l’État ne peut pas assumer seul le financement de la fibre optique, et ce ne serait d’ailleurs pas légitime, puisque certains de ces investissements sont totalement rentables pour le secteur privé seul.

Les investisseurs privés devraient, à eux seuls, dans les six prochaines années, investir plus de 3 milliards d’euros. Par exemple, Free s’est engagé à investir, d’ici à 2012, 250 millions d’euros et nous avons mandaté la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre du volet numérique du plan de relance, pour 750 millions d’euros.

Dans ces conditions, vous comprenez bien que les deux milliards d’euros identifiés par la commission pour le grand emprunt national doivent permettre un effet de levier maximal sur un investissement privé d’ores et déjà prêt à se déployer.

Les collectivités locales, les fonds structurels européens représentent déjà, depuis quelques années, un investissement de plus de 1 milliard d’euros.

En fait, au total, entre 6 milliards et 7 milliards d’euros d’investissement sont déjà mobilisés en faveur du très haut débit pour les prochaines années, soit la moitié des 15 milliards que j’évoquais.

Il est donc clair que nous devrons relancer l’investissement en faveur du très haut débit. Laissons-nous cependant le temps de le faire, d’autant plus que la consommation de ces crédits ne peut pas être immédiate. En effet, si nous disposions dès aujourd’hui de ces 15 milliards d’euros, nous ne pourrions pas les consommer très rapidement, car ces travaux nécessitent une planification…