M. Michel Mercier, ministre. Se plaindre que les départements ruraux aient plus de représentants au sein du conseil régional me semble un peu bizarre. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.) Mais, après tout, pourquoi pas ? Cela peut être un argument.

Le choix du pragmatisme et de l’efficacité fait par le Gouvernement à travers la création du conseiller territorial doit nous conduire à aller plus avant dans l’étude de ce texte. Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur les amendements de suppression. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais dire à notre rapporteur, Jean-Patrick Courtois, que je trouve son absence d’argumentation quelque peu étrange. Il y a, certes, des présidents et des conseils généraux de gauche qui sont favorables à la réforme, ou qui l’étaient, mais il y en a aussi de droite qui y sont défavorables !

Cela prouve bien, comme l’a dit tout à l’heure notre collègue Philippe Adnot, qu’il était possible d’avoir une réflexion par-delà les clivages partisans, ce que la mission Belot avait réussi à faire, au moins en partie. Par conséquent, on pouvait trouver une solution qui soit plus consensuelle, en tout cas moins « clivante », et qui assure aux territoires un avenir meilleur.

Je ne vais pas revenir sur toutes les bonnes raisons de voter les amendements de suppression. Je voudrais simplement que tout le monde soit bien conscient des enjeux et des objectifs poursuivis non seulement avec cette réforme, mais aussi avec toutes celles qui feront suite à la suppression de la taxe professionnelle – la « reventilation » des impôts locaux – et à la concomitance.

Le premier objectif est de réduire les dépenses des collectivités.

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Pierre-Yves Collombat. Il a été décliné sous différentes formes. L’essentiel a été fait dans la loi de finances, avec la stricte limitation de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, sous prétexte qu’il faut satisfaire aux critères de convergence de Maastricht. On nous annonce aussi une conférence nationale sur les déficits publics… En visant à réduire les dépenses des collectivités territoriales, le présent texte ajoutera une couche supplémentaire à cette première couche qui constitue l’essentiel.

Mes chers collègues, mesurez bien ce que cela signifie : progressivement, on sort les collectivités locales du rôle d’acteur, de moteur économique principal ! Je crains que les chefs d’entreprise qui, dans l’affaire, ont gagné entre 4,8 milliards et 5 milliards d’euros ne déchantent un jour... En outre, au moment où le chômage explose, méditer ainsi la réduction des dépenses publiques me paraît quelque peu indécent,...

M. Jean-Claude Carle. Non, c’est responsable !

M. Pierre-Yves Collombat. ... du moins en contradiction avec la lutte contre le chômage.

Réfléchissez-y : ce sont des bombes à retardement, qui exploseront dans deux, trois, quatre, cinq ou dix ans !

Le deuxième objectif est ce que le président du Sénat a appelé le « fric-frac électoral ». C’est tellement évident qu’il est inutile que je vous ennuie à en faire la démonstration.

M. Jean Bizet. Alors terminez !

M. Pierre-Yves Collombat. Mais je comprends aussi que vous soyez d’accord, car cela vous favorise !

Le troisième objectif est le bouleversement de notre organisation territoriale, qui consiste à passer d’un système à trois niveaux, système ancien, traditionnel, correspondant à notre vision historique du territoire, à une organisation à deux niveaux, autour de la région et de l’intercommunalité, laquelle remplace les communes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est l’inverse !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est dans le rapport Attali.

Il est clair que, politiquement, cette nouvelle organisation n’est pas vendable. Par conséquent, dans ce texte, on a imaginé deux « pôles » : département-région et commune-intercommunalité. À partir de là, vous avancez masqués. Mais pourquoi dissimuler ainsi vos intentions ? Après tout, cela peut se défendre ! De bons esprits qui sortent de Polytechnique ou d’ailleurs soutiennent cette conception. Alors dites-le ! Mais non, vous préférez faire de la fiction en parlant des « pôles ».

Or vous savez comme moi que, dans quelques années, on découvrira que le pôle départements-région ne marche pas. Il faudra bien, alors, supprimer quelque chose ! Devinez quoi !

De même, s’agissant du pôle commune- intercommunalité, vous avez, madame Des Esgaulx, défendu votre position avec passion, mais la confusion est totale ! Comment pouvez-vous mettre sur le même plan, d’un côté, les communes et leurs outils que sont les intercommunalités et, de l’autre, le département et la région ? Cela n’a strictement rien à voir ! La région n’est pas l’outil du département ni le département celui de la région !

Cela prouve bien que, déjà dans les esprits, la confusion est là : les nouvelles communes, ce sont les intercommunalités. Certes, il faudra du temps, on traînera les pieds, mais, progressivement, on avance vers l’objectif. Pourquoi, alors, ne pas le dire clairement ?

Mes chers collègues, tels sont les enjeux. Vous trouverez toutes les bonnes raisons d’adopter cette nouvelle organisation et donc de voter contre ces amendements, mais sachez précisément ce qu’il en est.

M. Jean-Claude Carle. Le temps de parole est écoulé !

M. Pierre-Yves Collombat. Rappelez-vous : vous n’avez pas voté les lois de décentralisation Mauroy-Defferre ! Cela n’a pas eu de conséquences alors, mais pensez à celles qu’aura maintenant l’adoption de cet article si vous l’approuvez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Tout à l’heure, n’ayant pas eu le temps d’aller jusqu’au bout de ma démonstration, j’ai déjà annoncé que j’allais la compléter à l’occasion des explications de vote et avancer quelques arguments.

D’abord, il est clair que, dans ce système qu’on nous propose, mesdames (L’orateur se tourne vers des travées où siègent plusieurs sénatrices du groupe UMP), on ne parle plus de la représentation féminine ! C’est bien une conséquence que, selon moi, vous ne pouvez pas accepter. Je pense que vous allez être obligées de dire que c’est une régression insupportable ! Adopter le principe du conseiller territorial, c’est voter la suppression de la représentation féminine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je veux vous faire une proposition qui devrait vous plaire.

Mme Catherine Troendle. Qu’est-ce qui vous fait croire que ce n’est pas la représentation masculine qui va se trouver réduite ?

M. Philippe Adnot. Personnellement, je ne pourrais que m’en féliciter ! Chère Catherine Troendle, croyez-le bien, je ne saurais rien dire qui puisse être hostile aux femmes ! D’ailleurs, et vous devez le savoir, cela ne me ressemblerait pas ! (Sourires.)

M. le président. Cher collègue, revenez à l’essentiel ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Adnot. Je reviens donc à ma proposition !

J’étais tout à l’heure au ministère de l’intérieur – c’est bien la preuve que je ne suis pas un opposant ! Le ministre m’a pris à partie, me disant que j’étais contre la réforme, mais incapable de proposer quoi que ce soit. Eh bien si, je vais proposer quelque chose !

M. Jean-Claude Carle. Le statu quo !

M. Philippe Adnot. Je prendrai l’exemple de mon département : trois cent mille habitants, trente-trois conseillers généraux. Je propose que nous n’en ayons plus que trente, que nous constituions des circonscriptions électorales de vingt mille habitants, avec deux élus dans chacune des circonscriptions électorales, obligatoirement un homme et une femme. Les élus seront ainsi, pour une moitié, des hommes et, pour l’autre moitié, des femmes.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. Bien sûr !

M. Philippe Adnot. On flécherait comme pour les élections locales : quinze élus iraient à la région, mais trente au département.

Ainsi, on ne déséquilibrerait pas les deux assemblées, la répartition entre les hommes et les femmes serait juste et le territoire ne serait pas déshérité. Cela résoudrait un certain nombre des problèmes qui se posent !

Vous n’êtes pas obligés, mes chers collègues, d’être d’accord avec moi ; le principal, c’est que vous ne votiez pas maintenant la création du conseiller territorial, afin que nous décidions de faire mieux ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous voulez un vrai dialogue et vous avez raison.

Écartons d’abord un certain nombre d’arguments. Nous n’allons pas revenir sur l’amendement de M. About, le « plat de lentilles », suivi de l’annonce dans le quotidien Le Figaro de sa quatrième place aux élections régionales. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Jacqueline Panis. En voilà assez de ce déballage !

M. Jean-Pierre Sueur. Tout cela n’est pas, vous en conviendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la hauteur du dialogue républicain auquel nous aspirons toutes et tous. Je me réjouis d’ailleurs sincèrement de constater, sur ce sujet, un vaste assentiment. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Monsieur le ministre, nous nous opposons non pas à la mise en œuvre d’une réforme territoriale – nous ne sommes pas des partisans du statu quo –…

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Ah bon ?

M. Gérard Longuet. Alors, c’est bien imité !

M. Jean-Pierre Sueur. … mais au chemin retenu en la matière. Nous aurions notamment souhaité qu’on continue d’avancer sur celui de l’intercommunalité, en élargissant ses compétences, en améliorant son organisation, en y renforçant la démocratie, etc.

M. Jean-Claude Carle. Mais c’est le cas !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous aurions également préféré nous engager sur le chemin d’une consolidation des régions, qui, à mes yeux, est vraiment essentielle. En effet, nos régions, trop petites, verront, à la suite de décisions récentes, leurs capacités financières très encadrées et leurs compétences très amoindries par rapport à d’autres régions européennes.

L’enjeu est particulièrement important. On attend en effet des régions qu’elles soient pugnaces, dotées de moyens et centrées sur les enjeux d’avenir, qu’il s’agisse des transports, de l’aménagement du territoire, de la science, de l’Université ou du développement technologique.

Pour notre part, nous pensons que le fait de fusionner la région et le département aura fatalement pour conséquence de « cantonaliser » les régions.

Vous le savez, de nombreux départements rencontrent aujourd’hui des difficultés financières liées au poids des dépenses sociales qui leur incombent, lequel est d’ailleurs sans commune mesure avec les économies qu’on prétend réaliser en fusionnant le conseiller général et le conseiller régional.

Laissons donc les départements…

M. Gérard Longuet. Crever dans leur coin ?

M. Jean-Pierre Sueur. … s’occuper de ces politiques sociales, car ils constituent l’échelon le mieux à même de les mener, mais dotons-nous parallèlement de régions fortes, de taille européenne.

Or le mode de scrutin actuel des élections régionales contribue, me semble-t-il, à façonner les politiques régionales. À cet égard, le débat que nous avons eu tout à l’heure avec M. Longuet est tout à fait significatif.

En effet, nous sommes tous conditionnés, en quelque sorte, en dépit de notre grande liberté et de toute notre imagination, par la façon dont nous avons été élus. Nous défendons tous des électeurs et des électrices ou des grands électeurs et des grandes électrices. Si les futurs conseillers territoriaux sont élus par la population de grands cantons, ils seront forcément les défenseurs de leur territoire, de ce canton élargi. Et l’on ne pourra pas le leur reprocher !

Si une telle situation peut se comprendre dans l’espace départemental, elle affaiblira, je le crains, la politique régionale, qui sera réduite à la juxtaposition de dispositions territoriales.

Ainsi, nous nous opposons à la création du conseiller territorial non seulement pour les raisons que nous avons exposées cet après-midi, mais aussi parce que nous voulons des régions fortes. Ce dernier adjectif ne relève pas d’une simple figure de style : il reflète toute notre ambition en la matière. Il s’agit d’un enjeu essentiel pour notre pays et nous ne voulons pas le laisser échapper ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, je retiendrai deux éléments parmi les propos que vous avez tenus.

Nous nous inquiétons de la disparition des départements. Or, dans la première mouture du texte qui nous avait été présentée, les métropoles récupéraient toutes les compétences des conseils généraux.

En prenant l’exemple de Paris, vous nous signifiez très clairement que vous avez accepté et assimilé cette idée. En effet, la capitale a fait l’objet d’une sorte d’absorption-fusion entre la communauté urbaine et le département, bénéficiant ainsi d’un statut particulier. Même si une telle structure fonctionne pour ce cas particulier, sa généralisation n’est pas souhaitable.

À Lyon, les choses ont évolué de façon un peu différente. Mais que serait-il advenu du reste du département du Rhône – je vois que vous m’approuvez, monsieur le ministre – si la solution retenue pour Paris y avait été transposée ? Je ne suis pas sûr qu’une telle collectivité aurait pu fonctionner !

M. Michel Mercier, ministre. Il n’y aura pas des métropoles partout !

M. Jean-Claude Peyronnet. Pour ce qui concerne les conseillers territoriaux ruraux, nous ne nous plaignons pas de leur nombre trop important ! Nous disons simplement que le Conseil constitutionnel risque d’y voir une rupture d’égalité devant le suffrage, qui sera probablement sanctionnée.

Vous vous placez dans une situation dont vous ne pouvez pas sortir, en ce qui concerne notamment le mode de scrutin et le découpage électoral, puisque vous êtes obligé d’établir à la fois un plancher et un plafond, et cela induit nécessairement une rupture d’égalité, qui entraînera une critique, voire, probablement, une censure du Conseil constitutionnel.

Nous n’acceptons pas ce type de suffrage, totalement inique et porteur de nombreuses difficultés. M. le rapporteur a évoqué le cas de la Saône-et-Loire et il est clair que, dans un tel cas, un redécoupage équilibré n’appelle pas d’objections de notre part. Nous avons même présenté un amendement visant à tenir compte des intercommunalités lors des redécoupages. Vous ne l’avez malheureusement pas adopté !

Pour le reste, mon ami Pierre-Yves Collombat l’a indiqué, l’évolution à venir des conseils généraux, en particulier, va contraindre le pays à subir une très forte baisse des investissements publics dans cinq ou dix ans. Je partage totalement son analyse, excepté sur un point : une telle évolution sera, selon moi, immédiate.

En effet, la plupart des conseils généraux ont, dès le budget pour 2010, réduit leurs investissements, parfois de 50 %. Il ne fait aucun doute que les grands capitaines d’industrie, notamment dans les travaux publics, ne seront pas pleinement satisfaits et qu’ils réagiront en conséquence !

Outre le fait que ce mode de votation est absolument contraire à notre tradition, il aboutirait, pour des raisons purement politiciennes, à une situation insatisfaisante. Nous demandons donc la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.

M. Yves Krattinger. Monsieur le ministre, j’ai un peu de mal à comprendre votre argumentation, que vous n’avez peut-être pas souhaité développer en totalité.

Paris possède un caractère spécifique : le territoire de la ville, du reste fort étroit, coïncide avec celui du département. Très honnêtement, ce cas n’est pas transférable au reste du territoire !

M. Philippe Dominati. Vision désuète !

M. Yves Krattinger. En aucun cas, les géométries départementales et régionales ne coïncideront, sauf à supprimer les départements.

Par ailleurs, vous avez développé l’idée selon laquelle les élus doivent avoir un ancrage territorial, ce qui n’est pas une idée contestable en soi. Vous la justifiez par le fait que certaines listes actuelles ne comporteraient que des candidats issus des villes. Je suis un peu surpris par cet argument qui, selon moi, reflète mal la réalité. Il ne pèse donc pas très lourd dans le débat !

Chaque parti, chaque groupement établit une liste à sa convenance, aucune loi ne précisant que certains candidats doivent être issus des villes et d’autres des campagnes. Je peux en témoigner : j’ai été élu conseiller régional alors que je venais de la campagne.

Personnellement, je ne suis pas contre un scrutin uninominal dans les cantons, y compris s’ils sont redécoupés et élargis. Il peut faire émerger d’excellents élus, comme vous-même, monsieur le ministre, ce mode de scrutin ne s’opposant pas à la qualité du représentant désigné par le peuple.

Enfin, vous avez cherché à nous convaincre que les régions et les départements, grâce à cette nouvelle structure, travailleraient mieux ensemble. Ce point mérite d’être approfondi.

M. Michel Mercier, ministre. Occupez-vous donc de la Haute-Saône !

M. Yves Krattinger. La mission Belot s’est rendue à Lyon, où une table ronde a été organisée. Vous étiez assis, en tant que président du conseil général, aux côtés de M. Jean-Jack Queyranne, président de la région, de M. Gérard Collomb, maire de Lyon, et du préfet. Vous nous avez alors expliqué que les choses se passaient très bien entre vous tous. Le seul point en discussion était un problème de tracé du contournement autoroutier de la ville par l’ouest, qui méritait d’être étudié plus avant.

M. François Trucy. C’est Clochemerle !

M. Yves Krattinger. Mais l’exemple de Lyon, du département du Rhône et de la région Rhône-Alpes, monsieur le ministre, ne constitue pas un cas isolé ! Dans de nombreux endroits du pays, les élus travaillent bien ensemble. Les Bretons en donnent d’ailleurs un exemple permanent.

Face à ce constat positif, les membres de la mission Belot ont souhaité conforter la concertation intrarégionale. Nous avons ainsi prolongé notre réflexion à Bordeaux, avec M. Philippe Madrelle et M. Alain Juppé et la représentante de M. Feltesse, président de la communauté urbaine.

Nous avons également proposé de créer un conseil régional des exécutifs, permettant de réunir les présidents ou présidentes de région, de département et d’agglomération, pour traiter des grandes questions stratégiques liées à la compétitivité et aux enjeux régionaux. À l’époque, cette proposition n’avait pas été combattue. Elle vaut d’ailleurs bien le méli-mélo que vous nous proposez, et sur lequel je ne reviendrai pas. En effet, dans le nouveau cadre prévu, les relations entre les uns et les autres seront si subtiles qu’il faudra avoir un esprit particulièrement tortueux pour réussir à suivre les débats !

Je le répète, pour mieux travailler ensemble, il faut un débat clair entre une majorité qui gouverne et une minorité qui s’efforce d’enrichir le débat. (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. Yves Krattinger. Si s’affrontent des majorités dont les territoires et les intérêts seront différents, la contradiction sera permanente et bruyante ! Je le crains, on travaillera moins bien ensemble.

M. le président. Nous poursuivons les explications de vote. Je vous demande, mes chers collègues, d’avoir la courtoisie de vous écouter les uns les autres. (Exclamations.)

M. Gérard Longuet. Pendant combien de temps encore ?

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne reprenant pas les arguments développés précédemment sur le nombre de conseillers territoriaux et l’atteinte au principe constitutionnel de la parité, je serai bref.

Monsieur le ministre, j’ai le regret de vous le dire, vous ne m’avez pas convaincu. Je doute également que vous ayez convaincu les sénateurs de la majorité.

M. Jean Bizet. Mais si !

M. Claude Domeizel. Chers collègues de la majorité, il est au moins une raison pour laquelle vous devriez voter la suppression de l’article 1er.

Monsieur le rapporteur, vous avez pris la précaution de ne pas citer, à l’appui de vos arguments, la page 42 de votre rapport, dans laquelle vous évoquez, en employant prudemment le conditionnel, un mode de scrutin encore incertain, qui ne « comporterait » qu’un seul tour, au cours duquel les électeurs ne se « prononceraient » qu’une seule fois et en précisant qu’un découpage des cantons « serait » organisé.

C’est dire que, si vous ne votez pas cet amendement de suppression, mes chers collègues, vous voterez pour l’incertitude ! Permettez-moi de citer un dicton qu’on entend sur tous les champs de foire, y compris sur le foirail de La Canourgue, monsieur Jacques Blanc (Sourires) : on n’achète jamais une bête dans un sac ! C’est bien ce que nous proposons d’éviter en vous invitant à supprimer l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je tiens à expliquer mon vote parce que vous nous parlez toujours comme si nous ne comprenions rien, comme si nous ne savions rien ! Si vous avez votre vérité, nous avons aussi le droit d’avoir la nôtre !

En seize ans de présidence du conseil général du Loiret, j’ai acquis une certaine expérience et je commence à savoir à peu près comment fonctionne ce genre d’assemblée. Je vais prendre à témoin Jean-Pierre Sueur : suis-je, oui ou non passionné par la gestion de ma collectivité ?

M. Éric Doligé. Merci !

Je m’intéresse trop à mon département pour avoir la moindre envie de le voir disparaître. Si nous avons porté cette collectivité à son niveau actuel, ce n’est évidemment pas pour la voir disparaître ! J’ai d’ailleurs été assez agréablement surpris, au cours de cette discussion, d’entendre les vertus que l’on reconnaît au département.

Rappelez-vous les débats qui ont eu lieu ici même en 2004 sur un certain nombre de sujets proches de celui qui nous occupe aujourd‘hui. Et je remercie au passage Jean-Pierre Chevènement de s’être félicité qu’ait été préservée la capacité d’intervention économique du département.

En 2004, c’est bien moi qui ai défendu un amendement visant à maintenir les compétences d’intervention économique du département contre ceux qui voulaient absolument l’en déposséder et les transférer à la région. Ceux-là me disaient déjà que je n’avais rien compris et que je m’apprêtais à leur faire signer l’arrêt de mort du département ! Or tout cela a bien fonctionné et fonctionne bien. Donc, permettez-nous de prétendre avoir quelque idée sur ce qui est bon pour les départements !

À ceux qui suspectent une ruse électorale, je propose de nous projeter en 2014. Théoriquement, d’après certaines simulations, je vais voir passer mon département de quarante et un à vingt-huit cantons. Autrement dit, j’en perds treize : tous territoires ruraux et tous élisant un conseiller de droite ! Dites-moi donc où est, en l’occurrence, la manœuvre électorale ?

Peut-être le nouveau système va-t-il se traduire par des représentations plus équilibrées. Tout cela mérite qu’on y réfléchisse, qu’on y travaille. Moi, je n’ai pas d’inquiétude à cet égard. Je ne fais pas un calcul électoraliste. Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment les départements peuvent fonctionner avec la région.

J’ai fait voter il n’y a pas si longtemps une disposition prévoyant l’obligation, pour les présidents de région, de réunir au moins une fois par an, dans le cadre d’une conférence des exécutifs, l’ensemble des présidents de conseils généraux et des présidents d’agglomération. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Daniel Raoul. Cela se fait depuis des années !

M. Éric Doligé. Non ! Dans la région Centre, qui compte six départements, les six présidents de conseils généraux n’ont été réunis que trois fois en douze ans par le président de la région pour discuter de nos problèmes : vous pouvez vérifier ! Il est vrai que la région est à gauche et que l’exercice est difficile…

Quand un système est grippé, il faut bien trouver des solutions pour le faire fonctionner à nouveau !

Tout à l’heure, M. Fortassin s’est intelligemment employé à nous expliquer que nous n’avions rien compris et que, finalement, nous étions tous d’accord avec lui puisqu’il a affirmé que, d’après le sondage qu’il avait lui-même effectué, il n’y avait pas 10 % des sénateurs de l’UMP pour souscrire à la réforme proposée. Je vous pose la question : qui parmi vous, mes chers collègues, a été sondé par M. Fortassin ? (Personne ! sur les travées de l’UMP.) L’échantillon retenu par M. Fortassin ne devait pas être très étoffé !

Il ne s’agissait en vérité que d’un effet de manche pour faire croire au lecteur du Journal officiel que 90 % des présidents de conseils généraux de droite seraient d’accord avec l’opposition. C’est faux ! Arrêtez donc d’utiliser de tels arguments ! Vous avez le droit de défendre votre position, mais cessez de nous dire que nous n’avons rien compris et que nous sommes des bons à rien !

Un sénateur du groupe socialiste. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Éric Doligé. S’agissant du cumul, on ne manquera pas de m’objecter que la comparaison avec l’intercommunalité ne vaut pas, mais je rappelle que, quand la réflexion sur l’exercice des responsabilités dans l’intercommunalité a été lancée, nous n’avons pas voulu en faire un mandat. Il n’y a donc pas eu de cumul. Cela n’empêche pas certains d’entre vous d’être tout à la fois maire d’une grande ville, président d’une grande agglomération et sénateur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Éric Doligé. On en compte peu à droite car, nous, nous y sommes moins facilement parvenus ! (Sourires.)

Il faut arrêter de jouer sur les mots ! Quand on aime son département, quand on aime sa région, on doit être capable de trouver des solutions pour faire en sorte que les deux entités fonctionnent.

À entendre Jean-Pierre Sueur, nous serions pour la fusion des départements et des régions. Cela relève de l’amalgame, car il n’en est rien ! Vous n’êtes pas les seuls à aimer vos collectivités : nos territoires et nos départements, nous les aimons, nous aussi. Et c’est précisément parce que je suis persuadé que le conseiller territorial est bon pour nos collectivités que je le défendrai bec et ongles. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.