M. Michel Mercier, ministre. Le sous-amendement n° 720 rectifié vise à garantir l’éligibilité à la dotation de développement rural d’un EPCI issu de la fusion d’EPCI dont au moins un a bénéficié de la DDR au cours des cinq ans précédant cette création. Il s’agit de passer outre les règles applicables en matière d’éligibilité à cette dotation, concernant en particulier les seuils de population.

Ainsi, ce sous-amendement prévoit que le plafond de 60 000 habitants au-delà duquel un EPCI n’est pas éligible à la DDR ne soit pas pris en compte lors de la création par fusion d’un nouvel EPCI dont la population serait supérieure à ce seuil.

Tout d’abord, je soulignerai que ce chiffre de population excède le seuil conditionnant le passage à la catégorie des communautés d’agglomération, lesquelles bénéficient d’une dotation d’intercommunalité plus importante que les autres EPCI, dont le montant s’élèvera, à la suite des décisions prises par le comité des finances locales, à plus de 48 euros par habitant pour l’année 2010.

Surtout, comme son nom l’indique, la DDR vise à soutenir le développement local et concerne en priorité les communes et groupements ruraux, ce qui justifie l’application d’un critère de population.

En outre, la DDR, dont le montant global s’élève, cette année, à 133 millions d’euros, constitue une ressource budgétaire limitée, qui doit profiter aux communes les plus rurales.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur Portelli, de bien vouloir retirer votre sous-amendement ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 480 rectifié, dans la mesure où l’accord unanime des communes membres de l’EPCI sera nécessaire.

M. le président. Monsieur Portelli, le sous-amendement n° 720 rectifié est-il maintenu ?

M. Hugues Portelli. M. Belot m’ayant demandé de le soutenir en son nom, je ne saurais le retirer, monsieur le président !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 720 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un excellent sous-amendement, que pour ma part je soutiendrai résolument.

Un certain nombre d’incitations financières ont déjà été supprimées par ce texte. En l’espèce, il me semble particulièrement important de maintenir cette dotation afin de favoriser la fusion d’EPCI en milieu rural : 60 000 habitants, ce n’est pas beaucoup !

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Pour ce qui me concerne, j’ai été convaincu par l’argumentation développée par M. le ministre.

Le franchissement du seuil de 60 000 habitants permet la transformation en communauté d’agglomération et, par là même, l’accès à des dotations bien plus importantes que la DDR. Certes, la perte de celle-ci peut constituer un frein psychologique à la fusion des communes, mais il suffira de procéder à une étude d’impact financier préalable pour le lever.

La dotation de développement rural a vocation à être affectée au milieu rural, et non à des structures intercommunales de cette nature. Lorsqu’une communauté de communes comprend plus de 60 000 habitants groupés autour d’une unité urbaine de 15 000 habitants, elle peut se transformer en une autre forme de structure intercommunale et bénéficier alors de dotations supérieures.

En tout état de cause, il serait particulièrement maladroit d’adopter aujourd’hui une telle disposition dans la précipitation, sans avoir approfondi la réflexion.

Pour ma part, je le répète, je soutiens la position du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. M. Belot entendait viser, me semble-t-il – je parle sous le contrôle de M. Portelli –, le cas où la fusion de communautés de communes débouche sur la création d’un nouvel EPCI dont la population totale dépasse 60 000 habitants, sans qu’aucune commune-centre ne compte 15 000 habitants.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Dominique Braye. Dans cette hypothèse, la transformation en communauté d’agglomération n’est pas possible et le nouvel EPCI ne peut donc prétendre à une majoration de la DGF.

Par ce sous-amendement, nos collègues souhaitent encourager la fusion de communautés de communes en milieu rural, en levant le frein que pourrait représenter une perte de recettes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Madame Goulet, 60 000 habitants, c’est déjà pas mal ! C’est d’ailleurs 9 000 habitants de plus que la communauté urbaine d’Alençon… (Sourires.)

M. Dominique Braye. La communauté urbaine d’Alençon n’est-elle pas plutôt anormale, monsieur le ministre ?

M. Michel Mercier, ministre. N’utilisons pas de tels qualificatifs, monsieur Braye !

Je vois, comme nombre d’entre vous, l’utilité de ce sous-amendement.

M. Michel Mercier, ministre. Toutefois, tel qu’il est actuellement rédigé, son dispositif ne correspond pas du tout à ce qu’a indiqué M. Braye ! Aussi conviendrait-il de le rectifier afin d’exclure le cas où la fusion des communautés de communes pourrait déboucher sur la constitution d’une communauté d’agglomération.

M. Gérard Longuet. C’est cohérent !

M. Michel Mercier, ministre. Le Gouvernement s’en remettrait alors à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce sous-amendement, que je soutiens résolument, ne concerne bien que les communautés de communes ne pouvant se constituer en communautés d’agglomération, eu égard à la référence à l’article L. 2334-40 du code général des collectivités territoriales.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 720 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 480 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 bis.

TITRE IV

CLARIFICATION DES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Articles additionnels après l'article 34 bis
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Article additionnel après l'article 35

Article 35

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, une loi précisera la répartition des compétences des régions et des départements, ainsi que les règles d’encadrement des cofinancements entre les collectivités territoriales, en application des principes suivants :

- la région et le département exercent, en principe exclusivement, les compétences qui leur sont attribuées par la loi ; dès lors que la loi a attribué une compétence à l’une de ces collectivités, cette compétence ne peut être exercée par une autre collectivité ;

- la capacité d’initiative de la région ou du département ne peut s’appliquer qu’à des situations et des demandes non prévues dans le cadre de la législation existante, dès lors qu’elle est justifiée par l’intérêt local et motivée par une délibération de l’assemblée concernée ;

- lorsque, à titre exceptionnel, une compétence est partagée entre plusieurs niveaux de collectivités, la loi peut désigner la collectivité chef de file chargée d’organiser l’exercice coordonné de cette compétence ou donner aux collectivités intéressées la faculté d’y procéder par voie de convention ; la collectivité chef de file organise, par voie de convention avec les autres collectivités intéressées, les modalités de leur action commune et de l’évaluation de celle-ci ;

- la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales est encadrée afin de répartir l’intervention publique en fonction de l'envergure des projets ou de la capacité du maître d’ouvrage à y participer. Le rôle du département dans le soutien aux communes rurales sera confirmé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Hier, nous avons pu voir que la simplification se traduisait, en général, par un surcroît de complexité. L’intitulé du titre IV comporte le mot « clarification » : apprécions donc la clarté qui se dégage de l’article 35, tel qu’il a été adopté par la commission…

Son premier alinéa prévoit que, « dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, une loi précisera la répartition des compétences des régions et des départements ».

Mes chers collègues, voilà une disposition parfaitement inutile ! Monsieur le ministre, pourquoi voter une loi renvoyant à une autre loi qui nous sera présentée dans un délai de douze mois ? Peut-être craignez-vous de ne plus être au Gouvernement à cette échéance ?

M. Michel Mercier, ministre. Vous savez ce qu’il en est, monsieur le sénateur !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais je ne pense pas que vous nourrissiez une telle inquiétude ! C’est donc vous qui nous présenterez ce nouveau projet de loi !

M. Dominique Braye. Dire cela à un ministre ! Quelle vulgarité !

M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout, mon cher collègue ! Je m’interroge simplement sur l’intérêt de voter un alinéa prévoyant qu’une nouvelle loi sera adoptée dans les douze mois.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pour ne pas oublier !

M. Jean-Pierre Sueur. Si l’un de nos collègues pense qu’il est opportun de voter une telle disposition, qu’il m’explique pourquoi !

Ensuite, le deuxième alinéa de l’article 35 prévoit que « la région et le département exercent, en principe exclusivement, les compétences qui leur sont attribuées par la loi ». Je félicite l’auteur du « en principe exclusivement » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Cette locution n’a aucune valeur juridique, de même que les adjectifs « significatif » ou « déterminant » que nous avons déjà rencontrés au cours de l’examen de ce texte. Écartons donc de la loi, mes chers collègues, une telle littérature !

Le troisième alinéa est très intéressant, puisqu’il précise que « la capacité d'initiative de la région ou du département ne peut s’appliquer qu’à des situations et des demandes non prévues dans le cadre de la législation existante,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne les connaît donc pas !

M. Jean-Pierre Sueur. … dès lors qu’elle est justifiée par l’intérêt local ». Une telle précision est merveilleuse ! Autant dire qu’il sera possible de tout justifier par l’intérêt local !

M. Dominique Braye. Non ! M. Trillard l’a démontré ce matin !

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle proposition de la région ou du département pourrait ne pas avoir un intérêt local ?

Cette formulation est tout à fait floue et confuse : monsieur le ministre, je vois mal comment vous pouvez soutenir une telle littérature !

Enfin, le cinquième alinéa, aux termes duquel « la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales est encadrée afin de répartir l’intervention publique en fonction de l’envergure des projets », est tout aussi merveilleux !

On pourrait restreindre la pratique des financements croisés aux projets de grande envergure – encore faudrait-il préciser ce que recouvre ce terme. Mais, en l’occurrence, elle sera possible dès lors qu’un projet aura une envergure, qu’elle soit grande, moyenne ou petite… Peut-on parler d’une pratique des financements croisés « encadrée » dans ces conditions ? Cela n’a vraiment aucun sens ! J’espère, mes chers collègues, que vous serez convaincus que nous ne saurions voter un texte aussi mal rédigé…

Mme Nathalie Goulet. Il ne se lasse pas !

M. Dominique Braye. Mais nous, il nous lasse !

M. Jean-Pierre Sueur. Je pense pourtant être clair, monsieur Braye !

Le plus grave, c’est qu’un tel texte inquiète de nombreuses personnes, qui se demandent ce que peut cacher une telle rédaction et quelles sont les véritables intentions de ses auteurs.

M. Jean-Pierre Sueur. M. Courtois lui-même s’inquiète, comme en témoigne, à la page 166 de son rapport, cette observation tout à fait judicieuse : « Votre rapporteur remarque toutefois que le texte proposé comporte des dispositions quelque peu imprécises ou dépourvues de portée normative. »

Je décerne un grand prix de l’euphémisme à M. Jean-Patrick Courtois pour ce « quelque peu » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 35 constitue à lui seul une sorte de loi d’orientation !

M. Michel Mercier, ministre. Très bien ! Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a tout compris ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cependant, son contenu est très flou. Il ne comporte aucune disposition de portée normative, or chacun sait que, habituellement, la commission des lois s’oppose catégoriquement à ce que l’on inscrive dans la loi des mesures ne présentant pas ce caractère !

M. Jean-Claude Peyronnet. Surtout quand elles viennent de l’opposition !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Effectivement, mais, en l’occurrence, ce n’est pas le cas !

Par conséquent, en bons élèves que nous sommes, nous proposerons la suppression de cet article, comme devrait normalement le faire la commission des lois.

Cela dit, l’article 35 appelle de notre part plusieurs remarques.

On y annonce une future loi, à l’échéance de douze mois, appelée à préciser les compétences de chaque niveau de collectivités. Or, tout au long de ces heures de débat, qui nous procurent un plaisir partagé, du moins je l’espère,…

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Bien sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … vous n’avez cessé d’attribuer à telle ou telle forme d’intercommunalité des compétences dévolues actuellement à des collectivités territoriales ! Tout ce travail législatif semble donc appelé à être modifié, voire totalement bouleversé, par la future loi, laquelle pourra revenir sur les transferts de compétences opérés. En effet, rien ne nous assure aujourd’hui qu’elle confirmera, pour chaque niveau de collectivités territoriales de droit ou de fait, les choix que le Sénat aura faits.

Pour notre part, nous refusons que les régions et les départements perdent leur compétence dite générale et que vous réduisiez la possibilité de recourir aux financements croisés, qui seuls, vous le savez, peuvent permettre la réalisation d’équipements et de services publics répondant aux besoins des populations.

Toutefois, si nous devions exprimer ici nos souhaits quant au contenu de la future loi annoncée, nous demanderions une remise à plat de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, sur la base d’un vrai bilan de l’application des lois de décentralisation, en particulier des lois Raffarin. Celle-ci s’est souvent soldée par des obligations de dépenses non compensées ou par l’utilisation des collectivités locales comme de simples instruments de trésorerie ne disposant en réalité d’aucun pouvoir d’intervention. Je pourrais bien sûr évoquer, à cet instant, le RMI, devenu le RSA !

Par conséquent, nous ne sommes nullement favorables au statu quo. Au contraire, nous souhaitons une remise à plat des transferts opérés et l’établissement d’un bilan, s’agissant notamment des finances des collectivités territoriales.

Nous ne sommes pas favorables non plus à un durcissement des conditions de mise en œuvre des politiques publiques, à la réduction des dépenses publiques ou à la mise en cause des services publics locaux. Or votre objectif est d’encadrer et de mettre au pas nos collectivités territoriales, qui ne représentent à vos yeux que des coûts, des contre-pouvoirs, d’intolérables lieux de démocratie proches des citoyens, des pouvoirs de proximité trop prompts à répondre aux besoins et aux attentes de la population, bref des obstacles à la mise en œuvre de vos politiques.

Sachez que, dans ces conditions, nous serons particulièrement vigilants quant au contenu de la future loi. Pour l’heure, nous nous opposons à cet article 35, qui n’apporte pas grand-chose, hormis des dispositions inappropriées !

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.

M. Bernard Vera. Alors que, depuis des mois, le Gouvernement affirme que la question des compétences des collectivités territoriales sera abordée dans un second temps, vous tentez d’encadrer le futur travail du Parlement, de fixer les limites et les finalités du débat avant même qu’il ne commence ! C’est, à nos yeux, contraire à l’esprit de nos institutions. L’examen du projet de loi relatif aux compétences des collectivités territoriales est prévu au plus tôt pour l’automne prochain, mais, déjà, vous voulez verrouiller le débat et graver dès maintenant dans le marbre de la loi la fin de la compétence générale des départements et des régions.

Pour la deuxième fois dans ce débat, vous mettez la charrue avant les bœufs. Vous avez déjà imposé la création du conseiller territorial sans ouvrir la discussion sur son mode d’élection. Maintenant, vous entendez supprimer le principe de compétence générale des collectivités territoriales sans ouvrir le débat sur la future répartition des compétences. Avant même de savoir si l’abandon de ce principe est démocratiquement possible, compatible avec nos institutions, vous cherchez à l’entériner. Cette manipulation du Parlement mine la valeur et la portée du travail législatif : c’est la politique du fait accompli.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le groupe CRC-SPG ne signera pas de chèque en blanc. Par conséquent, il votera contre cet article 35, d’autant plus résolument qu’il le juge contraire à la Constitution.

Cette appréciation ne se fonde pas seulement sur le fait que, comme vous le reconnaissez vous-même, monsieur le rapporteur, cet article n’a pas de valeur normative et que, conformément à la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel, il est donc contraire à la Constitution ; plus fondamentalement, la clause de compétence générale est inscrite implicitement et explicitement dans l’article 72 de la Constitution.

Dans votre rapport, monsieur Courtois, vous indiquez prudemment qu’il ne vous « semble pas, par ailleurs, que la clause générale de compétence soit garantie par la Constitution », et vous évitez de reprendre dans leur intégralité les conclusions du comité Balladur, car elles vous contredisent !

Monsieur le rapporteur, la clause de compétence générale est-elle, oui ou non, consubstantielle à la notion de collectivité territoriale ? Une collectivité sans compétence générale redevient-elle, oui ou non, un établissement public régi par le principe de spécialité, comme la région au début de son existence ? La clause de compétence générale est-elle, oui ou non, une composante de la libre administration des collectivités territoriales ? Cette libre administration est-elle, oui ou non, reconnue par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ? Pour être encore plus précis, le Conseil constitutionnel a-t-il décidé, oui ou non, que la collectivité devait, pour exister, être gouvernée par un conseil élu « doté d’attributions effectives » ?

Monsieur le rapporteur, vous savez fort bien que seule la compétence générale permet à un conseil élu de disposer de ces attributions. Vous savez très bien aussi que la capacité démocratique d’un conseil élu se mesure à sa capacité à intervenir de manière générale, à appliquer un programme. Enfin, monsieur le rapporteur, pouvez-vous nier que la compétence générale se fonde sur la vocation des collectivités à gérer leurs affaires, au nom du principe de subsidiarité ?

Ces questions, nous les avons déjà posées au cours du débat, sans que vous y répondiez précisément. À l’occasion de l’examen de l’article 35, il est nécessaire que la clarté soit faite et que le non-respect de la Constitution soit établi !

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l’article.

Mme Dominique Voynet. Après trois semaines d’examen du présent projet de loi, nous avons finalement l’impression qu’il est constitué de deux textes très différents.

Le premier, assez cohérent, même si l’on n’en approuve pas forcément tous les points ni toutes les finalités, est destiné à parachever la carte de l’intercommunalité, à créer les métropoles et les pôles métropolitains. Les articles correspondants offrent un luxe de détails concernant les compétences, les ressources et la gouvernance de ces niveaux institutionnels.

Le second texte constitue, au contraire, un ensemble d’articles assez disparates, mal pensés et mal rédigés, qui se greffent sur le dispositif précédent, dont on comprend qu’il avait été, quant à lui, longuement travaillé.

Au nombre de ces derniers figure bien sûr l’article 1er, qui crée le conseiller territorial, innovation dont on est bien incapable d’évaluer les conséquences, puisque personne ici n’a la moindre idée de ce qui sera réellement demandé à ce nouvel élu, ni de la façon dont il travaillera ou dont s’articuleront ses responsabilités départementales et régionales.

Il en va de même de cet article 35. On a de nouveau l’impression que le Gouvernement avance à tâtons, sans avoir une vision claire de l’architecture institutionnelle qu’il entend défendre. Cela se confirme au fil de notre débat : aux partisans de la région, le Gouvernement a bien évidemment assuré qu’il n’était pas question de l’affaiblir ; aux partisans du département, il a expliqué qu’ils avaient mal compris et qu’il n’était pas question non plus d’affaiblir le département. Ce qui est très clair, en tout cas, c’est que la place de l’État n’est pas contestée, mais au contraire plutôt renforcée !

Pour ma part, je ne sais toujours pas ce que souhaite le Gouvernement ! Il prétendait vouloir, par ce texte, simplifier l’intercommunalité, mais nous avons vu ce qu’il en est en réalité, et clarifier les compétences. Sur le principe, tout le monde est évidemment d’accord : nous avons suffisamment dénoncé, au cours des années passées, les financements croisés et la lourdeur bureaucratique, la complexité et les incohérences qui en découlent, pour ne pas reculer aujourd’hui !

En vérité, le fait que les régions, les départements et les communes se marchent sur les pieds ne constitue pas la principale difficulté à laquelle nous sommes confrontés. Le véritable problème, c’est que l’État leur demande trop souvent de pallier ses propres manquements, qu’il s’agisse de financer le logement étudiant, la politique culturelle, les centres municipaux de santé, la prise en charge des mineurs isolés, ou encore d’assumer partiellement ou complètement à sa place des missions qui n’incombent qu’à lui seul : la confection des passeports, l’organisation des élections, celle du recensement, la vaccination contre la grippe A…

Pour l’heure, il me semble urgent d’attendre ! Vous avez souhaité saucissonner nos débats et revenir à maintes reprises sur la création du conseiller territorial, ainsi que sur les compétences des régions, des départements et des communes : reprenons ces sujets quand le Gouvernement aura clarifié sa position. Les parlementaires pourront alors proposer un texte d’équilibre clair, préservant les solidarités et favorisant des dynamiques de territoire. Les dispositions qui nous sont soumises aujourd’hui ne présentent pas, à l’évidence, ce caractère !

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.

M. Hervé Maurey. Nous en arrivons à un point important de ce projet de loi. Bien qu’il ne soit abordé qu’en fin de discussion et qu’il constitue l’amorce d’un autre texte relatif aux compétences des collectivités territoriales, cet article nous permet néanmoins d’évoquer un certain nombre de principes essentiels.

Sur la forme, M. Sueur a dit à bon droit que sa portée est plus déclarative que normative. Or, la commission des lois ne cesse de le rappeler, tout ce qui n’est pas normatif doit être banni. Mais je ne rejoins M. Sueur que sur ce seul point…

Sur le fond, en effet, je suis de ceux, peu nombreux dans cette assemblée, qui sont favorables à une remise en cause de la clause générale de compétence. Je le dis, contrairement à d’autres, sans aucun complexe. Il faut sortir de cet enchevêtrement de compétences absolument invraisemblable, où tout le monde peut s’occuper de tout, ce qui est cause de dysfonctionnements, de surcoûts et, par là même, d’inefficacité.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous allez donc voter contre cet article !

M. Hervé Maurey. Laissez-moi finir, monsieur Sueur !

M. Hervé Maurey. La suppression de la clause générale de compétence va donc dans le bon sens à mes yeux, mais tout en affirmant, au travers de ce texte, que chaque collectivité doit détenir des compétences, on ouvre la porte à un certain nombre d’exceptions, et cela, comme l’a dit M. Sueur, dans un certain flou. J’avais soulevé ce point au cours de la discussion générale : il ne faudrait pas, à force de multiplier les exceptions, en revenir à la case départ après avoir encore compliqué les choses. En effet, le projet de loi présente de nombreuses vertus, mais certainement pas celle de clarifier la situation ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Ainsi, il est quelque peu préoccupant de découvrir, à la lecture de l’article 35, que la région et le département exerceront, « en principe exclusivement », des compétences propres, mais que des compétences, non précisées, pourront être partagées « à titre exceptionnel ». En outre, la région ou le département auront la possibilité de se saisir de certains sujets dès lors qu’un intérêt local le justifie… On peut donc craindre que la suppression de la clause générale de compétence ne reste théorique !

Il n’y a pourtant pas à rougir de vouloir la supprimer, car elle est, je le répète, source de dysfonctionnements et de surcoûts. Nous aurions tout à y gagner : les élus sauraient à quelle porte frapper, et les citoyens sauraient enfin qui fait quoi.

J’ai été un peu sévère avec la commission des lois concernant la forme ; j’adoucirai mon propos à son égard en soulignant qu’elle a pris la très heureuse initiative de supprimer deux motifs d’inquiétude, exploités par l’opposition.

Premièrement, en matière de financements croisés, la commission a écarté la nécessité, pour le maître d’ouvrage, d’assurer une « part significative » du financement. Cette notion n’a, en effet, aucun sens juridique, et j’ai pu voir des élus de gauche se faire une joie de l’utiliser pour inquiéter les maires, en leur affirmant, de façon gratuite, qu’ils seraient contraints de financer les investissements à hauteur de 50 %.

Deuxièmement, la commission a clairement inscrit dans cet article que les départements continueront d’être compétents en ce qui concerne l’aide aux communes rurales. Cela est très important, car là encore des élus de gauche se sont employés à souffler sur les braises, en expliquant aux maires qu’ils seraient obligés de financer seuls leur école, parce que les départements n’auraient plus la possibilité d’intervenir dans ce domaine à la suite de la suppression de la clause générale de compétence !

Ces apports de la commission des lois devraient mettre un frein à toutes les affirmations erronées à propos de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.