PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des finances m’a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 actuellement en cours d’examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

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Articles additionnels avant l'article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2010
Article 1er (priorité)

Loi de finances rectificative pour 2010

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (projet de loi n° 276, rapports nos 278, 283 et 284).

Dans la discussion des articles de la première partie, nous allons examiner l’article 1er que nous avions prévu d’appeler en début d’après-midi.

Nous reprendrons ensuite le cours normal de notre discussion.

PREMIÈRE PARTIE (suite)

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2010
Articles additionnels avant l'article 1er

Article 1er (priorité)

I. – Les personnes morales mentionnées aux articles L. 511-1 et L. 531-4 du code monétaire et financier qui, au jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, exploitent une entreprise en France au sens du I de l’article 209 du code général des impôts, acquittent une taxe exceptionnelle. Cette taxe est affectée, dans la limite de 360 millions d’euros, à l’établissement public OSEO en vue de financer une dotation en capital exceptionnelle au titre de sa mission de service public de financement de l’innovation et des petites et moyennes entreprises.

II. – La taxe est assise sur la part variable des rémunérations attribuées, au titre de l’année 2009, par les personnes morales mentionnées au I, à ceux de leurs salariés, professionnels des marchés financiers dont les activités sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise.

La part variable des rémunérations mentionnée à l’alinéa précédent correspond au montant brut de l’ensemble des éléments de rémunérations attribués à ces salariés au titre de l’année 2009 en considération de leurs performances individuelles ou collectives, y compris lorsque leur versement et leur acquisition définitive sont sous condition, à l’exception des sommes leur revenant au titre de l’intéressement ou de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise en application du livre III de la troisième partie du code du travail.

Les éléments de rémunération qui entrent dans l’assiette de la taxe sont pris en compte quelle que soit l’année de leur versement ou celle au cours de laquelle leur acquisition est définitive.

Lorsque l’attribution porte sur des options sur titres, des actions gratuites ou d’autres titres consentis à des conditions préférentielles, y compris lorsque cette attribution est effectuée par une société mère ou filiale de l’entreprise dans laquelle le salarié exerce son activité, l’assiette est égale à la juste valeur de ces options, actions ou titres à la date de leur attribution, telle qu’elle est estimée pour l’établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l’application des normes comptables internationales.

Seule la part variable de la rémunération individuelle qui excède 27 500 € est prise en compte dans l’assiette de la taxe.

III. – Le taux de la taxe est de 50 %.

IV. – La taxe est exigible au premier jour du mois qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi. Lorsque tout ou partie de la part variable des rémunérations définie au II est attribué après cette date, la taxe correspondante est exigible au premier jour du mois suivant la décision d’attribution.

La taxe est déclarée et liquidée dans les vingt-cinq jours de son exigibilité, sur une déclaration dont le modèle est fixé par l’administration.

Elle est acquittée lors du dépôt de cette déclaration.

V. – Dans le cas où le montant de la part variable des éléments de la rémunération finalement versés ou acquis aux salariés est inférieur au montant compris dans l’assiette de la taxe, aucune restitution n’est opérée.

VI. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 1er instaure une taxe exceptionnelle sur les rémunérations versées au bénéfice des opérateurs de marchés financiers, ceux que l’on appelle en mauvais franglais les traders.

Une telle mesure, rappelons-le, figure dans les recommandations formulées lors des sommets du G8 comme du G20 et nous devons immédiatement souligner que, contrairement à d’autres initiatives prises dans le cadre de la crise financière de 2008, l’idée de cette taxation de la rémunération des traders ne vient pas de notre pays, et donc de notre Gouvernement, mais a été, en quelque sorte, lancée par le Président des États-Unis et, en Europe, par le Premier ministre britannique.

À chaque pays évidemment, ensuite, de fixer les conditions de cette taxation, d’un caractère quelque peu symbolique et qui apparaît un peu comme la « queue de la comète » de la crise financière.

La taxe, exceptionnelle, que l’on met en place avec cet article 1er, est en effet un peu le moins que l’on pouvait faire après une crise financière qui a provoqué un large investissement des États en soutien des activités bancaires et ne semble pas avoir fait renoncer les établissements financiers à leurs mauvaises habitudes.

Les 360 millions d’euros attendus du rendement de la taxe ainsi mise en œuvre peuvent-ils et doivent-ils nous faire oublier que nous avions ici même débattu, fin 2008, d’un plan de sauvetage bancaire de 360 milliards d’euros – c'est-à-dire mille fois plus... – qui est quasiment forclos aujourd’hui ?

Certains établissements de crédit ont en effet évité la faillite pure et simple grâce à l’intervention publique, mais aucune des banques concernées par le plan de sauvetage – dans des proportions globalement bien moins élevées que la ligne de crédit qui avait été ouverte – n’a véritablement modifié ses pratiques.

Aucune de nos banques n’a cessé de jouer le jeu de la spéculation sur les marchés – seules les mouches ont changé d’âne, selon l’expression populaire –, en passant des produits dérivés sur des crédits immobiliers américains au marché des matières premières et désormais aux valeurs obligataires, et surtout, la pratique du crédit aux entreprises ne s’est aucunement améliorée.

C’est ainsi que, malgré l’intervention du Médiateur du crédit, René Ricol, devenu depuis quelques jours le Commissaire général à l’investissement, le niveau global des prêts bancaires aux entreprises s’est réduit, limitant par conséquent les moyens de financer le développement de l’activité économique, et participant par là même à la récession économique.

La baisse de 7,6 points de l’investissement productif, résulte aussi, selon nous, de cette contraction du crédit aux entreprises, alors même que tout était a priori réuni pour que ce crédit soit facilité.

Le plan de sauvetage bancaire, peu exigeant sur les contreparties, privant l’État sur le fond comme sur la forme d’une véritable prise de participation au capital, donc aux décisions, de nos établissements de crédit, n’aura donc servi qu’à conforter la position de ces établissements et à permettre la distribution de ce dont nous découvrons la trace pour le moins déroutante, c'est-à-dire la poursuite des rémunérations discrétionnaires, des bonus et des primes dévolues aux « bons acteurs » de marché !

Et les 360 millions d’euros de taxe affectés au financement des actions d’OSEO ne feront jamais oublier les milliards d’euros que l’État aurait pu récupérer, sans douleur particulière, en entrant effectivement dans le capital de nos banques. Ils apparaissent, du fait même du caractère exceptionnel de la taxe, comme un faux-semblant.

Nous ne pensons pas que la taxation des opérations de marché devrait se contenter d’être une mesure de caractère exceptionnel, comme on nous y incite. Ces pratiques doivent être durablement découragées.

Telles sont les raisons d’être des amendements que nous avons déposés sur cet article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.

Mme Nicole Bricq. Si j’ai souhaité intervenir de nouveau sur le problème soulevé dans l’article 1er, c'est-à-dire la taxe sur les bonus introduite par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances rectificative, c’est parce que Mme Lagarde était retenue hier par ses obligations à Bruxelles. En conséquence, je n’ai pas obtenu de réponses de la part de M. Woerth, qui sans doute vous réservait le soin de me les apporter, madame la ministre. Cependant, je ne suis pas sûre que mes demandes vous aient été transmises.

Le texte issu de l’Assemblée nationale a profondément modifié la taxe introduite par le Gouvernement en l’améliorant. Ainsi, nos collègues députés ont obtenu que son produit soit affecté au budget général de l’État et n’abonde pas, comme il devait l’être grâce à la manœuvre habile préparée par vos collaborateurs et que vous aviez assumée, le fonds de garantie des dépôts, dont le plafond était relevé à 100 000 euros par une directive européenne de mars 2009.

Madame la ministre, l’une de mes questions portait sur le délai et la manière selon lesquels le gouvernement français entendait transposer la directive pour qu’elle soit applicable. Même si cela ne relève pas de la loi mais du règlement j’aimerais vous entendre à ce sujet.

Le dispositif fragile que vous aviez inscrit dans le projet de loi a été démonté par nos collègues députés et c’est un point très positif.

Néanmoins, il subsiste un certain nombre d’interrogations qui justifient les amendements que nous allons présenter. 

Le périmètre que vous avez choisi est la reprise exacte de l’arrêté de novembre 2009 ; il se limite donc aux opérateurs de marché. Le rapporteur général l’a légèrement élargi en impliquant toute la chaîne de commandement, appelée la « chaîne hiérarchique ». Je vous pose donc également une question à ce sujet. Il est dommage que le périmètre n’inclue pas les fonds alternatifs, les hedge funds, qui sont des spéculateurs actifs, notamment dans la crise de l’endettement public dont vous vous occupez, en particulier la crise de la Grèce.

Pour nous, le périmètre doit être beaucoup plus large. Lors des premières discussions qui ont eu lieu au niveau international au cours du G20 de Washington en novembre 2008, une prise de conscience globale a eu lieu sur le fait que les rémunérations, notamment les rémunérations variables et parmi elles les bonus – mais il n’y a pas qu’eux –, avaient finalement accéléré la crise financière, dans la mesure où le gain à court terme et excessif avait été produit par une prise de risque irresponsable.

Lors des sommets internationaux, il a été unanimement reconnu qu’il fallait stopper ces mécanismes de rémunération fondés sur le court terme et le risque irresponsable. Cependant, les déclarations ont été suivies de peu d’effet, notamment d’effet législatif ; je n’y reviens pas, toutes les initiatives prises depuis ces déclarations étant passées en revue dans le rapport de la commission.

Il reste néanmoins dommage que la taxe ne concerne pas la totalité des salariés. Certes, le seuil retenu, fixé à 27 500 euros, est tout à fait raisonnable – c’est celui qu’ont choisi les Britanniques –, mais il faudrait qu’il vise l’ensemble des salariés touchant ce type de rémunérations.

Nous avons certainement un différend avec le Gouvernement, comme nous en avons eu un avec la commission, sur un autre sujet que vous connaissez bien, madame la ministre : la déductibilité de cette taxe bonus au titre de l’impôt sur les sociétés. Une telle compensation, d’une part, prive le budget d’une recette et, d’autre part, est difficilement compréhensible. Elle fait du reste l’objet d’un de nos amendements.

Nous aurons demain les résultats des banques pour l’année 2009. Peut-être nous confirmerez-vous, madame la ministre, que celui de la BNP, pour ne pas la citer – c’est le seul résultat connu pour l’instant –, s’élève à 5,3 milliards d’euros. Rendre la taxe déductible de l’impôt sur les sociétés pour des banques auxquelles l’État, donc le contribuable, a été obligé d’accorder des aides, même si celles-ci ont été remboursées, c’est tout de même un peu fort de café !

Pour terminer, monsieur le président, je voudrais revenir sur un point que Mme la ministre connaît déjà, puisqu’elle l’a abordé dans les déclarations qu’elle a faites au Canada, il y a une dizaine de jours, à l’issue du G7 des ministres des finances.

Du fait de son caractère de réparation, la taxe bonus, nous dit-on, concerne le passé. Pour l’avenir, la taxe assurantielle, qui reviendrait à ce que les banques s’assurent elles-mêmes par le biais d’une prime d’assurance, en est encore à l’état purement déclaratif. Elle permettrait pourtant d’éviter que les États ne soient les assureurs de dernier ressort et, in fine, ne se voient éventuellement contraints de s’endetter eux-mêmes en cas de nouvelle crise financière – alors même qu’aujourd’hui la spéculation s’opère sur la dette publique. Vous avez affirmé, madame la ministre, que vous n’étiez pas opposée au principe d’une telle taxe assurantielle à partir du moment où tout le monde l’appliquait : or l’expérience montre que, lorsque tout le monde attend que tout le monde agisse, rien ne bouge, et, depuis 2008, rien n’a bougé.

Je ne pense pas que la taxe sur les bonus soit une réparation pour le passé, pas plus qu’elle n’est une prévention pour l’avenir : on le voit bien, les mauvais comportements que nous avons connus hier continuent, et même de plus belle.

M. le président. La parole est à M. François Marc, sur l’article.

M. François Marc. Je souhaite, en écho à la discussion qui a eu lieu au sein de la commission des affaires européennes, interroger Mme la ministre sur l’avancement des négociations, aujourd’hui très laborieuses, relatives à la taxe sur les bonus.

L’article dont nous abordons l’examen institue donc une taxe sur les « bonus » versés en 2009 à certains salariés des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Il vise à mettre en œuvre les principes arrêtés en 2009, en particulier lors des sommets du G20, pour faire en sorte que les pratiques de rémunérations ne mettent pas en péril la stabilité financière.

Le rapporteur général le note dans son rapport : le champ d’application de cette taxe gagnerait à être élargi. La commission des finances propose ainsi d’intégrer dans son assiette les bonus perçus par les responsables hiérarchiques des opérateurs des salles de marché.

Le champ d’application de cet article aurait également pu être étendu, pour que la régulation de la sphère financière soit poussée plus loin, à d’autres établissements financiers, par exemple aux sociétés de gestion de portefeuilles qui opèrent sur des fonds spéculatifs, dont les fameux hedge funds.

À cet égard, je rappelle que les négociations sur la proposition de directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, que la Commission européenne a présentée le 30 avril 2009, n’ont pas encore abouti. Ce texte controversé, bien plus politique que ses dispositions techniques ne le laisseraient penser de prime abord, vise à réglementer au niveau communautaire l’activité des gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, qui font actuellement l’objet de dispositions nationales.

Le champ de cette proposition de directive est très large puisque sont concernés les fonds spéculatifs, les fonds de capital-investissement, les fonds immobiliers, les fonds de matières premières, mais aussi les fonds d’infrastructures et d’autres types de fonds institutionnels. Je rejoins là ma collègue Nicole Bricq, qui souhaitait à l’instant que l’on puisse élargir le champ d’application de la taxe et y inclure le plus vite possible l’ensemble de ces fonds.

J’ai présenté le 3 février dernier, devant la commission des affaires européennes, une communication sur l’état d’avancement des négociations européennes, certes laborieuses, sur ce texte. Il est vrai qu’entre le texte d’une proposition de directive déposée par la Commission européenne et celui de la directive qui est définitivement adoptée, au terme de négociations qui peuvent durer des mois, voire davantage, les différences peuvent être considérables sans que la représentation nationale en soit nécessairement informée, ce qui est tout à fait regrettable.

Nous avons pris note, madame la ministre, d’informations faisant état d’avancées dans la discussion, en particulier de rapprochements des positions entre la France, l’Allemagne et quelques autres pays continentaux. Il semble néanmoins que subsistent quelques différends notables avec le Royaume-Uni.

Nous souhaiterions donc que le Gouvernement puisse préciser quels points de blocage pourraient éventuellement être surmontés, et selon quel calendrier, afin qu’un accord puisse être trouvé au plus vite sur ce texte. Nous avons conscience que l’article 1er du projet de loi de finances rectificative, tel qu’il nous est soumis aujourd’hui, représente déjà un premier pas sur un chemin qui sera encore long avant que nous ne parvenions à une réglementation à peu près homogène à l’échelle européenne. Or chacun sait que cette homogénéité est une condition préalable à une gestion rigoureuse et sérieuse de la question des bonus.

Aussi, madame la ministre, il serait fort utile que vous nous apportiez des informations sur tous ces points avant que nous n’ayons à nous prononcer sur l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le dispositif de taxation des bonus qui nous est proposé est clairement ciblé sur les opérateurs de marché – en clair, les traders – employés par des banques ou des entreprises d’investissement indépendantes ou filiales de banques. En revanche, comme mes prédécesseurs à ce micro viennent de le souligner, il ne couvre pas les bonus des gérants des fonds alternatifs, ou hedge funds, alors que ces personnes exercent grosso modo les mêmes activités – ce sont d’ailleurs souvent d’anciens traders – et perçoivent des rémunérations variables très élevées, et que les fonds pour lesquels elles travaillent peuvent avoir des effets déstabilisants, on l’a vu la semaine dernière avec la crise de la dette grecque.

On peut cependant, madame le ministre, comprendre les raisons qui, à ce stade, ont déterminé le choix du Gouvernement.

En premier lieu, le dispositif français se veut le plus proche possible de celui de la Grande-Bretagne, et ce afin d’éviter tout nouveau désavantage compétitif à l’égard de la place de Londres, notre principal concurrent. Or la taxe britannique ne couvre pas les bonus des gérants de hedge funds.

En deuxième lieu, ces fonds alternatifs n’ont pas joué les premiers rôles dans la crise financière. Ils ont supporté directement certaines de ses conséquences, avec la fuite de leurs investisseurs, et le paysage de ces fonds a été considérablement assaini depuis 2008, après des années de croissance facile, voire de croissance folle.

En troisième lieu, le problème des fonds alternatifs vient avant tout, je voudrais le souligner, de leur manque de transparence, du faible niveau de régulation et de diligences auquel ils sont soumis dans certaines juridictions, et de leur recours parfois opaque et excessif aux effets de levier. Il apparaît donc préférable – c’est la voie que vous nous proposez, madame la ministre, mais je voudrais vous demander quelques précisions à ce sujet – de privilégier une stratégie de rapatriement de ces fonds pour en faire des fonds onshore, c’est-à-dire pour susciter leur existence dans un cadre français et européen régulé. De fait, le droit français prévoit des véhicules spécifiques : nous avons créé les OPCVM contractuels, les OPCVM à règles d’investissement allégées, dédiés à des investisseurs qualifiés et dont les sociétés de gestion font l’objet d’un agrément. De même, la proposition de directive sur l’encadrement des gérants de fonds alternatifs, dite « directive AIFM », présentée par la Commission européenne le 29 avril 2009, fait actuellement l’objet de négociations au sein du Parlement européen et entre les États membres.

Il serait heureux que vous nous confirmiez, madame le ministre, les positions que vous avez prises à ce sujet, car, si nous n’avons pas étendu la taxe que vous nous proposez aux opérateurs des hedge funds, c’est pour éviter de rendre encore plus difficile la négociation dans laquelle vous êtes investie.

La commission des finances a déjà relevé les principaux enjeux de cette directive très importante dans son rapport d’octobre dernier sur la modernisation de la régulation financière. Parmi ces enjeux figurent la définition du champ de la directive, la question très controversée du « passeport » des gestionnaires de pays tiers, l’indépendance de la valorisation des fonds, mais aussi la rémunération des gestionnaires.

Vous avez déjà beaucoup œuvré, madame la ministre, dans le cadre de ces travaux internationaux et européens. Les fonds alternatifs peuvent être pour certains un objet de fantasmes et d’opprobre excessifs ; il n’en reste pas moins que la crise a mis en relief, dans ce domaine aussi, la nécessité de mieux encadrer, mais d’encadrer de façon concrète et réaliste. Car, ici comme ailleurs, « le diable est dans les détails » !

Je souhaiterais donc que vous puissiez nous exposer avec précision les options défendues par le gouvernement français dans les négociations européennes et internationales. Notamment, je me pose les questions suivantes : quel sera le rôle des autorités nationales de régulation ? Comment est envisagée la question de l’effet de levier ? La question des rémunérations des gestionnaires est-elle oui ou non sur la table ? Le passeport des gestionnaires offshore est-il désormais écarté ? Le régime des « fonds alternatifs à la française » est-il à la fois suffisamment sûr et attractif ?

Si vous pouviez nous éclairer sur ces points, madame la ministre, nous serions confortés dans notre choix de ne pas encore intervenir sur ce champ. Néanmoins, si nous avions le sentiment que tout cela n’avance pas et n’est pas promis à un accord réaliste, nous nous réserverions bien entendu la possibilité de revenir sur le sujet à l’occasion d’un prochain texte. Et puisque j’invoquais le diable : ce serait tout de même bien le diable que l’on n’ait pas d’autre loi de finances rectificative dans le courant de cette année 2010 ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Quelle lucidité ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.