M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … mais ce n’est pas le sujet d’aujourd'hui.

Quant au principe de la réversibilité de l’accès au tarif réglementé d’électricité, il est bien prévu dans le projet de loi NOME de le pérenniser. Toutefois, il est aujourd’hui clair que ce texte ne pourra pas être définitivement adopté et promulgué avant le 1er juillet de cette année. Le texte du projet de loi vient d’être soumis au Conseil d’État, et vous pouvez espérer, monsieur le ministre d’État, le présenter en conseil des ministres vers la mi-avril. Si l’on tient compte de la première lecture qui doit intervenir dans chaque assemblée, d’une probable deuxième lecture, puis du délai de promulgation, il est évident que nous n’arriverons pas au vote définitif avant cette date.

Or la fin annoncée de la réversibilité au 1er juillet 2010 inquiète légitimement les clients. Il s’agit d’une insécurité juridique majeure. Récemment, un communiqué commun à dix-sept associations de consommateurs, les plus importantes, a appelé ceux-ci à la prudence en les dissuadant de faire jouer leur éligibilité au risque de ne plus pouvoir revenir aux tarifs réglementés, de gaz comme d’électricité.

Cette situation a abouti à un gel du marché, qui s’est figé dans l’attente du sort qui sera réservé au principe de réversibilité et, au-delà, aux tarifs réglementés eux-mêmes. En pratique, les fournisseurs nouveaux entrants sur le marché ont quasiment cessé toute prospection de clients. Comme me l’ont confirmé les auditions auxquelles j’ai procédé, ces entrants ont purement et simplement abandonné une grande partie de leur effort commercial, d’où l’urgence de légiférer aujourd'hui.

La proposition de loi que j’ai déposée le 17 décembre dernier a été cosignée par quatre-vingt-un de nos collègues. Son champ était initialement limité au seul tarif réglementé d’électricité. Toutefois, en tant que rapporteur, j’ai procédé, au cours du mois de février dernier, à l’audition d’une quinzaine d’administrations, d’institutions, d’entreprises, d’associations et de syndicats concernés par la question. Cette série d’auditions m’a amené à prolonger ma réflexion et à proposer d’étendre la portée du texte.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a bien voulu me suivre pour élargir le champ de ma proposition de loi initiale sur quatre points.

Premièrement, la commission a finalement décidé de ne pas modifier le critère retenu actuellement pour définir les petites et moyennes entreprises en tant que consommatrices d’électricité. Le droit existant raisonne en puissance électrique installée, avec un seuil de 36 kilovoltampères.

Je n’avais d’abord envisagé d’introduire les critères du droit communautaire, qui définissent les PME par un nombre de salariés inférieur à cinquante personnes et un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros, que dans le seul but de faciliter l’obtention de l’accord de la Commission européenne. Or il résulte des échanges approfondis entre le gouvernement français et la Commission que celle-ci ne voit plus aujourd'hui aucune objection à ce que la France conserve son critère de puissance installée, même s’il distingue notre pays des autres États membres.

Deuxièmement, la commission vous propose de confirmer la pérennisation du principe de réversibilité pour l’électricité, en faisant disparaître la date butoir du 1er juillet 2010…

M. Roland Courteau. C’est ce que nous demandions !

M. Daniel Raoul. Depuis longtemps !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … partout où elle apparaît dans le droit existant, c’est-à-dire dans l’article 66 de la loi du 13 juillet 2005, ce qui était demandé par l’ensemble des groupes de notre assemblée ; ce n’était pas une demande exclusive d’une formation politique. Tous ceux qui suivent de près ce sujet, parfois depuis de nombreuses années, sont favorables à la pérennisation de ce principe.

Troisièmement, la commission vous propose d’élargir le champ du texte au tarif réglementé du gaz naturel, en modifiant également l’article 66-1 de la loi du 13 juillet 2005, pour y faire aussi disparaître la date butoir du 1er juillet 2010. Nous examinerons tout à l’heure un amendement présenté par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, qui tend à faire bénéficier les consommateurs domestiques de gaz d’une réversibilité totale, comme en matière d’électricité.

Quatrièmement, enfin, la commission vous propose de confirmer le droit aux tarifs réglementés pour les nouveaux sites de consommation, en visant l’article 66-2 de la loi précitée, pour l’électricité, et son article 66-3, pour le gaz. Nous discuterons tout à l’heure d’un amendement présenté par M. Xavier Pintat, qui tend à faire bénéficier de l’accès au tarif réglementé d’électricité les sites d’une puissance installée supérieure à 36 kilovoltampères, amendement auquel je suis également favorable.

Du fait de toutes les améliorations qui ont été apportées à ma proposition de loi, la commission en a modifié l’intitulé afin de mettre celui-ci en adéquation avec l’élargissement du champ de ce texte.

Pour conclure, mes chers collègues, je voudrais évoquer un élément que j’ai volontairement omis dans ma proposition de loi : il s’agit du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, le fameux TaRTAM, créé par la loi du 7 décembre 2006.

Vous vous souvenez que le TaRTAM a été mis en place pour répondre aux préoccupations des entreprises qui, ayant fait le choix de la concurrence pour leur approvisionnement électrique, se sont trouvées confrontées à une explosion des prix de marché de cette énergie. Le niveau du TaRTAM a été fixé à mi-chemin entre les tarifs réglementés, auxquels les grands consommateurs ne peuvent plus revenir, et les prix de marché. Mais surtout, le TaRTAM a été conçu comme un dispositif transitoire, arrivant lui aussi à échéance au 1er juillet 2010.

La future loi NOME devrait permettre aux grands consommateurs industriels, par le mécanisme de l’accès régulé à la base, de se fournir en électricité à un prix raisonnable. Mais en attendant qu’elle soit votée, il paraît pertinent de proroger le TaRTAM pour une période complémentaire.

La seule raison pour laquelle je ne vous propose pas de le faire est que j’ai estimé préférable de laisser la navette parlementaire enrichir sur ce point ma proposition de loi. Le président Jean-Paul Emorine et moi-même nous sommes mis d’accord avec le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Patrick Ollier, et avec mon homologue rapporteur à l’Assemblée nationale, Jean-Claude Lenoir, pour que ce soient eux qui introduisent la prorogation du TaRTAM dans le texte. Je vous rappelle qu’au moment du vote de la loi de 2006 Jean-Claude Lenoir était le parrain de la création de ce mécanisme du TaRTAM. Il me semble à la fois plus efficace de nous concentrer sur la seule question des tarifs réglementés et plus équitable de laisser aux députés le soin de compléter le texte qui sera issu du Sénat en première lecture.

C’est aussi – et cela n’aura pas échappé à un grand nombre d’entre vous – la garantie de voir – pour une fois, suis-je tenté de dire – une proposition de loi examinée rapidement par la seconde assemblée, au lieu qu’elle vienne grossir la file des textes en attente. Je vous signale d'ailleurs qu’un créneau a déjà été trouvé par l’Assemblée nationale qui a prévu d’examiner ce texte vers le 10 mai prochain.

Monsieur le ministre d’État, dans la mesure où ce texte sera modifié, une deuxième lecture sera nécessaire devant le Sénat ; j’espère que vous serez attentif à ce qu’elle puisse intervenir le plus rapidement possible et que nous trouverons une demi-journée afin que soit repoussé le terme du principe de réversibilité avant le 1er juillet 2010.

Mes chers collègues, cette proposition de loi a fait l’objet d’une discussion très consensuelle jusqu’à présent puisqu’elle a été adoptée à l’unanimité des membres de la commission. Je forme bien sûr le vœu que ce consensus se prolonge en séance publique et que soit voté dans les mêmes conditions ce texte pragmatique, qui répond à une inquiétude et à un besoin urgent des consommateurs français de gaz et d’électricité. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier la commission de l’économie, son président, M. Jean-Paul Emorine, son rapporteur, M. Ladislas Poniatowski, ainsi que tous ceux qui, préoccupés par l’état actuel de notre réflexion sur l’énergie, ont rédigé cette proposition de loi désormais indispensable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez le but visé par ce texte, auquel le Gouvernement souscrit : il s’agit de garantir à des centaines de milliers de consommateurs d’électricité et de gaz une liberté essentielle, celle de pouvoir choisir leurs fournisseurs en fonction de leur situation et de leurs besoins.

La réglementation en vigueur permet à ceux que l’on appelle les « petits consommateurs », autrement dit les particuliers et certains professionnels, d’opter soit pour le fournisseur historique, soit pour un autre fournisseur. Le consommateur, s’il choisit le fournisseur historique, pourra bénéficier des tarifs dits réglementés, dont l’évolution est fixée par le Gouvernement. En revanche, s’il opte pour un autre fournisseur, les prix qui lui seront proposés seront fixés librement.

J’ajoute que la loi du 21 janvier 2008 relative aux tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel a prévu que les consommateurs domestiques ayant souscrit une offre de marché puissent, dans certains cas, revenir sur leur décision et bénéficier à nouveau des tarifs réglementés.

Ces dispositions ont essentiellement pour but de protéger les consommateurs de gaz et d’électricité. Toutefois, elles ne s’appliquent que jusqu’au 1er juillet 2010, car, comme le rappelait M. Ladislas Poniatowski, le législateur ne disposait pas d’une très grande visibilité sur l’avenir des marchés au moment du vote de cette loi.

Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur cette question de manière beaucoup plus approfondie dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité, dit NOME. Ce texte a effectivement fait l’objet de nombreuses concertations en amont avec les opérateurs, les consommateurs, les parlementaires, et ce de la manière la plus large, la plus ouverte et la plus transparente. Je ne doute pas qu’il puisse être examiné au printemps, puisque, je le rappelle, il a été transmis au Conseil d’État il y a quarante-huit heures.

L’objet principal de ce projet de loi est essentiel, l’énergie étant à la fois un fondement majeur de la compétitivité et un produit de première nécessité pour nos compatriotes. Le sujet est majeur, vital : le xxie siècle sera le siècle de l’énergie, des énergies en évolution d’ailleurs, puisque le mix énergétique se modifie.

Nous soutenons résolument ce texte, monsieur Poniatowski, pour lequel l’examen des amendements ne devrait pas poser de difficulté particulière. Vos conseils, ainsi que ceux de M. Jean-Claude Merceron, ont été précieux. Je salue également les travaux de la commission Champsaur, dont deux membres de la Haute Assemblée sont, au fond, à l’origine.

Dans l’attente de la future loi NOME, il serait regrettable que les consommateurs ne puissent plus bénéficier de la même liberté de choix qu’aujourd’hui. Cette proposition de loi tend donc à maintenir le dispositif actuel en supprimant simplement la référence au 1er juillet 2010 dans la loi du 21 janvier 2008.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient sans aucune réserve cette proposition de loi. Je ne doute pas que la Haute Assemblée l’approuvera.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la possibilité que des modifications soient introduites par l’Assemblée nationale. J’ai bien pris note de votre souci de trouver une fenêtre parlementaire – un après-midi ou une matinée – pour une éventuelle deuxième lecture dans un délai très bref ou, en tout cas, compatible avec les dates auxquelles ces dispositions devront entrer en vigueur. Le Gouvernement sera évidemment extrêmement vigilant sur ce point et compte sur la collaboration du Sénat pour que le moment le plus adapté soit retenu. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi du sénateur Ladislas Poniatowski visant à permettre la réversibilité des tarifs réglementés au-delà du 1er juillet 2010.

Je tiens à rappeler que les sénateurs de mon groupe avaient déposé des amendements allant en ce sens dès l’examen du projet de loi relatif au secteur de l’énergie, qui tendait à autoriser la privatisation de Gaz de France.

La majorité parlementaire avait soutenu unanimement la libéralisation totale du secteur de l’énergie, sans se soucier un instant des conséquences sur le pouvoir d’achat des ménages et sur l’activité économique de nos entreprises. Cette majorité, à laquelle vous appartenez, monsieur le rapporteur, avait refusé sans appel nos propositions !

Aujourd’hui, vous motivez le dépôt de votre proposition de loi par le « risque évident de vide juridique pour l’application du principe de réversibilité entre le 1er juillet 2010 et la date future d’entrée en vigueur de la loi NOME ».

C’est sans doute la raison pour laquelle la proposition de loi a été entièrement réécrite, laissant perdurer un système complexe et injuste s’agissant des règles encadrant la réversibilité. Nos collègues sénateurs socialistes ont d’ailleurs déposé un amendement visant à corriger les lacunes de la réglementation pour le secteur du gaz. (M. Roland Courteau acquiesce.)

Le débat peut donc se dérouler tranquillement en attendant le projet de loi du Gouvernement qui, comme le note le rapport de M. Poniatowski, doit notamment modifier les principes de construction des tarifs réglementés.

Au Sénat pour les petits consommateurs, à l’Assemblée nationale pour les entreprises, on se concentre sur la réversibilité des tarifs sans évoquer l’envolée des factures de gaz, d’électricité ou de fioul, sans aborder la question du pouvoir d’achat, sans oser faire le bilan des effets pervers de la concurrence sur l’activité économique de nos entreprises, sans s’interroger sur l’avenir des tarifs réglementés. Quels tarifs le Gouvernement pourra-t-il garantir dans les mois et les années à venir ?

Lors des débats en 2006, nous avions dénoncé les hausses – jusqu’à 70 % pour le gaz – des factures énergétiques des entreprises. Conséquences directes de la politique énergétique gouvernementale, des sites ont fermé, en particulier dans le secteur papetier qui est grand consommateur d’énergie, et des emplois ont été supprimés. Aujourd’hui, la Commission de régulation de l’énergie doit se prononcer sur une augmentation de 9,5 % du prix du gaz au 1er avril !

Cet hiver, la période de très grand froid a été particulièrement longue. Nos concitoyens ont dû y faire face. Les ménages les plus modestes, ceux qui vivent dans des logements vétustes ou mal isolés faute de moyens, ont parfois renoncé à se chauffer correctement tant la note était lourde !

Face à ces circonstances climatiques difficiles, nous avons déposé un amendement tendant à rétablir la prime à la cuve pour les ménages se chauffant au fioul. Cet amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances. Mais cela ne vous empêche en rien, monsieur le ministre d’État, de reconduire cette prime dès aujourd’hui. Vous en avez le pouvoir et les Français en ont besoin !

Cette absence de débats sur le prix de l’énergie s’accompagne naturellement de celle de la maîtrise publique nécessaire du secteur énergétique. La réversibilité des tarifs réglementés suppose leur maintien. Or, me semble-t-il, la pérennité des tarifs réglementés n’est pas une affaire de date. Elle repose sur la maîtrise publique du secteur énergétique.

La déréglementation de ce secteur, orchestrée par le Gouvernement, entraîne inévitablement l’augmentation des tarifs du gaz et de l’électricité. Elle sert l’objectif premier de rentabilité à court terme et de rémunération des actionnaires. Tout cela se fait au détriment des investissements et des consommateurs.

Ces logiques marchandes délétères pour le service public de l’énergie, portées par le Gouvernement, contaminent même l’opérateur historique, EDF.

En outre, on ne peut ignorer le contenu de l’avant-projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité. En effet, devançant les demandes de Bruxelles, le Premier ministre a confirmé qu’il allait offrir une part substantielle de la production électronucléaire française aux opérateurs privés qui en feront la demande.

Cette mesure, qui constitue une véritable aide publique en faveur du secteur privé, violant les règles de la concurrence libre et non faussée, est inacceptable ! Elle permettra au marché privé d’accroître ses marges, d’augmenter les tarifs, sans devoir supporter le coût des investissements nécessaires à l’entretien des outils de production, à leur démantèlement ou au traitement des déchets produits.

Les usagers vont être doublement pénalisés. Ils ont financé le parc de production électrique français et vont être totalement dépossédés du retour sur investissement. De plus, ils subiront de plein fouet les hausses des tarifs.

Enfin, sans revenir sur l’absence totale de transparence de la formule qui permet de fixer les tarifs réglementés, nous sommes très inquiets du contenu de l’avant-projet de loi sur cette question.

En effet, le texte tendrait à prévoir que « la structure et le niveau des tarifs réglementés de vente d’électricité hors taxes [soient] fixés afin d’inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée ». Autrement dit, du chauffage pour ceux qui ont les moyens de le payer, les autres se passeront de ce luxe !

Je voudrais dire un dernier mot à ceux qui penseraient que la solution se trouve dans la privatisation du nucléaire civil. Une telle direction, qui n’est pas exclue par le Président de la République, présenterait de graves dangers en termes de sécurité des installations, d’entretien des réseaux, d’indépendance énergétique.

Cette question ne peut faire l’objet d’aucun compromis. Une forte maîtrise publique est seule capable de permettre la transparence nécessaire sur les objectifs industriels et de recherche, ainsi que sur le niveau de sécurité des installations nucléaires.

Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons perd terriblement de son intérêt. Il est important de protéger le consommateur qui a quitté les tarifs réglementés dans l’espoir de voir baisser sa facture et qui se retrouve pris en otage, sur les bons conseils de la majorité, par le jeu de la concurrence.

Mais jusqu’à quel point le protégeons-nous en adoptant simplement ce texte ? Il est surtout urgent de se mobiliser en faveur d’une maîtrise publique forte du secteur énergétique et d’arrêter ce gâchis. L’énergie est un bien essentiel qui doit être exclu des règles du marché !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.

M. Jean-Claude Merceron. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’excellent travail de l’auteur et du rapporteur de cette proposition de loi, notre collègue Ladislas Poniatowski. Le travail est d’autant plus remarquable que le projet comportait plusieurs difficultés, dont, en premier lieu, l’urgence de combler le vide juridique avant le 1er juillet 2010.

En effet, la loi du 13 juillet 2005 prévoyait au 1er juillet 2010 la fin de la réversibilité, c’est-à-dire la possibilité pour le consommateur résidentiel qui a choisi un fournisseur concurrent d’EDF de revenir aux tarifs réglementés d’EDF.

Or, le projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité ne devrait pas être promulgué à cette date. En supprimant la date butoir de l’article 66 de la loi de 2005, la proposition de loi comble à bon escient un vide juridique et vient pérenniser le principe de réversibilité.

En outre, la réversibilité agit comme un filet de sécurité efficace pour les consommateurs et permet un premier pas vers une concurrence effective entre les fournisseurs d’énergie électrique. En effet, il n’y a de concurrence effective que si les consommateurs ayant choisi un fournisseur d’électricité autre qu’EDF sont assurés de pouvoir revenir, s’ils le souhaitent, au tarif réglementé.

La réversibilité permet en ce sens de lever un obstacle majeur au libre choix du fournisseur et donc de « dégeler » la situation des fournisseurs concurrents, qui voient leur prospection aujourd’hui figée par la date butoir du 1er juillet.

L’apport des membres de la commission doit bien entendu être également salué.

J’approuve notamment l’élargissement de la portée du principe de réversibilité au gaz naturel. Les consommations résidentielles tout comme l’état de la concurrence dans ce secteur sont en effet assez proches, et il me semble opportun de les traiter au détour de cette proposition de loi.

Autre point important : l’application de la réversibilité aux consommateurs de moins de 36 kilovoltampères n’exclut pas les collectivités territoriales.

Il faut dire que, dans mon département, afin de suivre les recommandations gouvernementales d’ouverture à la concurrence, la grande majorité des 282 communes vendéennes, par l’intermédiaire du syndicat d’énergie, a lancé un appel d’offres groupé pour l’éclairage public.

Le texte donne aujourd’hui satisfaction, puisque la plupart des points de livraison comptent moins de 36 kilovoltampères. Toutefois, il ne faudrait pas que la définition de site englobe l’ensemble des points de livraison d’une même commune, sinon le seuil risque d’être dépassé et les communes seront pénalisées, alors qu’elles ont été exemplaires dans l’application des préconisations gouvernementales.

Hormis cette précision de grande importance, à savoir « un comptage égale un site », je salue sans réserve les apports méritants de la proposition de loi de notre collègue Poniatowski, qui constitue une étape préliminaire importante. Elle permet de nous projeter sur le projet de loi à venir relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi tend à autoriser les consommateurs domestiques et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d’électricité et de gaz naturel. Même si nous soutenons une telle mesure, que nous avions réclamée à plusieurs reprises afin de préserver les tarifs réglementés et d’assurer la protection des ménages dans la jungle de la concurrence, je suis tenté de dire : encore un texte de plus, une nouvelle modification législative !

En effet, depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie aux ménages voulue par le gouvernement Raffarin et les dispositions législatives qui en ont découlé, nous allons de propositions de loi en amendements, de rebondissements en ajustements, de modifications en corrections. Si nous corrigeons, modifions, rapiéçons, réparons, c’est pour limiter les conséquences néfastes de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité et du gaz aux ménages. C’est bien là l’aveu d’une erreur !

Certes, dans le cas présent, la proposition de loi est destinée à combler un vide juridique, en attendant le texte relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Elle vise en quelque sorte à faire sauter la date butoir du 1er juillet 2010 prévue à l’article 66 de la loi POPE, la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Exactement !

M. Roland Courteau. En fait, la majorité sénatoriale applique exactement les préconisations de nos propositions de loi ou de nos amendements qu’elle avait pourtant rejetés. En 2007, Daniel Raoul avait prévenu que le maintien de cette date butoir poserait problème à l’approche du 1er juillet 2010. Nous y sommes !

En acceptant l’ouverture à la concurrence en 2002, la France s’est mise dans une mauvaise passe. Comme le soulignait également Daniel Raoul, nous sommes punis par où la majorité a péché !

M. Roland Courteau. L’Europe a jusque-là montré son incapacité à mener une véritable politique énergétique, sauf à laisser croire que le marché pourra tout réguler.

On connaît la suite avec les désordres qui s’ensuivirent, en particulier des hausses des prix de l’énergie très pénalisantes au cours des dernières années : 80 % au Royaume-Uni, 90 % au Danemark, et j’en passe.

Pourtant, depuis 2002, les gouvernements français successifs et leurs majorités parlementaires ont toujours voulu favoriser la primauté des mécanismes concurrentiels sur tout autre mécanisme régulateur. Je me souviens d’ailleurs très clairement des propos que vous teniez au moment de la transposition en 2000 de la directive signée en 1996 par M. Juppé, alors Premier ministre.

Par exemple, le rapporteur de ce texte, M. Revol, n’a eu de cesse de dénoncer le choix du gouvernement de l’époque, celui de M. Jospin, d’effectuer « une transposition tardive et insuffisamment libérale ». Oui, j’ai bien dit « insuffisamment libérale » ! Il regrettait que la France choisisse de limiter le degré d’ouverture au minimum et que cette transposition ne permette pas l’activité de négoce de l’électricité – achat pour revente –, sans laquelle, disait-il, la réalisation d’un véritable marché intégré de l’électricité était compromise

Avec le futur projet de loi NOME, nous allons franchir une étape supplémentaire pour tenter de soutenir artificiellement une concurrence dans un secteur qui, de par sa nature même, ne peut fonctionner si on l’abandonne aux mécanismes purement concurrentiels.

À qui cela va-t-il bénéficier ? Aux consommateurs, au premier rang desquels les ménages ? J’en doute ! L’instabilité des prix de l’énergie, leur volatilité à la hausse font planer de sérieux doutes et laissent à penser que ce seront plutôt eux qui en feront les frais avec une baisse de leur pouvoir d’achat du fait des dépenses incompressibles – le chauffage, par exemple – qui ne cessent de croître.

Pour la majorité sénatoriale, la conception de la construction européenne reposait sur une foi inconditionnelle dans les vertus de la concurrence et du marché. La preuve en est que, quelques années plus tard, le gouvernement de M. Raffarin a permis l’émergence de fournisseurs alternatifs à l’opérateur historique. La suite, nous la connaissons…

Dans un souci de clarté, je souhaiterais établir une bonne fois pour toutes les responsabilités par rapport à l’ouverture à la concurrence aux ménages.

Lors du Conseil européen de Barcelone, en mars 2002, le gouvernement Jospin avait obtenu que l’ouverture du marché de l’électricité et du gaz soit uniquement limitée aux professionnels et aux entreprises. En contrepartie de cette ouverture aux professionnels pour 2004, il avait obtenu le principe de l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général, la construction européenne devant ainsi reposer sur d’autres fondements que ceux du marché et des lois de la concurrence.

J’ajoute que le Président de la République de l’époque, M. Jacques Chirac, avait précisé, lors de la conférence de presse qui avait suivi le Conseil, que c’était bien la solution souhaitée qui avait été retenue et qu’il n’était pas admissible ni même acceptable d’aller plus loin. Bref, les ménages n’étaient en aucune façon concernés par l’ouverture du marché de l’électricité.

En revanche, c’est bien le 25 novembre 2002, lors d’un Conseil des ministres européens de l’énergie, que Mme Fontaine, ministre déléguée à l’industrie dans le gouvernement Raffarin, a accepté qu’une date finale soit fixée pour l’achèvement du marché intérieur de l’électricité et du gaz. C’est ainsi que les nouvelles directives de juin 2003 pour l’électricité et le gaz prévoiront plusieurs étapes pour aboutir à l’ouverture totale à la concurrence au 1er juillet 2007.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. C’est laborieux !