Mme Raymonde Le Texier. L’économiste Guillaume Duval rappelait ainsi que, voilà cinq ans, une personne occupant un emploi en France produisait en moyenne 73 400 dollars de richesses, contre 65 700 pour un Anglais, 59 900 pour un Allemand et 57 800 pour un Japonais. Mais pour la droite au pouvoir, la réalité ne compte pas dès lors qu’elle contredit le dogme.

Les 35 heures sont loin d’avoir été une mauvaise affaire pour la France et pour les Français. Le Gouvernement le sait. Christiane Demontès et d’autres collègues le démontreront plus précisément dans un instant. Les 35 heures sont d’ailleurs devenues indispensables au discours de la droite. Sans elles, le roi est nu, et Nicolas Sarkozy doit affronter en face son échec économique et la violence sociale qu’il a contribué à développer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Alors que, derrière les discours du Gouvernement sur les RTT, s’exprime insidieusement le dénigrement de salariés supposés paresseux, le livre de Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham, rappelle quelques cruelles réalités.

De février à juillet 2009, cette journaliste s’est inscrite comme demandeuse d’emploi au Pôle emploi de Caen. Elle raconte sa première entrevue : après avoir indiqué son absence de qualification, elle tombe des nues quand, ayant déclaré qu’elle acceptait n’importe quel travail, son interlocuteur lui rétorque : « c’est le cas de tous ceux qui sont ici ».

Devenue « agent de propreté », elle est soumise à des horaires plus qu’atypiques, à des déplacements incessants, à des prestations chronométrées,...

M. Gérard Longuet. Grâce aux 35 heures !

Mme Raymonde Le Texier. … et tout cela pour moins de 700 euros par mois ! Elle décrit un univers sans espoir où l’on ne travaille déjà plus : on « fait des heures ».

Le célèbre « travailler plus pour gagner plus » n’avait d’autre objet que de convaincre les Français de l’impossibilité économique que constituait la réduction du temps de travail ; il les amenait ainsi à être les propres artisans de la disparition des droits qui les protégeaient : conventions collectives, droit du travail, RTT.

M. Alain Vasselle. Les travailleurs sont les premières victimes des 35 heures !

Mme Raymonde Le Texier. L’objectif réellement poursuivi par Nicolas Sarkozy a été atteint : maintenir un partage des richesses favorable aux entreprises, à leurs équipes dirigeantes et à des actionnaires jamais repus. La loi emblématique de son quinquennat, le fameux bouclier fiscal, en est l’aveu.

M. Alain Vasselle. Cela n’a rien à voir ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. Entre le travail du dimanche, les heures supplémentaires, la réduction des protections collectives et les avantages consacrés aux plus riches, le projet de société que porte la droite s’assimile à un retour au xixe siècle, sans les syndicats.

M. Gérard Longuet. Et même au xviiie siècle !

Mme Raymonde Le Texier. Avec les 35 heures, la gauche, elle, proposait un projet de société où la qualité de vie, l’épanouissement personnel, familial et collectif…

M. Gérard Longuet. La baisse du pouvoir d’achat, le chômage !

Mme Raymonde Le Texier. … étaient au cœur du changement. Elle disait clairement que l’homme ne devait pas être réduit à un outil au service de la production,…

Mme Raymonde Le Texier. … que le travail est structurant s’il donne la stabilité pour construire aussi ailleurs.

Le temps est une richesse qui alimente la dimension personnelle et nourrit l’espace collectif. C’est dans ce temps préservé que les parents transmettent aux enfants valeurs, confiance en eux et capacité à s’intégrer dans la société. C’est dans ce temps préservé que peut s’exercer la citoyenneté et que se noue le lien social. C’est grâce à ce temps préservé que l’on améliore la condition humaine. Au regard des attentes de notre société, quoi que vous en pensiez, la question de la réduction du temps de travail est toujours d’actualité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour le groupe du RDSE.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « les 35 heures ont endommagé la compétitivité de notre économie » : ce constat n’émane pas de la majorité présidentielle, il est dressé par Manuel Valls. Si même ceux qui sont à l’origine des 35 heures s’interrogent sur leur pertinence, c’est que leurs conséquences engendrent pour le moins des doutes.

M. Alain Vasselle. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Nous ne sommes plus dans le contexte de 1936, où la semaine de travail de 40 heures constituait une véritable et nécessaire avancée mise en place par le Front populaire. Le marché était alors essentiellement intérieur, et l’objectif d’un meilleur équilibre social était indispensable. Les conditions de travail, les protections sociales, les salaires étaient inférieurs à ceux de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne, pays aux économies comparables.

Aujourd’hui, l’économie est mondialisée, internationale, sans frontières. Comment pouvons-nous être compétitifs dans cette économie planétaire avec le handicap des 35 heures ?

Le fait que les 35 heures n’aient été reprises par aucun autre pays au monde constitue un verdict sans appel. La France est le seul pays dans lequel le temps de travail hebdomadaire de 35 heures ait été imposé et généralisé par la loi. Il n’y a guère qu’en Allemagne que certaines branches d’activité ont obtenu une durée de travail de 35 heures par la négociation,…

M. Martial Bourquin. Et même de 33 heures !

M. Aymeri de Montesquiou. … pour adapter la production à un marché en régression. Dans aucun autre pays européen, la durée légale du travail est inférieure à 37 heures.

Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 n’ont eu de cesse d’assouplir les lois Aubry : augmentation des contingents d’heures supplémentaires, possibilité de payer les jours de RTT non pris, exonération et défiscalisation des heures supplémentaires. On compte pas moins de six lois en six ans !

Malgré tous ces assouplissements, la durée hebdomadaire moyenne de travail dans les entreprises de plus de dix salariés est de 35,6 heures. Seulement 10 % des salariés travaillent plus de 38 heures par semaine. Il est vrai que, depuis plus de trente ans, la tendance, dans les pays de l’OCDE, est, en raison de la hausse de la productivité et de l’augmentation du temps partiel, à la réduction du nombre d’heures travaillées, l’objectif étant – et c’est heureux ! – l’amélioration de l’existence des salariés.

La France fait aujourd’hui partie des pays où l’on travaille le moins : 1 470 heures par an, contre 1 653 heures au Royaume-Uni ou 1 720 heures aux États-Unis. Notre compétitivité horaire, peut-être la meilleure, est totalement effacée, une fois ramenée à une échelle annuelle.

Comment notre pays, cinquième puissance mondiale, peut-il être compétitif face à des pays concurrents comparables – l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou encore l’Italie – et, surtout, face aux puissances émergentes – le Brésil, l’Inde, la Chine – qui commencent à nous concurrencer, y compris dans les secteurs de haute technologie ?

Je l’avais déjà dénoncé sur ces bancs et je le répète, cette réduction du temps de travail a été une triple erreur : économique, budgétaire et sociale.

Monsieur le secrétaire d’État, le passage aux 35 heures coûte 15 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter 6 milliards d’euros pour la réorganisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC, soit 21 milliards d’euros par an au budget de l’État. Si 700 000 emplois nouveaux étaient espérés, il en a été créé moins de la moitié, par la baisse du temps de travail, mais aussi, ne l’oublions pas, par la croissance mondiale et donc nationale du début des années 2000.

Même si, bien sûr, tout ne peut être imputé aux 35 heures, il faut noter que la France a perdu 3 points de parts de marché dans la zone euro depuis 1999.

L’addition des 35 heures est sévère.

Elle est d’autant plus sévère que la pression s’est accentuée sur les salariés pour qu’ils produisent en 35 heures autant qu’en travaillant 39 heures. L’effet est donc très négatif sur le contexte dans lequel ils évoluent.

Elle est d’autant plus sévère que la mise en place des 35 heures dans la fonction publique a provoqué une dégradation de la qualité des services publics. C’est particulièrement évident dans le milieu hospitalier, où les jours de repos pour réduction du temps de travail, dits jours de RTT, non pris s’accumulent et où les dysfonctionnements dans les différents services se multiplient, en particulier dans les services d’urgence.

Elle est d’autant plus sévère, enfin, que l’ensemble des salariés ont vu leur salaire plafonner pendant plusieurs années. Le slogan « travailler plus pour gagner plus », mis en avant par le candidat Sarkozy et mis en œuvre par le Président de la République, répondait donc à l’aspiration de nombreux salariés. (Marques d’agacement sur les travées du groupe socialiste.)

Il fallait lever les entraves au bon fonctionnement du marché du travail, lui redonner de la fluidité, libérer du carcan des 35 heures les entreprises, employeurs comme salariés. Contrairement à l’idée répandue, les 35 heures ne peuvent être considérées comme un acquis social car elles pénalisent les entreprises en termes de compétitivité et, les fragilisant, elles fragilisent l’emploi.

M. Aymeri de Montesquiou. Si, à l’origine, ces mesures ont pu engendrer un sentiment d’euphorie chez certains, la désillusion fut rapide, comme l’illustre l’échec de Martine Aubry aux élections de 2002. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Ce sont les ouvriers et les employés qui se sont exprimés !

M. Didier Guillaume. Et les élections de dimanche dernier ?…

M. Aymeri de Montesquiou. Faut-il éternellement opposer salariés et entreprise ? Ces réflexes de lutte des classes ou de patronat de droit divin doivent être laissés à une autre époque.

Aujourd’hui, les comparaisons entre conditions de travail et de rémunération, compétitivité des entreprises au niveau national ou international devraient permettre de trouver un juste équilibre. Les chefs d’entreprise savent que les salariés sont d’autant plus performants qu’ils se sentent bien dans leur entreprise. Les salariés savent qu’une entreprise prospère leur assurera, sur le moyen et même sur le long terme, travail et juste salaire.

Les 35 heures avaient trois objectifs : créer des emplois, améliorer la vie des salariés et éviter toute répercussion négative sur les entreprises. Tous les trois ont échoué !

Ainsi, Manuel Valls constate que « la loi sur les 35 heures n’a plus beaucoup de sens aujourd’hui et n’est plus guère favorable à l’emploi ».

Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur vous pour donner un nouvel espoir aux salariés et aux chefs d’entreprise en proposant des mesures qui s’appuient sur le bon sens et non sur une idéologie, quelle qu’elle soit.

Je conclurai en faisant appel à un renfort de poids, celui de Laurent Fabius, qui déclarait dans un éclair de lucidité : « Il faut faire passer le développement économique avant le préjugé idéologique. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, au nom du groupe UMP.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les 35 heures ont été mises en place uniquement par démagogie, sans penser une seconde aux conséquences économiques et financières. On a voulu favoriser les embauches, mais on n’a pas pris en compte les coûts supplémentaires pour les entreprises et pour l’État – et j’en sais quelque chose !

On ne peut imaginer décision politique plus dramatique et décision prise avec plus de légèreté. Nous en subissons aujourd’hui les lourdes conséquences.

Les 35 heures ont eu comme résultat de ne pas réduire le chômage, contrairement à ce que croyaient naïvement les auteurs de cette loi, sauf, il est vrai, dans les administrations et les hôpitaux, ce qui a engendré une augmentation considérable des charges de l’État et du déficit budgétaire.

Par ailleurs, comme nous sommes les seuls au monde à travailler si peu avec, en plus, les charges sur salaire les plus élevées, cette réforme a eu pour conséquence d’aggraver considérablement nos coûts de production, donc nos prix, et de pénaliser nos ventes et nos exportations.

Pour rétablir notre compétitivité, nos entreprises sont obligées de délocaliser leur production, d’où une réduction de la croissance et une augmentation du chômage.

De plus, de nombreuses usines ou filiales étrangères en France, ayant une rentabilité plus faible qu’ailleurs, commencent à fermer. Les personnels s’inquiètent donc pour leur emploi – nous en avons eu récemment de nombreux exemples – et la situation ne peut que s’aggraver.

Pour parfaire leur démagogie, les auteurs de la loi ont décidé de maintenir les salaires : les 35 heures sont donc payées 39 heures. L’État a dû imaginer toute une série de subventions pour les entreprises, incapables de supporter ces augmentations de coût, ce qui a aggravé notre déficit budgétaire et notre endettement, et ce de façon récurrente. Nous parlons de plus de 30 milliards d’euros par an.

Enfin, pour réduire le coût des heures supplémentaires devenu prohibitif, l’État a proposé de payer les charges correspondantes aux entreprises, et voilà encore quelques milliards d’euros de plus envolés.

Notre endettement augmente aussi à cause des emprunts utilisés pour ces dépenses de fonctionnement, une pratique financière prohibée, qui se renouvelle chaque année.

Alors, pour sortir de ce guêpier, retrouver notre compétitivité, mettre un terme aux délocalisations et limiter notre endettement, il n’y a qu’une décision à prendre : revenir au régime des 39 heures légales ! (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.)

Mme Annie David. Pourquoi pas 45 heures ou 50 heures ? Et pourquoi ne pas supprimer aussi les congés payés ?

M. Serge Dassault. Certes, cette décision n’est pas facile à prendre et nous pouvons craindre une opposition des syndicats, de la gauche et de l’opinion. Mais il faut savoir ce que l’on veut.

Ne changeons rien et nous assisterons à la disparition de notre outil industriel, l’installation d’un déficit budgétaire impossible à réduire, l’affaiblissement de notre croissance, l’émergence d’une crise économique sans précédent, une aggravation du chômage suivie, sans doute, d’une crise politique. Les objectifs du Gouvernement, récemment définis par M. François Fillon, ne seront pas tenus.

En revanche, si nous informons suffisamment l’opinion et lui faisons comprendre que la France ne peut plus rester le pays où l’on travaille le moins avec les coûts de production les plus élevés, nous arriverons à réduire les délocalisations et notre déficit budgétaire.

Enfin, pour renouer avec la croissance et les exportations, il faudra dévaluer l’euro, mais il s’agit là d’un autre dossier, que nous aborderons dans d’autres circonstances. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, au nom du groupe socialiste.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une nouvelle fois, la réduction négociée du temps de travail menée entre 1997 et 2002 est mise en débat. C’est un fait, cette période a vu la création de 2 millions d’emplois et un recul de 900 000 personnes de la population au chômage. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Elie Brun. N’importe quoi !

Mme Christiane Demontès. C’est la réalité, mes chers collègues de droite, même si, je le conçois, elle ne vous fait pas forcément plaisir !

Au regard de la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui plongé notre pays, on comprend pourquoi l’actuelle majorité parlementaire s’évertue à toujours s’en prendre à cette politique... Le contraste est tellement saisissant ! Sa démarche procède d’une seule logique, celle du bouc-émissaire !

Mme Christiane Demontès. Les derniers chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, sont éloquents et ce n’est pas moi qui les invente : 322 000 emplois, en 2009, et 600 000 emplois, depuis 2008, ont été détruits dans le secteur privé.

Dans ce contexte dramatique, le réflexe de la majorité et de son gouvernement est de stigmatiser la réforme des 35 heures et d’en faire la mère de tous les maux économiques et sociaux.

Or qu’en est-il exactement ? Quels ont été les coûts de ces mesures sur un plan financier bien sûr, mais également dans leur dimension sociale, cette dimension sociale devant être abordée sous l’angle de l’activation des dépenses passives du chômage, soit le fait de payer pour l’emploi, et non pour le chômage ?

Mme Christiane Demontès. Il y a quelque temps, la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité, alors porte-parole de l’UMP, résumait les critiques de la droite par une formule lapidaire : « Les socialistes ont injecté 15 milliards d’euros dans les 35 heures pour empêcher les Français de travailler. » Lapidaire et faux, mes chers collègues de la majorité !

M. Elie Brun. Mais non, c’est vrai !

Mme Christiane Demontès. Si l’on considère la création d’emplois, on constate que 80 % des 2,4 millions d’emplois créés entre 1992 et 2006 l’ont été entre 1998 et 2002. Si la croissance a joué un rôle indéniable durant cette période, elle ne peut à elle seule expliquer cette progression exceptionnellement forte de l’emploi. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, et selon l’INSEE, les 35 heures ont permis la création de près de 400 000 emplois supplémentaires.

Preuve est donc faite que cette réforme a eu un impact sur la création d’emplois ou, plus précisément, que le partage du temps de travail n’a pas été un frein à la croissance. Bien au contraire, il l’a renforcée.

Ainsi, en ce qui concerne le volume d’heures global, si 400 millions d’heures de travail ont été supprimées entre 1992 et 1998, le nombre d’heures salariées a progressé de 800 millions d’heures entre 1998 et 2002. Il ne s’agit donc pas de politique malthusienne. Toutes les observations prouvent le contraire.

Le MEDEF s’est beaucoup plaint de l’impact sur les entreprises des 35 heures et il a d’ailleurs trouvé, aujourd’hui, des porte-parole dans notre hémicycle.

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas déshonorant !

Mme Christiane Demontès. En effet ! C’est juste une réalité !

Or, les entreprises furent incitées à négocier les conditions de passage à cette nouvelle durée légale du travail hebdomadaire. Ainsi, en cas de signature d’accord, elles bénéficiaient d’une réduction de cotisation patronale dégressive, jusqu’à 1,7 fois le SMIC. Au-delà de ce seuil, une aide forfaitaire de 600 euros par emploi rémunéré leur était versée. Ces allégements ont réduit le coût salarial de 2,5 %.

En outre, pendant la période allant de 1998 à 2002, les entreprises ont produit 100 milliards d’euros de valeur ajoutée supplémentaire. Avec un gain de productivité de 3 % par an, les effets comptables des 35 heures ont donc vite été dépassés. Ainsi, c’est l’absence de dérapage des coûts salariaux qui a été à la source des embauches massives sur cette période.

Vous vous interrogez sur le coût de cette politique pour l’État, mes chers collègues de la majorité. Les allégements s’élevaient à 11 milliards d’euros pour 2002. Or, dès 2003 –  Mme Annie David l’a déjà indiqué, me semble-t-il –, ces réductions, jusqu’alors réservées aux entreprises ayant signé un accord, ont été étendues à toutes les entreprises, pour un montant global de 16 milliards d’euros. Cette somme s’est stabilisée autour de 19,5 milliards d’euros en 2006, du fait de la progression du SMIC et de l’explosion du nombre de salariés payés à ce bas niveau.

Il n’en reste pas moins que ce chiffre est à reconsidérer, car il convient de déduire les montants des allégements issus de la législation antérieure, en particulier sur les bas salaires et les temps partiels, notamment des femmes.

Contrairement à ce que nous vivons depuis 2002, la démarche lancée en 1997 et 1998 concernant la baisse négociée du temps de travail s’est fondée sur une décision simple : les sommes allouées aux aides à la réduction du temps de travail devaient être compensées par les retours attendus pour les finances sociales et publiques, c'est-à-dire baisse des dépenses d’indemnisation du chômage et hausse des recettes sociales et fiscales. Comme je l’ai déjà indiqué, il s’agit bien de l’activation des dépenses passives du chômage : payer pour l’emploi plutôt que pour le chômage.

M. Elie Brun. Facile !

Mme Christiane Demontès. Dans les faits, la création de plus de 400 000 emplois supplémentaires a permis à notre protection sociale d’engranger un excédent de cotisations. Je n’aurai pas la méchanceté de vous rappeler l’état des finances sociales d’alors. Sur une base salariale médiane basse de 1,3 fois le SMIC, l’apport net a été de plus de 1,8 milliard d’euros. Cette réalité tranche avec le gouffre abyssal du déficit dans lequel la majorité a depuis plongé notre protection sociale.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je terminerai par quelques observations.

Si les 35 heures sont, comme l’affirme le Premier ministre, « une faute que nous aurons du mal à effacer »,…

M. Elie Brun. Il faut l’effacer !

Mme Christiane Demontès. … pourquoi ne pas les avoir abrogées directement plutôt que de les remettre en cause peu à peu par rien de moins que neuf décrets ou lois ?

Mme Annie David. Les entreprises veulent conserver leurs exonérations !

Mme Christiane Demontès. Qu’en serait-il si les 35 heures étaient totalement abrogées ? Quel serait le coût pour notre économie, pour nos finances publiques, pour nos entreprises ? Avez-vous effectué des simulations ? Quelle est la cohérence de tout cela ?

En outre, comme l’a évoqué notre collègue Raymonde Le Texier, nous devons nous interroger sur l’apport des 35 heures, et notamment des RTT, dans la gestion de la crise que nous traversons actuellement. Sans les RTT, à combien se chiffrerait le nombre déjà dramatiquement élevé de chômeurs ? Nous le savons tous – et nous le vérifions chaque jour sur le terrain lorsque nous rencontrons les entrepreneurs –, les RTT ont amorti le choc issu de la baisse d’activité, notamment dans l’industrie. C’est bien tout le contraire qui se passe avec les heures supplémentaires défiscalisées, qui, elles, freinent l’emploi.

Enfin, si la majorité mène une politique économique circonscrite à la recherche du « moindre coût », il en allait tout autrement des 35 heures. La réduction du temps de travail participait d’une vraie vision de la société (M. Alain Gournac s’exclame),

M. Elie Brun. Une magnifique vision… (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Christiane Demontès. … dans laquelle l’homme est considéré non pas comme une variable économique toujours trop coûteuse, mais comme une richesse première dont la condition doit être toujours améliorée.

Chers collègues de la majorité, à combien chiffrez-vous l’apport des millions de salariés qui ont pu garder leurs enfants, quand vous précarisez les conditions de garde (Mme Gisèle Printz et M. Claude Jeannerot applaudissent), à combien se monte l’apport de nos concitoyens qui se sont investis dans le tissu associatif que vous négligez si dangereusement ? Avec 10 % de chômeurs et une précarité qui ne cesse d’exploser, qui se trouve dépassé par la crise ? Peut-être pas le Gouvernement, mais très certainement les millions de nos concitoyens qui, chaque jour, craignent les licenciements, la baisse de leur pouvoir d’achat et la généralisation de la précarisation, sous couvert de votre bouclier fiscal, que certains d’entre vous présents ici, comme je l’ai lu aujourd'hui, commencent à trouver indécent. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, au nom du groupe UMP.