Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine, M. François Fortassin.

1. Procès-verbal

2. Candidature à un organisme extraparlementaire

3. Questions orales

desserte de la gare des arcs-draguignan

Question de M. Pierre-Yves Collombat. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Pierre-Yves Collombat.

projet de prolongement de la ligne e du rer

Question de Mme Catherine Dumas. – M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Mme Catherine Dumas.

contrôle des sites industriels présentant des risques pour l'environnement et prise en charge financière de la dépollution

Question de M. Claude Domeizel. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Claude Domeizel.

organisation de la recherche sur les organismes génétiquement modifiés

Question de M. Christian Demuynck. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Christian Demuynck.

évolution de la nomenclature des installations classées et traitement des déchets ultimes

Question de M. Michel Doublet. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Michel Doublet.

dispositif scellier dans les communes classées en zone c

Question de M. Bernard Fournier. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Bernard Fournier.

tarif de rachat de l’électricité produite au moyen d’installations photovoltaïques

Question de M. Michel Boutant. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Michel Boutant.

dématérialisation des bulletins de salaire et sauvegarde dans les coffres-forts numériques

Question de Mme Catherine Morin-Desailly. – Mmes Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique ; Catherine Morin-Desailly.

inquiétudes concernant la filière aquacole

Question de M. Yannick Botrel. – Mmes Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique ; M. Yannick Botrel.

regroupement des tribunaux d'instance parisiens dans la future cité judiciaire des batignolles

Question de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mmes Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Nicole Borvo Cohen-Seat.

manque d'effectifs et dégradation des conditions de travail du tribunal de grande instance de pontoise

Question de Mme Raymonde Le Texier. – Mmes Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Raymonde Le Texier.

insécurité juridique créée par les difficultés de fonctionnement du pôle emploi

Question de Mme Françoise Cartron. – M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie ; Mme Françoise Cartron.

aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise

Question de Mme Anne-Marie Escoffier. – M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie ; Mme Anne-Marie Escoffier.

avenir de l'usine first aquitaine industries de blanquefort

Question de M. Alain Anziani. – MM. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie ; Alain Anziani.

pénalisation des médecins de nationalité française titulaires d'un diplôme de médecine étranger extra-communautaire par rapport à leurs collègues étrangers du même pays

Question de Mme Claudine Lepage. – Mmes Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports ; Claudine Lepage.

traitement des déchets d'activités de soins à risques infectieux

Question de M. Jean-Claude Frécon. – Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports ; M. Jean-Claude Frécon.

option d'archivage en imagerie médicale

Question de M.  Alain Houpert. – Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports ; M. Alain Houpert.

construction d'un nouvel hôpital à melun

Question de M. Yannick Bodin. – Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports ; M. Yannick Bodin.

4. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

5. Grand Paris. – Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Rappel au règlement

MM. David Assouline, le président.

Discussion générale

MM. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale ; Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale sur le Grand Paris.

M. Yvon Collin.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

Mme Éliane Assassi, M. Yves Pozzo di Borgo, Mme Nicole Bricq, M. Roger Romani, Mmes Françoise Laborde, Marie-Thérèse Hermange, MM. Bernard Vera, Denis Badré, Serge Lagauche, Mmes Catherine Dumas, Catherine Morin-Desailly, MM. Bernard Angels, Philippe Dominati, Mme Dominique Voynet, M. Charles Revet, Mme Catherine Tasca, MM. Christian Cambon, Jacques Mahéas, Laurent Béteille, Mmes Bariza Khiari, Fabienne Keller, Catherine Procaccia, M. Philippe Dallier.

Clôture de la discussion générale.

M. le secrétaire d'État.

6. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

7. Renvoi pour avis

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

8. Grand Paris. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Exception d’irrecevabilité

Motion no 5 de M. Jean-François Voguet. – MM. Jean-François Voguet, Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale sur le Grand Paris ; Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale ; Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jacques Mahéas. – Rejet par scrutin public.

Question préalable

Motion no 1 de M.  Jean-Pierre Caffet. – MM. Jean-Pierre Caffet, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin. – Rejet par scrutin public.

Article 1er

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-Pierre Caffet, Yannick Bodin, Mmes Dominique Voynet, Catherine Tasca, M. David Assouline, Mmes Bariza Khiari, M. le secrétaire d'État.

Renvoi de la suite de la discussion.

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé à la Haute Assemblée de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de l’aviation civile, créé en application de l’article D. 370-4 du code de l’aviation civile.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Alain Chatillon pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

3

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

desserte de la gare des arcs-draguignan

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 785, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais de nouveau attirer votre attention sur la desserte de la gare des Arcs-Draguignan et sur les manquements de la SNCF à ses obligations de service public, si tant est qu’elle en ait encore…

Je vous le rappelle pour mémoire, la gare des Arcs-Draguignan dessert 52 communes varoises, dont celles de la communauté d’agglomération dracénoise, soit 85 000 habitants – c’est également sur ce territoire que se situe le plus grand camp militaire d’Europe, Canjuers –, ainsi que celles du golfe de Saint-Tropez.

Après s’être vu imposer sans concertation des horaires pénalisant gravement les usagers en position d’activité s’agissant des liaisons TGV avec Lyon et Paris – cela s’est produit au mois de décembre 2007 –, la gare des Arcs-Draguignan vient d’être privée d’un nouvel arrêt, et ce sans plus de ménagement.

Par ailleurs, si la communauté d’agglomération dracénoise a procédé à d’onéreux aménagements des abords de la gare, afin de répondre aux besoins du trafic de voyageurs, la SNCF, pour sa part, refuse toujours de réaliser les travaux permettant d’améliorer l’accessibilité des personnes aux trains, dont l’état est actuellement plutôt calamiteux, à l’exception récente à la veille des élections régionales – vive les élections régionales ! – d’un dispositif améliorant le transport des bagages.

À ce jour, les courriers des élus et de l’association des usagers de la gare des Arcs-Draguignan n’ont reçu aucune réponse, voire, la plupart du temps, aucun accusé de réception ! Personnellement, j’ai renoncé à m’adresser directement à la SNCF et à Réseau ferré de France, d’où votre présence ce matin, monsieur le secrétaire d’État… Il est visiblement plus facile d’avoir un contact avec un membre du Gouvernement qu’avec les responsables de la SNCF !

Je souhaite donc savoir si la SNCF est toujours chargée d’une mission de service public et si elle a, à ce titre, des comptes à rendre aux représentants de la nation et au Gouvernement, ou si le président de la SNCF est « seigneur tout puissant » en son royaume.

Plus prosaïquement, je vous demande de bien vouloir m’indiquer s’il existe un moyen de communication permettant d’entrer en contact avec les responsables de la SNCF, et, si oui, lequel !

Je voudrais également savoir si de telles restrictions d’horaires signifient que la gare des Arcs-Draguignan devra se contenter de regarder passer les TGV quand la nouvelle ligne à grande vitesse dite « des métropoles », passant par Marseille et Toulon, sera construite.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, tout d’abord, il est anormal qu’une entreprise, en particulier une entreprise publique appartenant à tous les Français, ne réponde pas aux courriers des élus, qu’il s’agisse de conseillers municipaux, de maires, de députés ou de sénateurs. Je ferai donc part de votre mécontentement au président de la SNCF.

La SNCF a évidemment une mission de desserte de l’ensemble du territoire, même si cela s’inscrit dans un contexte concurrentiel. D’ailleurs, monsieur le sénateur, vous verrez certainement passer des trains italiens ou provenant d’autres pays dans cette gare que vous connaissez bien. En effet, l’offre internationale peut désormais être assurée par d’autres compagnies que la compagnie nationale, comme c’est déjà le cas depuis quelques années pour le fret.

Vous l’avez souligné, la gare des Arcs-Draguignan est une gare importante par le territoire qu’elle dessert et par les correspondances qu’elle apporte. Selon la SNCF, les modifications d’arrêts intervenues au fil des années avaient vocation à apporter un service de meilleure qualité aux clients. À cet égard, monsieur le sénateur, la SNCF doit servir non pas des « usagers », mais des « clients », c'est-à-dire des personnes qui paient pour obtenir un service. La distinction est d’importance, car on ne traite pas un client comme on traiterait un usager.

Première décision, au moment de la mise en place de l’horaire de service pour 2010, les offres TGV Paris-Toulon et Paris-Marseille – M. le président le sait bien – ont été différenciées, et ce afin d’accélérer de vingt minutes les trains à destination de Hyères et de Toulon.

Seconde décision, plus complexe à gérer, le cadencement offre aux usagers des horaires faciles à mémoriser, les trains partant d’une gare chaque heure à la même minute. Ce système, qui était souhaité par la région, impose de gérer autrement les arrêts. Monsieur le sénateur, vous avez fait référence à la future ligne entre Marseille et Nice. Sur la ligne actuelle, qui est très chargée, un TGV s’arrête seulement à Toulon ou aux Arcs-Draguignan, puis à Saint-Raphaël, Cannes et Antibes, ce qui permet un meilleur temps de parcours, le meilleur temps théorique de parcours depuis la gare des Arcs-Draguignan jusqu’à la gare de Lyon, à Paris, étant de quatre heures quarante.

Le problème de l’accessibilité aux trains se pose également. La Haute Assemblée s’est souvent interrogée sur ce sujet. Vous l’avez indiqué, une rampe à bagages est d’ores et déjà opérationnelle. Mais d’autres points relevant du schéma directeur d’accessibilité élaboré puis approuvé par votre conseil régional le 8 février 2008 devront être mis en œuvre.

Vous avez également évoqué une absence de communication, en faisant référence à l’Association des usagers de la gare des Arcs-Draguignan, l’AUGAD. Pourtant, un comité de ligne s’est réuni normalement, et la direction de la SNCF du Var a annoncé la programmation des travaux à l’association. Bien entendu, si vous estimez que le dialogue avec l’association n’est pas satisfaisant, je me tiens à votre disposition pour le signaler à la SNCF.

En résumé, la gare des Arcs-Draguignan, qui est une gare importante, doit être bien traitée. Elle correspond à un fort trafic et implique des recettes importantes. Vous avez raison d’insister sur la nécessité d’un dialogue de qualité, monsieur le sénateur. En particulier, les demandes des élus doivent être traitées comme il se doit.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vous être déplacé ce matin.

Vous m’avez fait une réponse tout à fait classique, en m’expliquant qu’il ne pouvait pas en aller autrement.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Mais non !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est quasiment ce que vous m’avez dit, hormis s’agissant de la nécessité d’un dialogue. Tout cela a été suivi d’un exercice de sémantique.

Vous m’avez rappelé que nous nous inscrivions dans un contexte concurrentiel. Certes. Mais un tel système, à en croire ses zélateurs, permet d’améliorer la situation, et non de la dégrader.

Vous m’avez également dit que nous devions parler non pas des « usagers » – excusez-moi si je retarde un peu, mais c’est peut-être préférable en cette période… –, mais des « clients ». Là encore, si les clients sont moins bien traités que les usagers, je me demande où est le progrès.

Nous sommes toujours dans la même situation. La gare des Arcs-Draguignan, qui, encore une fois, dessert beaucoup plus que la zone dracénoise, se trouve reléguée à un rang subalterne. Et ce sera encore plus le cas lorsque la nouvelle ligne à grande vitesse sera opérationnelle.

J’ai l’impression que la SNCF considère toute cette zone comme un secteur pour touristes et retraités. Pour elle, il est sans doute superfétatoire de proposer des horaires compatibles avec les demandes des actifs.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie une nouvelle fois de m’avoir répondu, contrairement à la SNCF. Toutefois, vous comprendrez que nous restions véritablement sur notre faim.

projet de prolongement de la ligne e du rer

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 801, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Mme Catherine Dumas. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens également à vous remercier de votre présence ce matin au Sénat.

Le projet de prolongement du RER E à l’ouest de Paris consiste à relier la gare Hausmann–Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie, en passant par La Défense.

Au-delà de la nécessité de relier ces deux territoires, ainsi que les pôles économiques de l’est et de l’ouest, ce projet a également pour objectif de « désaturer » la ligne A du RER.

Un tel prolongement nécessitera la construction de nouvelles infrastructures souterraines, avec la création de nouvelles gares, en fonction du tracé qui sera finalement retenu.

Trois tracés différents sont à l’étude, deux prévoyant la création indispensable d’une gare dans Paris intra-muros, implantée soit Porte Maillot, soit Porte de Clichy.

Toutefois, compte tenu des données chiffrées présentées par le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, il semblerait que le tracé prévoyant un arrêt à Porte de Clichy ne puisse finalement pas être retenu. C’est pourquoi l’arrêt à la Porte Maillot me semble aujourd'hui incontournable.

Au regard de l’activité économique autour de la Porte Maillot, avec notamment la présence du Palais des Congrès, la desserte de cette zone par la seule ligne 1 du métro n’est plus aujourd’hui suffisante pour faire face au flux croissant d’usagers et de visiteurs.

Ce projet, dont le coût est estimé entre 2,2 milliards et 2,8 milliards d’euros, doit réellement permettre une meilleure desserte du territoire parisien, afin d’améliorer et de faciliter la vie quotidienne des Franciliens.

La phase de consultation du public doit débuter cette année, et le début des travaux est prévu pour 2013.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais donc que vous me précisiez le calendrier, les modalités et l’état de la procédure de choix définitif du tracé. Pouvez-vous également m’indiquer les dispositions qui seront prises pour garantir l’amélioration de la desserte du secteur de la Porte Maillot, à laquelle j’attache – vous le savez – beaucoup d’importance, en tant qu’élue du XVIIe arrondissement de Paris ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Madame la sénatrice, la Haute Assemblée examine à partir d’aujourd'hui le projet de loi relatif au Grand Paris.

Or s’il est un projet complémentaire et, d’ailleurs, antérieur aux décisions sur le Grand Paris, c’est bien le prolongement du RER E. En effet, la ligne Éole, qui vient de l’est, s’arrête pour l’instant dans une très belle cathédrale ferroviaire, la gare Haussmann–Saint-Lazare, et se heurte ensuite au mur de ce qui reste à creuser vers l’ouest de Paris.

Lorsque le Président de la République a précisé l’organisation du Grand Paris dans un discours du 29 avril 2009, il indiquait que le chantier Éole devait viser l’objectif 2017. Il est donc temps de lancer les opérations.

Le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, qui est l’autorité organisatrice dans votre région, et Réseau Ferré de France, en tant que maître d’ouvrage, ont saisi conjointement la Commission nationale du débat public, la CNDP, le 18 décembre 2009. Cette dernière, le 3 février dernier, a décidé d’un débat public, qui serait animé par une commission particulière du débat public.

RFF et le STIF établisse donc un dossier qui servira de base pour le débat. J’ai demandé que ce dernier débute à l’automne prochain, sitôt après les vacances, et qu’il dure quatre mois, ce qui permettrait de décider du schéma de principe de l’opération dès 2011, de mener les études pour commencer des travaux à l’horizon 2013, et donc de tenir le délai fixé par le Président de la République.

S’agissant du tracé, il y a à ce jour trois options pour le tunnel allant de Haussmann–Saint-Lazare jusqu’au secteur de La Défense – mais le débat public va nous permettre d’avancer –, dont une avec un arrêt à la Porte Maillot et la création d’une gare nouvelle. C’est donc le débat public qui va éclairer ces différents scénarios.

La Porte Maillot, vous avez raison, est une solution très intéressante : le Palais des Congrès, de très grands hôtels, une grande zone commerciale sont en effet implantés sur ce site, pour l’instant simplement desservi par la ligne 1 du métro parisien. Hormis la décision qui sera prise quant à Éole, la Porte Maillot bénéficiera de l’automatisation de la ligne 1, ce qui permettra aux rames de circuler même en cas de mouvements sociaux, et d’une amélioration de la fréquence, de la sécurité et du confort des passagers.

Mais l’option par la Porte Maillot sera étudiée dans le cadre du débat public, et je pense que vous serez à même d’y participer, et donc de faire connaître vos arguments. En tout cas, sachez qu’Éole, qui est un projet important auquel le Gouvernement est très attaché, n’est pas impacté négativement par le Grand Paris.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.

Mme Catherine Dumas. Je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État. J’ai bien noté que vous étiez particulièrement sensible à cet aspect de l’aménagement dans ce secteur de Paris qu’est la porte Maillot, et que vous suivriez cette commission du débat public à laquelle je m’intéresse moi-même.

En tant qu’élue parisienne, je suis particulièrement attachée à tous les projets qui structurent les transports à Paris, qu’ils soient mis en place dans le cadre du STIF ou du Grand Paris, de façon que les réalités des flux de déplacement soient bien intégrées et que la desserte de la zone centrale, que constituent Paris et la petite couronne, soit tout à fait performante.

contrôle des sites industriels présentant des risques pour l'environnement et prise en charge financière de la dépollution

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 798, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d’État, avec cette question, qui s’adressait à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie, nous allons quitter la région parisienne pour traiter d’une commune que le président de séance connaît bien et qui est un haut lieu de prière mais aussi un haut lieu de la chimie : il s’agit d’un site industriel, Isotopchim, situé à Ganagobie, dans les Alpes de Haute-Provence.

M. le président. Le site est magnifique ! C’est d’ailleurs à votre demande que le conseil régional, lorsque j’en étais le président, a accordé pas mal d’argent au monastère de Ganagobie.

M. Claude Domeizel. Que je vous invite à visiter, monsieur le président !

L’activité de chimie fine de cette entreprise installée en 1986 et spécialisée dans le marquage des molécules au carbone 14 – tout le monde ici sait ce que c’est – était soumise au régime d’autorisation en tant qu’installation classée pour la protection de l’environnement.

À la suite de multiples procès-verbaux pour non-respect des termes de l’autorisation préfectorale accordée et pour des rejets radioactifs non autorisés dans l’environnement, l’entreprise a été mise en liquidation judiciaire en septembre 2000. Ses responsables ont abandonné l’installation sans procéder à l’élimination des produits et déchets qu’elle contenait.

Les locaux industriels, qui appartiennent d’ailleurs à la commune, ont subi une première phase de dépollution, prise en charge par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

Aujourd’hui, la deuxième phase va commencer, et d’autres phases seront vraisemblablement nécessaires. La dépollution prise en charge par l’État, donc par le contribuable, coûtera in fine environ 4 millions d’euros.

Monsieur le secrétaire d’État, une telle situation peut-elle se reproduire aujourd’hui ? Quelles mesures sont-elles prises lors de l’installation d’une usine présentant de tels dangers pour l’environnement ? Quels contrôles sont-ils mis en place, d’une part, pour prévenir les risques sur le plan environnemental et, d’autre part, pour contraindre les instigateurs à assumer le coût de la dépollution ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Chantal Jouanno, qui m’a demandé de vous communiquer la réponse qu’elle aurait souhaité vous faire elle-même.

L’État poursuit la gestion de ce site, dont vous-même et le président de séance avez rappelé la beauté, afin d’assurer sa mise en sécurité, et ce par des actions destinées à prévenir les risques d’atteinte à l’environnement.

C’est une politique qui est conforme à celle que suit le ministère du développement durable pour gérer les sites à responsables défaillants. Lorsqu’un site exige des travaux de mise en sécurité et que l’on ne veut pas dilapider l’argent public, l’État vérifie d’abord qu’il n’existe plus de responsable solvable, que ce soit l’entreprise responsable de la pollution ou le propriétaire du terrain.

Au-delà de cette politique de gestion des sites et des sols pollués, la priorité reste de prévenir de telles situations, d’une part en veillant, lorsque des autorisations sont sollicitées par les industriels, à ce que ces derniers aient les vraies capacités techniques et financières pour assumer l’ensemble de leurs responsabilités, d’autre part en vérifiant périodiquement que les déchets produits par les industriels sont bien éliminés dans des filières adaptées.

Les installations classées sont inspectées par des services du ministère, et c’est l’occasion de vérifier qu’elles sont bien exploitées dans le respect des arrêtés préfectoraux autorisant l’exploitation. Le cas échéant, ces inspections identifient des dérives, qui font l’objet d’actions correctives encadrées par des arrêtés que prend le préfet sur proposition de l’Inspection des installations classées.

Nous avons décidé de renforcer les effectifs de l’Inspection des installations classées dans le cadre du Grenelle de l’environnement, et ce pour mieux prévenir des situations similaires à celle que vous avez rencontrée et décrite à l’instant. Il faut faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard des entreprises présentant des enjeux importants en matière de protection de l’environnement ou des entreprises laissant apparaître des risques de défaillance, pour éviter que ne se renouvelle ce type de situation.

Le Sénat a voté le projet de loi Grenelle II qui sera examiné début mai par l’Assemblée nationale. Le texte permettra de renforcer ce dispositif et de mieux appliquer le principe « pollueur- payeur », car il rendra possible la recherche de la responsabilité de la maison mère lorsque sa filiale a été mise en liquidation sans que la remise en état du site ait été effectuée.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que Mme Jouanno m’avait demandé de porter à votre connaissance, ainsi qu’à celle de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour votre réponse, mais, comme tout simple contribuable, je ne peux pas comprendre que l’on en soit arrivé à une telle situation. Aujourd’hui, il y a, dans un bâtiment, des flacons dont on ne sait pas du tout ce qu’ils contiennent et qu’il va falloir analyser pour savoir qui va pouvoir être chargé de leur élimination. Ensuite, la commune va devoir détruire ce bâtiment dont elle est propriétaire, et le dépolluer. Vraiment, alors que l’on contrôle habituellement tout, on n’a pas été capable, en l’espèce, d’opérer un quelconque contrôle et d’éviter de telles dérives qui coûtent tout de même, pour ce seul site orphelin, 4 millions d’euros !

organisation de la recherche sur les organismes génétiquement modifiés

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, auteur de la question n° 802, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d’État, la Commission européenne a récemment autorisé la culture, à des fins industrielles, de la pomme de terre transgénique Amflora. C’est un signe fort, car il n’y avait pas eu d’autorisation de culture de plantes transgéniques depuis 1998.

En France, les anti-OGM et les lobbyistes des firmes américaines ont, une fois encore, caricaturé et stigmatisé le choix de Bruxelles. Les enjeux liés au refus de cultiver les OGM sont toujours passés sous silence. Je rappelle d’ailleurs que c’est une équipe de scientifiques franco-belges qui est à l’origine des premiers travaux sur les plantes transgéniques.

Nous sommes aujourd’hui la lanterne rouge et serons un jour ou l’autre dépendants de pays comme les États-Unis ou la Chine.

Monsieur le secrétaire d’État, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le ministère de l’écologie a engagé un programme de recherche sur les risques liés à la dispersion des OGM dans l’environnement et autres risques sanitaires.

Ce programme, auquel a été accordé un crédit d’un million d’euros pour 2010, est censé soutenir la réflexion et des recherches sur les diverses dimensions liées aux OGM. Il prétend fournir des connaissances scientifiques solides, neuves et pratiques, constituer et consolider une communauté scientifique, et développer une véritable interaction entre science, politique publique et société.

De nombreux travaux réalisés par la recherche publique existent déjà, au niveau tant français qu’européen. Pourtant, le Gouvernement a cru bon de mettre en place un comité d’orientation, censé définir les thématiques prioritaires de ce programme et veiller à sa pertinence. Beaucoup de ses membres sont également présents dans le comité économique, éthique et social du Haut Conseil des biotechnologies.

En plus de ce comité d’orientation, le Gouvernement a jugé judicieux de créer un comité scientifique afin d’assurer une évaluation des projets de recherche.

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi avoir créé ces deux structures supplémentaires pour suivre la dispersion des OGM ?

De très nombreuses publications scientifiques – plus de 35 000 – sont déjà disponibles dans des revues internationales avec comité de lecture, traitant de ces sujets. Les avis de ces comités d’experts nationaux, européens et internationaux concluent tous à l’absence de risque des OGM.

Jamais aucune innovation n’a autant été étudiée et décortiquée !

Ne serait-il pas possible d’inciter de réelles comparaisons visant à préciser le gain écologique de l’utilisation des variétés résistantes à des insectes, par exemple ? En effet, lors du Grenelle de l’environnement, il a été décidé de réduire l’utilisation des pesticides en France. Pourquoi ne pas utiliser ce million d’euros pour mesurer les gains écologiques de la culture des OGM ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous répondrai au nom de Chantal Jouanno, qui m’a chargé de vous présenter ses excuses pour son absence, étant entendu que l’ancien ministre chargé de l’agriculture que je suis a quelques réflexions sur le sujet.

Comme vous l’avez dit, le programme de recherche du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a pour origine les conclusions du Grenelle de l’environnement. Il fait partie des trois mesures adoptées concernant les organismes génétiquement modifiés, à savoir le renforcement des connaissances et de la recherche publique sur les OGM et les biotechnologies, l’adoption de la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM et la création du Haut Conseil des biotechnologies.

Ce programme vise donc à répondre aux conclusions du Grenelle. Il a pour objet d’organiser les échanges au sein de la communauté scientifique et avec les parties prenantes, de produire des connaissances nouvelles dans des domaines ciblés par des projets de recherches – il y aura donc dans ce domaine des appels à proposition de recherches – et de permettre l’élaboration de synthèses sur des sujets précis.

Les conclusions du Conseil, qui ont été votées à l’unanimité des États membres en décembre 2008, ainsi que l’avis de décembre 2008 du Haut Conseil sur les biotechnologies sur le MON 810, ont conforté la nécessité d’une recherche active sur les incidences environnementales des OGM, ainsi que sur la définition et l’évaluation de l’intérêt agronomique des fonctions de ces OGM. 

Il peut s’agir, pour les plantes, de la fonction de résistance à la sécheresse, de l’intérêt agronomique en référence à des itinéraires techniques variés. À titre d’exemple, le ministère du développement durable et le ministère de l’agriculture ont saisi conjointement, à la fin de l’an dernier, l’INRA et le CNRS pour examiner la résistance aux herbicides.

L’enjeu du programme réside donc dans sa capacité à répondre aux questions que soulèvent les gestionnaires de risque et les parties prenantes, et à orienter la recherche vers d’éventuelles lacunes.

Ce programme bénéficie d’un pilotage analogue à celui de l’ensemble des programmes du ministère, basé sur le dialogue entre, d’une part, un comité d’orientation composé de représentants des ministères et des parties prenantes, qui exprime les besoins et contribue à la construction de la pertinence stratégique du programme, et, d’autre part, un comité scientifique composé de chercheurs représentant toute la palette de disciplines concernées, qui est chargé de la définition de la pertinence scientifique des recherches et de l’évaluation de la qualité scientifique de ces recherches.

L’objectif est donc de financer des travaux de recherche et des synthèses. Les comités mis en place relèvent d’un dispositif habituel qui accompagne les programmes de recherche.

Nombre de points soulevés dans le cadre des réflexions sur les organismes génétiquement modifiés sont des questions génériques – faibles doses, examen de l’équivalence en substance, etc. – qui ne pourront être prises en charge, vous l’avez indiqué, par ce seul programme et renvoient à d’autres programmes de recherche.

Par ailleurs – vous le savez, monsieur le sénateur –, le grand emprunt devrait aussi comporter un volet relatif à la biotechnologie.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des informations que vous m’avez communiquées.

Je regrette qu’il n’y ait pas aujourd'hui dans cet hémicycle de représentant du ministère de l’environnement et de l’écologie, mais je sais que c’est un sujet que vous connaissez bien pour avoir été ministre de l’agriculture.

Je déplore que l’argent du contribuable soit dépensé pour réaliser des évaluations déjà connues de tous. À travers le monde, les OGM sont cultivés sur plusieurs milliers d’hectares, et personne n’a encore réussi à prouver que ces organismes étaient nocifs.

Il aurait donc été plus utile, à mon avis, de consacrer le million d’euros auquel j’ai fait référence à la diffusion d’une véritable information auprès de nos concitoyens afin qu’ils puissent se faire une idée plus juste des OGM.

J’attends avec impatience la future loi globale sur l’information et la participation du public qui, théoriquement, devrait être mise en œuvre avant le mois de juin, ce qui permettra à chacun, je l’espère, d’avoir un avis éclairé sur le sujet.

évolution de la nomenclature des installations classées et traitement des déchets ultimes

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 803, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question portera sur l’évolution de la nomenclature des installations classées et du traitement des déchets ultimes. Je prendrai pour exemple la communauté de communes Charente-Arnoult Cœur de Saintonge, dont je suis vice-président, et qui représente environ 15 000 habitants et seize communes rurales.

Cette communauté de communes est actuellement en contrat avec la communauté de communes du pays Santon pour le traitement des déchets ultimes jusqu’au terme du marché en cours, à savoir le 31 mars 2010, qui vient d’ailleurs d’être prorogé de trois mois.

Force est de constater que le mode de traitement actuel ne donne pas entière satisfaction, car le compost produit ne répond plus aux normes actuelles, à tel point que la préfecture de la Charente-Maritime, après avis de la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, la DRIRE, refuse d’accorder à la communauté de communes du pays Santon son plan d’épandage.

La prestation facturée par le pays Santon pour le traitement des déchets ultimes est de 86 euros la tonne. Au regard des éléments énoncés ci-dessus, la communauté de communes du pays Santon nous annonce que les conditions du futur marché s’établiraient à 109 euros la tonne et pourraient se décliner ainsi : nouveau contrat avec la communauté de communes du pays Santon sur une base estimée à ce jour à 109 euros la tonne ; adhésion de notre communauté de communes au Syndicat intercommunautaire du littoral , avec un prix sensiblement identique ; adhésion de notre communauté de communes au syndicat mixte intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères, ou SMICTOM, de Surgères, avec un coût de 21 euros par habitant hors impact de la future construction ou, via une passation de marché public, prise en charge des déchets ultimes par un prestataire privé et traitement par enfouissement avec valorisation. Les coûts prévisionnels seraient alors situés au niveau des prix actuels.

Afin d’opter pour cette dernière solution, il convient de disposer d’un quai de transfert pour transvaser la collecte dans des bennes en vue d’une évacuation vers un site de traitement.

Ce scénario est aujourd'hui impossible, car il relève, en l’état actuel de la réglementation, de la rubrique 322 A de la nomenclature des installations classées. Or cette nomenclature des installations classées doit être prochainement modifiée. En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous m’indiquer dans quels délais celle-ci sera effective et s’il est envisageable que cette modification intervienne au cours du premier semestre ?

Notre communauté de communes n’est, bien entendu, pas seule dans ce cas de figure.

Les élus souhaitent poursuivre leurs efforts en matière de collecte et de valorisation des déchets, mais ils sont malheureusement trop souvent confrontés à des normes et à des contraintes administratives qui obèrent leurs projets.

Monsieur le secrétaire d'État, dans quels délais le Gouvernement entend-il procéder à cette révision ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. J’ai grand plaisir à répondre au président de l’Association des maires du très beau département de la Charente-Maritime au nom de Mme Jouanno, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin.

Vous évoquez les modifications que les territoires souhaitent apporter à la gestion des déchets placés sous leur responsabilité et aux réglementations qui encadrent ces modifications.

Nous vivons actuellement une période charnière dans le domaine des déchets. En effet, les tables rondes du Grenelle de l’environnement, d’une part, puis le vote de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite loi Grenelle I, d’autre part, ont permis de fixer de nouveaux objectifs, et ce à l’issue de discussions longues, vives et souvent passionnées, le constat ayant été fait de la nécessité d’améliorer la gestion actuelle.

Cela signifie qu’il faut produire moins de déchets, en recycler plus, en valoriser davantage et donc en envoyer moins en incinérateurs et en centres de stockage.

Tout cela est récapitulé à l’article 46 de la loi Grenelle I. Cet article incite, en particulier, à une valorisation accrue de la matière organique contenue dans les déchets ménagers. Le retour au sol de cette matière devra être privilégié, en cohérence avec la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie par la directive européenne de novembre 2008 sur les déchets.

Le détournement de cette fraction organique de l’enfouissement répond, de plus, à l’obligation communautaire inscrite dans la directive de 1999 relative aux décharges de déchets.

Ces éléments doivent donc être intégrés aux réflexions que vous menez à juste titre dans votre département et dans votre communauté de communes, monsieur le sénateur.

Je précise que la réglementation actuelle sur les installations classées n’interdit en rien les modifications réglementaires que vous évoquez, mais conditionne leur mise en œuvre, dans certains cas, à l’obtention préalable d’une autorisation préfectorale. Il en va ainsi pour une installation de transfert de déchets ménagers en mélange.

Le retour d’expérience de l’exploitation de certaines installations de traitement de déchets et les améliorations apportées aux techniques industrielles qu’elles mettent en œuvre ont conduit les services du secrétariat d’État à l’écologie à prévoir un classement de l’activité de transit, tri et regroupement de déchets non dangereux sous le régime administratif de la déclaration avec contrôle périodique dès que le volume de déchets susceptibles d’être présents dans l’installation est inférieur à 1 000 mètres cubes.

Le décret modificatif de la nomenclature des installations classées sera signé par Chantal Jouanno. Sa publication au Journal officiel interviendra dans les prochains jours.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, l’assemblée départementale de la Charente-Maritime a demandé à l’État de prendre en charge avec elle un plan global de traitement des déchets ménagers. Naturellement, le département et l’État tiendront leurs engagements. Il reste néanmoins, comme vous le savez, une précision à obtenir de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, au sujet du financement.

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Je tiens à remercier M. le secrétaire d'État de la réponse rassurante qu’il vient de me faire.

J’espère que le décret sera rapidement pris afin que le nouveau système puisse être mis en place.

dispositif scellier dans les communes classées en zone c

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 795, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les dispositions de l’article 83 de la loi de finances pour 2010, qui assouplit le dispositif d’aide à l’investissement locatif privé, dit dispositif « Scellier », pour les communes classées en zone C.

Ce dispositif s’était appuyé sur les recommandations du rapport d’information parlementaire de juillet 2008 de MM. Scellier et Le Bouillonnec à la suite des décisions du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008.

Ce rapport avait proposé de recentrer les aides fiscales à l’investissement locatif privé dans les zones où les besoins de logement sont prioritaires et où il existe des tensions sur le marché du logement locatif privé. Le but était notamment de protéger les particuliers qui peuvent être incités à investir là où l’état du marché locatif ne leur permet pas de louer leur bien dans des conditions optimales.

Comme le dispositif Robien via la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion du 25 mars 2009, le dispositif Scellier a fait l’objet dès sa création d’un centrage sur les zones du territoire où le marché est le plus tendu.

L’arrêté relatif au classement des communes par zones a été pris le 29 avril 2009 et a été publié au Journal officiel du 3 mai 2009. Seules les zones A, B1 et B2 bénéficiaient des dispositifs d’aides à l’investissement locatif privé, les communes de la zone C étant exclues du bénéfice du dispositif Scellier.

Cependant, l’article 83 de la loi de finances pour 2010 a prévu que l’ouverture d’une procédure locale de dérogation pour certains programmes est désormais possible dès lors que ceux-ci ont reçu un agrément ad hoc du secrétariat d’État chargé du logement et de l’urbanisme, et non du préfet, après avis du maire de la commune d’implantation ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale territorialement compétent en matière d’urbanisme.

La décision du secrétaire d'État de délivrer l’agrément devra tenir compte des besoins en logements adaptés à la population.

En fonction de la situation locale du marché, il est donc désormais possible, sur dérogation, de proposer des opérations en Scellier dans une commune située en zone C.

Monsieur le secrétaire d'État, de nombreux élus suivent de très près ces questions. En effet, ils comptent sur ces dispositifs pour assurer le développement urbain, économique et démographique des communes qu’ils administrent et qui sont situées en zone C.

Ces dispositions devant s’appliquer à compter de la déclaration des revenus de 2010, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur le décret actuellement en cours de préparation ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Benoist Apparu, qui aurait souhaité vous répondre directement. Je vais essayer d’être le plus précis possible à partir des éléments d’information qu’il m’a fournis.

Le dispositif d’investissement locatif privé, dit « Scellier », est destiné à soutenir la production de logements locatifs dans les zones où la demande est très forte.

Par l’article 83 de la loi de finances pour 2010, le législateur a souhaité donner la possibilité au ministre chargé du logement de délivrer des agréments ponctuels à des communes, après analyse de leur situation.

Dans les prochaines semaines, un décret d’application viendra définir les conditions dans lesquelles cet agrément pourra être accordé. Certains éléments ne sont pas encore complètement arrêtés, mais Benoist Apparu veille à l’avancement du dossier en associant à la réflexion les parlementaires qui ont introduit cette possibilité dans la loi.

L’octroi de cet agrément permettra, par dérogation, de faire bénéficier du dispositif fiscal les propriétaires de logements réalisés dans des communes classées en zone C.

La demande d’agrément pourra être déposée après avis du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale, l’EPCI, compétent en matière d’urbanisme, auquel appartient la commune.

L’agrément portera, en principe, sur une seule commune.

Toutefois, afin de simplifier les démarches et sans que la décision perde de son caractère individuel, il est envisagé de permettre une procédure de demande groupée pour l’ensemble des communes relevant d’un EPCI compétent en matière d’urbanisme.

Pour pouvoir demander un agrément, la commune devra disposer d’un programme local de l’habitat, un PLH, ou être membre d’un EPCI doté d’un PLH. Ce document analyse en effet les marchés locaux du logement et permet d’attester l’existence de tensions dans le secteur locatif libre ou intermédiaire. Le PLH est aussi le lieu d’expression de la stratégie des collectivités locales en matière de logement. Il s’agit de montrer la cohérence entre la demande de dérogation et la politique globale des collectivités.

La demande pourra, par ailleurs, contenir tous les documents que le pétitionnaire jugera utile de transmettre au ministre chargé du logement, en complément de ceux qui sont répertoriés par une liste destinée à lui permettre de prendre sa décision en tenant compte des besoins en logements adaptés à la population.

Enfin, la demande devra être soumise au comité régional de l’habitat afin que celui-ci puisse donner un avis sur la compatibilité de cette demande avec l’ensemble des marchés locaux de l’habitat environnant.

L’instruction de la demande d’agrément sera réalisée par les services du ministère chargé du logement, et analysera les indicateurs statistiques de tension du marché immobilier sur la commune, l’offre, les besoins en logements et, le cas échéant, des éléments d’expertise sur la situation du marché immobilier local.

Il sera enfin fait publicité de l’agrément dans la presse locale afin d’informer correctement et de manière transparente les contribuables.

Le décret, monsieur le sénateur, est donc en voie d’élaboration. Néanmoins, comme vous l’avez compris, Benoist Apparu et Jean-Louis Borloo doivent encore traiter quelques éléments d’arbitrage.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Je tiens à remercier M. le secrétaire d'État de sa réponse.

Ce décret est attendu avec beaucoup d’impatience par un certain nombre de communes de mon département.

tarif de rachat de l’électricité produite au moyen d’installations photovoltaïques

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 797, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Michel Boutant. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur l’arrêté du 12 janvier 2010, fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 et sur ses conséquences pour les agriculteurs.

À l’heure où la défense de l’environnement est chaque jour davantage prise en considération dans les politiques publiques, il paraît peu logique de baisser le prix d’achat de l’électricité photovoltaïque, énergie propre et renouvelable par excellence.

De même, il est dommageable qu’une telle différence de traitement ait été établie entre les producteurs d’électricité photovoltaïque, les particuliers et les services d’enseignement et de santé bénéficiant ainsi d’un tarif de 0,58 euro par kilowattheure, tandis que, pour les bâtiments agricoles, le tarif est généralement limité à 0,42 euro par kilowattheure. On peut également regretter que tous les projets déposés après le 1er novembre 2009 se voient appliquer le nouveau tarif. On sanctionne ainsi les exploitants agricoles qui avaient consenti de lourds investissements dans des panneaux photovoltaïques, au moment précis où les revenus agricoles ont considérablement baissé et où la vente d’énergie propre, au-delà de l’intérêt écologique qu’elle représente, peut constituer une source de recettes supplémentaires non négligeable pour un monde agricole durement malmené.

Monsieur le secrétaire d’État, comptez-vous apporter à l’arrêté du 12 janvier des aménagements permettant de compenser le manque à gagner des agriculteurs qui ont fait le choix de l’installation de panneaux photovoltaïques sur leur exploitation ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez raison de poser cette question que nous entendons souvent lorsque nous nous rendons sur le terrain.

La ligne fixée par le Grenelle de l’environnement – et par le législateur – est claire : la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de la France doit atteindre 23 % à l’horizon 2020.

Divers moyens ont été mis en place pour y parvenir : des crédits d’impôt, des exonérations fiscales, des appels d’offres pour l’énergie solaire – avec l’objectif d’une centrale par région – ou l’énergie produite à partir de la biomasse et des tarifs préférentiels d’achat de l’électricité. Grâce à ces mesures, la France est le deuxième producteur européen d’énergies renouvelables : nous mettons en place une capacité de production d’énergie éolienne de quelque 1 000 mégawatts par an, et près de 45 000 installations solaires sont déjà raccordées au réseau. Enfin, de nombreuses entreprises internationales veulent désormais s’installer en France et créer des emplois dans ce domaine.

Cela étant, nous avons pu constater tous les deux – nous sommes en effet voisins ! – le développement d’une bulle spéculative.

Alors que, à la mi-2009, EDF enregistrait environ 5 000 demandes de contrat d’achat par mois, ce chiffre est monté à 3 000 demandes par jour au début de janvier 2010. Beaucoup de ces demandes concernent des constructions nouvelles, dont l’utilité est souvent sujette à interrogation : j’ai pu moi-même voir des bâtiments censés servir d’étable totalement vides d’animaux, mais dont les toits étaient équipés de panneaux photovoltaïques ! Surtout, nous avons tous vu arriver dans nos campagnes des personnages bizarres, dont l’honnêteté ne paraissait pas la première des qualités !

L’engagement financier résultant du dispositif destiné à encourager le développement de l’électricité photovoltaïque a brusquement atteint plusieurs dizaines de milliards d’euros, somme qui n’aurait pu être financée que par un relèvement du prix de l’électricité de l’ordre de 10 %. Le Gouvernement a donc décidé de prendre des mesures de lutte contre cette nouvelle forme de spéculation, destinées à supprimer les effets d’aubaine et à protéger le pouvoir d’achat des Français.

Le nouvel arrêté tarifaire publié en janvier tient compte de la très forte baisse du prix des panneaux photovoltaïques enregistrée ces derniers mois, atteignant de 30 % à 50 %, et assure une plus juste rémunération aux projets de développement de l’énergie solaire, quel que soit le secteur.

Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno, au nom desquels je vous réponds, tiennent à préciser que notre dispositif reste néanmoins le plus incitatif au monde. En effet, le tarif de 0,58 euro par kilowattheure demeure inchangé pour les particuliers ; dans tous les autres cas, le tarif s’élève à 0,50 euro par kilowattheure pour les bâtiments existants et à 0,42 euro par kilowattheure pour les bâtiments neufs.

Selon la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, un tarif de 0,42 euro par kilowattheure, qui représente l’équivalent de six fois le prix de marché de l’électricité, permet aux investissements d’atteindre un taux de rentabilité supérieur à 10 %. Ce tarif est encore plus élevé que celui qui est en vigueur en Allemagne, où l’ensoleillement est pourtant moindre, sans faire injure à nos voisins allemands !

Vous connaissez la règle : tous les contrats signés seront honorés et l’application de l’arrêté ne sera pas rétroactive. Les projets qui étaient avancés et qui ont donné lieu à des investissements pourront bénéficier de l’ancien dispositif tarifaire. Un arrêté, élaboré en étroite concertation avec les professionnels, a été publié au Journal officiel le 23 mars dernier.

Je regrette vivement – comme tous les sénateurs, me semble-t-il – l’intervention de comportements spéculatifs inacceptables dans le secteur des énergies renouvelables. Le Gouvernement ne s’est pas engagé dans le développement de ce secteur afin que des aigrefins viennent s’enrichir sur le dos des agriculteurs en proposant n’importe quel projet !

Quand on connaît la misère et les calamités qui frappent le monde agricole – vous pouvez en constater les effets dans votre département, monsieur le sénateur –, l’intervention de la spéculation dans un secteur en difficulté est moralement condamnable !

Le Gouvernement réaffirme sa volonté de développer raisonnablement les énergies renouvelables en général, et l’énergie solaire en particulier, et de construire de véritables filières industrielles qui créent des emplois en France, ce qui est déjà le cas. Pour autant, il ne saurait être question de se faire les complices des spéculateurs !

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Monsieur le secrétaire d’État, il ne faudrait pas que les agriculteurs et le monde agricole se trouvent piégés une première fois par un tarif en diminution et une deuxième fois par des spéculateurs peu scrupuleux !

Il serait donc nécessaire d’organiser une information, au niveau non plus des directions départementales de l’agriculture et de la forêt mais des nouvelles directions départementales des territoires, pour mettre les agriculteurs en garde contre de tels risques.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous remercier de votre présence ce matin au Sénat. Il vous a fallu nous apporter, au nom de Mme Jouanno, des réponses bien technocratiques…Peut-être votre collègue pourrait-elle demander à ses services de nous parler un peu plus simplement ? (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Ce sera dit ! (Nouveaux sourires.)

dématérialisation des bulletins de salaire et sauvegarde dans les coffres-forts numériques

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 790, adressée à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la réglementation en vigueur dans la gestion des coffres-forts et des bulletins de paie dématérialisés.

À l’heure où le Gouvernement s’engage résolument dans le développement du numérique, avec une allocation de 2,5 milliards d’euros dans le grand emprunt, initiative que je salue, la dématérialisation croissante des documents administratifs – bulletins de paye, déclaration de TVA… –, des documents légaux – titres de propriétés, actions... –, ou encore des documents commerciaux – commandes, factures... –, mais aussi des démarches, du type de la déclaration d’impôt, pose le problème de la sécurité des informations transmises.

En effet, si la dématérialisation des documents apporte de nombreux avantages, notamment l’accélération des flux, la diminution des coûts de traitement, la diminution des frais d’envoi, la suppression d’une grande partie des surfaces de stockage, elle n’en pose pas moins un défi en termes de garantie de la confidentialité et de la pérennité des informations transmises, défi auquel l’État doit pouvoir répondre en apportant les garanties nécessaires aux différents acteurs, qu’il s’agisse de simples citoyens, des administrations ou des entreprises.

La loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique a posé le principe de l’indépendance entre le document écrit et son support technique. Si ces dispositions sont conformes à l’esprit des directives européennes, elles se sont révélées peu applicables.

En conséquence, je souhaiterais savoir, madame la secrétaire d’État, comment vous entendez remédier à cette situation.

Par ailleurs, les documents dématérialisés doivent pouvoir être stockés à très long terme, tout en garantissant leur nécessaire confidentialité. Le développement des coffres-forts électroniques, services en ligne hautement sécurisé permettant d’archiver, d’indexer et de retrouver facilement l’ensemble des fichiers numériques sensibles, semble être en mesure d’apporter une réponse à ce problème. Ce marché est émergent, et les offres payantes de coffres-forts numériques apparaissent souvent groupées avec d’autres services bancaires.

Dans ce domaine, l’intervention du législateur peut sécuriser et donc encourager le développement des usages. Ainsi, l’ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives a jeté les bases d’un espace de stockage en ligne à destination de l’usager et exploité sous la responsabilité de l’État. Par ailleurs, la loi de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures a autorisé la dématérialisation du bulletin de paie des salariés. Mais ce cadre juridique me semble, en l’état, insuffisant.

Ainsi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer quelles garanties de confidentialité dans la durée, sur des périodes de trente, quarante voire cinquante ans, les salariés mais également l’ensemble de nos concitoyens peuvent-ils attendre de ces coffres-forts numériques ? Ne pensez-vous pas qu’il faudrait aménager la législation en vigueur pour encourager et pour sécuriser le développement de ces nouveaux usages ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Madame la sénatrice, votre question met l’accent sur la nécessité de disposer d’un ensemble cohérent de « briques de confiance » pour pouvoir profiter pleinement de la dématérialisation de certains documents.

Vous avez cité les bulletins de salaire, mais tous les justificatifs dématérialisés sont concernés, qu’il s’agisse des factures d’énergie ou de téléphone utilisées comme preuves de domicile, ou des relevés d’identité bancaires imprimables en ligne. Toutes les impressions papier de ces documents sont aujourd’hui juridiquement valables pour constituer un dossier administratif. Néanmoins, deux problèmes se posent et doivent être absolument résolus pour que l’ensemble des « briques de confiance » forme un tout cohérent.

Premier point, si l’on veut utiliser sous forme papier des justificatifs créés initialement sous forme électronique, comment garantir que l’impression papier par l’usager ne fait pas l’objet d’une altération frauduleuse ? C’est là un problème majeur.

Second point, si l’on procède à une démarche totalement électronique, comment les administrations peuvent-elles reconnaître directement les justificatifs sous forme dématérialisée en étant sûres que ces derniers n’ont pas fait l’objet de transformations frauduleuses ?

Sur le premier point, le secrétariat d’État travaille avec le ministère de l’intérieur et le ministère chargé de la réforme de l’État, ainsi qu’avec tous les acteurs concernés, à la définition d’une norme de code barre infalsifiable, imprimable sur les justificatifs et permettant de garantir leur authenticité. Il sera ainsi possible de vérifier qu’un document papier, qu’il s’agisse d’un original ou d’une impression réalisée par l’usager à partir d’un document numérique, contient bien des données authentiques.

Sur le second point, l’administration propose déjà à l’usager, avec le portail <mon.service-public.fr>, un compte en ligne personnalisé lui permettant d’effectuer toutes sortes de démarches dématérialisées avec différents services : les caisses de retraite, les URSSAF, les caisses d’allocation familiale, les caisses de sécurité sociale, etc. Il peut déjà joindre les différents justificatifs demandés sous forme dématérialisée, qu’il les ait reçus ainsi ou qu’il les ait scannés à partir d’une version papier. La liste des administrations accessibles à travers ce portail a bien sûr vocation à s’allonger.

En effet, de manière plus générale, dans un rapport remis en février dernier à Éric Woerth et à moi-même, le groupe d’experts sur les questions numériques, présidé par Franck Riester, a recommandé d’améliorer les relations numériques entre l’administration et les usagers. Ce rapport a mis en lumière ce que vous avez aussi souligné, madame la sénatrice, le réel désir des usagers de pouvoir mieux bénéficier de la dématérialisation et de voir se développer les téléprocédures.

Le site <mon.service-public.fr> propose déjà un coffre-fort électronique gratuit, dédié à des fins spécifiques puisqu’il est réservé aux échanges avec l’administration.

D’autres offres commerciales de coffre-fort électronique existent, gratuites ou payantes. Elles permettent aux internautes de stocker des documents dématérialisés et d’avoir différents échanges avec des partenaires publics ou privés, ce que n’offre pas aujourd’hui <mon.service-public.fr>. Les garanties proposées par ces offres commerciales sont d’ordre contractuel. Il est donc important que les utilisateurs choisissent des sociétés de confiance, capables de garantir la sécurité de leurs documents, ainsi que leur archivage sur le long terme ; je pense en particulier aux bulletins de salaire, qui doivent être archivés durant plusieurs décennies.

Un travail est mené pour parfaire ce système. La Fédération nationale des tiers de confiance, qui regroupe les experts-comptables, les greffiers des tribunaux de commerce et les huissiers de justice, ainsi que les principales sociétés intéressées par la dématérialisation et les sociétés de sécurité électronique, propose un label applicable aux coffres-forts électroniques. Ce label permet de distinguer les prestataires de confiance. Nous serons certainement amenés à en faire une plus grande publicité.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces explications extrêmement claires sur un sujet en constante évolution, et auquel nous devons accorder une grande attention.

Les questions que je soulève aujourd’hui m’ont été soumises par un certain nombre d’entreprises et d’administrations, à la suite des difficultés de mise en œuvre de la dématérialisation.

Comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, celle-ci est vivement souhaitée par nos concitoyens et, dans le cadre du développement durable, il apparaît effectivement utile de se pencher sur ces technologies nouvelles permettant d’économiser du papier. Toutefois, il faut, de toute évidence, apporter un certain nombre de garanties aux usagers.

inquiétudes concernant la filière aquacole

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 794, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

M. Yannick Botrel. La situation actuelle de la filière aquacole est inquiétante. Le constat des organisations professionnelles fait état de données préoccupantes, pouvant conduire à la disparition de nombreux pisciculteurs.

La consommation de poisson en France a nettement progressé au cours des vingt dernières années, passant de 17 à 24 kilogrammes par an et par habitant. Or, s’agissant de l’élevage de poissons d’eau douce, en dix ans, la salmoniculture française a perdu 20 % de sa production, 27 % de ses sites et 35 % de ses emplois. En effet, cette filière est directement victime d’une distorsion de concurrence, en particulier par rapport à des pays situés hors de la Communauté européenne.

Je tiens à rappeler que la balance commerciale de la France concernant le poisson est déficitaire de l’ordre de 1,6 milliard d’euros par an et que ce déficit ne cesse de se creuser. De fait, les produits d’importation envahissent les étals alors même que, souvent, ils ne réunissent pas les critères de qualité sanitaire des produits français.

Des poissons tels que le panga ou le tilapia, provenant généralement d’Asie ou d’Afrique et vendus décongelés, arrivent en masse en Europe et déstabilisent le marché avec des prix de commercialisation bas. Il ne fait pas de doute que les deux grandes régions de production de salmonidés que sont la Bretagne et l’Aquitaine subissent très fortement cette pression.

L’une des sources de distorsion vient de l’absence de différenciation à l’étal entre les produits frais et les produits décongelés. En effet, les produits réfrigérés sont parfois décongelés quelques heures avant d’être mis à la disposition des consommateurs. Sans mention particulière les distinguant, ces poissons dégivrés, une fois placés sur les comptoirs, sont en grande partie indiscernables par rapport aux produits n’ayant subi aucun processus de congélation. Les consommateurs ont pourtant le droit d’être pleinement informés à cet égard, afin de faire leur choix en connaissance de cause. Au-delà même de l’étiquetage, je crois que les produits frais et les produits dégivrés devraient être placés très séparément sur les étalages.

Avec un marché de 140 000 tonnes de poisson frais vendues en 2009, les éleveurs français devraient pouvoir disposer d’une lisibilité économique fiable. La filière a su développer des critères de durabilité et les écoles d’agriculture forment les producteurs de demain. Néanmoins, l’aquaculture d’eau douce est en déclin.

Quelles mesures et quelle politique volontariste le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche compte-t-il proposer, à l’échelle européenne, afin que les pisciculteurs français et, plus largement, ceux des États membres retrouvent des perspectives et un avenir pour leur production ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, je tiens avant tout à excuser Bruno Le Maire, qui est aujourd’hui en déplacement dans l’Essonne avec le Président de la République.

Alors que la France dispose, avec ses 5 500 kilomètres de côtes et ses collectivités d’outre-mer, d’un potentiel exceptionnel en matière d’aquaculture et que la demande des consommateurs en poissons, crustacés et coquillages est en constante augmentation, son secteur aquacole peine à se développer. C’est ainsi que, comme vous l’avez rappelé, monsieur Botrel, notre balance commerciale en produits de la pêche et de l’aquaculture est déficitaire.

Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a pris plusieurs initiatives.

Dès le mois de juin 2008, la France a soumis à ses partenaires européens un mémorandum pour le développement de l’aquaculture européenne ; dix-sept d’entre eux ont déjà signé. Depuis lors, en avril 2009, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie pour le développement durable de l’aquaculture européenne, suivie, en juin 2009, de l’adoption à l’unanimité par le Conseil de conclusions en faveur du développement d’une aquaculture durable.

C’est avec ce même objectif que le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche défendra, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la création de schémas régionaux de l’aquaculture marine. Ceux-ci auront notamment pour objet d’identifier les sites existants propices au développement de cette activité et, bien sûr, de faciliter ce développement.

Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué le scandale que constitue la vente, dans des conditions trompeuses, de certains produits dégivrés.

La vente des produits d’importation décongelés au rayon frais entraîne effectivement de réelles distorsions de concurrence. C’est pourquoi des consignes ont été données aux agents de contrôle afin qu’ils accordent, dans tous les points de distribution, une attention toute particulière au respect de l’étiquetage et à l’origine des produits décongelés. II est important d’assurer une information claire et précise du consommateur.

En outre, je transmettrai à M. Bruno Le Maire votre demande particulière quant à une présentation séparée de ces produits dégivrés et des produits frais.

Enfin, pour orienter les choix du consommateur vers les produits frais et originaires de nos régions et faire en sorte que celui-ci soit correctement informé quant à la fraîcheur et à l’origine des produits, le Comité interprofessionnel des produits de l’aquaculture lancera très prochainement, avec l’aide de FranceAgriMer, une campagne nationale de promotion.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Je tiens tout d’abord à vous remercier, madame la secrétaire d’État, de m’avoir apporté un certain nombre d’éléments de réponse importants et intéressants.

M. le ministre de l’agriculture, s’exprimant récemment sur le sujet devant la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, avait lui-même fait état du déficit extrêmement important de la balance commerciale en matière de production piscicole.

Je note que, si j’avais beaucoup insisté dans mon intervention sur l’aquaculture d’eau douce, vous n’avez pas, madame la secrétaire d’État, explicitement évoqué ce thème dans votre réponse. Or c’est bien celui sur lequel je souhaitais tout particulièrement attirer l’attention ce matin.

M. le ministre de l’agriculture a certes pris conscience des difficultés rencontrées par le secteur de l’aquaculture marine. Mais il ne faudrait pas que, dans la réflexion globale engagée par le Gouvernement, l’aquaculture d’eau douce soit oubliée, car des mesures doivent aussi être prises à son égard.

regroupement des tribunaux d'instance parisiens dans la future cité judiciaire des batignolles

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 791, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, je voudrais attirer votre attention sur l’éventuel regroupement des tribunaux d’instance parisiens dans la future cité judiciaire des Batignolles, qui n’a pas encore vu le jour, mais dont la création est programmée.

Ce regroupement des tribunaux d’instance a été annoncé dans le courant du mois de janvier par le premier président de la cour d’appel. Je précise qu’à aucun moment il n’a été évoqué lors de l’établissement de la nouvelle carte judiciaire et qu’il n’a jamais été question, dans les déclarations de la ministre de la justice de l’époque, d’une suppression des tribunaux d’instance parisiens.

Cela dit, à aucun moment non plus, le Gouvernement, que j’ai interpellé à plusieurs reprises sur ce sujet, notamment lors de la discussion budgétaire, n’a apporté de réponse claire sur ce point.

Il est à noter que la majorité du Conseil de Paris s’est prononcée en faveur du maintien des tribunaux d’instance parisiens, structures de proximité utiles, notamment pour ceux qui sont en grande difficulté. Beaucoup craignent que ce regroupement ne soit synonyme de diminution de moyens, de déshumanisation des procédures, et ne porte ainsi un coup fatal à la justice de proximité, déjà bien mal en point.

On peut également s’interroger sur les conséquences d’un tel regroupement en termes de transport, car il signifierait que des lignes déjà surchargées assurent l’acheminement des 10 000 personnes travaillant à la cité judiciaire, sans parler des justiciables qui s’y rendront.

Pour toutes ces raisons, madame le garde des sceaux, je souhaiterais avoir des précisions sur les intentions de l’État en la matière et, en tout état de cause, sur l’engagement d’un processus de concertation. Celui-ci reste nécessaire dès lors qu’on prévoit de supprimer des tribunaux d’instance qui fonctionnent actuellement à plein régime.

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Borvo Cohen-Seat, votre question me permet de réaffirmer ce que j’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, notamment devant les parlementaires et en particulier à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 : s’il est vrai que la réinstallation du tribunal de grande instance de Paris aux Batignolles a ouvert une réflexion sur le sort des tribunaux d’instance, à ce jour aucune décision n’est néanmoins prise à leur sujet.

La réflexion doit intégrer un certain nombre de données, notamment l’intérêt des justiciables, les aspects pratiques – notamment la question des transports, que vous avez mentionnée –, les capacités de mutualisation.

Trois hypothèses peuvent être envisagées. La première consiste à maintenir la situation actuelle, ce qui n’est pas forcément la meilleure solution. Le deuxième est le regroupement des différents tribunaux d’instance autour de quatre pôles. Enfin, la troisième porte effectivement sur la création d’une entité unique aux Batignolles ; cette solution permettrait de construire une très grande cité judiciaire, où les avocats eux-mêmes envisagent de s’implanter.

Quoi qu’il en soit, comme je l’ai toujours dit, la décision ne sera prise qu’après une concertation étroite avec les élus. C’est, pour moi, le gage d’un bon travail !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse et je vous sais gré, en particulier, d’avoir précisé que la décision n’était pas encore prise.

Je ne prétends pas que tout doit rester en l’état – je ne suis sûrement pas partisane de l’immobilisme généralisé ! –, mais je crois que le regroupement sur le site des Batignolles poserait beaucoup de problèmes.

Paris n’est certes pas un département comme les autres, ne serait-ce que par sa faible superficie et une certaine facilité des déplacements. Il reste que le nombre des affaires que les tribunaux d’instance ont à traiter – notamment les tutelles et curatelles, les injonctions de payer, les ordonnances sur requête et les élections professionnelles – est énorme. Dès lors, le choix de regrouper l’ensemble de ces contentieux dans la cité judiciaire n’est pas a priori celui que je ferais.

Il faut absolument réfléchir aux questions de proximité et de commodité de déplacement, mais également offrir des structures « humaines ». Nous le savons très bien, les regroupements s’accompagnent souvent d’une diminution des moyens. En l’occurrence, ce seraient ceux qui sont affectés au traitement des affaires judiciaires courantes qui se trouveraient touchés.

Madame le garde des sceaux, les élus, en tant que représentants des citoyens, ont leur mot à dire, et je vous remercie de l’avoir rappelé.

De nombreux arguments, y compris en termes d’économies, plaident sans doute en faveur du regroupement, mais le résultat, me semble-t-il, ne serait pas du tout satisfaisant.

manque d'effectifs et dégradation des conditions de travail du tribunal de grande instance de pontoise

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la question n° 800, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Raymonde Le Texier. Madame le garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur les conditions de travail du tribunal de grande instance de Pontoise. En effet, 11 postes de magistrats sur un effectif total de 65 et 40 postes de fonctionnaires sur 167 ne sont pas pourvus. Au tribunal pour enfants, il manque, depuis plusieurs mois, un quart des effectifs, magistrats et greffe confondus.

Les magistrats dénoncent la misère d’un service public qui n’est plus en mesure de répondre, dans des conditions normales, aux attentes des justiciables. Pour ces magistrats, qui ont des journées sans fin et des responsabilités importantes moyennant un salaire qui est loin de faire rêver, ne pas pouvoir remplir correctement leur mission de service public est source d’insatisfaction et d’inquiétude.

Mais je ne vous apprends rien, car la misère de la justice ne date pas d’hier, même si la situation atteint aujourd’hui un seuil dangereux et inédit pour la sérénité et l’efficacité de l’institution. La fronde qui a eu lieu lors de la rentrée solennelle du tribunal de grande instance de Pontoise en est la preuve. Par cette action, les magistrats ont voulu alerter les représentants du peuple que nous sommes sur la gravité de la situation.

Que l’État ne soit plus en mesure d’exercer, dans des conditions acceptables, une de ses fonctions régaliennes essentielles est déjà grave, qu’il ait été alerté et qu’il n’agisse pas pour remédier à la situation l’est davantage encore.

À Pontoise comme ailleurs, les limites de ce qui est acceptable au regard du respect dû aux professionnels, de l’organisation du travail, de la qualité du service et du traitement des justiciables sont déjà dépassées. Le déroulement du procès relatif à l’accident du Concorde aggrave encore la situation, car il mobilise des personnels en nombre important, qui font grandement défaut dans les services où ils sont normalement affectés. Or la qualité de notre justice, dont nous sommes comptables, dépend aussi des conditions de travail.

Madame le garde des sceaux, ma question n’a d’autre but que de vous solliciter afin que tous les postes du tribunal de Pontoise soient pourvus, chez les magistrats comme dans l’administration, dans les meilleurs délais. Quels engagements seriez-vous prête à prendre aujourd'hui pour que ce tribunal puisse travailler dans de bonnes conditions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Le Texier, je veille plus que quiconque, et c’est bien normal, au bon fonctionnement de la justice et aux moyens dont elle dispose.

Vous l’avez dit, la justice souffre d’avoir été trop longtemps mise à l’écart des efforts qui ont été accomplis. Depuis quelques années, le mouvement s’inverse partout. Ainsi, l’effectif des magistrats localisé – c'est-à-dire les personnes en poste – au tribunal de grande instance de Pontoise, qui était de 57 en 2002, a été porté à 65 en février 2009, soit 8 emplois de magistrats créés en sept ans.

Certes, aujourd'hui, 2 postes de magistrats – et non 11, comme cela vous a été indiqué à tort – ne sont actuellement pas pourvus : un poste de juge d’instruction et un poste de juge en charge du tribunal d’instance de Gonesse.

Pour des raisons que j’ignore, nous avons des difficultés récurrentes à pourvoir ce dernier poste. Aussi ai-je décidé de l’inscrire sur la liste des postes offerts aux auditeurs sortant cette année de l’École nationale de la magistrature. Nous nous donnons ainsi enfin les moyens de résoudre les problèmes de ce tribunal.

Il faut en outre tenir compte des absences liées à des congés de maladie ou de maternité, comme dans tous les services de l’État. On ne peut donc, à cet égard, parler de « vacances » ; vous le savez, les juristes sont attachés à la précision des termes utilisés !

Pour pallier ces absences, une partie des treize magistrats placés auprès des chefs de la cour d’appel de Versailles a été déléguée au tribunal de Pontoise tout au long de l’année.

S’agissant spécifiquement du tribunal pour enfants, les effectifs localisés sont de 7 magistrats. Ils seront portés à 8 dans la localisation des emplois pour 2010.

Mes services étudient de surcroît avec la plus grande attention la demande de création de 2 emplois supplémentaires de magistrats placés à la cour d’appel de Versailles dans la circulaire de localisation de 2010.

Vous avez également évoqué la situation particulière liée l’ouverture du procès relatif à l’accident du Concorde. Les effectifs spécifiques des juges non spécialisés de la juridiction ont été augmentés de 2 magistrats supplémentaires. Ils seront à nouveau renforcés dès le deuxième trimestre de 2010 par la nomination d’un troisième juge supplémentaire.

Le tribunal de grande instance de Pontoise compte actuellement 165 agents dont 8 greffiers en chef, 74 greffiers, 5 secrétaires administratifs, 71 adjoints administratifs et 7 adjoints techniques.

À la suite des différentes commissions administratives paritaires du ministère de la justice de novembre 2009, un greffier en chef, un greffier et trois adjoints administratifs ont pris leurs fonctions le 1er mars 2010. Par ailleurs, l’arrivée, le 3 mai 2010, de quatre greffiers sortant de l’École nationale des greffes portera à 174 l’effectif de cette juridiction.

En outre, 6 postes supplémentaires de greffiers ont été inscrits à la commission administrative paritaire qui s’est réunie du 30 mars au 2 avril 2010.

Enfin, au titre de l’année 2010, le tribunal de grande instance de Pontoise pourra bénéficier de crédits vacataires délégués dans le cadre du budget opérationnel de programme de la Cour.

Madame la sénatrice, comme vous pouvez le constater, des efforts ont été accomplis depuis plusieurs années, efforts encore renforcés par les deux dernières commissions paritaires, afin d’augmenter les effectifs courants et ceux qui sont rendus nécessaires par la tenue du procès consécutif à l’accident du Concorde.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Madame la garde des sceaux, je vous remercie d’être venue en personne répondre à deux questions ce matin et de m’avoir apporté ces différentes précisions.

L’augmentation des effectifs de 2002 à 2009 est totalement justifiée par l’accroissement démographique d’un département qui est le plus jeune de France. Les jeunes prévenus y sont donc nécessairement plus nombreux. Or il est important de réduire le délai de leur prise en charge. Vous le savez, il est extrêmement fâcheux que les audiences soient surchargées et que les magistrats consacrent un temps trop court aux jeunes prévenus. Mieux vaut faire un rappel à la loi, fût-ce en prenant le temps de donner au jeune toutes les explications nécessaires, que de juger une affaire deux ou trois ans après les faits. (Mme la ministre d’État fait un signe d’acquiescement.)

En ce qui concerne les congés de maternité, je fais remarquer que la profession de magistrat se féminise. Le niveau des traitements des magistrats n’est d’ailleurs peut-être pas étranger à cette féminisation, et c’est là un constat doublement regrettable.

Quoi qu'il en soit, madame le garde des sceaux, je prends acte des éléments que vous m’avez fournis et qui me semblent a priori positifs. Il n’empêche que, à Pontoise, et sans doute aussi ailleurs, de nombreux magistrats travaillent 70 heures par semaine pour un salaire de 3 000 euros.

M. le président. Madame le garde des sceaux, je tiens à souligner que vous êtes, parmi les ministres régaliens, l’un de ceux qui s’attachent le plus à être présents dans cet hémicycle lors des séances de questions orales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Merci, monsieur le président.

M. le président. Mes chers collègues, en attendant que M. Estrosi, ministre chargé de l'industrie, rejoigne l’hémicycle pour répondre aux questions suivantes, permettez-moi de saluer la présence dans les tribunes d’une classe de lycéens venant de Marseille.

insécurité juridique créée par les difficultés de fonctionnement du pôle emploi

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, auteur de la question n° 796, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Mme Françoise Cartron. Ma question concerne les graves difficultés de fonctionnement rencontrées par Pôle emploi et sur leurs conséquences néfastes pour les demandeurs d’emploi.

Issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, Pôle emploi a été créé afin d’offrir aux demandeurs d’emploi un service plus efficace et plus réactif. Deux ans après la mise en œuvre de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, qui a instauré cet organisme unique, Pôle emploi rencontre toujours de très importantes difficultés de fonctionnement, dont l’impact sur les personnes privées d’emploi est parfois très grave.

Ainsi, dans le cadre du recrutement des agents recenseurs, les collectivités locales et les demandeurs d’emploi ont dû faire face à l’incapacité de Pôle emploi de donner des réponses claires et juridiquement assurées. C’est le cas en Gironde, où les demandeurs d’emploi recrutés par les mairies afin de procéder au recensement n’ont pu obtenir de réponse satisfaisante quant au seuil horaire de travail autorisé par l’administration sans perdre le bénéfice de l’allocation chômage.

Le plus souvent, les demandeurs d’emploi ne peuvent parvenir à joindre Pôle emploi en raison de standards téléphoniques saturés et du manque de personnel. En l’espèce, les collectivités territoriales et le centre de gestion de la fonction publique territoriale n’ont pu obtenir des renseignements plus précis qu’après plusieurs semaines.

Par ailleurs, les centres de gestion n’ont pas obtenu de réponse à leur demande de nomination d’un référent direct auprès de Pôle emploi.

Cette confusion dans l’organisation crée une insécurité juridique inacceptable pour les demandeurs d’emploi. Il leur est en effet impossible de connaître les conséquences financières exactes d’une reprise d’emploi ponctuelle.

Cette insécurité est augmentée par la diversité des réponses apportées par les agences de Pôle emploi sur le territoire. Il semble en effet que des règles de calcul différentes soient utilisées selon les départements, voire selon les interlocuteurs. C’est le cas, par exemple, pour la compensation versée aux agents recenseurs.

Dans un contexte de forte croissance du chômage, il est intolérable que la désorganisation de Pôle emploi conduise à décourager certains demandeurs d’emploi de reprendre une activité, même ponctuelle. En conséquence, je souhaite savoir quelles mesures seront prises pour remédier à ces difficultés de fonctionnement et pour faciliter les démarches tant des demandeurs d’emploi que des collectivités ou des entreprises désirant embaucher.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Madame le sénateur, soyons francs, avant que l’ANPE et les ASSEDIC ne fusionnent au sein de Pôle emploi, au début de l’année 2009, il existait une réelle étanchéité entre le volet indemnisation des ASSEDIC et le volet accompagnement de l’ANPE, ce qui était préjudiciable aux demandeurs d’emploi.

Il est vrai que la mise en place de Pôle emploi n’a pas pu régler instantanément l’ensemble des problèmes qui existaient en ce domaine. Mais une réelle progression du service aux usagers peut être soulignée.

En 2009, Christine Lagarde et Laurent Wauquiez ont fixé comme priorité à Pôle emploi d’accélérer les procédures d’inscription des demandeurs d’emploi et de réduire les délais d’indemnisation. Malgré les effets de la crise économique sur l’emploi, les objectifs d’inscription et d’indemnisation ont été atteints.

Pour 2010, la priorité pour Pôle emploi est d’accroître et d’approfondir son offre à destination des entreprises et des employeurs. Une série de nouveaux moyens est mise en œuvre, à savoir le renforcement de l’analyse sectorielle, la mise en place d’un numéro unique – le 3995 – pour les entreprises souhaitant déposer des offres et la mobilisation de la méthode de recrutement par simulation, notamment sur les métiers en tension.

Sachez, madame Cartron, que les dysfonctionnements qui ont pu être observés dans le cadre du recrutement d’agents recenseurs par les collectivités locales en Gironde démontrent l’importance qui s’attache à la mise en place d’une offre de service dédiée aux différents types d’employeurs susceptibles de se lancer dans des vagues d’embauches.

S’agissant du cumul entre des revenus d’activité et des indemnités chômage, la réglementation applicable est la suivante : le cumul emploi-chômage est possible à condition que l’emploi ne soit pas repris auprès de l’ancien employeur, qu’il ne dépasse pas le seuil 110 heures par mois et, enfin, que le salaire brut perçu n’excède pas 70 % du salaire antérieur ; si l’un de ces deux seuils est dépassé, l’allocation ne peut être versée.

Par ailleurs, la possibilité de cumuler un salaire et l’indemnisation chômage est limitée dans le temps à quinze mois. Au-delà de cette durée, il est loisible au demandeur d’emploi de solliciter auprès de Pôle emploi une nouvelle ouverture de droits à indemnisation sur la base de laquelle un nouveau calcul est effectué pour établir les droits à indemnisation.

Madame le sénateur, le Gouvernement continue de tout mettre en œuvre afin qu’un service plus simple et plus efficace soit rendu aux usagers, qu’il s’agisse des demandeurs d’emploi ou des employeurs.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Je prends acte de ce que le Gouvernement met tout en œuvre afin qu’un meilleur service soit rendu aux usagers, en particulier aux demandeurs d’emploi. Ce service doit en effet être amélioré et, en Gironde, malheureusement, l’actualité le prouve : dans ce département, Pôle emploi n’a pas pu verser les allocations chômage au mois de mars. Cette situation est apparemment due à un bug informatique. Il n’en demeure pas moins que de nombreux demandeurs d’emploi de Gironde se trouvent, en ce début de mois d’avril, en grande difficulté financière.

aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 806, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre chargé de l'industrie, ma question porte sur l’attribution de l’ACCRE, c'est-à-dire l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise.

Dans un contexte socio-économique et financier bouleversé par la crise, l’ACCRE devrait être un moteur et un vecteur de l’économie de marché et du développement d’entreprises nouvelles, au même titre que le statut d’auto-entrepreneur. Pourtant, l’attribution du bénéfice de cette exonération de charges sociales pendant un an, à laquelle peuvent prétendre, en vertu de l’article L. 5141-1 du code du travail, les créateurs ou repreneurs d’une activité commerciale ou industrielle, par exemple, et ce quelle que soit la forme juridique choisie, est confrontée à un vide juridique.

Si la circulaire DGEFP/DSS du 30 novembre 2007 n’exige pas une activité effective, elle requiert en revanche le respect d’un délai de quarante-cinq jours pour la transmission du dossier. De plus, le seul organisme compétent pour examiner et apprécier l’opportunité d’accorder ou non cette aide est l’URSSAF.

La demande d’aide au titre de l’ACCRE doit être déposée au Centre de formalités des entreprises, le CFE, dans les quarante-cinq jours. Au terme de ce délai, le dossier est transmis pour examen à l’URSSAF, seul organisme, donc, susceptible de se prononcer sur son éligibilité.

Dans les faits, des problèmes se posent. Si un créateur ou repreneur d’entreprise ne dépose pas un dossier complet dans le délai imparti, le CFE ne le transmet pas à l’URSSAF. Dès lors, le demandeur se trouve privé de moyen pour intervenir. Il ne peut notamment saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale puisque seule vaut la décision de l’URSSAF.

D’où les trois questions pratiques suivantes.

Dans la mesure où l’ACCRE poursuit l’objectif d’aider à la création ou à la reprise d’entreprise, comment expliquer que le délai de quarante-cinq jours soit systématiquement opposé à un bénéficiaire identifié, qui, malgré sa bonne foi, ne peut présenter la totalité des justificatifs dans les temps ?

Pourquoi appartient-il au seul CFE, organe centralisateur des informations, de transmettre ou non le dossier à l’URSSAF ?

Enfin, de quels moyens toutes celles et tous ceux qui n’ont pas pu intervenir auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale, parce que le dossier n’a pas été transmis à l’URSSAF, disposent-ils aujourd’hui pour saisir une juridiction ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Madame le sénateur Escoffier, vous avez appelé l’attention de Christine Lagarde et de Laurent Wauquiez sur une difficulté que certains de nos concitoyens auraient rencontrée en matière d’attribution de l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise. Vous vous inquiétez notamment de la procédure interne aux centres de formalités des entreprises.

Vous le savez, l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise est l’une des mesures du dispositif d’appui à l’initiative économique géré par le ministère de l’emploi au bénéfice des demandeurs d’emploi, des salariés licenciés, des jeunes et des personnes en difficulté. Ce dispositif vise à faciliter tant la structuration des projets de création ou de reprise d’entreprise que le développement des activités ainsi créées, sous forme individuelle ou en société. L’ACCRE consiste en une exonération de cotisations sociales permettant le maintien, pour une durée déterminée, de certains minima sociaux. En 2009, 137 000 personnes en ont bénéficié.

Depuis le 1er décembre 2007, les CFE ont compétence pour recevoir les demandes d’attribution de l’exonération de cotisations sociales, qui doivent être adressées soit dès le dépôt de la déclaration de création ou de reprise d’entreprise soit au plus tard le quarante-cinquième jour qui suit la date de dépôt.

Lorsque le dossier de demande d’attribution de l’exonération de cotisations sociales est complet, le centre de formalités des entreprises délivre au demandeur un récépissé indiquant que la demande a été enregistrée. Cette demande ainsi qu’une copie du récépissé sont alors transmises dans un délai de vingt-quatre heures à l’URSSAF, qui, au nom de l’État, statue sur la demande dans un délai d’un mois à compter de la date du récépissé, conformément à l’article R. 5141-11 du code du travail. Lorsque les conditions d’octroi sont remplies, l’URSSAF délivre à l’intéressé une attestation d’admission au bénéfice de l’exonération.

Les CFE, qui ont compétence pour réceptionner les demandes d’ACCRE, doivent apprécier si celles-ci sont complètes aux fins d’instruction par l’URSSAF. Tout dossier incomplet ou qui n’a pas été complété par le demandeur dans les délais fixés lors de la réception de la première demande ne peut être transmis à l’URSSAF. De même, tout dossier incomplet et reçu par l’URSSAF doit être renvoyé au CFE.

Vous le voyez, madame le sénateur, la procédure est strictement encadrée par les dispositions réglementaires précitées, qui visent à s’assurer que la personne sollicitant une exonération des cotisations sociales en vue de créer ou de reprendre une entreprise satisfait aux conditions fixées par la loi. Les CFE ne posent pas de conditions supplémentaires et tout demandeur qui déposera un dossier complet le verra transmis.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Votre réponse, monsieur le ministre, traite du cas général. Ma question portait sur le cas particulier de chômeurs ou de créateurs d’entreprise qui n’ont pu obtenir dans les délais nécessaires les pièces qu’ils doivent transmettre au CFE pour que le dossier puisse être traité par l’URSSAF. Dans ces cas-là, comment un chômeur peut-il faire valoir ses droits ? À cette question, monsieur le ministre, je n’ai pas obtenu de vraie réponse. Je me permettrai donc d’adresser à Mme Lagarde, à M. Wauquiez ou à vous-même un courrier sur ce point précis. (M. le ministre acquiesce.)

avenir de l'usine first aquitaine industries de blanquefort

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, auteur de la question n° 799, adressée Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Alain Anziani. Ma question porte sur l’avenir du site industriel de Blanquefort, en Gironde.

Jusqu’en 2009, ce site était occupé par l’entreprise Ford Aquitaine Industries et comptait 1 600 salariés. Celle-ci a cédé ses actifs à une entreprise allemande, First Aquitaine Industries, ou FAI.

Nous sommes en 2010. L’activité historique de ce site, la fabrication de boîtes de vitesses automatiques, va cesser en 2011 et nous ne savons pas de quoi demain sera fait ! L’inquiétude des salariés, des sous-traitants et des élus locaux est grande sur le devenir de ce site. Plusieurs pistes sont envisagées.

Le repreneur, la société HZ Holding, privilégie la production de couronnes d’éoliennes, mais ce projet implique un investissement de 50 millions d'euros, somme dont la société en question ne dispose pas en fonds propres et que les banques refusent de lui prêter. Malgré l’intervention, à plusieurs reprises, de Mme Lagarde et celle de l’ensemble des collectivités locales concernées – le conseil général, le conseil régional, la communauté urbaine, la ville de Bordeaux – ce dossier n’avance pas.

L’État a déjà accordé une prime de 1 million d'euros à FAI, mais cet effort n’est pas suffisant. Ce projet s’inscrit pourtant parfaitement dans les priorités affichées par le Gouvernement en matière de soutien à l’industrie, de développement durable et de maintien de l’emploi.

Que compte faire l’État pour inciter les banques à témoigner de plus d’audace – la tâche est difficile ! –, pour diversifier éventuellement les offres de reconversion et pour permettre davantage de transparence, car les salariés ne sont pas aujourd'hui associés au comité de suivi du site de Blanquefort ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur Alain Anziani, permettez-moi tout d’abord de vous assurer avec la plus grande solennité de l’attachement du Gouvernement et du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi au site industriel de Blanquefort et à ses 1600 salariés.

Concrètement, Christine Lagarde a réuni le 11 février dernier le comité de suivi de First Aquitaine Industries, qui rassemble les représentants des collectivités, les actionnaires et la direction de FAI, le secrétaire du comité d’entreprise, ainsi que les services de l’État.

Cette réunion a été l’occasion pour l’entreprise et son actionnaire de présenter le plan d’affaires élaboré au cours des derniers mois, avec l’appui d’un cabinet de conseil et d’audit réputé. Ce plan prévoit le développement de nouveaux marchés et de nouveaux produits pour l’activité transmission-boîtes de vitesses ainsi que de nouvelles activités, notamment la production de composants pour les éoliennes.

Les éléments présentés par l’entreprise et son conseil permettent de conclure à la solidité de ce plan d’affaires, confirmée par les premières commandes de transmissions obtenues récemment auprès de constructeurs automobiles chinois.

L’État et les collectivités ont d’ores et déjà indiqué que des soutiens financiers importants seraient mobilisés pour accompagner l’entreprise et lui permettre de concrétiser ce plan de développement. Vous soulignez ainsi, à juste titre, que les collectivités territoriales, et je les en remercie, par le biais de la société d’économie mixte locale Route des Lasers, consentent un effort financier pour permettre l’édification d’un bâtiment. C’est un pôle de compétitivité que je connais bien, mis en œuvre dans le cadre de la politique que j’ai lancée en 2005, et qui comprend le laser Mégajoule.

Au-delà du financement de cet important investissement immobilier, il faut également rappeler que l’État et les collectivités ont prévu de mobiliser jusqu’à 30 millions d'euros pour aider à la mise en œuvre des diverses composantes du plan de l’entreprise. L’État y prend sa part, non pas pour 1 million d'euros, mais bien à hauteur maximale de 12 millions d'euros, tout comme les collectivités. Nous solliciterons ensemble les crédits du Fonds européen de développement régional, le FEDER, à hauteur de 6 millions d'euros. Nous devons en effet former une équipe soudée pour avancer sur un sujet aussi important pour l’avenir industriel de la région Aquitaine et de notre pays.

Par ailleurs, comme vous l’avez rappelé, des financements bancaires sont nécessaires ; l’entreprise et son actionnaire ont engagé des discussions avec les banques, bénéficiant du support très actif de la médiation du crédit et de l’implication d’OSEO. J’ai justement rencontré M. Gérard Rameix, nommé Médiateur du crédit aux entreprises, avant de me rendre au Sénat ce matin et je lui ai rappelé l’importance que j’attachais à ce dossier, afin qu’il y consacre toute son énergie.

Ces discussions se poursuivent et nous restons mobilisés, avec Christine Lagarde, pour qu’elles aboutissent favorablement à un horizon rapproché.

Nous avons demandé au préfet de région de suivre ce dossier avec la plus grande attention. Il réunira, en tant que de besoin, le comité de suivi à son niveau régional, en y associant, comme nous l’avons fait au niveau national, l’ensemble des parties concernées, notamment les salariés au travers de leurs représentants au comité d’entreprise. Il importe que toutes les parties concernées soient impliquées, rassemblées de façon décloisonnée dans ce comité de suivi, que ce soient les partenaires sociaux, les collectivités, la direction de l’entreprise, mais également les sous-traitants, qui subiraient de plein fouet les conséquences d’un échec dans ce domaine.

Monsieur le sénateur, je reste à votre disposition pour organiser, si besoin était, une nouvelle réunion au plan national en vue de faire le point sur ce dossier.

Encore une fois, je veux adresser un message de solidarité aux 1 600 salariés de FAI : le Gouvernement sera mobilisé de toutes ses forces aux côtés des élus locaux et de leur entreprise pour sauver ce site industriel.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de votre implication et des réponses positives que vous venez de m’apporter.

Ce n’est pas la première fois que la question de l’avenir de ce site est soulevée. J’espère que l’optimisme qui prévaut chaque fois se traduira prochainement dans les faits, car il y a urgence.

pénalisation des médecins de nationalité française titulaires d'un diplôme de médecine étranger extra-communautaire par rapport à leurs collègues étrangers du même pays

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 783, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Claudine Lepage. J’ai en effet souhaité attirer l’attention de Mme Bachelot-Narquin sur la pénalisation don souffrent les médecins de nationalité française titulaires d’un diplôme de médecine étranger extracommunautaire par rapport à leurs collègues étrangers du même pays. C’est bien un cas de discrimination subie par des Français résidant à l’étranger que je veux ici évoquer, en l’occurrence des médecins français lésés dans leurs droits par rapport aux droits accordés à un médecin étranger.

En effet, ces médecins français, souvent binationaux, qui ont effectué leurs études dans un pays étranger hors de l’Europe dont ils sont diplômés et qui sont parvenus en fin de cycle de leur spécialisation ne peuvent, au motif qu’ils possèdent la nationalité française, parfaire leurs connaissances scientifiques et techniques en France. En revanche, leurs collègues de nationalité étrangère titulaires de diplômes identiques peuvent, eux, occuper un poste de « faisant fonction d’interne ».

Si l’on peut comprendre que des diplômés étrangers n’aient pas le droit d’exercice en France, faute d’avoir été sélectionnés au numerus clausus, il ne semble pas admissible d’interdire à des Français titulaires d’un diplôme étranger de présenter leur candidature à des postes de faisant fonction d’interne alors même que des médecins de nationalité étrangère à diplôme étranger en ont la possibilité.

C’est leur seule nationalité française, semble-t-il, qui interdit à ces médecins titulaires d’un diplôme étranger de parfaire leurs études et de poursuivre leur spécialisation en France, même dans le cas où cette spécialisation n’est pas enseignée dans le pays où ils résident. Il s’agit d’une inégalité de traitement flagrante, un cas qui relève pour le moins de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, institution plus que jamais nécessaire.

La ministre de la santé envisage-t-elle de prendre les mesures adéquates pour permettre aux médecins de nationalité française titulaires d’un diplôme de médecine étranger d’effectuer, à l’instar de leurs collègues étrangers, des stages validants dans les universités et les centres hospitaliers universitaires français avant de revenir dans leur pays de résidence ? Leur permettra-t-elle d’exercer comme leurs collègues étrangers, en qualité de faisant fonction d’interne ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu interroger la ministre de la santé et des sports sur la situation des médecins français titulaires d’un diplôme étranger extracommunautaire au regard de celle de leurs confrères étrangers titulaires d’un diplôme identique.

Il est vrai que les médecins français titulaires d’un diplôme extracommunautaire n’ont pas accès à l’attestation de formation spécialisée, l’AFS, et à l’attestation de formation spécialisée approfondie, l’AFSA, bientôt remplacées par les diplômes de formation médicale spécialisée, ou DFMS, et les diplômes de formation médicale spécialisée approfondie, ou DFMSA.

Les formations donnant accès à ces diplômes ont été conçues pour permettre aux médecins de nationalité hors Union européenne de compléter leur formation avant de retourner exercer la médecine dans leur pays d’origine. C’est dans le cadre de ces formations que les praticiens concernés peuvent être recrutés en qualité de « faisant fonction d’interne », FFI, et bénéficier d’une formation pratique complémentaire.

Il convient de souligner que les titulaires de diplômes hors Union européenne ne sont pas tous soumis au même régime pour l’inscription en DFMS et DFMSA. Cette inscription est réservée à ceux dont le pays d’obtention du diplôme reconnaît le DFMS ou le DFMSA pour l’exercice de la spécialité. Ces diplômes ne sont d’ailleurs pas reconnus comme qualifiants : ils ne donnent donc pas la possibilité d’exercer comme spécialiste dans l’Union européenne.

Pour autant, les ressortissants français titulaires d’un diplôme extracommunautaire, même s’ils ne peuvent pas s’inscrire dans les formations précitées et être recrutés en qualité de « faisant fonction d’interne », ne sont pas privés de toute possibilité de recrutement en France. Ils doivent pour cela se soumettre à la procédure d’autorisation d’exercice, la PAE, qui leur permet, après avoir satisfait à des épreuves de vérification des connaissances, d’être recrutés par un établissement public de santé en qualité de praticien assistant associé ou de praticien attaché associé pour accomplir une période de fonctions hospitalières avant d’être autorisé à exercer pleinement la médecine en France, à l’hôpital ou en ville.

Il y a donc non pas une rupture d’égalité entre les médecins français à diplôme étranger extracommunautaire et les médecins étrangers titulaires d’un diplôme identique, mais simplement des dispositifs différents répondant à des objectifs et à des besoins distincts.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces précisions. Vous conviendrez toutefois que cette situation peut paraître ubuesque à première vue. Je me demande d’ailleurs si une telle inégalité de traitement ne serait pas susceptible d’entraîner une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme.

Par ailleurs, il ne faut pas non plus négliger le fait que les jeunes médecins français à diplôme étranger pourraient constituer une opportunité non négligeable dans le contexte actuel de pénurie de médecins. Or on ne leur propose le plus souvent que des postes d’aide-soignant !

Je prends acte, madame la secrétaire d’État, de la différence entre les procédures dont vous avez fait état.

traitement des déchets d'activités de soins à risques infectieux

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, auteur de la question n° 792, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

M. Jean-Claude Frécon. Madame la secrétaire d’État, ma question concerne le traitement des déchets d’activités de soins à risques infectieux, autrement dit, dans le jargon administratif et médical, les DASRI. Cette filière de traitement pose en effet un certain nombre de problèmes.

Le traitement des DASRI varie en fonction de l’endroit où ils sont produits. Lorsque ces déchets sont produits dans des établissements médicaux, ce sont naturellement ces établissements qui en assurent le traitement. La situation est différente lorsque les DASRI proviennent de patients en auto-traitement.

La loi de finances de 2009, votée il y a maintenant seize mois, prévoit que, à partir du 1er janvier 2010, le principe dit de « responsabilité élargie des producteurs » s’applique à la mise en œuvre de dispositifs de collecte de proximité des DASRI, en privilégiant, à défaut de dispositifs locaux, le retour de ces DASRI en officine de pharmacie, en pharmacie à usage intérieur ou en laboratoire de biologie médicale. Un décret en Conseil d’État devait déterminer les conditions techniques et financières de la collecte et de l’élimination des DASRI pour être mis en application au 1er janvier 2010. Or, à ce jour, aucun décret n’a été publié. Il y a donc un vide juridique et administratif.

Pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, me faire part de l’état d’avancement de ce décret afin qu’une solution adaptée à la collecte des DASRI des patients en auto-traitement puisse être mise en œuvre très rapidement, sachant que la date limite du 1er janvier 2010 est maintenant dépassée depuis plus de trois mois ?

J’aimerais également, madame la secrétaire d’État, connaître les causes de ce retard. Le décret n’ayant pas été publié, certains de ces déchets sont actuellement traités avec les ordures ménagères – c’est le cas dans mon département, mais il en va probablement de même dans tous les autres –, ce qui pourrait avoir des conséquences sanitaires graves.

Nous sommes face, madame la secrétaire d’État, à une triple insécurité : insécurité administrative, car la responsabilité de ceux qui sont en charge des filières de traitement des ordures ménagères, en particulier les élus locaux, est engagée ; insécurité juridique, car tout cela pourrait déboucher sur des actions en justice ; insécurité sanitaire surtout. Il va de soi que, si un accident se produisait, l’État en serait responsable.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Monsieur le sénateur, la ministre de la santé et des sports est très attachée à la mise en œuvre rapide d’une filière sécurisée pour l’élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux des patients en auto-traitement. Il est en effet essentiel d’éviter que ces déchets ne soient déposés avec les ordures ménagères, créant ainsi un risque de contamination de l’entourage du patient, ainsi que des personnels en charge de la collecte et du traitement des ordures ménagères.

C’est un sujet de première importance, qui concerne près de deux millions de patients en auto-traitement, notamment les diabétiques. Mme Bachelot-Narquin souhaite la mise en place d’une filière pérenne pour le traitement de ces déchets.

L’article 30 de la loi de finances pour 2009 prévoit que l’obligation de collecte s’exerce sous le régime de la responsabilité élargie des producteurs. Cette obligation soulève deux problèmes : d’une part, celui du champ des déchets à prendre en compte pour définir le périmètre d’application de la mesure et, d’autre part, celui des contributeurs qui devront en assurer le financement. Une modification de cet article par l’article 74 du projet de loi portant engagement national pour l’environnement – le « Grenelle 2 », adopté par le Sénat le 8 octobre 2009 –, est donc actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale afin de préciser le champ des déchets d’activités de soins à risques infectieux concernés. Il s’agirait des seuls déchets perforants, tels que les aiguilles, car ce sont ceux qui peuvent présenter un risque pour les personnels chargés de leur collecte et de leur traitement.

Cependant, sans attendre, les services concernés ont engagé la préparation du décret d’application de l’article 30 de la loi de finances de 2009. Ce décret d’application est piloté par le ministère chargé de l’écologie, dont relève la mise en œuvre des réglementations relatives à la responsabilité élargie des producteurs. La ministre de la santé et des sports en sera cosignataire. Ce décret doit être soumis à la Commission consultative d’évaluation des normes et à l’Autorité de la concurrence. Il sera ensuite notifié à la Commission européenne avant d’être enfin examiné par le Conseil d’État.

Pour que la collecte de ces déchets se fasse dans les meilleures conditions, il est indispensable qu’ils soient déposés dans des emballages adaptés afin d’éviter, d’une part, les risques infectieux dans les lieux de dépôt, en particulier lorsque ces déchets doivent être entreposés dans une officine de pharmacie, et, d’autre part, les blessures pour les personnes en charge de la collecte. Il s’agit donc de mettre gratuitement ces emballages à disposition des patients lors de la délivrance de médicaments injectables ou de dispositifs médicaux perforants.

Le décret qui impose aux personnes responsables de la mise sur le marché des médicaments ou dispositifs médicaux générant des déchets à risque de fournir ces emballages aux patients par les pharmaciens d’officine est prêt. Il sera signé en même temps que le décret organisant la collecte et le traitement de ces emballages avec le ministère de l’écologie. Toutes les consultations prévues par la loi seront également mises en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.

M. Jean-Claude Frécon. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces informations sur le décret.

Toutefois, comment se fait-il que ce travail n’ait pas été engagé plus tôt ? Je rappelle en effet que la loi de finances concernée a été votée voilà seize mois et qu’il y a maintenant plus de trois mois que le délai prévu par cette loi est dépassé ! Recueillir l’avis de la Commission européenne va encore prendre du temps. Le délai de publication du décret risque donc d’être encore long.

J’attire à nouveau votre attention, madame la secrétaire d’État, sur le fait que, en cas d’accident sanitaire, c’est l’État qui serait responsable.

option d'archivage en imagerie médicale

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, auteur de la question n° 808, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

M. Alain Houpert. Madame la secrétaire d’État, la pratique de l’archivage en imagerie médicale est aujourd'hui remise en cause.

En effet, une décision du 21 juillet 2009 rendue par le Conseil d’État annulant « l’arrêté du 10 septembre 2007 pour autant qu’il approuve les stipulations qui, à l’article 4 de l’avenant 24 à la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes, créent une option conventionnelle dite d’archivage » a pour conséquence la suppression de l’option d’archivage des images médicales numériques au motif que, dans le cas où elle introduit des réserves de facturation, « l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM, ne peut ainsi, sans méconnaître sa compétence, renvoyer aux partenaires conventionnels le soin d’en définir les conditions ».

De plus, l’UNCAM demande aux médecins qui avaient adhéré à cette option de rembourser les suppléments versés postérieurement à cette décision. Cette demande de remboursement des suppléments d’archivage déjà versés, décidée par l’UNCAM, pénalise les patients et les médecins, qui ont pourtant respecté les contraintes de qualité du cahier des charges de l’option d’archivage en investissant lourdement dans des systèmes coûteux, avec des financements sur quatre à cinq ans.

D’un point de vue médical, l’archivage est indispensable à l’amélioration de la qualité des examens en ce qu’il permet de conserver les documents radiologiques dans une base numérique sécurisée. Il offre ainsi un suivi efficace des examens radiologiques en rendant possible tant leur reproduction que leur comparaison. L’archivage est la clé d’un certain nombre d’avancées médicales majeures. Il est indispensable pour la mise en place du dossier médical personnel, de la télé-imagerie ou de la télé-expertise. Il permet encore d’améliorer considérablement l’organisation et l’efficacité du dépistage du cancer du sein, entre autres.

Dans une telle situation, il appartient à la Caisse nationale de l’assurance maladie de prendre les dispositions nécessaires pour qu’un nouvel accord sur l’archivage, tenant compte de la décision du Conseil d’État, assure le maintien des objectifs de la mise en place de l’archivage. Or la CNAM s’y refuse, alors qu’un protocole d’accord avait été rédigé dès le début du mois de décembre 2010.

Mme la ministre de la santé et des sports entend-elle donner les instructions nécessaires afin qu’il soit remédié au plus vite aux lacunes nées de l’annulation de l’article 4 de l’avenant 24 à la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Monsieur le sénateur, vous interrogez la ministre de la santé et des sports sur les dispositions à prendre concernant l’archivage en matière d’imagerie médicale.

L’Union nationale des caisses d’assurance maladie a créé le 23 août 2007 une cotation spécifique pour financer l’archivage numérique des actes de radiologie. Sa facturation était toutefois réservée aux seuls médecins ayant adhéré à une option conventionnelle créée par l’avenant 24 à la convention médicale et exerçant majoritairement en secteur libéral.

Le Conseil d’État, dans son arrêté du 21 juillet 2009, a annulé cette cotation spécifique au motif que la création d’une telle option relevait de la compétence de l’UNCAM et non des partenaires conventionnels.

Cet arrêt aurait dû entraîner de la part de l’UNCAM une récupération de tous les versements qui avaient été faits au titre de cet avenant et qui étaient donc indus. Roselyne Bachelot-Narquin a toutefois demandé à l’UNCAM qu’elle renonce à cette récupération, ce qui a été annoncé lors de la réunion de la commission de hiérarchisation des actes et prestations du 11 février 2010.

En outre, cette suppression ne remet pas en cause le développement de la radiologie ni la qualité des soins dispensés à nos concitoyens. En effet, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés a souligné, dans un rapport remis en juillet 2008, que les actes de radiologie bénéficient de marges nettes élevées, du fait d’importants gains de productivité, qui ont permis de réduire fortement les charges réelles supportées par les radiologues, et d’une croissance très rapide en volume.

La prise en charge des actes de radiologie, qui s’est concrétisée notamment par le supplément de numérisation des images radiologiques, représente un effort important pour l’assurance maladie. Le coût cumulé de ce supplément, créé en 1991, dépasse, en 2009, un milliard d’euros. Ces dépenses sont en progression constante, même après les baisses de tarif intervenues en 2007 et la modification, en 2009, des règles d’association d’actes de radiologie.

Depuis 2003, le nombre de scanners et d’IRM a respectivement augmenté de 35 % et de 86 % et, sur les onze premiers mois de l’année 2009, la valeur des actes de scanners et d’IRM a progressé respectivement de 9 % et de 13 %.

S’agissant du supplément pour archivage numérique, précisons qu’un certain nombre d’établissements de santé et de cabinets de radiologues libéraux se sont équipés d’un système d’archivage, en l’occurrence le système de communication et d’archivage des images – qu’on désigne aussi par l’acronyme anglais PACS –, avant même l’introduction de ce supplément dans la nomenclature.

Un tel investissement a été largement autofinancé, grâce à la réduction, qui peut atteindre 50 %, du budget accordé aux films et aux produits chimiques.

Pour toutes ces raisons, la suppression du forfait d’archivage numérique ne remet nullement en cause le développement de la radiologie. En outre, elle amène les radiologues à faire bénéficier la collectivité des gains de productivité enregistrés dans leur secteur, ce qui concourt à préserver notre système solidaire.

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.

M. Alain Houpert. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de cette réponse.

Je sais gré à Mme Bachelot-Narquin d’avoir demandé à l’UNCAM de renoncer à la récupération des versements indus.

Pour autant, je ne suis pas totalement d’accord avec sa position. Je suis moi-même radiologue et je ne voudrais pas être suspecté de corporatisme, mais je me dois d’insister sur le recul de la radiologie de proximité, dont témoigne la fermeture de nombreux cabinets de province, en raison de la baisse de cotation des examens et de la suppression de la cotation de l’option archivage.

Une telle situation ne permet pas de mener une véritable politique d’aménagement du territoire dans son volet relatif à la démographie médicale, car, je le rappelle, la médecine ne peut aujourd'hui se pratiquer sans imagerie médicale.

construction d'un nouvel hôpital à melun

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 809, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

M. Yannick Bodin. Ma question concerne la construction du nouvel hôpital de Melun, dans le sud de la Seine-et-Marne.

Le 13 janvier 2009, voilà donc maintenant plus d’un an, j’avais interrogé Mme la ministre de la santé et des sports sur la plateforme hospitalière de 650 lits qui devait être réalisée sur le territoire de la ville de Melun à l’horizon 2012, dans le cadre d’un projet médical, validé par l’Agence régionale de l’hospitalisation, commun à l’hôpital Marc Jacquet et à la clinique privée Les Fontaines. Le projet avait déjà accumulé un certain retard, les discussions étant engagées depuis 2004 avec les services du ministère. La ministre, par la voix de M. Bernard Laporte, alors secrétaire d'État, m’avait alors affirmé qu’il serait validé au second semestre 2009. Il n’en a rien été !

Alors que les élus locaux étaient toujours en attente d’un geste du ministère, Mme Bachelot-Narquin, dans un courrier du début de cette année, demandait que soit mis à profit le délai précédant le dépôt formel des dossiers à l’Agence régionale de l’hospitalisation d’Île-de-France, afin de finaliser la réflexion. Il était également précisé que le projet ferait « l’objet d’une instruction très constructive de la part des services du ministère ». J’en conclus donc que cela n’avait pas été fait au moment des engagements pris en 2009…

Aujourd’hui, on nous annonce que la décision sera prise au cours du premier semestre 2010 – il va falloir se dépêcher ! –, l’ouverture du site étant prévue pour la fin 2013 ou le début 2014.

De plus, malgré la demande des partenaires locaux, le projet n’est toujours pas inscrit dans le plan Hôpital 2012.

Au moment de la première réponse de Mme la ministre, d’immenses panneaux avaient déjà été dressés sur le terrain du futur hôpital, les terrains ayant été acquis par la ville de Melun et la communauté d’agglomération de Melun-Val-de-Seine et les crédits pour les études étant engagés. À en croire ces panneaux, l’hôpital devait ouvrir ses portes en 2012. Qu’en est-il aujourd’hui ? Devons-nous les faire disparaître ou modifier simplement le message qu’ils portent ?

Madame la secrétaire d’État, sachez-le, l’inquiétude grandit chez les élus locaux, lesquels recueillent, depuis le début du mois de février, des signatures pour une pétition – c’est le début d’une phase nouvelle –, afin que le ministère s’engage par écrit en faveur de cette plateforme hospitalière, qui concernera tout de même 250 000 à 300 000 habitants.

Quand cet engagement écrit, ferme et définitif sera-t-il pris par le ministère ? Quand le futur hôpital du sud de la Seine-et-Marne sera-t-il enfin réalisé ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu interroger la ministre de la santé et des sports sur le devenir du projet de plateforme hospitalière du sud de la Seine-et-Marne, localisée à Melun.

Roselyne Bachelot-Narquin souhaite aujourd’hui dissiper les inquiétudes dont vous venez de vous faire l’écho et que le Gouvernement estime infondées.

Le report de l’examen du projet de construction de la plateforme hospitalière de Melun, dans le cadre de la deuxième tranche du plan Hôpital 2012, a été annoncé depuis longtemps. La première version du projet ne pouvait pas être instruite dans le cadre de la première tranche du plan, car elle nécessitait d’être approfondie. Ce projet est, en effet, à la fois complexe et ambitieux puisqu’il vise à la reconstruction complète du centre hospitalier de Melun et de la clinique Les Fontaines.

En raison des sommes en jeu – près de 230 millions d’euros selon les dernières évaluations –, il nous paraît légitime d’attendre des porteurs de projet un dossier irréprochable. Vous le comprendrez, le Gouvernement ne peut pas engager les ressources de l’assurance maladie sans avoir toutes les garanties nécessaires.

Mme la ministre de la santé et des sports sera particulièrement attentive à ce que cette plateforme permette une véritable mutualisation des activités, afin de garantir l’optimisation de la qualité de la prise en charge des patients et la réalisation des gains d’efficience indispensables pour équilibrer l’opération sur le long terme. La recherche d’un juste dimensionnement doit par ailleurs être au cœur de la réflexion.

Depuis le dépôt de la deuxième version du préprogramme, les deux établissements partenaires, en liaison avec l’agence régionale de l’hospitalisation, ont beaucoup travaillé en vue d’approfondir et de préciser l’ensemble des points qui le nécessitaient. Nous ne doutons pas qu’ils seront prochainement en mesure de présenter un dossier solide.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, bien qu’elle soit profondément décevante. En effet, vous m’avez répété très exactement les propos tenus par M. Bernard Laporte voilà un an ! Autrement dit, personne ne sait quand seront rendues les conclusions relatives à la réalisation de cet hôpital.

Nous voyons, dans le nord du département, le nouvel hôpital de Lagny-sur-Marne se construire à Jossigny. Celui de Fontainebleau fait également l’objet d’une reconstruction. Croyez bien que la population de Melun sera vraiment très déçue de relire quasiment mot pour mot ce qui a été dit par le ministère voilà un an.

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Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Alain Chatillon membre du Conseil supérieur de l’aviation civile, créé en application de l’article D. 370-4 du code de l’aviation civile.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Discussion générale (interruption de la discussion)

Grand Paris

Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (projet de loi n° 123, texte de la commission n° 367, rapport n° 366).

Rappel au règlement

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Discussion générale (suite)

M. David Assouline. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Au nom de mon groupe, je demande solennellement le retrait de l’ordre du jour de ce projet de loi illégitime, élaboré au mépris de la démocratie locale et de l’article 1er de la Constitution aux termes duquel notre République est décentralisée, au mépris de la place et du rôle que la Haute Assemblée, chambre représentative des collectivités locales, occupe dans l’élaboration de la loi quand il s’agit de l’organisation territoriale, au mépris enfin de la volonté exprimée lors des dernières élections régionales par le peuple souverain lequel, rejetant la liste qui portait ce texte, a confirmé l’équipe de M. Huchon, qui s’y opposait avec la plus grande fermeté.

En effet, la création du secrétariat d’État chargé du développement de la région-capitale et la mise en chantier par celui-ci, sans aucune concertation, du projet de loi relatif au Grand Paris, viennent remettre en cause le principe posé à l’article 1er de la Constitution et les instruments d’action qui permettent de le faire vivre.

Le schéma directeur de la région d’Île-de-France, ou SDRIF, issu d’une très large concertation menée avec l’ensemble des collectivités et définitivement adopté par l’assemblée régionale le 25 septembre 2008, n’a toujours pas été transmis au Conseil d’État. Malgré des assurances publiques, le projet de métro automatique, dit « Grand huit », apparaît comme concurrent, ne serait-ce qu’au titre des financements de l’État, du plan de mobilisation régional, qui a été élaboré par la région avec Paris et les conseils généraux.

Approuvé par le conseil régional le 18 juin 2009, le protocole d’intention passé avec la Ville de Paris, l’ensemble des conseils généraux d’Île-de-France et le STIF, le syndicat des transports d’Île-de-France, représente un investissement de 18 milliards d’euros destiné à répondre aux principales urgences.

Monsieur le président, mes chers collègues, vous êtes tous attachés à la place spécifique de la Haute Assemblée. Or, comme vous le savez, M. Jean-Pierre Bel, au nom des membres de mon groupe, vous a adressé une lettre pour vous alerter et pour souligner qu’il n’était pas admissible, en vertu de l’article 39 de la Constitution – « Les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat » –, que le présent texte soit examiné d’abord par l’Assemblée nationale.

En outre, le Gouvernement a décidé l’urgence, nous privant ainsi d’un débat parlementaire digne de ce nom.

M. Nicolas About. On parle de procédure accélérée depuis la dernière révision constitutionnelle !

M. David Assouline. Le recours à la procédure d’urgence pour délibérer d’un projet devant se concrétiser « dans vingt ans » prêterait à rire si ce n’était de l’avenir des Franciliens qu’il s’agissait ! Est-ce là votre conception de la revalorisation – je sais que vous y êtes attachés – du Parlement en général et du Sénat en particulier ?

Monsieur le secrétaire d'État, vous n’ignorez pas le vote exprimé par les Franciliens voilà deux semaines à peine. Certains dans notre pays se sont interrogés sur la part prise respectivement dans ce scrutin par la volonté nationale et les intentions locales. S’il y a un endroit où tout fut entremêlé, fusionné même, c’est bien l’Île-de-France ! Mme Pécresse a tout de suite placé sa campagne sous le signe de votre projet de loi. Ministre elle-même, d’autres membres du Gouvernement figuraient également sur sa liste. C’est elle qui a demandé aux Franciliens de soutenir le projet du Président de la République.

M. Nicolas About. M. Huchon, lui, réclamait un vote anti-Sarkozy !

M. David Assouline. Le chef de l’État qui, rappelons-le, n’avait pas défendu ce projet devant les électeurs lors des élections présidentielles en 2007, a reçu Mme Pécresse à l’Élysée, en pleine campagne pour les élections régionales, afin de l’assurer de son soutien !

Le résultat est sans appel : 43 % pour le Grand Paris, qui d'ailleurs n’a de grand que le nom, 57 % pour M. Huchon, dont le projet régional, ainsi validé par les électeurs, s’oppose à celui du Gouvernement !

M. Nicolas About. M. Huchon n’a jamais évoqué ce sujet !

M. David Assouline. Le vote d’une nette majorité de Franciliens, vous ne l’écoutez pas non plus !

Voilà pourquoi, au nom de mon groupe, je me permets de vous redire, en pesant mes mots, que votre projet de loi est illégitime, et je vous demande de le retirer. Si vous ne le faites pas, au moins levez l’urgence et donnez le temps au débat, surtout avec les collectivités locales.

En effet, ce « Grand huit » ressemble plutôt à un manège infernal ou à un train fantôme, avec en prime un saut à l’élastique dans le vide. Et encore, permettez-nous de douter qu’il y a bien un élastique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Monsieur le sénateur, je répondrai d’un mot à la partie de votre questionnement qui m’était adressée.

Tout d’abord, après avoir été saisi, notamment par les membres du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, j’ai interrogé le Premier ministre sur l’objet visé par ce texte. Cette question a été examinée en conférence des présidents. Aujourd'hui, ce point est clair.

Ensuite, on laisserait croire que nous n’avons pas travaillé. La commission spéciale, qui a été créée pour l’occasion – je le dis devant son président et son rapporteur –, a procédé à plus de cinquante auditions, consacré sept heures à l’examen des amendements, réalisé des déplacements sur le terrain, notamment en se rendant sur le plateau de Saclay puisque celui-ci suscitait un certain nombre d’interrogations. Elle a également tenu plusieurs tables rondes. Quant à la conférence des présidents, dans le cadre de la prévisibilité qu’elle s’efforce d’apporter à nos débats, elle a réservé près de vingt-huit heures de séance publique à ce texte. Vous voyez combien nous attachons d’importance aux travaux du Parlement !

Je crois savoir que deux motions et deux cent quatre-vingt-neuf amendements ont été déposés sur ce texte, dont le Sénat pourra donc débattre largement.

Enfin, il ne m’a pas échappé que les dispositions d’une quinzaine d’amendements qui avaient été déposés à l’Assemblée nationale par des groupes d’opposition ont été reprises telles quelles par la commission spéciale et figurent donc dans ce texte, dans son état actuel.

Telle est la réponse que je pouvais vous apporter en ce qui concerne la valorisation du Parlement et de son travail.

Discussion générale

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord remercier tous les membres de votre commission spéciale, qui, tout au long de nos discussions et des nombreuses auditions, ont contribué de manière très constructive à l’amélioration de ce projet de loi.

Mes remerciements s’adressent tout particulièrement au président de la commission spéciale, M. Jean-Paul Emorine, et au rapporteur de cette dernière, M. Jean-Pierre Fourcade, pour leur exigence et leur engagement au service de ce texte relatif au Grand Paris.

Notre débat intervient deux semaines après les élections régionales.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Vous me permettrez de rappeler brièvement ce que j’ai déclaré devant la commission spéciale, à savoir que le projet de loi qui vous est présenté était en tous points respectueux des compétences de la région et ne contestait en rien la légitimité de l’exécutif régional.

Mme Nicole Bricq. Qu’est-ce que cela aurait été sinon !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Permettez-moi également de rappeler que l’État, sur la totalité du territoire, peut et doit exercer ses compétences relatives à l’intérêt national chaque fois qu’il l’estime nécessaire. Je constate d’ailleurs que, dans la région d’Île-de-France comme partout ailleurs, nul ne conteste cette légitimité à agir. C’est dans le cadre de cette compétence d’intérêt national que le Gouvernement a saisi le Parlement de ce projet de loi sur le Grand Paris.

Ce sera donc en visant à rendre complémentaires leurs efforts dans le cadre de leurs compétences respectives et avec leurs moyens propres que, sans confondre leurs missions, l’État et la région, ensemble, pourront réaliser le plus rapidement possible le projet du Grand Paris, au service d’une ambition nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le monde dans lequel nous vivons change très vite. Ces transformations suscitent des inquiétudes chez nos concitoyens, qui en mesurent précisément les risques, sans en saisir les éventuelles promesses. Ils ont l’impression que la France n’a plus de prise sur les évolutions du monde. Comme si nous étions collectivement incapables de répondre aux grandes questions qui se posent à nous : comment être compétitifs sans abdiquer notre modèle social ? Comment développer notre industrie sans sacrifier notre environnement ? Comment placer la culture et la qualité de vie qui caractérisent l’identité française au cœur de notre société ? Avons-nous les potentiels et les modes d’organisation qui nous permettent, collectivement, d’entrer dans le nouveau monde du XXIe siècle ?

Hier, le monde, tel que l’a décrit Fernand Braudel, s’appelait la mer Méditerranée. Ensuite, il fut européen, s’étirant de Venise à Bruges, et c’est dans cet espace, au contact des foires de Champagne, que Paris se mit à rayonner. Puis, ce furent les deux rivages de l’Atlantique, entre l’ancien et le nouveau monde, entre Londres, Paris et Amsterdam, d'une part, et New York, d'autre part.

Notre peuple a rayonné dans chacune de ces histoires du monde. Aujourd’hui, ce dernier se déplace entre les deux rives du Pacifique, entre les États-Unis et la Chine, entre San Francisco-Los Angeles et Shanghai-Tokyo. Et dans ce monde-là, nous nous interrogeons sur le rôle et la place de la France et de l’Europe.

Notre chance – nous ne l’avons pas encore suffisamment compris –, c’est que nous disposons des potentiels du XXIe siècle dominé par l’économie de la connaissance et de l’innovation. Les villes-monde sont les plates-formes où s’opèrent les échanges de cette économie.

Les villes-monde sont les lieux de convergence du savoir, de l’innovation et de la création. Elles sont les centres névralgiques des activités économiques, financières, mais aussi scientifiques, technologiques et culturelles. Paris se trouve encore dans le peloton des quatre premières villes-monde, avec New York, Londres et Tokyo, mais dans la ligne de mire de Shanghai et de Bombay.

Aujourd’hui, les flux d’échanges sont multipliés. Ils s’étirent aux dimensions de la planète. Les villes-monde autour desquelles ces échanges s’organisent ont atteint une intensité inédite. Parmi elles, Paris figure encore au premier rang. Mais pour combien de temps ?

Deux mille ans d’histoire nous ont légué une ville superbe, mais une métropole mal adaptée aux défis du XXIe siècle. Si nous ne prenons pas les bonnes décisions ou si nous ne nous donnons pas les moyens d’agir, Paris sera rapidement distancée dans la compétition.

Si le Grand Paris est une ville-monde rayonnante et dynamique, il attirera sur le pays les échanges de biens, d’investissements et d’intelligence. Fonctionnant en réseau avec toutes les villes de France, c’est un système d’enrichissement mutuel permanent. Toutes les villes de France seront renforcées par la puissance du Grand Paris.

À l’inverse, si nous laissons la métropole parisienne perdre doucement des points chaque année, si nous nous résignons à ce que, à travers sa capitale, la France ne soit plus présente parmi les lieux qui déterminent l’avenir, alors c’est tout le pays qui en paiera le prix. La croissance que nous n’impulserons pas ici ne se reportera pas ailleurs ; elle sera perdue avant même d’exister.

La matière grise et les investissements que nous n’aurons pas su attirer se porteront sur Shanghai, Sidney ou San Francisco. Plus grave, les circuits des échanges, matériels et immatériels, traceront leurs sillons en dehors de notre pays.

C’est donc un enjeu stratégique majeur. Paris est un grand potentiel pour notre pays dans l’économie-monde d’aujourd’hui. L’enjeu est d’intérêt national.

« La sagesse suprême », écrivait Faulkner, « est d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre du regard tandis qu’on les poursuit ». Cette phrase s’applique bien à l’ambition que nous voulons donner au Grand Paris. Mais celle-ci n’est pas seulement un rêve ; c’est un projet concret, réaliste, cohérent, solide. C’est un changement auquel nous pouvons croire.

Nous devons bâtir un projet global de développement, qui plonge ses racines et puise sa force dans le territoire, dans le génie des hommes et des lieux. Nous devrons bâtir en une génération une capitale internationale des échanges, une ville-monde du savoir et de la création, une métropole de l’art de vivre.

Le Grand Paris sera une capitale internationale, parce qu’elle sera ouverte sur le monde.

La dynamique des villes-monde repose sur leur capacité à concentrer et à valoriser des flux immatériels, mais aussi à générer une capacité exceptionnelle dans les flux matériels. Le Grand Paris sera une ville-monde, parce qu’il en a la taille, l’importance et la diversité, et parce qu’il sera ouvert au monde entier.

Avec Le Havre, Rouen et Caen, articulations de Paris sur l’océan, avec le projet du territoire de la Confluence, là où la Seine, l’Oise et le canal Seine-Nord se rejoignent, la région-capitale s’ouvre sur le grand large et acquiert enfin sa façade maritime.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Avec les aéroports de Roissy, d’Orly, mais aussi du Bourget, le Grand Paris est relié au monde. Avec le nouveau réseau de transport automatique, c’est tout le territoire de la métropole, et pas seulement le cœur de la capitale, qui sera relié aux aéroports.

Le Grand Paris sera aussi connecté avec les gares nationales et européennes et avec la voie de chemin de fer à grande vitesse vers l’Ouest.

Le Grand Paris sera un pôle magnétique des routes du monde. Par sa position de carrefour des routes et des voies, il pourra être au cœur des échanges, des flux de marchandises et de toutes les formes d’activités commerciales, mais aussi d’idées, de cultures et des événements qui façonnent le monde moderne.

Capitale internationale d’échanges, le Grand Paris deviendra également une ville-monde du savoir, de la création et de l’innovation.

Les territoires du Grand Paris sont riches de multiples talents. Mais tous ces talents, cette intelligence et cette énergie se trouvent souvent isolés et ne bénéficient pas de l’environnement adéquat qui leur permettrait d’être efficaces.

Cet environnement qu’il faut créer, c’est la rencontre entre les petites et les grandes entreprises, entre le monde académique et les start-up, entre les recherches fondamentale et appliquée, entre un marché et un territoire.

Cet environnement, c’est un écosystème qui permet à la richesse commune de croître. Pour permettre la croissance, il n’y a pas de vérités absolues, pas de recettes toutes faites qu’il suffirait d’appliquer pour entraîner la croissance. Mais il existe quelques repères, qu’il n’est pas inutile de garder en mémoire.

Prenons le cas du cluster de la fleur coupée près de Rotterdam. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG.) Pensez que 60 % du commerce mondial des fleurs coupées passe par cette région, soit plus de la moitié des ventes de ce secteur sur la planète ! Cette activité représente des dizaines de milliards d’euros d’exportations, un savoir-faire et des innovations permanentes.

Autre exemple plus récent, deux étudiants de Stanford cherchaient une mise de fonds pour développer un moteur de recherche Internet à partir d’un projet qu’ils avaient monté en classe. Quelques anciens élèves de l’université, dont le fondateur de Sun Microsystems, leur ont fait confiance, parce qu’ils connaissaient ces jeunes pour les avoir croisés dans des ateliers, des séminaires et des conférences. Les investisseurs ont fait ce pari, car l’innovation, l’enseignement, la création d’entreprises et la finance fonctionnaient ensemble, au même endroit, ce qui permettait les rapports humains.

Sans cette capacité d’investissement territorialisée, la mise de départ pour lancer la commercialisation et les développements de seconde génération d’Internet aurait-elle été réunie ? Peut-être... Sans les interactions entre l’université et les entreprises, ces deux étudiants auraient-ils vu les applications possibles de leur procédé ? Peut-être… Sans la culture de l’innovation de ce territoire, auraient-ils choisi comme sujet, pour leur dossier scolaire, le nombre de liens entrants comme mesure de la pertinence d’une page sur Internet ? Peut-être… Oui, peut-être que Google, puisqu’il s’agit de cette société, dont le chiffre d’affaires s’élevait à 24 milliards de dollars en 2009, aurait existé sans Stanford ! (Mme  Dominique Voynet et M. Jean-Pierre Caffet protestent.)

Mais, plus sûrement, il faut reconnaître que c’est à partir des échanges entre ces acteurs réunis sur un même territoire que procèdent l’innovation et la croissance. Dans ce monde de la connaissance, permettez-moi d’affirmer que le territoire est non pas le cadre de l’économie, mais son moteur !

M. David Assouline. Il nous fait faire le tour du monde !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Les nouveaux modes de production du XXIe siècle sont là.

Certes, comme le disait Alphonse Allais (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.), « les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir !». Pour autant, en l’occurrence, le risque de se tromper est faible, car il s’agit non pas d’une prévision, mais d’un constat.

Dans le projet du Grand Paris, les territoires sont les piliers du développement. Ils sont les cœurs battants d’une métropole multipolaire. Le nécessaire rééquilibrage entre Paris et ses banlieues passe, certes, par le développement de grandes polarités urbaines. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Mais ces dernières, qui s’affirment comme des axes magnétiques, redessinant les lignes de force au sein de la métropole, ne peuvent pas être conçues comme des villes nouvelles. Ces territoires ne peuvent être dessinés sur des feuilles blanches. Le Grand Paris n’est pas un exercice de style.

Notre région-capitale est riche d’un héritage historique, d’un patrimoine écologique et de traditions industrielles. Elle est riche de talents, du génie de sa population, des savoir-faire et des compétences de ses habitants, de leur jeunesse.

C’est sur ces territoires, grâce à leur population et leur histoire, que se bâtira le Grand Paris. C’est sur leur caractère propre que reposent les projets qui sont autant de centres de gravité de cette métropole de dix millions d’habitants.

Ces territoires de projet se construiront autour d’histoires partagées et de potentiels réalisés. Ce sont ces histoires qui confèrent à chaque territoire de projet son esprit, sa marque et, demain, sa lisibilité mondiale.

À ce stade du projet du Grand Paris, nous avons identifié neuf territoires de projet, qui seront les grands axes du développement de la région-capitale.

Il existe, au Nord, sur un grand secteur autour de Pleyel, le territoire de la création. Tous les arts et artisanats, mais aussi toutes les formes de création, notamment numérique, y trouveront leur capitale. Ce territoire de la création devra être un lieu foisonnant, qui communiquera sa vitalité à tout le Grand Paris.

À l’Est, autour de la Cité Descartes, le Grand Paris va se doter d’un pôle d’excellence sur la ville en mouvement.

M. David Assouline. Dans cinquante ans ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ce sera le lieu de conception et d’expérimentation des villes durables. Les nouveaux usages, les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies des villes du monde seront inventés et appliqués sur ce territoire. Il sera sa propre vitrine et son premier champ d’application avec le territoire voisin de Clichy-Montfermeil.

Quant au plateau de Saclay, il dispose de tous les potentiels pour devenir une référence mondiale de l’ampleur de la Silicon Valley. Mis en réseau avec les grands pôles de la région-capitale, dont Paris au premier rang, la puissance technologique et scientifique de ce territoire peut être considérable.

Outre ces trois territoires de projet que nous pouvons citer en exemple et qui sont situés au Nord, à l’Est, au Sud-Ouest, le Grand Paris comprend aussi Le Bourget, la future ville-cœur du nord de la métropole.

Il englobe également un grand territoire de 250 000 habitants, oublié depuis vingt ans, regroupant les communes d’Aulnay-sous-Bois, Sevran, Livry-Gargan, Clichy-sous-Bois et Montfermeil. On va faire de la ville là où elle manque cruellement.

C’est aussi la vallée des biotechnologies au Sud, ainsi que Roissy-Villepinte, territoire des échanges, porte du Grand Paris sur le monde et vitrine de ses talents.

C’est encore La Défense, qui peut devenir la cité financière de l’Europe en même temps qu’elle s’intégrera à son environnement urbain, pour constituer avec les communes alentour un ensemble, vivant et agréable à toute heure de la journée.

M. David Assouline. Ça commence quand, les transports ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Dans chacun de ces territoires, le travail est engagé depuis de nombreux mois avec les maires concernés, autour de groupes de projets, pour définir l’identité et la stratégie de développement.

Ainsi, une population d’environ trois millions d’habitants est déjà inscrite, par l’intermédiaire de ses élus, dans la définition stratégique du Grand Paris.

M. Yannick Bodin. Il en reste neuf millions !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. C’est un bel objectif !

Ces territoires constituent la première vague des projets du Grand Paris, et non leur fin. Cette entreprise est un corps vivant appelé à s’enrichir et à évoluer en permanence. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)

Sur l’initiative des maires et en coordination avec l’État, d’autres lieux s’organisent déjà pour s’inscrire dans cette démarche, tels que la vallée de l’automobile au nord des Yvelines,…

Mme Dominique Voynet. Ça au moins, c’est moderne !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … ou le territoire de Sarcelles, Gonesse, Villiers, au nord du Val-d’Oise. Chaque territoire a son histoire, sa personnalité, son génie propres. Ensemble, ils forment une cohérence dans laquelle chacun est plus fort de la force de l’autre. C’est un ensemble systémique…

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … dans lequel le tout est bien plus que la somme des parties.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Cette cohérence d’ensemble sera progressivement précisée en liaison avec le syndicat mixte de Paris-Métropole, qui peut avoir vocation à la favoriser.

Le Grand Paris doit être aussi une métropole de l’art de vivre. Sa richesse n’est pas dissociable de la qualité de vie de tous ses habitants.

Sortir les ghettos et les territoires enclavés de leur isolement, c’est agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris.

Traiter la question du logement à l’échelle de la métropole avec une ambition et des moyens nouveaux,…

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … c’est agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris.

M. Jean-Pierre Caffet. Il n’y a toujours pas de métro !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Équilibrer la région-capitale entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud, entre un centre unique et des périphéries mal connectées, c’est encore agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris.

Structurer la métropole par un nouveau réseau rapide de transport (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…

M. David Assouline. Il était temps, au bout de vingt minutes !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. …qui change la vie au quotidien, qui arrime entre elles les parties du territoire et se conjugue avec les réseaux de proximité assurant une desserte fine, c’est toujours agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris.

Réaliser tout cela, avec les maires et les élus des territoires, partageant une même stratégie de développement économique et social, c’est encore faire une ville-monde dynamique.

Le Grand Paris puisera les racines de son énergie dans son art de vivre, qui devra être avant tout un art de vivre ensemble.

M. Yannick Bodin. Parlez budget maintenant !

M. Jean-Pierre Caffet. Et les 4 milliards d’euros ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Tel est le projet que nous avons élaboré depuis deux ans, en collaboration avec un grand nombre d’élus de terrain.

Telle est l’ambition à laquelle le projet de loi qui vous est présenté veut donner les moyens d’exister, et ce grâce à deux objectifs majeurs : un objectif d’efficacité et de rapidité par la mise en œuvre par l’État des dispositifs contenus dans ce projet de loi et un objectif de partenariat clair, dans le respect des compétences respectives de la région d’Île-de-France et de l’État.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Compte tenu de la situation de nos finances publiques, je comprends parfaitement que la crédibilité liée à la rapidité de réalisation du projet de la double boucle de métro automatique dépende de son financement.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. J’ai eu l’occasion de présenter le schéma de financement du réseau de métro automatique devant votre commission spéciale. Comme je m’y étais engagé, je vous présente aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le financement tel qu’il est prévu.

Le projet de développement du Grand Paris, dont la double boucle de métro automatique n’est qu’une composante, vise, notamment, à favoriser la croissance économique de la région-capitale et, par effet d’entraînement, de la France entière.

Pour fixer les ordres de grandeur, je précise que, après quinze ans, un point de croissance annuel supplémentaire du PIB régional équivaudra à 100 milliards d'euros de richesses nouvelles créées chaque année.

Mme Nicole Bricq. Ce sont des plans sur la comète !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. C’est une partie de la richesse créée en région-capitale qui permettra d’assumer cet investissement.

Ce projet représente un investissement de 21 milliards d'euros. La structure de son financement est à la fois classique – au début du xxe siècle, nos ancêtres n’ont pas fait autre chose avec le métropolitain – ...

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. ... et profondément moderne, puisqu’il s’agit de mieux partager la richesse créée.

L’État dotera la Société du Grand Paris d’un capital de 4 milliards d'euros. Cela est acquis, comme je le soulignais déjà lors de mon audition par la commission spéciale le 18 mars dernier.

Quelle sera l’origine de ce capital ? Vous savez tous que, à la suite des états généraux de l’industrie automobile (M. David Assouline s’exclame.), qui se sont tenus au début de l’année 2009, l’État, à l’instar de ce qu’il avait fait auparavant pour les banques, a consenti 6,5 milliards d'euros de prêts au profit de nos grands constructeurs automobiles. Ces prêts doivent être remboursés au mois de mars 2014.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, le Gouvernement vous proposera donc de céder à la Société du Grand Paris une partie de ces créances, soit un montant total de 4 milliards d'euros. Il s’agit là d’une garantie forte de l’engagement de l’État dans le projet du Grand Paris. Cela signifie concrètement que, en mars 2014, la Société du Grand Paris encaissera 4 milliards d'euros de remboursement.

D’ici là, dès mars 2011, la Société du Grand Paris bénéficiera du produit de ces créances, soit 260 millions d'euros par an. Ces sommes, couplées aux recettes inscrites dans le présent projet de loi, permettront de lancer très tôt les appels d’offres indispensables pour la réalisation des études, puis des travaux du réseau du Grand Paris.

Le reste de l’investissement sera couvert par des emprunts d’une durée totale de quarante ans.

Pour permettre l’amortissement des annuités de ces emprunts, il s’agit d’assurer des recettes pérennes. Elles proviennent de trois éléments.

Premièrement, il s’agit de la valorisation foncière, qui prend trois formes.

D’abord, seront pris en compte les excédents réalisés sur les opérations d’aménagement ou de construction qui seront conduites autour des gares. Les contrats de développement territorial organiseront le partage de ces excédents.

Ensuite, la dynamique économique qui sera créée en région-capitale permettra de dégager des recettes fiscales supplémentaires, qu’il est légitime d’affecter, en tout ou partie, au financement du métro automatique.

Enfin, il ne faut pas s’interdire de recourir à des mécanismes dérivés du droit fiscal afin d’affecter une part de la valorisation ne relevant d’aucun des points précédents. La Haute Assemblée a introduit un tel mécanisme hors de la région d’Île-de-France au sein du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II ». Votre rapporteur l’a étendu dans le cadre du présent projet de loi. Je proposerai moi-même de l’étendre encore, en en faisant bénéficier le STIF.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale sur le Grand Paris. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Merci ! Et tout cela avec une bonne dose de commisération !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Deuxièmement, il s’agit des recettes commerciales dégagées par les gares de la nouvelle infrastructure, gares qui doivent être pensées dès le départ, à la lumière des recommandations du rapport de votre collègue, Mme Fabienne Keller.

Troisièmement, il s’agit de la redevance domaniale qui sera payée par le futur exploitant du réseau de transport, comme c’est le cas aujourd’hui pour le réseau ferroviaire ou le réseau autoroutier.

L’ensemble des dispositions qui nécessitent une adoption législative feront l’objet d’une inscription dans le projet de loi de finances pour 2011.

Je souhaite à présent dissiper quelques malentendus.

Aucune recette fiscale de la région, du STIF ou, plus généralement, des collectivités territoriales ne sera ponctionnée pour financer cet investissement.

M. Nicolas About. Très bien !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Il est en effet essentiel que le STIF puisse continuer à jouer son rôle dans le cadre qui est aujourd’hui le sien.

Mme Nicole Bricq. Vous faites le contraire !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. La réalisation par l’État du réseau du Grand Paris permet à la région d’Île-de-France de réduire de 6 milliards d'euros le montant de son plan de mobilisation, puisque les deux tronçons d’Arc Express aujourd’hui prévus seront fondus et intégrés dans le réseau du Grand Paris, qui reprend à plus de 80 % leur tracé.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est à voir !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. L’État continuera d’honorer ses engagements pris au titre du contrat de projets État-région ou du plan « Espoir banlieues », le Président de la République l’a affirmé dès le 29 avril 2009, je l’ai répété à l'Assemblée nationale et je le redis dans cette enceinte. Vous voyez bien que nous n’opposons pas les projets de la région à ceux du Gouvernement.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. J’en viens au partenariat avec la région et les départements. Nous rechercherons les convergences permettant la réalisation de ce projet d’intérêt national du Grand Paris sur un territoire qui s’inscrit, pour l’essentiel, sur celui de la région d’Île-de-France.

En particulier, une complémentarité devra être trouvée avec le plan de mobilisation des transports, notamment par une définition optimale du fonctionnement des gares d’interconnexion, afin de permettre la fluidité maximale du réseau global des transports d’Île-de-France.

Nous veillerons à ce que le projet Arc Express, qui s’inscrit dans un projet de rocade de cinquante kilomètres, puisse être intégré dans la double boucle de cent trente kilomètres. Chacun sait que c’est dans cette perspective qu’ont été effectuées les études conduisant au tracé indicatif, rendu public dès le 29 avril 2009.

Ensuite, dès la fin de sa réalisation, l’infrastructure de la double boucle du métro automatique sera transférée pour exploitation à l’autorité organisatrice des transports, pour permettre l’unicité du système de tarification en région parisienne. (M. David Assouline s’exclame.)

Ce réseau de métro, qui sera le plus performant au monde, ...

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. ... n’aura rien coûté au STIF, qui ne sera en rien concerné par le remboursement des emprunts effectués pour le compte de la seule Société du Grand Paris. (Marques d’approbation sur les travées de lUMP.)

M. Charles Pasqua. Vous voyez !

M. David Assouline. Le STIF ne financera que le fonctionnement. C’est une bagatelle !

Mme Catherine Tasca. C’est un conte de fées ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. C’est la réalité ! C’est un engagement ! Je réaffirme encore ce qu’a annoncé le Président de la République le 29 avril 2009 : les engagements de l’État pris dans le cadre du contrat de plan État-région seront respectés.

Mme Nicole Bricq. Le Président de la République n’est pas à cela près !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Enfin, dans le souci de la cohérence générale des aménagements dans la région d’Île-de-France, nous sommes prêts à reprendre les discussions sur le protocole d’accord entre l’État et la région, qui avait été interrompues par la région en juillet 2009, à l’approche des élections régionales. (M. Jacques Mahéas s’exclame.)

Un accord permettra la transmission par l’État au Conseil d’État du projet de SDRIF approuvé par l’exécutif régional. La validation par le Conseil d’État entraînera la mise en révision immédiate du nouveau SDRIF par la région pour intégrer le projet du Grand Paris.

En conclusion, permettez-moi de dresser un constat et de souligner le dispositif qui est au cœur de ce projet de loi.

Tout d’abord, le cœur du Grand Paris, c’est une aire métropolitaine de plus de neuf millions d’habitants, soit l’équivalent de la population des quatorze plus grandes villes françaises. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. En additionnant les populations respectives de Bordeaux, Lyon, Marseille, Lille, Strasbourg, nous parvenons à un nombre d’habitants identique à celui de la banlieue de Paris.

M. David Assouline. Ils ont voté à gauche !

M. Jean-Louis Carrère. Même les Hauts-de-Seine !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Et alors ?

M. Nicolas About. Ils n’ont pas beaucoup voté !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Cette transposition virtuelle souligne la terrible inadaptation de l’organisation de cette aire métropolitaine face à une telle concentration de population.

Ensuite, le dispositif au cœur du projet de loi permet aux communes ou EPCI de conduire les projets de développement contractuellement avec l’État. Tel est l’objet des contrats de développement territorial.

Ces derniers sont la garantie que la lisibilité économique des territoires et le développement des clusters se fera dans le même temps que l’urbanisme, le logement, les équipements de proximité, les lieux de vie.

En proposant de partager pour moitié le produit des valorisations foncières, la commission spéciale du Sénat a introduit une précision essentielle pour la réalisation de ces projets.

Avec les contrats de développement territorial, ce projet de loi affirme le principe d’un partenariat nouveau entre, d’une part, l’État qui porte la vision stratégique à long terme et accompagne et, d’autre part, les communes ou EPCI qui sont les meilleurs artisans des territoires au contact des populations et des entrepreneurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme je vous l’indiquais précédemment, la centaine de communes préfigurant aujourd’hui les territoires stratégiques sont déjà au travail pour élaborer ces contrats de développement territorial, lesquels ne pourront être signés qu’après le débat public et les décisions qui suivront fixant le tracé de la double boucle de métro automatique et l’emplacement des gares.

Je fais donc appel à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, pour que ce texte, que nous avons amélioré ensemble, permette à notre projet, réel et ambitieux pour notre pays, de s’inscrire durablement dans notre histoire. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale sur le Grand Paris. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen d’un texte marqué par un fort volontarisme. Il s’inscrit dans une dynamique de développement économique et urbain porteuse d’une grande ambition : conforter la place éminente de l’Île-de-France, la région-capitale, dans la compétition internationale des villes-monde.

Comme l’a très bien souligné l’architecte Christian de Portzamparc, l’enjeu consiste à passer de « l’époque des villes » à « l’époque des villes-monde », qui deviennent des têtes de réseau.

Bien sûr, il s’agit non pas de décréter sur un mode incantatoire que la croissance doit s’accélérer dans la région d’Île-de-France, mais de mettre à la disposition de tous les acteurs politiques et économiques la boîte à outils nécessaire pour que la croissance progresse de façon durable.

M. Jean-Louis Carrère. Il faut aller chercher la croissance avec les dents !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Mais nous n’avons pas beaucoup de choix, mes chers collègues !

À ne rien faire, à refuser d’intervenir, nous serons en concurrence demain non plus seulement avec Londres, New York, Tokyo ou Shanghai, mais aussi avec Berlin, Rome et Madrid. C’est une part du rayonnement de la France dans le monde qui se joue ici.

Comme l’a précisé M. le secrétaire d’État, cette ambition pour notre région-capitale s’appuie sur trois projets de grande envergure : la construction d’une nouvelle ligne de métro automatique de grande capacité, sur cent trente kilomètres, en rocade, projet dit de la « double boucle » ; le développement des territoires situés autour des quarante à cinquante futures gares de ce nouveau réseau, au moyen d’un outil juridique partenarial inédit, dénommé « contrat de développement territorial » ; la valorisation du pôle scientifique et technologique établi sur le plateau de Saclay et dans les vallées environnantes.

S’agissant de la méthode, si je paraphrasais le propos visionnaire de Robert Schuman au sujet de la construction européenne, je dirais que le Grand Paris « ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble » ; il « se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait ».

Le présent projet de loi a le mérite de poser les fondations et de créer des synergies de nature à faire naître le Grand Paris dans tous les esprits.

Mes chers collègues, vous m’aurez compris, ce projet ne se résume pas à un texte sur les transports ; il s’appuie sur cette dimension qui est essentielle en termes tant d’aménagement du territoire que de dynamique économique.

Saisi de ce texte adopté par l’Assemblée nationale le 1er décembre 2009, eu égard à la diversité des sujets traités, le Sénat a décidé, au cours de sa séance publique du 9 décembre dernier, d’en confier l’examen à une commission spéciale. La composition de cette dernière a assuré une représentation proportionnelle des groupes politiques de notre assemblée et permis d’associer largement les sénateurs des huit départements d’Île-de-France.

Les membres de la commission spéciale et son rapporteur ont conduit un important travail d’écoute de toutes les parties prenantes du projet du Grand Paris en procédant, entre janvier et mars 2010, à quelque cinquante auditions des collectivités territoriales – elles ont commencé bien évidemment par l’exécutif du conseil régional –, des institutions, organismes, associations et personnalités, tous particulièrement concernés par le projet de loi.

Par ailleurs, une délégation de la commission spéciale s’est rendue à Orsay, le 25 février dernier, pour y tenir plusieurs tables rondes avec l’ensemble des acteurs du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay. De même, une autre délégation s’est déplacée à Londres, le 2 mars dernier, afin d’examiner les modalités de financement des infrastructures de transport public du Grand Londres, ce dernier étant notre principal compétiteur en Europe.

L’ensemble de ces travaux préparatoires, auxquels ont participé de nombreux membres de la commission spéciale, a permis à cette dernière de cerner les enjeux du présent projet de loi, de former son jugement et d’élaborer ses propositions.

Comme vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d’État, nos collègues députés ont très sensiblement amélioré le projet de loi initial. Ils ont ainsi, à l’article 1er, introduit la notion d’« offre de logements géographiquement et socialement adaptée » et inscrit les objectifs de réduction des déséquilibres sociaux et territoriaux et de maîtrise de l’étalement urbain.

À l’article 3, ils ont garanti un débat public plus efficace et plus ouvert que ne le prévoyait le projet de loi initial.

À l’article 7, ils ont bien précisé et encadré la compétence d’aménagement de la « Société du Grand Paris ».

Enfin, aux articles 14 et 15, ils ont adopté des modifications pertinentes du droit de la commande publique, conformément à l’ordonnance de 2005 et dans le respect des règlements européens concernant les dérogations aux règles de la concurrence.

Lors de sa réunion du 25 mars dernier, la commission spéciale a adopté quatre-vingt-dix-sept amendements relatifs au texte voté par l’Assemblée nationale, dont un certain nombre sont évidemment des amendements purement rédactionnels.

Le texte résultant du travail de la commission s’articule autour de deux objectifs, déclinés en quatre thèmes.

Le premier objectif est de construire un projet partenarial et cohérent pour le Grand Paris du XXIe siècle.

Premier thème, il convient d’associer le public et les collectivités territoriales à sa conception et à sa réalisation.

La mise en œuvre du Grand Paris implique une concertation loyale avec toutes les collectivités territoriales et une forte association de la population, principes que la commission a consacrés dès l’article 1er du projet de loi.

La commission spéciale a également prévu la consultation de « Paris-Métropole » sur le dossier du Grand Paris. Ce syndicat mixte, qui rassemble aujourd’hui une centaine de collectivités de toutes sensibilités, pourrait être le précurseur de la future assemblée territoriale du Grand Paris, comme l’a récemment déclaré le Président de la République.

Deuxième thème, il importe d’articuler, dans le même texte, l’emploi, le logement et les transports dans le respect du développement durable. Ce projet de loi représente, en effet, un schéma d’ensemble du développement de la région-capitale.

La commission spéciale appelle de ses vœux la réalisation d’un Grand Paris ambitieux. C’est pourquoi, dans ses amendements de fond, elle a d’abord prévu l’interconnexion du nouveau réseau de transport avec les réseaux existants. Sur l’initiative de notre collègue Charles Revet, elle a indiqué que le nouveau réseau devrait prendre en compte les interconnexions avec les réseaux ferroviaires et routiers, notamment les réseaux ferroviaires à grande vitesse.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. En outre, sur la proposition de notre collègue Christian Cambon, la commission a confié à l’établissement public Société du Grand Paris la compétence de veiller au développement, autour des futures gares du métro automatique, d’un réseau de transport de surface s’appuyant essentiellement sur les lignes d’autobus pour mettre en place un maillage fin de l’ensemble du territoire, sachant qu’il y aura désormais à la fois des radiales et des rocades.

Le texte fixe aussi des objectifs ambitieux en matière de production de logements. La commission a inscrit à l’article 1er l’objectif de construction annuelle en Île-de-France de 70 000 logements, objectif que nous atteindrons progressivement – nous partons de 35 000 logements aujourd’hui – et auquel participent les contrats de développement territorial. Elle a également prévu, sur l’initiative de notre collègue Dominique Braye, que le préfet de région devrait « territorialiser » cet objectif.

La commission a, par ailleurs, conforté le contrat de développement territorial. Elle a prévu la consultation de la région et du département concerné et la soumission systématique du projet de contrat à enquête publique, ainsi que des précisions sur son financement, qui inclura, comme l’a rappelé tout à l’heure M. le secrétaire d’État, la moitié des excédents dégagés par les opérations d’aménagement sur le terrain.

Enfin, la commission a garanti la préservation des terres agricoles. Elle a adopté un amendement de M. Laurent Béteille et un amendement de même nature présenté par M. Jean-Pierre Caffet, tendant à préciser que la zone de protection devra comporter au moins 2 300 hectares de terres consacrées aux activités agricoles situées sur la petite région agricole du plateau de Saclay.

Le second grand apport de la commission spéciale est de faciliter la mise en œuvre du projet du Grand Paris.

Il s’agit – c’est le troisième thème décliné par le texte – de prévoir un financement clair.

Sur ce point, je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d'État, d’avoir précisé dans le détail les méthodes de financement du projet. Nous attendions avec intérêt votre communication sur l’origine de la dotation en capital, le mécanisme de calcul des intérêts et la perspective des emprunts à long terme.

Il convient de poser les premiers « jalons législatifs » d’un financement viable du Grand Paris.

D’abord, l’État assurera le financement de l’infrastructure du nouveau réseau de transport.

Ensuite, le financement de l’État sera indépendant de sa contribution aux contrats de projets conclus avec la région d’Île-de-France pour permettre la création, l’amélioration et la modernisation des réseaux de transport public, mesures consacrées comme prioritaires, sur l’initiative de notre collègue Christian Cambon.

En outre, les modes de financements envisagés pour la réalisation des infrastructures seront inclus dans le dossier du Grand Paris soumis au débat public, sur proposition de notre collègue Jean-Pierre Caffet.

Enfin, le produit des baux commerciaux conclus dans les gares du futur réseau du Grand Paris bénéficiera à la « Société du Grand Paris ».

Par ailleurs, la commission spéciale a voulu aller plus loin que ces premiers éléments de financement en introduisant deux dispositifs fiscaux affectés au budget de cet établissement.

Le premier concerne l’adaptation à l’Île-de-France de la taxe sur les plus-values immobilières liées à la réalisation d’une infrastructure de transport collectif, adoptée par le Sénat, sur l’initiative de notre collègue M. Nègre, dans le cadre du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle II », qui est en instance à l’Assemblée nationale.

Le second dispositif fiscal vise l’assujettissement à l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau du matériel roulant utilisé sur les lignes exploitées par la RATP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Quatrième et dernier thème, il s’agit de mettre en place une gouvernance plus efficace.

La commission spéciale a renforcé la légitimité et l’efficacité de la future « Société du Grand Paris » par trois mesures : l’audition par les commissions parlementaires compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat du candidat au poste de président du directoire de la « Société du Grand Paris » ;…

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial. … le choix d’une structure à trois niveaux, avec un directoire composé de trois personnes, un conseil de surveillance resserré et un comité stratégique ouvert beaucoup plus largement à toutes les catégories de personnes intéressées ;…

M. Jean-Louis Carrère. Vive la monarchie !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. … enfin, sur proposition de M. Laurent Béteille, nous avons accepté d’inclure dans le texte la désignation d’un préfigurateur avant la mise en place du directoire et du conseil de surveillance. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est le retour à la monarchie ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Mon cher collègue, je vais être bref, mais ne m’interrompez pas ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Isabelle Debré. Un peu de respect pour le travail effectué !

M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je vais parler plus fort afin de ne pas être interrompu ! (Oui ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Dans le même souci, la commission a proposé d’améliorer la gouvernance de l’établissement public de Paris-Saclay, avec un conseil d’administration resserré comprenant un membre de la « Société du Grand Paris » et un comité consultatif dont la composition est élargie et les prérogatives, renforcées.

Elle a également précisé les compétences de cet établissement, d’une part, pour la couverture en très haut débit – elle nous paraît aussi essentielle que le réseau de transport ou de ligne à grande vitesse –, d’autre part, sur proposition de M. Yves Pozzo di Borgo, pour la préservation du patrimoine hydraulique du plateau de Saclay, qui a été longuement évoquée lorsque nous nous sommes rendus sur les lieux.

Mme Nicole Bricq. Qu’a-t-il obtenu en échange ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Au final, mes chers collègues, le projet de loi, qui devrait être utilement complété par l’adoption de plusieurs amendements au cours de nos prochaines séances publiques, met en œuvre des principes simples : un financement clair, des outils de pilotage efficaces,…

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. … une concertation loyale avec les collectivités territoriales,…

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. ... l’association des citoyens à l’élaboration des projets, des transports collectifs modernes, rapides et interconnectés,…

M. Jean-Louis Carrère. C’est ça !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. … le développement de l’emploi, la création de logements diversifiés et en nombre suffisant, le soutien à la recherche et à l’innovation, ainsi qu’à leur valorisation industrielle et, enfin, le souci du développement durable.

Seul le respect de ces impératifs permettra à Paris et à sa région de demeurer, au XXIe siècle non seulement une ville-monde attractive, mais encore une capitale mondiale soucieuse de la cohérence des territoires qui la composent et prenant en compte les conditions de vie de ses habitants. J’ai particulièrement apprécié vos propos sur ce dernier point, monsieur le secrétaire d’État.

M. David Assouline. Vous êtes le seul à l’avoir remarqué !

M. Jean-Louis Carrère. Il s’en soucie comme d’une guigne !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Comme l’a dit le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, en parlant de l’Europe, Paris est aujourd’hui à la croisée des chemins : soit rester en première division avec Londres et, demain, Berlin, soit se laisser glisser en deuxième division avec Rome et Madrid.

Mme Dominique Voynet. Il y a des choses plus intéressantes que cela !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial. Le présent projet de loi marque le début d’un choix positif et volontariste. La commission spéciale dans sa majorité vous demande donc de l’adopter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin. (Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard applaudissent.)

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, garantir sur le plan international la place économique, politique, scientifique et culturelle de Paris est un objectif auquel chacun d’entre nous peut souscrire. C’est un élu du Sud-Ouest qui vous le dit et qui comprend parfaitement qu’un objectif particulier soit assigné à la capitale. « Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde », écrivait Victor Hugo.

M. Yvon Collin. Sans aller aussi loin, on peut au moins s’accorder à reconnaître qu’un développement économique plus poussé de la région parisienne aurait un effet d’entraînement bénéfique pour le reste de l’Hexagone.

L’Île-de-France concentre 30 % du PIB national et est naturellement porteuse du plus gros potentiel économique, ce qui implique que celui-ci soit stimulé en permanence.

Or, aujourd’hui, il faut bien le reconnaître, si Paris fait partie des quatre premières villes-monde, aux côtés de New York, Londres et Tokyo, elle accumule un retard de croissance qui risque de la déclasser au profit d’autres capitales européennes ou de villes émergentes, comme Shanghai, Singapour, ou même Bombay.

En effet, la région parisienne enregistre une croissance de 2 %, quand les autres grandes capitales sont à 4 %. Dans un monde de plus en plus ouvert, où la concurrence est vive, il est urgent de donner à Paris les moyens de conserver une attractivité qui la maintienne au rang des premières villes-monde.

Dans cette perspective, le Gouvernement a fait le choix, dans ce projet de loi, de proposer la création d’un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé « Société du Grand Paris » ; ce dernier sera chargé de développer un réseau de transport d’intérêt national et de favoriser le développement économique et urbain autour des gares de ce réseau.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de m’arrêter sur quelques-unes des réserves qu’appelle la création d’un supermétro automatique de cent trente kilomètres censée répondre aux ambitions que l’on souhaite pour Paris, je souhaite revenir sur la méthode retenue pour mener le projet à terme.

Cela a été dit tout à l’heure, compte tenu de la durée de ce chantier pharaonique – il serait étalé sur vingt ou trente ans –, il est surprenant de nous demander de légiférer dans l’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Caffet. Tout à fait !

M. Yvon Collin. Les parlementaires auraient aimé, me semble-t-il, disposer du délai nécessaire à une réflexion approfondie sur les enjeux portés par ce texte d’intérêt national.

Quant aux consultations des principaux acteurs concernés, qui auraient dû présider à l’élaboration d’un tel texte, elles ont été réduites au service minimum.

Monsieur le secrétaire d’État, les élus franciliens n’ont pas cessé de vous le répéter, ils ne comprennent pas pourquoi les collectivités locales n’ont eu que quelques semaines pour donner leur avis sur un texte qui engage leur territoire pour plusieurs décennies.

M. Yvon Collin. Pensez-vous sincèrement avoir créé les conditions du dialogue ?

Et quelle ne fut pas leur surprise de découvrir qu’une telle mise à l’écart se poursuivait dans le texte !

La place prépondérante accordée à l’État au sein du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris tient à distance les élus franciliens. Alors que des pans entiers de leur territoire vont être réaménagés, ils seront dépossédés d’un grand nombre de leurs prérogatives en matière d’urbanisme et de transports.

Dans la mesure où le présent projet de loi consiste avant tout à créer une ligne de métro à grande échelle, il serait souhaitable que le Syndicat des transports d’Île-de-France, compétent et légitime pour piloter et organiser le système des transports sur le plan local, ne soit pas relégué au second plan.

M. Yvon Collin. Pourtant, quand il faudra payer, il risque bien d’être sollicité pour honorer des décisions prises par l’État !

M. Jean-Pierre Caffet. Effectivement !

M. Yvon Collin. Rien, ni dans les textes ni ailleurs, n’interdisait d’associer étroitement le STIF à ce grand projet, si ce n’est, une nouvelle fois, la volonté à peine affirmée d’écarter les élus locaux de la région.

Le schéma de gouvernance, s’il reste en l’état, aboutira à une incroyable entreprise de recentralisation.

Mes chers collègues, depuis plusieurs mois, nous débattons de textes réformant les collectivités locales. Dans l’exposé des motifs de chacun d’entre eux, on retrouve souvent les concepts de simplification institutionnelle et d’approfondissement des libertés locales. Or le projet de loi relatif au Grand Paris instaurera un régime d’exception où ces beaux mots n’auront plus de réalité.

Monsieur le secrétaire d’État, en créant un EPIC cumulant de façon autoritaire…

M. Yvon Collin. … les compétences de maître d’ouvrage, d’aménageur et d’opérateur foncier, vous ajoutez manifestement une strate au dispositif.

Mme Nicole Bricq. Bien sûr !

M. Yvon Collin. Où est donc la simplification dans ce projet qui crée plutôt de la complexité par un enchevêtrement de compétences et une multiplication des intervenants ?

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Yvon Collin. Il existait pourtant des outils appropriés : ils sont, pour la plupart, ignorés.

Mme Nicole Bricq. Absolument !

M. Yvon Collin. Par ailleurs, où est l’esprit démocratique dans le texte ? Les Franciliens viennent de reconduire une majorité politique en laquelle ils avaient visiblement confiance.

M. Yvon Collin. Comment leur expliquer aujourd’hui qu’un projet aussi structurant, qui les concerne directement, sera en grande partie dirigé par l’État ?

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, se pose également la question du financement.

L’histoire de l’aménagement de l’Île-de-France est marquée par un désengagement progressif de l’État.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est vrai !

M. Yvon Collin. Pourtant, des priorités ont été clairement identifiées par les responsables locaux, fondées sur les attentes des usagers : la rénovation des lignes du RER, le désengorgement de la ligne 13, le prolongement de la ligne Éole, la création de la rocade Arc Express, et je pourrais en citer d’autres.

Malgré ces besoins urgents pour lesquels la région et les départements franciliens ont programmé 12 milliards d’euros au travers du plan de mobilisation pour les transports, le Gouvernement souhaite subitement la mise en œuvre d’un projet dont le coût est estimé à 35 milliards d’euros.

Compte tenu des contraintes pesant sur l’ensemble des finances publiques, comment allez-vous, monsieur le secrétaire d’État, garantir un financement clair, sûr et non concurrent des sources de financement prévues dans le cadre du plan précité ?

Nous attendons des réponses sur ce sujet délicat, mais fondamental. Le Gouvernement n’a pas souhaité reprendre les pistes de la mission Carrez. Depuis, l’incertitude règne ; une seule chose est sûre, nos concitoyens se retrouveront endettés à hauteur de 21 milliards d’euros.

Quant aux recettes liées à la valorisation foncière et immobilière qu’est censé apporter votre projet, elles sont tout de même conditionnées à une certaine réussite économique.

Or, sur ce point, un optimiste déraisonnable semble avoir emporté les auteurs du projet de loi. Tout repose sur un postulat : la création de la nouvelle rocade et la valorisation du plateau de Saclay entraîneront une croissance dégageant 60 000 emplois annuels,…

M. Yvon Collin. … presque deux fois plus que le nombre actuel de création de postes. Chacun, dans cette enceinte, souhaiterait évidemment partager cette vision quelque peu optimiste.

M. Yvon Collin. Mais ce serait oublier les aléas économiques, qui invitent pourtant à la prudence : souvenons-nous du « travailler plus pour gagner plus » !

M. Yvon Collin. Malheureusement, la crise est passée par là et cette ambition présidentielle s’est révélée particulièrement décalée, avec une réalité offrant finalement peu d’opportunités.

S’agissant du Grand Paris, je ne dis pas qu’il serait préférable de ne rien faire. Je l’ai dit en commençant mon propos, une ville-monde a un effet d’entraînement qu’il convient d’encourager.

Mais ce qu’il faut faire, il faut le faire bien, et avec ceux qui connaissent leur cité, c’est-à-dire avec ceux qui y vivent et y travaillent,…

M. Yvon Collin. … avec tous ceux qui y exercent des responsabilités publiques.

Il serait également important d’intégrer d’autres dimensions de l’action publique pour donner davantage de cohérence au Grand Paris. Même en imaginant que la question de la gouvernance soit résolue, est-on en effet certain que ce texte permettra de répondre à la question la plus fondamentale : ce projet est-il en mesure de répondre au défi de la fracture sociale au sein de ce territoire ?

M. Yvon Collin. Comment prétendre donner de l’attractivité à une région sans anticiper davantage les questions de logement et d’environnement ? Tout cela, me semble-t-il, fait cruellement défaut.

C’est pourquoi, mes chers collègues, la majorité du RDSE ne devrait pas voter, en l’état, ce projet de loi. La plupart des radicaux de gauche y sont en particulier fermement opposés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Catherine Tasca. Bravo !

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. Jean Desessard. On discute du Grand Paris sous la présidence du maire de Marseille !

M. le président. Cela vous contrarie ? (Rires.) En tout cas, telle n’est pas du tout mon intention !

M. Jean-Louis Carrère. Cela ne nous contrarie pas. Nous ne faisons que le remarquer !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, deux semaines après les élections régionales, nous abordons ici la question fondamentale de l’avenir de la métropole parisienne.

Dois-je le rappeler, les Franciliens ont donné leur avis sur le Grand Paris en votant majoritairement à gauche aux élections régionales. Or, à l’évidence, le Gouvernement a fait le choix de passer outre ce vote, mais aussi d’ignorer les voix qui se sont élevées ensuite, notamment celle de la présidente de mon groupe, pour demander au Premier ministre le retrait de ce texte.

Ainsi, envers et contre tout, le projet de loi remet directement en cause ce vote, ainsi que la majorité de gauche au conseil régional et, en particulier, le schéma directeur de la région Île-de-France, ou SDRIF, qu’elle a conçu avec la création d’un mode de gouvernance totalement inédit.

Puisque c’est de cela que nous devons débattre en urgence, je m’attacherai à démontrer les enjeux portés par ce texte : enjeux de pouvoir, bien évidemment, mais également enjeux politiques, par la définition d’un modèle de développement urbain pour le XXIe siècle.

Tout d’abord, soyons clairs, les questions liées aux relations entre la ville capitale et sa banlieue datent de la création même de Paris. Elles ont toujours fait l’objet d’une attention soutenue du pouvoir central, à l’époque d’Haussmann comme à celle de Delouvrier.

Plus récemment, la création de « Paris-Métropole » illustre la continuité d’une réflexion des élus locaux sur ce thème.

Depuis le début, le Président de la République a souhaité placer ce projet dans le cadre d’une réflexion globale sur le renforcement de la position de Paris comme ville-monde de l’après-Kyoto. Les scénarii pour le Grand Paris proposés par les dix équipes pluridisciplinaires ont, certes, suscité l’enthousiasme chez les élus de tous bords,…

M. Jean-Pierre Caffet. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. … mais également dans la population.

Pourtant, il est très vite apparu que ce projet de loi était loin de répondre aux besoins immédiats des 11 millions de Franciliens ou de poser les bases d’un développement équilibré, durable et solidaire de la région d’Île-de-France.

Monsieur le secrétaire d’État, je l’ai dit, ce texte pose des enjeux majeurs de pouvoir, et nous l’avons su dès l’instant où vous avez été désigné.

En effet, pour légitimer son opposition au schéma directeur, il fallait au Président un projet alternatif. C’est chose faite, avec le concours d’architecture, dont les équipes déplorent qu’il ne soit qu’un subterfuge pour proposer une reprise en main par l’État du développement de la région-capitale, à rebours du mouvement continu de décentralisation.

La création d’une Société du Grand Paris, calquée sur le modèle d’une société anonyme et pilotée par un directoire de trois personnes nommées par décret, nous donne quelques indications sur cette volonté de reprise en main par le pouvoir central. Le conseil de surveillance sera ainsi majoritairement composé de représentants de l’État.

En outre, et c’est tout aussi grave, cette société pourra constituer des filiales et même déléguer les compétences de ces dernières à des personnes publiques ou privées. En revanche, les décisions qu’elle prendra s’imposeront aux collectivités, notamment à la région.

Ce déni de démocratie s’inscrit pleinement dans l’objectif de la réforme des collectivités locales : dévitaliser tout espace démocratique de proximité.

Mme Éliane Assassi. Contester le mille-feuille territorial, son inefficacité et son obsolescence pour, au final, créer une nouvelle superstructure, confirme notre analyse : la seule chose qui intéresse la majorité dans ce débat, c’est la recentralisation des pouvoirs. (M. David Assouline acquiesce.)

Pourtant, comment nous faire croire que le dessaisissement des collectivités permettra un quelconque progrès, alors même que, depuis de si nombreuses années, l’État n’assume plus ses responsabilités en termes de services publics dans les domaines du logement, des transports et de la politique de la ville ?

C’est donc bien le retour de l’État sans les services publics que vous portez par ce texte !

Ensuite, le manque de consultations sur ce projet est flagrant. À ce titre, il faut noter les réticences, non seulement de l’Association des maires de l’Île-de-France, de « Paris-Métropole », de la majorité régionale, mais également de la FNAUT, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, des chercheurs, de l’ordre des architectes. Une telle levée de boucliers devrait vous faire réfléchir sur le contenu même du débat public qui sera organisé !

M. Jean-Louis Carrère. Ils ont le bouclier fiscal pour se protéger !

Mme Éliane Assassi. Le réduire à la question du tracé ne nous semble pas suffisant : c’est un débat sur l’opportunité même de la création d’un tel EPIC qui est nécessaire.

Penser de manière durable la gouvernance de la métropole ne peut se faire de manière autoritaire et centralisée. C’est une impasse idéologique. La seule voie envisageable est celle de l’imbrication des structures, de la conjugaison des volontés, du respect des différents acteurs, de la participation à chaque étape des Franciliens eux-mêmes, au plus près des attentes, mais aussi des réalités. Ce projet doit être mouvant et non figé.

Pourtant, rien n’est prévu dans votre texte pour que cette participation des citoyens et des collectivités se poursuive une fois le débat public entériné.

On le voit bien, si vous avez des problèmes avec le débat public, vous en avez également avec les procédures qui vont le précéder et le suivre. Nous y reviendrons lors de la présentation de nos amendements.

J’en viens au contenu même du projet de loi relatif au Grand Paris.

À la lecture de ce texte, on se rend assez vite compte que loin des effets d’annonce de l’article 1er évoquant pêle-mêle les questions de logement, de lutte contre les déséquilibres sociaux et territoriaux, de développement économique durable, solidaire et équilibré, la réalité des propositions formulées par le Gouvernement est assez faible.

Il s’agit simplement de construire un métro souterrain en rocade de cent trente kilomètres desservant des clusters jugés attractifs, comme La Défense ou Saclay, en organisant une dérogation systématique aux règles d’urbanisme de droit commun et en mettant fin, de façon autoritaire, à des projets comme Arc Express.

À défaut d’être complet, innovant et porteur d’un projet visible et cohérent, au moins le SDRIF ne se réduit-il pas à un métro automatique ! Nous regrettons, à ce titre, une absence profonde de réflexion sur la pertinence de ce tracé et la faisabilité du Grand huit, élaboré dans le secret des cabinets ministériels. Nous regrettons la même absence de réflexion sur le recours à une option souterraine. Il fallait laisser, si j’ai bien compris, la Société du Grand Paris décider de tout cela !

Les syndicats ne s’y sont pas trompés. Ce projet est non pas celui des salariés franciliens, mais celui des hommes d’affaires qui ont besoin de passer des aéroports à des clusters dédiés à la finance et à la recherche. Le texte n’appréhende donc pas les déplacements travail-domicile, qui constituent pourtant la première préoccupation des Franciliens. Pour ces derniers, cette question est liée à celles de la tarification des transports et du maillage qui fait cruellement défaut et rend leurs déplacements difficiles. D’ailleurs, j’aimerais beaucoup vous entendre sur ces sujets, monsieur le secrétaire d’État.

C’est de tout cela dont les Franciliens ont besoin ! Et le Grand huit ne peut ni les ignorer ni les oublier ! Ils ont besoin que l’État, dans le cadre de ses compétences traditionnelles, empêche le marché d’imposer sa loi et réinvestisse dans les outils de puissance publique que sont la SNCF, RFF et la RATP. Or, aujourd’hui, les réseaux sont vétustes et saturés.

Vous ne pouvez pas en rendre seule responsable la région : elle ne gère le STIF que depuis 2006. Cette situation résulte d’un désengagement progressif et massif de l’État en matière de transports collectifs publics.

À ce titre, comment penser la métropole de demain, celle de l’après-Kyoto, en envisageant la question du fret ferroviaire uniquement en termes d’accès aux ports ?

En outre, le projet de Grand huit induit, de fait, une chenille d’expropriation et d’urbanisation couvrant une surface de quatre fois la taille de Paris, aménagement dont la Société du Grand Paris sera seule responsable. Cette privatisation de l’intérêt commun est insupportable ! La région d’Île-de-France ne peut pas devenir un terrain de jeu pour des bétonneurs !

En effet, pour financer ce projet de rocade, la valorisation des terrains attenants aux gares constituera une voie prioritaire portant en germe le risque important de nouvelles ségrégations sociales autour du Grand huit. Or ce risque est adossé à une réelle injustice fiscale, puisque toutes les taxes créées par ce texte permettront le financement de la Société du Grand Paris, indépendamment de toute exigence de péréquation régionale.

À ce titre, sous couvert de « coconstruction », reprenant en fin de compte une tendance de fond soulignée par le Conseil d’État, le nouvel outil des contrats de développement territorial enfermera dans un tête-à-tête les collectivités locales et l’État, ce qui peut, par ailleurs, favoriser le localisme. Il apparaît particulièrement hypocrite de laisser entendre qu’il pourrait exister de la coopération là où, en réalité, il ne s’agira que d’appliquer une seule volonté.

En effet, en l’état du texte, on voit bien que les collectivités seront, de toutes les manières, contraintes d’accepter les desiderata de la Société du Grand Paris et de l’État afin de laisser la maîtrise urbaine autour des gares.

Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, que la nature de ces contrats soit plus transparente et que vous nous indiquiez précisément votre objectif politique.

J’en viens aux sommes consacrées au financement de ces contrats dont nous savons aujourd’hui qu’elles rentreront partiellement dans le cadre des contrats de projets État-régions, les CPER. Nous contestons le fait que la région et le département concernés sur le projet de contrat soient, non pas associés, mais seulement consultés sur la conclusion de ces contrats.

Sur le fond, nous nous inscrivons en faux contre cette conception de clusters qui traverse ce texte. Comme le souligne l’Ordre des architectes d’Île-de-France, ce projet ouvre la voie à la balkanisation des aires métropolitaines. En effet, une telle conception laisse inévitablement de côté toute une partie du territoire. Alors qu’il manque aux citoyens un maillage fin par des services publics, cette question ne figure nulle part dans votre texte !

Quant à la spécialisation des territoires, c’est une voie sans issue. En effet, nous ne pouvons que constater, à l’échelon mondial, l’obsolescence de ce système qui ne permet pas, entre autres, de respecter les prescriptions écologiques. Ce que vous nous proposez, c’est donc, non la modernité, mais des schémas de développement d’ores et déjà obsolètes.

Il nous semble également qu’il ne faut pas laisser de côté la grande couronne : à terme, le développement de la métropole parisienne couvrant globalement la petite couronne, captant l’ensemble des financements, mettra en péril l’existence même de l’échelon régional.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Bernard Vera. Très bien !

Mme Éliane Assassi. M. Gilles Carrez, dans son rapport, ne juge la pertinence de ce nouveau réseau qu’à l’aune d’un financement du réseau déjà existant. De manière plus pragmatique, comment ne pas voir que la gestion du Grand huit, qui reviendra au STIF, va obérer ses capacités financières pour de nombreuses années et demander un effort supplémentaire aux collectivités locales qui le financent aujourd’hui ?

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Le STIF est actuellement un outil de péréquation territoriale et sociale par des tarifications spécifiques. Qu’en sera-t-il demain, lorsque ces financements seront obérés ? Qu’en sera-t-il du financement du plan de modernisation des transports proposé par la région ? De tout cela, nous ne savons rien, ce qui nous fait craindre le pire !

Comment croire également au développement du Grand Paris si vous sacrifiez la production matérielle de richesses et des projets de développement économique au profit – c’est le cas de le dire ! – de la création de bulles financières ? En l’état, votre texte va accentuer un peu plus encore la désindustrialisation de la région-capitale. C’est un vrai problème !

Maintenir Paris au rang de ville-monde représente une belle ambition, pour peu qu’elle n’oublie pas de s’attaquer à la résorption des inégalités subies par les populations qui y vivent et y travaillent ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Cela suppose non pas de calquer son mode de développement sur un modèle londonien ou new-yorkais, mais, au contraire, de cultiver la formidable singularité de ce territoire. Paris est déjà une ville-monde, et ce n’est pas en libéralisant son développement que sa place dans le monde se trouvera confirmée, bien au contraire !

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Pour conclure, nous considérons que si nous devions proposer un projet pour le Grand Paris, la responsabilité et la légitimité en reviendraient aux Franciliens et à leurs représentants.

Cependant, puisque nous ne pouvons nous dédouaner d’une réflexion sur ces questions, je vais tout de même vous dresser quelques pistes d’actions qui me semblent prioritaires. Elles sont au nombre de trois : le logement, les transports de proximité et les équipements collectifs de service public, ce qui inclut, bien évidemment, tout ce qui touche à l’environnement et à l’écologie.

Dans un souci de concision, je me bornerai à dire que, pour les sénateurs du groupe CRC-SPG, si l’urgence réside bien dans la mobilisation de toutes les intelligences pour créer la ville de demain, celle-ci doit se faire au profit du bien commun et non pour le contourner comme le fait ce texte en confisquant l’intérêt général par le biais d’un coup de force étatique sur les collectivités locales !

S’inspirer du développement du capitalisme mondialisé et en faire un modèle pour construire votre projet de Grand Paris n’est peut-être pas la meilleure des idées, alors même que la crise qu’il a engendrée n’a pas épargné les métropoles que vous vous plaisez à prendre pour exemples ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la globalisation mondiale se caractérise, selon le rapport de Christian Saint-Etienne remis au Président de la République le 25 juin 2009, par deux traits spécifiques.

Le premier de ces traits accentue la transformation de l’économie vers une économie entrepreneuriale de la connaissance, une sorte de système qui favorise, par l’action d’intermédiaires spécialisés, les interactions entre entrepreneurs, capitaux-risqueurs et investisseurs, chercheurs développeurs, ingénieurs de production.

M. Alain Gournac. C’est exact !

M. Yves Pozzo di Borgo. Derrière tout cela, il y a la création d’emplois, madame Assassi !

M. Jean-Pierre Caffet. Il n’est pas question du métro !

M. Yves Pozzo di Borgo. Le second trait qui caractérise cette mondialisation, c’est qu’elle intègre la puissance de l’urbanisation dans le développement économique. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.)

Les grandes villes sont devenues la colonne vertébrale du développement économique. Pour ne prendre qu’un exemple, c’est non pas la Chine qui se développe, mais d’abord Shanghai, Canton, Pékin, Hong Kong, ou d’autres grandes villes chinoises.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N’importe quoi !

M. Yves Pozzo di Borgo. Sur cette urbanisation, s’est greffé le concept des villes-monde. La caractéristique de ces dernières tient au fait que la croissance économique est beaucoup plus importante chez elles que sur le reste du territoire national.

Il existe actuellement quatre villes-monde : Tokyo, Londres, New York, Paris.

De nombreuses villes d’Asie, notamment en Chine et en Inde, et d’Amérique latine vont accéder à ce statut et devenir nos concurrentes.

Paris-Île-de-France est cette ville-monde, sorte de géant économique aux échelons national et européen, qui représente 5,3 millions d’emplois, soit 25 % de l’emploi français. Plus de la moitié des brevets français déposés, soit 55 %, font intervenir au moins un partenaire résidant dans le Bassin parisien, lequel compte 70 000 chercheurs et 25 % des étudiants français.

En termes de PIB, l’Île-de-France est, et de loin, la première région européenne, classée largement devant la Lombardie et Londres. Elle représente 29 % du PIB français, dont – je le dis à l’intention de nos collègues de province –22 % seulement sont consommés par les Franciliens, le reste étant distribué dans les autres régions françaises.

M. Yves Pozzo di Borgo. Mais si l’Île-de-France apparaît comme un géant économique aux échelons national et européen, elle souffre d’un manque de dynamisme de son PIB et de ses emplois. Elle est, en quelque sorte, un énorme pétrolier qui avance lentement ! En effet, ces derniers temps, l’emploi n’y a crû que de 9,7 %, alors qu’il augmentait en France métropolitaine de 14,2 %.

Durant cette même période, la croissance en Île-de-France s’est élevée à 2 %, alors que celle du Grand Londres était de 8 %. (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

À terme, la région d’Île-de-France pourrait donc perdre son statut.

Les chiffres relatifs à l’Île-de-France sont d’autant plus inquiétants qu’un groupe d’économistes fait état d’une baisse attendue de 25 % à 12,5 % du PIB européen dans le PIB mondial d’ici à 2050.

C’est pourquoi il est nécessaire de construire un projet de nature à favoriser le dynamisme de cette région, utile à la France et à l’Europe : c’est le projet de Grand Paris. (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.)

Cependant, cet ensemble souffre d’un empilage des structures. La multiplicité des acteurs – État, région, départements, communes et intercommunalités – augmente les charges publiques, nuit à la cohérence et à l’efficacité de la décision publique, en particulier s’agissant de transports et de déplacements, mais aussi en matière de logement, d’urbanisme, de développement économique et d’équipements structurants.

Mme Nicole Bricq. Vous en rajoutez une couche !

M. Yves Pozzo di Borgo. Le cœur d’agglomération pâtit de l’absence de politiques communes.

Malgré cet empilage des structures, le taux des couvertures intercommunales par région en France atteint 89,1 %, contre 56 % seulement pour l’Île-de-France.

Pour affronter la concurrence mondiale avec une masse critique suffisante, la plupart des grandes villes européennes, notamment Berlin, Londres ou Rome, ont regroupé les collectivités locales comprises dans leur aire urbaine afin d’organiser leur développement et leur aménagement.

Je ne prendrai que l’exemple de Lyon. L’agglomération lyonnaise bénéficie d’une gestion urbaine placée, depuis plus de quarante ans, sous une autorité administrative unique remontant au texte de 1966. Depuis vingt ans, Lyon figure parmi les vingt villes européennes, toutes catégories confondues, jugées les plus attractives.

L’absence de structure de gouvernance explique que, malgré sa puissance économique, l’Île-de-France enregistre des chiffres de croissance inférieurs à ceux que connaissent le reste de la France ou les autres grandes villes européennes.

Cette absence de gouvernance explique aussi que des pépites d’emplois énormes ne sont pas exploitées. Prenons l’exemple de Saclay, qui accueille, outre deux universités et de nombreuses écoles, quantité d’entreprises.

Ce campus, d’envergure mondiale, en termes d’effectifs et de domaines scientifiques concernés, supporte la comparaison avec les plus prestigieux campus étrangers. C’est ainsi que le nombre de publications de recherches, retenu comme critère d’efficacité dans le secteur de la recherche, y est égal à celui qu’enregistrent le Massachusetts Institute of Technology, ou MIT, de Boston et l’université américaine de Stanford. Et il devrait rattraper très vite le niveau de Cambridge.

Si les méthodes américaines d’aménagement, d’échanges de connaissances, d’accompagnement de toutes sortes étaient appliquées à Saclay, nous pourrions, madame Assassi, augmenter le nombre d’emplois non pas de 100 %, mais de 1 000 % !

M. Yves Pozzo di Borgo. Or, à l’heure actuelle, la région à Saclay, c’est quelques bus et un RER poussif, sans aucune vision d’ensemble !

C’est la raison pour laquelle il a fallu que ce soit l’État stratège, sur l’initiative du Président de la République et du secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale, Christian Blanc, qui prenne la situation en main et propose un texte sur le Grand Paris. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’a pas été félicité pour autant ! À trop vouloir démontrer...

M. Yves Pozzo di Borgo. Il s’agit de mettre en valeur neuf pôles, sur le modèle de Saclay, et d’aménager les infrastructures de transports afin d’accompagner ce dynamisme. Nous espérons que ces neuf pôles deviendront à terme, si nous avons bien compris l’esprit de ce texte, des villes modernes de 400 000 à 500 000 habitants.

M. Jean-Pierre Caffet. Des villes nouvelles ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il fallait nous le dire !

M. Yves Pozzo di Borgo. Ainsi, ce projet de loi, très pragmatique, tend à apporter deux réponses principales pour relancer la croissance de l’Île-de-France et son attractivité dans le système « monde ».

La première réponse consiste en un réseau de transports s’appuyant sur la ligne 14 et desservant les territoires autour de Paris, selon un trajet en double boucle qui desservira les pôles stratégiques ; nous y reviendrons ultérieurement au cours du débat.

La seconde réponse a trait à l’implantation d’un des premiers clusters de l’innovation, s’appuyant sur une concentration d’universités de rang mondial et de chercheurs publics et privés installés sur le plateau de Saclay,...

Mme Nicole Bricq. À la Cité Descartes, c’est déjà prêt !

M. Yves Pozzo di Borgo. ... mais dont l’État stratège souhaite soutenir le développement.

Ces deux premières initiatives sont essentielles au développement économique de l’Île-de-France et à la croissance française.

Ce projet de loi, je l’espère, n’est que le premier de nombreux autres textes qui devraient suivre et accompagner la réflexion sur le Grand Paris.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Yves Pozzo di Borgo. D’ailleurs, le Sénat devrait pérenniser cette commission spéciale sur le Grand Paris ! (M. le rapporteur fait un signe de dénégation.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Il faut, certes, défendre les zones rurales, mais il me semble que le Sénat ne se préoccupe pas suffisamment des zones urbaines, sachant que 72 % des Européens et 49 % de la population mondiale vivent en ville, et que ces proportions ne font qu’augmenter.

Cette réflexion sur l’urbanité...

M. David Assouline. Il n’y a aucune réflexion !

M. Yves Pozzo di Borgo. ... nous éviterait de copier les modèles des métropoles mondiales, comme Delhi, Shanghai, Séoul, Tokyo, qui, tout en « fonctionnant » économiquement, sont une véritable insulte faite à l’homme tant elles sont denses, bruyantes, polluées.

M. Jean-Pierre Caffet. Tokyo ? Vous allez créer un incident diplomatique ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yves Pozzo di Borgo. La qualité de vie dans une métropole à taille humaine est, au contraire, un facteur d’attractivité. C’est la raison pour laquelle le Sénat doit réellement se pencher sur ce sujet.

Voilà où en est ma réflexion sous-jacente sur ce projet de loi. Le débat en séance publique nous permettra d’avancer ; je souhaite apporter ma contribution à cette évolution. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de vous citer deux phrases : « [L’] organisation [de la République] est décentralisée » ; « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Chacun aura reconnu ces lignes, extraites des articles 1er et 72 de la Constitution, qui est notre guide à tous.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout est dit !

Mme Nicole Bricq. En effet, pour le groupe socialiste, le projet de loi relatif au Grand Paris prend rang dans le cycle recentralisateur ouvert par la loi de finances pour 2010, supprimant l’impôt économique local (Mme Dominique Voynet applaudit.) et, pour l’Île-de-France, l’outil de péréquation territoriale dont elle disposait, le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF, sans que l’on ait trouvé à ce jour de mécanisme de remplacement, dans un contexte marqué par la défiance de l’État envers les collectivités territoriales. Ce texte dépasse donc, vous l’aurez compris, le cadre parisien et francilien.

Ce serait déjà là une raison substantielle justifiant que nous combattions ce texte, mais elle ne serait pas suffisante.

M. Jean-Marc Todeschini. On va le combattre !

Mme Nicole Bricq. Nous allons vous démontrer que votre projet repose sur un diagnostic erroné concernant la région-capitale, sur une stratégie et une méthode datées nous ramenant vingt-cinq ans en arrière et sur des outils inadéquats.

Ce diagnostic, le Gouvernement et la commission spéciale le partagent. Pour M. le secrétaire d’État, les potentiels de la région n’ont « pas de visibilité mondiale » et sont donc « insuffisamment attractifs ». M. le rapporteur, quant à lui, veut « remettre la région dans la croissance mondiale environnante ». La région-capitale souffrirait donc d’un défaut de « compétitivité ».

Votre stratégie et les outils que vous proposez de mettre en place se réduisent donc, finalement, à une infrastructure de transport censée y remédier.

Ce raisonnement conduit à substituer une priorité, celle du Gouvernement centrée sur le réseau de métro automatique, à une autre priorité, celle qui résulte de la concertation territoriale, c’est-à-dire du vote du conseil régional de juin 2008, approuvé par les Franciliens lors de la consultation du 21 mars dernier, autrement dit à notre vision, qui fait écho à l’attente des élus et aux besoins des populations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. Ils ne s’en souviennent plus !

Mme Nicole Bricq. Même s’il est malaisé de définir la notion de compétitivité du point de vue strictement économique, je rappellerai quelques données.

Tout d’abord, comme vient de le dire M. Pozzo di Borgo, la région d’Île-de-France représentait 19 % du produit intérieur brut français en 2008. Cette production de richesse est évaluée en euros constants à 488 milliards d’euros, ce qui fait d’elle la première région d’Europe.

Lorsque l’on ramène ces chiffres à l’habitant, l’Île-de-France n’est plus que sixième de ce classement, car la richesse globale y est très mal répartie et les inégalités y sont beaucoup plus marquées qu’ailleurs.

Selon nous, s’il existe une entrave profonde à la compétitivité, c’est bien dans les inégalités territoriales et sociales qu’elle réside. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Catherine Tasca. Très juste !

M. Yannick Bodin. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Pour ce qui est du secteur des services à forte intensité de connaissance, les SFIC, l’Île-de-France est, selon Eurostat, la première région d’Europe devant la Lombardie-Milan, le Danemark et le Grand Londres.

Enfin, en termes d’attractivité des investissements étrangers, la région se place au deuxième rang, derrière Londres, mais avec un nombre supérieur de créations d’emplois, et en quatrième position à l’échelon mondial, derrière Shanghai, Hong Kong et Londres.

M. Jean-Pierre Caffet. Tout cela est vrai !

Mme Nicole Bricq. En termes d’accueil des centres de décisions, Paris-Île-de-France se classe devant New York et Londres, juste après Tokyo, et occupe la première place en matière d’emplois stratégiques.

M. Alain Gournac. Tout va très bien !

Mme Nicole Bricq. Ne soyez pas impatient, mon cher collègue !

Ce florilège de performances doit-il nous conduire à ne rien faire ? Certainement pas, car dans un monde incertain et changeant, rien n’est acquis. Nous savons bien que notre territoire national, de même que celui de la région d’Île-de-France, ne sont pas assez performants en termes de croissance potentielle, qui est productrice d’emplois.

Ce n’est donc pas une spécificité francilienne. Nous savons aussi que l’appareil productif et l’innovation connaissent un certain retard. Ce n’est pas pour rien que le Président de la République a lancé un grand emprunt ! (M. Jean Desessard opine.)

Il faut donc se battre. Encore faut-il opérer les bons choix d’aménagement, environnementaux et sociaux, tout autant qu’économiques. C’est là que votre projection dans l’avenir relève d’un parti pris.

Les pôles économiques reliés par un transport rapide constituent pour vous l’unique solution. Au moment où toutes les métropoles européennes, dans le contexte de l’après-Kyoto, font le choix d’un aménagement urbain compact, comme le fait le SDRIF, vous choisissez l’étalement, sans pour autant répondre à l’attente des élus qui, depuis les grandes vagues de la décentralisation, s’organisent. Ils ne le font peut-être pas assez vite ou assez bien, comme nous le rappelle souvent notre collègue Philippe Dallier, qui nous presse d’améliorer la gouvernance, et il n’a pas tort... (Applaudissements sur quelques travées de lUMP. – M. Jean-Jacques Jégou applaudit également.)

Néanmoins, doit-on rappeler que c’est Bertrand Delanoë et son équipe qui ont, dès 2001, ouvert Paris à la petite couronne en faisant un premier pas décisif en créant le syndicat Paris-Métropole ?

Doit-on rappeler que Jean-Paul Huchon a conduit pendant plus de quatre années une concertation et une négociation, qui ont abouti à un nouveau schéma d’urbanisme, bloqué depuis lors par l’État, et à un plan de mobilisation pour les transports, que nul ne conteste ? Je n’ai entendu personne au Sénat remettre en cause ce plan, ni lors des auditions, ni lors des réunions de la commission spéciale, ni sur ces travées.

M. Jean-Pierre Caffet. Tout le monde le reconnaît !

Mme Nicole Bricq. Doit-on rappeler que, localement, des projets territoriaux se développent au travers de l’intercommunalité ?

Doit-on rappeler que la région, qui a récupéré, cinq ans après les autres régions, la compétence pleine et entière dans le domaine des transports, a plus que doublé son effort financier en trois ans, avec l’appui des départements ? À ce rythme, au cours de la décennie 2010, elle résorbera les problèmes structurels dus aux trente ans de retard accumulés par l’État. C’est bien pour cela qu’elle a donné la priorité à l’amélioration de l’existant.

M. Alain Gournac. Prenez le RER le matin !

Mme Nicole Bricq. La ligne A, je la connais, et mieux que vous !

M. Jean-Pierre Caffet. Il s’en fiche du RER, le secrétaire d’État !

Mme Nicole Bricq. Tout le travail du rapporteur et de la majorité de la commission spéciale a consisté, à partir d’un diagnostic erroné, d’une vision partiale, à crédibiliser le projet du Gouvernement, à la fois en lui apposant un vernis de territorialisation, sans pour autant associer les élus aux décisions – elles seront concentrées dans les mains de l’État grâce au mode de gouvernance choisi ! –, et en inscrivant un semblant de financement, au demeurant incantatoire et aléatoire, pour un projet d’infrastructure de transports dont le coût l’est tout autant.

Nous aurons une discussion serrée sur le financement, monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen des articles 9 et suivants.

Alors que vous aviez refusé de définir les modalités de ce financement lorsque nous vous avions interrogé sur ce sujet le 18 mars dernier, vous nous avez annoncé tout à l’heure qu’il reposerait sur l’utilisation des remboursements des prêts consentis à la filière automobile.

M. le rapporteur, quant à lui, avait précisé auparavant, lors de la conférence de presse, que ce financement proviendrait des 13 milliards d’euros remboursés par les banques. Il sait pourtant que c’est impossible. En effet, la loi de finances rectificative pour 2010 qui porte le grand emprunt, avec les 13 milliards d’euros précités et les 22 milliards d’euros empruntés sur les marchés financiers, en a fléché les affectations, au nombre desquelles ne figurent pas les infrastructures de transport.

Si, pour votre part, monsieur le secrétaire d'État, vous envisagez d’utiliser les remboursements des prêts consentis à la filière automobile, permettez-moi de souligner que ces remboursements ne peuvent pas être considérés comme des engagements financiers de l’État. Que se passerait-il si les créances n’étaient pas remboursées ? Ce financement est tout à fait aléatoire ! C’est bien la preuve que l’État est financièrement à bout de souffle !

MM. Jean-Pierre Caffet et Jean Desessard. Ah oui !

Mme Nicole Bricq. C’est la preuve aussi qu’une lecture globale et crédible de l’ensemble des financements est nécessaire, comme nous le demanderons dans un amendement, ce qui ne peut se faire que dans le cadre d’une loi de finances. Nous aurions aimé disposer d’un tel outil au sein de la loi de finances pour 2010, conformément à ce que souhaitait le Premier ministre en confiant une mission à M. Carrez.

Du reste, si l’on avait voulu qu’une négociation loyale ait lieu entre l’État, la région et les collectivités territoriales, on aurait pris en compte le travail de M. Carrez, qui connaît d’autant mieux son sujet qu’il est président du comité des finances locales. Or le projet de loi que vous nous présentez ne retient aucune de ses propositions.

M. Jean-Pierre Caffet. Au contraire !

Mme Nicole Bricq. Au contraire, en effet, vous préférez retenir le principe des valorisations foncières, qui avaient été jugées trop aléatoires et insuffisantes par notre collègue M. Carrez, et vous ne fixez aucun calendrier pour votre projet.

Tout se passe comme si la majorité sénatoriale, ainsi que le Gouvernement, avaient fermé les yeux et les oreilles sur le vote des Franciliens du 21 mars.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est certain !

M. Christian Blanc, secrétaire d’État. Quel est le lien avec M. Carrez ?

Mme Nicole Bricq. Pour eux, il ne s’est rien passé ce jour-là.

Pis, la majorité sénatoriale dénie le vote populaire en aggravant la version de l’Assemblée nationale, et ce à trois reprises.

À l’article 3, tout d’abord : elle fait sauter le débat public imminent que le conseil régional lance sur Arc Express, conformément aux priorités de son plan de mobilisation.

Mme Dominique Voynet. C’est une honte !

Mme Nicole Bricq. Cela autorise M. le secrétaire d’État à nous dire en commission, sans rire, qu’il permet à la région de réaliser 6 milliards d’euros d’économies, soit l’exacte somme que la région attendait de l’État pour boucler le financement du plan de mobilisation pour les transports, plan pour lequel elle a mis 12 milliards d’euros sur la table. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) 

À l’article 9 ter, ensuite : la majorité sénatoriale assujettit au nouvel impôt, au nom barbare d’IFER, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, le matériel roulant, dont le Gouvernement a transféré la propriété au STIF, par le biais d’un amendement scélérat déposé sur un texte précédent.

Le STIF sera donc le contributeur de cette nouvelle taxe, qui a été instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle...

M. Jean-Pierre Caffet. C’est exact !

Mme Nicole Bricq. ...et qui sera affectée à la Société du Grand Paris, alors même que ni la région ni les départements regroupés au sein du STIF ne sont associés aux décisions, lesquelles sont prises unilatéralement. Curieuse conception du dialogue !

Mme Nicole Bricq. À l’article 29, enfin : s’agissant de l’organisation des transports nécessaires au plateau de Saclay, le Gouvernement ne respecte pas son engagement pris devant l’Assemblée nationale de retirer cet article si le STIF s’engageait à accepter à une délégation de compétences, ce qu’il a fait lors de son conseil d’administration du 17 février, décision qui sera formalisée au début du mois de juin.

Mme Catherine Tasca. Absolument !

Mme Nicole Bricq. Nous avions cru que le Sénat tirait une grande partie de sa légitimité des collectivités locales, dont il se devait d’être le premier défenseur. Or s’il votait ce texte, il participerait au sabotage du projet de la région et des départements.

Faut-il voir dans ces trois articles de simples provocations ? Je ne le crois pas, car nous faisons la loi, qui plus est dans le cadre d’une procédure accélérée ; seule la commission mixte paritaire pourrait y revenir.

S’agit-il de gagner du temps ? M. le rapporteur se félicite que la dérogation au droit commun de la procédure du débat public permette de gagner un an : ainsi les travaux pourront-ils commencer, selon lui, début 2012. Or M. le secrétaire d’État a évoqué la fin 2013.

M. Christian Blanc, secrétaire d’État. Début 2013 !

Mme Nicole Bricq. Étonnante obsession du temps pour un projet qui n’est ni financé ni daté ! Curieuse posture, qui renvoie à l’avant-décentralisation ! Troublante attitude face à l’émergence, permise par la décentralisation, des associations et des citoyens qui veulent légitimement donner leur avis ! La démocratie est ainsi prise en otage par ce texte.

S’agit-il de prises de guerre, comme nous en sommes convaincus, afin de créer un rapport de force favorable à l’État face à la région ? Si tel est le cas, c’est une instrumentalisation de la loi et du Parlement très contestable.

Comme vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste entendent non pas porter des appréciations divergentes sur telle ou telle modalité, mais défendre une vision et des priorités fondamentalement contradictoires à celles que comporte le présent projet de loi.

Notre contribution au débat, les amendements que nous avons déposés, notre opposition au texte nous placent résolument du côté de la démocratie, de la décentralisation, de la confiance entre les uns et les autres, sans lesquels aucun projet d’avenir n’est viable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Roger Romani. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Roger Romani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est particulièrement important non seulement pour l’agglomération parisienne, mais aussi pour tout notre pays.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Roger Romani. Il représente une chance pour la région parisienne de s’adapter aux impératifs de la concurrence internationale – cela a déjà été indiqué –, pour Paris de rester l’une des quatre ou cinq villes-monde et pour les Franciliens de bénéficier d’une meilleure offre, particulièrement en matière de transports et d’emploi.

Mais au-delà de Paris, ce texte est également une grande chance pour la France entière.

Il est évident que l’amélioration de l’attractivité de la région-capitale aura un effet d’entraînement, d’abord, sur le grand Bassin parisien, avec lequel Paris se trouve en interaction permanente. Je le rappelle, cette zone couvre vingt départements, six régions et regroupe plus de 30 % de la population française.

Cet effet d’entraînement se fera également sentir, quoique de façon plus indirecte, sur l’ensemble du territoire national.

Nous devons surtout comprendre, mes chers collègues, que le présent projet de loi n’est pas celui d’une région, qui s’opposerait à toutes les autres. En permettant de dynamiser la région-capitale, il bénéficiera à tout le pays. Il répond donc à l’ambition formulée par le Président de la République quand il a voulu et lancé ce dossier stratégique.

Ce texte a fait l’objet d’un très important travail d’analyse et d’amélioration par la commission spéciale présidée avec grande compétence par notre collègue Jean-Paul Emorine. Le remarquable document établi par le rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, avec la rigueur et le talent que nous lui connaissons (Applaudissements sur les travées de lUMP.), permet de bien saisir les enjeux du projet de loi, ainsi que les attentes et les interrogations qu’il a suscitées.

Je dois dire, monsieur le secrétaire d'État, que, pour l’essentiel, vous avez répondu à ces interrogations, car votre texte marque à la fois une réelle ambition, mais aussi un solide pragmatisme, nécessaire pour mener une telle entreprise.

Ainsi, pour la première fois depuis cinquante ans et les travaux menés par Paul Delouvrier, une vision globale du développement de la région-capitale, alliant ambition économique, planification raisonnée des transports et création d’instruments juridiques de coordination de l’action publique, est proposée.

Quatre innovations figurant dans le projet de loi doivent être retenues. Il s’agit de la Société du Grand Paris, aux compétences importantes tant dans le domaine foncier que dans celui des transports, de l’établissement public de Paris Saclay, destiné à impulser le développement du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, de la création d’un réseau de métro automatique de cent trente kilomètres en double boucle et, enfin, de la création de contrats de développement territorial, gage de respect mutuel et de concertation loyale entre l’État et les collectivités locales, afin, notamment, de participer à l’objectif de la construction de 70 000 nouveaux logements.

Ce texte, en raison de la création d’une quarantaine de gares qu’il sous-tend, constituera un support inestimable pour le développement de nos pôles de compétitivité.

S’agissant du pragmatisme, je constate, monsieur le secrétaire d'État, que vous n’avez cédé ni à la tentation du meccano législatif ni au vertige de la table rase. Allant dans votre sens, la commission spéciale a proposé des améliorations. Je n’en citerai que deux : les amendements présentés par M. le rapporteur visant à améliorer la gouvernance de la Société du Grand Paris ou ceux qu’a déposés notre collègue Christian Cambon, tendant à améliorer le réseau de transports publics.

Je souhaite également évoquer la nécessaire interconnexion qui doit être mise en place avec l’ensemble du réseau ferroviaire et routier national. Le défi de l’insertion du réseau en double boucle dans le réseau des lignes à grande vitesse est évidemment particulièrement sensible : Paris se doit d’avoir des échanges constants et de qualité avec les autres métropoles européennes.

Je veux maintenant souligner l’importance que revêtent pour les Parisiens et pour les Franciliens certains projets d’amélioration de lignes de métro, ainsi que l’urgence des investissements relatifs au RER, particulièrement pour la ligne A, au bord de la saturation et dont les usagers doivent supporter des conditions de transport très dégradées.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Roger Romani. Mais au-delà de ces investissements nécessaires dans le centre de l’agglomération, un chiffre m’a impressionné : 70 % des déplacements franciliens quotidiens se font de banlieue à banlieue. En ma qualité d’élu du Paris historique, du Paris central, je pense que l’effort porté sur ce type de déplacements est une priorité que nul ne devrait contester, s’il a le sens de l’intérêt général.

Pour conclure mon propos, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de formuler deux suggestions.

Tout d’abord, il ne faut pas sous-estimer l’enjeu vital que représente le bassin de la Seine pour le développement économique de la région-capitale.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Roger Romani. Le rapport au Parlement, demandé par la commission spéciale sur l’initiative de notre collègue Charles Revet et relatif à la mise en place d’un réseau affecté au fret ferroviaire à partir des ports du Havre et de Rouen, devra intégrer une analyse sur les possibilités de construire de nouvelles installations portuaires le long de la Seine pour assurer une meilleure desserte du Grand Paris.

Monsieur le secrétaire d'État, nous vivons sous l’empire, si j’ose dire, du port autonome de Paris. J’étais tenté de déposer un amendement tendant à supprimer l’adjectif « autonome »… En effet, personne, à Paris ou ailleurs, n’a jamais pu conseiller, demander, encore moins imposer, un quelconque projet à ce port. Charles Revet m’a indiqué, en fin de matinée, qu’il en était de même pour les autres ports autonomes.

M. le président. Comme à Marseille !

M. Roger Romani. Je ne m’étonne donc plus qu’Anvers soit le premier port de France !

Certes, il faut construire de nouvelles installations portuaires sur la Seine, mais il en existe déjà un certain nombre et je ne suis pas sûr qu’elles soient utilisées.

Par ailleurs, la préservation des particularités et de la force de l’agriculture dans notre région sont indispensables. La protection de ces espaces, nullement contradictoire avec les objectifs du projet de loi, me paraît essentielle aussi bien sur le plan économique que dans une perspective de développement durable, notion adossée à la Constitution depuis la réforme de 2005.

Je me félicite que, sur l’initiative de notre collègue Laurent Béteille, la protection de 2 300 hectares de terres agricoles situés sur le plateau de Saclay ait été introduite dans le texte.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Roger Romani. Monsieur le secrétaire d'État, pour terminer ce bref aperçu, je citerai une réflexion émise, voilà un siècle, par Léon Duguit, prestigieux juriste et grande figure de l’école de Bordeaux, ce qui n’étonnera personne : « Il faut adapter les catégories juridiques aux faits et non les faits aux catégories juridiques ».

M. Roger Romani. Tel est bien tout l’atout de votre démarche, monsieur le secrétaire d'État, et c’est pourquoi j’apporte mon soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’ambition de faire de Paris une ville-monde implique une motivation de tous. Le développement de la capitale est un enjeu qui dépasse de loin toutes les querelles intestines, apparues tant entre la province et Paris qu’entre les Franciliens.

Mes collègues du RDSE et moi-même ne sommes pas des élus d’Île-de-France et, pourtant, nous souhaitions participer à ce débat essentiel à nos yeux.

Je rappellerai en cet instant une citation de Blaise Pascal : « Il y a des lieux où il faut appeler Paris, Paris, et d’autres où il faut l’appeler capitale du royaume. »

Au-delà du Grand Paris, c’est bien de la région-capitale, par conséquent de la France, que nous allons débattre durant cette semaine. L’enjeu est national, et c’est en ma qualité de parlementaire de la nation que j’interviens en cet instant.

Au-delà du consensus dégagé au sein de Paris métropole, qui, je vous le rappelle, rassemble des élus de toutes tendances, le concours international confrontant des architectes de renom avait permis de porter cette ambition.

Voilà bientôt un an, le Président de la République a fait part de sa vision de Paris, lors du discours qu’il a prononcé au palais de Chaillot. Je déplore que le Gouvernement n’ait pas mis à profit ce laps de temps pour engager plus avant la consultation et qu’il ait laissé à peine un mois cet automne aux élus concernés pour se prononcer sur un édifice aussi important.

Le présent projet de loi s’articule autour de trois grands axes, le premier d’entre eux concernant le réseau des transports publics du Grand Paris, envisagé comme un facteur de modernisation du réseau de transport francilien. Monsieur le secrétaire d'État, si vous pouvez nous garantir que les moyens financiers suivront effectivement les engagements pris, nous pourrons difficilement nous opposer à ce texte.

Cependant, dans la forme, il présente plusieurs incohérences, qui mettent en péril sa pertinence et sa faisabilité. Pis, elles jettent le doute sur sa sincérité.

Tout d’abord, l’articulation entre le futur réseau de transports porté par le projet de loi, le fameux Grand huit, et les réseaux déjà existants est absente. Dans ces conditions, comment comptez-vous assurer une gestion coordonnée d’un même réseau avec des opérateurs différents, le nouvel établissement public de gestion des transports, d’un côté, et le STIF, donc la RATP, de l’autre ? Quelle peut être la cohérence d’un tel dispositif ?

Le nouveau métro ne peut être une solution alternative à tous les modes de transport en commun actuels. Surtout, il ne doit pas faire passer la modernisation et la réhabilitation du réseau existant au second plan. Pendant la récente campagne des élections régionales, tous les candidats n’ont cessé de répéter que certaines lignes sont vétustes et laissées en déshérence.

Il est indispensable que la zone des cent trente kilomètres en rocade constitue un lien, véritable ciment entre tous les Franciliens, et ne soit pas seulement une passerelle de plus destinée à une élite.

Il est certes indispensable de réduire le temps de trajet. Mais il ne faut pas pour autant oublier que les orientations qui seront données aux investissements détermineront si le nouveau mode de transport, à savoir la navette automatique, prendra ou non le relais d’un ascenseur social en panne.

Par ailleurs, au titre V du projet de loi est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial pour le plateau de Saclay, dénommé « Établissement public de Paris Saclay ». Cette structure se voit assigner des missions très larges : au-delà du rôle qu’elle doit jouer dans le domaine de l’aménagement du territoire, elle doit aussi encourager l’innovation économique et valoriser le tissu industriel.

L’inscription du plateau de Saclay au titre d’opération d’intérêt national en 2009 confirmait déjà sa position parmi les neufs clusters franciliens. Le Bassin parisien, enregistrant plus de 50 % des dépôts de brevets, est en effet un catalyseur de l’innovation et de la recherche.

Nos collègues de l'Assemblée nationale ont enrichi la compétence environnementale de l’établissement public de Paris-Saclay. Je les en remercie, au moment où le Grenelle et ses défenseurs ne semblent pas, ou plus, en odeur de sainteté.

Je tiens également à saluer le travail réalisé en commission spéciale, qui a permis d'intégrer certaines revendications.

Mais le satisfecit s'arrête là. Plusieurs volets du projet de loi ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées et, surtout, des besoins réels.

Il en est ainsi de la problématique du logement, qui reste au cœur des préoccupations de tous les Franciliens, en particulier des plus modestes. Dans ce domaine, l'Île-de-France souffre plus que tout autre territoire. Des milliers de logements font défaut et la mise en œuvre du droit au logement opposable constitue, reconnaissons-le, un véritable échec.

Nous avions milité pour la construction d’un plus grand nombre de logements. L'inscription, dès l'article 1er, de l'objectif de bâtir 70 000 logements par an est un premier pas vers un « Paris à vivre », mais il est trop petit.

J’en viens au volet relatif au financement des réseaux existants. Un seuil minimum devait être garanti, compte tenu de la disparition des financements programmés au profit du Grand huit. C'est chose faite, mais cela va à l'encontre de l'esprit de la décentralisation et de la volonté des élus du territoire. Ce texte crée un nouvel échelon administratif, doté d’outils d'urbanisation recentralisateurs et d'une superstructure n'offrant aucune garantie d’efficacité supplémentaire. Dès lors, la Société du Grand Paris semble être un outil privatisé au service de l'État, et de lui seul, afin de palier l'insuffisance des moyens financiers consacrés au développement de la capitale.

Au-delà, l'articulation des processus de décision entre l'État, la région d’Île-de-France, le STIF, la RATP et la Ville de Paris n’est pas suffisamment clarifiée. Pourquoi ne pas avoir repris le schéma directeur de la région, validé en 2008 par le conseil régional à une large majorité ? Il était pourtant, je tiens à le rappeler en cet instant, le résultat d'une large consultation publique, associant les conseils généraux de la région.

Le texte balaie ainsi d'un revers de main tous les efforts mis en œuvre pour faire vivre la démocratie de proximité et la décentralisation.

M. Jean-Pierre Caffet. Très juste !

Mme Françoise Laborde. De plus, le projet de loi instaure des dispositifs entièrement dérogatoires au droit commun, alors que des outils juridiques existent, en matière d'urbanisme, en cas d'expropriation, de création de zones d'aménagement, de construction de réseaux de transports ou de développement urbain.

Le projet de loi attribue à l'État, par l'intermédiaire de la Société du Grand Paris, un droit absolu de préemption et d'expropriation, prélevant par la même occasion les plus-values financières.

Enfin, je terminerai mon propos en évoquant l'aspect financier du projet. L’application de la taxe forfaitaire me paraît un maigre palliatif aux investissements nécessaires à l'essor mondial de notre capitale.

Les financements de l'État restent en suspens sur l'ensemble des grands projets d'infrastructures franciliens. C'est le cas, par exemple, au sujet de la rénovation des lignes du RER, tant attendue par les usagers, ou du désengorgement de la ligne 13 et du prolongement de la ligne Éole entre la gare Saint-Lazare et La Défense.

Mes collègues vous l'ont rappelé, la région d’Île-de-France et les départements la composant, de droite comme de gauche, ont élaboré en 2008 un plan d'urgence pour les transports, destiné à rattraper dix ans d'inertie d'un État pourtant enclin à financer les métros d’autres agglomérations.

La contribution de l'État n'est toujours pas connue, alors que la mise en œuvre a déjà été engagée par le STIF compte tenu de l'urgence à agir. Si le projet de loi reprend la maîtrise d'ouvrage au STIF, plusieurs interrogations demeurent sans réponse.

La question des engagements financiers reste encore floue.

Celle du respect de la démocratie locale et des instances représentatives des collectivités territoriales est volontairement réduite à sa plus simple expression, pour ne pas dire bafouée. En particulier, le processus décisionnel proposé est en contradiction avec les compétences d'aménagement et de transport de la région et des autres collectivités. La région n'est pas explicitement représentée dans les organes décisionnaires de la Société du Grand Paris ou de l’établissement public de Paris-Saclay.

Pour toutes ces raisons, et sans même évoquer des considérations strictement partisanes, l'État semble surtout, à nos yeux, vouloir prendre le pouvoir sans y mettre les moyens.

C'est pourquoi, comme l’a déjà dit le président de notre groupe, Yvon Collin, la majorité des membres du RDSE et les sénateurs radicaux de gauche ne pourront pas voter ce texte en l'état. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant qu’élue de Paris, je salue bien évidemment les efforts entrepris pour faire de notre agglomération francilienne une région au rayonnement international sur tous les plans.

Certes, nous n’avons nul besoin de publicité sur le patrimoine prestigieux de notre ville et de notre région. Mais la mise en valeur de notre territoire par la création d’un véritable réseau de transports et d’une politique de recherche renforçant la dynamique économique de l’Île-de-France était une nécessité et une chance pour notre territoire, sa région, notre pays, et nous en sommes persuadés depuis des années.

Aussi, nous sommes heureux de contribuer à ce que ce projet voit enfin le jour, sous votre autorité, monsieur le secrétaire d’État, et sous celle de l’État, puisque les responsables locaux n’ont pas su le faire.

Ce texte, très pragmatique, a pour objet de susciter un développement économique et urbain structuré autour de territoires et de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés par l’État et les collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Caffet. Où sont-elles ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je ferai trois observations.

En premier lieu, la création d’un réseau de transports publics de voyageurs, reliant quarante gares et unissant les zones les plus attractives de la capitale et de la région d’Île-de-France, en sera un pilier fondamental.

Pour autant, la phase I de ce projet et tous ses dispositifs techniques et architecturaux, aussi nobles et beaux soient-ils, ne doivent pas nous faire oublier les enjeux humains que nous aurons toujours à relever pour permettre un véritable développement de l’Île-de-France, en matière d’emploi, de logement ou de santé.

Dans l’exposé des axes qu’il a retenus pour améliorer le projet de loi, notre rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, nous rappelait à juste titre l’importance d’assurer la cohérence globale entre logement, transports et emploi, et ce dans le respect des objectifs de développement durable.

En effet, la croissance de l’emploi est plus modérée dans notre région que partout ailleurs en France. De plus, comme vous le savez, la part de l’Île-de-France dans la construction nationale des logements a baissé de 7 % en quinze ans. Elle ne représente plus que 10%. Or le nombre de personnes mal logées augmente.

Le Grand Paris représente un défi humain. Prendre en compte cette dimension est donc une condition essentielle si nous ne voulons pas voir se développer une région à deux vitesses, l’une pour les gagnants du Grand Paris, l’autre pour les oubliés de la boucle et du Grand huit.

En deuxième lieu, j’aborderai la politique de recherche mise en œuvre sur le plateau de Saclay. Tout en protégeant un territoire agricole important, il s’agira de mettre à l’honneur, grâce à un campus prestigieux, les 78 000 chercheurs vivant actuellement sur les territoires franciliens. Cela représente 43 % des dépenses nationales en recherche et en développement déployées dans la région. Nous disposons là d’une grande richesse intellectuelle. Nous devons la mettre en valeur et l’encourager par la mise en place de pôles de compétitivité.

Ce sera, je l’espère monsieur le secrétaire d’État, une occasion d’envoyer un signal fort à la recherche biomédicale à visée thérapeutique en France, tant nous avons pris de retard dans ces domaines.

Je veillerai tout particulièrement à ce que les fonds alloués à l’établissement public de Paris-Saclay, pour son pôle de développement scientifique et technologique, réservent une part importante à la recherche à visée thérapeutique.

Il s’agira, par ailleurs, d’assurer la liaison avec le maillage sanitaire et hospitalier, qu’organise Claude Évin et devant être mis en place prochainement sur l’ensemble de notre territoire.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Il importe en effet d’éviter, comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne se produise, demain, un décalage entre la réorganisation dans ce secteur et les pôles de développement scientifique.

Mme Odette Terrade. Qui a fait la loi ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. En troisième lieu, je poserai une question. Des études démographiques prospectives ont-elles été menées par vos services ou par l’INSEE afin d’adapter le projet de Grand Paris à la population qui sera présente sur notre territoire dans une vingtaine d’années ?

Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez dit à l’instant, le Grand Paris est un ensemble systémique, où le tout est plus important que l’ensemble des parties. Je partage cette analyse, tant l’incapacité à penser ensemble les problèmes locaux et globaux constitue, à mes yeux, l’obstacle principal à une politique du développement durable.

Ainsi, j’ai osé espérer que l’écologie de l’homme, c'est-à-dire l’accueil de l’humain sur le territoire dans toute sa dimension, puisse être prise en considération plus fondamentalement que dans le passé, afin de ne pas se limiter à concevoir un Grand Paris qui ne perçoive qu’un fragment d’humanité.

Vous avez choisi de ne pas maximiser cette dimension. Je le regrette quelque peu, même si je comprends votre objectif d’efficacité, car, selon moi, on ne peut faire l’économie de cette intégration de l’homme dans sa totalité sur notre territoire. Cette idée recoupe la façon dont il est connecté aux différentes logiques, notamment urbaine et architecturale. En la négligeant, le rêve urbanistique s’anéantira.

Monsieur le secrétaire d’État, nous savons que votre ambition est de faire du Grand Paris un corps vivant.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est mal parti !

Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est la phase II de votre projet. N’attendez pas trop pour nous la présenter afin que le Grand Paris soit une vraie chance pour tous les Franciliens.

Je vous remercie de votre investissement sur un tel sujet et, comme tous mes collègues du groupe UMP, je soutiendrai ce projet. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention se limitera à la partie du texte consacrée au plateau de Saclay et à la création de l’établissement public de Paris-Saclay.

En premier lieu, le maintien du statu quo sur ce territoire ne me semble ni possible ni souhaitable. Une évolution est en effet indispensable, fondée sur un véritable « projet partagé » et sur les atouts accumulés par ce pôle scientifique tout au long de cinquante années d'histoire.

En second lieu, l'intervention de l'État est bien entendu bienvenue dans un contexte général marqué plutôt par son désengagement constant, particulièrement dans les domaines des transports, du logement, de la recherche et de l'emploi.

Mais cette implication doit s'opérer dans une démarche de co-élaboration avec les collectivités locales et les différents acteurs du territoire.

Il ne s’agit certainement pas d’ignorer les besoins des populations vivant sur le plateau et dans les vallées, en mettant en cause l'indépendance de la recherche, en menaçant la pérennité de l'activité agricole et en s'opposant à l'action et aux projets des élus locaux.

Monsieur le secrétaire d’État, je veux d'emblée vous faire part d'une opinion largement partagée par tous les acteurs locaux : l'intervention autoritaire de l'État ne peut que conduire à une impasse.

En effet, ce territoire n'a pas attendu la création d'un établissement public pour devenir un pôle scientifique et technologique de renommée mondiale. Il regroupe déjà la plus puissante concentration de personnels et de moyens de la recherche publique française.

La palette d’établissements prestigieux y est exceptionnelle. Je pense notamment à l’université Paris-Sud XI, à de grands organismes de recherche tels le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, ou l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, à de grandes écoles comme Polytechnique, HEC ou Supélec, à des équipements majeurs comme le Synchrotron et, enfin, à de grandes entreprises comme Thalès, Renault, Alcatel-Lucent ou encore EADS.

Dès lors, on peut légitimement s’interroger sur les raisons qui poussent le Gouvernement à définir par la loi des dispositions relatives à la création d’un cluster scientifique et technologique, alors que celui-ci existe manifestement déjà.

La réponse à une telle interrogation se trouve sans doute dans l’une de vos déclarations, monsieur le secrétaire d’État : « L’excellence des équipes devra être utilisée pour nourrir des thématiques plus orientées vers le marché ».

Ainsi, le véritable objectif visé par le Gouvernement consiste en réalité à s’assurer la maîtrise et l’orientation de l’ensemble des activités d’un tel pôle scientifique, notamment les activités de recherche, avec la nécessité d’avoir la haute main sur l’aménagement du cluster.

Il s’agit pour vous de réorienter l’activité du dispositif de recherche fondamentale vers les secteurs susceptibles de rentabilité de court terme, tout en connectant plus directement l’élite de la recherche avec les grands groupes privés.

Avec ses atouts d’exception, le plateau de Saclay est, à vos yeux, le cadre idéal pour réaliser le prototype d’une conception libérale des relations entre la science, l’enseignement supérieur et les intérêts des secteurs privés. Cette réalisation aurait valeur de référence pour l’ensemble du territoire national et valeur démonstrative pour les pays étrangers.

Non seulement une telle soumission de la recherche fondamentale à des intérêts privés de court terme n’est pas admissible, mais, en plus, la valorisation de quelques formations d’élite, qui conduit en réalité à un véritable écrémage, reléguera au second plan les missions de formation de la grande masse des étudiants.

Alors que le Gouvernement désagrège la recherche publique et l’enseignement supérieur, les risques d’un pilotage des activités de recherche centré sur la valorisation économique sont grands. Les outils de recherche publique se trouveront ainsi à la disposition d’entreprises privées, qui, de leur côté, réduisent leurs propres coûts en n’hésitant pas à multiplier les restructurations et les plans de suppressions d’emploi, notamment dans les domaines de la recherche et du développement.

De plus, la pertinence du choix consistant à délocaliser de nouveaux centres de recherche public ou privés, de nouvelles grandes écoles, et de les concentrer sur un périmètre aussi restreint que celui du plateau de Saclay est loin d’être démontrée.

De telles délocalisations pénaliseront lourdement les territoires sur lesquels les structures concernées sont actuellement implantées, participant ainsi à une mise en concurrence des territoires, que nous condamnons, et à un accroissement des inégalités territoriales, que nous combattons. Et qu’allons-nous y gagner ?

Monsieur le secrétaire d’État, en réalité, votre conception d’un cluster fondé seulement sur la proximité géographique relève d’un modèle ancien, totalement inadapté au développement actuel des activités de recherche et des modes de communication modernes. (M. le secrétaire d’État s’exclame.)

En revanche, ce qui est essentiel pour favoriser des mises en synergie, c’est que les différents établissements disposent d’un référentiel commun, d’un langage et d’un vocabulaire partagés et de pratiques de recherche similaires, capables de nourrir des projets communs. Or votre texte reste muet sur tout cela.

Mme Nicole Bricq. Absolument !

M. Bernard Vera. En outre, le projet de regroupement en campus thématiques risque de « casser » des lieux pluridisciplinaires, qui sont pourtant les plus générateurs de créativité et qui sont pourvus d’une communauté scientifique ayant mis des décennies à se constituer et à élaborer des codes.

C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques de ce projet, qui consiste à ne pas tenir compte des réalités et des volontés locales.

En termes économiques, je pense notamment au Parc d’activités de Courtabœuf, où des entreprises à vocation scientifique sont déjà implantées, zone qu’il est impératif de désenclaver.

Je pense également à la vocation agricole du plateau, que vous reconnaissez du bout des lèvres, n’hésitant pas à remettre en cause au cours du débat à l’Assemblée nationale la nécessité de préserver au moins 2 300 hectares de terres agricoles – ce qui fait pourtant l’objet d’un consensus entre tous les acteurs locaux –, afin d’assurer la pérennité de cette activité.

Sur ce point, je me réjouis que la commission spéciale ait réintroduit à l’unanimité cette exigence accompagnée d’une localisation précise du périmètre sanctuarisé.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Merci !

M. Bernard Vera. Par ailleurs, votre projet ignore les dynamiques impulsées par les élus locaux. Par exemple, en termes d’urbanisation, les disponibilités foncières qui existent dans l’ensemble des plans locaux d’urbanisme, les PLU, des communes concernées sont suffisantes pour répondre aux besoins diversifiés de logements, notamment de logements sociaux, tout en réalisant l’équilibre habitat-emploi et en économisant les espaces agricoles du plateau.

Pour les transports, toutes les parties auditionnées sont unanimes : l’urgence est à la rénovation des réseaux existants, prioritairement les lignes du RER, et au déploiement d’infrastructures de proximité – il s’agit du tram-train, du tramway ou des lignes de bus en site propre – permettant des déplacements rapides, pour les populations qui y travaillent ou qui y habitent, et évitant d’aggraver l’engorgement du réseau routier.

De tels projets sont inscrits dans le plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France adopté par la région et les départements franciliens, et leur réalisation est prioritaire.

Le respect des volontés locales exprimées par les communes et leurs groupements, par les conseils généraux de l’Essonne et des Yvelines ainsi que par la région d’Île-de-France est une condition impérative pour permettre au pôle d’innovation qui s’étend de Paris à Évry en passant par le plateau de Saclay et au pôle d’Orly de se développer sans accroître les inégalités territoriales et en favorisant la coopération avec les territoires voisins.

La création d’un établissement public, où l’État aura une place prépondérante et dont les prérogatives s’exerceront au détriment des compétences des collectivités territoriales, est contraire à une telle exigence. De même, la création d’un syndicat mixte des transports se substituant au STIF ne peut que nuire à la cohérence des infrastructures de transports dont ce territoire a besoin.

M. Bernard Vera. Monsieur le secrétaire d’État, votre projet fait naître beaucoup d’inquiétudes.

Par exemple, la présence d’une gare d’un métro automatique à haut débit, particulièrement adapté à des zones urbaines denses, desservant des centaines d’hectares agricoles, nous fait craindre le pire pour l’urbanisation future du plateau. De même, la délocalisation très coûteuse de l’université de quelques kilomètres nous conduit à nous interroger sur les risques de spéculation immobilière que ce déplacement provoquera.

Une autre logique est pourtant possible. Une logique qui consiste à s’appuyer sur les politiques publiques locales, coordonnées à l’échelle de la région, et qui tend à répondre aux besoins des populations, en termes d’égalité d’accès à l’emploi, au logement, aux transports et aux services publics en général. Une logique qui vise à l’articulation entre l’indépendance de la recherche et la nécessité qu’elle féconde tous les secteurs sociaux, économiques, culturels et environnementaux. Une logique qui renforce l’équilibre existant sur ce territoire entre les activités scientifiques et les activités agricoles, dans une perspective de développement durable et solidaire.

Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, nous n’adhérons pas à votre projet concernant le plateau de Saclay et nous défendrons, par nos amendements, une autre vision de son avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre débat est organisé en urgence.

Oui, il y a urgence ! Il y avait urgence hier, il y a urgence aujourd’hui, il y aura urgence demain. La compétition mondiale ne nous attend pas.

Les retards pris doivent être rattrapés, les problèmes du jour doivent être traités et il faut anticiper sur ceux de demain.

Pour autant, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Et puisqu’il y a retard sur ce débat, il fallait d’urgence l’ouvrir, et il faut le traiter complètement.

Heureusement, bâcler, ce n’est pas le genre de notre rapporteur, Jean-Pierre Fourcade.

M. Denis Badré. Et ce ne fut évidemment pas le choix de notre commission spéciale, qui s’est mise au travail sous l’autorité éclairée de son président, Jean-Paul Emorine. Elle l’a fait dans le calendrier contraint imposé, mais avec toute l’ardeur possible. Le sujet en valait la peine. Les défis à relever ne pouvaient pas nous laisser attentistes.

Le travail accompli en deux mois et la passion qu’y a mis notre commission attestent, je le crois, de notre volonté unanime d’aller vite et loin. (M. Jean Desessard s’exclame.)

Notre Haute Assemblée aura apporté une contribution majeure au texte. Nous commençons à être vraiment dans le sujet, à en mesurer la complexité et à en maîtriser nombre d’aspects. Et c’est là que, du fait de l’urgence, l’élan va être cassé. À l’issue de la commission mixte paritaire, ce sera terminé. C’est bien dommage ! Vus les retards accumulés, nous n’en étions plus à un quart d’heure près. Une navette aurait à coup sûr enrichi le texte.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est vrai !

M. Denis Badré. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a fait ici un choix que je regrette. Il va vous falloir trouver une manière de poursuivre le débat…

M. Jean-Pierre Caffet. Quel débat ?

M. Denis Badré. … en conservant l’élan acquis.

M. Denis Badré. La récente campagne électorale a donné le fâcheux sentiment que le débat pouvait se résumer à un règlement de compte politicien entre un État UMP et une région PS promoteurs de deux stratégies différentes.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est le cas !

M. Jacques Mahéas. Le Gouvernement veut museler le PS !

M. Denis Badré. Aujourd'hui, il appartient à l’un et à l’autre de montrer que leur posture n’était pas de circonstance et qu’ils sont déterminés à sortir d’un face-à-face paralysant pour retrouver le chemin d’un partenariat actif. Peut-être auront-ils besoin du Centre pour cela... (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Nicolas About. Peut-être !

M. Denis Badré. C’est d’ailleurs beaucoup plus largement encore que notre débat doit être fédérateur. Il ne faut pas seulement amener l’État et la région à se parler. Nous aurons fait œuvre utile si Franciliens et provinciaux comprennent qu’il s’agit d’un débat national, et même européen, que les enjeux d’aménagement de notre territoire dont il s’agit ne peuvent laisser indifférents ni les uns ni les autres. D’ailleurs, ne sommes-nous pas tous des élus « nationaux » ?

Derrière nos collègues normands, qui sont directement intéressés, et le président Jean-Paul Emorine, dont l’engagement personnel est porteur de sens, il me paraît souhaitable que nous nous mobilisions tous sur ce sujet déterminant pour l’avenir du pays.

M. Jean-Pierre Caffet. Nous sommes mobilisés !

M. Denis Badré. Vider la province au profit de Paris serait aussi absurde que de refuser au Grand Paris les moyens nécessaires pour s’imposer sur la scène mondiale, au bénéfice de ses habitants comme de l’ensemble de nos compatriotes.

Je le précise au passage, c’est dans cet esprit que l’Alto-séquanais que je suis est membre du groupe sur les zones enclavées qui vient d’être lancé par notre collègue Pierre Bernard-Reymond. Nous sommes tous peu ou prou à la fois « enclavés » et « franciliens ».

M. Nicolas About. Très bien !

M. Denis Badré. Dans la même perspective, il nous faut poser et traiter, sans les caricaturer et pour les dépasser, les problèmes qui peuvent opposer l’est et l’ouest de notre région – n’est-ce pas, Philippe Dallier ? –, Paris intra-muros, la petite et la grande couronne – n’est-ce pas, Nicolas About ? –, voire opposer telle ou telle de nos intercommunalités ou de nos communes entre elles.

Nous avons ici une occasion exceptionnelle de fédérer et de travailler ensemble. C’est un excellent exercice pour les Français, dont ce n’est pas le penchant naturel…

Pour progresser durablement, il faut également, me semble-t-il, éviter plusieurs écueils.

Éviter d’abord toute recentralisation, car c’est une tentation constante de la France jacobine.

M. Jacques Mahéas. C’est raté !

M. Denis Badré. On ne biaise pas avec le principe de subsidiarité !

Mme Nicole Bricq. C’est pourtant ce que fait le projet de loi !

M. Denis Badré. Éviter ensuite de compliquer encore une organisation déjà lourde et peu lisible.

M. Jacques Mahéas. C’est raté aussi !

M. Denis Badré. Il y a déjà RFF, la SNCF, la RATP, le STIF et maintenant la Société du Grand Paris rien que pour les transports !

Éviter enfin d’aller vers une spécialisation des territoires, qui concentrerait par exemple les entreprises à la Défense, la science à Saclay et les logements ailleurs. Pour que chaque territoire soit vivant, il faut pratiquer à toutes les échelles une mixité bien tempérée.

Je note ici que l’intercommunalité est un très bon instrument de cette mixité. Une communauté d’agglomération – n’est-ce pas, Jean-Pierre Fourcade ? – peut construire son projet en visant le meilleur équilibre logement-emploi-transport. Autant les très grands équipements structurants, comme l’Opéra, le grand stade ou, bien sûr, les aéroports, doivent se concevoir à l’échelle du Grand Paris, autant l’équilibre d’ensemble du Grand Paris ne peut être recherché qu’à travers celui de chacune de ses parties. Les intercommunalités seront donc des acteurs majeurs pour le Grand Paris. Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant. Je le dis donc fermement.

Pour éviter ces écueils, c'est-à-dire la recentralisation, la complexification et la spécialisation, il faudra bien parler de « gouvernance », et pas trop tard ! C’est dès la conception du projet qu’il faut dire comment celui-ci sera mis en œuvre et comment il sera financé. Jean-Pierre Fourcade a fort justement insisté sur ce point.

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà du texte que nous examinons aujourd'hui, « le projet » du Grand Paris, tel qu’il nous avait été présenté, a pu être perçu, très caricaturalement, par certains comme étendant la compétence du préfet de police à la petite couronne, comme créant un « Grand huit » pour répondre à l’attente en matière de transports et comme structurant le mouvement engagé sur le plateau de Saclay pour donner à l’ensemble une caution scientifique.

L’existence d’une telle caricature peut amener une réflexion. Le sujet étant vaste et complexe, il fallait entrer dans le débat. Vous l’avez fait ! Il faut également maintenant identifier votre projet et lui donner une âme, en proposant très vite quelques images concrètes.

J’ai cherché quels emblèmes pouvaient effacer la caricature. Reprenant les trois points de celle-ci, c'est-à-dire la question du préfet de police, celle des transports et celle de Saclay, je propose trois emblèmes.

Premier emblème : un Parisien peut traverser le périphérique, même, et peut-être surtout, s’il est préfet de police. Les truands le font bien. Sachons décloisonner et unir Paris, la petite et la grande couronne.

Le deuxième emblème est la priorité aux transports.

Entrer dans le triptyque «  logement-emploi-transport », clé d’un aménagement durable du territoire, par le côté « transport » est une bonne manière de « plonger » dans le débat.

Encore faut-il, pour être alors crédible, être animé d’une véritable volonté de ne pas en rester là et chercher à relier assez rapidement le volet « transport » à l’emploi et au logement. La commission s’y est employée. Elle doit poursuivre dans cette voie, car elle est loin du but !

Pour être crédible, il faut également poser concrètement le problème crucial des transports, annoncer ce qui sera réalisé, à quelle échéance et avec quel financement.

L’usager du réseau actuel n’a pas besoin d’être sensibilisé au sujet. Il l’est déjà et, malheureusement, de façon très négative, notamment s’il fréquente le RER B, les lignes 13 ou 14 du métro ou la gare Saint-Lazare.

Il subit tous les jours le fait que les renforcements rendus nécessaires par une forte et régulière augmentation du trafic ne suivent pas. Le transfert amorcé du transport individuel vers le transport collectif est une bonne chose, à condition d’allouer les moyens nécessaires.

Si de très importants renforcements sont de première et d’absolue nécessité, il faut également combler les lacunes flagrantes : prolongation d’EOLE à l’Ouest, désenclavement de Roissy ou de Saclay, ouverture d’une gare TGV à Orly et à La Défense, pour ne citer que quelques exemples.

Si nous voulons éviter de nous retrouver demain face aux mêmes difficultés qu’aujourd'hui, mais amplifiées, il est indispensable d’anticiper sur les besoins du futur. C’est par là que vous avez choisi de commencer, monsieur le secrétaire d'État.

Notre grande préoccupation aujourd'hui concerne, vous l’avez compris, la coordination dans le temps et le financement de l’effort à réaliser en faveur de ces trois horizons : renforcement, couverture des lacunes, préparation de l’avenir.

Il est clair, en tout cas, que nous contenter de répondre à l’usager exaspéré d’aujourd’hui qu’il pourra disposer dans quinze ans d’un « Grand huit », fut-il rapide et automatique, relèverait de la provocation.

J’en viens à mon troisième emblème. Mettre le projet sous le signe de la recherche et de l’enseignement supérieur s’imposait dès lors qu’il était question de compétitivité. Alors, allons au bout de la démarche. Faisons un véritable emblème de cette priorité à la recherche en branchant d’emblée le plateau de Saclay sur le très haut débit.

Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes passionnés par notre débat, car il s’agit d’un vrai sujet, d’un immense sujet.

Nous ferons œuvre utile dès cette première étape, s’il s’agit bien d’une première étape, en ayant des idées claires sur la question générale du devenir du Grand Paris, de sa place et de son rôle dans le monde comme dans notre pays.

M. Jean-Pierre Caffet. Vous y croyez ?

M. Denis Badré. Je souhaite donc que ce débat soit le plus ouvert possible, car je suis certain que nous saurons en séance travailler tous ensemble, monsieur le secrétaire d'État, comme nous l’avons fait en commission. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur plusieurs travées de lUMP.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’histoire de l’aménagement du territoire en Île-de-France est marquée par un désengagement progressif financier de l’État, dans le cadre des contrats de plan puis des contrats de projet, contribuant à l’accroissement des inégalités sociales et territoriales en matières d’emploi, de logement et de transports collectifs.

Les opérations d’intérêt national, les OIN, lancées sur le territoire francilien ont ensuite progressivement annoncé le retour de la volonté de l’État de s’impliquer dans l’aménagement du territoire de la région.

Dans le Val-de-Marne, avec l’OIN Orly-Rungis-Seine Amont, nous avions appréhendé positivement ce retour de l’État, considérant qu’il se traduirait par des investissements publics plus importants, indispensables à un nouvel élan pour notre territoire, dans le respect de la démocratie locale.

Malheureusement, le texte issu des travaux de la commission spéciale du Sénat sur le Grand Paris reste marqué par la philosophie générale de votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État. La dimension globalement unilatérale du projet de métro automatique en rocade confère, en effet, à l’État et à la Société du Grand Paris la quasi-totalité des moyens de définition et de réalisation de l’infrastructure et des noyaux urbains autour des gares.

Or tout porte à croire que la puissante logique opérationnelle mise en place, associée à la recherche de plus-values foncières et immobilières, risque d’accentuer les inégalités et les déséquilibres.

En périphérie des périmètres définis dans le cadre des contrats de développement territorial, vous prenez le risque de rejeter une nouvelle fois les populations modestes et les activités économiques les moins rentables.

Votre projet comporte un risque réel de ségrégation accrue et de développement à plusieurs vitesses alors même que le but d’une infrastructure nouvelle telle qu’un métro traversant le territoire francilien en rocade doit être de créer un effet d’entraînement bénéficiant à l’ensemble du territoire.

C’est précisément l’objet du projet de rocade de métro en proche couronne, Arc Express, porté par la région d’Île-de-France via le schéma directeur, étroitement lié au plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France.

Ce plan de mobilisation, doté de quelque 18 milliards d’euros pour les transports en commun sur les dix ans à venir, est le plus ambitieux depuis la création du réseau express régional dans les années soixante-dix. Le plus ambitieux, non seulement en termes de moyens, mais encore et surtout parce qu’il place au premier rang de ses priorités la modernisation et la rénovation des lignes existantes.

À la tête du STIF depuis 2006, M. Jean-Paul Huchon, nouvellement réélu président de la région d’Île-de-France a réussi à obtenir l’engagement des départements franciliens, de la ville de Paris et du STIF pour cofinancer ce plan.

À ce titre, il est invraisemblable que l’État refuse de s’engager financièrement dans la mise en œuvre de celui-ci.

Le texte résultant des travaux de la commission spéciale sur le Grand Paris tente de nous faire croire qu’il permettra une articulation des travaux de la Société du Grand Paris avec le plan de modernisation des transports en Île-de-France issu d’une concertation générale avec l’ensemble des représentants des collectivités territoriales.

Mais l’État, par l’intermédiaire de l’amendement de M. Pozzo di Borgo intégré au texte de la commission, supprime purement et simplement le débat public engagé sur le projet Arc Express !

Mme Catherine Tasca. Inadmissible !

M. Jean-Pierre Caffet. C’est un scandale !

M. Serge Lagauche. Nous considérons que cette suppression constitue ni plus ni moins un rejet d’Arc Express !

Mme Nicole Bricq. Tout à fait !

M. Serge Lagauche. Une fois de plus, la majorité sénatoriale nous fait part de sa bien curieuse conception de la démocratie locale, témoignant ainsi de l’irrespect qu’elle porte aux projets co-élaborés et votés par l’ensemble des collectivités territoriales franciliennes.

Vous nous proposez un projet de rocade automatique éloigné des lieux de vie qui, en reliant uniquement les principaux pôles économiques franciliens, fait totalement abstraction des besoins réels en matière de déplacements entre le domicile et le travail.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Serge Lagauche. Votre Grand huit est déconnecté des besoins des Franciliens. Contrairement au projet Arc Express qui doit permettre une desserte fine des zones d’habitation et de travail autour de Paris, la rocade en double boucle desservira des gares éloignées les unes des autres.

Or un réseau de transport tel que celui-ci doit d’abord améliorer les déplacements entre le domicile et le travail. C’est précisément l’objet d’Arc Express qui, pour un moindre coût – 9,6 milliards d’euros contre plus de 21 milliards d’euros pour la double boucle – prévoit davantage de gares dans des territoires fortement urbanisés et permet donc de desservir un maximum d’habitants et d’emplois.

Un consensus s’était d’ailleurs dégagé au sein de la commission spéciale présidée par notre collègue M. Gilles Carrez pour mettre en œuvre et financer prioritairement le plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France, qui inclut le projet Arc Express.

Nous ne sommes pas hostiles au principe d’une grande boucle autour de Paris, mais il est évident que ce n’est pas la priorité (Mme Nicole Bricq acquiesce.) tant les Franciliens sont avant tout en attente d’un meilleur fonctionnement des transports actuels.

Si je prends l’exemple de mon département, le Val-de-Marne, le projet de métro automatique Orbival, qui, après concertation, a été intégré au projet Arc Express de la région, doit permettre de faciliter les déplacements à l’intérieur du département en le traversant d’Est en Ouest.

En correspondance avec les lignes de RER et trois lignes de métro, Orbival vise à connecter le Val-de-Marne à l’ensemble du territoire régional. Voilà comment, concrètement, contribuer au rééquilibrage entre l’est et l’ouest du département, et ainsi le relier à Marne-la-Vallée.

En raccordant les principaux pôles d’activité et d’emploi, il s’agit, avec Orbival, de créer des synergies de développement au sein des différentes filières économiques du département. Les trajets entre le domicile et le travail seront raccourcis grâce au rapprochement des bassins de vie et des secteurs économiques.

Face à la création d’un établissement public sur le plateau de Saclay, observons le rapprochement de l’université Paris XII et de l’université de Marne-la-Vallée, récemment réunies sous la bannière Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne. Cet ensemble possède tous les atouts pour égaler des centres universitaires internationaux en termes de conditions de vie et de travail des chercheurs et des étudiants. (Mme Nicole Bricq opine.)

Avec actuellement 45 000 étudiants dont 15 000 en master et 1 300 en doctorat, avec 1 300 enseignants, 1 600 chercheurs et enseignants-chercheurs, dont près des deux tiers en sciences exactes, l’Université Paris-Est doit être soutenue pour créer à l’Est un grand pôle industriel et scientifique consacré à la construction, à la maintenance et aux services de la ville durable, sans oublier le pôle médical international du CHU Henri-Mondor à Créteil. (Mme Nicole Bricq opine de nouveau.)

Il faut penser la complémentarité entre le site de Saclay et celui de l’Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne.

Saclay fait partie de la métropole parisienne. Il est plus que jamais nécessaire de développer des coopérations internes à l’Île-de-France. Or le grand emprunt va continuer à privilégier le site de Saclay déjà fortement doté.

À Créteil comme à Marne-la-Vallée et à la Cité Descartes, le processus de développement peut être engagé tout de suite. Une nouvelle dynamique est manifestement en route. Il existe un fort consensus entre tous les acteurs : élus, universités, grandes écoles, aménageurs, chambres de commerce. Veillons néanmoins à éviter l’hyperspécialisation des sites académiques dans la logique des pôles d’excellence.

M. Serge Lagauche. N’oublions pas d’assurer un enseignement supérieur de base de qualité permettant l’éclosion de nouveaux chercheurs.

La mise en relation de l’OlN Orly-Rungis-Seine Amont avec Marne-la-Vallée, les efforts du conseil régional d’Île-de-France, du conseil général du Val-de-Marne, de la communauté d’agglomération de la Plaine  centrale du Val-de-Marne et de la Ville de Créteil ont permis le regroupement des principales composantes de l’Université Paris-Est sur des sites proches.

Sur les deux sites de Créteil et Marne-la-Vallée, 4 000 logements étudiants sont d’ores et déjà disponibles, mais les besoins n’en sont pas moins considérables.

Plus de 6 000 logements pourraient y être réalisés : 1 800 logements dans la Cité Descartes et autour d’elle, 2 500 logements au Val d’Europe, 1 500 logements autour de Créteil, 500 logements sur le domaine Chérioux à Vitry-sur-Seine.

Il faut développer d’urgence un plan de construction de logements étudiants, en concertation avec les municipalités et en y associant des bailleurs publics et privés.

Comment peut-on penser une ville-monde si elle n’est pas une ville à vivre ?

Une fois de plus, l’argent ira à l’argent : 850 millions d’euros seront versés au plateau de Saclay dans le cadre du plan « Campus ».

Dans le même temps, vous préparez une desserte sur mesure pour le quartier d’affaires de La Défense. Mais le texte ne prévoit rien, ou si peu, pour répondre à la demande de logement social.

En résumé, le projet de loi ne permettra d’améliorer ni la qualité de vie des Franciliens ni la solidarité entre les territoires.

Au mieux, le projet de métro automatique en double boucle permettra-t-il aux millions de salariés modestes résidant à l’est de Paris de rallier La Défense et ses futurs tours jumelles au sujet desquelles la presse évoque la construction de quelques logements de très grand standing à 12 000 euros le mètre carré, sans oublier le prix du mètre carré pour les entreprises, qui est dix fois plus cher à l’Ouest qu’à l’Est !

Il y a là une injustice qu’un projet global pour le Grand Paris ne peut éluder. Ce texte sera-t-il l’occasion manquée de traiter en priorité la question fondamentale du nécessaire rééquilibrage entre l’Est et l’Ouest, en termes de logement, d’emploi et de transport ?

Ce triptyque est indissociable pour faire du Grand Paris une métropole à vivre.

Nous ne sommes pas opposés par principe à un projet de métro automatique en double boucle. Mais les priorités sont ailleurs. C’est tout le sens des actions planifiées sur une période de vingt-cinq ans dans le cadre du SDRIF. Le Gouvernement doit cesser d’en bloquer la mise en œuvre et agir de concert avec l’ensemble des collectivités territoriales franciliennes. On ne transforme pas le présent et l’avenir d’une région sans ses élus, encore moins sans la prise en compte des besoins de ses habitants.

Monsieur le secrétaire d’État, que les pleins pouvoirs que va vous donner la loi ne vous fassent pas oublier de tenir compte des avis des élus, de la population et des architectes, même si cela fait perdre un peu de temps pour accomplir le projet du Grand Paris cher au Président de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est d’une importance capitale (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) puisqu’il vise à redéfinir et à redessiner l’espace urbain et socio-économique de l’Île-de-France, et plus largement celui de notre pays.

Il ne concerne pas uniquement l’avenir des 11 millions de Franciliens, il concerne celui des 65 millions de Français.

Comme vous l’avez démontré, et comme cela a été fort justement complété par M. le rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, dont je salue le formidable travail, ce texte répond à la volonté forte du Président de la République de définir un nouveau modèle de développement.

Il pose les bases pour permettre à notre pays et à la Ville lumière, Paris, de continuer à rayonner sur le XXIe siècle.

Il est de notre responsabilité d’élus de répondre aux attentes fortes et légitimes de nos concitoyens.

Nous devons, au-delà des plans d’architectes, des schémas administratifs et des mécanismes de gouvernance, rendre compréhensible pour chacun les avancées offertes par ce projet et par les réalisations concrètes qui auront une incidence sur leur vie quotidienne.

C’est pourquoi je souhaiterais aujourd’hui mettre plus particulièrement l’accent sur deux facettes du projet de loi, qui sont, à mes yeux, révélatrices de la façon dont le Grand Paris pourra transformer le quotidien de nos concitoyens.

Tout d’abord, ce projet de loi fournit, monsieur le secrétaire d'État, des outils techniques et juridiques qui devraient permettre d’avancer rapidement dans la réalisation des chantiers prioritaires, notamment pour concilier l’urgence des transports publics et les contraintes du développement urbain.

Je pense ici aux contrats de développement territorial signés entre les communes et l’État, qui définissent les objectifs d’intérêt général en matière de développement économique, d’aménagement urbain, de logement et de déplacements.

Je suis, en tant qu’élue parisienne, particulièrement attentive à ce que le projet de loi prenne en compte les réalités des flux de déplacements et permette d’améliorer les dessertes de la zone centrale, Paris, qui concentre à elle seule 90 % des trajets en Île-de-France.

Le prolongement de la ligne 14 au Nord, vers la mairie de Saint-Ouen, et les nouvelles possibilités d’interconnexions qu’il apporte, constitue dans ce cadre une réelle avancée.

La gare de la porte de Clichy doit être rénovée et agrandie pour accueillir la liaison METEOR, et pour organiser l’interconnexion avec le RER C.

Le futur tracé doit non seulement permettre d’améliorer la desserte de ce secteur très peuplé, mais également constituer le futur « poumon » du nouvel aménagement des terrains Clichy-Batignolles. Pas moins de 25 000 personnes viendront, à terme, vivre et travailler dans ce secteur. Ce projet constitue l’une des dernières opportunités d’aménagement foncier dans Paris intra-muros et va permettre de « recoudre » le territoire, en reliant la plaine Monceau aux Batignolles et aux Épinettes.

Sur cet emplacement, le plus grand « éco-quartier » de Paris doit voir le jour : un parc de dix hectares, 3 000 logements, des équipements scolaires, des commerces, des bureaux et, bien sûr, la future cité judiciaire annoncée par le Président de la République dans son discours sur le Grand Paris.

Les perspectives de développement autour de la future gare de la porte de Clichy sont donc très nombreuses. Ce secteur stratégique mérite assurément une volonté politique et une action forte des différents acteurs. Monsieur le secrétaire d’État, à plusieurs reprises, le maire du 17e arrondissement de Paris vous a fait part du souhait que ce territoire fasse l’objet d’une réflexion, menée notamment par les dix cabinets d’architectes, et soit pris en compte dans le cadre de la loi.

Dans la continuité de ce qui a déjà été engagé, je demande donc solennellement aujourd’hui qu’un contrat de développement territorial soit conclu entre l’État et la Ville de Paris, et ce dès l’entrée en vigueur de la présente loi, dans les conditions énoncées à l’article 18. Je souhaite également attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité d’associer pleinement la municipalité et la mairie d’arrondissement à la réalisation de ce projet de grande ampleur, qui transformera en profondeur le visage du 17e arrondissement.

Le second point que je souhaite mettre en valeur concerne les métiers de l’artisanat d’art et de la création.

En effet, au sein des huit grands pôles d’activité définis dans le projet, figure, sur le secteur de la Plaine Saint-Denis, l’implantation et le développement d’un « territoire de la création ».

Ce pôle, qui s’appuiera sur le très riche « tissu » existant d’entreprises, d’artistes et de créateurs, ambitionne de devenir une référence mondiale de l’innovation, sur des secteurs porteurs de croissance et d’attractivité, comme les nouvelles technologies ou les industries du divertissement.

Parallèlement à ce cluster de la création high-tech, les travaux engagés par la mission territoriale ont également permis d’identifier les nombreux savoir-faire traditionnels qui existent sur ce territoire et qu’il convient de fédérer.

Ainsi, il nous faut encourager la création d’un centre de l’artisanat d’art sur « l’îlot du cygne » au cœur de la ville de Saint-Denis. La réhabilitation de cet espace de 6 000 mètres carrés, situé en plein centre historique, permettra de développer la vocation économique et touristique de ce territoire. Ce centre favorisera également l’emploi et l’insertion professionnelle des jeunes avec, par exemple, la transmission de métiers rares comme ceux du bronze.

Je soutiens également le projet de modernisation des puces de Saint-Ouen autour des métiers de la restauration et de la création contemporaine. La rénovation de ce lieu emblématique, autour d’une « résidence d’artistes » et d’un centre de la création, où pourront collaborer les designers et les étudiants de l’école des Beaux-arts de Saint-Ouen, est tout à fait souhaitable.

Ces projets très concrets démontrent assurément l’utilité du Grand Paris et sa valeur ajoutée en tant que catalyseur d’énergies autour de réalités bien tangibles sur nos territoires, en faveur de l’emploi, de la formation de nos jeunes ou encore de la culture. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous présenter de façon plus approfondie les perspectives de développement de ce pôle de la création et le calendrier prévisionnel de leur mise en œuvre ?

Pour conclure, ce texte ambitieux exploite parfaitement les atouts existants du territoire francilien et les place dans une perspective de développement équilibré, rationnel et durable. Il répond efficacement à la vision dynamique exprimée par le Président de la République, pour notre capitale, pour la région d’Île-de-France et pour notre pays. Je lui apporterai donc tout mon soutien. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

Mme Catherine Tasca. C’est du violon !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (M. Hervé Maurey applaudit.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’analyse de ce texte primordial, largement amélioré par les travaux de la commission spéciale et par ceux de notre collègue rapporteur Jean-Pierre Fourcade, m’inspire une appréciation positive.

Ce projet de loi est la première pierre d’un édifice ambitieux sur le long terme, non seulement parce qu’il tente de projeter Paris au rang des grandes métropoles mondiales, mais aussi parce que le futur Grand Paris transcende les frontières de l’actuelle « agglomération parisienne » ou de la région d’Île-de-France.

Si la finalité de ce texte est ambitieuse, les dispositions sur lesquelles nous allons débattre sont en revanche plus pragmatiques : elles prévoient la création d’un réseau de transports reliant les espaces périphériques entre eux et le développement d’un pôle scientifique d’ampleur inégalée à Saclay. Ces deux projets structurants forment l’armature sur laquelle reposeront les autres projets économiques, politiques et humains ; en découlent les autres dispositions largement commentées par mes collègues Yves Pozzo di Borgo et Denis Badré, je ne m’y attarderai donc pas : la création de la Société du Grand Paris, de l’établissement de Paris-Saclay et les contrats de développement territorial. Je les vois essentiellement comme autant d’outils juridiques et de gouvernance, servant l’efficacité de la mise en œuvre des deux projets.

Si je trouve la structure du projet de loi satisfaisante, je souhaiterais cependant attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur l’une de ses faiblesses actuelles.

En termes géographiques, avec mes collègues du groupe de l’Union centriste Jean-Léonce Dupont et Hervé Maurey, je suis vigilante à la manière dont le Grand Paris est amené à s’ouvrir sur la Normandie, afin de bénéficier d’une « façade maritime » voulue par le Président de la République. (Mme Dominique Voynet s’exclame.)

« À son désavantage, la capitale française est continentale », remarquait Fernand Braudel dans L’identité de la France. Il est certain que, si la métropole parisienne veut rester demain dans le peloton restreint des métropoles de rang mondial, elle doit se donner les moyens de maîtriser la puissance des flux commerciaux : cette volonté lui commande de se connecter à sa façade maritime.

Voilà pourquoi, en tant que Normande, j’ai été surprise, ainsi que plusieurs de mes collègues, de l’absence de référence à cette façade maritime dans le projet de loi initial. Le travail réalisé par la commission spéciale, et notamment l’apport de mon collègue de Seine-Maritime Charles Revet, a heureusement permis de soulever certaines questions, dont celle de la liaison entre Paris et la Normandie, tant pour le transport à grande vitesse de voyageurs…

M. Charles Revet. Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly. … que pour le transport multimodal de marchandises à partir du Havre. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen de l’article 2.

La réflexion sur le Grand Paris, monsieur le secrétaire d’État, doit absolument rejoindre la réflexion menée aujourd’hui par les deux Normandies. Je rappelle d’ailleurs que l’autre ambition lancée par le Président de la République lui-même était bien la réunification de ces deux mini-régions, arbitrairement séparées au début des années 1950. En effet, si la Seine est bien une artère stratégique de ce projet, n’oublions pas qu’elle se jette dans la mer en Haute-Normandie et en Basse-Normandie.

Le projet Seine Métropole, fort intéressant, ne saurait ainsi se résumer à envisager le fleuve comme un simple couloir de transit des marchandises et des savoirs vers le Havre, ni à faire de la Seine-Maritime, et, du coup, l’ensemble de notre région, la banlieue périphérique de la capitale.

Le « grand pari », sans « s », pour reprendre la formule d’Antoine Grumbach, doit reposer sur la mobilisation de tous les acteurs. Celle-ci permettra non seulement de développer l’axe de la Seine autour d’un projet éco-responsable qui concernera les deux ports maritimes de Rouen et du Havre, mais aussi de valoriser les atouts d’une Normandie réunifiée autour du réseau Rouen-Caen-Le Havre. Ainsi, des projets d’envergure, comme la ligne ferroviaire pour le TGV normand, pourront être réalisés. Avec le Grand Paris, c’est tout autant le développement stratégique de ce territoire, dans toutes ses dimensions – transports, économie, universités, culture... – qu’il faudra prendre en compte.

Sur ces questions, les Normands sont déterminés à ne pas laisser passer cette opportunité, de même qu’ils sont résolus à ce que tous les atouts de nos ports soient exploités : après la crise, lorsque la mondialisation sera relancée, ceux-ci sont amenés constituer une porte d’entrée majeure de l’Europe, concurrente des ports hanséatiques.

Pour nous, le Grand Paris, vous l’aurez compris, appelle la grande Normandie et réciproquement ! Celle-ci, croyez-le bien, a beaucoup à apporter, elle aussi, au développement du territoire francilien en termes d’opportunités.

Pour être une bonne locomotive de l’économie française et européenne, monsieur le secrétaire d’État, le Grand Paris doit accrocher le plus grand nombre de wagons. Nous ne doutons pas que vous y serez particulièrement vigilant ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Angels. Monsieur le secrétaire d’État, votre projet de loi est démocratiquement inquiétant. (M. Nicolas About s’exclame.) Il marque un stupéfiant recul de la décentralisation. Avec le Grand Paris, vous tournez le dos à plus de trente années de progression des libertés locales : aucune concertation avec les élus locaux, les habitants, le conseil régional !

M. Charles Gautier. Tout à fait !

M. Bernard Angels. Pour vous, « l’organisation de la République est décentralisée », sauf en Île-de-France !

M. Bernard Angels. Votre projet est financièrement hasardeux : en dépit de vos efforts, vous n’arrivez toujours pas à nous présenter des pistes de financement crédibles.

M. Christian Blanc, secrétaire d’État. Et Arc Express ?

M. Bernard Angels. Certes, vous annoncez, comme à votre habitude, la création de nouvelles taxes, mais nous ne savons toujours pas comment vous parviendrez à rembourser les 21 ou 25 milliards d’euros dont vous avez besoin.

Je voudrais surtout vous convaincre que votre projet est aussi, et c’est là le plus préoccupant, socialement et territorialement injuste.

Vous prétendez promouvoir le développement et le rayonnement de la région-capitale, mais vous ignorez les outils de cohésion sociale et territoriale que des élus légitimes ont patiemment élaborés : je veux parler, bien évidemment du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, et du plan de mobilisation des transports. Ces documents sont le fruit d’un travail de longue haleine et d’une réelle concertation entre la région, les autres collectivités locales et les Franciliens. Ils ont été largement approuvés par les électeurs, voilà quelques semaines !

Le SDRIF, que le Gouvernement n’a toujours pas transmis au Conseil d’État, veut promouvoir un aménagement du territoire francilien plus harmonieux et plus cohérent. Il veut contribuer à résorber les inégalités sociales et territoriales et mettre notre région à l’heure du développement durable. Plutôt que d’attendre d’hypothétiques retombées résultant de la mise en place d’un réseau de transports à l’horizon des années 2020, le SDRIF fixe des objectifs concrets : la construction de 60 000 logements par an pendant 25 ans et, à terme, un taux de 30 % de logement locatif social.

Quant au plan de mobilisation des transports, il a l’ambition de rattraper le retard accumulé ces trente dernières années, alors que l’État avait la responsabilité des transports en Île-de-France. Pour y parvenir, la région et l’ensemble des départements franciliens ont su s’accorder sur le financement de ce plan, mais vous n’en tenez pas compte. Pis encore, vous dépouillez le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, auquel vous aviez pourtant transféré la gestion des transports franciliens il y a six ans !

En ignorant les orientations définies par le conseil régional, le Gouvernement bloque un processus de développement mûrement réfléchi et méprise, par la même occasion, la voix des Franciliens, qui ont été consultés pour son élaboration.

Vous prétendez faire du réseau de transports en Île-de-France un levier pour le développement de la région, mais vous négligez le quotidien et l’urgent : l’amélioration des infrastructures existantes et le renforcement des premiers pôles d’attractivité.

Il est indispensable de commencer par améliorer les conditions actuelles de mobilité des personnes et vous savez que les attentes sont fortes dans ce domaine. L’amélioration du réseau de la grande couronne et celle des liaisons de banlieue à banlieue, voilà une priorité absolue ! Vous faites semblant de l’ignorer.

Dans le département du Val-d’Oise, l’ensemble des élus souhaitent vivement la réalisation du barreau ferroviaire de Gonesse, qui permettrait de relier les lignes D et B du RER. Nous voulons également une liaison structurante entre Cergy et le pôle aéroportuaire de Roissy, car il s’agit là d’un axe stratégique joignant le nord-ouest et le nord-est de l’Île-de-France. Que faites-vous pour cela ?

Nous préconisons la création d’une liaison entre une gare parisienne et la gare TGV Roissy-Charles-de-Gaulle, porte d’ouverture sur le monde. Nous voulons développer le fret fluvial, entre la confluence Seine-Oise et le futur canal à grand gabarit Seine-Europe. Que prévoyez-vous pour faire émerger ces projets d’avenir ?

Votre projet de loi se veut prospectif et stratégique, mais il délaisse l’urgent et le quotidien. Pis encore, il passe sous silence plusieurs millions d’habitants de la région d’Île-de-France. Je ne prendrai qu’un exemple, celui de mon département, le Val-d’Oise, qui est foncièrement ignoré. (Mme Françoise Laborde opine.)

Votre projet se veut englobant et cohérent. Or le projet de métro automatique ne concerne qu’une partie restreinte de la population active censée rejoindre rapidement des pôles de développement économique, dont certains n’existent pas encore. Que faites-vous de l’autre partie ? Et que faites-vous du Val-d’Oise, qui est le grand oublié du projet de loi ?

D’une part, le projet de création d’une ligne de métro automatique en double boucle ne prévoit pas l’irrigation par ce réseau du Val-d’Oise. Excepté au départ de Roissy-en-France, aucune gare n’est située dans le département. Or vous prétendez que ce projet a vocation à remédier aux inégalités territoriales et, donc, à l’enclavement de nombreuses zones franciliennes telles que la Seine-Saint-Denis et le sud du Val-d’Oise.

D’autre part, le Val-d’Oise risque de se voir scindé en deux : une partie serait valorisée car rattachée au Grand Paris au niveau d’Argenteuil-Bezons et profitant de l’aire d’influence de La Défense, ainsi que de la proximité de la zone de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, et une partie serait laissée à l’écart. Comment expliquez-vous que des gens qui habitent à Sarcelles, Villiers-le-Bel, Garges-lès-Gonesse soient obligés de passer par la gare du Nord pour aller travailler à Roissy ?

M. Bernard Angels. Pourquoi condamnez-vous les habitants de l’est du Val-d’Oise à subir les nuisances de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle sans jamais leur faire bénéficier des avantages ?

M. Jean Desessard. Il faut un vol gratuit !

M. Alain Gournac. Que fait le STIF ?

M. Bernard Angels. Je ne crois pas, en effet, que le Grand Paris puisse se passer d’un département qui compte 1,2 million d’habitants et dont la population, qui est la plus jeune de France, connaît une croissance démographique continue, supérieure à la moyenne de l’Île-de-France.

Je ne crois pas que le Grand Paris puisse se passer d’un département compétitif et dynamique, qui dispose d’un aéroport international.

Je ne crois pas que le Grand Paris puisse faire l’impasse sur un département qui est aussi un pôle touristique unique, avec l’abbaye de Royaumont, le château de la Roche-Guyon, le musée Van Gogh, le musée national de la Renaissance à Écouen, etc.

Le Val-d’Oise a largement contribué au dynamisme de la région : il est pourtant le parent pauvre de votre projet.

Je me résume en deux phrases. Faire un Grand Paris sans écouter la région, c’est absurde ! Faire un Grand Paris sans intégrer le Val-d’Oise, c’est impensable !

Monsieur le secrétaire d’État, ce projet est une grande déception pour les élus de mon département. Il est grand temps de les associer étroitement à votre démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean Desessard. Ah ! Monsieur Dominati, pourquoi l’État intervient-il ?

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tous les présidents de la Ve République se sont impliqués dans le développement de la capitale, mais c’est le Président Giscard d’Estaing qui a réconcilié Paris avec la France en modifiant le statut de la ville afin de permettre, pour la première fois depuis des siècles, l’élection d’un maire. Il faut aussi noter que, sous sa présidence, nous avons procédé aux premières élections des conseils régionaux au suffrage universel.

Le Président Mitterrand, dans un premier temps, a manifesté sa méfiance en voulant morceler la ville en vingt communes autonomes.

Un sénateur socialiste. C’était une erreur !

M. Philippe Dominati. Puis, devant l’indignation des Parisiens et la fronde du Sénat, il a modifié son projet pour associer le statut de la capitale avec celui de Lyon et de Marseille.

M. le président. C’était également une erreur ! (Sourires.)

M. Philippe Dominati. Le Président Chirac, par son accession à la magistrature suprême, alors qu’il était maire de Paris et député de la Corrèze, a démontré que la France n’avait plus rien à craindre de la ville de Paris et que celle-ci était essentielle à la croissance et à la prospérité de notre pays.

Aussi, quand le Président Nicolas Sarkozy, dès le début de son mandat, s’est engagé à développer son projet du Grand Paris, il a répondu à l’ambition de modernité et de dynamisme qui est nécessaire pour une métropole mondiale ayant perdu un peu de son éclat et il avait l’assurance de devoir convaincre pour vaincre les réticences de ses adversaires et de ses amis.

M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas gagné !

M. Philippe Dominati. Son projet suscite beaucoup d’espérances et il semble logique que l’on cherche tout d’abord à en établir les fondations en définissant le périmètre du territoire des populations concernées, la gouvernance qui mettra fin au morcellement provoqué par la multitude des collectivités territoriales, mais qui tiendra de la légitimité électorale, et enfin les caractéristiques du budget alloué à cette collectivité.

Je vous rappelle que le Gouvernement défend cette ambition pour l’ensemble du territoire national avec la réforme des collectivités territoriales, que je soutiens sans réserve, mais qui, malheureusement, ne s’applique pas à Paris dans le texte voté par le Sénat, au prétexte que ces dispositions seront abordées dans le projet de loi relatif au Grand Paris.

Or, malgré l’engagement du Gouvernement, ce projet de loi ne traite aucun des sujets qui sont pourtant incontournables pour donner du crédit et une légitimité à une telle ambition. Le texte proposé ne répond pas à l’exigence politique. Il s’agit d’un texte technique tendant à organiser l’engagement de l’État essentiellement dans deux domaines : les transports collectifs et la recherche scientifique, plus particulièrement sur le plateau de Saclay.

Faute de temps, je consacrerai l’essentiel de mon intervention aux articles concernant les transports collectifs.

J’observe tout d’abord qu’une très forte majorité, dont je ne fais pas partie, associant le Gouvernement, de nombreux membres de la majorité et la totalité de l’opposition (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.) souhaite maintenir coûte que coûte le système qui est en place depuis 1945. Ce système, qui constitue une exception en France, en Europe et qui n’est pratiqué dans aucune des villes-monde que nous évoquons, c’est le monopole exclusif de l’État sur les transports collectifs, pour les uns, au nom de la défense du service public et, pour les autres, au nom de l’efficacité centralisatrice ou du maintien de la paix sociale.

Pourtant, le président de la SNCF, que nous avons récemment reçu à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous a fait part de la réussite incontestable de la réforme des transports régionaux. Dans toutes les régions, même celles où des difficultés de gestion demeurent, tous les acteurs se sont appropriés cette réforme et sont satisfaits. Toutes les régions… sauf une, celle où l’État veut assumer un rôle par le monopole de ses sociétés publiques ! Cela a valu au Parisien que je suis de voir évoqués dans la presse locale des incidents pendant 142 jours durant l’année 2009.

Le Gouvernement a même demandé à Bruxelles une dérogation pour prolonger la durée du monopole public et vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un quatrième établissement public pour résoudre les problèmes que les trois premiers n’arrivent plus à régler.

C’est le choix du Gouvernement et, puisque celui-ci veut agir, il convient tout d’abord d’apprécier s’il s’en donne les moyens.

Avec une dotation initiale de 4 milliards d’euros, vous souhaitez dans un premier temps emprunter plus d’une vingtaine de milliards d’euros d’ici à 2025 pour réaliser le projet du Grand Paris.

Je voudrais vous faire part d’une observation générale, compte tenu de l’état de nos finances publiques. La multiplication des montages de ce type peut permettre à l’État de masquer sa dépendance à l’endettement, qui est de plus en plus mal acceptée par nos concitoyens. (M. Jacques Mahéas opine.) Finalement, sur le plan financier et à quelques unités près, le projet du Grand Paris est un second grand emprunt, décidé quelques semaines après celui qui a été voté par le Sénat en ce début d’année.

Ce schéma est classique. Les pouvoirs publics agissent ainsi depuis trente ans : un capital initial faible, un endettement fort, des ressources induites aléatoires et des frais de fonctionnement générés. Pour le projet qui nous intéresse, ces derniers seront de l’ordre de 7 milliards d’euros.

Il pourrait être utile de rappeler que les engagements de l’État en matière de transports publics en Île-de-France sont rarement tenus, car les estimations financières sont systématiquement dépassées. Cette situation n’est pas anormale tant il est difficile de réaliser des infrastructures en milieu urbain.

En 1992, pour le projet EOLE, les prévisions furent de 950 millions d’euros et il a fallu abandonner la seconde partie du tracé, qui est aujourd’hui reprise, car le montant final atteignait 1,2 milliard d’euros. En 1989, pour le projet METEOR, les prévisions furent établies à 670 millions d’euros, pour des coûts qui dépassèrent finalement 1 milliard d’euros. Lors des auditions de la commission spéciale, le représentant d’une société nous a indiqué que, pour un projet du même type à Hong Kong, les coûts avaient atteint 500 millions d’euros par kilomètre.

Nous percevons donc bien les incertitudes et la complexité que suscitent les transports publics en Île-de-France et il semble souhaitable qu’une vision d’ensemble, inspirée du rapport de M. Gilles Carrez, puisse au préalable en définir les modalités.

En outre, je note que les Franciliens et les entreprises qui les emploient seront à terme sollicités, d’autant que la victoire du candidat socialiste aux dernières élections régionales, avec la redéfinition des zones et les dérogations diverses, se traduira par une augmentation de leur participation.

Monsieur le secrétaire d’État, tout cela m’amène, comme un grand nombre de mes collègues, à vous demander de préciser les engagements de l’État concernant la modernisation et la mise à niveau du réseau existant.

M. Jean-Pierre Caffet. Très bonne question !

M. Philippe Dominati. Le président de la SNCF, pour sa part, estime à 4 milliards d’euros les seuls frais de fonctionnement pour les dix prochaines années. Or la SNCF n’assure qu’un quart du trafic francilien…

Il faudra aussi que nous comprenions l’articulation et la coordination avec le projet Arc Express pour l’est de l’agglomération.

Par ailleurs, si l’État a réussi, avec Roissy-Charles-de-Gaulle, la construction et le développement du plus grand aéroport continental en Europe, il faut combler l’oubli de n’avoir relié cet aéroport international qu’avec le centre de l’agglomération. Après des années d’études, la liaison entre l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle et Paris Est a été initiée et il apparaît clairement qu’elle est incompatible avec le projet de double boucle. Il va falloir renoncer. Le Gouvernement doit faire preuve de clarté sur ce point. C’est son devoir !

Enfin, je constate que rien n’est prévu pour renforcer les infrastructures du cœur de Paris, alors que toutes les études nous conduisent à conclure que, si le nouveau réseau connaît le succès que nous lui souhaitons tous, il entraînera inéluctablement un accroissement très fort sur le barreau central. Or cet accroissement ne peut être absorbé par les infrastructures existantes.

En projetant sa vision d’un Grand Paris, le Président de la République a suscité beaucoup d’espoir, un espoir partagé par les Parisiens, les Franciliens et les habitants du bassin parisien.

Pour votre part, monsieur le secrétaire d’État, vous avez eu la mission d’animer les débats et parfois, faute de débats, la réflexion. Votre projet concerne la prospective ; c’est le projet d’un visionnaire et il est difficilement compatible avec les exigences du quotidien.

Vous l’avez compris, j’aurais préféré que ce premier projet de loi soit un élément fondateur et déterminant du Grand Paris, mais, s’il nous faut commencer par la technicité administrative qui consiste à créer deux établissements publics, alors avançons… Ces établissements seront les outils du Gouvernement et nul ne doute, compte tenu de la durée des projets entrepris, qu’ils évolueront.

Bien que perplexe par rapport à la méthode employée, je préfère l’action à l’immobilisme et, tout au long de ce débat, j’essaierai de vous convaincre, ainsi que mes collègues, des corrections qui me semblent nécessaires pour une évolution moderne et contemporaine de notre ville-monde. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, le Vrai, le Beau, le Grand... et même le Juste ! Le Président de la République n’était pas à court de superlatifs pour son discours du 29 avril 2009 sur le Grand Paris,…

M. Charles Revet. Et il avait raison !

Mme Dominique Voynet. … allant jusqu’à convoquer Victor Hugo.

On allait mélanger, unir et recréer du lien social. On allait refaire de la ville, de la citoyenneté et de la solidarité. On allait inventer la ville durable, celle de l’après-Kyoto, une ville qui ne rognerait plus sur la nature. On annonçait la fin des zones urbaines sensibles et de la discrimination sociale. Et puis – promis, craché – la réflexion des architectes et des urbanistes serait le point de départ du projet.

Avec un tel programme, il était certain, à l’approche des élections régionales de mars 2010, que les candidats UMP au conseil régional d’Île-de-France n’auraient qu’à prononcer ces quelques mots – le Grand Paris ! – pour emporter l’adhésion des Franciliens et la majorité dans les urnes.

M. Jean-Pierre Caffet. Quelle naïveté !

Mme Dominique Voynet. Pourtant, cette fois encore, il semble que le geste soit fort éloigné de la parole, sinon en contradiction avec elle.

Lors de votre prise de fonction en mai 2008, monsieur le secrétaire d’État, vous vous étiez engagé à présenter, à la fin de l’année 2009, un projet global pour l’avenir de la région-capitale. Nous y voilà ! Vous nous avez infligé un roboratif exposé, truffé de citations érudites, de Braudel à Allais, dont je retiens que votre conception de l’aménagement et du développement des territoires reste marquée par l’âge d’or de la DATAR, et les concepts que celle-ci défendait dans les années quatre-vingt.

Mme Dominique Voynet. Ah ! les clusters, les grappes d’entreprises, les systèmes productifs locaux.

Mais, dans la pratique et malgré vos dénégations, ce n’est finalement qu’un projet de métro automatique que vous nous soumettez. Il doit relier les aéroports franciliens à de futurs grands pôles économiques et permettre à la France de tenir son rang dans le monde. Finies les grandes envolées du Président de la République sur la cohésion sociale en Île-de-France : plus vite, plus haut, plus fort, soyons prêts pour affronter les autres grandes métropoles !

Nicolas Sarkozy indiquait dans votre lettre de mission que la vision devait précéder le projet. Intéressons-nous donc un instant à votre vision de la ville de demain.

Nous y trouverons des explications au fait qu’il ait été curieusement si peu question de ce projet de loi lors de la récente campagne électorale, si l’on met de côté le cours particulier dont bénéficia, quelques jours avant le premier tour, Valérie Pécresse à l’Élysée.

Nous y trouverons des explications au fait que l’examen de ce texte au Sénat, pour lequel vous aviez pourtant imposé la procédure accélérée et élaboré une batterie de dérogations à la concertation et au débat public, ait été courageusement reporté à une date ultérieure au scrutin régional.

Alors, que disent les dix équipes d’architectes qui ont rendu ce travail considérable dont le projet de loi devait s’inspirer ? Monsieur le secrétaire d’État, elles n’ont de cesse de répéter, y compris ici devant la commission du Sénat, ce qu’elles disent partout et dans la presse : leur production n’a été ni étudiée ni prise en compte pour la rédaction de ce texte. Elles ajoutent que ce métro ne correspond pas au projet du Grand Paris tel qu’envisagé au départ et que, en l’état, il comporte un trop grand nombre d’incohérences : vous imaginez un métro en sous-sol, en contre-pied des canons de la ville du XXIe siècle, qui éviterait scrupuleusement de relier les lieux d’habitation aux lieux de travail. (M. Jean Desessard s’exclame.)

En vérité, les choix urbanistiques et leurs implications sociales vous importent peu. Votre objectif est ailleurs, et c’est en lisant les pages des journaux consacrées aux résultats du CAC 40 et à la position des universités françaises dans le classement de Shanghai que vous estimerez l’avoir atteint ou pas.

Vous devez par conséquent faire du chiffre et, pour cela, « moucheter de la puissance » sur une carte. Gilles Carrez, chargé par le Président de la République d’explorer des solutions de financement, ne s’est pas contenté de pointer le manque de moyens pour la réalisation de ce projet, qui, par ailleurs, n’est pas « phasé » dans le temps, comme l’a souligné Nicole Bricq. Il explique ainsi que les recettes que vous escomptez de la valorisation foncière autour des gares resteront insuffisantes.

Sur ce point, vous avez répondu devant la commission que vous entendiez lui donner tort. Faible argumentation, qui préfigure pourtant une concentration massive de capital sur quelques opérations lourdes, autour de gares choisies de façon discrétionnaire, qui assécheront les autres projets urbains. La spéculation foncière que vous appelez de vos vœux autour de ces gares est peu propice à la construction des logements dont les Franciliens ont pourtant besoin.

Les belles intentions inscrites au premier article de ce texte ne survivront pas à sa promulgation. En favorisant la constitution de nouvelles poches de richesse, vous perpétuez la ségrégation qui pénalise déjà certains de nos territoires. Vous savez, monsieur le secrétaire d’État, ces territoires dont vous avez déclaré – c’était devant le conseil général de la Seine-Saint-Denis – qu’ils étaient si arides qu’il était inutile de les arroser, ces territoires qui souffrent en réalité cruellement d’une carence de services publics, ces territoires auxquels vous garantissez, par ce texte, de conserver le terrible privilège de faire plus souvent qu’à leur tour l’ouverture des journaux télévisés !

Et puis il faut s’attarder sur le faux-pas écologique qui sous-tend ce projet en termes d’étalement urbain. Non mais c’est vrai, l’environnement, ça commence à bien faire ! Le respect des milieux naturels et la sauvegarde des terres agricoles particulièrement riches du plateau de Saclay sont peu de chose dans la compétition mondiale dans laquelle vous nous proposez de nous fourvoyer.

Pour conclure mon propos, je souhaite alerter l’ensemble des membres de cette assemblée, au-delà des seuls élus d’Île-de-France. Le dessein recentralisateur de ce texte nous concerne tous, mes chers collègues, car c’est un cas d’école susceptible de se reproduire ailleurs. (Mme Catherine Tasca opine.)

Vous bâillonnez le STIF, déjà dépouillé de son patrimoine, avec en point de mire une privatisation de la RATP que l’on peut lire sur certaines lèvres.

Vous confiez à la Société du Grand Paris, selon une pratique assimilable à de la vente forcée, la gestion de votre super-réseau, sans mener une évaluation sérieuse des coûts de fonctionnement d’une infrastructure desservant, au profit des seuls déplacements travail-travail qui représentent à peine quelques pourcents du total des déplacements, des zones urbaines aussi peu denses.

Vous refusez de prendre en compte le travail considérable abattu par la région et l’État pour élaborer ensemble un schéma directeur de la région Île-de-France respectueux des principes du développement durable, conciliant efficacité économique et innovation territoriale, construction de logements et protection des zones agricoles, remise à niveau des infrastructures existantes saturées et insuffisantes et investissement pour l’avenir, notamment dans le domaine du fret dont votre texte ne dit pas un traître mot.

M. Christian Cambon. Mais où sont vos propositions ? Venez-en à vos propositions !

Mme Dominique Voynet. Vous décidez, au mépris de l’autonomie des collectivités territoriales, de mettre un terme à la consultation publique sur Arc Express.

Voilà des propositions que l’État et la région, je le répète, avaient élaborées ensemble !

Il s’agit bien d’une reprise en main de politiques qui échappent aujourd'hui à l’État. Il apparaît clairement que celui-ci aura la haute main sur la Société du Grand Paris. Quand aux contrats de développement territorial, ils permettront non seulement de confisquer le pouvoir des communes en matière d’aménagement et d’urbanisme, mais aussi de contourner la région, partenaire des contrats de projet.

Bien sûr, vous nous promettez que le financement par l’État de la double boucle de votre super-métro n’amputera pas les crédits des contrats de projet. Mais, dans cette période de crise économique et de vaches maigres budgétaires, qui sur ces travées vous suivra quand vous prétendez dépenser plusieurs fois chacun des euros consacrés aux transports publics ?

Au moment de conclure, j’en reviens à Victor Hugo, lui qui, devant les drames humains qui frappaient alors Paris, scandait que la société devait « dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté » pour détruire la misère. C’était il y a deux siècles.

Comment y parvenir aujourd'hui si l’on ne comprend pas que la véritable puissance des villes du XXIe siècle réside dans la qualité de vie de leurs habitants, dans le haut niveau de valeur ajoutée produite par tous les territoires, et non par quelques-uns seulement, dans la relation harmonieuse des parties au tout et des parties entre elles, en bref dans la diversité des activités, la mixité des fonctions et le brassage des populations ?

Maire de la commune la plus peuplée de la Seine-Saint-Denis, je dois tristement faire le constat : rien dans votre projet ne peut nous laisser penser que nous avancerions en ce sens ou convaincre les habitants de Montreuil que vous avez, d’une façon ou d’une autre, pris conscience des difficultés du quotidien auxquelles ils sont confrontés chaque jour et des prouesses que constitue le simple fait d’arriver à l’heure à leur travail chaque jour. Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple : avez-vous un jour l’intention de leur répondre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Jean-François Voguet applaudissent également.)

M. Christian Cambon. Rien à proposer !

M. le président. La parole est à M. Charles Revet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet du Grand Paris, s’il intéresse, bien sûr, en premier lieu, les Franciliens et Franciliennes, concerne également tout autant l’ensemble de nos concitoyens.

Tout d’abord, parce qu’il s’agit de l’aménagement de la région-capitale – vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État – et que, en raison de son statut, les uns et les autres doivent s’y rendre plus ou moins régulièrement, mais aussi parce qu’il suffit de regarder une carte routière ou ferroviaire pour constater que l’aménagement de notre pays s’est effectué au fil du temps en faisant converger les axes principaux de déplacement, d’où que l’on vienne, vers Paris.

J’ajoute, et c’est l’un des aspects du projet sur lequel le Président de la République a mis l’accent en lançant le Grand Paris, qu’une capitale doit avoir une ouverture sur le grand large – vous l’avez également rappelé tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État.

C’est à ces deux points que je vais consacrer mon intervention dans le laps de temps qui m’est imparti.

Premier point, chacun en convient, une réorganisation de la circulation et des moyens de transport dans la région parisienne est indispensable. Mais elle ne peut se concevoir sans prendre en compte l’organisation actuelle de l’ensemble de l’Hexagone.

De plus en plus, des déplacements se font, qu’ils soient ferroviaires ou routiers, de région à région. Presque toujours, il faut transiter par Paris, ce qui implique, pour le ferroviaire, des changements de gare ou, pour le routier, l’utilisation du périphérique. Ce fonctionnement aboutit à des engorgements qui freinent la circulation dans la région parisienne et allongent la durée de déplacement des personnes qui ne font que transiter.

La réflexion engagée et le projet d’aménagement de la région francilienne doivent prendre en compte cet aspect des choses et, à travers une organisation périphérique circulaire, routière et ferroviaire, faciliter les déplacements de région à région. C’est le sens du premier amendement que j’ai déposé et que la commission a bien voulu retenir.

Le second point sur lequel je voudrais m’arrêter quelques instants concerne l’ouverture de la capitale vers le grand large. Tout naturellement, c’est, comme le soulignait Catherine Morin-Desailly, l’axe Seine-Paris-Rouen-Le Havre qui permet cette ouverture.

Aujourd’hui, 85 % du commerce mondial se fait par voie maritime et l’Europe du Nord est la première destination commerciale. L’axe de la Seine abrite le premier complexe portuaire de l’Europe du Nord et nous donne un positionnement stratégique exceptionnel. Cela est d’autant plus important que si, dans beaucoup de domaines industriels, les pays émergents sont des concurrents, dans le domaine maritime, ils sont, au contraire, des partenaires.

Nos concurrents sont, tant au nord qu’au sud, les autres grands ports maritimes européens. À cet égard, nous avons des défis importants à relever. Il suffit de voir les statistiques en matière de trafic pour mesurer le potentiel qui est le nôtre et, en même temps, le retard immense que nous avons pris. Est-il normal qu’aujourd’hui le premier port français soit Anvers ? Est-il normal qu’il y ait plus de conteneurs à destination ou en provenance de Paris ou de Lyon qui transitent par Anvers que par Le Havre, Rouen ou Marseille ?

Deux causes peuvent expliquer ce phénomène. Comme le soulignait tout à l’heure Roger Romani, nos ports ont pris un large retard dans leur développement et les moyens d’acheminement des conteneurs reposent, aujourd’hui encore, essentiellement sur le routier. Faut-il rappeler que lorsque ce magnifique équipement qu’est Port 2000 au Havre a été inauguré, les trains et les barges ne pouvaient que très difficilement accéder à l’emprise portuaire ? Quelques améliorations ont été observées, mais elles sont nettement insuffisantes pour nous permettre de relever le défi par rapport aux autres grands ports européens.

C’est à cela que nous devons travailler de toute urgence, notamment pour le fret ferroviaire avec la réalisation d’une ligne à grande vitesse partant de la Normandie vers la région parisienne, raccordée à l’ensemble du réseau ferroviaire français et européen. La même démarche doit être envisagée dans le domaine du transport fluvial, surtout avec la perspective de la réalisation du canal Seine-Nord.

M. Jean-Louis Carrère. Qui va payer ?

M. Charles Revet. Personnellement, je considère qu’en raison de son positionnement, à l’ouverture de l’estuaire, sur une seule rive, Port 2000, s’il constitue un magnifique équipement pour le transbordement et l’éclatement vers d’autres ports, aura du mal à rivaliser avec les autres grands ports de l’Europe du Nord en raison des difficultés d’accès par le fer et le fleuve.

Je m’interroge sur la possibilité et l’intérêt, à l’image de ce que fait Hambourg sur l’Elbe, de remonter la Seine jusqu’en aval et en amont du pont de Tancarville, ce qui, outre les espaces immenses qu’il y aurait pour faire des bassins et terre-pleins de part et d’autre des rives de la Seine, permettrait une utilisation optimale du réseau ferré et du fleuve sans d’énormes investissements. C’est le sens de l’étude qui est proposée par notre rapporteur, et à laquelle je souscris pleinement : elle permettra de vérifier les options les plus satisfaisantes à prendre en compte.

Je reste convaincu que nous avons les meilleurs atouts pour rivaliser avec les plus grands ports européens, avec à la clé des dizaines de milliers d’emplois qui pourraient en découler.

Je terminerai mon propos en félicitant le rapporteur Jean-Pierre Fourcade pour le travail considérable qu’il a fourni sur ce projet important non seulement pour la région parisienne, mais également pour toute la France. Je le remercie, ainsi que le président Jean-Paul Emorine, de m’avoir associé à l’ensemble des auditions qui ont été organisées.

Monsieur le secrétaire d'État, nous vous apporterons bien sûr notre soutien dans la démarche que vous nous proposez. (M. Jean-Louis Carrère s’esclaffe.) Je souhaite et je suis convaincu que, par ce grand chantier, nous pouvons contribuer à redonner un second souffle à l’économie de notre pays. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le secrétaire d'État, j’avais prévu de vous faire le reproche d’avoir choisi la procédure accélérée pour ce texte et de n’avoir pas saisi le Sénat en premier lieu. Comme ce point a déjà été largement abordé par mes collègues, je préfère ne pas m’y attarder pour entrer directement dans le vif du sujet.

Le débat qui s’ouvre aujourd’hui est majeur. Il ne peut en conséquence être une simple redite de celui qui a été conduit à l’Assemblée nationale. Je ne peux en effet imaginer que les scrutins des 14 et 21 mars dernier puissent être sans effet sur nos débats. Les projets du Grand Paris n’ont pas convaincu les Franciliens. Leur expression démocratique doit être entendue.

Déjà, les élus locaux n’avaient pas été convaincus. Pourtant, l’attente était réelle de voir l’État prendre sa juste part dans le processus de modernisation de la métropole francilienne.

Après des années de désengagement financier de l’État, de désintérêt ou de blocage, à l’image de l’attitude qui est la sienne s’agissant du SDRIF, l’intérêt soudain manifesté par le Président de la République avait été salué. Rapidement, les espoirs auront été déçus.

Le regain d’intérêt de l’État pour le développement de la métropole se sera traduit par le non-respect des décisions et des compétences des collectivités et de leurs élus. En Île-de-France, la décentralisation est de fait mise entre parenthèses par ce projet de loi.

S’agissant du titre V relatif au plateau de Saclay, auquel je consacrerai mon propos, je rappelle que vous n’êtes pas le premier, monsieur le secrétaire d’État, à poser le problème de l’aménagement de ce plateau. Un groupement d’intérêt public avait en effet été créé par les quarante-neuf communes concernées, mais sa mise en œuvre effective a été bloquée par l’État.

En outre, les quatre communautés d’agglomération concernées ont toutes fait connaître leur désaccord avec ce projet de loi. Ce qui est contesté, ce n’est pas seulement le fait de les laisser à distance, c’est également le fait que leur expérience de terrain soit si peu valorisée et, surtout, que les projets rapidement opérationnels qu’elles portent sur leurs territoires ne tirent en définitive aucun profit du projet de loi. Il en va ainsi du projet de transport en commun en site propre reliant Orly à Saint-Quentin-en-Yvelines, pour ne citer que cet exemple.

La question des transports est symptomatique des carences du projet de loi. Celui-ci ne répond pas à l’enjeu majeur du Grand Paris d’articuler de façon cohérente les besoins à court terme et l’ambition d’un projet à long terme. Le constat de carence est identique s’agissant du logement, à l’exception de l’objectif très global de 70 000 logements par an, mais sans qu’aucun engagement soit pris sur leur répartition et la part du logement social.

Dès lors, c’est la vision même du développement du plateau de Saclay portée par ce projet de loi qui inquiète. Le schéma de développement multipolaire n’est pas en cause. La perspective d’un territoire uniforme n’est, je crois, défendue par personne. En revanche, ce qui interpelle, c’est à la fois l’hyperspécialisation des pôles et l’absence de projet global, compte tenu des carences en matière de logement, de transport, d’équipements publics, en définitive tout ce qui touche à la vie quotidienne des Franciliens. M. le rapporteur en a fait largement état durant nos travaux en commission.

Ce sont autant d’impasses qui traduisent une vision erronée et pour tout dire dépassée du cluster. Celui-ci impose pour réussir de créer un vrai lieu de vie, de « faire ville », car aussi spécialisé soit-il le développement d’un territoire ne peut faire l’économie d’une conception globale et transversale de la cité, et de traiter en conséquence les enjeux de la mixité sociale et des déplacements. L’article 21 traduit, en passant ces enjeux sous silence, une vision tronquée du développement de ce territoire. Je reviendrai plus tard dans le débat sur l’avenir de la zone agricole protégée, dont il faudra bien imaginer l’évolution des cultures sans rien retrancher à sa superficie.

Au-delà du schéma de développement, c’est l’architecture même du projet que nous récusons.

Première objection : vous pensez parvenir à répondre aux besoins du plateau de Saclay par la création d’un établissement public aux compétences le plus souvent exorbitantes du droit commun.

Tout d’abord, la superficie du territoire choisie me fait douter de la capacité de créer les dynamiques et coopérations nécessaires à la réussite du projet.

Ensuite, les possibilités offertes à l’établissement d’intervenir au-delà de son périmètre, notamment pour réaliser des acquisitions d’immeubles et des opérations d’aménagement et d’équipement urbains, posent des problèmes supplémentaires. Le premier est que les acquisitions d’immeubles peuvent se réaliser sans l’accord des communes intéressées. Le second est le risque d’un simple transfert vers le plateau de Saclay d’établissements ou d’organismes actuellement situés à Paris ou dans les Hauts-de-Seine.

S’agissant de la gouvernance de l’établissement public, elle appelle une double critique.

La première a trait au déséquilibre causé par l’introduction d’un comité consultatif. Force est de constater que sa création aura permis à la majorité d’y transférer des institutions initialement représentées au conseil d’administration, et je pense bien sûr au représentant du conseil régional.

La seconde touche au peu de cas qui est fait du conseil d’administration. Non seulement le collège des élus y est placé dans une position minoritaire, mais, surtout, le Gouvernement n’a pas jugé opportun que le président soit issu du collège des élus. Surtout, le choix s’est porté sur un cumul des fonctions de président et de directeur général, le P-DG sera nommé par décret avec pour conséquence qu’il aura moins à rendre compte de son action devant le conseil d’administration et qu’il sera en réalité redevable à l’État.

Le conseil d’administration se voit ainsi largement dépossédé de son rôle de contrôle. Ce glissement traduit la volonté recentralisatrice de votre projet de loi.

Seconde objection : la création d’une autorité organisatrice de transport traduit une nouvelle fois votre défiance à l’égard des collectivités territoriales et l’incapacité de l’État à imaginer un partenariat équilibré entre celles-ci et lui-même. La logique sous-tendue par la création du syndicat mixte de transports est que les élus paient, mais que l’État décide. Ainsi, plutôt que de contribuer et de coordonner, l’État impose et ordonne.

C’est surtout la question du respect des engagements pris qui est posée. Vous aviez pris l’engagement de retirer l’article 29 si le STIF répondait à votre demande d’envisager la création d’une autorité organisatrice de transport sur le plateau de Saclay et aux alentours. L’engagement clair pris par le STIF, le 17 février dernier, justifiait le retrait de l’article 29. Son maintien traduit les intentions dilatoires du Gouvernement, manifestement déterminé à imposer au STIF un syndicat mixte de transport sur le plateau de Saclay.

Monsieur le secrétaire d’État, si j’ai centré mon propos sur le titre V relatif au plateau de Saclay, c’est évidemment parce que ce projet de loi a de fortes répercussions sur les collectivités du département des Yvelines. C’est également parce que le montage que vous avez imaginé me paraît éclairant sur la philosophie du projet, sa volonté de mise à l’écart d’un dialogue avec les collectivités territoriales, donc de la représentation démocratique, et sa conception autoritaire de la gouvernance.

Vous avez une vision à rebours de la décentralisation qui a été impulsée il y a trente ans par la gauche, vision à laquelle nous ne pouvons en aucun cas adhérer. C’est pourquoi, en l’état, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des transports, qui est au cœur de la compétition entre les grandes métropoles européennes, est devenue la préoccupation majeure des Franciliens au fil des années. Pourtant, aucune réponse à la hauteur des enjeux n’a été apportée depuis près de quarante ans.

Certes, des projets importants ont vu le jour sous différentes majorités. Je pense à METEOR, à EOLE…

Mme Nicole Bricq. C’est Rocard !

M. Christian Cambon. … ou au développement des tramways, par exemple. Cela prouve que l’on pouvait malgré tout agir en ce domaine sans compétence générale. Toutefois, aucun de ces projets n’a été en mesure de répondre véritablement aux problèmes actuels et aux défis de l’avenir, ce qui a été de nature à nourrir une nouvelle fois le scepticisme de nos concitoyens confrontés à des difficultés quotidiennes de tous ordres.

Au lendemain d’élections régionales marquées par une aussi forte abstention, ne serait-il pas temps de dépasser nos clivages sur ce sujet essentiel et de redonner du sens à l’action publique ? Plutôt que d’émettre un déluge de critiques sans proposition, comme vient de le faire notre collègue de Seine-Saint-Denis, ne pourrait-on pas, pour une fois, travailler tous ensemble – État, conseil régional, conseils généraux et communes – sur un projet initié par le Président de la République et par le Gouvernement, qui ouvre enfin de véritables perspectives ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Très bien !

M. Christian Cambon. Le Sénat, représentant des territoires, n’est-il pas particulièrement fondé à se faire l’écho des attentes des Franciliens ? C’est bien le sens du travail effectué par le rapporteur Jean-Pierre Fourcade, qui, une fois de plus, a fait la preuve de son immense compétence, de son esprit de synthèse et de ses nombreuses qualités, que j’ai eu l’occasion d’apprécier pendant les douze années durant lesquelles j’ai servi sous ses ordres, si je puis dire, au conseil régional.

Ce projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, porte une véritable ambition, sans précédent par son ampleur, par les moyens que le Gouvernement veut y consacrer,…

M. Jacques Mahéas. On ne les a pas vus !

M. Christian Cambon. … et par les objectifs que celui-ci se fixe : faire de Paris et de sa région la ville-monde rayonnante et dynamique, pour reprendre vos adjectifs. Nous les approuvons ! (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

Mme Catherine Dumas. Très bien !

M. Christian Cambon. Nous vous soutenons dans ce projet, sans pour autant oublier le quotidien que vivent nos concitoyens : des transports en commun et des axes routiers saturés depuis des années en Île-de-France ; des lignes A et D du RER, notamment, particulièrement dégradées avec des rames hors d’âge, des pannes régulières, des wagons surchargés au-delà du raisonnable aux heures de pointe, sans parler des mouvements de grève.

Tout conduit les Franciliens à privilégier l’usage de leur véhicule individuel, ce qu’ils font très majoritairement, hélas ! Au sein de ma seule commune, dans le département du Val-de-Marne, 260 000 véhicules transitent chaque jour sur l’autoroute A4. Et ce ne sont ni les autoroutes surchargées, ni le périphérique asphyxié, ni les ouvrages tels que le pont de Nogent paralysés du matin au soir, ni même le renchérissement du prix du carburant qui découragent les automobilistes ! Il est donc urgent d’entendre l’exaspération de nos concitoyens et d’agir tous ensemble.

Les investissements prévus par le projet de loi doivent se conjuguer avec ceux qui permettront de rénover le plus rapidement possible le réseau existant et le matériel roulant. (Nouveaux applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.) En effet, le réseau des transports en Île-de-France doit être un ensemble homogène afin d’assurer la fluidité des déplacements. Nous ne pouvons pas faire coexister le système moderne que vous envisagez, qui est très performant, avec un réseau de RER vieillissant. Le projet de double boucle n’a de sens que s’il s’intègre parfaitement au réseau existant.

Mme Catherine Dumas et M. Jacques Gautier. Très bien !

M. Christian Cambon. Nous sommes nombreux ici à souhaiter, comme le Président de la République s’y était engagé, que le Gouvernement puisse apporter son soutien à cet effort et que la région s’engage enfin dans cette action de rénovation. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Il est nécessaire de renforcer en priorité, sans attendre, la qualité du service rendu aux Franciliens.

Tel est le sens d’un amendement que de nombreux sénateurs de l’Île-de-France ont déposé et que la commission a bien voulu prendre en compte à l’article 2.

Pour atteindre les objectifs fixés, les outils juridiques traditionnels ne sont pas suffisants. L’expression d’intentions louables, mais aussi parfois très contestables, contenues dans le projet de schéma directeur de la région Île-de-France ne suffit pas non plus. Rien ne remplace en effet une volonté politique – vous l’avez, monsieur le secrétaire d’État –, une méthode fondée sur le dialogue – vous l’avez initié (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) – …

M. Yannick Bodin. Il faudrait définir le mot dialogue !

M. Christian Cambon. … et des financements pérennes, qui, comme M. le rapporteur l’a précisé, permettront à l’État de tenir ses engagements.

Si nous approuvons la création de la Société du Grand Paris, je vous engage néanmoins à poursuivre la concertation avec les maires, qu’ils soient ou non directement concernés par le tracé envisagé du futur réseau automatique.

M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas gagné !

M. Christian Cambon. Chacun de nous connaît les conséquences lourdes de l’urbanisation incontrôlée que l’État a imposée aux communes dans les années soixante-dix. Personne ne veut reproduire les erreurs du passé, dont certains quartiers de notre région ne se sont toujours pas relevés.

Mme Nicole Bricq. Qui les a commises ?

M. Christian Cambon. Les contrats de développement territorial que vous avez imaginés doivent être considérés par les élus locaux comme l’opportunité d’une vraie collaboration entre l’État et les collectivités. Il est donc important que vous apportiez aux maires, et pas simplement à ceux qui sont concernés par les gares, les apaisements qu’ils attendent. Les élus locaux doivent être associés de près à ce projet, dans sa conception comme dans sa réalisation.

Enfin, cela ne vous étonnera pas de la part d’un élu de l’est parisien, nous devons profiter de ce projet pour agir concrètement dans le sens d’un véritable rééquilibrage entre l’ouest et l’est de l’Île-de-France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. C’est raté !

M. Christian Cambon. Car tant que les emplois demeureront concentrés à Paris et dans des départements sympathiques de l’ouest de Paris, pour nous, le problème des transports restera entier.

L’équation actuelle est simple : des emplois essentiellement situés au centre où le foncier, de plus en plus rare, devient hors de prix. Conséquence : les logements accessibles aux familles les plus modestes s’éloignent de plus en plus des principaux bassins d’emploi. Cette situation structurelle induit bien évidemment les flux que nous connaissons. Un Francilien sur deux quitte son département de résidence pour aller travailler. Il est donc essentiel que les projets de développement des réseaux privilégient les liaisons de banlieue à banlieue, ainsi que la grande couronne,…

M. Jean Desessard. Évidemment !

M. Christian Cambon. … que nous n’oublions pas. Pourtant, si le Grand huit prévoit une double boucle à l’ouest de Paris, il n’en programme qu’une seule à l’est. Le tracé qui, je l’entends bien, n’est pas inscrit dans le marbre, ni même dans le texte du projet de loi, n’est pas totalement satisfaisant, monsieur le secrétaire d’État – nous nous en sommes entretenus à de nombreuses reprises en commission spéciale –, notamment en ce qu’il ne dessert pas suffisamment les pôles d’excellence du Val-de-Marne.

Monsieur le secrétaire d’État, je sais pouvoir compter sur votre appui afin que l’État apporte son soutien à d’autres projets de développement des transports en commun sans lesquels ce Grand huit perdrait de son impact.

Je pense au prolongement de la ligne 1 du métro et du T1 jusqu’à Val-de-Fontenay. Je pense à la réalisation de la rocade ferrée en moyenne couronne, dans la suite de la tangentielle nord, sur laquelle la SNCF a déjà beaucoup travaillé et qui pourrait ainsi relier le Val de Fontenay au Grand huit. Elle constituerait cette boucle qui manque au parcours du futur réseau à l’Est en irriguant un territoire à fort potentiel d’emplois, qui dispose d’atouts certains, par exemple dans le domaine de la ville durable dont la Cité Descartes à Champs-sur-Marne est l’épicentre.

Enfin, plus le Grand huit aura de points d’ancrage et d’interconnexions au réseau de surface avec le réseau existant, plus il répondra aux objectifs que vous lui fixez. Le maillage est essentiel : il est vital que les réseaux de surface, chargés de rabattre les usagers vers les gares de la future grande boucle, soient réétudiés et développés. Il serait inconcevable que le Grand huit soit toujours plus facilement accessible pour un val-de-marnais en voiture plutôt que par les transports en commun. À cet égard, je remercie la commission et son rapporteur d’avoir adopté, à l’article 7, un amendement que j’avais déposé en ce sens.

Monsieur le secrétaire d’État, votre texte est l’occasion inespérée de doter notre région d’un projet novateur, structurant et porteur d’un développement économique dont nous avons tant besoin en cette période de crise.

En prenant en compte la complémentarité avec le réseau actuel de transports en commun, en travaillant de concert avec les maires et en veillant à un maillage cohérent qui n’oublie pas l’est parisien, vous apporterez enfin de nouvelles chances pour l’Île-de-France. Sa place de métropole d’importance mondiale s’en trouvera confortée et renforcée. Nous vous soutiendrons pour ce grand projet ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas. (M. Jean-Pierre Caffet applaudit.)

M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sous un intitulé qui autorisait tous les espoirs, ce projet de loi déçoit. En effet, pour l’essentiel, il repose sur la création d’un métro automatique en rocade et l’installation d’un pôle de compétences sur le plateau de Saclay. Le projet est donc bien mal nommé, car, tel qu’il nous est présenté, il est facile d’ironiser : à Grand Paris, petite ambition !

De manière évidente, il n’y a pas de liens suffisants entre les transports, l’emploi, les services publics et le logement d’abord, entre le projet de Grand Paris et les projets des collectivités territoriales ensuite, entre l’établissement public « Société du Grand Paris » et les communes franciliennes enfin.

Nous pouvons aisément nous accorder sur un diagnostic : la région d’Île-de-France, pourtant la plus riche de notre pays, souffre de déséquilibres sociaux et territoriaux qui constituent de réels freins à sa croissance.

Le triste chiffre du chômage pourrait seul l’illustrer : alors que le taux de chômage francilien atteint 7,9 % au troisième trimestre 2009, celui de la Seine-Saint-Denis, le département le plus durement touché, culmine à 10,6 %. Seulement, je ne vois pas ce qui, dans le texte proposé, permet de penser que ces inégalités seront résorbées.

Sans doute est-ce parce que vous souffrez d’un problème de boussole ! Tout pour l’ouest ! Si des efforts sont faits en direction du nord, à l’est rien de nouveau… ou presque !

Certes, le métro automatique devrait désenclaver l’emblématique Clichy-sous-Bois-Montfermeil et même Neuilly-sur-Marne, ce dont je me félicite, mais ce « Grand huit », comme l’ont vite baptisé ses futurs riverains, doit absolument s’articuler avec les infrastructures existantes et les projets d’ores et déjà votés par les collectivités.

Il ne faudrait pas que sa construction, en absorbant toutes les ressources, condamne d’autres projets et conduise à la relégation de nouveaux territoires, qui, malgré leurs centaines de milliers d’habitants, pourraient se voir privés des moyens de transport auxquels ils pouvaient aspirer.

L’est parisien est ainsi riche de projets pour améliorer les déplacements urbains quotidiens, qu’il s’agisse des prolongements des lignes de métro 1, 9 et 11, de la tangentielle nord ou de la liaison Arc Express, préoccupation du conseil régional.

Or, de façon scandaleuse, cette liaison est supprimée de fait par un amendement adopté en commission et mettant fin à toutes les projections de débat public engagées. Vous ne vous êtes d’ailleurs pas privé d’affirmer en audition, monsieur le secrétaire d’État, que l’abandon de ce projet ferait gagner 6 milliards d’euros au STIF. Tout en faisant perdre aux Franciliens une rocade ferroviaire qui privilégiait des déplacements de banlieue à banlieue qui leur auraient été très utiles…

C’est pourquoi, sur les autres projets évoqués, j’aimerais être sûr que l’État tiendra ses engagements, car le métro du Grand Paris ignore purement et simplement des communes comme Montreuil, Fontenay-sous-Bois, Saint-Mandé, Vincennes, Rosny-sous-Bois, Champigny-sur-Marne, Noisy-le-Sec, Le Perreux-sur-Marne, Romainville, Bondy ou Bry-sur-Marne.

Il est pourtant indispensable que se mette en place ce « maillage cohérent du territoire » revendiqué à l’article 7 et le Grand huit ne saurait y suffire. Il s’agit à la fois de desservir les zones encore enclavées et d’opérer un maillage fin, seul susceptible d’améliorer les déplacements quotidiens, notamment entre le domicile et le lieu de travail.

Par ailleurs, ce texte aurait dû être l’occasion de lutter contre les mécanismes d’exclusion, contre ces ghettos nés de décennies d’aménagement hasardeux. Il est plus que temps d’instaurer enfin une véritable mixité sociale.

Or, quand j’ai suggéré en commission spéciale de prévoir que la notion de mixité sociale soit retenue comme un des objectifs justifiant la construction de logements en Île-de-France, notre rapporteur m’a répondu qu’il sera possible pour certaines communes, selon leur niveau de ressources, d’exonérer du dispositif de taxation des plus-values immobilières certaines cessions d’immeubles ou certaines zones pour des motifs d’ordre social. Autrement dit, certains maires pourront continuer en toute impunité à se dérober aux 20 % de logements sociaux prévus par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et à préférer l’amende à la solidarité !

M. Jacques Mahéas. Si ce texte manque de souffle, il manque aussi gravement de crédibilité, parce que son financement reste des plus nébuleux. Ne nous faites pas croire, monsieur le secrétaire d’État, que vous espérez financer 21 milliards d’euros – qui seront d’ailleurs peut-être 30 milliards d’euros – essentiellement grâce à la valorisation foncière des terrains proches du tracé de votre nouveau métro automatique ! Vous n’ignorez pas que ces ressources sont aléatoires, ce qui avait d’ailleurs conduit le rapport Carrez à écarter cette solution.

Disette budgétaire oblige, il serait indécent que la charge du projet pèse essentiellement sur les ménages, contribuables et/ou usagers, alors que beaucoup ont déjà bien du mal à boucler leurs fins de mois.

Les collectivités locales sont, elles aussi, inquiètes à bon droit. En effet, la Société du Grand Paris, SGP, pourra conduire des opérations d’aménagement et de construction après avis des communes concernées. Avis, et non accord ! Donc, si l’on retient les 1 500 mètres de périmètre aux alentours d’une gare, ce sont des surfaces de plus de 700 hectares qui seront à la disposition de la SGP, soit au total 28 260 hectares pour les quarante gares. Où est le partenariat loyal ?

Nous ne sommes pas dans un jeu de Monopoly géant ! Il est fort à craindre que les prix autour des gares n’augmentent, ce qui pourrait poser de gros problèmes en matière de logement social. (M. Jean Desessard s’exclame.) Pourtant, une offre de logements à prix accessibles est indispensable à la cohésion sociale, notamment dans les quartiers populaires de banlieue déjà fragilisés par les inégalités.

À quoi bon instituer des pôles de croissance s’ils créent des richesses sans suffisamment les redistribuer ? Ce serait alors installer à leurs marges de nouvelles poches de pauvreté, des zones délaissées qui regarderaient passer le Grand huit et la croissance sans en bénéficier.

Ce projet ne reflète pas la vision que nous avons du Grand Paris. (M. Jean Desessard s’exclame de nouveau.) Nous lui préférons un développement fondé sur l’égalité et la solidarité, un territoire à l’écoute de ses habitants, de leurs besoins et de leurs droits, qu’il s’agisse de services publics, de logement, d’emploi, de mobilité, d’éducation ou de santé.

Votre Grand Paris est un grand pari particulièrement risqué, laissant de côté l’aménagement démocratique, technique et financier… bref, un projet mal ficelé pour la région-capitale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec le Grand Paris, le Président de la République a pour ambition de replacer la région-capitale dans la compétition mondiale.

M. Jean Desessard. Oh là là !

M. Laurent Béteille. C’est un objectif que partagent la plupart d’entre nous – sauf M. Desessard, naturellement –, qui constatent qu’aujourd’hui l’administration de cette entité est partagée en de multiples décideurs et ne permet nullement de dégager des perspectives et encore moins des ambitions.

Je comprends que certains d’entre nous aient souhaité que l’on s’attache d’abord à la gouvernance du Grand Paris ; il faudra y venir, et Philippe Dallier ne manquera certainement pas de l’évoquer dans son intervention tout à l’heure.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a choisi de faire face à l’urgence. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Caffet. Quelle urgence : celle qui existe depuis vingt ans ?

M. Laurent Béteille. Il est vrai que l’état des transports en Île-de-France, vous le découvrez peut-être, chers collègues, est catastrophique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y aura pas de solution rapide !

M. Laurent Béteille. Je suis l’élu d’une banlieue de la région parisienne desservie par le RER D et nous constatons, jour après jour, la dégradation insupportable de ce moyen de transport.

M. Christian Cambon. Tout à fait !

M. Yannick Bodin. Surtout depuis deux ans !

M. Laurent Béteille. Sur les trente dernières années, vous avez été quinze ans aux affaires, les responsabilités sont donc largement partagées. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jacques Mahéas. Un cheval, une alouette !

M. Christian Cambon. Monsieur Bodin, vous avez été pendant dix ans à la tête de la région !

M. Laurent Béteille. De même, l’absence de lisibilité et d’attractivité de la recherche sur le plateau de Saclay méritait d’être traitée en urgence.

Aussi, le présent projet de loi, examiné en procédure accélérée, a pour objet de susciter, par la création d’un réseau de transport public de voyageurs unissant les zones les plus attractives de la capitale et de la région d’Île-de-France, un développement économique et urbain structuré autour de territoires et de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés conjointement par l’État et les collectivités territoriales. Il crée l’établissement public « Société du Grand Paris » chargé de réaliser des opérations d’aménagement ou de construction liées au réseau de transport. Il prévoit également les outils permettant l’élaboration de projets de territoires destinés à faire face aux problèmes d’urbanisme et d’infrastructures de transport. Enfin, il permet la mise en œuvre du projet de pôle de développement scientifique et technologique sur le plateau de Saclay, dans le département de l’Essonne.

Le Sénat a choisi, pour étudier ce texte, de faire appel à une commission spéciale, dont je tiens à saluer le président et le rapporteur, lequel a effectué un travail considérable, qui nous sera incontestablement très utile.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir accepté un certain nombre de mes amendements. J’ai ainsi déposé un amendement visant à permettre à la Société du Grand Paris de conclure des conventions avec d’autres établissements publics et un amendement tendant à permettre la désignation d’un préfigurateur.

Surtout, je le remercie d’avoir accepté l’amendement que j’ai déposé à l’article 28 et qui vise à sanctuariser au moins 2 300 hectares de terres agricoles sur la zone de protection naturelle, agricole et forestière du plateau de Saclay. Sur l’initiative de notre collègue Pierre Lasbordes, l’Assemblée nationale avait prévu de protéger « environ 2 300 hectares ». Le mot « environ » a fait couler beaucoup d’encre et a suscité bien des paroles. Il fallait donc le retirer. J’ai proposé de le remplacer par les mots « au moins », ce que la commission spéciale du Sénat a accepté.

Nous attendons avec impatience la publication du décret prévoyant la création de cette zone. À cet égard, je déposerai un amendement visant à prévoir un délai afin que ce décret soit publié le plus rapidement possible, monsieur le secrétaire d’État, en tout cas avant la signature des contrats de développement territorial dans cette zone. Il s’agit autant d’un amendement d’appel que d’un amendement destiné à être adopté. Il vise à résoudre un problème de cohérence. Je le répète : j’espère que ce décret sera publié le plus rapidement possible.

Comme le Président de la République l’a souligné dans le discours qu’il a prononcé à la Cité de l’architecture et du patrimoine le 29 avril 2009, « c’est sur le transport que va se jouer la partie la plus décisive ».

À cet égard, je suis bien conscient que la situation que je décrivais tout à l’heure doit être fortement améliorée. Si je considère que le projet de double boucle constitue une avancée considérable, je pense également qu’il ne doit pas remettre en cause la nécessaire amélioration des réseaux de transport existants. Telle est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai cosigné un amendement avec notre collègue Christian Cambon, qui en était le premier signataire, lequel a également été adopté. Je tiens particulièrement à l’articulation entre les réseaux présents et futurs afin que le maillage final permette toutes les connexions possibles avec les actuelles lignes de métro et de RER, ainsi qu’avec celles de la SNCF.

Je pense aussi à la future ligne rapide qui doit relier Roissy et Orly. Cette ligne me paraît être un élément indispensable. Il faudra la prévoir dans un prochain texte. Je remercie M. le rapporteur d’avoir déjà pris en compte ce projet en y faisant allusion.

Le Grand Paris ne sera un succès que si le logement, l’emploi, les transports, la recherche, le développement durable et l’internet à très haut débit sont pris en compte, et ce en concertation avec les élus locaux. Tel est l’enjeu de ce projet.

Je suis persuadé, monsieur le secrétaire d’État, que, avec vous, nous parviendrons à faire avancer ce projet dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis relève d’un curieux paradoxe : il prétend bâtir l’avenir tout en usant des moyens du passé ! L’avenir, c’est celui de la région d’Île-de-France, l’une des plus puissantes du monde, avec en son cœur Paris, ville globale au même titre que New York, Tokyo ou Londres.

Ce territoire est une zone stratégique, il est le moteur de la croissance de notre pays. Aussi, il est normal que l’État s’en préoccupe. Il est même légitime qu’il veuille intervenir sur ce territoire, qu’il a pourtant si longtemps délaissé. Reste à savoir si cette intervention peut prendre la forme d’un projet hors sol, reposant sur une démarche autiste, sans concertation avec les acteurs locaux.

En d’autres termes, nous nous demandons si, pour préparer l’Île-de-France du XXIe siècle, il faut se référer aux méthodes et au mode de pensée de Paul Delouvrier, grand préfet s’il en fut, dont les projets étaient adaptés à son temps et en phase avec son époque – c’était il y a quarante ans –, période, comme nous l’a rappelé Nicole Bricq, où l’État avait des moyens financiers, ou s’il faut privilégier la méthode plus actuelle de Bertrand Delanoë au travers du syndicat mixte « Paris-Métropole ». Il s’agit en effet d’établir un véritable dialogue entre les collectivités territoriales de tous bords, sans volonté d’hégémonie, sans pression d’aucune sorte, autour de thèmes communs et fédérateurs, dans le respect de l’intérêt général.

Monsieur le secrétaire d’État, vous présentez ce projet comme étant visionnaire, j’ai tendance à le trouver rétrograde. On nous affirme que l’État revient dans le jeu institutionnel avec une vision en matière d’aménagement. Je trouve plutôt qu’il s’y incruste avec violence, sans réelle vision globale. Il s’agit, cela a déjà été dit, d’un projet autoritaire, « recentralisateur » et inadapté aux attentes des Franciliens et de leurs élus.

Qu’on en juge plutôt : ce projet se borne à créer deux EPIC : le premier, la Société du Grand Paris, chargé de diriger la construction d’un métro automatique sous la forme d’une double boucle ceinturant Paris ; le second, l’établissement public de Paris-Saclay, pour gérer l’aménagement d’un cluster. Dans les deux cas, l’État sera seul maître à bord, les collectivités seront peu représentées. Nous voilà donc revenus au temps des villes nouvelles ! La gouvernance du Grand Paris fait donc l’impasse sur plus de vingt ans d’évolution des institutions au travers de la décentralisation, sur plus de vingt ans d’évolution des projets urbains. Seule une prise en compte a minima des citoyens, des habitants et des usagers est prévue.

Au fil des décennies, aménager un territoire est devenu plus complexe, plus exigeant, plus délicat, mais c’est là un impératif démocratique. La société n’accepte plus les projets technocratiques vantant des lendemains qui chantent, établis dans le secret d’un cabinet, aussi compétent fût-il, et, surtout, sans discussion.

M. le rapporteur a rappelé quelques-uns des impératifs d’aménagement modernes dans son préambule : un financement clair, des outils de pilotage efficaces, une concertation loyale avec les collectivités territoriales, une association des citoyens à l’élaboration des projets. Votre projet, monsieur le secrétaire d’État, ne répond à aucun de ces objectifs.

Commençons par le financement clair. Le coût du projet est inconnu. La somme de 21,4 milliards d’euros est avancée dans le rapport. Même s’il est exact, ce montant, considérable, n’inclut pas le coût de construction des gares. On nous demande donc de signer un chèque en blanc. Pis, non seulement le coût final de l’opération n’est pas connu, mais son financement n’est pas assuré, comme l’a rappelé notre collègue Nicole Bricq. Parmi les modes de financement proposés, il en est un dont les résultats sont incertains : la taxe sur la valorisation foncière, comme le souligne lui-même le rapporteur. En d’autres termes, le financement n’est pas clair, il est au contraire pour le moins opaque.

Continuons avec un autre impératif : la concertation loyale avec les collectivités territoriales et l’association des citoyens. Les instances de décision de la Société du Grand Paris sont majoritairement composées de représentants de l’État. En cas de désaccord, c’est donc la voix de l’État qui primera. Aussi, un passage en force n’est pas exclu.

L’impératif d’associer les citoyens au projet n’est pas non plus respecté. L’article 3 du présent projet de loi permet la mise en œuvre d’une procédure simplifiée, dérogatoire à la procédure de droit commun en matière de débat public. Elle vise, selon les termes mêmes du rapport, à économiser un an. D’une part, on se demande s’il est pertinent de précipiter les aménagements de long terme. D’autre part, si on souhaite économiser le temps de la réflexion, cela montre bien que l’association des citoyens au projet est purement factice.

Autre exemple : l’impératif du développement durable. Le tracé prévu du métro souterrain passe en certains lieux des Yvelines et de la Seine-et-Marne par des espaces peu densément peuplés. Des gares y sont cependant prévues. Pour que de tels investissements soient rentables, pour que ces gares soient viables, il va falloir densifier les territoires environnants et augmenter du même coup l’étalement urbain. Le projet actuel n’est pas compatible avec les exigences d’une ville durable, qui doit être une zone moins dévoreuse d’espace, plus compacte et moins cloisonnée. Le projet laisse aussi de côté la question du fret.

Par ailleurs, l’aménagement du plateau de Saclay laisse également perplexe : sur le papier, on nous vante une vision innovante d’un futur cluster scientifique et technique. Pourtant, le projet semble méconnaître la réalité des clusters. Ainsi, le périmètre envisagé, qui couvre plus d’une quarantaine de communes et quelque 240 kilomètres carrés, soit deux fois et demie la taille de Paris, n’est pas compatible avec la définition du cluster, lequel repose sur la concentration des hommes et des activités.

M. le secrétaire d’État cite volontiers l’exemple de la Silicon Valley et de l’université Stanford pour justifier son aménagement. Je connais bien Palo Alto, dont j’ai été témoin de l’évolution au fil du temps : on y rencontre une entreprise high tech à chaque coin de rue. Le périmètre important de ce territoire est donc le résultat de la concentration exceptionnelle d’entreprises, non sa cause.

De plus, l’État occupe une place prépondérante dans ce projet, limitant le rôle et l’action des collectivités territoriales, alors qu’un cluster est avant tout le résultat d’une dynamique locale. La gouvernance proposée est donc en inadéquation avec le but visé et s’inscrit plutôt dans une perspective d’aménagement d’un autre temps. C’est là un double déni : déni démocratique d’une part, déni de modernité d’autre part. Le texte qui nous est présenté s’appuie sur un concept biaisé et insuffisamment maîtrisé. Nous le constatons, ce projet ne répond pas à la définition d’un véritable cluster, et il n’est donc pas viable.

En outre, le projet de loi est fondé sur une vision très contestable des métropoles, qui se résumeraient à une mosaïque de pôles spécialisés. Cette vision multipolaire ne résiste pas à l’analyse. L’activité économique est souvent plus diffuse. C’est davantage vers des quartiers mixtes groupant logements et activités qu’il faut aller.

Nous sommes bel et bien en désaccord sur la forme et sur le fond. Nous privilégions des liaisons domicile-travail, des liaisons de banlieue à banlieue, le désenclavement de certaines villes et le rééquilibrage à l’est, ce qui permettrait de répondre aux attentes des Franciliens.

M. Jacques Mahéas. Très bien !

Mme Bariza Khiari. Nous privilégions des projets de proximité couvrant des besoins réels, notamment en matière de logement, au travers du schéma directeur de la région Île-de-France. Nous apportons des solutions aux trois défis de la métropole moderne : le défi démocratique, le défi écologique et le défi de la solidarité, trois défis dont le rapporteur s’est fait l’écho mais qui brillent par leur absence dans le projet de loi.

La récente sanction électorale infligée à la majorité devrait vous inciter à retravailler ce texte, mes chers collègues, et à prendre en compte nos observations. Un tel désaveu ne peut être sans conséquences.

Enfin, nous ne sommes pas contre un retour de l’État dans notre région, mais à condition que celui-ci soit un État réellement stratège, et non un État autiste, prisonnier de conceptions surannées et faussement innovantes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean Desessard. L’Alsace, la seule région qui résiste !

Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec ce projet de loi nous est proposé une nouvelle organisation des territoires et des transports de l’Île-de-France qui constitue un enjeu pour la vie quotidienne des Franciliens, certes, mais aussi pour le pays tout entier.

M. Jacques Mahéas. Même pour Strasbourg !

Mme Fabienne Keller. Je veux saluer le travail approfondi de la commission spéciale, présidée par Jean-Paul Emorine et animée par notre dynamique rapporteur Jean-Pierre Fourcade.

Ce texte marque la volonté forte de l’État d’accélérer l’indispensable structuration de la région-capitale. Le transport est conçu ici comme une colonne vertébrale, comme le maillage de base du développement économique, social et urbain.

Il est clair que cet effort de l’État devra s’ajouter à celui des collectivités locales – régions, départements, communes et intercommunalités –, car trois décennies de retard en matière d’investissements dans le réseau ferré et les gares aboutissent aujourd'hui à un réseau saturé, fatigué et offrant aux voyageurs franciliens de mauvaises conditions de transport.

Comme je l’ai moi-même écrit dans un rapport consacré aux gares, les provinciaux n’accepteraient pas, me semble-t-il, d’être traités comme les Franciliens le sont aujourd'hui dans leurs transports au quotidien !

Mme Fabienne Keller. Et je suis obligée de vous dire, mes chers collègues, que la dernière décennie n’a guère amélioré la situation, ni permis de rattraper ce retard.

Pour mieux desservir l’Île-de-France, il faut donc accélérer les projets ; tel est l’objectif de ce texte de loi. Les ralentir ne servirait à rien. Tout au contraire, il s’agit de mobiliser toutes les énergies, comme vient de le proposer à l’instant notre collègue Christian Cambon.

Je voudrais aborder ici deux thèmes qui concernent plus particulièrement le transport.

Premièrement, j’évoquerai les dessertes TGV.

S’il existe un sujet stratégique pour l’organisation de l’Île-de-France, c’est bien la desserte en trains à grande vitesse des première et deuxième couronnes. Et sur ce point, – je vais peut-être vous surprendre, mes chers collègues – la région parisienne est entièrement solidaire du reste de la France,…

Mme Nicole Bricq. Évidemment !

M. Christian Cambon. Très bien !

Mme Fabienne Keller. … car le problème est le même que pour les liaisons de province à province. En effet, le réseau des grandes lignes ferroviaires dans son ensemble est organisé en fonction des « gares de tête », celles qu’il n’est pas possible de traverser, c'est-à-dire les gares parisiennes.

Des gares traversantes ne peuvent être créées qu’à la périphérie, en première et deuxième couronnes. Ce fut le cas à Marne-la-Vallée, à Massy et à Roissy, où les gares existantes pourront encore être développées ; ce sera le cas, demain, à Orly, à La Défense et à Pleyel. Ces six grandes gares TGV seront toutes interconnectées par le Grand huit que vise à créer ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Permettez-moi d’évoquer la nécessité d’infrastructures complémentaires, ces tronçons de ligne destinés à mieux organiser la liaison entre ces gares. Il s’agirait, notamment, de Valenton-Orly-Massy ou de La Défense-Pleyel-Roissy ; d'ailleurs, pour ce dernier axe, une partie de la ligne de TGV pourrait être commune avec un élément du Grand huit.

Je citerai un exemple très concret : la réalisation de l’interconnexion sud, c’est-à-dire Valenton-Orly-Massy, qui d'ailleurs est prévue dans le cadre du Grenelle de l’environnement, soulagera un tronçon utilisé aujourd’hui à la fois par les TGV, le transport de marchandises et le RER C.

Créer une véritable interconnexion des TGV et la double boucle de métro, c’est permettre une meilleure desserte de Massy, qui gagnerait aussi en centralité. Il en irait de même pour Orly, qui bénéficierait en outre de l’intermodalité avec l’avion. Enfin, et surtout, les dessertes du RER C seraient plus fiables – j’ai entendu de nombreuses interventions relatives au fonctionnement des transports urbains franciliens –, grâce au déchargement de la voie ferrée que ce réseau utilise aujourd’hui.

M. Jean-Louis Carrère. Et qui payera ?

M. Yannick Bodin. Le bouclier fiscal ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Fabienne Keller. Le second thème que je souhaite aborder ici, et qui m’est cher, est celui des gares. (M. Yannick Bodin s’exclame.) Je me réjouis que l’investissement qui leur est consacré, ainsi qu’aux aménagements urbains qui leur sont proches, soit évoqué dans ce projet de loi.

À cet égard, je voudrais souligner l’amélioration que la commission a apportée à ce texte en proposant d’associer les collectivités à l’élaboration des contrats de développement territorial. Ce point est stratégique : la gare est naturellement le lieu de l’intermodalité ; elle constitue un élément central de la chaîne des transports et permet leur articulation efficace.

En outre, c’est autour de la gare, dans une zone plus large, que s’organisent l’habitat, les commerces, les services, que ceux-ci soient publics, privés ou médicaux, ainsi que les activités sociales et culturelles, afin de les rendre accessibles en transports collectifs, dans une logique de structuration efficace des territoires.

Les gares concernées par le projet qui nous est présenté sont essentielles. Elles sont au nombre de quarante, mais elles ne sont pas les seules qui doivent retenir notre attention.

Mes chers collègues, les gares franciliennes sont en très mauvais état. D’ici à 2030, elles connaîtront une hausse de leur fréquentation, qui pourrait doubler selon certaines estimations. Soixante gares complémentaires doivent être modernisées et faire l’objet d’investissements importants.

Comme vous le constatez, il y a de la place pour une action volontariste de la région dans ce domaine ! Une politique ambitieuse, nouvelle et complémentaire devra être engagée. Il s'agit d’améliorer l’accès aux gares et les conditions d’attente sur les quais, qui sont très inconfortables, ce qui aggrave le stress et – j’ose utiliser l’expression – le mauvais traitement infligé aux voyageurs, lesquels, hélas ! attendent longtemps leurs trains, en raison des dysfonctionnements des lignes.

Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions que je me suis permis de vous présenter, bien que, comme certains l’ont souligné sur ces travées (L’orateur montre les travées du groupe socialiste.), je sois strasbourgeoise… En effet, ce texte a tout de même le mérite de marquer une ambition forte pour une région-capitale dont, j’ose le dire ici, tous nos territoires ont besoin ! Ceux-ci doivent être bien articulés avec la capitale grâce aux transports et ils ont besoin de son dynamisme et de son rayonnement.

Monsieur le secrétaire d'État, nous devons relever ce défi, dans une logique de respect des provinces, mais aussi de complémentarité entre celles-ci et Paris. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme j’interviens après vingt-deux autres orateurs, il m’est forcément difficile de ne pas être redondante… Je m’efforcerai donc d’être rapide et n’aborderai que quatre thèmes.

Tout d’abord, j’évoquerai l’intitulé de ce projet de loi relatif au Grand Paris. Celui-ci est clair pour nous, parlementaires et élus, qui nous sommes impliqués dans ce dossier, mais il ne l’est pas pour tous. Je suis étonnée du nombre de Franciliens qui ne savent pas quel est le contenu du texte, et qui sont donc inquiets. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez raté la campagne électorale ! Valérie Pécresse n’a pas été convaincante !

Mme Catherine Procaccia. Ils craignent que leur commune ne soit annexée par la capitale, surtout s’ils se trouvent en grande banlieue.

Toutefois, lorsqu’ils comprennent qu’il s’agit, notamment, d’un nouveau tracé de transports de cent trente kilomètres, qui reliera entre elles et de façon automatique plusieurs villes des petite et grande couronnes et qui structurera le développement de l’Île-de-France, ils sont rassurés. Je pense donc que, à défaut de modifier l’intitulé de ce texte, il est indispensable de faire un effort pour le rendre plus compréhensible,…

Mme Raymonde Le Texier. Ce ne sera pas difficile !

Mme Catherine Procaccia. … afin que la population puisse nous suivre sur ce projet.

Deuxièmement, comme nos collègues l’ont rappelé, si notre réseau de transport est l’un des plus denses au monde, il n’est aujourd’hui plus efficace.

Voilà cinquante ans que j’utilise les transports en commun, et j’ai habité dans quatre départements de la région parisienne. Il y a trente-cinq ans, l’arrivée du RER a véritablement amélioré nos temps de trajets, qui rétrospectivement nous semblent idylliques. Toutefois, depuis lors, ceux-ci ont été multipliés par trois : alors que je mettais dix minutes voilà trente ans pour aller de Vincennes à Auber ou de Vincennes à Noisy-le-Grand, il me fallait le double de temps il y a dix ans ; aujourd'hui, si je veux être sûre d’arriver à l’heure, eu égard aux arrêts et incidents quotidiens, je prévois entre trente et trente-cinq minutes.

M. Christian Cambon. Merci Huchon !

Mme Catherine Procaccia. Le stress des salariés dû aux transports collectifs parisiens est une réalité. Il redouble le soir quand il faut être à l’heure pour récupérer les enfants à la crèche ou à l’école.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je veux réaffirmer, après mon collègue et ami Christian Cambon, que l’avenir de ce projet ne peut être déconnecté de l’amélioration rapide de nos transports au quotidien.

Le projet que vous nous présentez vise un futur qui, pour nous élus, peut paraître proche, mais qui ne l’est pas pour ceux qui, chaque jour, « galèrent », car tel est le mot qui convient, dans les transports. Ceux-là ne peuvent supporter d’attendre dix à quinze ans ! Tel est le sens de l’amendement que Christian Cambon et moi-même avons déposé et qui, heureusement, a été repris par la commission.

M. Charles Revet. L’amendement était bon !

Mme Catherine Procaccia. Si tel n’avait pas été le cas, mon vote sur ce projet de loi aurait été compromis. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Bodin. Oh là là ! Quelle témérité !

Mme Nicole Bricq. Ne vous arrêtez pas en chemin !

Mme Catherine Procaccia. Le troisième sujet que j’aborderai est celui du logement. Je voudrais réaffirmer ici les inquiétudes que j’ai exprimées en commission. Si des transports qui étaient naguère efficaces ne le sont plus, c’est parce que les entreprises se sont implantées non pas à l’est ou au sud, près des logements, mais à l’ouest.

Mme Nicole Bricq. Et voilà !

Mme Catherine Procaccia. Si les logements supplémentaires prévus dans le texte de la commission ne sont pas accompagnés de la création d’emplois de proximité, le nouveau système de transport sera saturé à peine les rails posés. Il est donc indispensable que les futures gares soient aussi accompagnées d’implantations d’entreprises.

Enfin, je terminerai mon propos en évoquant ce que je connais le mieux : la ligne 1 du métro à l’est de Paris. Sur le tronçon qui débute à Vincennes et se dirige vers Paris convergent les deux branches du RER A, dont l’une vient de Boissy-Saint-Léger et l’autre de Marne-la-Vallée. En outre, au métro Château de Vincennes arrivent des milliers de banlieusards, dont les véhicules stationnent désormais sur plusieurs kilomètres dans le bois de Vincennes. Le prolongement de la ligne 1 jusqu’à Val-de-Fontenay est donc une impérieuse nécessité ; selon moi, il doit faire partie intégrante du Grand Paris.

Monsieur le secrétaire d'État, que comptez-vous faire pour favoriser ce prolongement indispensable à l’efficacité de la grande boucle projetée ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Jean Desessard. Monsieur Dallier, êtes-vous dans le rang ?

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au moment où commence l’examen de ce texte, déjà amendé par l’Assemblée nationale et par notre commission spéciale, chacun aura compris, en écoutant les différents orateurs qui se sont exprimés, que les esprits n’étaient pas encore tout à fait disposés, semble-t-il, à rechercher le consensus. Or c’est bien celui-ci qu’il nous faudra trouver si nous voulons faire avancer la cause de la métropole du Grand Paris, qui constitue un véritable enjeu national.

Néanmoins, tout d’abord, de quel Grand Paris parlons-nous ?

Du Grand Paris de la compétition économique avec les autres villes-monde, Londres, New York, Tokyo, et bientôt avec les grandes métropoles qui émergent en Asie et en Amérique du Sud et qui tentent également – c’est bien normal – d’attirer les grandes entreprises, les universitaires, les chercheurs,…

M. Jean Desessard. Les chercheurs, il faut pouvoir les payer !

M. Philippe Dallier. … les emplois et la richesse économique ?

Parlons-nous du Grand Paris de la galère quotidienne des transports due, depuis bientôt trente ans, il faut le dire, à un manque chronique d’investissements ?

M. Philippe Dallier. Parlons-nous du Grand Paris de la ségrégation territoriale, de l’iniquité fiscale et d’une péréquation financière tellement insuffisante…

Mme Nicole Bricq. Elle n’est plus insuffisante, elle n’existe plus !

M. Philippe Dallier. … que c’est paradoxalement dans les villes les plus pauvres de nos banlieues que les impôts locaux sont les plus lourds, alors que les services à la population sont les plus faibles ?

M. Jacques Mahéas. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Dallier. Parlons-nous du Grand Paris du manque de logements, du manque de mixité sociale, du manque de structures d’hébergement qui laissent chaque nuit des centaines de personnes sur les bouches de métro de la capitale ?

Parlons-nous en somme d’un véritable projet métropolitain bâti à partir d’un constat partagé, dessinant les politiques à mener pour corriger cette situation ?

Parlons-nous enfin d’un véritable outil de gouvernance politique pour porter ce projet métropolitain ?

Malheureusement, monsieur le secrétaire d'État, comme vous le reconnaissez d’ailleurs, votre texte, s’il s’intitule « projet de loi relatif au Grand Paris », n’a pas l’ambition de traiter tous ces problèmes. (M. Yannick Bodin s’exclame.)

Même amendé, sous l’impulsion de notre collègue Dominique Braye, par notre rapporteur, qui a souhaité, en ce qui concerne le logement, fixer une orientation en matière de gouvernance pour tenter d’atteindre l’objectif annuel de construction de 70 000 habitations, ce texte ne traite que des voies et moyens qui permettront à la future Société du Grand Paris de construire le métro automatique et d’assurer le développement du plateau de Saclay.

C’est déjà beaucoup, me direz-vous. Je pourrais partager cet avis, mais pour moi, c’est encore trop peu.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, si je souscris entièrement à votre projet de métro en rocade, qui me paraît effectivement porteur d’un important potentiel de développement économique, je considère qu’il ne suffira pas à construire ce Grand Paris où la cohésion urbaine et sociale serait assurée, une métropole dont le développement économique ne reposerait pas sur le schéma des années 1960, quand l’État a investi massivement sur des territoires qui ont ensuite capté la richesse fiscale.

Mme Nicole Bricq. Il n’y a plus de sous !

M. Philippe Dallier. Il y a deux ans, monsieur le secrétaire d’État, lorsque nous nous sommes entretenus pour la première fois de l’avenir du Grand Paris, j’ai défendu devant vous la thèse qui est la mienne depuis longtemps, celle de la création d’une collectivité locale en capacité de porter efficacement les grandes politiques publiques, garante de la cohésion urbaine et sociale par le partage de la richesse fiscale.

Cette collectivité locale serait, avec la région, qui a la charge des transports, l’interlocuteur dont l’État a besoin pour faire avancer ses propres projets.

Vous m’aviez alors répondu vouloir d’abord faire rêver les Franciliens et les élus locaux pour entraîner l’adhésion, avant de vous attaquer au problème de la gouvernance qui, selon vous, nous mènerait forcément à des querelles sans fin.

Où en sommes-nous aujourd’hui, après deux années ?

M. Jacques Mahéas. Quelle est la solution ?

M. Philippe Dallier. Nous avons effectivement un beau projet de transport que les maires concernés plébiscitent, alléchés qu’ils sont par l’idée d’obtenir une gare du futur métro sur le territoire de leur commune. Vous travaillez d’ailleurs directement avec eux, comme vous nous l’avez dit encore tout à l’heure.

Nous disposons également du travail réalisé par les dix équipes d’architectes maintenant réunies au sein de l’Atelier international du Grand Paris, mais nous n’avons toujours pas su entraîner l’adhésion de nos concitoyens, pas plus que nous n’avons su, entre élus locaux, construire les outils nécessaires.

À cet égard, mes chers collègues, balayons aussi devant notre porte : il ne suffit pas de reprocher à l’État de vouloir prendre la main ; encore faudrait-il que, collectivement, nous proposions un outil de gouvernance de cette métropole ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission spéciale. Très bien !

M. Charles Revet. Très bien !

M. Jacques Mahéas. Mais nous ne sommes pas contre la gouvernance !

M. Philippe Dallier. Nous n’avons pas su construire cet outil, mais peut-être cela viendra-t-il. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

C’est bien cette structure qui devrait nous permettre d’aborder ensemble l’avenir de notre métropole.

Et que dire aujourd’hui des relations entre l’État et la région, si ce n’est que, depuis le soir du second tour des élections régionales, les couteaux sont tirés…

D’un côté le président de la région, largement réélu et pleinement légitime, voudrait nous faire croire – alors que, pendant toute la campagne électorale, le Grand Paris a été un non-sujet – que ce résultat vaut référendum contre le projet gouvernemental.

Mme Nicole Bricq. C’est faux !

M. Jacques Mahéas. C’est scandaleux !

M. Philippe Dallier. De l’autre côté, l’adoption par notre commission spéciale de l’amendement mettant fin, par la loi, au débat public engagé sur le projet « Arc Express » est vécue par la région comme une provocation,…

M. Jacques Mahéas. Et c’en est une ! Retirez-le !

M. Philippe Dallier. … et ce à juste titre.

Ce n’est donc pas, monsieur le secrétaire d’État, le rêve annoncé, mais plutôt le scénario de l’enlisement redouté que nous risquons aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Caffet. À qui la faute ?

M. Philippe Dallier. Quelle déception je dois dire pour tous ceux qui, de droite, de gauche ou d’ailleurs, sont, comme moi, sincèrement convaincus de l’urgence qu’il y a à inventer une nouvelle organisation politique de notre métropole pour enfin porter un véritable projet métropolitain ! (M. Jean Desessard s’exclame.)

Alors, que faire aujourd’hui pour renouer les fils du dialogue et sortir de cette situation de blocage ?

Il faut d’abord que l’État reconnaisse, dans la logique de notre République aujourd’hui décentralisée, qu’il a besoin des collectivités locales, et pas seulement pour payer les factures en investissement ou en fonctionnement, mais dès l’élaboration des projets. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Il faut ensuite que, dans cette région-capitale, les collectivités locales reconnaissent que l’État, garant de l’intérêt national, est légitime à y intervenir fortement.

Il faut également que les uns et les autres reviennent à la table des négociations et discutent enfin.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est un peu tard !

M. Philippe Dallier. Pourrons-nous y parvenir uniquement en amendant ce texte ? Je ne le crois pas, mais nous pouvons en tous les cas donner des signes forts aux collectivités locales, notamment dans la constitution du conseil de surveillance de la future Société du Grand Paris.

Dans un récent entretien accordé à la revue L’Architecture d’Aujourd’hui, le Président de la République a, plus clairement encore que dans son discours du 29 avril dernier prononcé à la Cité de l’architecture, émis le souhait que le syndicat mixte Paris Métropole joue un rôle prépondérant dans ce Grand Paris. Je vous proposerai donc des amendements visant à le positionner comme tel.

Nous pouvons également, monsieur le secrétaire d’État, en revenant sur l’amendement de notre collège Yves Pozzo di Borgo, qui, certes, avait une logique vertueuse, mais qui est manifestement brutal,…

M. Jacques Mahéas. Brutal, c’est le mot !

M. Philippe Dallier. … inviter l’État et la région à discuter des projets de transport, à les retenir ou à les modifier, en fonction de la nouvelle donne que constitue votre métro automatique.

Mes chers collègues, à deux ans de la prochaine échéance présidentielle, chacun le comprend, le risque est grand d’un blocage complet jusqu’à cette échéance. C’est à l’évidence la tentation de certains.

M. Jean-Pierre Caffet. Pas la nôtre !

M. Philippe Dallier. Nous aurions alors perdu quatre années depuis 2008 !

Nous ne pouvons pas nous payer ce luxe-là. Voilà pourquoi je forme des vœux pour qu’au-delà de nos divergences politiques, qui peuvent bien sûr avoir du sens, nous tentions, de bonne foi, les uns et les autres, de faire bouger les choses.

Sur un sujet aussi important, nos concitoyens ne nous pardonneraient pas nos petites querelles, car c’est assurément, au bout du compte, le Grand Paris et la France entière qui y perdraient. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les accents des dernières interventions m’ont fait penser que nous avions échappé de peu à une guerre civile…

Revenons à la raison !

Je crois l’avoir indiqué dans mon propos introductif – mais peut-être certaines interventions avaient-elles été rédigées auparavant, c’est du moins le sentiment que j’en ai retiré –, il s’agit ici de faire le Grand Paris avec des outils présentés dans ce projet de loi, et de le faire ensemble, c'est-à-dire que l’État prend la responsabilité d’engager cette action et les collectivités territoriales concernées …

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … ne paient pas l’infrastructure de transport.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je l’ai dit, vous l’avez entendu…

M. Christian Cambon. Mais M. Bodin n’entend pas !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … et je le répéterai chaque jour si nécessaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est la réalité !

M. Jean-Pierre Caffet. Les communes « concernées » sont aussi compétentes légalement !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. J’y viens.

Nous avons la volonté de réaliser ensemble un projet stratégique d’intérêt national, chacun étant dans sa compétence.

J’ai apporté des précisions sur ce point tout à l’heure : les compétences de la région ne sont en rien affectées par ce projet de loi.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est faux !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je l’affirme depuis trois ou quatre mois et personne, à ce jour, ne m’a prouvé que mon analyse était erronée.

M. Jean-Pierre Caffet. On va le faire !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je vous entendrai avec beaucoup d’intérêt. Mais ce n’est pas l’objet du débat.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit ici de réaffirmer que chacun, dans ses compétences, doit aider à la réalisation de ce projet d’intérêt national.

Nous aurons l’occasion, dans les jours qui viennent, d’approfondir ces différentes questions au travers des amendements, mais je voudrais relever rapidement un certain nombre de points.

D’abord, je n’ai entendu aucune sénatrice ni aucun sénateur – ni d’ailleurs aucun député – remettre en cause la volonté de placer la ville-monde au niveau des grandes villes-monde actuellement en compétition.

M. Yannick Bodin. Il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade !

Mme Nicole Bricq. On ne vous a pas attendu, monsieur le secrétaire d’État !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ce point est fondamental car, si le schéma directeur d’aménagement de l’Île-de-France avait été ce qu’il aurait pu être, le Président de la République, lors de sa prise de fonctions, n’aurait pas été amené à demander, par l’intermédiaire du Premier ministre, à deux reprises, au président de la région de mettre en place un projet de développement régional ambitieux. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Caffet. Il aurait trouvé autre chose !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Non, pas du tout ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Je suis prêt au dialogue, pas à un échange d’interjections !

M. Yannick Bodin. Il faut être crédible !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Crédible ? Je vais vous dire en quoi ce qui vous est proposé est crédible, monsieur le sénateur.

M. Alain Gournac. Et notre collègue est-il crédible lui-même ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Quand on propose un projet d’aménagement de la région parisienne par lequel on entend, même si cela n’a pas été dit à l’époque, faire de la capitale une ville-monde, c’est-à-dire une ville internationale, mais sans prévoir que le réseau de transport soit relié aux aéroports, que ce soit Roissy-Charles de Gaulle, Orly ou le Bourget, cela pose déjà un petit problème de stratégie !

M. Alain Gournac. En effet !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Et puisque, par ailleurs, vous avez été nombreux à parler aujourd’hui de cohésion sociale, j’attire votre attention sur le fait que l’enclavement des territoires les plus sensibles - Montfermeil, Aulnay-sous-Bois, Clichy, Sevran, mais également Villiers - n’était en rien traité par le schéma directeur.

Donc, qu’il s’agisse du développement économique international ou de la cohésion sociale, il existait effectivement de profondes lacunes.

M. Jacques Mahéas. C’est vrai !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. C’est la raison pour laquelle une ambition nouvelle était nécessaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. C’est ainsi qu’est né le projet du Grand Paris, mesdames, messieurs les sénateurs.

Messieurs Romani et Pozzo di Borgo, madame Dumas, vous avez rappelé très fortement l’enjeu du Grand Paris pour peser dans la compétition internationale, au bénéfice de toute la France, et pour favoriser la croissance du pays tout entier. Je vous en remercie. Tel est effectivement l’élément premier qui fonde ce projet.

Cela a d’ailleurs de nombreuses conséquences, notamment l’articulation de la région capitale avec sa façade maritime, que vous avez soulignée justement et avec beaucoup de talent, madame Morin-Desailly, monsieur Revet. Je vous rejoins parfaitement sur ce point.

En revanche, je dois écarter une interprétation du projet de loi que j’ai entendue mais que je récuse. Le projet de loi crée une Société du Grand Paris, c’est un fait, mais cela ne peut en rien préfigurer une forme de gouvernance du Grand Paris : ce n’est qu’un établissement.

Mme Nicole Bricq. Avec des pouvoirs exorbitants !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. D’aucuns ont estimé que le syndicat mixte Paris Métropole – j’ai d’ailleurs moi-même évoqué cette question dans mon propos introductif – pourrait être un élément préfigurant la gouvernance.

Ce n’est pas l’objet du présent projet de loi, mais nous pourrons en parler, et sérieusement, mesdames, messieurs les sénateurs.

MM. Dallier et Dominati, qui sont des spécialistes de la gouvernance, seront d’accord avec moi : ce n’est pas ainsi que l’on préfigurera la gouvernance du Grand Paris. Plus tard, la question de cette gouvernance devra être posée ; elle l’est déjà, mais en pointillé. Tout le monde doit pouvoir y travailler et trouver des formes consensuelles pour la résoudre.

Cette question m’amène, madame Bricq, à vous répondre sur les compétences. Vous avez rappelé que les collectivités territoriales « ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Constitution !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Vous avez en effet cité les termes de l’article 72 de la Constitution, légitimant par là même ce projet de loi, qui met en œuvre des décisions correspondant à des compétences qui ne peuvent être mises en place que par l’État.

Vous savez d’ailleurs suffisamment ce qui se passe au-delà de nos frontières pour ne pas ignorer que, dans toutes les grandes capitales, y compris à Londres, qui n’est pas si loin, les grands projets d’intérêt national s’élaborent avec l’État.

Mme Nicole Bricq. En Grande-Bretagne, la décentralisation n’existe pas !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. La présence de l’État britannique au sein des autorités du Grand Londres est supérieure à celle de l’État français dans la gouvernance de Paris aujourd’hui et du Grand Paris de demain. Et je pourrais continuer la liste des exemples.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En quoi est-elle « supérieure » ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Mais il y a plus gênant encore.

M. Yannick Bodin. Plus gênant pour qui ? Pour vous !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Non !

Madame Bricq, vous avez fait reproche au projet de loi relatif au Grand Paris de ne pas avoir repris le SDRIF.

Mme Nicole Bricq. Vous le bloquez, c’est un fait !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je ne développerai pas davantage les lacunes du schéma directeur, j’ai déjà parlé des aéroports, sinon pour citer rapidement le plateau de Saclay ou un certain nombre d’autres atouts qui n’ont pas été pris en compte, alors que tous contribueraient au rayonnement international et national de Paris.

Plus graves me semblent les propos que vous avez tenus sur les créances de l’industrie automobile, laissant entendre qu’elles pourraient ne pas être honorées. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

M. Alain Gournac. C’est honteux !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je suis très embarrassé de savoir que ces affirmations figureront au Journal officiel. Comment un élu de la nation peut-il prétendre avoir des doutes sur les créances des constructeurs automobiles français ?

Mme Nicole Bricq. On ne sait pas quand ils les rembourseront !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Si, à l’échelon national, de telles réserves sont déjà gênantes, elles le sont plus encore à l’échelon international.

Depuis des mois, j’entends dire que le financement du réseau automatique de transport, dit « double boucle », ne sera pas assuré ...

Mme Nicole Bricq. Il ne l’est pas !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. ... et que l’État ne parviendra pas à trouver un dispositif en ce sens.

Or, à peine l’examen de ce projet de loi par le Sénat a-t-il débuté que le Gouvernement explique, par ma voix, que cette infrastructure sera financée.

Mme Nicole Bricq. Ce ne sont que des paroles ! Nous verrons à l’automne ce qu’il en est, au moment de l’examen du projet de loi de finances !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Il s’agit d’un engagement !

M. Jacques Mahéas. C’est le Premier ministre qui devait s’engager sur cette question !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ce n’est pas vrai. Il n’est qu’à se reporter à mes propos : j’ai affirmé que ce serait le Président de la République, le Premier ministre ou moi-même !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. J’en viens à Arc Express,…

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … qu’ont évoqué Mme Voynet ainsi que MM. Lagauche et Mahéas. Notre ambition est-elle de voir la région réaliser les deux axes d’Arc Express – le nord et le sud –, soit seulement 50 kilomètres de voies,...

M. Jean-Pierre Caffet. Nous sommes des petits bras ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. ... tandis que l’État se chargera des 130 kilomètres de la double boucle, qui reprend à 80 % le tracé d’Arc Express ?

Il faudra expliquer une telle position à la fois devant la Haute Assemblée et devant l’opinion publique.

M. Jacques Mahéas. Attendez l’enquête publique !

M. Jean-Pierre Caffet. Il faudrait montrer le tracé !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Jusqu’à présent, je ne me suis pas prononcé sur ces questions, mais je le ferai maintenant que le débat est ouvert.

Il faudra également expliquer à Clichy-Montfermeil, Sevran, Gonesse et même Sarcelles qu’elles ne seront plus desservies… Sauf à repenser totalement Arc Express, et à revoir le dossier qui a été transmis à la Commission nationale du débat public, on voit mal comment ces communes pourront l’accepter, à juste titre, d’ailleurs, car elles ont commencé à comprendre le développement qu’elles peuvent attendre de cette desserte.

M. Jacques Mahéas. Et au sud ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ce qui m’importe, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont les projets eux-mêmes, non leurs auteurs ! J’aurais aimé applaudir à d’autres projets, pour peu que ceux-ci puissent se concrétiser intégralement et rapidement, parce qu’ils revêtent une importance stratégique pour les populations et pour l’économie.

Mmes Assassi, Tasca et Khiari ainsi que MM. Collin et Vera ont évoqué la nécessaire confiance qui devait régir les relations entre les collectivités territoriales et l’État. Dès l’instant que les compétences sont bien définies – c’est le cas – et que les engagements réciproques sont tenus à chaque fois qu’une variable d’ajustement doit être mise en place – je pense au contrat de plan État-région –, la confiance est possible. Je ne vois donc pas en quoi nous pourrions a priori nourrir des inquiétudes particulières à ce sujet.

Certes, nous aurons l’occasion d’approfondir la question des transports lors de la discussion des articles, mais je précise d’emblée à Mme Procaccia et à M. Cambon que le fait de favoriser, à l’est de l’aire urbaine, le développement du Val-de-Marne et d’intégrer dans le contrat de plan État-région ne serait-ce que le prolongement de la Tangentielle Nord jusqu’à Champigny-sur-Marne constitue une priorité pour le Gouvernement.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Jacques Mahéas. N’oubliez pas la concertation !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Certes, cela dépendra de la région et de l’État. Toutefois, il s’agira d’un point essentiel du contrat qui sera proposé par la région ou que nous amenderons. J’en ai pris l’engagement ; nous le tiendrons.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Madame Assassi, évitons les clichés. Si je comprends bien votre raisonnement, avec la double boucle, l’État se chargerait des trajets « boulot-boulot », alors qu’Arc Express assurerait les trajets « boulot-domicile ».

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Une telle position est difficilement soutenable, puisque, comme je le disais,  le tracé d’Arc Express est intégré à 80 % dans la double boucle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons être en désaccord sur un certain nombre de sujets, mais au moins discutons de manière objective et raisonnable et posons les problèmes clairement. Nous aurons toujours le temps pour les effets de manche…

M. Collin a beaucoup insisté sur le désenclavement des territoires en désespérance. C’est tout à fait dans cette optique que le réseau de la double boucle a été conçu. Je me suis suffisamment battu sur ce tracé pour pouvoir affirmer devant vous qu’il est aujourd'hui arrêté. Il a même été arbitré directement par le Président de la République. Quel curieux pays que le nôtre, où une telle décision doive remonter aussi haut ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jacques Mahéas. Et la décentralisation ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. C’est la vérité, qu’elle vous plaise ou non. Je n’ai pas pour habitude de dire autre chose !

Monsieur Badré, nous aurons l’occasion de revenir sur les propos forts pertinents que vous avez tenus, notamment sur l’articulation logement-emploi-transport et la constitution de polarités de vie qui ne soient pas seulement des polarités de techniciens ou d’ingénieurs. Mme Tasca a également beaucoup insisté sur ce point. Nous sommes d’accord. Rien dans le projet de loi qui vous est soumis ne va à l’encontre d’une telle ambition, bien au contraire.

Mme Hermange a évoqué l’écologie humaine. Je suis prêt à approfondir avec la Haute Assemblée cette notion, qui est essentielle. Mme Laborde a insisté sur la question du logement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attends de ce débat au sein de la Haute Assemblée qu’il nous permette de parvenir à un accord le plus large possible, car j’ai constaté que, sur les travées de la majorité présidentielle comme sur celles de l’opposition, des convergences très fortes se dégageaient.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Nous avons déposé des amendements !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. J’espère que nous parviendrons, avec l’aide du Gouvernement, à un accord sur un texte qui nous convienne.

Enfin, Mme Tasca a évoqué Saclay et je partage sinon toutes du moins certaines de ses positions. De nombreux articles du projet de loi y sont consacrés et leur examen nous donnera l’occasion d’y revenir de manière approfondie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir répondu pour l’heure à l’ensemble des questions qui m’ont été posées par les différents intervenants. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Discussion générale (suite)

6

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport analysant les avantages et les inconvénients du maintien des dispositions prévues par l’instruction codificatrice n° 05-029-A8 de la direction générale de la comptabilité publique, prévu par l’article 197 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

Ce rapport a été transmis à la commission des finances. Il est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

7

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques (n° 235, 2009-2010), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond et qui a été renvoyée pour avis à la commission des finances, est également renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.)

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

8

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Exception d'irrecevabilité

Grand Paris

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Exception d’irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Question préalable

Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Voguet, Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°5.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n° 367, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-François Voguet, auteur de la motion.

M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est des moments rares dans notre République, par exemple quand le peuple devient législateur et est appelé à donner son avis sur un projet de loi.

Nous venons de vivre un tel moment avec les élections régionales en Île-de-France. En effet, chaque liste en présence a placé au cœur de sa campagne son opinion, son jugement sur le projet de loi qui vient en discussion devant nous aujourd’hui.

Aussi, les citoyens de cette région, en élisant leurs représentants, ont été appelés à donner leur avis sur ce texte de loi.

Dans ces conditions, les premiers articles de la Constitution prennent toute leur dimension et toute leur valeur.

En stipulant, en son article 2, que le principe de la République est : « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » et, dans son article 3, que la souveraineté nationale « appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum », la Constitution affirme un principe fondateur qui fait du peuple le souverain en toute chose et de son vote l’outil de cette souveraineté.

Au lendemain des élections régionales, l’expression de notre peuple a été claire. Elle doit être respectée. Le projet de loi sur le Grand Paris ayant été au cœur du débat régional, ce serait faire offense à notre peuple que d’en poursuivre l’examen.

En votant majoritairement pour des représentants régionaux s’étant exprimés clairement et publiquement contre ce projet de loi, les citoyens d’Île-de-France ont rejeté dans l’opposition la liste concurrente qui soutenait ce projet. Le peuple de la région d’Île-de-France a exercé sa souveraineté, il a tranché en élisant ses représentants ; il doit donc être entendu.

Est-ce interprétation de notre part que de penser que les termes du choix étaient clairement posés ? Permettez-moi quelques rappels.

C’est le Gouvernement qui a décidé de soumettre ce projet de loi au Parlement, contre l’avis de l’immense majorité des élus municipaux, départementaux et régionaux. C’est encore lui qui a décidé d’en faire l’axe central des candidats de la majorité en Île-de-France. Le Président de la République est même allé jusqu’à convoquer à l’Élysée les têtes de listes UMP d’Île-de-France pour leur rappeler qu’elles devaient mettre au premier plan de leur campagne électorale le projet du Grand Paris. On peut même dire, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez voulu transformer les élections régionales en Île-de-France en un référendum pour ou contre le Grand Paris.

C’est d’ailleurs le Gouvernement qui a organisé le débat parlementaire pour que la discussion de ce texte et les élections régionales soient concomitantes. Il était alors persuadé que ce serait un « plus » pour les candidats de la majorité, qui y trouveraient un soutien fort et décisif.

Finalement, le peuple souverain a rejeté une telle réforme en élisant ses représentants. Dans ces conditions, ne pas tenir compte du vote des Franciliens et poursuivre l’examen de ce projet de loi serait contraire à l’article 3 du texte constitutionnel. C’est le premier élément justifiant pour nous cette motion d’irrecevabilité.

« À scrutin régional, conséquences régionales », affirmait le Président de la République. Ce projet de loi ne concernant que la région Île-de-France, nous vous demandons aujourd’hui d’appliquer ce principe en cessant l’examen de ce projet de loi. Pour nous, c’est essentiel.

Cependant, il est d’autres arguments qui justifient cette motion. En effet, ce projet de loi est, à notre sens, contraire à de nombreux autres articles de la Constitution.

Ainsi, ce texte a d’abord été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, en méconnaissance de l’article 39 de la Constitution, qui prévoit, en son deuxième alinéa, que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

Devant ce manquement flagrant aux règles constitutionnelles, nous avons alerté les autorités parlementaires et gouvernementales, mais sans succès.

L’exposé des motifs est pourtant clair. On y lit en effet que « la conception et la mise en œuvre concrète du projet nécessiteront son partage avec tous les acteurs et la mise en place des outils juridiques et structures de pilotage appropriés », ce qui signifie, si vous me permettez cette traduction, que les collectivités locales seront contraintes d’y participer dans un cadre juridique spécifique qui modifiera leurs règles de fonctionnement.

L’exposé des motifs se termine par une phrase qui éclaire les enjeux du texte : « Les projets de développement territorial seront définis dans leur contenu et dans leur périmètre en partenariat entre l’État et les collectivités locales et actés dans un contrat ». Nous soutenons par conséquent que le Gouvernement a méconnu l’article 39 de la Constitution, en ne présentant pas ce projet de loi en premier lieu au Sénat. C’est la deuxième raison qui motive le dépôt de notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous interroger à ce stade de ma démonstration. L’article 34 de la Constitution dresse la liste de l’ensemble des matières dont la loi peut fixer les règles ou déterminer les principes fondamentaux. Je vous ferai grâce de la liste, chacun pourra s’y référer.

J’ai donc cherché dans cet article à quel domaine de la loi pouvait se rattacher ce projet de loi. J’avoue que je n’y ai rien trouvé qui concerne la création d’une infrastructure de transport public ou la création d’un établissement public à caractère industriel et commercial. Il semblerait donc que l’objet de ce projet de loi ne soit pas vraiment conforme à l’objet constitutionnel d’une loi, à moins que le Gouvernement ne rattache ce texte au domaine de la libre administration des collectivités locales. Dans ce cas, cependant, monsieur le secrétaire d’État, vous confirmeriez le bien-fondé de la critique relative à la non-application de l’article 39 que je viens de développer.

J’attends donc de votre part une réponse précise à cette simple question : en quoi ce projet de loi répond-il aux exigences de l’article 34 de la Constitution ? Pourriez-vous nous préciser à quel domaine de la loi vous le rattachez ?

La question est d’autant moins anodine que si, comme nous le pensons, vous rattachez bien ce texte à l’organisation des collectivités locales, ce projet de loi, outre la non-application de l’article 39, met à mal l’article 72 en supprimant la libre administration des collectivités locales franciliennes, notamment dans la gestion de leur sol, et tout particulièrement la libre administration de la région d’Île-de-France dans sa compétence « transports ».

Nous avons déjà eu ce débat à propos du texte sur la réforme de nos collectivités locales, mais il prend ici un relief particulier.

En effet, les pouvoirs conférés dans le texte à la Société du Grand Paris sont considérables sur le plan territorial. Compte tenu de l’ampleur du réseau de transports dont elle gérera la construction, la Société exercera des pouvoirs d’aménagement sur un périmètre équivalent à quatre fois la superficie de Paris ; c’est considérable ! Elle détiendra donc à elle seule plus de pouvoirs que n’importe quelle collectivité territoriale régionale.

Un tel déséquilibre est d’autant plus grave que, contre les dispositions de l’alinéa 5 de l’article 72 de la Constitution, qui précise qu’aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre, la Société du Grand Paris aura, elle, tout pouvoir pour imposer ses vues.

Compte tenu de l’ampleur des pouvoirs de la Société du Grand Paris et de son champ d’intervention territorial, il s’agit non pas d’un simple encadrement de la libre administration des collectivités locales franciliennes, mais bien d’une remise en cause totale de ce principe constitutionnel.

Avec un tel projet de loi, les communes qui accueilleront des gares vont perdre la gestion de leur sol, qui est pourtant une compétence essentielle, une compétence que l’on pourrait même définir comme fondatrice de leur existence. Le périmètre un temps envisagé à 1 500 mètres autour des gares représente à certains endroits plus de la moitié, voire la totalité du territoire de ces communes. C’est dire l’ampleur de la remise en cause des pouvoirs constitutionnellement garantis aux communes !

Que dire alors de la remise en cause totale de la compétence régionale en matière de transports ? L’État n’a rien fait pendant plus de trente ans alors qu’il exerçait la compétence « transports » dans la région Île-de-France. Après avoir renié ses engagements financiers lors du transfert de cette compétence à la région, il refuse toujours de transmettre au Conseil d’État le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, et décide finalement aujourd’hui de reprendre la main, seul et sans concertation véritable, malgré l’avis contraire de l’immense majorité des élus locaux franciliens.

Alors que la Constitution, dans son article 1er, définit l’organisation de notre République comme étant « décentralisée », le Président de la République n’a pas hésité à nommer un ministre pour s’occuper d’une région et à passer par la loi pour imposer un modèle de développement contraire aux orientations définies par les élus qui en ont la charge.

Cela constitue en fait une sorte de coup de force institutionnel. Le Sénat, qui représente les collectivités locales, ne peut accepter une telle remise en cause. C’est la troisième raison qui motive notre motion.

Chacun en convient, le texte s’apparente à une loi d’exception qui permet sur un territoire défini, mais dont les contours sont encore vagues, de remettre en cause les règles communes qui s’imposent à tous sur l’ensemble du territoire national. De ce fait, le projet de loi sur le Grand Paris méconnaît l’article 1er de la Constitution, qui affirme l’égalité des citoyens devant la loi.

Avec ce projet de loi et les règles d’exception qu’il instaure, les élus franciliens municipaux, départementaux et régionaux ne disposeront plus des mêmes pouvoirs que les autres élus de notre pays et, partant, les citoyens qu’ils représentent ne disposeront plus des mêmes droits que les citoyens des autres régions. Une telle situation constitue à nos yeux une nouvelle violation de la Constitution.

Ces règles sont par ailleurs d’autant plus contestables qu’elles sont inutiles, néfastes et dangereuses.

Elles sont inutiles, car le Gouvernement dispose de tous les outils juridiques nécessaires à la réalisation de ce projet d’infrastructure de transport par l’intermédiaire des contrats de plan État-région, des schémas directeurs d’aménagement ou des opérations d’intérêt national, les OIN.

Elles sont néfastes, car elles empilent de nouvelles structures d’aménagement dans une région qui n’en manque pas. Pour ne prendre que l’exemple du plateau de Saclay, sur un même territoire il y a déjà des communes, un département et une région qui interviennent en termes d’aménagement, mais aussi un plan Campus, une OIN et des pôles de compétitivité. Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire, dans ces conditions, de rajouter deux nouvelles structures pour intervenir sur l’aménagement du même site.

Le texte du projet de loi est néfaste parce qu’il démantèle le STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, et remet en cause ses prérogatives. Alors que partout en France on tente de mettre en place des organismes de gestion et de coordination des transports régionaux, le projet de loi envisagé pour la région d’Île-de-France fractionne, divise, casse l’outil que chacun rêve d’établir ailleurs.

Ce texte est néfaste parce que le projet de grande boucle envisagé, le Grand huit, est un métro rapide qui méconnaît les besoins du maillage nécessaire au développement des transports franciliens et ne se préoccupe que des problématiques de trajets « travail-travail », alors que les enjeux franciliens, comme partout ailleurs, se concentrent sur les trajets « domicile-travail ».

Ce projet de loi porte aussi un plan d’aménagement dangereux pour l’avenir de la région et la vie de ses habitants parce qu’il organise un développement économique et urbain centré sur des pôles au détriment du reste du territoire. Ce développement ségrégatif risque de renforcer la compétition entre les territoires, alors que c’est la solidarité qui devrait être soutenue.

Ce type de développement est dangereux car il va relancer la spéculation foncière, pourtant déjà active dans la région. La spéculation permettra sans doute de relancer les investissements, mais aggravera les difficultés pour le plus grand nombre de Franciliens qui souhaitent accéder à un logement et pour les collectivités locales qui ont l’ambition réaliser les équipements publics nécessaires à la vie de leurs concitoyens.

En fait, votre objectif est clair, monsieur le secrétaire d’État : en dessaisissant les élus locaux de leurs prérogatives en matière d’aménagement, vous réduisez leurs possibilités d’intervention pour répondre aux besoins et aux attentes de leurs concitoyens et vous ouvrez la porte aux milieux d’affaires et aux affairistes de tous poils. Voici revenu le temps des bétonneurs et des spéculateurs, qui ont pourtant laissé tant de cicatrices dans le paysage urbain de l’Île-de-France en particulier.

Finalement, vous n’avez rien appris de l’histoire. Vous allez commettre les mêmes erreurs, et ce projet de loi vous permet d’imposer vos vues alors que vous avez été battu par le suffrage universel.

Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens de développer, je vous demande de voter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Un vote majoritaire de notre assemblée permettrait de remettre l’ouvrage sur le métier ; il en a bien besoin. Nous pourrions alors lancer une vaste réflexion associant réellement l’ensemble des partenaires institutionnels, économiques et sociaux, les architectes et les populations.

Notre objectif est simple : placer au cœur du Grand Paris les Franciliens eux-mêmes et répondre ainsi à leurs besoins en termes d’emplois, de logements, de transports, de santé, de formation, de culture, de sports et de loisirs.

Pour y parvenir, il faut doter cette région de services publics de qualité, modernisés et performants, des services qui sont nécessaires pour répondre de manière solidaire à de tels besoins.

La motion de procédure que nous vous invitons à voter est un appel à construire un nouvel espoir. Nous voulons un Grand Paris qui soit beau, où il fasse bon vivre, qui soit respectueux de l’environnement et qui place au cœur de son projet non pas la mise en concurrence des territoires et des habitants au profit de la finance, mais l’ensemble des familles franciliennes. Voilà, selon nous, ce qui est moderne aujourd’hui pour la région parisienne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale sur le Grand Paris. Monsieur Voguet, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt et j’ai noté que vous adressiez au fond quatre reproches au texte proposé par la commission spéciale.

Premièrement, il porterait gravement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Or, dans la rédaction de l’article 72 de la Constitution, que nous avons modifiée il y a quelques années, ces collectivités s’administrent librement, certes, mais « dans les conditions prévues par la loi ». Les limites sont posées, et c’est d’ailleurs pareil pour le droit de grève, mais, curieusement, dans ces deux domaines, on les oublie souvent !

Le législateur peut donc parfaitement prévoir l’intervention de l’État dans le cadre de projets d’intérêt national. En outre, je rappellerai un point auquel je tiens beaucoup : le texte issu de nos travaux ne remet nullement en cause les projets de court terme engagés par la région ; il prépare simplement l’avenir de la région-capitale.

Deuxièmement, le projet de loi aurait d’abord, selon vous, dû être déposé, en vertu de l’article 39 de la Constitution, sur le bureau du Sénat. S’il a été soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale, c’est parce que, contrairement à celui que nous avons examiné aux mois de janvier et février derniers, il ne s’agit pas d’un texte organisant les collectivités territoriales. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat lève les bras au ciel.)

Mme Nicole Bricq. À peine !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Soyons précis : il ne prévoit pas de nouvelle organisation.

Mme Nicole Bricq. Non, il désorganise !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. M. Dallier a d’ailleurs regretté tout à l’heure qu’il ne contienne aucune disposition en ce sens pour le Grand Paris.

Je l’ai dit au début de l’après-midi, le projet de loi a trois objets principaux : la construction d’une nouvelle ligne de métro automatique de grande capacité, la création d’un outil juridique partenarial inédit et facultatif, dénommé « contrat de développement territorial » ; la valorisation du pôle scientifique et technologique établi sur le plateau de Saclay.

Le projet de loi n’a donc pas pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales. Après avoir été débattu à l’Assemblée nationale, le voici soumis au Sénat : la procédure suivie nous paraît parfaitement normale.

Troisièmement, vous avez évoqué les risques de spéculation. C’est la raison pour laquelle j’ai cru devoir ajouter au texte, car cela n’avait été prévu ni par le Gouvernement ni par l’Assemblée nationale, une taxation des plus-values immobilières. Pour ce faire, j’ai repris le texte élaboré par le Sénat dans le cadre du projet de loi Grenelle II en l’adaptant à la région d’Île-de-France. Le Gouvernement déposera, s’il ne l’a déjà fait, un amendement visant à attribuer à celle-ci une partie du produit ainsi récupéré, pour lui permettre de faire face à l’ensemble des opérations à engager.

Mme Nicole Bricq. Cela reste à voir !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Madame Bricq, rappelez-vous : lors de son audition devant la commission spéciale, M. Carrez, que vous citez si souvent, a précisé qu’une telle taxation pouvait rapporter un ou deux milliards d’euros.

Mme Nicole Bricq. Rien n’est moins sûr !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Dans la période actuelle, je ne refuse pas une telle somme, que je considère comme une ressource tangible ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. –  M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

Quatrièmement, enfin, vous nous avez reproché, monsieur Voguet, de ne pas respecter l’expression du peuple. Comme si nous, parlementaires nationaux, étions engagés par un vote régional !

Voilà quelque temps, j’ai siégé au conseil régional d’Île-de-France, aux côtés, notamment, de Mme Bricq, de MM. Lagauche, Bodin…

M. Christian Cambon. Et de nous aussi !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. … et de M. Cambon. (Sourires.) Je me suis notamment occupé des transports, dans le cadre de la commission chargée de ce domaine, avec le bienveillant appui de mon excellent collègue Robert Hue, qui est mon témoin de moralité dans cette affaire.

Non, je ne peux pas laisser dire que nous ne respectons pas l’expression du peuple. Il y aura un débat public sur le projet, qui sera confié à la CNDP, la Commission nationale du débat public.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Nous avons en outre complété la rédaction de l'article 18, pour préciser, de manière claire, que tous les contrats de développement des territoires situés autour des futures gares de la nouvelle ligne de métro feront l’objet d’une enquête publique. Par conséquent, si vous estimez que le projet de loi ne prévoit aucune consultation de la population, c’est que vous l’avez mal lu !

Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission spéciale vous invite à rejeter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. Je me range à l’avis émis par M. le rapporteur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’invite, bien entendu, tous mes collègues à voter la motion défendue, au nom de notre groupe, par Jean-François Voguet. Alors que notre collègue a tout de même été assez explicite, j’ai trouvé, monsieur le rapporteur, que vous aviez une façon toute particulière de lui répondre. Au fond, vous nous avez dit en substance : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

Il y a au contraire, de notre point de vue, beaucoup à voir ! Sans répéter tous les arguments avancés par notre collègue, j’insisterai sur un point véritablement problématique quant à la lettre et l’esprit des règles qui fondent nos institutions.

Le projet de loi s’inscrit dans le droit fil des réformes voulues par Président de la République pour les collectivités territoriales. Si l'examen du texte de portée générale suit son cours, personne ne sait quand il s’achèvera : là aussi, vous n’avez pas entendu le message des électeurs et tenu compte du suffrage universel, alors même qu’il s’agissait précisément d’un scrutin local par lequel on consultait les collectivités territoriales.

Qu’on veuille ou non lui dénier ce droit, le peuple s’exprime ; en tant que parlementaires, nous nous devons de l’écouter.

Globalement, les réformes engagées, notamment celle de la taxe professionnelle, visent à ôter aux collectivités territoriales, dotées, dois-je le rappeler, d’assemblées élues au suffrage universel, certaines de leurs prérogatives, pourtant constitutives de la libre administration des collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation.

On peut toujours affirmer le contraire, mais il n’empêche que la question est posée : comment une collectivité territoriale peut-elle s’administrer librement si elle se voit priver de ses prérogatives, notamment pour développer ses projets de territoire ?

Le texte qui nous est soumis se fonde sur une réalité qui s’impose à tous : le fait métropolitain, voire « mégamétropolitain » ; puisque, selon vos dires, il s’agit d’un projet d'intérêt national, ce qui est vrai, d’ailleurs, c’est à l’État de s’en occuper.

Mais qui s’oppose à l’intervention de l’État ? Personne, en tout cas pas nous ! Nous n’avons eu de cesse de déplorer, au fil des années, le désengagement du pouvoir central, plus particulièrement en région parisienne.

Cela étant, en l’espèce, on passe allègrement de l’intérêt national et du nécessaire engagement de l’État, tout particulièrement financier, à la dépossession des collectivités territoriales, qui, privées de leurs responsabilités en violation du principe de libre administration, se voient mises sous tutelle,…

M. Louis Nègre. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … et au remplacement des instances élues par la technostructure. Or l'engagement de l’État ne va pas obligatoirement de pair avec un tel pilotage !

S’agissant du Grand Paris ou des collectivités territoriales, ce sont finalement les mêmes conceptions que vous mettez en œuvre. Si vous avez « sorti » la région-capitale de la réforme territoriale globale, c’est sans doute parce que vous êtes en butte à de sérieux rapports de force, mais je n’ai nullement l’intention d’entrer dans ce genre de considérations.

Nous sommes d’ailleurs à peine sortis de la réforme des collectivités territoriales que nous y retournons aussitôt, tant les principes sont les mêmes. Ce que j’ai appelé « le pilotage par la technostructure », en tout cas par-dessus les collectivités concernées, la concentration des pouvoirs au niveau des métropoles et le regroupement des collectivités sous la houlette des préfets, tout cela participe complètement de cette conception.

Voilà comment vous réintégrez le projet relatif au Grand Paris dans le cadre la réforme plus globale des collectivités territoriales, en favorisant une reprise en main par l’État, qui plus est sans le moindre apport financier. (Marques de lassitude sur les travées de lUMP.)

M. Louis Nègre. Votre temps de parole est écoulé !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pouvez le nier, mais d’énormes problèmes continuent de se poser.

C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter ce projet de loi relatif au Grand Paris et que nous vous demandons en quelque sorte de surseoir à son examen, pour engager un véritable débat public, en amont et non en aval de la discussion parlementaire.

Finalement, nous en revenons toujours au même point. Après avoir glosé sur le mille-feuille administratif, puis quelque peu tergiversé, le Président de la République est revenu à la charge, lors de la campagne des élections régionales, sur ses projets de réforme en la matière, et vous l’avez suivi. Or, pour ce qui est du Grand Paris, vous créez un échelon supplémentaire dans la prise de décision. (M. Louis Nègre ironise.)

Les élections régionales ont eu lieu, et, que je sache, les Franciliens ne vous ont pas suivis sur ce terrain !

M. Christian Cambon. Combien avez-vous obtenu au premier tour ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est regrettable pour vous, mais c’est un fait, et vous devriez le reconnaître ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre groupe tient à s’associer aux propos qui viennent d’être tenus.

Monsieur le rapporteur, vous avez écarté bien rapidement un certain nombre de vérités, mais je voudrais y revenir, tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme, il est vrai que nous aurions aimé être les premiers consultés. Le Gouvernement nous avait promis que tel serait le cas pour tous les textes touchant aux collectivités territoriales. Vous nous dites que le projet de loi relatif au Grand Paris n’entre pas dans cette catégorie ; permettez-moi de m’interroger !

Si le futur métro, qui est voué à desservir 40 gares et implique donc pour chacune, dans un périmètre de 1,5 kilomètre, la maîtrise des terrains et touche, directement et indirectement, 120 communes au minimum, si donc ce projet ne concerne pas les collectivités locales, c’est à n’y rien comprendre…

Par conséquent, même si cela ne change pas grand-chose sur le fond, il est tout à fait anormal que le Sénat n’ait pas été consulté en premier.

Pour citer un secteur intéressant plus particulièrement M. Voguet et moi-même, les départements du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis ainsi qu’une quinzaine de communes se sont regroupés pour engager une réflexion sur les moyens à mettre en œuvre afin d’améliorer la situation, sur une ligne de conduite à définir en commun, chaque collectivité restant toutefois autonome et libre de s’administrer comme elle l’entend.

Or ici, de liberté, il n’y en a plus pour ces communes.

Je prendrai quelques exemples, à commencer par celui de Fontenay-sous-Bois, la ville dont M. Jean-François Voguet est le maire.

Vous avez écarté d’un revers de la main une consultation populaire qui avait été lancée par le conseil régional sur Arc Express. Cela me paraît relever du non-sens. Je le disais dans la discussion générale, il est quelque peu scandaleux d’inviter au dialogue le conseil régional, pour mieux l’envoyer balader sa première proposition à peine formulée. En d’autres termes, poussez-vous de là ; vous n’avez même plus à consulter ; le passage d’Arc Express par Fontenay-sous-Bois en venant de Noisy-le-Sec pour aller à Sucy-en-Brie, ce n’est pas votre problème, c’est le nôtre ! Et vous faites valoir une économie de 7 milliards d’euros, somme intéressante que les élus pourraient reverser dans la cagnotte commune pour réaliser cette boucle du Grand huit.

Je prendrai un autre exemple, celui de ma propre ville, Neuilly-sur-Marne.

Il semble que, sur la ligne menant de la Cité Descartes à Clichy- Montfermeil, un arrêt était prévu du côté de Chelles ou de Neuilly-sur-Marne. Soit ! Cependant, même si l’arrêt est implanté en limite communale, le périmètre en cause englobe une bonne moitié de la ville que j’administre.

Et pourtant, monsieur le secrétaire d’État, pour vous être rendu sur place, vous savez que nous n’avons pas lésiné quand il s’est agi d’acquérir, et les prix étaient élevés, une centaine d’hectares pour les aménager. Vous savez de quel joyau je parle. Oui, nous nous sommes ruinés pour acheter une grande partie des terrains destinés à accueillir le futur centre national de conservation, de restauration et de recherches patrimoniales.

Et vous voudriez vous contenter de nous demander notre avis ? Ce que nous souhaitons, nous, c’est que, sur les projets entre le Gouvernement et la Société du Grand Paris, vous nous demandiez non pas un avis, mais au moins un accord. Je pense que vous comprenez fort bien notre souci de ne pas être complètement spoliés, nous qui avons acheté, encore une fois à des prix élevés, un certain nombre de terrains.

Certes, vous me direz que l’on peut toujours discuter et trouver une solution, mais les discussions, j’ai vu ce qu’il en était à l’heure où nous devions voir arriver sur ces terrains les réserves destinées à stocker les œuvres d’art des grands musées parisiens, notamment du Louvre ! Et je me souviens que, contre l’avis unanime des acteurs concernés, de l’ensemble des élus – je vous prends à témoin, monsieur Voguet – aux techniciens du Louvre, en passant par les représentants des différents ministères, ministres compris, qui étaient d’accord, le Président de la République, par un véritable diktat, a tout simplement privé Neuilly-sur-Marne de ce centre.

Alors, les discussions pour parvenir à un accord, monsieur le secrétaire d’État, l’exemple de Neuilly-sur-Marne illustre de manière évidente qu’il ne faut guère y croire !

J’en arrive au dernier point. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.) Je termine, chers collègues, mais dois-je déduire de vos réactions que nos arguments sont si forts qu’ils vous inquiètent ?

Mme Catherine Procaccia. Nous voulons terminer avant minuit !

M. Jacques Mahéas. Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi traiter de la sorte les élus franciliens ? Sans vouloir en rajouter sur les résultats des élections, je rappelle au Gouvernement qu’il doit tout de même en tenir un peu compte et considérer les élus franciliens comme des élus régionaux à part entière ! Il n’y a pas de raison de les maltraiter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cambon. Ils n’ont rien fait pendant dix ans !

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission de même que l’avis du Gouvernement sont défavorables.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 168 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 152
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Catherine Tasca. C’est dommage !

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Article 1er (début)

Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Caffet, Mme Bricq, M. Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n° 367, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas quinze minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Caffet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au moment d’entrer dans le vif de ce débat, beaucoup d’entre nous ont en tête le discours prononcé par le Président de la République le 29 avril 2009, à l’occasion de l’inauguration des travaux des dix équipes d’architectes chargées d’imaginer la métropole post-Kyoto. Paraphrasant Victor Hugo – Dominique Voynet l’a rappelé avant moi - Nicolas Sarkozy avait dit alors que le Grand Paris devait se concevoir sous l’égide du vrai, du beau, du grand, du juste. (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Aujourd’hui, nous sommes obligés de constater, que dans ce texte, par rapport à ce discours, il n’y a rien de vrai, il n’y a rien de beau, il n’y a rien de grand, il n’y a rien de juste. Le rêve prometteur initié par les architectes a finalement accouché d’un métro automatique souterrain, de deux établissements publics et de nombreuses dispositions contraires aux principes de la décentralisation.

Nous aurons l’occasion d’en faire la démonstration dans le débat qui s’ouvre.

Pour l’heure, parce que la loi sort toujours grandie d’un vrai débat démocratique, arguments contre arguments, je veux me concentrer sur les désaccords de fond qui nous opposent et qui nous incitent à poser la question préalable.

Notre premier désaccord, monsieur le secrétaire d’État, porte sur la stratégie économique qui est sous-jacente à ce texte. Pour vous, afin de doubler la croissance en Île-de-France, il suffirait de relier entre eux, par un métro automatique, des clusters, des pôles de développement spécialisés, qu’ils soient déjà identifiés ou en devenir. Seraient ainsi créés un million d’emplois supplémentaires à l’horizon de quinze ans, cela d’ailleurs en parfaite contradiction avec les perspectives démographiques actuelles, notamment en termes de population active et, surtout, sans que le texte réponde à ces questions cruciales : où et comment seront logés ces nouveaux salariés ?

C’est cette stratégie, fondée sur une vision avant tout technique, que nous contestons. Et si nous la contestons, c’est que nous pensons que votre texte souffre d’un problème de diagnostic.

Vous citez abondamment, monsieur le secrétaire d’État, les autres villes-monde, New York, Londres, Tokyo, mais vous ne faites que les citer comme des eldorados à imiter, sans décrire leur stratégie de développement. Or il suffit de les observer pour constater que le postulat de concentration de l’activité économique dans quelques pôles spécialisés comme facteur essentiel de compétitivité et de croissance ne résiste pas à l’examen de la manière dont se recomposent les grandes métropoles mondiales.

En tout cas, ce que nous ont dit clairement les responsables de l’extension du réseau de transports en commun londonien lors de notre déplacement outre-manche, c’est que leur stratégie ne reposait pas sur un lien de transport entre clusters, mais visait avant tout à relier les banlieues ouest et est de Londres, en passant par le centre de la capitale. Vous en conviendrez, monsieur le rapporteur.

Cette question du diagnostic sur les forces et les faiblesses de l’Île-de-France est pour nous centrale. Le temps me manque pour expliciter notre analyse, mais force est de constater que cette région est extrêmement puissante sur un grand nombre de filières économiques.

Aussi l'enjeu n’est-il pas de rechercher une ou plusieurs filières pour les renforcer en les territorialisant à l'extrême.

Non, le véritable enjeu pour nous est de faire en sorte que la machine à innover régionale soit plus efficace, ce qui suppose de combler le déficit d'entrepreneuriat que l'on constate par rapport à d'autres régions du monde ou, dit autrement, le déficit d'accompagnement aux porteurs de projets dont peuvent naître les petites et moyennes entreprises. Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, je me réfère à ces deux étudiants de Stanford que vous évoquiez dans la discussion générale.

De fait, partant du constat que les pôles de compétitivité ne peuvent tout faire, nous pensons que la stratégie francilienne de croissance renvoie moins à un problème de choix de secteur à privilégier qu'à la sous-efficacité actuelle de l'appareil productif.

Nous pensons, pour résumer, que la véritable question stratégique est celle de la territorialisation des politiques d’innovation et qu'elle dépasse largement le seul problème du contour géographique des clusters.

En Île-de-France, le cluster, pour nous, ce doit être la région tout entière. C’est cette stratégie qu’a tenté d’incarner le SDRIF – peut-être imparfaitement, j’en conviens... –, en faisant en sorte, en outre, que les enjeux sociaux soient intégrés au mieux dans les priorités régionales, de manière à associer les politiques d’aménagement et les politiques de développement économique.

Notre deuxième point de désaccord, qui est tout aussi profond que le premier, porte sur la méthode employée pour élaborer ce projet de loi. D’une certaine manière, ce texte signe le retour de l’État en Île-de-France. Cela aurait pu être une bonne nouvelle, après des décennies d’absence, mais ce retour s’effectue dans les pires conditions, et je dirai même dans des conditions exécrables.

Je ne reviendrai pas sur les différentes versions de ce texte, notamment celle du 27 août 2009, heureusement modifiée à la suite de son examen par le Conseil d’État, afin d’en gommer les aspects les plus « recentralisateurs », qui encouraient le risque d’inconstitutionnalité.

Songez, mes chers collègues, que le Gouvernement avait imaginé au départ, après une vague concertation avec les collectivités locales, de leur imposer par décret le périmètre et le contenu des contrats de développement territorial ! Et quand je parle de contenu, ce n’est pas un vain mot, puisqu’il s’agissait « des orientations générales de développement et d’aménagement, notamment en matière d’urbanisme, de logement, de transports et de déplacements, de développement des communications numériques, de développement économique et culturel, d’espaces publics, de commerce », et j’en passe... La liste serait trop longue à énumérer dans le temps qui m’est imparti.

Vous aviez même prévu, monsieur le secrétaire d’État, que ce décret pourrait modifier la charte d’un parc naturel régional, ce qui en dit long sur les préoccupations environnementales qui vous animent ! Il est vrai que vous avez reculé sur ces prétentions, mais cette philosophie attentatoire à la décentralisation ne vous a pas abandonné. Je n’en citerai que deux exemples.

Tout d’abord, premier exemple, vous avez délibérément ignoré – pour ne pas dire méprisé ! – le plan de mobilisation pour les transports élaboré par la région et les départements d’Île-de-France. Or ce plan, qui tend à répondre aux besoins urgents des Franciliens, est financé, lui, pour les deux tiers de son coût, grâce aux engagements consentis par les collectivités locales. Cerise sur le gâteau, monsieur le secrétaire d'État, vous avez inspiré une disposition visant à étouffer dans l’œuf tout débat public sur la pièce maîtresse de ce plan, c’est-à-dire Arc Express.

Le second exemple a trait à la composition des organes dirigeants de la Société du Grand Paris et aux pouvoirs exorbitants qui lui sont conférés.

C’est l’État qui, de fait, au travers du directoire de la SGP, un triumvirat nommé par décret, aura les pleins pouvoirs, les collectivités territoriales étant appelées à faire de la figuration dans un conseil de surveillance où elles seront minoritaires.

C’est l’État encore qui, au travers de la SGP, aura pour mission de définir ce nouveau réseau de transports, au mépris des compétences légales de la région et du STIF.

Et c’est toujours l’État qui, au travers de la SGP, pourra imposer à une commune ou à un EPCI une opération d’aménagement ou de construction autour d’une nouvelle gare, et ce même si la commune ou l’EPCI concerné a émis un avis défavorable. Car c’est ce que dit le texte.

Tout cela constitue à l’évidence un recul démocratique majeur, car c’est la première fois depuis que la gauche a lancé le mouvement de décentralisation, voilà maintenant près de trente ans, que l’on éloigne à une telle échelle la prise de décision des élus légitimes qui en ont la charge.

J’en viens au troisième désaccord de fond que nous avons sur ce texte.

Nous pouvons comprendre, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes le représentant d’un gouvernement gérant un État impécunieux et financièrement exsangue, mais nous avons le regret de vous dire, en tant qu’élus nationaux représentant les collectivités territoriales, que nous ne pouvons accepter de cautionner un projet d’un montant de plus de 20 milliards d’euros qui n’est pas financé ou qui ne l’est qu’à la marge, via la valorisation foncière des terrains qui feront l’objet d’une opération d’aménagement ou de construction dans les périmètres concernés. Je dis « à la marge », car chacun sait que ces recettes ne procureront sans doute que quelques centaines de millions d’euros, peut-être 1 ou 2 milliards d’euros, sur les 30 milliards au moins que vous devrez rembourser en quarante ans, c'est-à-dire les 20 milliards d’euros de capital emprunté auxquels viendront s’ajouter les intérêts.

Certes, l’article 1er de ce projet de loi, dans sa nouvelle rédaction, dispose que ce financement sera assuré par l’État. Mais, en même temps, pour alimenter les caisses de la Société du Grand Paris, vous ne résistez pas à la tentation d’alourdir les charges du STIF en appliquant l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau au matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun de voyageurs en Île-de-France.

Bref, nous avons tout lieu de craindre que le financement de ce nouveau réseau ne soit partagé avec les collectivités locales de façon bien plus importante que vous ne le dites maintenant.

Vous aurez compris que ce texte ne nous convient absolument pas. Pourtant, dans cette idée généreuse de Grand Paris, une autre voie était possible : celle d’un partenariat loyal et fécond entre l’État et les collectivités territoriales, partenariat que nous avons réclamé pendant des mois sans être entendus. Cette voie n’est pas un rêve, ni une idée fumeuse. Elle avait même trouvé une incarnation : le rapport de notre collègue député Gilles Carrez, qui faisait consensus sur l’essentiel.

L’essentiel, c’est la redéfinition du réseau de transports francilien en intégrant votre double boucle, mais aussi le contrat de projets État-région dans sa dimension « transports », et le plan de mobilisation de la région et des départements franciliens.

L’essentiel, c’est aussi un phasage prévisionnel crédible, avec une première étape jusqu’en 2025, conciliant l’impératif économique et l’urgence pour les Franciliens.

L’essentiel, c’est encore un plan de financement, tout aussi crédible, sur le plan tant de l’investissement que du fonctionnement.

L’essentiel, enfin, c’est une gouvernance originale de la mise en œuvre de ce nouveau réseau par la création d’une nouvelle entité juridique distincte du STIF, dans laquelle l’État aurait d’ailleurs pu être majoritaire, mais qui aurait partagé avec le STIF sa direction et ses équipes techniques, ce qui aurait à l’évidence permis d’optimiser la cohérence des projets de l’État et des collectivités locales.

Ce schéma, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas voulu en entendre parler, pas plus d’ailleurs que le rapporteur de notre commission spéciale, que je tiens néanmoins à remercier de la quantité et de la qualité des auditions qu’il a menées.

Vous persévérez aujourd’hui dans une volonté recentralisatrice de mise à mal des compétences légales et des projets des collectivités territoriales. Vous le faites en outre dans un contexte très particulier. Qui, sinon le Président de la République, a décidé de transformer les élections régionales franciliennes en une sorte de référendum sur les transports et sur votre vision du Grand Paris ? Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, que ce référendum, vous l’avez perdu. Et de quelle manière ! Et pourtant, vous décidez aujourd’hui de continuer sur la voie que les électeurs ont rejetée.

À élections régionales, conséquences régionales, nous avait-on dit. Et pourtant, ce que nous vivons avec le maintien de ce texte, et même son aggravation, c’est plutôt : à élections régionales, oukase national ! À l’ignorance des collectivités locales et de leurs élus, vous ajoutez le déni de démocratie vis-à-vis des électeurs.

Mes chers collègues, il me faut conclure. Je le ferai en quelques mots.

Stratégie économique erronée parce que trop partielle et trop datée, empiétement inacceptable de l’État sur les compétences des collectivités locales, aventurisme financier, refus de tirer les leçons pourtant claires d’un scrutin qui date de moins d’un mois : voilà autant de raisons de vous demander de retirer ce texte et d’en écrire un autre qui pourrait être fondateur d’un partenariat inédit entre l’État et les collectivités franciliennes, un partenariat fondé sur le respect mutuel et le principe de la codécision. Pour notre part, nous sommes prêts à y contribuer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Si j’avais été un jeune sénateur frais émoulu du suffrage sénatorial, et si je ne siégeais pas au sein de cette assemblée depuis 1977,...

M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas mon cas !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. ... j’aurais été impressionné par le propos de M. Caffet. (Sourires.)

Je reprendrai les quatre points de son argumentation, qui sont bien présentés, mais qui passent un peu à côté, malheureusement, du texte dont nous débattons.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. S’agissant du diagnostic, tout d’abord, nous constatons tous que la croissance de la région d’Île-de-France est inférieure à la croissance nationale, et surtout inférieure à celle de toutes les autres grandes villes comparables.

Mme Nicole Bricq. Non, ce n’est pas vrai !

M. Jacques Mahéas. Non, c’est faux !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Si ! La croissance est beaucoup plus forte dans les zones situées à l’extérieur de la région qu’à l’intérieur. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Nous pensons, comme le Gouvernement, que le fait de favoriser la mobilité en mettant en place un système de transport moderne et « bouclé » – et j’insiste sur ce dernier point ! – est un élément très important, qui doit être associé aux clusters et aux pôles de développement, à la reprise des pôles de compétitivité, lancés et développés il y a quelques années, et surtout à la valorisation, dans le cadre de la réforme des universités, de l’ensemble du réseau universitaire, et notamment de l’opération Campus du plateau de Saclay. En fait de diagnostic, ces trois points sont très importants.

Monsieur Caffet, lorsque je lis le contrat de projets État-région en matière de transports, que j’ai sous les yeux,…

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.j’y vois seulement du saupoudrage : le lancement de seize petites opérations, dont la plus importante est d’un montant de 350 millions d’euros, des études, des opérations de fret, des opérations interrégionales… Saupoudrage que tout cela !

Mes chers collègues, je répondrai à votre diagnostic que l’on ne règle pas un problème de transport avec du saupoudrage d’investissements ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jacques Mahéas. Une ligne de métro, cela peut être utile !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. J’en viens, ensuite, à la méthode employée par le Gouvernement. (M. Yannick Bodin manifeste sa réprobation.) Laissez-moi poursuivre, monsieur Bodin : je n’ai pas interrompu M. Caffet ! Et nous avons eu suffisamment d’échanges autrefois pour que vous puissiez me laisser achever mon propos aujourd’hui.

La méthode gouvernementale a tout d’abord été quelque peu brutale, je vous le concède, notamment lors de la présentation du projet de loi initial.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Mais l’Assemblée nationale a considérablement amélioré ce texte initial, et notre commission spéciale, dont vous fûtes un membre éminent, monsieur Caffet, a fait de même en prévoyant une enquête publique pour les contrats de développement territorial, une meilleure organisation de la Commission nationale du débat public, et la mise en place de méthodes permettant d’aboutir à un résultat plus satisfaisant.

Vous avez parlé de conditions « exécrables ». De tels mots n’ont pas leur place dans cette enceinte ! Ce terme me semble hors de proportion et je m’étonne qu’un homme tel que vous l’utilise. Et dire que l’on m’a reproché d’avoir employé l’expression : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »...

Mme Nicole Bricq. Pas nous ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Vous avez dit également que l’État était impécunieux et que vous n’accordiez pas foi aux propos tenus au début de la séance par M. le secrétaire d’État.

Mais enfin, monsieur Caffet, tous les pays « normaux » ont pour habitude d’emprunter pour financer leurs investissements. Autant il est anormal que l’emprunt serve essentiellement à couvrir des dépenses de fonctionnement, autant il est tout à fait normal, en revanche, de financer ainsi les investissements.

Avec de nombreux élus de mon camp, et je parle sous le contrôle de M. Cambon, j’ai bien connu la région d’Île-de-France : lorsque nous étions aux commandes de cette région, le budget d’investissement était le double du budget de fonctionnement. (M. Christian Cambon opine. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Que constatons-nous depuis douze ans ? Le budget de fonctionnement est deux fois supérieur au budget d’investissement. La région a nettement ralenti l’investissement ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Il s’agit d’une erreur non pas de diagnostic, mais de méthode, mon cher collègue ! Vous avez privé nos concitoyens franciliens d’une possibilité d’amélioration du système de transports en gaspillant des ressources de fonctionnement !

Mme Nicole Bricq. Nous sommes au Sénat ! Nous ne faisons pas une campagne électorale !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. M. Caffet n’ayant pas fait dans la nuance, je suis obligé de lui répondre !

Vous avez enfin indiqué, mon cher collègue, que vous étiez favorable à un partenariat loyal et fécond. Je le crois possible.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est mal parti !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je vous le concède, le projet Arc Express est compliqué. Nous l’évoquerons avec M. le secrétaire d’État lors de l’examen de l’article 3.

M. David Assouline. N’interrompez pas le débat public !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je le répète, un partenariat loyal et fécond me paraît possible, à condition que le schéma directeur soit remodelé et complété, et que soit trouvé un mécanisme permettant l’intégration de l’ensemble des systèmes. Mais le présent contrat de projet, assorti d’un saupoudrage de crédits, n’est pas adéquat. En réalité, le contrat de projet État-région doit prévoir le prolongement de la ligne Éole jusqu’à La Défense et celui de la ligne 14 vers le nord. Qui a d’ailleurs lancé la réalisation de ces lignes ? C’est nous !

Mme Nicole Bricq et M. Jean-Pierre Caffet. C’est le gouvernement Rocard !

M. Christian Cambon. Vous avez la mémoire courte !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. J’entends encore les critiques que nous avons subies au sujet de ces deux systèmes de transport se croisant sous la gare Saint-Lazare !

M. Christian Cambon. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Enfin, monsieur Caffet, vous avez évoqué les élections. Pour ma part, j’ai participé à de nombreuses élections régionales.

M. Yannick Bodin. Vous en avez perdu trois !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Or, lorsque nous avons remporté celles de 1992, je ne me souviens pas que le gouvernement, alors de gauche, et la majorité de l’Assemblée nationale aient tenu compte de notre victoire. Alors, ne nous racontez pas d’histoires !

Le présent projet de loi comporte trois éléments principaux.

Le grand métro automatique sera financé par une dotation en capital de 4 milliards d’euros et par des investissements réalisés par le biais d’emprunts. Relevons une séparation tranchée entre le financement des investissements nouveaux et la participation de l’État à un contrat de projet plus sérieux que celui que j’ai entre les mains.

Par ailleurs, il est urgent de résoudre l’affaire du plateau de Saclay. En effet, il faut permettre aux petites entreprises de biotechnologie ou aux sociétés implantées dans un pôle de compétitivité de type Systematic ou Medicen qui veulent revenir en France après s’être installées aux États-Unis ou en Grande-Bretagne de le faire, grâce à l’apport du crédit d’impôt recherche.

Pour toutes ces raisons, la commission spéciale est défavorable à la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Même avis, madame la présidente.

M. David Assouline. Heureusement que M. Fourcade est là !

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je souhaite indiquer pour quelles raisons les membres du groupe CRC-SPG soutiendront la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues du groupe socialiste.

En ce début du xxie siècle, les métropoles deviennent un défi majeur pour les peuples.

En effet, il faut bien reconnaître que, en tout lieu, leur constitution engendre non seulement richesses et potentialités, mais aussi lourds déséquilibres, inégalités et incapacité à répondre aux besoins du plus grand nombre.

Le projet du Grand Paris met en lumière deux questions : dans quelle région voulons-nous vivre ? Quel type de développement devons-nous privilégier pour favoriser un « vivre ensemble » à la fois écologique, solidaire et citoyen ? Il s’agit bien, en effet, de définir la société dans laquelle nous voulons vivre.

Indéniablement, les aspirations à un « mieux vivre » sur un territoire partagé, fondé sur la solidarité, respectueux de l’environnement, participant à la construction du monde, sont fortes.

Mais force est de constater que, loin de réduire les déséquilibres et les inégalités territoriales, le projet de loi relatif au Grand Paris va les aggraver et accélérer la marche dans la voie d’une mondialisation libérale, hypothéquant ainsi l’avenir. Ce sont les femmes et les hommes les plus modestes, doublement touchés par la crise et par les répercussions de la politique du Gouvernement, qui vont en faire les frais. Personne n’est dupe !

En effet, en dépit d’un exposé des motifs tissé de bonnes intentions, le projet de loi met en scène une recentralisation des pouvoirs entre les mains de l’État, via la Société du Grand Paris, un dessaisissement des collectivités territoriales et de leurs élus, un développement assis sur la spéculation foncière, qui ne pourra que renforcer l’exclusion des plus défavorisés. Il constitue une arme redoutable contre la mixité sociale, pourtant essentielle au regard de la solidarité territoriale.

Comment ne pas voir que ce texte s’inscrit dans un ensemble plus vaste et cohérent de réformes conduites par le Gouvernement ? Toutes modifient profondément la gouvernance de notre pays et mènent à restreindre toujours davantage la dépense et la responsabilité sociales et publiques pour faire la part belle à de grands groupes privés.

Le présent projet de loi ne concerne pas seulement le secteur des transports. Il amorce une recomposition profonde de la région-capitale, région stratégique s’il en est dans une Europe de la concurrence. Il n’a nullement pour objet de permettre la nécessaire amélioration des transports, de désenclaver des territoires, de relier les banlieues entre elles, de rééquilibrer l’est et l’ouest de la région. En réalité, il vise à connecter des centres d’affaires et financiers, dont celui de La Défense, parallèlement à la mise en place de pôles de compétitivité qui, en absorbant et en concentrant toutes les richesses, ne manqueront pas d’accroître les déséquilibres que l’on prétend réduire.

La Société du Grand Paris, pilotée par l’État, bénéficierait d’un droit de préemption foncière autour de la quarantaine de gares que comporterait le Grand huit, pour une superficie équivalente à quatre fois celle de Paris. En définitive, les élus locaux perdraient la main sur ce territoire en matière d’urbanisme et d’aménagement, notamment. Dès lors, comment voir dans le présent projet de loi une réponse au défi de la coopération, de la mutualisation dans l’intérêt du plus grand nombre sur des territoires solidaires ?

L’échelon régional et le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, pourtant élaboré démocratiquement, sont complètement niés. Monsieur le rapporteur, un partenariat fécond ne saurait en aucun cas naître d’un texte piétinant le SDRIF !

Enfin, le financement global de ce projet demeure hypothétique et flou. L’État avancerait, en effet, 4 milliards d’euros à la Société du Grand Paris pour amorcer le lancement d’emprunts qui seraient remboursés notamment grâce au produit d’une taxe assise sur la plus value-foncière issue de la valorisation des terrains devant être aménagés autour des gares du futur métro. La majorité, on le voit bien, n’a guère tiré de leçons de la crise financière ! De surcroît, rien n’est vraiment prévu pour le financement du fonctionnement du futur métro, sinon qu’il sera assumé par le STIF.

Le projet du Grand Paris ne répond donc à aucun des enjeux majeurs pour notre région : le logement, le transport, l’emploi, la coopération, la mobilisation en faveur de l’environnement, la construction d’un développement économique solidaire. Il fait l’impasse sur la réflexion en vue d’instaurer un type de développement comportant une articulation nouvelle entre emploi, habitat, agriculture et alimentation. Il ne peut en résulter que de nouvelles inégalités pour nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC-SPG voteront en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues socialistes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le rapporteur, bien que n’ayant pas votre ancienneté – je ne suis sénateur que depuis 2004 –, j’ai tout de même eu le temps d’apprendre un certain nombre de choses en siégeant dans cette enceinte…

En ce qui concerne le diagnostic, je ne connais pas les taux de croissance respectifs des différentes capitales, mais il convient d’être prudent quand on s’engage dans un tel débat. Ce matin, par exemple, j’ai entendu affirmer que le taux de croissance de Londres s’élevait à 8,5 % depuis des années… Cela me fait plutôt sourire !

Néanmoins, supposons que la croissance parisienne soit inférieure à celle de New York ou de Londres : le problème n’est pas là ! À mes yeux, le diagnostic ne se résume pas à une comparaison de taux de croissance. En réalité, le développement économique d’une métropole est un phénomène beaucoup plus complexe que vous ne le dites. Pour notre part, nous ne pensons pas qu’il suffira de construire une ligne de métro automatique de 130 kilomètres reliant neuf pôles de développement de l’Île-de-France pour doubler le taux de croissance francilien. Ce n’est pas vrai ! Si la solution était aussi simple, pourquoi n’y aurait-on pas déjà pensé ? Ne nous faites pas l’injure de croire que nous ne savons pas réfléchir ni lire ! Je pourrais me référer à des rapports savants, tels ceux du Conseil d’analyse économique, ou aux études de Paul Krugman, prix Nobel d’économie, qui juge que la mise en place de clusters peut être intéressante, mais qu’il ne faut pas en attendre de miracles. Ne nous prenez donc pas pour des demeurés en matière économique !

Par ailleurs, vos propos sur les contrats de plan État-région m’inquiètent, monsieur le rapporteur. J’avais cru comprendre, lors de nos discussions en commission, que vous vouliez vous-même les réintroduire dans le texte dès l’article 1er, or vous soutenez aujourd’hui qu’ils ne servent rigoureusement à rien, parce qu’ils se bornent à une sorte de saupoudrage. Si telle est votre opinion, nous sommes vraiment très mal partis !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je souhaite qu’ils servent à quelque chose !

M. Jean-Pierre Caffet. Il me semblait que la majorité sénatoriale voulait mettre l’accent sur les contrats de plan État-région, mais si finalement nos collègues ne voient d’avenir que dans la double boucle, je tiens à les appeler à la prudence…

Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de souligner que le premier projet était très inquiétant, mais, pour ma part, je considère que le second l’est tout autant ! L’adoption d’un amendement visant à exclure toute possibilité de débat public sur les projets de la région est absolument scandaleuse !

M. David Assouline. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Caffet. J’espère que nous pourrons revenir sur cette disposition.

M. David Assouline. Ce serait à l’honneur du Sénat !

M. Jean-Pierre Caffet. L’examen de la première version du texte par le Conseil d’État et l’Assemblée nationale a permis d’amodier singulièrement un dispositif qui était inacceptable pour les collectivités territoriales. Il ne faudrait pas que l’on revienne sur ces acquis au cours de notre débat ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe socialiste, l’autre de la commission spéciale.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 169 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté. (Mme Catherine Tasca s’exclame.)

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d'intérêt national qui unit la ville de Paris et les grands territoires stratégiques de la région d’Île-de-France et promeut le développement économique durable, solidaire et créateur d’emplois de la région capitale. Il vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux au bénéfice de l'ensemble du territoire national. Les collectivités territoriales et les citoyens sont associés à l’élaboration et à la réalisation de ce projet.

Ce projet s’appuie sur la création d'un réseau de transport public de voyageurs dont le financement des infrastructures est assuré par l’État.

Ce réseau s'articule autour de contrats de développement territorial définis et réalisés conjointement par l'État, les communes et leurs groupements. Ces contrats participent à l’objectif de construire chaque année 70 000 logements géographiquement et socialement adaptés en Île-de-France et contribuent à la maîtrise de l'étalement urbain.

Le projet du Grand Paris favorise également la recherche, l’innovation et la valorisation industrielle au moyen de pôles de compétitivité et du pôle scientifique et technologique du Plateau de Saclay dont l’espace agricole est préservé.

Dans cette perspective, l’élaboration du réseau organisant les transports dans la région d’Île-de-France doit prendre en compte les interconnexions à mettre en place avec l’ensemble du réseau ferroviaire et routier national afin de permettre des liaisons plus rapides et plus fiables entre chacune des régions de l’hexagone et éviter les engorgements que constituent les transits par la région d’Île-de-France.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet article pose l'objet de la démarche du Grand Paris : la réalisation conjointe par l'État et les collectivités d'un projet urbain, social et économique associant les citoyens et tendant à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux. Il met également en exergue la nécessité d’une lutte contre l'étalement urbain et celle d'une offre de logement adaptée, au travers notamment de l'objectif de construction annuelle de 70 000 logements, inscrit dans le texte par la commission spéciale.

Cet article prévoit en outre de confier à l'État le financement du réseau de transport public de voyageurs, sans en préciser toutes les modalités ni les conditions. En effet, il est simplement question d'une dotation de 4 milliards d'euros pour lancer le projet. Les mécanismes de remboursement de l’emprunt sont flous. C'est donc la porte ouverte à la valorisation des terrains attenants aux gares et à de nouvelles sources de financement qui seraient affectées à la Société du Grand Paris, échappant ainsi à toute péréquation régionale.

Cette déclaration d'intention est donc en profond décalage, voire en contradiction, avec le reste du texte.

Premièrement, les citoyens ne seront associés que ponctuellement au débat public, et non de manière continue.

Deuxièmement, dans le dispositif présenté, la place des collectivités est secondaire. Ainsi, elles seront minoritaires au sein du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris : dès lors, comment parler d'une réalisation conjointe ?

Troisièmement, la lutte contre l'étalement urbain ne peut passer par la création d'une chenille d'expropriation et d'urbanisation autour du Grand huit.

Quatrièmement, la question du logement n'est traitée qu'à la marge dans la quasi-totalité des articles, alors même qu'il s'agit d'un enjeu majeur sur le territoire francilien. Le déficit de logements est en effet l'une des causes principales de l'allongement des parcours de transport en Île-de-France. On ne peut donc obtenir une amélioration de l'offre de transport sans un renforcement des dispositifs en faveur de la construction de logements publics. Il convient, en particulier, de faire respecter la loi SRU.

On nous présente ce texte comme le symbole du réinvestissement de l'État dans la région-capitale, notamment sur le plan financier. Il s'agit en réalité de confisquer l'intérêt général au profit du privé. Ainsi, ce texte organise la spéculation foncière autour des gares. L'aménagement du territoire sera repris en main par l'État, qui fera appel au privé. Le métro en rocade n'aura d'utilité et de pertinence qu'en termes de déplacements travail-travail, et non travail-habitat : il servira donc les hommes d'affaires ! Comment ne pas voir, dans ces conditions, qu'il s'agit fondamentalement d'un détournement de l'intérêt général ?

Ce que nous demandons à l'État, ce n’est pas de faire un coup d'éclat avec un texte, c'est de cesser de se désengager des politiques publiques. Transport, logement, éducation : tous ces budgets sont en constante régression ; les services publics sont aujourd'hui en souffrance.

Favoriser la réduction des inégalités sociales et territoriales en Île-de-France passe nécessairement par un maillage fin du territoire, la présence de services et d'équipements publics, une politique industrielle ambitieuse, et non par la création d'un métro automatique, la réduction des dépenses publiques et la suppression de postes de fonctionnaires.

Les difficultés auxquelles la région-capitale est aujourd'hui confrontée en termes de développement sont également très liées à la désindustrialisation de son territoire. Une véritable réflexion doit être lancée sur ce sujet.

Comprenons-nous bien : nous ne sommes pas opposés à une intervention de l'État en Île-de-France. Elle doit cependant s’inscrire dans le cadre de ses compétences, et non être utilisée pour empiéter sur celles des collectivités, et donc des instances de démocratie de proximité. Les cadres de réflexion et d'action pour penser l'avenir de la région-capitale existent déjà : ce sont les collectivités territoriales, le conseil régional ou encore le syndicat Paris Métropole. L'État n'en est pas exclu. Il est même censé garantir l'intérêt général national, et peut donc jouer un rôle majeur, via des contrats de projet État-région, ainsi que par son poids décisif dans les travaux du schéma directeur.

Or l’attitude de l’État a jusqu’à présent été paradoxale. Non content de ne pas honorer ses engagements au titre des contrats de plan, il a également fait le choix de bloquer le schéma directeur, élaboré au terme d'un long débat démocratique. Je profite de cette occasion pour renouveler notre souhait que ce document du SDRIF soit enfin transmis au Conseil d'État.

Oui, il faut donc bien un projet pour l'Île-de-France, mais il doit être construit avec les habitants et leurs élus, et non dans la précipitation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l'article.

M. Jean-Pierre Caffet. À nos yeux, le premier article d’un texte doit poser un cadre général et définir de grandes orientations. Or notre désaccord de fond avec la philosophie d’ensemble de ce projet de loi est tel que nous ne saurions proposer d’amender son article 1er.

Cela étant, rarement le premier article d’un projet de loi aura connu autant de vicissitudes : nous en sommes à la quatrième version !

La première d’entre elles, remontant au 27 août 2009, faisait état d’une triple exigence : satisfaire les besoins immédiats de nos concitoyens ; apporter des réponses appropriées aux principaux défis économiques, sociaux et environnementaux ; décloisonner les approches.

Un mois plus tard, l’article présenté en conseil des ministres avant le dépôt du projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale tenait en une seule phrase : « Le projet du Grand Paris a pour objet de susciter, par la création d’un réseau de transport public de voyageurs unissant les zones les plus attractives de la capitale et de la région d'Île-de-France, un développement économique et urbain structuré autour de territoires et de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés conjointement par l’État et les collectivités territoriales, qui bénéficiera à l’ensemble du territoire. »

Ce texte avait au moins le mérite de la simplicité et la vertu de la vérité, hormis la fable selon laquelle les projets seraient définis et réalisés conjointement par l’État et les collectivités territoriales. En effet, il était clairement énoncé que le projet du Grand Paris consistait simplement en la création d’un réseau de transport public censé unir les zones les plus attractives de la capitale et de la région d’Île-de-France, les autres pouvant a priori attendre !

Après que l’Assemblée nationale eut adopté une troisième version, une quatrième, élaborée par notre commission spéciale, nous est aujourd’hui soumise, qui introduit – chose tout à fait incroyable ! – un objectif de construction de 70 000 logements par an. Or, outre que cet article n’a bien évidemment aucun caractère normatif, nous avons appris cet après-midi, par une dépêche de l’Agence France-Presse, que le Gouvernement s’apprête à déposer un amendement tendant à supprimer l’article 19 bis, c’est-à-dire le seul article du projet de loi véritablement consacré au logement – il constitue d’ailleurs un titre à lui seul !

En résumé, quatre versions successives et complètement contradictoires d’un article censé définir la politique du Gouvernement pour le Grand Paris ont été élaborées… J’ai le sentiment que le Gouvernement navigue à vue sans savoir où il va. C’est pourquoi j’estime que nous avons bien fait de ne pas tenter d’amender cet article 1er, dont Mmes Voynet et Assassi ont peut-être finalement raison de demander la suppression pure et simple. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, sur l'article.

M. Yannick Bodin. Il apparaît, à la lecture de cet article 1er, que le Gouvernement entend présenter le Grand Paris comme un grand projet pour l’Île-de-France, comme on avait d’ailleurs déjà pu le comprendre lors de la campagne des élections régionales.

Or la réalisation d’un tel projet implique nécessairement un rééquilibrage vers l’Est de notre région. À cet égard, la grande question est celle de l’équilibre entre habitat et emploi. Le chemin est long, puisque le ratio entre emplois et logements est pour l’heure de 0,6 dans la ville nouvelle de Sénart, par exemple !

Si l’on a une véritable ambition pour l’Île-de-France, il convient certes de mettre en valeur les « territoires stratégiques » mentionnés à l’article 1er, mais sans oublier pour autant les zones périphériques. Cela concerne notamment la formation, l’implantation d’universités ou de pôles de recherche. Ainsi, en Seine-et-Marne, le taux de bacheliers suivant des études supérieures est actuellement inférieur à la moyenne nationale.

Or le projet du Grand Paris ne répond en rien à ces urgences. Exception faite du pôle Champs-sur-Marne-Cité Descartes, la localisation des pôles d’excellence exclut l’est de l’Île-de-France, particulièrement le département de la Seine-et-Marne. La seule zone d’activité privilégiée est celle de Roissy-en-France, rien n’étant prévu, au Sud, pour Sénart, Melun-Sénart ou Melun-Villaroche.

Dans ces conditions, en quoi la Seine-et-Marne, qui représente la moitié de la superficie de notre région, est-elle concernée par le projet du Grand Paris ? Pour un habitant de ce département, le Grand Paris, c’est une ligne de métro qui passera là-bas, au cœur de l’agglomération. Or nous attendons des emplois, de la formation, des équipements de santé, une revitalisation, en particulier dans nos zones rurales désertées, qui connaissent une paupérisation.

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi êtes-vous allé présenter votre projet à Provins, voilà quelques mois ? Je me souviens parfaitement des interrogations formulées, à l’issue de la réunion, par les personnes qui étaient venues vous écouter : « En quoi sommes-nous concernés ? On nous a juste parlé d’une ligne de métro devant passer à une centaine de kilomètres d’ici. En quoi le Grand Paris, supposé être un projet pour l’Île-de-France, nous concerne-t-il ? » Je puis en témoigner, beaucoup étaient atterrés. D’ailleurs, vous en avez sans doute pris conscience, puisque vous avez organisé une séance de rattrapage à Marne-la-Vallée, seul secteur du département directement concerné par votre projet…

On ne peut donc présenter le Grand Paris comme un projet pour l’ensemble de l’Île-de-France. Cela est totalement faux, puisque rien n’est prévu pour près des deux tiers du territoire de la région. Reprenant une formule célèbre, quelqu’un a même parlé du fameux métro comme d’un « machin »…

En définitive, nous ne comptons pour rien. Je suivrai attentivement les débats, monsieur le secrétaire d’État, mais sachez que la déception des habitants de la Seine-et-Marne est grande. Cela devrait nous conduire à voter non seulement contre le présent article 1er, mais également contre les suivants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l’article.

Mme Dominique Voynet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs, je voudrais prolonger le débat qui s’est engagé tout à l’heure d’une manière assez brutale et presque caricaturale entre M. Fourcade et M. Caffet.

Non, monsieur le rapporteur, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui auraient de l’ambition pour l’Île-de-France, et, de l’autre, ceux qui se contenteraient d’un saupoudrage ! Sur des sujets aussi complexes, il est difficile d’affirmer de manière péremptoire que certaines politiques fonctionnent et d’autres pas.

Je me souviens de la phrase terrible qui ouvrait le rapport d’activité pour 2004 de la DATAR, qui célébrait alors son quarantième anniversaire. Cet organisme reconnaissait qu’il était à peu près impossible de tirer réellement le bilan de quarante années de politiques d’aménagement du territoire. Selon ce rapport, la situation aurait peut-être été plus difficile encore si de telles politiques n’avaient pas existé. C’était là une manière quelque peu étrange d’affirmer leur efficacité…

Vaut-il mieux concentrer les efforts sur les territoires qui manifestent encore de la vitalité, qui disposent d’équipements de recherche, de cerveaux, de projets, ou investir davantage dans ceux qui, se trouvant dans une situation plus difficile, ne peuvent espérer tirer seuls leur épingle du jeu ? Au cours des quarante dernières années, les habitudes et les conceptions ont évolué.

Des générations d’étudiants sont allées étudier dans le nord de l’Italie les systèmes productifs locaux, les SPL, les clusters et les pôles de compétitivité. On constate souvent l’efficacité d’un système de coopération, peaufiné au cours du temps, qui est fondé sur la confiance entre acteurs locaux, l’adéquation fine des productions aux besoins, la réactivité des sous-traitants et la curiosité des fournisseurs. Il est difficile de reproduire cela de manière autoritaire, surtout quand on est confronté à la misère de l’évaluation et qu’on se bat simplement à coups de concepts et d’idéologies.

Quand on veut bien examiner ce qui se passe réellement sur le terrain dans nos départements, on constate que la plupart des emplois sont aujourd’hui créés par des PME, et même par de petites entreprises, innovantes ou traditionnelles, dans les secteurs du bâtiment, des métiers de bouche ou des services rendus à la personne. En ce qui concerne les grandes entreprises, les emplois relèvent davantage des fonctions supports, de la logistique ou des services que des activités de recherche.

Je ne dis pas que votre démarche n’a pas de sens, mais j’estime qu’au lieu de se battre à coups de caricatures, il convient d’étudier de près ce qui peut servir la dynamique de développement des territoires. Il en va de cette politique comme de la politique sociale : des mesures sont efficaces à certains endroits quand toutes les conditions sont réunies, d’autres ne le sont pas. En tout état de cause, il ne me semble pas que la DATAR ait jamais considéré, en quarante années d’activité, qu’un « super métro » reliant des pôles économiques puisse contribuer aussi peu que ce soit au développement de territoires quand les logements, les services publics, les équipements hospitaliers, éducatifs ou culturels ne sont pas au rendez-vous.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l’article.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le secrétaire d’État, l’article 1er, notamment son premier alinéa, mérite une attention particulière, car il est la clé de notre incompréhension mutuelle.

Le gouvernement auquel vous appartenez a malheureusement pris l’habitude de parsemer ses textes de propos incantatoires qui pourraient créer autant d’espoirs que de vives désillusions.

En effet, il y a tout dans cet article 1er : chacun en a sa part, et tous l’ont en entier. Il annonce tout à la fois un développement économique durable, solidaire, créateur d’emplois, la réduction des déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux et, par surcroît, l’association des collectivités territoriales et des citoyens. C’est trop beau ! Mais il s’agit bel et bien d’un pur effet d’annonce, et la suite du texte démontre amplement que cela ne va pas au-delà. Dès lors, ne vous étonnez pas de susciter un profond sentiment de défiance.

La loi – faut-il le rappeler ? – n’est pas un exercice déclaratoire. Elle doit être normative, et non pas votive. Elle doit créer des obligations concrètes dont le Parlement et les citoyens doivent pouvoir juger. La suite du débat montrera, malheureusement, que votre texte n’atteint pas cet objectif.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi n’assumez-vous pas le fait que le Grand Paris est un projet de transport, point final ! Les premières versions du texte en témoignent.

Quelle que soit la dénomination retenue, Paris Métropole ou Grand Paris, la plupart des acteurs, toutes tendances politiques confondues, commençaient à être convaincus de la nécessité de penser une « ville-monde », une agglomération dans toute sa complexité, avec ces dimensions fondamentales que sont, notamment, le transport et le logement, en vue d’un développement durable.

Mais vous êtes venu casser ce consensus naissant en prétendant régler l’ensemble des problèmes à partir d’un projet de transport, le Grand huit, le reste devant suivre !

Politiquement, cependant, cela faisait un peu court, notamment pour s’adresser, lors de la campagne des élections régionales, aux citoyens confrontés aux difficultés de la vie dans l’agglomération parisienne. Les élus locaux, même ceux de l’UMP, savent bien que les problèmes de l’Île-de-France ne pourront pas être réglés par le seul Grand huit. La question est bien plus complexe, et un maillage d’une tout autre envergure s’impose, y compris en matière de transports.

Alors vous faites de la politique un peu à la manière du Président de la République : vous présentez un article dont le premier alinéa est consensuel, manifeste l’ambition de mettre en œuvre un véritable projet d’agglomération, en espérant que l’arbre suffira à cacher la forêt… Mais tout le reste vient contredire cet article, y compris ce fameux objectif affiché de construction de 70 000 logements par an, puisqu’un amendement du Gouvernement visera à supprimer l’article 19 bis, le seul du projet de loi consacré au logement. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) C’est une dépêche de l’AFP qui nous l’a appris, monsieur le secrétaire d’État, mais si vous infirmez cette information, je m’en réjouirai.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je vais vous répondre.

M. David Assouline. En tout état de cause, le premier alinéa de l’article 1er aurait pu définir le cadre d’un projet du Grand Paris prenant en compte tous les aspects du développement d’une métropole. Il est dommage qu’il n’en soit pas ainsi et qu’il ne s’agisse en fait, comme le montrera la suite du débat, que de nous imposer d’en haut à tout prix un métro souterrain, un Grand huit, qui viendra de plus contrecarrer un projet en cours et un débat public que vous entendez empêcher par l’adoption de ce projet de loi.

J’espère que, sur ce dernier point au moins, monsieur le secrétaire d'État, nous aurons une bonne surprise d’ici à la fin de ce débat… En effet, on ne peut pas dire, comme l’a fait tout à l’heure M. Fourcade, que l’on est prêt, notamment au sujet de l’Arc Express, à rechercher des solutions plus harmonieuses, et prévoir en même temps, grâce à M. Pozzo di Borgo, dont je salue la contribution (Sourires. – M. Jean-Pierre Caffet applaudit), que l’adoption du présent texte rendra caduc le débat public qui doit prochainement débuter.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. La rédaction initiale de l’article 1er, avant le passage sous les fourches caudines de l’Assemblée nationale puis du Sénat, brillait par sa modestie et son manque de vision, comme l’a souligné M. Caffet. Ce fait suffirait sans doute à témoigner du manque patent d’ambition dont souffre globalement le texte.

Dans sa version actuelle, l’article 1er, de portée désormais plus générale, fait référence à des problématiques métropolitaines plus nourries et ouvre sur une réflexion un peu plus aboutie.

Cependant, je reste dubitative, même s’il est certes fait mention de la nécessité de lutter contre les inégalités territoriales sur les plans sociaux et fiscaux, ainsi que de l’importance de combattre les déséquilibres qui caractérisent les métropoles contemporaines, notamment la dichotomie Est-Ouest s’agissant de l’Île-de-France. À cet égard, M. Bodin vient à l’instant de nous éclairer sur l’absence de rééquilibrage vers l’Est : comment un métro souterrain pourrait-il, à lui seul, remédier à la situation actuelle ?

Il existe, en revanche, un projet dont la finalité ultime est la constitution d’une aire métropolitaine plus solidaire, à la fois attractive et ambitieuse : le schéma directeur de la région d’Île-de-France, qui a fait l’objet d’études minutieuses et d’une concertation poussée. Ce travail a été approuvé par la région, par une majorité des départements et par de nombreuses collectivités territoriales. Pourtant, l’article 1er reste silencieux à son sujet, ce qui est difficilement compréhensible. D’un côté, on affirme qu’il s’agit, par le présent texte, d’unir Paris, les villes environnantes et l’État ; de l’autre, on nie le travail des différents acteurs.

En fait, nous ne comprenons que trop bien : l’article 1er mentionne des principes sur lesquels l’État s’assoira par la suite. Il ne s’agit que d’un énoncé déclaratif d’apparat. La suite du texte, qui est la négation pure et simple de cet article, m’incite à m’exprimer contre ce dernier. Nous refusons de cautionner une recentralisation déguisée se parant, à l’article 1er, des atours séduisants du développement durable et de la lutte contre les inégalités, avant de rejeter ces principes par la suite.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je tiens à souligner que le Gouvernement n’a nullement déposé d’amendement de suppression de l’article 19 bis.

M. David Assouline. C’était donc une simple rumeur ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Si nous nous mettons à commenter les dépêches de l’AFP, les débats risquent de devenir encore plus compliqués qu’ils ne le sont déjà !

M. David Assouline. Il s’agit tout de même d’une source sûre, pas comme le Canard enchaîné !

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Discussion générale

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 7 avril 2010, à quatorze heures trente et le soir :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n° 123, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Pierre Fourcade, fait au nom de la commission spéciale (n° 366, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 367, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART