M. Yves Détraigne. Autant il me paraît légitime que chaque instance permanente du Parlement ait les moyens d’évaluer la manière dont sont mises en œuvre les dispositions qu’elle a votées, autant je crains « l’engorgement » de la Cour des comptes.

Je ne peux donc qu’approuver la disposition introduite par l’Assemblée nationale, visant à donner à chaque président de chambre parlementaire la mission d’exercer un filtre sur les demandes d’assistance à la Cour.

En effet, même si certains estiment que le problème de l’engorgement possible de la Cour des comptes devrait être résolu avec le projet de loi portant réforme des juridictions financières, qui prévoit notamment – nous le savons, cela a déjà été souligné ce soir – le regroupement de la Cour et des chambres régionales des comptes, je pense au contraire que cela ne suffira pas, voire que les missions premières des juridictions financières ne pourront plus s’exercer comme il le faudrait si nous ne les renforçons pas en contrepartie.

Il ne faut pas l’oublier, les chambres régionales des comptes ont été créées, voilà près de trente ans par la loi du 2 mars 1982, en premier lieu, pour contrôler les comptes publics des collectivités territoriales. D’ailleurs, ceux-ci sont aujourd’hui beaucoup plus importants qu’ils ne l’étaient au moment de la création des chambres et nécessitent de ce fait d’autant plus qu’un tel contrôle continue à s’exercer.

En second lieu, les chambres régionales ont également pour mission d’examiner la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, tout comme la Cour des comptes le fait pour les services de l’État, ce qui est d’ailleurs à l’origine du succès de son rapport public annuel.

Si cette mission a pu parfois donner lieu, voilà quinze ou vingt ans, à des remarques excessives, voire non réellement justifiées – il faut le reconnaître –, elle est désormais considérée par les élus locaux comme une nécessité. Il en va tout simplement du contrôle du bon usage des deniers publics, en l’occurrence ceux des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

Il ne faudrait donc pas que la multiplication des contrôles et évaluations menées par la Cour et les chambres régionales des comptes à la demande du Parlement réduise à la portion congrue cette mission essentielle et traditionnelle des juridictions financières.

En effet, ce que la gestion des politiques publiques de l’État pourrait y gagner, les collectivités territoriales, qui assurent, je le rappelle, près des trois quarts des investissements publics, pourraient en revanche le perdre, et cela ne serait en rien profitable à notre pays.

Je ne peux donc qu’approuver la sage position prise par la commission des lois et par son rapporteur lors de l’examen de ce texte et sur les amendements qui ont été déposés.

Je souhaite par conséquent que l’équilibre du texte, tel qu’il a été trouvé en commission, soit préservé lors de la discussion des articles à laquelle nous allons maintenant procéder et que le Parlement puisse désormais s’exprimer autant par ses initiatives en matière de contrôle et d’évaluation que par le vote de la loi. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Pillet.

M. François Pillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis participe à la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles qui mentionnent désormais le contrôle et l’évaluation des politiques publiques parmi les missions du Parlement.

Dans sa décision du 25 juin 2009 sur la résolution du 27 mai 2009 tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a estimé que plusieurs dispositions relatives à l’évaluation des politiques publiques et aux comptes rendus des commissions d’enquête relevaient non pas du règlement, mais de la loi.

Une telle jurisprudence a donc nécessité le dépôt du présent texte, qui vise – M. le rapporteur l’a souligné – à donner aux organes parlementaires chargés du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques les moyens adaptés pour mener à bien leur mission.

Déposé par M. Bernard Accoyer, ce texte tend, au travers de ses trois articles, à modifier le champ des instances ayant la possibilité de convoquer des personnes dont l’audition semble nécessaire, à élargir les pouvoirs des rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d’évaluation et, enfin, à désigner les organes du Parlement pouvant demander l’assistance de la Cour des comptes pour l’évaluation des politiques publiques.

La commission des lois a apporté plusieurs améliorations au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

C’est le cas pour les convocations à une audition. En effet, la proposition de loi étend la possibilité de convoquer toute personne, dont l’audition est jugée nécessaire, aux instances permanentes créées au sein du Parlement pour contrôler l’action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques. En conséquence, cette disposition ouvre les possibilités de convocation à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à la délégation sénatoriale à la prospective, ainsi qu’à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Le texte prévoit également les modalités selon lesquelles les personnes entendues par une commission d’enquête peuvent prendre connaissance du compte rendu de leur audition et faire part de leurs observations.

Ces nouveaux moyens donnés à nos délégations vont dans le bon sens. Ils viennent renforcer notre pouvoir de contrôle et d’évaluation des politiques publiques, pouvoir que nous avions déjà rénové et diversifié avec la résolution du 2 juin 2009 créant le débat d’initiative sénatoriale en séance publique.

Le texte évoque également les pouvoirs des rapporteurs des instances de contrôle et d’évaluation.

Ainsi, aux termes du nouvel article 5 ter A de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les rapporteurs désignés par les instances permanentes de contrôle et d’évaluation bénéficient des mêmes prérogatives que les rapporteurs des commissions d’enquête. Cela leur permet, lorsque ces instances sont sollicitées pour examiner une étude d’impact, d’obtenir notamment la communication des informations qui leur sont nécessaires.

La commission des lois a supprimé les déséquilibres qui pouvaient subsister dans la proposition de loi entre les pouvoirs des commissions permanentes et les instances permanentes de contrôle et d’évaluation du Parlement. Nous nous en félicitons.

Partant du principe que ces deux organes exercent des missions de contrôle et d’évaluation, il semblait effectivement nécessaire d’aligner les instances permanentes de contrôle et d’évaluation sur le régime applicable aux commissions d’enquêtes.

Par conséquent, une instance permanente de contrôle et d’évaluation pourra obtenir les prérogatives des commissions d’enquête pour une durée maximale de six mois, après autorisation de l’assemblée à laquelle elle appartient.

Le groupe UMP est favorable à ce rééquilibrage accordant aux rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d’évaluation, pour une durée limitée et après accord, des prérogatives de contrôle sur pièces et sur place.

Par ailleurs, les députés ont amendé le texte en précisant que les pouvoirs attribués aux rapporteurs des instances de contrôle et d’évaluation doivent être exercés conjointement.

Mes chers collègues, dans un souci de cohérence, il paraît souhaitable que les contrôles sur pièces et sur place, de même que les auditions, soient conduits en étroite concertation par les corapporteurs issus de la majorité et de l’opposition.

Enfin, pour ce qui est de la possibilité de se faire assister par la Cour des comptes, la proposition de loi prévoit de compléter les dispositions de l’article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui autorise la commission des finances à demander à la Cour des comptes de réaliser des enquêtes sur la gestion de services ou d’organismes qu’elle contrôle.

À ce titre, et selon les indications de la Cour des comptes, la commission des finances du Sénat sollicite chaque année cinq rapports.

Ce texte pose le principe selon lequel la Cour des comptes contribue à l’évaluation des politiques publiques. C’est au regard de ce fondement que la Cour des comptes peut désormais être saisie par le président du Sénat ou celui de l’Assemblée nationale, ainsi que par le président de toute instance permanente d’évaluation créée au sein du Parlement.

L’Assemblée nationale a indiqué que le président de l’assemblée d’où provient la demande de saisine doit avoir un rôle de régulation afin d’éviter tout risque d’engorgement de la Cour des comptes pouvant nuire à sa bonne administration.

La commission des lois du Sénat, quant à elle, a apporté deux précisions essentielles.

En premier lieu, ces demandes d’évaluation d’une politique publique ne peuvent porter ni sur le contrôle de l’exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ni sur l’évaluation des questions relatives aux finances publiques et aux finances de la sécurité sociale.

En second lieu, la mission donnée à la Cour des comptes est d’assurer en priorité le traitement des demandes adressées par les commissions des finances ou par les commissions des affaires sociales.

À la lecture des travaux de la commission des lois, je tiens à souligner que cette dernière a parfaitement pris en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 29 mai 2009, notamment lorsque celui-ci rappelle que les travaux d’évaluation des politiques publiques confiés à la Cour des comptes doivent être distincts de l’évaluation de toute question relative aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, les membres du groupe UMP sont convaincus du bien-fondé de l’ensemble des dispositions de la proposition de loi telle qu’elle a été modifiée par la commission.

Dans un souci de bonne gouvernance, ce texte accorde des moyens d’action au Parlement pour exercer sa mission essentielle de contrôle de l’exécutif et de supervision de l’application des politiques de ce dernier. Nous nous en réjouissons.

Au vu de l’ensemble de ces remarques, le groupe UMP votera la proposition de loi telle que modifiée par la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, j’interviens au nom de Jean-Claude Frécon, qui ne peut être parmi nous ce soir, et dont je partage les propos.

En tant que rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l’État », il souhaitait s’exprimer dans le cadre de l’examen de ce texte, car il rapporte le budget de la Cour des comptes depuis maintenant cinq ans.

Tout au long de cette période, il a pu constater les échanges approfondis entre le Sénat et la Cour des comptes.

Depuis la mise en application de la LOLF, de nouvelles procédures de collaboration sont entrées en vigueur, au premier rang desquelles figurent les enquêtes commandées par la commission des finances du Sénat à la Cour des comptes, en application de l’article 58-2 de la loi organique.

Chaque année – le président de la commission des finances l’a rappelé tout à l’heure –, cinq enquêtes sont conduites et débouchent sur des auditions « pour suite à donner ».

En présence de la presse, ces auditions réunissent toutes les commissions compétentes, les personnes publiques contrôlées et, le cas échéant, les personnes chargées de leur tutelle. Y participent également des magistrats financiers ayant conduit l’enquête demandée par le rapporteur spécial. Ces auditions enrichissent considérablement l’information et la réflexion du Sénat et débouchent sur des rapports comportant l’analyse et les recommandations des rapporteurs spéciaux concernés.

Les sujets traités dans le cadre de ces enquêtes renvoient tous à une exigence de transparence et d’efficacité des politiques publiques ; c’est l’objet de la présente proposition de loi.

À titre d’exemple, en 2010, la commission des finances a demandé à la Cour des comptes de se pencher sur cinq sujets : le coût du passeport biométrique – notre collègue Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances, connaît bien cette question –,…

Mme Michèle André. Absolument !

Mme Nicole Bricq. … l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, le Centre des monuments nationaux, le Centre français pour l’accueil et les échanges internationaux, l’EGIDE, et les participations de la Caisse des dépôts et consignations dans l’économie mixte locale.

Les relations entre le Sénat et la Cour des comptes passent également par les missions d’assistance prévues à l’article 58-1 de la LOLF. Si cette forme de collaboration est un peu plus lente et difficile à se mettre en place, elle présente néanmoins une souplesse d’utilisation certaine. Ainsi, en 2009, la commission a sollicité la Cour des comptes à l’occasion d’un contrôle sur les chambres de métiers et de l’artisanat. Le rapport est paru récemment.

Au-delà de ces innovations, les rencontres entre les rapporteurs spéciaux et les magistrats de la Cour des comptes tendent à se multiplier. Je pense, notamment, aux travaux préparatoires à l’examen des lois de finances et de règlement.

La transmission des notes d’exécution budgétaire de la Cour des comptes sur chacune des missions que nous examinons constitue, dans ce cadre, un apport très significatif. Il en va de même des référés de la Cour des comptes, transmis à la commission des finances et fréquemment mis à profit dans le cadre des missions de contrôle budgétaire.

Enfin, à titre personnel et en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », Jean-Claude Frécon veut témoigner des relations de confiance nouées avec l’ancien Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, et l’ensemble de ses équipes, et ne doute pas que la qualité de cet échange perdurera avec le nouveau Premier président de la Cour des comptes, notre ancien collègue député M. Didier Migaud, coauteur de la LOLF avec notre collègue Alain Lambert.

Ces contacts fructueux se doublent de relations de qualité entre les magistrats financiers et les fonctionnaires du secrétariat de la commission des finances. Ainsi, depuis maintenant deux ans, la commission des finances accueille en stage, pendant la période budgétaire, de jeunes auditeurs à la Cour des comptes débutant leur carrière.

Au total, personne ne peut aujourd'hui douter des synergies instaurées entre le Sénat et la Cour des comptes.

Cette collaboration va bien au-delà d’une simple bonne entente entre des hommes, toujours susceptible d’être fragile et ponctuelle. Elle s’inscrit bien plutôt dans une démarche, voire dans une « mécanique », de long terme, chaque jour plus solide. Chacun ne peut que s’en féliciter, dans la mesure où elle contribue à renforcer encore l’efficacité du contrôle et de l’évaluation de nos politiques publiques, qui sont l’une des missions du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques
Article additionnel après l’article 1er

Article 1er

L’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :

1° Après le mot : « spéciales » sont insérés les mots : « et les instances permanentes créées au sein de l’une des deux assemblées parlementaires pour contrôler l’action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente » ;

2° Au début de cet article est insérée la mention : « I. –  » ;

3° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Lorsque les instances permanentes créées au sein de l’une des deux assemblées parlementaires pour contrôler l’action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente disposent, dans les conditions définies à l’alinéa précédent, des prérogatives visées à l’article 6, les rapporteurs qu’elles désignent exercent leur mission conjointement. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par M. Sueur, Mmes Bricq et Tasca, MM. Frécon, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article 5 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les instances créées au sein du Parlement ou de l'une de ses deux assemblées pour contrôler l'action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques peuvent convoquer toute personne dont elles estiment l'audition nécessaire, sous les réserves prévues par l'article 5 bis.

« Les rapporteurs de ces instances exercent leur mission dans les conditions prévues au deuxième alinéa du II de l'article 6.

« Le fait de faire obstacle à l'exercice des prérogatives prévues par le présent article est puni de 7 500 euros d'amende. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Ayant déjà présenté cet amendement lors de la discussion générale, je serai succinct.

Il s’agit de redonner toute sa portée au dispositif initial de la proposition de loi de M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, en visant les instances de contrôle et d’évaluation, que celles-ci soient permanentes ou temporaires, afin d’y inclure les missions d’information ; en visant non seulement les structures propres à l’une ou à l’autre des assemblées, mais aussi les structures communes à celles-ci ; en ne limitant pas le bénéfice de l’article 1er aux seules instances de compétence transversale.

C’est une proposition de retour au texte initial de M. Bernard Accoyer.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Sueur, Mmes Bricq et Tasca, MM. Frécon, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

et les instances

supprimer le mot :

permanentes

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet d'étendre le champ d'application du dispositif relatif aux pouvoirs de contrôle des instances de contrôle et d'évaluation aux missions d'information des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, aux missions d'information créées par la conférence des présidents sur proposition du président de l'Assemblée nationale, ainsi qu’aux missions d'évaluation et de contrôle.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Sueur, Mmes Bricq et Tasca, MM. Frécon, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

au sein

insérer les mots :

du Parlement ou

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai également présenté cet amendement lors de la discussion générale.

Il tend à revenir au texte tout à fait sage de M. Bernard Accoyer, qui visait les instances, qu'elles soient permanentes ou temporaires, créées au sein du Parlement ou de l'une de ses deux assemblées pour contrôler l'action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques, formule qui recouvre tant les structures propres à l'une ou à l'autre des assemblées que les structures communes aux deux assemblées.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Sueur, Mmes Bricq et Tasca, MM. Frécon, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’alinéa 2 de l’article 1er prévoit une restriction dont nous ne comprenons pas la justification. Pourquoi limiter la portée du pouvoir de convocation en audition, identique à celui des commissions permanentes ou spéciales, aux seules instances de contrôle et d'évaluation de compétences transversales ?

Le texte initial prévoyait la possibilité de donner un plus grand pouvoir de contrôle à nos instances. Nous ne voyons pas pourquoi vous vous acharnez à réduire l’envergure, pourtant mesurée, des propositions de M. Bernard Accoyer !

M. le président. Le nom de M. Accoyer n’aura jamais été aussi fréquemment cité au Sénat ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Je le fais à dessein, car j’espère être entendu, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Sueur, Mmes Bricq et Tasca, MM. Frécon, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. - Les rapporteurs désignés par les instances permanentes créées au sein de l'une des deux assemblées parlementaires pour contrôler l'action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente disposent, dans les conditions définies à l'alinéa précédent, des prérogatives visées à l'article 6. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L'Assemblée nationale a précisé que les pouvoirs conférés aux rapporteurs des instances de contrôle et d'évaluation des politiques publiques devraient être exercés conjointement.

Cette exigence, qui signifie qu'un contrôle ne pourra être exercé par l'un d'eux que si l'autre ne s'y oppose pas, est contestable.

Il convient, au contraire, d'assurer le bon déroulement des investigations de la mission, menées sous la responsabilité des rapporteurs, en limitant les éventuels désaccords au stade de la rédaction du rapport.

Certes, l’usage d’instituer des corapporteurs, issus de la majorité et de l’opposition, est en soi une bonne pratique parlementaire et constitue une avancée en matière de contrôle démocratique et de droit de l’opposition. À cet égard, je vous rends hommage, monsieur le président de la commission des lois, pour avoir pris l’initiative d’instaurer cette pratique au sein de la commission.

Néanmoins, si la recherche absolue du consensus aboutit à annihiler les volontés, on risque de perdre d’un côté ce que l’on pensait gagner de l’autre.

Pour conférer à la notion de contrôle toute sa plénitude, il paraît souhaitable de laisser chacun des rapporteurs agir avec la pleine liberté qui est la sienne. Les rapporteurs jouent un rôle important en se livrant à un travail préparatoire considérable. Ils étudient les textes en vigueur ; ils doivent pouvoir à la fois s’entourer de tous les avis qu’ils jugent nécessaires et procéder, de leur propre initiative, à des auditions, s’il y a lieu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur la totalité des amendements présentés par M. Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous pourriez en accepter quelques-uns !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je n’en accepte aucun, et ce pour une raison simple : ils tendent tous au déclin des commissions permanentes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vous souhaitez mettre sur le même plan toute une série d’institutions qui n’ont pas la même valeur. Or il existe une hiérarchie, qui doit être respectée.

Au sommet se trouvent les commissions d’enquête, qui ont le plus de pouvoirs car elles jouent un rôle majeur, puis les commissions permanentes et, enfin, tout le reste, notamment les missions d’information.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est important aussi !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Or, s’agissant des instances comprises dans ce reste, nous proposons de les mettre au même niveau que les commissions permanentes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour les pouvoirs d’enquête !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Absolument, monsieur le président de la commission !

En tout état de cause, cela constitue un progrès considérable par rapport au texte de l’Assemblée nationale !

Par conséquent, sans entrer dans le détail, la commission est défavorable aux cinq amendements qui viennent d’être présentés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Henri de Raincourt, ministre. Avec beaucoup d’égards et de précautions pour M. Sueur,…

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’est nul besoin d’égards ni de précautions !

M. Henri de Raincourt, ministre. Si, vous le méritez, monsieur le sénateur, et tous vos efforts devraient être couronnés de succès !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous dites cela parce que M. Bernard Accoyer est derrière moi ! (Sourires.)

M. Henri de Raincourt, ministre. Je crains néanmoins que l’avis du Gouvernement ne soit identique à celui de la commission.

Il nous semble en effet que les dispositions introduites par les amendements nos 3, 4, 5 et 6 ne sont pas nécessaires. Je ne me prononce pas, bien entendu, sur la hiérarchie évoquée par M. le rapporteur.

Quant à l’amendement n° 7, j’en suis convaincu, l’association d’un membre de la majorité et d’un membre de l’opposition a fait la preuve de sa très grande efficacité et de son utilité démocratique, en permettant d’aller au fond des choses. Je ne vois donc pas où serait le risque de blocage, les parlementaires étant, par nature, des gens intelligents, dévoués, compétents, entièrement dédiés au service de l’intérêt général.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces cinq amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s’abstient.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le groupe CRC-SPG également.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques
Article 2

Article additionnel après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Sueur, Mmes Bricq et Tasca, MM. Frécon, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est supprimé.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement tend à supprimer le troisième alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 qui interdit la création d’une commission d’enquête lorsque les faits sur lesquels elle porte donnent lieu à des poursuites judiciaires.

Cet amendement devrait faire plaisir à M. le rapporteur qui vient de nous rappeler que les commissions d’enquête sont placées au sommet de la hiérarchie des commissions. J’ai été très sensible à cet argument : puisque ces commissions sont placées au sommet de la hiérarchie, il faut leur conférer le maximum de pouvoirs !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut tout de même respecter la séparation des pouvoirs !

M. Pierre-Yves Collombat. Comme chacun sait, l’ouverture d’une instruction permet souvent de mettre au placard des problèmes quelque peu gênants qui pourraient entraîner des complications que tout le monde redoute, et ce dans le souci de préserver l’intérêt général, je n’en disconviens pas !

Il s’agit toutefois d’une limitation considérable des pouvoirs des commissions d’enquête ; c’est pourquoi nous souhaitons la supprimer, comme l’avait d’ailleurs proposé le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Balladur.

Tout à l’heure, Jean-Pierre Sueur soutenait une proposition de M. Accoyer ; je viens, quant à moi, en renfort de M. Balladur !

J’invite donc le Sénat à adopter cette disposition. Et, de grâce, ne me répondez pas en m’opposant le principe de séparation des pouvoirs…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais si !

M. Pierre-Yves Collombat. Alors, par anticipation, laissez-moi rire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je dois rappeler à M. Collombat que la séparation des pouvoirs est une règle constitutionnelle incontournable. Par conséquent, cette disposition aurait sa place non pas dans une loi ordinaire, mais dans le cadre d’une loi constitutionnelle.

C’est pourquoi je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement, qui opère une confusion entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif.

M. Pierre-Yves Collombat. Quand il s’agit du rôle du parquet, vous ne voyez aucune confusion des pouvoirs !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Henri de Raincourt, ministre. Mon avis est identique à celui de la commission.

À l’occasion de la révision constitutionnelle de 2008, un certain nombre d’amendements similaires avaient été déposés et ils avaient été rejetés pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être indiquées par M. le rapporteur.

J’aboutis donc à la même conclusion en rendant un avis défavorable, sauf à modifier la Constitution, mais je vous laisse imaginer quel serait le résultat !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.