M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à examiner le projet de loi organique portant réforme du Conseil économique, social et environnemental.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, voulue par le Président de la République, a entamé la revalorisation et la modernisation de cette institution non gouvernementale.

Souvent dénommé « troisième assemblée », le Conseil économique, social et environnemental est la consécration de la démocratie consultative. En effet, lors de l’élaboration des politiques publiques, cette institution permet un dialogue entre les différents représentants de la société civile française et les pouvoirs publics. Dès lors, nul ne saurait remettre en cause la pertinence d’une telle institution et son utilité pour la démocratie.

S’il s’avère incontournable dans le champ institutionnel français, le Conseil économique, social et environnemental recèle encore, comme l’a parfaitement souligné notre excellent rapporteur, M. Jean-Pierre Vial, des insuffisances pour « asseoir sa légitimité et garantir la visibilité de ses travaux ». Ainsi, le Conseil reste contesté pour deux raisons principales.

Premièrement, cet organe est très peu sollicité par les autorités de saisine. C’est la conséquence directe de la concurrence accrue des autres organismes consultatifs qui entrent dans son champ de compétences et dont l’expertise est plus souvent sollicitée par le Gouvernement. Dès lors, nous sommes confrontés à un paradoxe quant au fonctionnement actuel du Conseil : pourtant voulu comme une institution consultative au service de l’exécutif, il en arrive à s’autosaisir pour pallier le défaut de consultation. L’élargissement des compétences au domaine environnemental et des saisines possibles tendent à répondre à ce paradoxe.

Deuxièmement, cette institution n’a pas fait l’objet de révisions permettant de s’adapter à l’évolution de la société. En effet, relativement inchangée depuis sa création, la composition du Conseil manque de représentativité et n’est plus en adéquation avec notre société.

Je prendrai pour simple exemple un sujet d’actualité qui me tient à cœur : la faible représentation des femmes actives au sein du Conseil, qui ne s’élève qu’à 21,5 %, alors même que les femmes sont de plus en plus nombreuses dans la population active.

Globalement, certaines catégories socioprofessionnelles sont sous-représentées au sein du Conseil, alors que d’autres continuent de bénéficier d’un nombre de sièges sans équivalence avec leur poids réel dans l’économie.

Pourtant, le respect de l’hétérogénéité de la société française doit être le principal objectif poursuivi lors de la composition d’une institution démocratique ayant vocation à donner son avis sur les politiques publiques. C’est la raison pour laquelle le présent projet de loi organique réformant la composition du Conseil économique, social et environnemental et les modalités de nomination est essentiel.

Premièrement, le texte suit la logique de la révision constitutionnelle de 2008, qui a transformé le Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental. L’inscription constitutionnelle des problématiques environnementales dans les compétences du Conseil prend en compte le fait qu’il s’exprimait déjà dans ce domaine.

Ainsi, le Conseil sera désormais automatiquement saisi, et ce à l’initiative de notre commission des lois, sur « tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental ». Le groupe UMP et moi-même nous réjouissons de la consécration de ce troisième pilier environnemental dans la compétence du Conseil.

En outre, le Conseil économique, social et environnemental est dorénavant composé de 233 conseillers dont trente-trois représentants du pôle environnemental pour la protection de la nature et de l’environnement.

Deuxièmement, les possibilités de saisine sont élargies pour permettre une meilleure contribution de l’assemblée consultative sur les politiques relevant de ses domaines de compétence. Le texte permet la saisine du Conseil par notre Haute Assemblée et par l’Assemblée nationale ainsi que par le biais d’une pétition citoyenne.

Ce faisant, le projet de loi organique instaure des liens plus étroits entre le Parlement et l’institution et la rend désormais accessible à nos concitoyens. Nous nous en félicitons.

Troisièmement, s’agissant de la composition du Conseil, nous apprécions, monsieur le ministre, l’inscription dans ce texte du principe de parité lors de la désignation des membres du CESE par les organisations.

Quatrièmement, comme je l’expliquais précédemment, cette assemblée représentative de la population active française ne peut être appréhendée comme légitime que si elle s’adapte à l’évolution de notre société.

À ce titre, plusieurs dispositions modifiant les nominations des représentants composant le Conseil nous apparaissent fondamentales.

D’une part, afin de parvenir à un rééquilibre entre les différentes catégories représentées, il fallait accepter de diminuer la représentation de catégories existantes ou encore d’en supprimer certaines autres. Il y va d’une meilleure représentation des principales activités économiques et sociales françaises. En effet, permettre la représentation des jeunes au sein du Conseil et renforcer celle des professions libérales ne répond qu’au souci d’obtenir une institution en phase avec les réalités sociologiques du pays.

D’autre part, le principe de fléchage dans le domaine économique, adopté par la commission des lois, sur l’initiative de notre rapporteur, vise à compenser la suppression de la représentation des entreprises publiques, afin de ne pas mettre au banc cette catégorie qui, rappelons-le, n’emploie pas moins de 850 000 personnes.

Par ailleurs, une attention toute particulière a été portée au renouvellement régulier du Conseil économique, social et environnemental. C’était très important. Le projet de loi organique tend, en effet, à remédier au manque de représentativité qui a pu être reproché au Conseil. Pour éviter la répétition de cette situation, il nous fallait prévoir pour l’avenir une procédure de renouvellement des membres de l’organisme. La commission a instauré un dispositif d’actualisation régulière de la composition du Conseil. Ainsi, à partir de 2014, un rapport sur la représentativité sera remis tous les dix ans par le Gouvernement. Il fera l’objet d’un débat parlementaire pouvant déboucher sur des modifications dans la composition du Conseil.

Enfin, je tiens à souligner l’excellent travail de notre rapporteur, à l’initiative duquel la commission a inscrit dans ce texte le principe d’échanges du Conseil économique, social et environnemental avec les organismes homologues, a prévu la procédure de consultation en urgence du Conseil et précisé le délai d’un an pour rendre un avis en réponse à une saisine « populaire ».

Au vu de l’ensemble de ces remarques, le groupe UMP adoptera le projet de loi, tel que modifié par la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. « L’image de la France à l’étranger représente un enjeu considérable. Des pistes doivent être étudiées pour l’améliorer ».

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si je partage pleinement cette analyse très juste, je n’en suis pas l’auteur. Il s’agit en effet du constat que dresse le Conseil économique, social et environnemental, dans une étude présentée le 15 avril par sa section du cadre de vie, sur l’importance de l’image de la France dans le monde.

Cruelle ironie d’une actualité brûlante : la réforme du Conseil économique, social et environnemental, dont nous sommes amenés à débattre aujourd’hui, prévoit la suppression pure et simple des représentants des Français de l’étranger en son sein !

Dans son étude, le Conseil économique, social et environnemental suggère des pistes intéressantes pour pallier les carences de l’image de la France à l’étranger.

La première d’entre elles est de mettre en évidence l’intérêt de cette image en tant qu’outil au service d’objectifs non seulement culturels, patrimoniaux et d’art de vivre, mais également politiques, économiques et scientifiques.

Pour le Conseil économique, social et environnemental, l’action doit porter sur l’image du pays en lui-même, l’image des entreprises françaises, l’image des produits français à l’étranger et le degré d’attractivité.

Mais alors, qui mieux que les Français de l’étranger eux-mêmes peuvent être les acteurs de cette volonté politique ?

L’exposé des motifs du projet de loi organique initial, présenté par le Gouvernement, indiquait : « Il s’agit de faire du Conseil une institution qui soit plus en phase avec les réalités sociologiques du pays comme avec les débats qui le traversent, qui se montre plus réactive et qui sera mieux écoutée parce que davantage représentative. »

Dans ce contexte, l’argument selon lequel la suppression de la représentation des Français de l’étranger au sein du Conseil économique, social et environnemental se justifierait par le fait que les Français établis hors de France ont leur propre assemblée, que douze sénateurs les représentent, et qu’ils disposeront, à compter de 2012, de onze députés, témoigne d’une méconnaissance coupable du rôle de l’Assemblée des Français de l’étranger, des sénateurs et du futur rôle des députés.

Pour conserver cette « logique », le Gouvernement aurait été bien inspiré de prévoir la suppression des députés de métropole et d’outre-mer…

La présence française dans le monde est devenue une problématique centrale à l’heure de la mondialisation.

Le Conseil économique, social et environnemental assure la participation et la collaboration des différents acteurs de la vie économique, sociale et environnementale du pays à la politique du Gouvernement. C’est à ce titre que les Français établis hors de France y sont représentés depuis 1984.

Les Français d’outre-mer sont estimés à 2 400 000 et représentés au Conseil par onze membres. La population française résidant à l’étranger est, quant à elle, estimée à plus de 2 300 000 personnes. Il y a aujourd’hui presque trois fois plus de Français établis hors de France qu’en 1984, date à laquelle une représentation leur a été accordée au Conseil économique et social.

La représentation de nos compatriotes de l’étranger a, au cours des décennies, trouvé sa traduction à travers les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France, les 155 conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger et la présence de deux représentants des expatriés au sein du Conseil économique et social.

La réforme constitutionnelle de 2008 a permis de compléter ce dispositif en instaurant, à compter de 2012, onze députés représentant les Français établis hors de France.

La communauté des Français de l’étranger est donc parvenue à constituer une collectivité représentée dans les plus importantes institutions de la République, et ce au même titre que les Français de métropole et d’outre-mer.

Au regard de cette avancée, je ne peux admettre – comme la très grande majorité des élus des Français de l’étranger – que la réforme du Conseil économique, social et environnemental se fasse par la suppression des deux représentants des Français de l’étranger.

Les Français établis hors de France sont en nombre croissant depuis 1958. Cette augmentation de la présence de nos communautés à l’étranger constitue un atout indiscutable pour notre pays et pour son influence dans le monde.

La suppression des représentants des expatriés au sein du Conseil économique, social et environnemental serait considérée comme un recul démocratique considérable.

Nos compatriotes résidant hors de France ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel « de la jeunesse, du dialogue social et de l’environnement », d’une part, tout simplement parce que les expatriés sont plus jeunes que la moyenne nationale et, d’autre part, parce que se trouvent parmi eux des acteurs majeurs du dialogue social et de la lutte pour la protection de l’environnement.

J’en viens maintenant au cœur de la problématique soulevée par l’article 6 du projet de loi organique.

Le texte proposé pour l’article 7 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 prévoit la nomination de personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine économique, dans le domaine social, culturel, sportif ou scientifique, dans le domaine environnemental et du développement durable ou en raison de leur action en faveur des personnes handicapées.

En premier lieu, l’avenir économique de notre pays se joue aujourd’hui sur la scène internationale, que les Français de l’étranger connaissent mieux que d’autres en contribuant largement au rayonnement international et européen de la France à l’étranger.

Supprimer purement et simplement, à l’heure de la mondialisation, la place des Français expatriés dans l’assemblée représentant les forces vives de la nation, plus qu’une erreur, ce serait une faute : cela reviendrait à nier que le commerce extérieur fait vivre aujourd’hui un Français sur quatre.

Dans la mesure où le texte prévoit que, parmi les dix personnalités qualifiées siégeant au titre du pôle de la vie économique et du dialogue social, doivent figurer trois personnalités issues des entreprises publiques, il nous a paru opportun d’inscrire dans la loi organique cette représentation spécifique des Français de l’étranger en indiquant expressément que parmi ces personnalités qualifiées ne figurent que deux personnalités issues des entreprises publiques mais également une personnalité représentant les activités économiques françaises à l’étranger.

Deuxièmement, les questions sociales, aujourd’hui, se situent de plus en plus souvent au niveau international : plus que quiconque, les Français de l’étranger sont en première ligne pour la défense et le développement de notre modèle social.

Dans une mondialisation déshumanisée, où la question des relations sociales internationales devient de plus en plus sensible, ce serait une faute que de priver le Conseil économique, social et environnemental de l’apport des Français de l’étranger, qui vivent au contact des réalités sociales d’un monde qui change. De plus, deux grandes associations reconnues d’utilité publique, l’Union des Français de l’étranger, créée en 1927, et l’Association démocratique des Français de l’étranger, créée en 1981, concourent à maintenir le lien social entre la France et ses expatriés.

C’est l’une des raisons pour lesquelles il nous a paru opportun d’inscrire dans la loi organique cette représentation spécifique en indiquant expressément que, parmi les quinze personnalités qualifiées siégeant au titre du pôle de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, figure une personnalité résidant hors de France.

Troisièmement, la défense de l’environnement est devenue aujourd’hui un aspect majeur de la mondialisation. En la matière, l’expertise et l’action des Français de l’étranger – qui vivent quotidiennement avec les citoyens d’autres pays – ne font aucun doute. Nos concitoyens expatriés sont les mieux placés pour expliquer et faire partager les expériences positives de sauvegarde de l’environnement conduites à travers le monde par des organismes qui, quelquefois, ont été créés par des Français de l’étranger.

Les questions environnementales deviennent de plus en plus sensibles. Se priver de l’apport des Français qui vivent au contact des réalités du monde qui nous entoure serait une faute pour notre pays.

Dans la mesure où le texte prévoit que, parmi les quinze personnalités qualifiées siégeant au titre du pôle de la protection de la nature et de l’environnement, doivent figurer au moins trois dirigeants des entreprises exerçant une action significative dans ces matières, il nous a paru opportun d’inscrire dans la loi organique cette représentation spécifique des Français de l’étranger en indiquant expressément que parmi ces personnalités qualifiées figure également une personnalité résidant hors de France. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans la discussion des articles.

Monsieur le ministre, je vous demande de donner un avis favorable sur ces trois amendements, qui proposent que soit expressément prévue une personnalité qualifiée résidant à l’étranger au titre de chacun de ces pôles.

Je reste persuadé, monsieur le ministre, que vous comprendrez cette position de bon sens et que vous vous rallierez à mes arguments, afin que les Français de l’étranger ne soient pas exclus du futur Conseil économique, social et environnemental. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui constitue la troisième étape de la réforme du Conseil économique, social et environnemental.

La loi constitutionnelle de juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a élargi le champ de compétence du Conseil et créé de nouvelles possibilités de saisine. Il nous faut maintenant en tirer les conséquences pratiques.

Cependant, je m’interroge. Monsieur le ministre, comment allez-vous faire pour procéder, d’ici à la fin du mois de septembre, à la nomination des 233 nouveaux conseillers, sachant que le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II », n’a toujours pas été adopté par l’Assemblée nationale et que son article 98 prévoit que les critères de représentativité des acteurs environnementaux seront définis par décret en Conseil d’État ? Le calendrier apparaît pour le moins serré, et je crains que vous n’ayez du mal à le respecter ! Mais peut-être nous demanderez-vous une nouvelle prolongation du mandat des membres du Conseil ?…

M. Henri de Raincourt, ministre. Oh non !

M. Richard Yung. Le renforcement du Conseil économique, social et environnemental est indispensable, car cette assemblée est malheureusement peu connue du grand public alors qu’elle constitue le seul espace institutionnel de dialogue entre organisations patronales et syndicales. Dans un pays comme le nôtre, marqué par une tradition, disons, d’échanges difficiles entre employeurs et employés, le Conseil économique et social est l’un des rares lieux où ce dialogue existe vraiment et se déroule, à en croire ce qui se dit, de façon satisfaisante. (M. le ministre approuve.)

La méconnaissance dont souffre le Conseil économique et social s’explique par le fait qu’il est noyé dans un océan d’organismes consultatifs concurrents et ne bénéficie pas de la même notoriété que, par exemple, la Cour des comptes, dont le rapport annuel est toujours très attendu. Pour lui donner à l’avenir plus de poids et de lisibilité, sans doute serait-il opportun de mettre enfin en pratique – au lieu de le supprimer, comme le propose l’article 15 bis du présent projet de loi – l’article 27 de l’ordonnance de décembre 1958, qui prévoyait la suppression des « organismes consultatifs dont les attributions feraient double emploi avec celles du Conseil économique et social ». Quel sens y a-t-il, en effet, à maintenir des comités tels que le Conseil d’analyse de la société ou le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale – dont on ne voit d’ailleurs pas en quoi il diffère du Conseil d’orientation pour l’emploi ? Nous avons une « foultitude » de comités et conseils de ce genre !

Le Conseil économique, social et environnemental souffre également d’être peu considéré par les pouvoirs publics. En 2008, un quart seulement de ses travaux résultait d’une saisine gouvernementale – contre la moitié dans les années 1970 –, les trois autres quarts correspondant à des autosaisines. On constate donc une baisse significative du nombre des avis demandés au Conseil par le Gouvernement. En outre, M. Chertier affirme dans son excellent rapport que de nombreux avis et études « demeurent insuffisamment exploités ». Tel fut notamment le cas de l’avis sur le travail dominical, « qui n’a trouvé aucun écho dans le débat conduit sur ce sujet sensible ».

Par ailleurs, le Premier ministre ne respecte que rarement l’obligation qui lui incombe de faire connaître « les suites données aux avis du CES ». Il conviendrait donc de renforcer ce droit de suite en rendant obligatoire la publication par le Gouvernement d’un rapport annuel sur les suites données aux avis du CES. Nous déposerons un amendement en ce sens.

Le renforcement du rôle du Conseil ne passe donc pas seulement par l’élargissement de ses compétences et de ses saisines : il faut également qu’il soit davantage écouté par le Gouvernement.

La composition du Conseil et le mode de désignation de ses membres constituent évidemment le principal enjeu du présent projet de loi. Le défi est d’autant plus difficile à relever que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a gelé à 233 le nombre de conseillers.

Je constate d’abord avec soulagement qu’il n’est pas prévu d’introduire une représentation des cultes. Pour mémoire, je rappelle que le Président de la République, en décembre 2007, avait exprimé son souhait d’élargir la représentation du Conseil aux « grands courants spirituels ».

Nous approuvons également les dispositions de l’article 6 visant à introduire la parité – nous ferons des propositions pour en améliorer les modalités –, celles de l’article 8 tendant à limiter à deux le nombre de mandats successifs, ainsi que l’annonce de l’abaissement à dix-huit ans de l’âge minimal pour exercer un mandat. La représentation des jeunes et des étudiants, qui est également prévue à l’article 6, devrait aussi permettre un rajeunissement des membres du Conseil. Cependant, notre collègue Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances, m’a chargé d’attirer votre attention sur le fait que cette réforme aura nécessairement des conséquences sur l’équilibre, déjà préoccupant, de la caisse de retraite du CESE.

Enfin, le paragraphe II de l’article 6 propose que les membres représentant les salariés soient désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, sur quelles bases ces conseillers seront nommés, dans la mesure où, d’après notre rapporteur, les critères fixés par la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail « seront appliqués à l’issue de la première mesure de l’audience des syndicats et permettront de connaître au plus tard en 2013 la liste des organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel ».

Le présent projet de loi organique est censé mieux asseoir la représentativité du CESE, lui permettre de mieux « coller », si j’ose dire, à la société française. Pourtant, il laisse de côté certains pans de cette société. On comprendra donc que, étant sénateur des Français établis hors de France, je m’émeuve, avec mes collègues et nos deux millions et demi de concitoyens vivant à l’étranger, de la suppression des deux conseillers qui les représentaient. Ces deux sièges, créés en 1984, sont pourvus par décret pris sur le rapport du ministre des affaires étrangères après consultation de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Dans son scénario no 1 – qui est pourtant celui que vous avez suivi pour la plus grande partie, monsieur le ministre –, M. Chertier proposait de maintenir à deux le nombre de conseillers représentant les Français établis hors de France. Or, dans le schéma proposé par le Gouvernement, pour que les Français de l’étranger continuent d’être représentés, il faudrait qu’au moins un conseiller soit désigné parmi les dix personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine économique ou les quinze personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine social. Cela laisse donc peu d’espoir pour le maintien de la représentation des Français de l’étranger, car nous savons que la concurrence est dure dans ces collèges restreints !

Autre solution : que soit nommée au moins une personnalité associée représentant les Français établis hors de France. Cette alternative n’est pas plus satisfaisante. Nous ne sommes pas favorables à un tel système, qui, de surcroît, ne garantirait pas la pérennité de la représentation des Français de l’étranger au sein du Conseil. Après avoir instauré leur représentation à l’Assemblée nationale, grand progrès que nous avons salué, il est pour le moins paradoxal de vouloir supprimer celle dont ils bénéficient au sein de la troisième assemblée constitutionnelle de la République !

Pour le justifier, on souligne que les Français établis hors de France disposent de leur propre assemblée, qu’ils sont représentés au Sénat et le seront prochainement à l’Assemblée nationale. Ce ne sont pas là des arguments qui nous convainquent. Dans le présent projet de loi, par exemple, les départements et régions d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie continuent d’être représentés par onze conseillers alors qu’ils bénéficient également d’une représentation au Parlement et qu’ils ont leurs propres conseils économiques et sociaux. Dans ces conditions, pourquoi vouloir supprimer la représentation des Français de l’étranger ? La spécificité de leur apport au Conseil économique et social est pourtant indéniable, en particulier grâce au prisme particulier à travers lequel ils abordent les questions de l’économie, de la société.

Quid également de la représentation des consommateurs, du secteur de l’économie sociale ou de celui du logement ? On mesure ici certaines lacunes ! Pour les combler, il faudrait, de mon point de vue, réduire le nombre de personnalités qualifiées en le ramenant à son niveau de 1958 – je sais, ce sera douloureux ! –, soit quinze au lieu de quarante.

Je m’interroge aussi sur les modalités de nomination des personnalités qualifiées. La question ayant déjà été abordée à plusieurs reprises, je n’y reviens pas ; mais je continue de penser que, pour la plupart d’entre elles, ces nominations restent un lot de consolation.

Enfin, le présent projet de loi instaure un fléchage dans la désignation de ces personnalités. Cette disposition permettra peut-être d’empêcher certaines nominations surprenantes. Il est pourtant nécessaire d’aller plus loin, et je proposerai de reprendre l’idée, avancée par la commission Vallon de 1963 – je continue de remonter le temps ! –, de recourir à des « comités de sages », composés de personnalités dont les compétences et l’autorité sont unanimement reconnues dans chaque domaine, qui seraient chargés de soumettre des listes de candidats aux autorités.

Enfin, je souhaiterais savoir si les scientifiques qui remettent en cause la thèse du réchauffement climatique (Sourires.), ceux que l’on appelle les « climatosceptiques », auront droit de cité au sein du nouveau collège.

M. Henri de Raincourt, ministre. Autant que les autres ! (Nouveaux sourires.)

M. Richard Yung. Par ailleurs, nous proposons de supprimer la possibilité de désigner des personnalités associées et d'améliorer en contrepartie la coopération entre le Conseil et ses partenaires, notamment au travers des organes d'expertise. En effet, nous pouvons craindre que la procédure de nomination de ces personnalités associées ne donne lieu à des dérives analogues à celles évoquées précédemment. À nos yeux, il serait donc tout à fait justifié de l’écarter.

Enfin, nous nous réjouissons de l'élargissement du système des saisines, qui va dans le sens d'un rapprochement du Conseil et des citoyens.

Telles sont mes principales observations sur ce texte. Nous défendrons un certain nombre d’amendements, dont nous avons déjà discuté en commission des lois, sans grand succès. Sait-on jamais, les avis auront peut-être changé entre-temps. Notre vote dépendra bien sûr du sort qui sera réservé à ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)