M. Guy Fischer. Ce sera une super-austérité !

M. Jean-Pierre Plancade. Or, depuis trois ans, je le répète, le Gouvernement a pris toute une série de mesures en faveur des catégories les plus aisées. On peut citer le bouclier fiscal, puisque c’est de lui qu’il est question aujourd'hui, l’exonération des droits de succession, les niches fiscales, la baisse de la TVA pour les restaurateurs, la suppression de la publicité à la télévision... Autant de réformes qui n’ont fait que grever le budget et aggraver le déficit.

D'ailleurs – c’est là un point essentiel –, de façon constante, les déficits créés l’ont été en majeure partie au bénéfice des couches les plus aisées de la population, ce qui est indécent dans la période de crise sociale que nous traversons !

Comme mes collègues membres du RDSE l’ont exprimé à plusieurs reprises, la suppression du bouclier fiscal est devenue une mesure de bon sens et d’équité ; elle doit avoir lieu aujourd'hui, et pas demain !

Cette mesure serait de bon sens, car l’État n’a plus les moyens financiers de pratiquer une politique de cadeaux fiscaux à l’égard de ceux dont le cœur est peut-être en France, même si j’en doute de plus en plus, mais dont le porte-monnaie se porte toujours mieux sous des cieux plus attractifs…

Au passage, je rappellerai que la suppression du bouclier fiscal, qui n’a toujours pas fait revenir en France les grandes fortunes – elles partent même en plus grand nombre à l’étranger –, pourrait dégager une plus-value fiscale susceptible – pourquoi pas ? – d’approvisionner en partie le Fonds de réserve pour les retraites.

Cette mesure serait aussi d’équité, parce que, dans son essence même, ce dispositif est injuste : comment demander toujours plus aux centaines de milliers de chômeurs et aux ménages les plus modestes, et cela dans une période de forte baisse du pouvoir d’achat, sans obtenir, par ailleurs, la garantie que les exilés fiscaux et les entreprises délocalisées participeront, eux aussi, aux efforts de la nation ?

Aujourd’hui, ce sont la Grèce, l’Espagne et le Portugal qui se trouvent dans l’œil du cyclone. Demain qu’en sera-t-il réellement pour notre pays ?

Alors que le Gouvernement s’efforce, avec raison – je le reconnais –, de minimiser l’impact de la crise sur notre économie et ses conséquences sociales, de même qu’il a agi avec pertinence – je le reconnais également – au cœur de la crise bancaire, il devient urgent d’arrêter cette hémorragie financière en prenant des mesures de bon sens, à commencer par la suppression du bouclier fiscal, qui, madame la secrétaire d'État, joue le rôle d’une niche de plus, d’une niche de trop.

Cette proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG a donc le mérite de la clarté. La suppression du bouclier fiscal, ce dispositif inopérant et dépourvu d’effet économique avéré, est une nécessité objective. Bien plus, elle est devenue un impératif social !

Je le répète, le mécanisme du bouclier fiscal a autorisé l’État à rembourser aux contribuables les plus aisés de ce pays 368 millions d’euros en 2008 et 586 millions d’euros en 2009, et l’on annonce pour 2010 de 700 à 800 millions d'euros !

Dans un contexte de crise financière, de récession économique, de hausse du chômage, de plans sociaux, de déficit budgétaire, de crise de nos systèmes de retraite, de mesures de rigueur et d’austérité qui seront appliquées aux Français, quoi que vous en disiez, madame la secrétaire d'État, comment justifier politiquement, économiquement et surtout socialement le maintien de ces avantages accordés aux plus riches ?

Ce texte est pour moi l’occasion de rappeler que l’impôt possède de réelles vertus républicaines, puisqu’il permet de faire contribuer chacun justement, en fonction de ses possibilités, à l’œuvre commune. Par sa fonction redistributive, il doit jouer un rôle de cohésion sociale ; toutefois, je dois admettre qu’il remplit de moins en moins cette fonction.

Selon moi, une politique fiscale à la fois juste et efficace doit donc permettre de revenir à des principes fondamentaux : l’égalité devant l’impôt et la progressivité de celui-ci.

Parce qu’il limite à 50 % de leurs revenus les impôts versés par une catégorie de Français, le bouclier fiscal porte atteinte au principe de progressivité de l’impôt, donc à l’effort de solidarité nationale, qui devrait correspondre à l’exacte capacité de chacun des contribuables.

Dans ces conditions, les sénateurs radicaux de gauche et la majorité des membres du groupe du RDSE sont favorables à la suppression du bouclier fiscal et militent pour une politique fiscale différente, plus juste, plus équitable, plus efficace et plus progressive, a fortiori quand notre pays traverse une crise économique grave, au bénéfice des Français les plus démunis.

Pour résumer, je le répète avec force, à un moment où nous sommes confrontés à des mesures de rigueur très fortes et où nous devons assurer l’équilibre de nos retraites, le Gouvernement traîne comme un boulet ce bouclier fiscal, qui empêche toute évolution de la pensée sur l’impôt dans ce pays et interdit d’avancer dans la bonne direction.

Pourtant, face à cette crise, mes chers collègues, nous devrions nous rejoindre, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition, pour défendre la cohésion nationale et écarter le risque d’une sortie de la zone euro, qui, quoi que l’on prétende, est bien réel. Mettons-nous d’accord sur la suppression du bouclier fiscal et sur la nécessité de revisiter les niches fiscales ; réfléchissons à l’impôt sur la fortune et à la mise en place d’un nouveau système fiscal, plus juste, plus efficace et plus progressif.

C'est pourquoi le groupe du RDSE, dans sa quasi-totalité, votera la proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je soulignerai que la réforme du bouclier fiscal constitue un élément fondamental de la justice sociale et de l’équité devant l’impôt.

La crise financière que connaît la Grèce est un avertissement pour tous les pays, en particulier pour la France ; c’est d’autant plus vrai que, depuis 2007, la politique conduite par le Gouvernement et par le Président de la République a entraîné une augmentation colossale de notre endettement.

J’approuve donc les mesures qui pourraient accroître les recettes fiscales ou réduire les dépenses publiques. L’annonce d’une réduction importante des niches fiscales est ainsi un élément très positif.

M. Guy Fischer. C’est de l’affichage !

M. Jean Louis Masson. En revanche, le bouclier fiscal constitue la niche la plus scandaleuse, et c’est par elle qu’il faut commencer.

Bien que je sois clairement de droite, je déplore l’obstination du Président de la République sur ce dossier. D'ailleurs, et plus généralement, je considère que, dans de nombreux domaines, les choix et les attitudes de nos gouvernants depuis 2007 sont affligeants. Le bouclier fiscal n’en est qu’un exemple parmi d’autres. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. François Marc. Renversez le Gouvernement !

M. Jean Louis Masson. Oui, on peut être de droite et réclamer plus de solidarité, plus de justice sociale et plus d’équité fiscale.

Oui, on peut être de droite et rester attaché aux valeurs nationales, populaires et sociales qui sont le fondement du gaullisme.

Oui, on peut être de droite et déplorer l’abaissement de la fonction présidentielle, les gesticulations stériles, les promesses mirobolantes jamais suivies d’effets et le « bling-bling » à tous les étages.

Partout, des voix, de plus en plus nombreuses, s’inquiètent du refus du Président de la République d’entendre le message, pourtant fort, que lui ont adressé les électeurs à l’occasion de la déroute des régionales.

À juste titre, l’ancien Premier ministre Alain Juppé, que personne ne peut accuser de gauchisme, résume ainsi l’opinion générale, dans un entretien au journal Le Monde du 11 avril 2010 :

« La pauvreté et la précarité augmentent, ainsi que le sentiment d’injustice. Cela nous oblige à prendre à bras-le-corps la question du logement, notamment pour les travailleurs pauvres, et à remettre à plat tout notre système fiscal, pour le rendre efficace et plus juste. […] En tout cas, ce que je ne digère pas, c’est le triomphe de la cupidité. » (M. François Marc applaudit.)

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Jean Louis Masson. « C’est indécent de voir les bonus, les “retraites chapeau”, toutes ces rémunérations extravagantes qui se chiffrent par millions d’euros et que rien ne justifie, alors qu’on explique par ailleurs qu’il n’est pas possible d’augmenter les bas salaires de 20 euros. » Mes chers collègues, ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est Alain Juppé !

M. Guy Fischer. Il a raison !

M. Jean Louis Masson. Au fond d’eux-mêmes, tous nos concitoyens savent que la France ne dispose pas d’une recette miracle qui lui permettrait de rester le seul pays de l’Union européenne où l’âge de la retraite serait fixé à soixante ans. Toutefois, pour qu’il y ait un consensus sur cette question, il faut que les sacrifices soient répartis équitablement entre tous.

En la matière, une mesure emblématique s’impose : une réforme radicale du bouclier fiscal, lequel ne doit pas continuer à profiter, à plus de 99 %, à quelques milliers de super-privilégiés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Ça va changer !

M. François Marc. La parole est à la défense ! (Sourires.)

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, d’aucuns l’ont souligné, ce débat est rituel. Et l’on comprend parfaitement la constance – ce terme ayant été employé par d’autres, je le reprends également – de ceux qui proposent la suppression du bouclier fiscal : elle justifie d’ailleurs en quelque sorte la nôtre, comme l’a fort justement fait remarquer le rapporteur.

Si ce débat est rituel, je reconnais que les arguments se sont quelque peu renouvelés, notamment dans la forme, et je dois reconnaître que j’ai apprécié certaines interventions. Dois-je préciser, parlant au nom de mon groupe, que l’UMP, qui a défendu le principe du bouclier fiscal, ne saurait aujourd’hui ni se contredire ni renoncer aux principes qui sont les siens ?

Puisque nous en sommes aux principes, je rappelle, à la suite d’Albéric de Montgolfier, dont je tiens à saluer la qualité et la précision du rapport, que le Conseil constitutionnel a estimé dans sa jurisprudence, notamment dans sa décision du 29 décembre 2005, qu’un niveau confiscatoire de l’impôt, représentant une charge excessive par rapport à la capacité contributive, serait frappé d’inconstitutionnalité.

Nous ne pouvons qu’adhérer à l’idée que l’existence d’un bouclier dans l’arsenal fiscal français constitue en quelque sorte la preuve de la responsabilité de l’État. Il s’agit d’un « garde-fou » dans un système fiscal complexe où la superposition de différents impôts peut, dans certains cas particuliers, générer une imposition excessive et contre-productive.

« Trop d’impôt tue l’impôt. » La formule est connue, je n’insiste pas. N’oublions pas que le niveau de prélèvements obligatoires en France est l’un des plus élevés du monde ! Un magazine a publié l’an dernier une étude comparative de la pression fiscale dans cinquante pays du monde qui le démontre.

Le bouclier fiscal à 50 %, c’est l’affirmation d’un principe clair : en France, on ne travaille pas plus de six mois de l’année pour payer ses impôts.

D’ailleurs, le principe même du bouclier fiscal a été institué par un gouvernement de gauche, celui de Lionel Jospin,…

M. François Marc. Nous y voilà !

M. Adrien Gouteyron. ... qui, je le dis au passage, avait aussi baissé la fiscalité sur les stock-options et les taux de l’impôt sur le revenu.

M. François Marc. Mais il y avait de la croissance !

M. Adrien Gouteyron. Ce n’est pas faux.

La France n’est pas le seul pays à appliquer le bouclier fiscal. En Europe, d’autres États l’ont mis en place : l’Espagne, la Finlande, la Suède, le Danemark et l’Allemagne où il existe un bouclier à 50 %. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a ainsi estimé le 22 juin 1995 qu’il était contraire à la Constitution de prélever l’impôt sur la fortune si cela équivalait à prélever plus de la moitié des revenus du contribuable. Nous sommes donc là sur une ligne assez largement partagée et suivie au niveau européen.

M. Roland du Luart. C’est vrai !

M. Adrien Gouteyron. Contrairement à ce que prétend l’opposition, le bouclier fiscal n’est pas un « cadeau » indécent fait aux riches. Je fais remarquer que deux tiers des bénéficiaires déclarent un revenu fiscal inférieur à 13 000 euros. (Mme Marie-France Beaufils s’exclame.) Il est vrai que le tiers restant est celui qui tire le plus grand profit du bouclier fiscal : les chiffres l’attestent.

Mes chers collègues, c’est à travers la progressivité de l’impôt sur le revenu que doit s’exprimer la solidarité des plus aisés à l’égard des plus faibles. Un Français sur deux ne paie pas d’impôt sur le revenu, 10 % des contribuables les plus aisés acquittent 70 % du produit, alors qu’ils déclarent un peu plus du tiers des revenus. Ce principe de progressivité de l’impôt doit absolument être préservé comme fondement intangible de notre système fiscal. Sur ce point, il nous faut être extrêmement vigilants.

Comme d’autres avant moi, je tiens à souligner que, si le bouclier fiscal n’a pas permis, comme on avait pu l’espérer, de rapatrier beaucoup de grandes fortunes en France, il a sans nul doute évité plus d’expatriations. Certes, aucune donnée chiffrée ne vient confirmer cette affirmation, mais nous pouvons légitimement le penser, même si, malheureusement, le nombre d’expatriations a augmenté au cours de la période récente.

M. Roland du Luart. C’est vrai, hélas ! Ça recommence !

M. Adrien Gouteyron. Nous devons être honnêtes et ne pas cacher notre souhait de voir le retour d’un plus grand nombre de nos concitoyens en France.

Le Gouvernement est cohérent. Ce n’est pas contre le bouclier fiscal qu’il faut lutter, mais contre l’évasion fiscale, qu’il faut combattre de toutes nos forces, et contre les paradis fiscaux, en œuvrant pour mettre en place à l’échelon international une politique coordonnée avec les autres États.

D’une manière générale, la stabilité fiscale ne doit pas être mise à mal. Modifier le dispositif du bouclier fiscal sans réformer la fiscalité dans son ensemble reviendrait à créer une insécurité juridique tout à fait dommageable et contre-productive pour notre économie.

Il est vrai qu’il existe dans l’opinion, et même au sein de la majorité, un débat sur le sujet.

M. Adrien Gouteyron. Et c’est tant mieux !

Je tiens à saluer ici l’insistance, la persévérance, voire la constance de nos collègues Jean Arthuis, Philippe Marini et Jean-Pierre Fourcade, du rapporteur et d’autres encore qui défendent l’idée d’une indispensable réforme fiscale,…

M. Roland du Luart. C’est ce que souhaite la commission des finances !

M. Adrien Gouteyron. ... fondée sur une trilogie ou une tétralogie dont les termes sont indissociables : abrogation du bouclier fiscal, suppression de l’ISF, institution d’une tranche supplémentaire dans le barème de l’impôt sur le revenu assortie d’une révision du barème d’imposition des plus-values de valeurs mobilières et de biens immobiliers.

M. Adrien Gouteyron. C’est une piste qu’il faut absolument explorer, et je félicite Albéric de Montgolfier de l’avoir rappelé dans son rapport.

Ce débat est notamment alimenté par la nécessité de réduire nos déficits et d’accomplir des réformes structurelles importantes. Il est impossible de prendre le problème par le bout le plus commode et le plus évident.

M. Adrien Gouteyron. Il faut le traiter dans son ensemble.

Ainsi, M. le rapporteur propose des évolutions, qui doivent s’inscrire dans le cadre d’une réforme fiscale plus globale…

M. Guy Fischer. Pour l’instant, ce sont les salaires !

M. Adrien Gouteyron. ... et, surtout, comme cela doit se faire en bonne politique, à l’occasion d’un projet de loi de finances.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À Pâques ou à la Trinité !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Non, à l’occasion d’une prochaine loi de finances !

M. Adrien Gouteyron. Il ne faut pas agir au hasard d’une proposition de loi qui risque de ne pas saisir la pleine complexité du problème et de ne pas y répondre correctement. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Roland du Luart. Voilà une intervention courageuse !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Christine Lagarde, qui m’a chargée de participer à sa place à l’examen de cette proposition de loi.

Vous le savez, il faut toujours revenir aux principes fondamentaux. Ce sont ceux-là mêmes qui avaient conduit Michel Rocard en son temps à instaurer le bouclier fiscal. Il s’agit de concilier deux principes essentiels aux termes desquels, d’une part, l’impôt doit être progressif et proportionné aux capacités contributives, d’autre part, l’impôt ne saurait être confiscatoire. C’est le cas avec le bouclier fiscal.

Les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et du parti de gauche ont déposé un texte qui supprime purement et simplement le bouclier fiscal.

Sur la forme, une telle proposition ne devrait pouvoir être débattue que dans le cadre d’un projet de loi de finances. Sur le fond, elle ne nous paraît guère acceptable.

Le bouclier fiscal répond avant tout à un objectif d’équité. Le principe même du bouclier fiscal, c’est que l’impôt ne doit pas être confiscatoire.

M. Bernard Vera. Il n’y a pas de risque !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je rappelle ici les termes mêmes de la décision du Conseil constitutionnel lors de l’examen de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA » : « dans son principe, le plafonnement de la part des revenus d’un foyer fiscal affectée au paiement d’impôts directs, loin de méconnaître l’égalité devant l’impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». C’est dire si ce principe est tout sauf anodin.

Plusieurs d’entre vous l’ont souligné et je tiens à le répéter avec une force particulière compte tenu des fonctions que m’ont confiées le Président de la République et le Premier ministre : le bouclier fiscal est aussi une condition de l’attractivité de notre territoire. (M. Bernard Vera fait un signe de dénégation.)

M. Thierry Foucaud. C’est faux, vous le savez !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Il nous faut maintenir ce cap si nous voulons attirer des investissements. Vous le savez, la France a la chance d’être le deuxième ou le troisième pays – cela varie selon les années – pour l’attraction de capitaux étrangers en particulier. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Enfin, nous avons absolument besoin de sécurité juridique et de stabilité fiscale.

La stabilité en matière fiscale est impérative, qu’il s’agisse du bouclier fiscal ou de tout autre dispositif. Ce n’est pas en changeant sans arrêt les règles du jeu fiscal que nous serons en mesure de juger de l’efficacité des mécanismes mis en place ou de dresser un bilan global. En outre, sur cette matière, le Président de la République et le Gouvernement ont pris des engagements devant les Français.

J’en viens maintenant à l’aspect fiscal et budgétaire du débat.

Pour certains, la suppression du bouclier fiscal permettrait, comme par magie, de guérir tous les maux de la France...

M. Bernard Vera. On pourrait commencer !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. ... et serait en quelque sorte un cautère miraculeux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne l’a jamais dit !

M. Guy Fischer. On n’y a jamais cru !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. En réalité, une telle mesure ne résoudrait aucune des difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Sur le plan budgétaire, le bouclier fiscal est un micro-sujet. Il représente un enjeu de 600 millions d’euros,...

M. Thierry Foucaud. On peut le supprimer, alors !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut supprimer tout ce qui est micro !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. … ce qui est sans commune mesure avec l’ampleur du déficit qu’il nous faut résorber. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Il est tout de même curieux de concentrer, par pure démagogie, l’essentiel du débat économique sur un si petit problème ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Robert Hue. Pour les riches qui en bénéficient !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Ce n’est pas en s’attaquant aux 600 millions d'euros du bouclier fiscal que nous résoudrons le problème du déficit de la France, qui se compte, lui, en dizaines de milliards d'euros !

M. Adrien Gouteyron. C’est vrai, hélas !

M. Guy Fischer. Vous le paierez plus tard !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, sur cette question des déficits, faisant écho aux propos de Jean-Pierre Plancade, je considère qu’adopter une approche d’union nationale aurait de la valeur.

Je me félicite de la participation de Jean Arthuis à la Conférence sur le déficit organisée par le Président de la République. En revanche, au nom de tous les Français, je regrette que les partis de gauche, en particulier le parti socialiste, n’aient pas jugé bon de s’y rendre… (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Guy Fischer. C’est de l’affichage !

M. Yannick Bodin. On n’a pas de temps à perdre !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. ... et préfèrent se consacrer à des petits sujets comme celui-là. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Guy Fischer. Ce sont les pauvres et les salariés qui vont payer !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Vous affirmez que le bouclier fiscal « ne profite qu’aux riches ». Il va de soi que le bouclier fiscal instauré par Michel Rocard profite à ceux qui paient beaucoup d’impôt ; c’est l’évidence même.

Mais que l’on cesse de nous faire croire que payer 50 % d’impôt sur son revenu serait un privilège fiscal inacceptable dans un pays où plus de la moitié des foyers fiscaux ne supportent pas l’impôt sur le revenu. (M. Thierry Foucaud s’exclame.)

M. Roland du Luart. Seuls 47 % le paient !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je rappelle l’argument invoqué par le Conseil constitutionnel : l’égalité devant l’impôt est un principe d’équité important.

Certains ont regretté un manque de transparence sur certains sujets. Je rappelle que l’administration fiscale, à la demande de Christine Lagarde, d’Éric Woerth et maintenant de François Baroin, a entrepris des efforts en ce sens.

Le Gouvernement a ainsi rendu publiques des statistiques provisoires dès le mois d’avril. On peut difficilement faire mieux ! Dès que les données définitives seront connues, c’est-à-dire dès le mois de juillet, elles viendront alimenter le débat public.

Nous avons également publié les statistiques sur les exilés fiscaux, et nous répondons à toutes les sollicitations du président et du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Leurs homologues du Sénat ont reçu copie de toutes les données transmises.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour revenir sur les propositions alternatives à la suppression du bouclier fiscal, et faire ainsi écho aux propos de Catherine Morin-Desailly.

Sur la forme, cela a été dit, l’examen d’une proposition de loi se prête mal à la discussion de tels sujets, qui sont d’ordinaire rattachés aux projets de loi de finances.

Les propositions alternatives consisteraient pour l’essentiel à supprimer à la fois le bouclier fiscal et l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et à majorer l’impôt sur les revenus du travail et du patrimoine ; c’est la fameuse « trilogie », ou plutôt « tétralogie », chère au président Jean Arthuis.

Il est vrai que nous sommes presque les seuls en Europe – à l’exception de quelques cantons suisses – à avoir conservé une taxation sur la fortune, ce qui peut avoir des effets négatifs.

Cela étant, nous avons fait beaucoup ces dernières années pour que l’ISF soit un impôt plus juste économiquement. Nous avons par exemple augmenté l’abattement applicable à la valeur de la résidence principale, qui est passé de 20 % à 30 %.

Nous avons également offert aux contribuables la possibilité d’investir une partie des sommes dues au titre de l’ISF dans des petites et moyennes entreprises, sous le contrôle vigilant du Parlement, et en particulier du Sénat. Il faut en effet éviter les abus, ce à quoi nous nous sommes employés, avec M. Albéric de Montgolfier. Cela nous a également permis d’améliorer l’emploi et la solidité de ces entreprises.

À propos du bouclier fiscal, Mme Catherine Morin-Desailly soutenait que le revenu réel était trop éloigné du revenu final pris en compte. Sur ce point, des améliorations ont déjà été apportées, notamment en ce qui concerne les dividendes. Au demeurant, nous pourrons poursuivre notre réflexion dans ce domaine.

Nous ne sommes donc pas figés, et encore moins autistes. Au contraire, nous sommes prêts à engager le dialogue et à débattre.

Au sujet de la fameuse « trilogie » ou « tétralogie », dont Christine Lagarde et François Baroin auront l’occasion de débattre avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, je ferai remarquer que le fait d’exonérer la détention de capital en supprimant l’ISF et de taxer davantage des revenus issus, pour la plupart, du travail ou d’activités en relation avec l’emploi me semble paradoxal.

Serait-il juste de privilégier les rentiers au détriment des actifs ? Cela pose un problème d’équité et je ne doute pas que le groupe Union centriste contribuera au débat de la majorité sur cette question.

En guise de conclusion, je souhaite saluer le sens des responsabilités manifesté par votre assemblée, et spécialement par la commission des finances et la majorité sénatoriale.

Le Sénat est depuis longtemps à la pointe de la réflexion sur les questions fiscales, et notamment sur le bouclier fiscal. Il entend conserver sa position, et il a raison. Nous comptons sur lui pour animer le débat.

Pour autant, j’ai relevé qu’aucun amendement n’avait été déposé sur cette proposition de loi. J’y vois le signe que nous nous entendons sur l’essentiel, c’est-à-dire sur la notion d’équité fiscale.

Le débat est respectable, mais il ne nous paraît pas apporter une réponse crédible aux enjeux majeurs auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, en particulier l’évolution démographique des actifs – aucune proposition n’a été faite sur ce sujet – et le financement des retraites.

En faisant appel à votre sens des responsabilités, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter l’ensemble de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)