Article 3
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Article 5

Article 4

L’intitulé du chapitre II du titre II du livre IV du même code est ainsi rédigé :

« Recours collectif. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 n’est pas adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU MÉCANISME PROCÉDURAL DU RECOURS COLLECTIF

Article 4
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Article 6

Article 5

Après l’article L. 422-1 du même code, il est inséré un article L. 422-1-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-1-3. – L’action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse appartient exclusivement à toute association agréée et reconnue représentative en application des dispositions du titre Ier du livre IV du code de la consommation.

« À l’expiration d’un délai d’un mois au cours duquel l’instance est suspendue, et en l’absence de recours, le juge procède à l’évaluation individuelle des préjudices de chaque victime et fixe les dommages intérêts dus à chacun. Le recours ne peut être intenté que dans le mois qui suit la déclaration de responsabilité pour préjudice de masse. Le recours ne peut avoir lieu qu’en référé. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 n’est pas adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

Après l’article L. 422-1 du même code, il est inséré un article L. 422-1-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-1-4. – En l’absence de recours au terme du mois qui suit la déclaration de responsabilité pour préjudice de masse, ou en cas de rejet du recours, l’association doit retrouver les victimes du préjudice de masse. À cet effet, elle peut utiliser le démarchage et la publicité par voie de presse. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 n’est pas adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

Après l’article L. 422-1 du même code, il est inséré un article L. 422-1-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-1-5. – Seules les personnes qui auront expressément manifesté leur volonté d’être partie à l’action sont considérées comme victime du préjudice de masse. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 n’est pas adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

Après l’article L. 422-1 du même code, il est inséré un article L. 422-1-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-1-6. – Le juge alloue à chacune des victimes ayant manifesté la volonté d’être partie à l’action la réparation qui lui est due. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 n’est pas adopté.)

Article 8
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Article 10 (début)

Article 9

Après l’article L. 422-1 du même code, il est inséré un article L. 422-1-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-1-7. – L’association répartit, à l’issue de l’instance et dans un délai maximal de trois ans, les dommages intérêts entre les membres du groupe victime du préjudice de masse. Les dommages intérêts sont consignés à la Caisse des dépôts et consignations. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 n’est pas adopté.)

Article 9
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Article 10 (fin)

Article 10

Après l’article L. 422-1 du même code, il est inséré un article L. 422-1-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-1-8. – Une transaction est possible entre les parties à tout moment. Elle est subordonnée à l’approbation du juge, doit donner lieu à un avis communiqué aux membres et faire l’objet d’une homologation judiciaire. »

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les dix articles qui la composent auraient été rejetés.

La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.

M. Richard Yung. Il serait tout de même dommage de ne pas adopter l’article 10, car c’est précisément celui qui introduit la médiation ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 n’est pas adopté.)

M. le président. Les dix articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble, puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Article 10 (début)
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5

Égalité des chances dans l’enseignement primaire et secondaire

Discussion d’une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 62 de M. Serge Lagauche à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l’égalité des chances dans l’enseignement primaire et secondaire.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Serge Lagauche attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l’abandon progressif du principe de justice sociale dans la politique éducative depuis 2002.

« Que ce soit avec la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école ou plus récemment avec le volet éducatif du plan espoir banlieue, on assiste à la multiplication des dispositifs de sélection des élèves “méritants” au détriment de la promotion collective, gage de justice sociale.

« Ce n’est pas critiquer la mise en œuvre des mécanismes d’admission préférentielle dans les filières sélectives du supérieur que de souhaiter que le Gouvernement s’intéresse tout autant à ces 150 000 élèves qui, chaque année, se retrouvent sans qualification à l’issue de leur parcours scolaire. La volonté de faire émerger une élite doit s’accompagner d’une volonté de faire progresser parallèlement l’ensemble des élèves et, en particulier, ceux qui ont le moins de chances de réussir.

« De nombreuses actions sont mises en place pour la prévention des sorties sans qualification. Au vu des chiffres persistants en matière de décrochage scolaire, il convient d’engager sans tarder une évaluation de ces dispositifs.

« Premièrement, concernant les 170 000 élèves déclarés en situation de handicap scolarisés en 2007, les professionnels déplorent unanimement un dépistage trop tardif. D’une part, les enseignants référents sont submergés par le nombre de dossiers arrivés trop tardivement, d’autre part, il semblerait utile de redéfinir le rôle des auxiliaires et des employés de vie scolaire.

« Deuxièmement, on constate une persistance d’un échec scolaire plus élevé parmi les élèves socialement défavorisés, phénomène d’ailleurs amplifié par la dérégulation de la carte scolaire. Dès lors, ne doit-on pas redéfinir les missions et le réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, le RASED, pour plus d’efficience ? De même, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les capacités d’accueil des établissements régionaux d’enseignement adapté, les EREA, et des sections d’enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA ? Comment faire pour que les aides personnalisées et les stages de remise à niveau dans l’enseignement primaire répondent mieux aux besoins des élèves ?

« La mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses et exceptionnelles pour les élèves présentant des handicaps dans leurs apprentissages – qui peuvent se combiner –, tels que difficultés socio-économiques, troubles linguistiques, cognitifs, comportementaux ou médicaux dès la petite enfance, est donc urgente. Il faudrait l’assurer par une politique ciblée en premier cycle et en secondaire permettant de réduire le nombre d’élèves en décrochage scolaire, en particulier dans les territoires qui font face aux plus lourds handicaps, et ainsi réduire l’énorme coût social des adultes qui n’ont pas acquis les qualifications de base indispensables pour trouver leur place dans la société.

« M. Lagauche souhaite donc connaître les dispositifs que le Gouvernement pourrait mettre en place pour éviter aux élèves les plus en difficulté le décrochage scolaire, tout comme il a mis en place des dispositifs d’admission préférentielle dans le supérieur pour ceux en situation de réussite issus de milieux sociaux défavorisés. »

La parole est à M. Serge Lagauche, auteur de la question.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’échec scolaire constitue un handicap majeur pour notre pays, dont il menace la cohésion sociale et la compétitivité. En effet, dans un monde de concurrence et d’innovation, dans une société de la connaissance et du savoir, l’éducation est la meilleure chance qui puisse être donnée aux citoyens et le principal facteur de la croissance.

Pourtant, les résultats de notre système d’enseignement ne correspondent pas à nos attentes en termes d’efficacité et de solidarité. Il favorise ceux qui disposent des meilleures chances au départ et les situations d’échec scolaire touchent essentiellement les enfants de familles défavorisées.

Un récent rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, consacré à la mobilité intergénérationnelle relève que c’est en France et aux États-Unis que la réussite sociale du père influence le plus la performance des enfants dans l’enseignement secondaire. Plus tard, le revenu des enfants est déterminé à hauteur de 40 % par celui des parents, alors que ce taux est de moins de 20 % en Suède. Autrement dit, l’« ascenseur social » français est bloqué.

Cet échec de la formation initiale, désespérant pour les individus, pèse lourdement sur la réussite collective et la cohésion sociale. C’est bien là une des leçons essentielles des enquêtes du programme for international student assessment –le PISA – de l’OCDE.

La France compte une proportion beaucoup trop élevée d’élèves très faibles à l’âge de 15 ans : un cinquième environ de l’effectif se trouve dans cette situation dans les trois domaines de compétence concernés. L’accroissement continu de ce pourcentage entre 2000 et 2006 est plus préoccupant encore : les résultats, déjà mauvais, continuent de se dégrader. Notre pays produit de nombreux bataillons d’élèves en situation d’échec, ce qui, par corollaire, entraîne un accroissement des écarts sociaux. De fait, le vivier de son élite est trop faible. Or les transformations de l’économie exigent des qualifications plus élevées pour l’ensemble de la population.

Les pays qui s’en sortent le mieux, en termes de niveau global d’éducation et de qualité des élites, sont le plus souvent, selon les enquêtes du PISA et comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, ceux qui ont mis en œuvre des stratégies actives de lutte contre les difficultés scolaires, passant par un soutien systématique, par un tronc commun de longue durée et par un financement privilégié de l’école primaire.

Car l’échec scolaire marque d’abord l’échec de l’école. La volonté de faire émerger une élite doit s’accompagner de la volonté de faire progresser parallèlement l’ensemble des élèves, en particulier ceux qui ont le moins de chances de réussir.

Le nouveau document proposé par l’Union européenne – la stratégie Europe 2020 – pour remplacer la stratégie de Lisbonne, qui arrive à échéance à la fin de l’année 2010, nous conforte dans cette ambition. La réduction de l’échec scolaire est un objectif majeur de l’Union européenne, corrélé à l’augmentation du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur : « L’objectif en matière de réussite scolaire doit permettre de régler le problème de l’abandon scolaire dont le taux, qui est actuellement de 15 %, doit être ramené à 10 %, et d’augmenter la part de la population âgée de 30 à 34 ans ayant achevé un cursus universitaire de 31 % à au moins 40 % en 2020. » Nous devons prendre conscience qu’une obligation de résultat s’impose à nous.

Nous avons la volonté de contribuer à réaliser cette ambition : rendre l’école de la République à la fois plus performante et plus égalitaire. Dans cette optique, rien ne sert de faire se succéder des mesures sectorielles inefficaces, qui ne traitent pas le problème dans son ensemble – un jour on favorise l’entrée des élèves méritants dans les filières d’excellence, un autre on se penche sur le problème de la violence à l’école, un autre encore la réflexion porte sur les rythmes scolaires. Au contraire, appuyons-nous sur ce qui existe, sur les avis émanant tant de représentants de la communauté éducative que d’experts reconnus, sur les propositions fortes de chercheurs en vue d’une rénovation du service public de l’éducation.

À nos yeux, déconcentration, personnalisation et ouverture doivent être les maîtres mots d’une réforme ambitieuse du service public de l’éducation.

Il est navrant de constater que notre système scolaire engendre trop fréquemment un sentiment d’insatisfaction, non seulement chez les élèves, mais aussi chez les personnels. Les bonnes volontés sont pourtant nombreuses, mais elles sont trop souvent réduites à l’impuissance et au découragement. Les enseignants eux-mêmes, malgré leur investissement dans leur métier, se sentent démunis pour lutter efficacement contre les difficultés qui entravent le parcours scolaire d’élèves dont certains manifestent de plus en plus tôt des comportements incompatibles avec les apprentissages.

Des mesures de déconcentration pourraient donner plus de souplesse au système et, sans remettre en cause la nécessaire préservation d’une cohérence nationale, diffuseraient les responsabilités et les prises d’initiatives.

Le rôle de l’administration centrale pourrait être recentré sur des fonctions essentielles : fixer les cadres et les programmes généraux, réaliser une péréquation des moyens, contrôler les diplômes et délivrer les habilitations. Au-delà, une grande part pourrait être laissée à l’initiative, à l’adaptation aux caractéristiques locales et à la diversité des publics.

Ainsi, il serait utile que les académies bénéficient de marges de manœuvre plus importantes, pour favoriser l’émergence d’une politique fondée sur des projets, sur des expérimentations ayant vocation à se généraliser, vraiment adaptées à la réalité des territoires, ruraux ou urbains, favorisés ou non.

Les récentes études sur le modèle éducatif finlandais sont éclairantes à cet égard et nous pourrions utilement nous inspirer de certaines des caractéristiques de celui-ci, notamment en matière de gouvernance des établissements scolaires. En valorisant davantage l’expérience concrète de terrain, les équipes enseignantes, soutenues par les chefs d’établissement, formaliseraient leur propre projet d’établissement, ainsi que les objectifs à atteindre. Elles disposeraient d’une grande liberté et adapteraient leur démarche pédagogique pour réussir.

La notion d’établissement en tant que communauté éducative est très faible en France, tant parmi les enseignants et l’encadrement que parmi les élèves et leurs parents. Or, le climat scolaire est, on l’oublie trop souvent, un facteur de réussite, et le projet d’établissement est un gage de cohérence et de cohésion. Il faut susciter le plaisir d’apprendre à l’école et de vivre ensemble au quotidien, car l’espérance ne peut se construire sur la souffrance ou sur la remise en cause permanente de notre système éducatif.

Le développement des affectations sur profil, voire le recrutement par cooptation, sont des pistes intéressantes, car cela permettrait enfin l’adéquation entre les compétences des enseignants et les exigences des postes. C’est le principe qui prévaut dans les filières d’excellence, dans les grandes écoles en particulier. À l’autre bout de la chaîne, en revanche, les élèves rencontrant les plus grandes difficultés et qui suivent leur scolarité dans des établissements peu favorisés ont souvent face à eux des enseignants non volontaires et peu préparés à exercer leur métier dans un environnement difficile.

Le corollaire de cette autonomie accrue est inévitablement une évaluation renforcée : d’abord, une évaluation interne à l’établissement, conduite par le chef d’établissement et par le conseil pédagogique, puis une évaluation à l’échelon national. Ainsi, les écoles et les collèges devraient être évalués de manière publique et contradictoire, en fonction des résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés et aux caractéristiques des populations prises en charge.

Cette évaluation, qui existe déjà de manière informelle et incontrôlée, déboucherait sur une information publique permettant de souligner les carences des établissements, d’évaluer les moyens nécessaires et de mobiliser tous les acteurs. Elle donnerait lieu à la publication annuelle de rapports circonstanciés, académie par académie, et, bien entendu, à la remise annuelle d’un rapport au Parlement et aux commissions concernées.

Une telle évaluation serait plus efficace que la suppression pure et simple de la carte scolaire. Les inconvénients de celle-ci ont été soulignés à maintes reprises, mais sa suppression sans remplacement par un outil de régulation renforce le risque de ghettoïsation des écoles et des collèges dans les zones les plus fragiles sur les plans économique et social.

N’étant pas indépendante de la cité, l’école ne peut évoluer en ignorant la marche de la société. On ne pourra bâtir une école égalitaire et juste dans une société d’injustice qui laisse prospérer des zones d’exclusion. Comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, il faut adapter l’organisation scolaire aux besoins des élèves.

De même qu’un lien réciproque unit l’individu à la société, si l’école contribue à construire la société, la société bâtit l’école et lui donne son orientation. C’est pourquoi enseignants, chefs d’établissement, élus locaux, parents, mouvements associatifs devraient s’investir dans la construction d’un réseau éducatif multiforme, ancré dans le quartier, doté de moyens adéquats, dont l’école serait le centre. L’éducation des jeunes doit être une coproduction, l’affaire de tous, de l’échelon local jusqu’au plan global. Dans ces conditions, le problème de la carte scolaire ne se poserait plus ; les élèves, les professeurs et les parents retrouveraient le goût et la fierté de leur lieu de vie, de leur école, dont les réussites et les objectifs seraient respectés et partagés collectivement.

La valorisation des compétences des enseignants devrait comporter des modalités motivantes pour l’équipe pédagogique : pour l’enseignant, évaluation transdisciplinaire prenant en compte son adaptabilité, la qualité de sa formation initiale et continue, son adhésion à un projet collectif ; pour l’établissement, mesure de la progression des élèves en fonction de leur niveau de départ, insertion des élèves décrocheurs, évaluation selon le triptyque « savoir, savoir-faire, savoir-vivre ». On donnerait ainsi plus de poids au mérite des enseignants, à leurs résultats, à leur implication dans la gestion collective de l’établissement qu’à leur ancienneté. À cet égard, afin de préserver le souffle de l’engagement, les inspections d’académie devraient avoir la possibilité d’inviter les enseignants, tous les quatre ou cinq ans, à participer au mouvement et à changer d’établissement.

Dans le cadre d’orientations fixées à l’échelon national ou régional, les enseignants devront donner corps au projet éducatif, adapter les programmes à partir du socle commun, diversifier les méthodes, déterminer les itinéraires pédagogiques, choisir les rythmes.

Le temps d’apprendre ne coïncide pas avec les rythmes scolaires, et la progression des élèves les plus fragiles n’est pas linéaire. L’intérêt d’un apprentissage par cycle, respectueux des rythmes de l’enfant, permettant de juguler le redoublement, inefficace, n’est plus à démontrer. Encore faut-il que cette politique soit appliquée par des professeurs formés à ces rythmes d’apprentissage différenciés. Une expérience obligatoire en maternelle pour les professeurs des écoles exerçant en primaire pourrait utilement compléter une formation initiale sur les besoins spécifiques en matière d’apprentissage des enfants de 2 à 6 ans.

De nouvelles modalités de formation devraient en conséquence être envisagées. Il conviendrait de mettre en place une formation continue non plus facultative, mais obligatoire, mettant l’accent sur les méthodes de pédagogie différenciée, permettant la prise en charge d’une classe hétérogène ou d’élèves en grande difficulté sur le plan scolaire ou comportemental.

Si l’école doit donner à tous un bagage commun, elle doit aussi permettre à chacun de trouver la voie de sa réussite sociale et professionnelle. La nécessité de ne laisser personne sur le bord de la route, sans abaisser pour autant le niveau général, doit conduire à mettre en place des enseignements et des méthodes personnalisés, des formes d’aide et d’encadrement au sein de la classe tenant compte d’aptitudes et d’aspirations différentes. L’instauration de l’égalité en milieu scolaire, condition de la mobilité sociale, ne peut résulter d’une « égalité républicaine » de façade. Elle exige à l’évidence des politiques différenciées, elle requiert une inégalité de traitement au bénéfice des élèves et des territoires les plus défavorisés, par une identification des différences existant entre les élèves, en vue d’adapter les parcours et les méthodes d’enseignement.

Face à une véritable hétérogénéité des niveaux scolaires au sein même des classes, il est essentiel d’apporter une différenciation pédagogique. De ce point de vue, une réflexion doit être menée, en particulier, sur les dispositifs d’aide personnalisée : il est crucial qu’ils soient intégrés à la classe. L’aide aux élèves les plus en difficulté doit être apportée pendant le temps scolaire commun à tous les élèves, dans le cadre normal des activités de la classe, et non pendant les temps de récréation ou la pause du déjeuner. Il faut cesser de cantonner les élèves les plus en difficulté dans des dispositifs d’aide « traditionnels », dévalorisants et mal perçus, pour les placer au contraire dans des situations où ils puissent agir par eux-mêmes, constater les résultats concrets de leur action et prendre conscience de leur propre capacité à évoluer. Les élèves « marginalisés », isolés par la faiblesse de leurs résultats scolaires, ne doivent pas être stigmatisés davantage encore du fait de comportements absentéistes, insolents, voire violents. Il faut redonner du sens à leur cursus scolaire : c’est la raison pour laquelle aucun élève ne doit être complètement séparé de la classe, dans la mesure où il est possible de mettre en place un parcours individualisé.

Notre principal objectif doit être de prévenir la rupture scolaire des élèves les plus fragiles, en assurant, au sein du système éducatif, les meilleures conditions d’apprentissage possibles, afin de leur permettre de trouver une orientation positive.

Les parcours des élèves qui finissent leur scolarité sur un échec et en situation de décrochage ont fait l’objet de nombreuses études, de multiples rapports ; les étapes qui jalonnent ces parcours sont connues. Une intervention en amont, préventive, est toujours plus efficace qu’une intervention palliative et curative.

Pour les enfants de nombreuses familles appartenant à des milieux sociaux défavorisés, la scolarisation en maternelle dès l’âge de 2 ans est un élément déterminant en vue de la mise en place correcte des dispositifs cognitifs qui permettront ensuite la maîtrise de la langue et l’acquisition de compétences fondamentales. Cette scolarisation précoce et adaptée sera aussi une occasion privilégiée de renforcer les contacts et les liens avec les familles.

On s’accorde à reconnaître aux parents un rôle important dans la réussite de leur enfant et dans la gouvernance de l’école ; encore faut-il leur donner les moyens de devenir parents d’élève. Favoriser l’accueil et la formation du parent en tant que parent d’élève, c’est lui donner le maximum de chances de s’intégrer au sein du système scolaire, au bénéfice de son enfant. Rien ne sert d’accroître un peu plus encore les tensions entre les familles et l’école en brandissant la menace d’une suspension des allocations familiales ! Au contraire, il s’agit d’abord de montrer à la famille que, loin de constituer une sanction, les efforts, les obligations, le travail demandé aux enfants sont une contrepartie de l’investissement consenti par la République dans l’éducation et la formation, atouts majeurs donnés à chaque enfant afin de lui permettre de maîtriser sa vie future. L’école a tout à gagner à instituer, dès le début de la scolarisation, un dialogue permanent avec les familles, en leur permettant de joindre facilement, à tout moment, un professeur référent ou tuteur de leur enfant.

En ce qui concerne l’école primaire, le constat est insupportable : 40 % des élèves sortent du CM2 avec des lacunes graves.

Les travaux sur l’inadaptation du temps scolaire à l’enfant, sur le métier d’enseignant, sur l’organisation de l’école ne manquent pas, qui mettent en évidence les insuffisances du système et les moyens d’y remédier. Ce chantier devrait être d’autant plus prioritaire qu’il est unanimement reconnu que l’acquisition des fondamentaux déterminant l’avenir des jeunes se joue dès les premières années de l’éducation primaire.

Il est des étapes qui font grandir, si elles sont préparées et accompagnées. Le hiatus qui existe toujours, malgré la politique des cycles, entre la grande section de maternelle et le cours préparatoire est l’une des insuffisances « les plus sérieuses » de l’école primaire, souligne le rapport de 2007 du Haut conseil de l’éducation, et il peut être une première cause de rupture pour les élèves les plus fragiles. D’une manière générale, des ruptures importantes peuvent survenir à chaque fin de cycle : passage de la maternelle à l’école élémentaire, du CM2 à la sixième et, après la troisième, au lycée professionnel. Pour préparer au mieux ces transitions, un dialogue constant, voire un travail conjoint, entre les enseignants de grande section de maternelle et ceux de CP doit s’instaurer, des visites de groupes d’élèves et d’enseignants de classes de CM2 dans les collèges pourront être utilement organisées.

Souvent, en effet, l’élève en difficulté fait état d’un décalage, mal vécu, entre l’image qu’il a de l’école et la réalité, avec des problèmes d’organisation du travail, de gestion du temps, de méthodes, de maintien de l’attention pendant les cours, de motivation, d’insertion dans le groupe. Dans ces périodes de transition, un dispositif de repérage rapide, tel qu’une cellule de veille pédagogique dotée d’outils appropriés, des élèves potentiellement décrocheurs – passifs, souvent absents ou présentant des problèmes comportementaux – doit pouvoir être mis en œuvre. Les résultats obtenus lors des évaluations nationales et intermédiaires dans l’ensemble des disciplines pourraient être davantage pris en compte pour le repérage de ces élèves. Enfin, la problématique du travail personnel doit être traitée en tant que telle au sein de l’enseignement scolaire.

Le collège unique est souvent présenté comme le maillon faible de notre système éducatif, qui souffre, paradoxalement, d’une différenciation anormalement marquée et précoce des parcours des élèves.

Tout en maintenant un socle commun renforcé assurant à tous une formation fondamentale, il conviendrait d’introduire une véritable diversification des parcours, grâce à de meilleurs dispositifs d’orientation. L’orientation ne doit plus s’opérer par l’échec, mais être fondée sur la construction d’un projet personnel de vie. Donner le temps de l’apprentissage, favoriser l’écoute permet de restaurer la confiance de l’enfant dans ses capacités à exprimer son point de vue et ses choix, ce qui aidera l’enseignant à mieux le guider, en tenant compte de sa personnalité, qui va s’exprimer très tôt.

Dans cette perspective, l’institution scolaire doit prendre davantage en considération le monde professionnel, le rôle déterminant que jouent les entreprises. Pour y familiariser les élèves, l’école doit s’ouvrir au milieu professionnel, au travers de réunions d’information, de travaux dirigés ou de stages, et ce à tous les niveaux. Pour les élèves les plus en difficulté, il faudrait, dès la quatrième, envisager la diversification des parcours en termes d’options – passerelles vers des lycées professionnels, stages… –, afin de permettre tant aux enfants qu’à leurs parents de découvrir d’autres voies de réussite. Dans cette optique, des filières professionnelles parallèles à la filière générale et reliées à celle-ci par des passerelles utilisables dans les deux sens pourraient être créées. Enfin, en dernier recours, les « écoles de la deuxième chance » devraient être généralisées, car il importe de tout mettre en œuvre pour favoriser le retour en formation de ceux qui sont sortis de l’école sans qualification ou qui souhaitent en acquérir une autre.

Toutes ces mesures procèdent de la même ambition : pour ces élèves qui ont du mal à donner sens à leur présence au sein de l’école, il importe de tenter une ouverture sur l’environnement économique et culturel, que tous ne perçoivent pas. Les élèves d’origine modeste sont encore ceux qui ont le moins accès à des activités culturelles, sportives, artistiques. Il revient donc à l’école d’élargir leur horizon quotidien, de renouveler le regard qu’ils portent sur eux-mêmes, sur les autres et sur leur environnement. L’école doit permettre aux enfants et aux adolescents de se construire au cœur de notre monde. Elle doit réaffirmer son ambition d’une formation humaniste ouverte sur son environnement social et culturel.

Tels sont, monsieur le ministre, les principes qui doivent selon nous fonder une nouvelle gouvernance du service public de l’éducation nationale, qui n’est, à l’évidence, pas à l’ordre du jour !

Certes, vous rappelez souvent, depuis la parution du rapport de la Cour des comptes, que le président de cette dernière, M. Didier Migaud, a déclaré que la politique de l’éducation nationale que doit conduire l’État n’est pas qu’une affaire de moyens. Mais elle exige au minimum une ligne politique, un engagement clair, cohérent et durable ! Avec la politique de réduction des effectifs que vous mettez en œuvre, nous en sommes loin !

La Cour des comptes a constaté que votre ministère ne connaît pas le coût des politiques éducatives ou du fonctionnement des établissements d’enseignement et ne répartit pas systématiquement les moyens en fonction des objectifs qu’il affiche. Avant de trancher dans les moyens, il faut procéder à une évaluation systématique du coût et de l’efficacité des dispositifs éducatifs et des établissements ! Avant de proposer l’augmentation du nombre d’élèves par classe, il faut tenir compte de la spécificité des enjeux dans l’enseignement primaire et du sous-investissement dont celui-ci fait l’objet !

Or la politique de suppression des emplois dans l’éducation nationale ne s’est pas accompagnée d’une méthode visant à améliorer les résultats dans l’enseignement, tant primaire que secondaire. Aucun effort n’a été fait pour structurer, à tous les niveaux, le corps enseignant et lui donner les moyens d’obtenir de meilleurs résultats ! Aucun objectif n’est fixé, sur le terrain, en termes de niveau des établissements, en vue d’une affectation progressive des moyens nécessaires pour réduire le nombre d’échecs scolaires. Diminuer les effectifs ne garantira pas que les équipes pédagogiques seront soudées et efficaces, car derrière les chiffres se trouvent des hommes ! Comment mobiliser les énergies, développer des projets sans être assuré de la continuité de la volonté publique ?

Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler deux préconisations de la Cour des comptes :

« Il est nécessaire, non seulement de parvenir à une répartition nettement plus différenciée des moyens entre les établissements, mais également de procéder à des arbitrages entre les politiques et les actions éducatives, après les avoir systématiquement évaluées ; […]

« L’organisation du système scolaire et ses modes de gestion doivent être profondément réformés : il est désormais impératif de remplacer la logique de l’offre scolaire par une logique fondée sur la demande, c’est-à-dire sur une connaissance nettement plus précise des besoins des élèves. »

Quelle est votre réponse ? Il est temps que l’État affronte, comme le recommande la Cour des comptes, « l’inadaptation de la structure du système scolaire » pour approcher – enfin ! – l’objectif de la loi de 2005 pour l’avenir de l’école, à savoir la réussite de tous les élèves. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)