M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre, l’argument selon lequel cette disposition est inscrite dans la Constitution est évidemment convaincant. Nous le connaissons, et je l’ai d'ailleurs invoqué quand j’ai présenté mon amendement.

Toutefois, aujourd'hui, dans la réalité – vous le savez parfaitement en tant que président de conseil général – l’autonomie financière des collectivités est de plus en plus mise à mal. Elle est sans commune mesure avec ce qu’elle était voilà encore quelques années, il vous suffit d’examiner la situation du département dont vous avez la charge pour vous en persuader !

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Claude Jeannerot. Aussi, nous avons toutes les raisons de penser qu’il vaut mieux inscrire ce principe en exergue de ce projet de loi.

En outre, je dois vous le dire, monsieur le ministre, à l’arrière-plan de mon amendement il y a une inquiétude : vous avez déclaré sur le terrain, notamment lorsque vous vous êtes rendu en Franche-Comté, que l’autonomie et la péréquation étaient deux notions incompatibles, entre lesquelles il fallait choisir.

Or, pour notre part, nous estimons que nos collectivités doivent concilier ces deux dimensions : l’autonomie et la solidarité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et comment ?

M. Claude Jeannerot. Pour cette raison, et parce que nous nous trouvons dans un contexte où, à l’évidence, cette autonomie financière se trouve mise à mal, nous voulons inscrire ce principe au cœur de ce texte législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote sur l'amendement.

M. Gérard Miquel. Nous pourrions débattre longtemps de la définition du principe d’autonomie. (Marques d’ironie sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est sûr !

M. Gérard Miquel. Chers collègues, il s'agit d’un débat sérieux ! L’autonomie des collectivités locales est en jeu !

M. Charles Revet. Elle est assurée par la Constitution !

M. Gérard Miquel. Monsieur le ministre, vous présidez un conseil général. C’est aussi mon cas, même si, bien sûr, le département dont je suis le responsable n’a pas la même dimension et dispose d’un budget bien moindre.

Or, quelle est l’autonomie d’un conseil général qui voit ses recettes régresser et les allocations qu’il verse au titre du RSA, le revenu de solidarité active, de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie,…

M. Jean-Claude Carle. Qui a transféré l’APA ?

M. Gérard Miquel. … et de la PCH, la prestation de compensation du handicap, augmenter compte tenu de la crise, sans qu’il en ait la maîtrise, car les tarifs sont fixés à l’échelon national, et heureusement d'ailleurs, sinon le principe d’égalité ne serait plus respecté ?

Je crois que nous devons nous pencher sur ce problème. Par exemple, quelle sera, demain, l’autonomie des régions, qui n’auront plus, ou presque, de fiscalité propre ? Nous devons en débattre, me semble-t-il.

M. Michel Mercier, ministre. C’est fait !

M. Gérard Miquel. Mes chers collègues, les amendements qui vous sont proposés vont dans le bon sens : ils visent à réaffirmer le principe d’autonomie des collectivités et à respecter la Constitution !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 282 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l'amendement n° 283 rectifié.

M. Didier Guillaume. Mes chers collègues, il apparaît clairement depuis le début de ce débat que, si le sujet n’était pas verrouillé, nous pourrions tous voter dans le même sens.

Mme Évelyne Didier. Sans problème !

M. Didier Guillaume. Objectivement, sur l’autonomie financière, les libertés locales, le développement et l’aménagement du territoire, nous sommes d’accord pour dire que ce projet de loi va tout mettre à mal, comme cela a d’ailleurs été démontré.

Mme Évelyne Didier. Il devrait y avoir unanimité !

M. Didier Guillaume. Lors d’une rencontre, il y a quelques semaines, avec une délégation pluraliste de présidents de conseils généraux, le Premier ministre a reconnu que le compte n’y était pas s’agissant des transferts aux départements des financements liés aux dépenses sociales. Cela est donc aujourd'hui officiel, « bleui », comme l’on dit !

Monsieur le ministre, vous nous renvoyez à la Constitution. Mais on nous avait dit en 2004, je me le rappelle très bien, que tous les transferts seraient compensés à l’euro près, comme cela est prévu par la Constitution. Aujourd'hui, nous savons qu’il manque 5 milliards d’euros aux départements !

M. Jean-Claude Carle. C’est la faute à M. Jospin ! L’allocation personnalisée d’autonomie !

M. Didier Guillaume. Cela a été acté par l’ensemble des courants politiques, y compris le vôtre, monsieur le ministre, dans le bureau de l’Assemblée des départements de France.

Aux termes du projet de loi que vous nous présentez, il deviendra impossible pour les collectivités de faire ce qu’elles jugeront bon dans l’intérêt de la population. Je le répète, nous sommes tous d’accord sur les constats. Mais ce qui nous sépare, c’est que le Gouvernement veut faire passer en force ce projet de loi.

Quel sens a le conseiller territorial, cet être hybride, cumulard qui devra défendre à la fois les départements et les régions ? Vous le savez très bien, les présidents des conseils généraux monteront à l’assaut du budget régional, ou de ce qu’il en restera, car il n’y aura plus d’autre moyen de mener des politiques territoriales. Les contrats mis en place dans les régions ne pourront plus perdurer.

M. Gérard Collomb. Les présidents de région vont souffrir !

M. Didier Guillaume. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, pour que les collectivités locales soient libres d’agir, de monter leur budget, sans être totalement garrotées.

C’est la technique du rasoir à trois lames. La première lame, c’était la loi de 2004, qui a « coupé les pattes » aux collectivités territoriales en transférant le social, les personnels TOS, les routes, et j’en passe, sans que les financements suivent.

La deuxième lame, c’était la suppression, l’année dernière, de la taxe professionnelle. L’ensemble des collectivités locales ont appliqué la loi, ont examiné les bases de 2009 par rapport à celles de 2008 et ont été remboursées, cela a été dit, à l’euro près. Mais la dynamique des bases n’a plus lieu et, in fine, toutes les collectivités locales y perdent en euros constants. Aucun élu responsable de ce pays ne peut prétendre le contraire !

La troisième lame, c’est ce projet de loi, avec l’institution du conseiller territorial, qui remet totalement en cause l’autonomie et les libertés locales.

Avec cette série d’amendements en discussion commune, nous vous demandons, monsieur le ministre, de reconnaître que ce point du texte va à l’encontre des objectifs que vous prônez, à l’encontre de la décentralisation, de la liberté des territoires et de l’autonomie fiscale et financière des territoires.

Si ce projet de loi était voté en l’état, vous tourneriez une page de l’histoire de l’administration territoriale de notre pays, dans un sens qui ne va pas vers plus de solidarité sociale et territoriale au profit de nos concitoyens.

M. Gérard Collomb. C’est le projet de loi Wilkinson ! Il rase de près !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 283 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 284 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement a pour objet de réaffirmer le principe de libre administration des collectivités territoriales. Je voudrais, pour ma part, quitter l’empyrée des principes pour soulever une question pratique.

Quelle sera la liberté de la région Haute-Normandie par rapport au département de la Seine-Maritime, qui aura 63 conseillers territoriaux, ou 62 dans la version du rapporteur, contre 35, ou 36 toujours dans la version de M. Courtois, pour l’Eure ? Quelle sera la liberté de la région Nord–Pas-de-Calais par rapport au département du Nord, qui aura 79 représentants, ou 82, contre 55, ou 50, pour le Pas-de-Calais ?

Bref, quelle peut être la liberté d’administration d’une région par rapport au département qui a le plus d’habitants ? J’aimerais bien qu’on me l’explique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement important, car nous estimons que, au-delà des clivages politiques, il est essentiel d’affirmer aujourd'hui avec force le principe de la libre administration des collectivités locales et de leur autonomie financière.

Je connais la Constitution. J’ai assisté au débat qui a eu lieu hier après-midi : tous les orateurs ont indiqué que le système, fondé sur la valeur ajoutée, de la contribution économique territoriale, qui remplace partiellement la taxe professionnelle, réduisait l’autonomie financière des collectivités territoriales.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Fiscale !

M. Jean-Pierre Sueur. De surcroît, les régions sont dans une situation telle qu’elles n’auront plus beaucoup d’autonomie fiscale, vous avez raison, mes chers collègues ! (Exclamations sur les travées de lUMP.) Mais vous ne pouvez que reconnaître que l’une est liée à l’autre.

Par ailleurs, personne n’a pu ignorer ici les déclarations du Président de la République. Qu’a-t-il dit ?

Mme Évelyne Didier. Des bêtises !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne me permettrai pas de dire cela, ma chère collègue !

Il a d’abord annoncé que les dotations de l’État aux collectivités territoriales allaient diminuer, ce qui n’était pas une nouvelle extraordinaire. Ensuite, il a dit qu’elles allaient stagner, mais nous avons compris que la stagnation ne se traduirait pas par une augmentation ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)

Il a ajouté, et ceci est lourd de conséquences, que les sommes seraient réparties en fonction de la bonne gestion des collectivités territoriales.

M. Didier Guillaume. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne figure pas dans la Constitution, ni dans la loi de finances, dans laquelle est fixée chaque année la répartition des dotations de l’État entre les collectivités territoriales. En cas de dysfonctionnements constatés dans la gestion financière des collectivités locales, il existe des instances qui sont habilitées à statuer.

Mes chers collègues, imaginez qu’une instance technocratique puisse décider si une commune est bien ou mal gérée ! Cela porterait atteinte à l’autonomie des collectivités territoriales, car, jusqu’à présent, c’est aux électeurs qu’il revient de se prononcer sur la gestion des collectivités. Il n’est pas envisageable que, en vertu d’une décision autoritaire sur la bonne ou mauvaise gestion d’une collectivité, cette dernière touche plus ou moins de DGF. L’annonce du Président de la République me semble très grave.

Dans un tel contexte, nous considérons qu’il est de première importance que l’ensemble des sénateurs réaffirment, solennellement, par le vote de notre amendement, le principe de l’autonomie des collectivités territoriales. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public sur l’amendement n° 284 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Monsieur Sueur, l’autonomie des collectivités locales est effectivement un beau principe, si beau qu’il est d’ailleurs déjà inscrit dans la Constitution !

Par ailleurs, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Inscrire dans la loi que « la loi assure le respect de la libre administration des collectivités territoriales et garantit leur autonomie financière » ne me semble pas être d’une grande portée juridique. Cela n’a même aucun intérêt ! Nous pouvons discuter longtemps des grands principes, cela ne fera pas pour autant avancer le débat ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Je voudrais ajouter un argument essentiel à tout ce qui vient d’être dit sur la décentralisation. Nous le savons, l’État est en train de se retirer des territoires. Après la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le départ massif de l’État, qui touche notamment les territoires ruraux et les quartiers sensibles, a d’abord touché les directions départementales de l’agriculture, puis les tribunaux, les hôpitaux et les gendarmeries.

M. Martial Bourquin. Lorsque nos collègues demandent que le principe de décentralisation soit réaffirmé avec force dans la loi, cela signifie que ce sont souvent les collectivités locales et territoriales qui prennent le relais de l’État.

Rappelons-nous tout de même que la décentralisation nous a permis de moderniser nos universités et nos lycées et de mettre en place des politiques publiques de haut niveau dans les territoires.

En cas de croissance molle, l’étranglement financier des collectivités locales et territoriales portera un coup terrible à notre économie et accentuera la crise que nous subissons.

Grâce à la taxe professionnelle, dont on dit beaucoup de mal aujourd’hui, nous avons équipé nos territoires.

M. Martial Bourquin. Il fallait vraisemblablement moderniser cet impôt sur la production, mais certainement pas le supprimer. Pour les ressources des collectivités locales et territoriales, c’est désormais l’inconnu le plus total. Vous prenez un risque considérable pour notre croissance, pour l’avenir de notre pays. Voilà pourquoi l’amendement n° 284 rectifié a toute sa place ici !

D’un côté comme de l’autre de l’hémicycle, nous aurons à gérer nos collectivités locales et territoriales. Si nous n’en avons plus les moyens, nous risquons de connaître de graves problèmes. Vous le savez, nous devons mettre en place des politiques publiques pour faire face au vieillissement de la population, pour soutenir l’économie. Comment feront les régions sans budget pour aider les entreprises, pour financer les territoires ?

Le débat sur la décentralisation que nous avons en ce moment n’est pas superflu, il est fondamental, non seulement pour notre pays et nos collectivités locales et territoriales, mais aussi pour préserver, demain, notre croissance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Parler de la libre administration des collectivités territoriales et de leur autonomie financière quand on examine un projet de loi de réforme des collectivités territoriales n’est absolument pas hors sujet. Je pourrais même dire qu’il s’agit de questions de fond : dans quelles conditions cette réforme a-t-elle lieu ? Êtes-vous pour la libre administration des collectivités territoriales ? À entendre certaines déclarations du Gouvernement et du Président de la République, on peut en douter.

Mme Marie-France Beaufils. On nous a en effet annoncé dernièrement qu’on allait nous contraindre financièrement afin que nous participions à la réduction du déficit public. Il faut absolument que nous réduisions nos dépenses de personnel … On oublie que les dépenses de personnel servent non pas à nous faire plaisir, mais à assurer des services à la population.

Mme la ministre de l’économie l’a reconnu, je l’ai entendue ici même, si la France résiste mieux à la crise que ses partenaires, c’est parce que les collectivités territoriales ont joué un rôle d’amortisseur.

Demander aux collectivités d’appliquer la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c’est leur interdire de s’administrer librement, de rendre service à leur population. Or, je le rappelle, la libre administration des collectivités, c’est tout simplement la mise en œuvre de la démocratie. Elle doit donc être respectée.

Les représentants des collectivités ne sont pas choisis par le Gouvernement, mais par les électeurs, qui se déterminent en fonction du programme qui leur est proposé pour le territoire sur lequel ils vivent.

Mme Marie-France Beaufils. Quant à l’autonomie financière, rien n’est prévu dans cette partie du texte quant à la façon dont elle sera assurée. Pourtant, réaffirmer ce principe, c’est, là aussi, permettre à la démocratie de fonctionner.

En diminuant les ressources financières, notamment en supprimant la taxe professionnelle, le Gouvernement montre qu’il cherche à dicter ses choix aux collectivités territoriales. Comme l’ont souligné plusieurs de nos collègues tout à l’heure, c’est déjà le cas vis-à-vis des départements. La baisse de leurs ressources montre la volonté du Gouvernement de les limiter à trois compétences : l’allocation personnalisée d’autonomie, le revenu de solidarité active et la prestation de compensation du handicap.

On nous fait débattre d’une réforme, mais sans nous dire clairement si l’on veut que les collectivités territoriales soient capables de mettre en œuvre la politique qui a été définie par les élus avec leurs électeurs ou si elles doivent servir à remplacer les services que l’État a détruits sur nos territoires. La question est posée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Je ne comprends pas très bien l’intérêt des amendements déposés par nos collègues du groupe socialiste, si ce n’est d’occuper notre soirée. Ils n’ont aucune portée normative. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Hugues Portelli. Le projet de loi dont nous débattons n’a pas pour objet d’abroger la législation relative à la décentralisation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, vous le savez très bien !

M. Hugues Portelli. Il ne la modifie que sur deux points : l’organisation institutionnelle et la répartition des compétences. Le reste ne change pas.

Si le projet de loi remettait en cause les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales, ce n’est pas l’ajout de trois lignes au début d’un texte pour tenter d’exorciser ce risque qui modifierait quoi que ce soit.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Hugues Portelli. La seule façon de vérifier qu’un projet de loi respecte ou non ces principes est de saisir le Conseil constitutionnel une fois qu’il aura été voté, ce que vous ferez certainement, chers collègues du groupe socialiste. D’ailleurs, vous le savez, le Conseil d’État a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité, à la demande de la ville de Dunkerque, qui est dirigée par l’un de vos amis, sur cette question du respect du principe de libre administration et d’autonomie financière.

Je le répète, tous ces amendements sont hors sujet par rapport au débat qui nous occupe. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Évelyne Didier. Ils vous ennuient, mais ils ne sont pas hors sujet !

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.

M. Gérard Collomb. Je n’avais pas l’intention de reprendre la parole, mais il se trouve que, dans mes jeunes années, j’étais un admirateur de M. Portelli, dont je lisais avec attention tous les écrits. C’est pourquoi je suis sûr que, dans le fond, il partage notre vision des rapports que doivent entretenir l’État et les collectivités territoriales.

À ce sujet, je voulais vous demander tout à l’heure, monsieur le ministre, mais je n’en ai pas eu le temps, d’expliquer au Président de la République – c’est plus facile pour vous qui êtes proche de lui que pour nous – qu’il fait fausse route. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Il suffit de voir ce qui se passe ailleurs : entre l’État et les collectivités locales, notamment les grandes agglomérations, un rapport nouveau est en train de s’établir. Saskia Sassen, grande sociologue américaine, qui a écrit de très beaux livres sur la ville-monde, montre que nous sommes dans une économie d’archipel et que l’État-nation doit s’appuyer sur les grandes villes pour impulser une croissance nouvelle. C’est en effet dans ces territoires que se concentrent les ressources humaines, l’innovation, la recherche, la compétitivité pour notre pays.

Si le projet de loi proposé par le Président de la République bride l’autonomie, la liberté, la créativité des collectivités locales, il amputera du même coup la capacité de notre pays à se développer.

J’observe ce qui se passe dans les autres pays entre les collectivités locales et le gouvernement central. Je me suis aperçu que, en France, par exemple, lorsque le parti du Président de la République perd les élections régionales, cela n’a strictement aucune importance.

Mme Jacqueline Panis. Quel est le rapport avec le texte ?

M. Gérard Collomb. En revanche, lorsque Mme Merkel perd un Land en Allemagne, cela devient une catastrophe nationale. Pourquoi ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parce que l’Allemagne est un État fédéral !

M. Gérard Collomb. Parce que les rapports entre les collectivités locales et le gouvernement central sont très différents en Allemagne et en France.

Mme Jacqueline Panis. Il ne vient pas souvent, mais qu’est-ce qu’il nous casse les pieds !

M. Gérard Collomb. Nous sommes aujourd’hui encore dans un système jacobin.

Vous qui êtes le ministre de l’aménagement du territoire et de l’espace rural, et aussi de la ville, d’une certaine manière, vous devez persuader le Président de la République que l’avenir de notre pays passe non pas par la diminution de la liberté, de la capacité à innover des villes, mais par la capacité du Gouvernement et des collectivités locales à travailler ensemble. Voilà pourquoi nous insistons tant sur les amendements que nous présentons. Les adopter serait un tournant pour le projet de loi (Rires et exclamations sur les travées de lUMP), voire pour le Président de la République. (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.)

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

M. Gérard Collomb. Soit le Président de la République se rallie à nos propositions, ce qui pourrait apporter un nouvel élan à son quinquennat, soit il continue dans la voie qu’il a choisie. (Les marques d’impatience s’intensifient.) Or, si j’en crois les sondages, le Gouvernement se trouve dans de réelles difficultés, et j’en suis navré. (Mêmes mouvements.)

Monsieur le ministre, vous êtes d’une certaine manière entre lui et nous, c’est-à-dire proche du pouvoir central et proche des collectivités locales. Convainquez-le donc de suivre notre voie afin que les collectivités locales prennent toutes leurs capacités d’initiative dans la vie de notre pays. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. « La loi assure le respect de la libre administration des collectivités territoriales et garantit leur autonomie financière ». Qui n’est pas d’accord avec ce texte ? Personne !

Or cette proposition vient de gauche. C’est pourquoi la droite n’en veut pas. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Collomb. Dépassez donc les vieux clivages !

M. Philippe Adnot. Votons ce texte avec lequel nous sommes tous d’accord – cela ne changera rien, puisque ces dispositions figurent déjà dans la Constitution –, et passons à autre chose ! (Exclamations sur les travées de lUMP. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est le bon sens !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 284 rectifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 243 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 334
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 151
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Gérard Collomb. C’est le tournant du quinquennat !

M. le président. L'amendement n° 285 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La réforme territoriale a pour objectif d'accroître la capacité des collectivités territoriales à rendre aux citoyens les meilleurs services publics et à assurer la solidarité entre les personnes et la péréquation entre les territoires. Elle vise également à améliorer l'exercice de la démocratie locale.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, monsieur Portelli, nos amendements ne sont ni intempestifs ni étrangers au projet de loi. Ils visent simplement à préciser les objectifs qui doivent, ou devraient, guider cette réforme des collectivités territoriales.

Nos collègues de la majorité commencent à s’impatienter. Mais qu’ils ne comptent pas sur nous pour mettre de côté nos convictions, et ainsi ne pas tout mettre en œuvre pour tirer ce projet de loi vers le haut.

Cela a été dit à plusieurs reprises, la réforme territoriale devrait être l’occasion de franchir une nouvelle étape et d’insuffler un nouvel élan en matière de décentralisation. Force est de constater, à travers tout ce qui a été dit jusqu’à présent, que nous nous exposons au risque d’une régression. Ce projet de loi devrait également garantir l’égalité républicaine entre tous les citoyens quels qu’ils soient, et, en même temps, promouvoir la justice et l’équité entre les territoires et assurer la présence et la qualité du service public dans tous les villages et tous les quartiers.

M. Roland Courteau. Il a raison !

M. Jean-Jacques Mirassou. Les collectivités doivent disposer des ressources nécessaires pour rendre aux citoyens les meilleurs services collectifs. De ce point de vue, on l’a vu à l’instant, rien n’est garanti.

Je rappellerai tout de même au passage que plus de 70 % des investissements publics sont actuellement le fait des collectivités locales, qui, au moment où nous débattons, sont face à une équation difficile à résoudre. En effet, du fait de la crise, la population demande, à juste titre, davantage de prestations, et ce singulièrement dans le champ social. De même, les entreprises réclament à cor et à cri la poursuite des investissements des collectivités territoriales. À l’inverse, l’État ne garantit rien de plus, en termes de dotations, et efface ses ardoises – on a évoqué le RSA ou l’APA – qui pèsent la bagatelle de 400 millions d’euros dans le département que je représente.

On comprendra donc facilement qu’il nous semble indispensable de préciser le texte d’une manière qui soit accessible à tous, afin d’éviter que cette loi ne soit un marché de dupes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?