Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

Mme Anne-Marie Payet, M. Daniel Raoul.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

suppression de certaines lignes tgv par la sncf

Question de M. Claude Biwer. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Claude Biwer.

réglementation sur les conditions de transport des enfants

Question de M. Jean-Claude Frécon. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Jean-Claude Frécon.

prolongation de l'autorisation de tir aux corbeaux

Question de M. Jean-Pierre Chauveau. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Jean-Pierre Chauveau.

amélioration des procédures d'alerte en cas d'inondation

Question de M. Jean Besson. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Jean Besson.

échelon géographique pertinent pour l'implantation et la fiscalité des éoliennes terrestres

Question de M. Louis Pinton. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Louis Pinton.

conséquences pour les territoires ruraux de la réorientation des aides financières de l'état pour le logement social

Question de M. Didier Guillaume. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Didier Guillaume.

inégalité de traitement des victimes de l'amiante

Question de Mme Nathalie Goulet. – Mmes Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville ; Nathalie Goulet.

situation des caisses d'allocations familiales

Question de Mme Patricia Schillinger. – Mmes Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville ; Patricia Schillinger.

conséquences du rapport d'expertise judiciaire relatif à la sharka

Question de M. Bernard Piras. – Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville ; M. Bernard Piras.

sort réservé à la maison d’arrêt d’aurillac

Question de M. Jacques Mézard. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Jacques Mézard.

lutte contre la fracture numérique

Question de M. Jean-Claude Carle. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Jean-Claude Carle.

sauvegarde et développement du service public de santé à melun

Question de M. Michel Billout. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Michel Billout.

écoles conventionnées au gabon

Question de Mme Christiane Kammermann. – M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes ; Mme Christiane Kammermann.

dysfonctionnements dans le suivi des dossiers du programme européen leader

Question de Mme Bernadette Bourzai. – Mmes Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; Bernadette Bourzai.

crise de la filière rizicole en guyane

Question de M. Georges Patient. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

M. Georges Patient.

effectifs de police nationale sur la circonscription de melun

Question de Mme Colette Mélot. – Mmes Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; Colette Mélot.

compensation des dépenses de gestion du rmi et du rsa pour les départements

Question de M. Francis Grignon. – Mmes Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; Francis Grignon.

gel des dotations de l’état aux collectivités locales

Question de M. Jean Boyer. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean Boyer.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Russie

4. Rappels au règlement

MM. Jean-Paul Alduy, le président.

MM. Nicolas About, le président.

5. Réforme des collectivités territoriales. – Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)

Discussion générale (suite) : Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. François-Noël Buffet, Hervé Maurey, Mme Bernadette Bourzai, MM. Jean-Pierre Chevènement, Dominique de Legge, Mmes Gélita Hoarau, Jacqueline Gourault, MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Poncelet, Jean-François Voguet, M. Jean-Léonce Dupont, Mme Dominique Voynet, Mlle Sophie Joissains, MM. François Rebsamen, Jean-Paul Virapoullé, François Patriat, Philippe Dallier, Gérard Collomb, Dominique Braye, Yves Daudigny.

Clôture de la discussion générale.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Demande de réserve

MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Brice Hortefeux, ministre ; Bernard Frimat.

La réserve est de droit.

Exception d’irrecevabilité

Motion no 1 de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Mme Éliane Assassi, M. Didier Guillaume. – Rejet par scrutin public.

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

Question préalable

Motion no 5 de M. Jean-Pierre Bel. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, Michel Mercier, ministre ; Jean-François Voguet. – Rejet par scrutin public.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

Demande de renvoi à la commission

Motion no 2 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, Michel Mercier, ministre. – Rejet par scrutin public.

M. le président.

Articles additionnels avant le chapitre Ier (avant l’article 1er AA)

Amendement n° 281 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. –M. Alain Anziani.

Amendement n° 293 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Alain Anziani.

MM. le rapporteur, Michel Mercier, ministre ; Claude Jeannerot, Mmes Nicole Bonnefoy, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Alain Anziani. – Rejet des amendements nos 281 rectifié et 293.

Amendement n° 282 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Gérard Miquel.

Amendement n° 283 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Gérard Collomb.

Amendement n° 284 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Claude Jeannerot.

MM. le rapporteur, Michel Mercier, ministre ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Jacques Mirassou, Alain Anziani, Claude Jeannerot, Gérard Miquel, Didier Guillaume, Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur, Yves Détraigne, Martial Bourquin, Mme Marie-France Beaufils, MM. Hugues Portelli, Gérard Collomb, Philippe Adnot. – Rejet des amendements nos 282 rectifié et 283 rectifié ; rejet, par scrutin public, de l’amendement no 284 rectifié.

Amendement n° 285 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Jacques Mirassou, le rapporteur, Michel Mercier, ministre ; Alain Anziani. – Rejet.

Amendement n° 286 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Yves Daudigny, le rapporteur, Michel Mercier, ministre. – Rejet.

Amendement n° 287 de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.

Amendement n° 288 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Yannick Botrel.

Amendement n° 289 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Roland Courteau.

Amendement n° 290 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Michel Teston.

Amendement n° 291 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. François Patriat.

MM. le rapporteur, Michel Mercier, ministre ; Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur, Mme Évelyne Didier, MM. François Patriat, Jacques Mézard, Jacques Berthou.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Anne-Marie Payet,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

suppression de certaines lignes tgv par la sncf

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 781, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Monsieur Biwer, vous êtes élu du canton de Domrémy, mais ne vous prenez pas pour Jeanne d’Arc ! (Sourires.)

M. Claude Biwer. Monsieur le président, dans mon département de la Meuse, nous ne faisons pas qu’entendre des voix, nous les comptons aussi ! (Nouveaux sourires.)

Voilà quelque temps, une information laissant entendre que la SNCF envisageait la suppression de certaines dessertes, notamment les liaisons TGV Strasbourg-Lille, Strasbourg-Bordeaux et Strasbourg-Nantes, a suscité un très vif émoi parmi les élus des régions traversées par ces liaisons.

Ces suppressions auraient indirectement concerné la région Lorraine, et plus particulièrement mon département, la Meuse, dans la mesure où certains de ces trains s’arrêtent en gare Meuse-TGV.

Cette décision paraissait d’autant plus incompréhensible que le TGV Est européen a été cofinancé par les régions Lorraine, Alsace et Champagne-Ardenne et qu’il ne saurait être question de réduire le service offert aux clients.

La direction de la SNCF a bien évidemment démenti vouloir supprimer des dessertes, mais il n’en demeure pas moins qu’un document interne prévoyait bien d’engager une refonte de l’offre TGV à partir de 2011, avec comme objectif de réduire de façon significative le déficit engendré par certaines liaisons, dont celles que j’ai évoquées. Je crains d’ailleurs que cette proposition ne ressurgisse un jour.

Le Gouvernement a adopté une position très claire sur cette question, ce dont je le remercie : il ne veut pas de suppressions de dessertes TGV sur le territoire français, et la SNCF ne prendra donc pas de telles décisions.

Mais je souhaiterais saisir l’opportunité de cette question pour attirer votre attention, madame la secrétaire d'État, sur la desserte de la gare Meuse-TGV : le nombre d’arrêts dans cette gare qui est très fréquentée est actuellement trop faible et devrait être renforcé.

Certaines informations ont laissé entendre que la SNCF envisageait un arrêt supplémentaire en soirée, car, pour retourner dans la Meuse, il faut quitter la capitale vers seize heures, ce qui pose problème. Par ailleurs, il serait question d’ajouter un arrêt matinal, afin de pouvoir arriver à destination assez tôt dans la matinée.

En outre, les ICE en provenance de Francfort pourraient également, de leur côté, effectuer des haltes en gare Meuse-TGV. Nous savons tous l’intérêt que peut avoir cette zone transfrontalière, que je connais bien pour y vivre.

Madame la secrétaire d'État, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me confirmer, voire préciser, ces informations qui sont très importantes pour la population de mon département, laquelle ne demande qu’une chose : que l’on accroisse la desserte de la gare Meuse-TGV, plutôt que de la limiter.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, vous évoquez les craintes suscitées par une éventuelle suppression de certaines relations ferroviaires transversales à grande vitesse desservant Strasbourg, et vous m’interrogez en particulier sur l’offre de desserte en gare de Meuse-TGV.

Dominique Bussereau sait que ces lignes à grande vitesse répondent à un véritable besoin des territoires et des populations, ce que vous vous avez d’ailleurs souligné à juste titre. La direction de l’entreprise a démenti l’éventualité de leur refonte. Elle a eu d’ailleurs l’occasion de le réaffirmer le 24 février dernier à l’Assemblée nationale lors du débat sur l’avenir des transports ferroviaires publics.

Je peux vous l’assurer, il n’y aura pas de suppressions de liaisons TGV. Le Gouvernement a clairement signifié à la SNCF qu’il n’était pas question de renoncer, de surcroît sans concertation, à ces liaisons qui sont nécessaires à l’économie des territoires, alors que l’État engage un effort sans précédent de développement du réseau de lignes à grande vitesse.

La gare de Meuse-TGV voit également sa desserte renforcée cette année puisqu’elle bénéficie d’une cinquième fréquence à grande vitesse, avec la création d’un aller-retour à la mi-journée sur la liaison transversale Normandie-Roissy-Strasbourg.

Par ailleurs, conformément aux demandes des élus meusiens et en liaison avec l’Observatoire du TGV Est européen, la SNCF conduit actuellement une étude en vue de la création en 2012 dans cette même gare d’un arrêt aller-retour en soirée du TGV Strasbourg-Roissy-Lille. Cette option permettrait aux usagers de disposer d’une relation directe entre le département de la Meuse et la capitale des Flandres et de pouvoir rejoindre en soirée l’Île-de-France.

Monsieur le sénateur, ces éléments répondent positivement, me semble-t-il, à vos attentes et devraient vous permettre de constater le volontarisme du Gouvernement sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de vos propos rassurants et encourageants. Accroître le nombre d’arrêts rendra service, j’en suis certain, à un grand nombre d’usagers. Par ailleurs, je salue la volonté de rapprocher le Nord–Pas-de-Calais de la Lorraine ! (Mme la secrétaire d’État sourit.)

réglementation sur les conditions de transport des enfants

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, auteur de la question n° 929, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. Jean-Claude Frécon. Madame le secrétaire d’État, ma question concerne la sécurité des transports scolaires, en particulier lors du transport d’enfants debout.

L’arrêté du 2 juillet 1982 a institué le principe selon lequel les enfants doivent être transportés assis ; mais son article 71 prévoit un certain nombre d’exceptions en vertu desquelles le transport peut exceptionnellement avoir lieu debout.

Après examen, il s’avère que, dans la plupart des cas, ces exceptions se comprennent fort bien. Je pense en particulier à la période de la rentrée scolaire : l’effectif des enfants à transporter peut varier tant que toutes les inscriptions ne sont pas achevées. Pendant une période exceptionnelle de courte durée – quelques jours –, l’autocar prévu peut ne pas être suffisamment grand, cette situation devant naturellement être régularisée dans les semaines suivantes.

Toutefois, il arrive que de telles situations se reproduisent en cours d’année.

Nous avons aussi constaté d’autres phénomènes dont le caractère exceptionnel ne nous paraît absolument pas évident. Il s’agit, par exemple, de certains circuits pour lesquels, en raison de la conjoncture locale, un afflux exceptionnel d’enfants est constaté un même jour chaque semaine. Des enfants sont alors, ce jour-là, transportés debout. Nous estimons que le caractère exceptionnel n’est, en l’espèce, pas avéré, puisqu’il est prévisible.

Par ailleurs, nous avons également observé que, dans les zones urbaines, il était fait plus souvent usage d’autobus, lesquels ont un nombre de places debout beaucoup plus important que les autocars. Ces autobus circulent régulièrement, alors que cela ne devrait être qu’exceptionnel.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que le secrétaire d’État aux transports, M. Bussereau, mette en place un système s’inspirant de l’analyse formulée par le Conseil national des transports dans un récent guide pour la sécurité des transports scolaires à l’usage des décideurs locaux et de leurs partenaires : le transport debout « ne vaut que pour des situations ponctuelles à caractère temporaire pour faire face à des situations non prévisibles ». Cette formule nous convient parfaitement. Madame la secrétaire d'État, est-il envisageable que des instructions soient prises en ce sens ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, les autorités organisatrices de transport ont la responsabilité de déterminer le niveau optimal des capacités de transport, en fixant notamment la fréquence de passage et les caractéristiques des véhicules qui seront mis à disposition pour assurer le service de transport scolaire.

L’article 60 de l’arrêté du 2 juillet 1982 précise, dans un souci de recherche de sécurité maximale pour les passagers, que tout organisateur de transport doit s’assurer que le type de véhicules utilisé est adapté au service effectué.

Le principe posé par la réglementation est que les enfants doivent voyager assis.

Comme vous l’avez rappelé, c’est de façon tout à fait exceptionnelle et uniquement dans le cadre d’un service public de transport scolaire assurant à titre principal la desserte des établissements d’enseignement que le transport d’enfants debout peut être toléré. Dans ce cas, le trajet est strictement limité aux lignes circulant en agglomération, dans le périmètre de transports urbains ou la zone de compétence du syndicat des transports d’Île-de-France, et ne doit pas excéder sept kilomètres au maximum en prolongement de ces lignes.

Il appartient donc aux autorités organisatrices, comme le rappelle le guide pour la sécurité des transports scolaires à l’usage des décideurs locaux et de leurs partenaires, actualisé en mars 2010, de déterminer les situations exceptionnelles dans lesquelles pourra être admise une certaine souplesse dans le dispositif de desserte des établissements scolaires. Les familles doivent pouvoir être certaines que chaque enfant sera assuré de bénéficier du service de transport scolaire, quitte à voyager exceptionnellement debout sur une courte distance, plutôt que de devoir recourir à un mode de transport plus contraignant, voire « accidentogène » comme le deux-roues.

En conclusion, mon collègue Dominique Bussereau tient à vous rappeler que les moyens nécessaires et adaptés doivent être mis en œuvre par les autorités organisatrices afin de permettre que le transport scolaire soit effectué dans les meilleures conditions de sécurité pour les enfants. Le trajet de transport scolaire avec des élèves voyageant debout n’est admis que pour des situations ponctuelles à caractère temporaire, et ce afin de faire face à des situations non prévisibles. Cette tolérance exceptionnelle ne peut en aucune façon devenir une règle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.

M. Jean-Claude Frécon. Je remercie sincèrement et chaleureusement Mme Létard de cette réponse, qui reprend les termes importants figurant dans le nouveau guide pour la sécurité des transports scolaires à l’usage des décideurs locaux et de leurs partenaires, à savoir que « cette possibilité exceptionnelle ne vaut que pour des situations ponctuelles à caractère temporaire pour faire face à des situations non prévisibles ».

À partir du moment où les mots « ponctuelles », « temporaire » et « situations non prévisibles » serviront de fondement aux contrats passés par les autorités organisatrices de transport, cela ira dans le sens de la sécurité des enfants et rassurera les familles.

prolongation de l'autorisation de tir aux corbeaux

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, auteur de la question n° 904, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Jean-Pierre Chauveau. Madame la secrétaire d’État, la question de la date limite de tir des oiseaux nuisibles m’est souvent posée par les agriculteurs de mon département. Comme vous le savez, le sujet est sensible compte tenu de l’importance des dégâts commis. Je souhaite donc que l’on puisse procéder à une harmonisation pour certaines espèces.

Actuellement, les dates limites de régulation de tir des oiseaux nuisibles sont encadrées par le code de l’environnement.

L’article R. 427-21 dispose : « La période de destruction à tir des animaux nuisibles doit être comprise entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard ». Cependant, cet article introduit une exception pour certaines espèces.

Ainsi, aux termes de l’article R. 427-22, le préfet peut, par arrêté motivé, prévoir qu’il sera, compte tenu des particularités de la situation locale, dérogé aux dispositions prévues dans certaines conditions définies par un tableau.

Or on peut constater dans ce tableau une disparité forte entre les différentes espèces d’oiseaux nuisibles, en particulier entre le pigeon ramier et le corbeau freux. Pour l’un comme pour l’autre, l’autorisation du préfet est requise, mais, pour le premier, la date limite est fixée au 31 juillet, tandis que, pour le second, la date s’établit au 10 juin. Pourtant, les dommages occasionnés par les corbeaux ne s’arrêtent pas le 10 juin. Ceux-ci s’attaquent encore aux épis et aux grains après cette date, puisque les futures récoltes sont encore sur pied.

Les agriculteurs constatent chaque année l’augmentation des corvidés, dont le nombre semble insuffisamment régulé, et déplorent le manque à gagner occasionné.

Alors que l’agriculture traverse une période difficile, il serait souhaitable d’assouplir la réglementation actuelle pour élargir les dates de tir. Ainsi, une prolongation de l’autorisation de régulation jusqu’au 31 juillet, comme pour les pigeons ramiers, serait fortement appréciée.

Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir préciser vos intentions en matière de report de la date limite de régulation.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, le corbeau freux est un gibier dont la chasse est autorisée en vertu de l’arrêté du 26 juin 1987 fixant la liste des espèces chassables en France. Il figure aussi sur la liste des animaux susceptibles d’être classés nuisibles.

Dans les départements où le préfet déclare cette espèce nuisible, les propriétaires peuvent procéder à sa destruction, en application de l’article L. 427-8 du code de l’environnement. Ainsi, les corbeaux freux peuvent être détruits jusqu’au 10 juin sur autorisation du préfet et être tirés plus facilement dans l’enceinte des corbetières, où ils se rassemblent au moment de la reproduction, s’agissant d’une espèce coloniale. Cette période de destruction jusqu’au 10 juin recouvre la période de reproduction.

En ce qui concerne votre demande d’allongement de la période de régulation jusqu’au 31 juillet, époque de production de céréales, elle peut présenter le risque d’occasionner des dommages par piétinement des cultures ainsi que celui de déranger les nichées d’oiseaux d’autres espèces – chassables et/ou protégées –, notamment les rapaces, qui sont les premiers prédateurs des corvidés et de leurs jeunes.

Outre la destruction à tir, le piégeage des corbeaux à l’aide de pièges-cages est un moyen de destruction efficace, autorisé toute l’année. Depuis le décret du 26 mai 2009, les piégeurs sont dispensés d’agrément pour utiliser des cages à corvidés dans le cadre d’opérations de luttes collectives organisées par les groupements de défense contre les organismes nuisibles et leurs fédérations.

Cette restriction de la période de destruction à tir jusqu’au 10 juin n’est d’ailleurs pas absolue, puisque l’article L. 427-6 du code de l’environnement laisse la possibilité aux préfets d’ordonner des chasses et battues générales ou particulières aux animaux nuisibles chaque fois que cela est nécessaire, après avis du directeur départemental de l’agriculture et de la forêt. Celles-ci peuvent aussi être organisées sur les terrains ayant fait l’objet de l’opposition de propriétaires hostiles à la pratique de la chasse. Ainsi, le préfet peut autoriser par arrêté des battues organisées sous la responsabilité d’un lieutenant de louveterie, toute l’année. Il appartient au préfet de désigner le territoire sur lequel auront lieu les battues, la période pendant laquelle elles seront organisées, le nombre de battues et de participants ainsi que leur qualité, les procédés employés et la dévolution des animaux tués.

Comme vous pouvez le constater, plusieurs outils réglementaires adaptés aux situations rencontrées ont été mis en œuvre pour limiter les dégâts occasionnés par les corbeaux freux, sans qu’il soit nécessaire d’étendre la période de tir au 31 juillet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau.

M. Jean-Pierre Chauveau. Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse.

Je prendrai contact avec le préfet et les agriculteurs de mon département pour leur faire part des différentes solutions existantes.

M. le président. S’il fallait tuer tous les corbeaux... (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Et ceux qu’on devine…

M. le président. Exactement ! Je préfère quand même les grives ! (Nouveaux sourires.)

amélioration des procédures d'alerte en cas d'inondation

M. le président. La parole est à M. Jean Besson, auteur de la question n° 922, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Jean Besson. Madame la secrétaire d’État, la France a été confrontée ces dernières années à des catastrophes naturelles d’une ampleur exceptionnelle. La tempête Xynthia, les inondations récentes du Var, celles qui ont affecté la Drôme en 2008 ont eu des conséquences dramatiques, à des échelles différentes.

À chaque fois, les maires sont en première ligne et se retrouvent le plus souvent esseulés au moment de gérer ces situations extrêmes, alors même que leur responsabilité administrative, du fait des dommages causés, est en jeu.

Ces événements météorologiques à répétition rappellent à l’État et aux collectivités territoriales l’urgente nécessité de modifier d’une manière approfondie les règles d’urbanisation et de prévoir le financement des aménagements de protection, surtout le renforcement des digues.

La mission commune d’information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia a établi ses premières recommandations. L’article 81 du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit Grenelle II, prévoit également certaines dispositions sur l’évaluation et la gestion des risques d’inondation. Il est à espérer que celles-ci seront rapidement mises en œuvre. Les actes doivent maintenant suivre les déclarations d’intention.

Ces événements mettent aussi en lumière les insuffisances des systèmes d’alerte existants. En effet, si l’alerte météorologique proprement dite relève de la responsabilité de l’État, les maires, prévenus parfois par un simple SMS, sont chargés de répercuter les informations utiles à la population, avec les moyens trop souvent insuffisants dont ils disposent sur le plan tant humain, technique que financier.

Par ailleurs, les maires ne sont pas toujours en situation de déterminer avec précision les conclusions pratiques qu’ils doivent tirer d’une information reçue, faute d’une connaissance précise de leurs pouvoirs et de leurs moyens d’action.

En conséquence, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais savoir quelles mesures concrètes vous comptez prendre afin d’améliorer les dispositifs d’alerte et de renforcer l’accompagnement des maires en matière d’anticipation et de gestion des catastrophes naturelles. (M. Roland Povinelli applaudit.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, le dispositif actuel de gestion de crise liée aux inondations s’articule en deux phases : la prévision et la mise en vigilance, puis l’organisation de l’alerte et des secours.

La phase de prévision et de mise en vigilance est assurée par plusieurs services et établissements publics de l’État et, dans certains cas, des collectivités territoriales.

Il s’agit tout d’abord de Météo-France, pour les aspects météorologiques directement utiles, telle l’importance attendue des précipitations, par exemple, ou utilisés pour les prévisions plus spécialisées, sous forme d’une vigilance météorologique affichée par département deux fois par jour pour les vingt-quatre heures à venir, sur le site internet www.meteo.fr.

Il s’agit de Météo-France en association avec le service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations, le SCHAPI, du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, et les services de prévision des crues, ou SPC, pour le volet « pluie-inondation » de cette vigilance météorologique.

Météo-France travaille également en association avec le service hydrographique et océanographique de la marine, le SHOM, pour les avis de très fortes vagues. Ceux-ci sont diffusés aux préfets et aux services de sécurité civile ainsi qu’aux organes pertinents des forces armées.

Il s’agit enfin du SCHAPI et des SPC pour la prévision des crues et l’affichage d’une vigilance pour les crues sur le site internet www.vigicrues.gouv.fr. La prévision et la mise en vigilance portent actuellement sur 20 000 kilomètres de cours d’eau en métropole. Le site publie chaque jour à dix heures et à seize heures, et à des horaires supplémentaires si nécessaire, une carte de synthèse donnant par tronçons de cours d’eau un niveau de vigilance par code de couleur, accompagnée de bulletins nationaux et locaux. Le site donne également accès en temps quasi réel aux mesures de niveau d’eau et parfois de débit sur près de 1 500 stations de mesures. Les préfets sont bien entendu destinataires de ces informations.

Ces prévisions et affichages de vigilance sont en évolution constante au fur et à mesure de la consolidation des avancées techniques. Par exemple, les avis de très fortes vagues sont appelés à être complétés dans les deux ans par un volet baptisé provisoirement « vagues-submersions marines » de la vigilance météorologique.

La vigilance météorologique et la vigilance sur les crues comportent dans leurs bulletins nationaux et locaux des informations sur les conséquences possibles ainsi que des conseils de comportement à destination des populations, qui ont été mis au point par la direction de la sécurité civile et dépendent à la fois du phénomène et du niveau de sévérité considéré.

L’alerte directe des maires, au-delà de l’information disponible sur Internet, est assurée par les préfets. Les questions les plus difficiles pour les maires consistent assez souvent à déterminer, comme vous l’indiquez dans votre question, les consignes à donner et les mesures de secours qu’ils doivent prendre, en liaison avec les services de sécurité civile. Les plans communaux de sauvegarde ont précisément pour objet de préparer les réponses à ces questions. Leur élaboration est obligatoire dès lors qu’un plan de prévention des risques naturels est approuvé, mais ces plans sont aussi très utiles dans les autres cas. Il faut bien convenir du retard pris dans l’élaboration de ces plans communaux de sauvegarde. Ce dernier constitue un handicap majeur dans l’organisation de la gestion de proximité des crises portant atteinte aux populations, aux biens et à l’environnement.

Enfin, vous soulignez l’utilité du lien entre, d’une part, la prévision et la gestion de crise et, d’autre part, les autres mesures de réduction du risque, d’inondation en l’occurrence. Il paraît important de rappeler une nouvelle fois la nécessité d’une approche équilibrée entre prévision et gestion de crise. La prévention au sens strict se traduit par une limitation de l’urbanisation des zones inondables et par une réduction de la vulnérabilité des constructions et installations existantes.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je peux porter à votre connaissance.

M. le président. La parole est à M. Jean Besson.

M. Jean Besson. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces informations et de ces précisions. Didier Guillaume, Bernard Piras et moi-même les diffuserons dans notre département. Les maires, je tiens à le rappeler, sont toujours effrayés par l’importance de ces responsabilités.

Permettez-moi également de dénoncer la longueur des procédures d’indemnisation, non seulement pour les particuliers, mais aussi pour les maires.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Jean Besson. Il appartient donc, à mon avis, tant au législateur qu’à l’exécutif de prendre des mesures plus importantes à cet égard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. Bonne remarque !

échelon géographique pertinent pour l'implantation et la fiscalité des éoliennes terrestres

M. le président. La parole est à M. Louis Pinton, auteur de la question n° 938, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Louis Pinton. Madame la secrétaire d'État, la présence des éoliennes sur les territoires est désormais soumise à des schémas régionaux d’implantation. Cette situation entraîne des incohérences aux frontières des régions.

Pour prendre un exemple précis, la région Centre considère, à juste titre, que la partie sud de son territoire doit être protégée. La région Limousin, contiguë et située au sud de la région Centre, autorise quant à elle l’implantation d’éoliennes dans la partie nord de son territoire. Autrement dit, à la frontière des deux régions, les éoliennes sont interdites d’un côté et autorisées de l’autre.

De plus, le tracé de la limite entre les deux régions étant dentelé, il y a des intrications des deux territoires régionaux l’un dans l’autre. Dans ces enclaves contiguës, on peut donc implanter des éoliennes d’un côté et pas de l’autre, ce qui est incohérent puisque la nature des paysages ignore la fantaisie des découpages administratifs. Cela est cause de troubles parmi les élus, voire parmi les populations.

Ne pensez-vous pas qu’un schéma national, élaboré avec logique et dans la concertation, serait une façon plus cohérente d’organiser la présence des éoliennes sur notre territoire ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, le Gouvernement soutient un développement de l’énergie éolienne à haute qualité environnementale, réalisé de manière ordonnée, afin de prévenir les atteintes aux paysages, au patrimoine et à la qualité de vie des riverains. Ces orientations ont été confirmées par la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement du 3 août 2009, notamment par son article 19, ainsi que par le projet de loi portant engagement national pour l’environnement adopté hier par le Sénat, en particulier dans ses articles 23 et 34.

Ainsi, le schéma régional éolien, annexé au schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie, définira les zones du territoire régional où pourront être créées les nouvelles zones de développement de l’éolien, les ZDE. Les modalités d’élaboration de ces schémas seront précisées par décret dans les semaines à venir. Elles prendront notamment en compte les intérêts des communes concernées par les délimitations territoriales introduites par le schéma régional éolien.

Dans l’état actuel du droit, lors de toute création de ZDE, le préfet recueille déjà les avis des communes limitrophes de celles dont tout ou partie du territoire est compris dans la zone de développement de l’éolien, et ce quelle que soit la subdivision administrative dont dépendent ces communes. Ces procédures garantissent ainsi la bonne prise en compte des enjeux paysagers, y compris, le cas échéant, hors du périmètre régional.

L’un des enjeux des schémas – il est nécessaire de le rappeler – est leur appropriation par les acteurs locaux. Pour cette raison, le pilotage de leur élaboration a été confié conjointement aux préfets de région et aux présidents de conseil régional. C’est aussi à ce niveau, plus qu’au niveau national, que peut se réaliser l’adaptation aux réalités locales, notamment paysagères.

Le schéma régional éolien a vocation à désigner, dans une logique coopérative État-région, les zones favorables susceptibles d’accueillir les nouvelles ZDE. Il ne préjuge aucunement l’issue de l’instruction d’une demande de ZDE localisée au sein d’une zone favorable. La décision de création de ZDE, sur proposition d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale, relève de la seule compétence du préfet. Il en est de même de l’autorisation d’implantation d’une installation éolienne.

S’agissant de la fiscalité, il est compréhensible que, au titre de l’équité de traitement sur le territoire, les taux d’imposition soient fixés au niveau national. En revanche, la contribution économique territoriale et l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux matérialisent le lien entre une activité économique et le territoire qui l’accueille. En ce sens, il ne serait pas fructueux – ce serait même contreproductif – de rompre ce lien, alors que le cadre largement concerté des schémas éoliens contribue fortement à la transparence et à la rationalité des choix finaux.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je pouvais vous apporter.

M. le président. La parole est à M. Louis Pinton.

M. Louis Pinton. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de la clarté de votre réponse.

conséquences pour les territoires ruraux de la réorientation des aides financières de l'état pour le logement social

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, auteur de la question n° 876, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

M. Didier Guillaume. Madame la secrétaire d'État, j’attire votre attention sur les conséquences, pour les territoires ruraux, de la réorientation des aides financières de l’État pour le logement social.

En effet, les assises des territoires ruraux, organisées fin 2009 par chaque préfecture, avaient pour objectif de formuler des propositions d’actions concrètes permettant d’anticiper, d’accompagner, voire de corriger certaines évolutions. À la périphérie des villes, nous le savons, l’installation de nouvelles populations grossit fortement le nombre total d’habitants.

À l’issue de cette réflexion collective, le constat avait été posé de la nécessité de proposer des logements, notamment sociaux, pour maintenir la population rurale et favoriser le dynamisme de ces secteurs géographiques. En effet, en l’absence de logements, les populations rurales migrent vers les villes ou les zones péri-urbaines.

Or, le 3 février 2010, à l’occasion des annonces sur la politique du logement social, le secrétaire d’État en charge du logement, M. Apparu, a indiqué que, dans les années à venir, les efforts allaient être intensifiés dans les zones tendues les plus fragilisées. Par « zones tendues », il entend évidemment les zones urbaines. C’est pourquoi je me permets d’insister sur la situation des zones rurales, également fragilisées. En effet, les objectifs relatifs au logement social ne doivent pas contredire ceux qui concernent la dynamisation des territoires ruraux.

S’il faut évidemment augmenter le nombre de logements sociaux en ville, il ne s’agit cependant pas d’opposer le monde urbain au monde rural. Or il est à craindre que la concentration des subventions de l’État pour les logements publics – prêt locatif à usage social, ou PLUS, prêt locatif aidé d’intégration, prêt locatif social – sur les zones dites « tendues », c’est-à-dire les villes les plus importantes, ne s’applique au détriment des communes de taille plus modeste ou des communes rurales.

Par ailleurs, la diminution des aides accordées par l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, pour le conventionnement des logements privés pénalise ces mêmes territoires. D’une part, ces réorientations rendent plus difficile le nécessaire équilibre à trouver pour les opérations HLM. D’autre part, les aides de l’ANAH ne seront plus assez incitatrices pour que des bailleurs privés acceptent le conventionnement de leurs logements.

Au regard de l’incidence de ces orientations, je souhaiterais donc savoir si des ajustements sont envisageables en matière de politique du logement social, et ce sur trois points.

Premièrement, les centres-bourgs des zones rurales disposant de services et de commerce de proximité pourraient-ils également être considérés comme prioritaires pour les subventions du logement public social de l’État ?

Deuxièmement, serait-il possible de favoriser, sur les dotations budgétaires, les départements présentant une progression démographique significative et un taux de logement social faible ?

Troisièmement, est-il envisageable d’assurer le maintien des aides de l’ANAH au niveau de 2009 pour les logements locatifs privés ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler l’attention du Gouvernement sur les conséquences, pour les territoires ruraux, de la réorientation des aides de l’État pour le logement social vers les zones tendues. Cette orientation a été annoncée par Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, le 3 février dernier.

Je tiens tout d’abord à rappeler que le plan de cohésion sociale initié par Jean-Louis Borloo en 2005 a permis un rattrapage massif en matière de logements locatifs sociaux. Désormais, nous sommes confrontés non plus à « une crise générale » du logement mais bien à « des crises du logement » localisées. Ces dernières se traduisent notamment par un nombre très élevé de recours à la procédure du droit au logement, le DALO, mais aussi par des différences très importantes entre les loyers du parc public et ceux du parc privé. L’Île-de-France en est l’illustration la plus criante. À elle seule, elle représente deux tiers des recours au DALO. Par ailleurs, les loyers du parc privé y sont plus de trois fois supérieurs à ceux du parc public.

En revanche dans certaines régions, comme la Franche-Comté, la Champagne-Ardenne, ou la Bourgogne notamment, la vacance dans le parc social a tendance à augmenter, ce qui conduit à une dévalorisation du parc existant et rend donc la gestion plus difficile pour les bailleurs sociaux.

En zones non tendues, l’enjeu est donc moins de construire que d’améliorer, d’adapter ou de remettre sur le marché des logements existants. En conséquence, les aides de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, sont les plus adaptées à ces zones.

Ainsi, lors du comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire rural du 10 mai 2010, il a été décidé qu’une part majoritaire des aides issues du fonds d’aide à la rénovation thermique, ou FART, doté de 500 millions d’euros et géré par l’ANAH, sera distribuée en territoire rural en faveur des propriétaires occupants.

S’agissant des logements locatifs privés, leur loyer est souvent comparable à celui du parc social. La seule question susceptible d’être soulevée est celle de la qualité de certains de ces logements, souvent vétustes voire très dégradés. Là encore, l’ANAH, chargée par Benoist Apparu de prioriser ses aides en faveur de l’habitat indigne, est pleinement légitime pour subventionner ces logements et demander une contrepartie en termes de loyer au propriétaire.

On ne peut donc pas dire que la politique du logement néglige les territoires ruraux et les zones « détendues ». Dans le contexte actuel des finances publiques, il est indispensable d’adapter les aides en faveur du logement, selon leur nature, aux besoins des territoires qui en bénéficieront.

Le plan Précarité énergétique a complété – force est de le reconnaître – la palette des outils à la disposition des propriétaires occupants modestes, dont plus des deux tiers résident en territoire rural. Cette disposition sera bien évidemment susceptible de compléter l’éco-prêt à taux zéro et de soutenir la réduction du coût de l’énergie dans des logements souvent extrêmement dégradés, très fortement consommateurs ; des subventions seront octroyées au lieu de prêts, afin de permettre à des personnes en situation d’invalidité percevant le minimum vieillesse ou de petits salaires de bénéficier, en milieu rural, d’une solution adaptée.

Comme vous pouvez le constater, le souci du Gouvernement est, une nouvelle fois, de répondre à toutes les spécificités territoriales et de s’adapter à tous les publics ayant besoin d’un accompagnement de l’État.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien écouté votre réponse. Comme l’aurait dit Pierre Desproges, il s’agit d’une bonne réponse, mais elle ne répond pas ma question ! Mon interrogation ne portait en effet pas sur ces sujets. Je n’ai jamais dit que l’État négligeait le logement social. Permettez-moi d’ailleurs de rendre grâce à votre ministre de tutelle, car l’engagement national sur le logement qu’il a mis en place a été une belle réussite ! D’ailleurs, il s’agit également d’une coproduction réussie avec les collectivités territoriales. Mais là n’est pas le sujet.

Le sujet, c’est qu’il manque aujourd’hui des logements sociaux en zone rurale. Telle est la réalité ! Ma question visait donc à savoir si, dans le cadre de la politique menée par M. Apparu et le Gouvernement dans les zones tendues, un centre-bourg pouvait être considéré comme zone tendue. En effet, force est de constater que, en l’absence de logements sociaux, les jeunes vont habiter en ville, ce qui ne favorise pas l’aménagement du territoire.

Si les jeunes peuvent, à la limite, trouver une solution, les personnes âgées ayant besoin de se rapprocher d’un lieu où exercent des infirmières, des médecins et des kinésithérapeutes n’en ont pas la possibilité, faute de logement social.

J’ai entendu votre réponse et vous en remercie, mais j’espère que nous pourrons continuer à construire ou à rénover des logements en zone rurale afin qu’ils puissent être attribués à la population locale, jeune ou moins jeune.

inégalité de traitement des victimes de l'amiante

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 921, adressée à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, l’Orne partage avec le Calvados la difficile qualification de « vallée de l’amiante ». Les salariés qui ont travaillé dans les entreprises Moulinex et Tréfimétaux sont en effet dans des situations extrêmement difficiles.

S’agissant du site Moulinex d’Argentan, la situation est délicate puisque les salariés ayant bénéficié d’un reclassement sont pénalisés par rapport à ceux qui ont été mis à la retraite au moment de la fermeture du site, ce qui, vous en conviendrez, est tout de même assez curieux.

L’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante s’élève à 1 100 euros pour un salarié ayant passé vingt-six ans sur le site d’Argentan et n’ayant pas accepté un reclassement à Bayeux, site fermé depuis. Elle n’est en revanche que de 434,45 euros pour un salarié ayant accepté ce reclassement, seule la dernière année d’activité étant prise en compte pour le calcul de l’allocation, sur la base du décret du 7 juillet 2000 qui crée une rupture d’égalité intolérable entre les salariés victimes de l’amiante.

La situation des salariés de l’entreprise Tréfimétaux est différente. Dans le département du Calvados, limitrophe de celui de l’Orne, la directive 83/447/CEE du 19 septembre 1983 n’est pas appliquée. Les salariés dénoncent par ailleurs l’incompatibilité du taux d’incapacité permanente partielle de 25 % qui leur est applicable avec cette directive, les demandes d’indemnisation n’étant prises en compte qu’au-delà de ce seuil.

Je vous fais grâce, madame la secrétaire d’État, de tous les détails. Quoi qu’il en soit, le Sénat a rendu plusieurs rapports au sujet de l’amiante, depuis déjà plusieurs années ; le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante s’est occupé du dossier, ainsi que le Médiateur de la République ; mon mari avait déjà déposé, le 4 décembre 1997, une question écrite sur le même sujet ; de très nombreux parlementaires ont interpellé le Gouvernement, par des questions orales, des questions écrites ou de simples lettres : j’ai moi-même adressé un courrier à Mme Bachelot. On ne peut pas laisser dans cette situation des salariés victimes de leur travail, puis de la rupture de leur contrat de travail !

Il serait grand temps de leur donner satisfaction, madame la secrétaire d’État, d’une part en prenant un nouveau décret, d’autre part en les rétablissant dans leurs droits.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Madame la sénatrice, votre question porte sur la situation des salariés des entreprises Tréfimétaux de Dives-sur-Mer et Moulinex, exposés à l’amiante, et sur la rupture d’égalité existant entre eux au regard du dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

C’est un sujet humainement très sensible.

L’entreprise Moulinex a vu six établissements de Basse-Normandie et trois de la région des Pays de la Loire inscrits sur la liste de ceux qui sont susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA, et ce en vertu des arrêtés du 24 avril 2002 et du 25 mars 2003 modifiés. Les salariés qui ont été employés dans ces établissements au cours des périodes d’exposition relevées peuvent bénéficier de l’ACAATA, qu’ils aient ou non été reclassés dans d’autres entreprises par la suite, sous réserve néanmoins de remplir les conditions d’âge et d’ancienneté d’exposition.

Le cas de l’établissement Tréfimétaux de Dives-sur-Mer est plus complexe. En effet, la cour administrative d’appel de Nantes a, le 30 octobre 2008, annulé l’arrêté d’inscription de cet établissement. Un pourvoi en cassation de cet arrêt a été introduit par le collectif d’anciens salariés de cet établissement et il est en cours d’examen par le Conseil d’État. Depuis la date de cet arrêt, plus aucun salarié de cet établissement ne peut se prévaloir du dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, dit CAATA.

Comme vous le soulignez, cette situation révèle les difficultés concrètes d’application de ce dispositif. C’est la raison pour laquelle M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, a confié à M. Jean Le Garrec, le 20 décembre 2007, la présidence d’un groupe de travail devant expertiser des pistes de réforme au regard de trois principes : l’équité, la faisabilité et la soutenabilité financière.

Les pistes de réforme proposées dans le rapport de ce groupe de travail, remis le 24 avril 2008, sont riches et font l’objet actuellement d’un examen attentif par les services techniques concernés. À ce stade, l’objectif est de réfléchir à un système simple à mettre en œuvre. À l’instar de la préconisation de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la prise en charge des victimes de l’amiante de novembre 2009, il consiste à croiser une liste d’établissements ayant exercé des activités particulièrement exposantes avec une liste de métiers fortement exposés dans le cadre de ces activités.

Un premier recensement des métiers exposant à l’amiante a été effectué dans différents secteurs, sur la base des métiers des six premières professions et catégories socioprofessionnelles du classement par risque de mésothéliome tiré du Programme national de surveillance du mésothéliome, le PNSM. Ce travail a été complété, d’une part, par l’inventaire des métiers référencés dans les dossiers d’inscription dans le dispositif de CAATA, quel que soit le sens de la décision dont ils ont fait l’objet et, d’autre part, par l’étude des métiers ayant donné lieu au plus grand nombre de maladies professionnelles reconnues.

Ce travail, lourd et complexe, doit permettre d’établir une liste de métiers fondée sur des critères justes qui nécessitent une grande connaissance des pratiques et des procédés mis en œuvre dans l’ensemble des secteurs d’activités.

Ces travaux nécessitaient d’être confortés en les complétant par une synthèse des connaissances scientifiques nationales et internationales sur les expositions professionnelles à l’amiante permettant d’identifier, à partir d’échantillons significatifs, les métiers ayant conduit à une forte exposition à l’amiante ainsi que les métiers dont l’exposition à l’amiante a été à l’origine du développement de maladies professionnelles.

Pour ce faire, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET a été saisie, le 15 mai 2009, afin d’établir une revue de la littérature disponible sur ce sujet. Son rapport est attendu pour la fin de ce semestre.

Dès que le projet de liste de métiers sera stabilisé, il sera procédé à une évaluation des effectifs concernés afin d’estimer le coût prévisionnel lié à la réforme.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je suis évidemment très touchée par cette réponse technique, mais, derrière les chiffres, il y a des hommes et des femmes. Il n’est pas nécessaire de dresser une liste des métiers exposés. Chez nous, la situation est simple : il suffit de classer certains établissements en sites amiantés.

S’agissant des statistiques, madame la secrétaire d’État, il faudra également veiller scrupuleusement à leur tenue ! En effet, avant que vos différents comités n’aient rendu leurs conclusions, nous aurons encore à déplorer de nombreux décès de victimes de l’amiante, qui, six pieds sous terre, n’auront jamais touché la moindre indemnité !

J’espère que vous en tiendrez compte en publiant le nouveau décret remplaçant le décret du 7 juillet 2000. Deux établissements, ce n’est tout de même pas la mer à boire ! Les anciens fondeurs d’Argentan ne sont qu’une centaine. Il est absolument inadmissible que leur situation ne soit pas réglée. Si l’on prend autant de temps pour définir les critères de pénibilité annoncés pour la réforme des retraites, madame la secrétaire d’État, je nous souhaite à tous bien du courage !

situation des caisses d'allocations familiales

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 923, adressée à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Mme Patricia Schillinger. Ma question vise à attirer l’attention de M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur la situation des caisses d’allocations familiales et plus particulièrement sur les problèmes que rencontre la CAF du Haut-Rhin.

En effet, la mise en œuvre du revenu de solidarité active, le RSA, la dégradation de l’activité économique et le caractère persistant de la crise ont pour effet un accroissement considérable de la demande sociale, à laquelle les caisses ont du mal à répondre, faute de moyens. Ainsi, aujourd’hui, ces dernières ne sont plus en mesure de remplir leurs engagements sans rogner sur la qualité des prestations fournies aux usagers.

Plus précisément, dans le Haut-Rhin, les services de la CAF ont engagé un plan d’action, de manière à faire face à cette situation. Ces mesures ont consisté à recruter des intérimaires, à réduire l’offre téléphonique, à recourir aux heures supplémentaires. Globalement, c’est toute l’organisation du travail qu’il a fallu revoir afin d’assurer la préservation de l’essentiel du service.

Si jusque-là ces mesures ont permis à la CAF du Haut-Rhin de faire face à une situation déjà critique, son conseil d’administration craint de ne plus être en mesure prochainement d’absorber le flux croissant des dossiers. En effet, la charge de travail, déjà importante, devrait encore s’accroître sous l’effet conjugué de la trimestrialisation des ressources des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AHH, tâche effectuée auparavant une seule fois par an, de la mise en place du RSA pour les jeunes, du transfert aux CAF de la gestion des dossiers d’impayés de loyer, tâche qui relevait auparavant de la commission départementale des aides publiques au logement, la CDAPL.

Cette situation est potentiellement néfaste pour les usagers qui, en temps de crise, sont nombreux à compter sur leurs allocations comme moyen de subsistance. Le parallèle avec la situation des pôles emploi est aisé. On est, là encore, face à un service public auquel on ne permet pas de remplir sa mission. Outre les difficultés pour les usagers, c’est le personnel qui croule sous les dossiers et à qui il faut donner les moyens de répondre à ses engagements de services.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour venir en aide aux CAF ? Plus précisément, envisagez-vous d’actionner la clause de revoyure prévue par la convention d’objectifs et de gestion afin de permettre la suspension des réductions d’effectifs, dont neuf postes dans le Haut-Rhin, prévues au titre du non-remplacement d’un poste de fonctionnaire sur deux partant à la retraite ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu appeler l’attention d’Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, sur la situation des caisses d’allocations familiales, et plus particulièrement sur celle du Haut-Rhin.

Certaines caisses d’allocations familiales se sont effectivement plaintes, il y a quelques mois, de charges de travail trop importantes. De manière conjoncturelle, la mise en place du RSA et la crise économique ont pu fragiliser certaines caisses, même si la situation était très différente d’une CAF à une autre.

Mais je voudrais vous rassurer. Le Gouvernement a pris des mesures concrètes pour permettre aux CAF de continuer à assumer leurs missions dans de bonnes conditions.

Ainsi, il les a autorisées à recruter 1 257 agents supplémentaires pour la mise en œuvre du RSA. Ces moyens devraient être suffisants, la montée en charge du RSA ayant été moins rapide que prévue. Tous ces agents ne sont pas encore opérationnels, car il faut les former et la législation sociale est complexe ; mais ils seront sur le terrain dans les toutes prochaines semaines.

Début mars, le Gouvernement a également autorisé la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, à recruter 400 contrats à durée déterminée supplémentaires pour répondre aux situations les plus tendues.

Grâce aux mesures qui ont été prises et à l’investissement sans faille des agents des CAF, la situation est maintenant redressée. Au niveau national, alors que le stock de dossiers à traiter dans les CAF s’élevait il y a encore deux mois à huit jours, celui-ci est passé aujourd’hui à 3,4 jours. De même, par rapport au mois de mai 2009, le nombre d’appels téléphoniques à traiter est en baisse de 10,3 % et le nombre de visites à l’accueil est en diminution de 8,2 %.

Concernant spécifiquement la CAF du Haut-Rhin, vous pouvez être rassurée, madame la sénatrice : la situation est plus favorable qu’ailleurs puisque le stock de dossiers à traiter ne s’élève qu’à 1,5 jour depuis le début du mois de juin.

Nous ne pouvons que nous réjouir de ce quasi-retour à la normale dans les CAF. La situation ne peut d’ailleurs que continuer à s’améliorer en raison de l’arrivée progressive dans les CAF des personnes embauchées pour la mise en œuvre du RSA, au fur et à mesure de l’achèvement de leur formation.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne voit pas quel élément permettrait à ce jour de justifier l’activation de la clause de revoyure inscrite dans la convention d’objectifs et de gestion 2009-2012. Soyez néanmoins persuadée qu’il continuera à être très attentif à l’évolution de la charge de travail assumée par les caisses d’allocations familiales.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

Je rappelle que, grâce à son système social, la France figure parmi les pays en Europe ayant eu le moins à souffrir de la crise.

Cela étant, la CAF du Haut-Rhin a connu une diminution du nombre de postes.

Vous nous dites que la situation dans les CAF s’améliore et que les dossiers sont traités. Il nous faudra néanmoins revoir cette question, peut-être en fin d’année. On sait très bien, en effet, que la charge de travail des CAF augmente toujours à la rentrée, compte tenu de tout ce qui peut se passer en période de vacances.

Nous ne serons donc pas totalement rassurés tant que nous ne connaîtrons pas les chiffres exacts.

conséquences du rapport d'expertise judiciaire relatif à la sharka

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 910, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

M. Bernard Piras. Je tenais à attirer l’attention de M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche sur la prise en charge des conséquences de la maladie de la sharka sur les plantations d’arbres fruitiers à noyaux tels que les pêchers, les abricotiers ou les pruniers.

Faute de traitement, cette maladie virale induit des épidémies rapides au sein des vergers, la seule solution étant l’arrachage et la destruction par le feu des arbres contaminés. Parmi les différentes régions touchées en France, Rhône-Alpes l’est particulièrement et, en son sein, plus précisément la région valentinoise.

Des procédures ont été engagées contre l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, qui est considéré comme étant à l’origine de ces épidémies. Deux lieux de départ ont été identifiés : l’INRA de Gotheron, dans la Drôme, et l’INRA de Manduel, dans le Gard.

Une expertise judiciaire a été ordonnée par les tribunaux administratifs de Grenoble et de Marseille afin de déterminer officiellement l’origine de ces épidémies et, donc, les responsabilités engagées. Le collège d’experts désigné a rendu son rapport au début du mois de février. Après une longue enquête exhaustive, il a mis en évidence plusieurs filières internes de contamination à l’INRA.

Il est donc aujourd’hui établi avec la plus grande certitude que I’INRA est à l’origine de la contamination de ses propres vergers, contamination qui constitue un foyer primaire de sharka souche M dans la Drôme, mais également dans les trois autres départements concernés. Le rapport d’expertise écarte toutes les autres sources possibles de contamination.

Sur le fondement de cette expertise, des centaines de recours vont être exercés devant les juridictions administratives par les exploitants contraints d’arracher leur verger sans espoir de replantation et, de ce fait, condamnés à la ruine.

Face à l’urgence de la situation, il est désormais du devoir de l’État de prendre ses responsabilités et de proposer une indemnisation à l’amiable aux victimes de ces épidémies.

Je demande donc à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche de m’indiquer si telles sont bien ses intentions.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser Bruno Le Maire, retenu par la préparation de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche par l’Assemblée nationale.

Il ne peut être démontré, sur le fondement du rapport auquel vous faites référence, aucune faute de l’INRA ni de l’État, toutes les hypothèses sur les origines de la contamination n’ayant pu être écartées par les experts. Au demeurant, les juges administratifs n’ont pas rendu leur décision.

Par ailleurs, le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche n’est pas resté inactif.

L’engagement pris par le ministre le 17 février dernier, en présence des représentants des producteurs de fruits, de mettre en œuvre très rapidement un plan d’action contre cette maladie et d’octroyer des moyens pour accompagner la reconversion des producteurs en est une nouvelle preuve. Il doit ainsi conduire cet été à l’élaboration d’un plan national d’action contre la sharka.

Les mesures d’accompagnement des producteurs, aujourd'hui actives, reposent sur la nomination de médiateurs chargés d’étudier la situation des entreprises au cas par cas et d’intervenir, le cas échéant, auprès des créanciers de ces dernières, sur l’étude des conditions d’extension du plan de reconversion à tous les départements touchés par la maladie, ainsi que des conditions d’accès à la mesure de rénovation du verger.

Les médiateurs ont été nommés au début du mois de mars et ont aussitôt procédé aux nécessaires diagnostics des exploitations dans les quatre départements les plus touchés.

Cette mission de médiation, qui s’est déroulée dans de bonnes conditions, arrive à son terme. Le plan national d’action contre la sharka en intégrera les enseignements. Le cas du plateau de Manduel, où le verger est considéré comme étant dans une situation très critique sur les plans sanitaire et économique, doit être traité dans les prochaines semaines.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. À l’instar de mon collègue Didier Guillaume, permettez-moi de vous dire, madame la secrétaire d’État, à la manière de Pierre Desproges, que c’est une bonne réponse, mais qu’elle ne répond pas à ma question ! (Sourires.)

M. Bernard Piras. En effet, je vous demandais de façon précise si M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche comptait engager un dialogue à l’amiable.

Dans la mesure où le rapport des experts met précisément en cause l’INRA, donc l'État, il appartient bien à ce dernier d’essayer de régler cette question. Les tribunaux administratifs jugeront. Cela étant, un règlement à l’amiable me paraissait plus adéquat.

Vous proposez un plan de lutte, mais cela fait vingt-cinq ans que des plans d’action successifs contre la sharka sont évoqués. Le problème est donc bien connu : il s’agit d’indemniser les agriculteurs qui ont perdu leur outil de travail et leur source de revenus, à la suite d’erreurs commises par un organisme de l’État.

sort réservé à la maison d’arrêt d’aurillac

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 906, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Jacques Mézard. Madame la ministre, ma question porte sur l’avenir de la maison d’arrêt d’Aurillac.

À l’automne dernier, une délégation de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, conduite par son vice-président Jean-René Lecerf, s’est rendue dans cette maison d’arrêt. À la suite de cette visite, la commission des lois a considéré, dans son avis budgétaire du 19 novembre 2009, que cet établissement était exemplaire et que sa taille constituait l’échelle la plus adaptée pour permettre la prise en charge des personnes détenues.

En dépit de ces constatations positives, il ressort d’un courrier ministériel du 7 avril 2010 que les travaux à réaliser, qui ont été chiffrés, concernant l’aménagement de la porte d’entrée principale de cette prison sont gelés, dans l’attente du choix définitif des sites qui seront amenés à fermer dans le cadre de l’élaboration du nouveau programme immobilier pénitentiaire.

Pourtant, cette maison d’arrêt, située au cœur de la ville d’Aurillac, permet, dans un département confronté à un grave problème de désertification, de garantir le maintien des liens familiaux, facteur important de réinsertion.

Le fait que la fermeture de cette maison d’arrêt soit ne serait-ce qu’envisagée est, pour nous, inacceptable ! Le Cantal est l’un des départements les plus enclavés de France, sinon le plus. C’est un département où il existe encore une cour d’assises, un tribunal de grande instance, deux tribunaux d’instance et où il est bien plus facile qu’ailleurs d’accueillir des détenus dans les conditions les plus favorables à leur réinsertion.

De mon point de vue, sans faire systématiquement leur procès – ce serait injuste à leur égard –, les hauts fonctionnaires ne se déplacent pas suffisamment dans ce que l’on appelle la France profonde.

La préfecture étant à deux heures et quart de route et de train tant du siège de la cour d’appel – et quel trajet pour s’y rendre ! – que de la maison d’arrêt la plus proche, il n’est pas raisonnable d’envisager la fermeture de celle d’Aurillac. C’est une politique de « déménagement du territoire » !

Madame la ministre, tous les élus du département sont mobilisés sur ce dossier. Ainsi, le 11 mai 2010, mon collègue député UMP Vincent Descoeur a déjà posé une question orale sur le sujet. M. le secrétaire d’État à la justice lui a répondu en ces termes : « Cet édifice est en bon état de conservation mais, à terme, il ne pourra être mis en conformité avec les nouvelles règles pénitentiaires européennes […] ». Au vu de l’état général des prisons françaises, il s’agit d’un argument totalement spécieux ! D’ailleurs, la délégation de la commission des lois a pu vérifier que la maison d’arrêt d’Aurillac était, au contraire, dans un état que l’on pouvait considérer comme très positif.

Par conséquent, s’il est envisagé d’appliquer de cette manière la révision générale des politiques publiques, la RGPP, je ne crois pas que ce soit une bonne chose.

En tout cas, au nom de mes concitoyens et de l’ensemble des élus du département, j’attire l’attention du Gouvernement sur l’effet catastrophique d’une telle décision. Si les Corses et les Basques ont droit au maintien du lien familial pour les détenus, il serait tout de même curieux qu’il n’en aille pas de même pour les Cantaliens !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’accepter les excuses de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui ne pouvait pas être présente ce matin en raison des impératifs de son agenda.

La maison d’arrêt d’Aurillac a été construite en 1860, à proximité du palais de justice en centre-ville, et mise en service en 1868. C’est donc une vieille dame ! (Sourires.)

L’établissement est doté d’une capacité de soixante-douze places en détention hommes, réparties sur trente-deux cellules, dont trente cellules multiples de deux, trois ou quatre places.

Des travaux de mise en conformité électrique et de réfection de l’interphonie en détention ont été effectués en 2008 et en 2009, pour un montant de 309 000 euros.

Comme vous l’avez rappelé dans votre question, l’édifice est bien entretenu, même s’il est ancien. Pour autant, à ce jour, il ne répond pas aux exigences de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 en matière de prise en charge des détenus.

Le futur plan national immobilier, en cours de validation, permettra de répondre à l’objectif de prévention de la récidive et de préparation à la réinsertion, en garantissant l’encellulement individuel et en développant les surfaces consacrées aux activités socioculturelles, sportives, scolaires et professionnelles. Ainsi, il est prévu plus de trois mètres carrés de surface d’activité par détenu, afin d’offrir cinq heures d’activités par jour.

Par ailleurs, le maintien des liens familiaux reste une priorité. Le nombre d’unités de vie familiale, ou UVF, et de parloirs familiaux sera fixé pour que chaque détenu ait la possibilité de disposer d’un parloir de ce type par trimestre.

De plus, l’aménagement des parloirs pour les familles et les avocats, ainsi que des locaux d’accueil des familles, sera particulièrement soigné en termes de qualité et de confort.

L’implantation de l’établissement d’Aurillac, situé en agglomération sur un site contraint, offre peu de possibilités d’extension pour se mettre en conformité avec la loi.

Ces éléments seront évoqués lors de la validation du nouveau programme immobilier.

Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ne manquera pas de vous tenir informé des éléments relatifs au devenir de la maison d’arrêt, sur lequel vous avez attiré son attention.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je vous renvoie le ballon, madame la ministre, car le Gouvernement a botté en touche ! (Sourires sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

En effet, de tels propos sont surréalistes ! Nous savons pertinemment que la maison d’arrêt d’Aurillac fonctionne très bien, que les conditions de vie des détenus y sont tout à fait favorables par comparaison avec celles d’autres établissements pénitentiaires et que l’accueil des familles, comme celui des avocats – je peux en témoigner ! –, s’effectuent dans de bonnes conditions.

Par conséquent, il s’agit véritablement d’un choix politique, et ce que je viens d’entendre a plutôt tendance à m’inquiéter !

Madame la ministre, dans un département où il n’y aura plus ni train, ni avion, ni autoroute dès cet été, où deux tribunaux sur quatre viennent d’être supprimés et où le maintien des haras nationaux est menacé, peut-être faudra-t-il également songer, après avoir fermé la maison d’arrêt, à supprimer la préfecture et à faire partir les habitants ! (Mme la ministre s’exclame.)

lutte contre la fracture numérique

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 913, transmise à Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.

M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, je me permets d’attirer l’attention du Gouvernement sur les dispositions de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, s’agissant notamment des dispositions visant au basculement progressif vers la télévision numérique terrestre.

En effet, les conditions de couverture du territoire, prévues par la loi sont, me semble-t-il, loin d’être remplies, notamment dans mon département, la Haute-Savoie. Ainsi, sont couvertes 50 % seulement des communes de la communauté de communes des Vallées de Thônes, que vous connaissez bien, madame la ministre des sports ! (Mme le ministre de la santé et des sports acquiesce.) De ce fait, les collectivités territoriales risquent d’être contraintes de participer au financement de la mise aux normes des réémetteurs secondaires, qu’elles ont déjà financés lors de leur première installation. Par exemple, seize réémetteurs secondaires pour la vallée que j’ai évoquée ont été cofinancés par ces collectivités.

Pourtant, la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur dispose que les éditeurs de services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique devront assurer la diffusion de leurs services par voie hertzienne terrestre en mode numérique auprès de 95 % de la population française.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que, dans le cadre de l’examen par le Sénat de ce texte, j’avais déposé un amendement visant à moduler l’aide distribuée par le fonds destiné à aider les Français les plus défavorisés socialement et géographiquement à continuer à recevoir les services de télévision lors de l’extinction de la diffusion analogique, en fonction des solutions techniques de réception disponibles, notamment pour les zones montagneuses dans lesquelles les frais destinés à la continuité de la réception des services de télévision seront nécessairement plus élevés qu’en zone urbaine, compte tenu des contraintes physiques inhérentes à cette topographie. Cet amendement avait été adopté à l’unanimité.

En outre, la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique a créé une aide de 250 euros, sans conditions de ressources, pour les foyers qui se trouveront en zone noire pour la télévision numérique terrestre, la TNT, par voie hertzienne.

Par conséquent, je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de bien vouloir me préciser les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour, d’une part, assurer l’équité de traitement des citoyens sur l’ensemble du territoire et, d’autre part, éviter aux collectivités locales – c’est vers elles, et plus particulièrement vers les maires, que nos compatriotes se tourneront – d’éventuelles participations financières qui ne leur incombent nullement, surtout dans le contexte actuel de crise économique et d’incertitude quant à leurs ressources propres, induite par la réforme de leur fiscalité.

Il me semble également indispensable de faire réaliser une étude approfondie, afin de disposer de données précises permettant de comparer le coût des aides aux foyers et celui des investissements à réaliser par les pouvoirs publics. Ces coûts étant susceptibles d’atteindre des niveaux élevés dans certains secteurs à fort relief, peut-être serait-il plus judicieux et économique d’élargir ou de systématiser le bénéfice de l’aide à l’antenne satellite ?

Enfin, je souhaite savoir quand se réunira la commission départementale de transition vers la télévision numérique instituée par la loi du 17 décembre 2009. En effet, il me semble nécessaire qu’elle soit convoquée le plus rapidement possible.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.

En tout état de cause, la question de la fracture numérique intéresse évidemment aussi la ministre de la santé que je suis : le nécessaire développement de la télémédecine et de la télésanté est au cœur de mes préoccupations. (M. Jean-Claude Carle acquiesce.) Je suis donc particulièrement heureuse de vous apporter les éléments de réponse de Mme la secrétaire d’État.

Vous avez interrogé le Gouvernement sur les dispositions de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, s’agissant notamment de l’accompagnement du basculement vers la télévision numérique terrestre.

Après le 30 novembre 2011, date prévue pour l’extinction de la diffusion terrestre analogique, 95 % de la population française pourra bénéficier de la couverture des services de télévision diffusés par voie hertzienne en mode numérique.

Plusieurs mesures visant à garantir la continuité de la réception par les téléspectateurs sont donc prévues. Il s’agit d’aider les foyers à réussir ce passage à la télévision tout numérique par plusieurs dispositifs d’aide ou d’assistance. Vous en avez d’ailleurs évoqué quelques-uns.

Il s’agit, d’abord, d’une aide à l’équipement numérique d’un montant maximal de 25 euros pour l’acquisition d’un adaptateur TNT pour les personnes exonérées de la redevance audiovisuelle et dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 8 000 euros.

Il s’agit, ensuite, d’une aide à l’antenne d’un montant maximal de 120 euros, accordée lorsqu’il est nécessaire d’adapter, de réorienter ou de remplacer une antenne râteau ou une antenne intérieure pour continuer à recevoir la télévision après le passage au tout numérique ; cette aide peut être accordée aux personnes exonérées de la redevance audiovisuelle et dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 20 000 euros.

Il s’agit, encore, d’une intervention gratuite à domicile pour le branchement et le réglage de l’équipement numérique pour les personnes ayant plus de 70 ans ou ayant un taux d’incapacité permanente supérieur à 80 %.

Il s’agit, enfin, d’une aide d’un montant maximal de 250 euros, sans conditions de ressources, pour permettre aux personnes perdant la réception hertzienne de la télévision au moment du basculement au tout numérique d’installer une parabole.

En complément, les collectivités territoriales peuvent participer à ce processus et à l’accompagnement des téléspectateurs. En effet, aux termes de la loi du 17 décembre 2009, l’État doit verser une compensation financière aux collectivités territoriales installant des émetteurs TNT dans les zones qui perdront la réception hertzienne après le basculement au tout numérique.

Un décret sera pris dans les jours à venir pour fixer les modalités de mise en œuvre de cette disposition. Aux termes de ce décret, les collectivités locales, qui mettront en place une solution technique au moins deux mois avant la date d’extinction de la télévision en mode analogique, percevront une contribution de 100 euros multipliés par le nombre de foyers couverts par cette solution, dans la limite de 80 % des dépenses d’investissements.

Enfin, vous avez interrogé le Gouvernement sur la mise en place des commissions départementales de transition vers la télévision numérique, qui ont été instituées par la même loi.

À cet égard, je vous informe que le décret fixant les modalités de composition de ces commissions a été publié au Journal officiel le 20 juin dernier. Ce décret prévoit que ces commissions sont constituées, outre le préfet du département, qui les préside, de trois représentants des services déconcentrés de l’État, d’un représentant du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et de cinq représentants des collectivités territoriales. Mme la secrétaire d'État est sur le point de transmettre aux préfets une circulaire explicitant le contenu de ce décret. Les commissions pourront ainsi se réunir au plus vite dans chaque département.

J’espère, monsieur le sénateur, vous avoir apporté les précisions nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous nous avez apportées concernant les aides individuelles et les aides aux collectivités locales, en rappelant notamment l’engagement pris par l’État d’aider les collectivités locales qui agiront au moins deux mois avant la date d’extinction de la diffusion analogique.

Vous nous avez également informés de la récente publication du décret relatif à la composition des commissions départementales de transition vers la télévision numérique, ainsi que de la prochaine diffusion d’une circulaire explicative de Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique.

Enfin, vous nous avez annoncé la réunion prochaine de ces commissions.

Ces précisions répondent à l’attente des élus des territoires de montagne, mais aussi à celle des téléspectateurs, qui ne souhaitent pas rester face à un écran noir durant des mois, voire des années !

sauvegarde et développement du service public de santé à melun

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 924, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

M. Michel Billout. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les dysfonctionnements que connaît aujourd’hui l’hôpital de Melun, sur la nécessité d’y remédier et d’en tirer les enseignements pour redéfinir le projet de nouvel hôpital.

Voilà plusieurs mois, la permanence de l’équipe médicale au bloc opératoire de l’hôpital de Melun a été supprimée, entre 18 heures 30 et 8 heures du matin, en semaine, et totalement le week-end. Le dernier acte chirurgical doit donc être programmé, en semaine, à 17 heures, dans la mesure où la salle de réveil est fermée à partir de 18 heures 30.

La direction de l’hôpital a justifié une telle décision en indiquant qu’une cinquantaine de patients seulement étaient opérés chaque année sur la plage horaire comprise entre minuit et 5 heures du matin. Quel est le rapport avec les horaires de fermeture ? Curieuse conception de l’arithmétique, vous en conviendrez !

Les praticiens se sont livrés à un décompte extrêmement précis des situations : au cours des six derniers mois, 116 patients ont dû être transférés du service d’urgence de Melun vers d’autres établissements, en grande majorité privés, entre 18 heures et 8 heures du matin, du fait de la fermeture du bloc opératoire. Sur ce total, on relève 35 urgences vitales, heureusement sans incident particulier, mais jusqu’à quand la chance jouera-t-elle ? En revanche, certains cas trop lourds ont dû être pris en charge au bloc opératoire de la maternité. Selon les personnels que j’ai rencontrés, cette mesure, outre les risques qu’elle impose aux patients et aux équipes médicales, fragilise bien évidemment le dispositif de la maternité.

Une création interhospitalière et un groupement de coopération sanitaire avec le centre hospitalier de Montereau ont été décidés en 2009, mais sans réels moyens ni en termes de capacités d’accueil ni en personnels : la permanence en chirurgie viscérale, par exemple, n’est pas assurée toutes les nuits à Montereau. Cette coopération est donc devenue rapidement caduque dans la réalité. Ainsi, la fermeture du bloc chirurgical met en péril la vie des patients et affaiblit grandement l’hôpital.

Une telle situation provoque évidemment une évasion du personnel médical : en 2008, on comptait six chirurgiens viscéraux pour seulement deux et demi aujourd’hui. Les personnels auraient pu espérer que cette hémorragie cesserait avec la création d’un nouvel hôpital à Melun, si le projet initial n’avait prévu de confier à un partenaire privé l’ensemble des opérations chirurgicales planifiées et de ne conserver dans le secteur public principalement que les urgences.

Au vu des dysfonctionnements constatés et des difficultés budgétaires de l’hôpital public provoquées par de trop nombreux transferts vers le secteur privé, je souhaite connaître les raisons qui poussent le Gouvernement à favoriser la privatisation du système de santé dans le secteur du sud de la Seine-et-Marne et je demande que le projet du futur hôpital soit à 100 % public, afin de permettre à cet établissement d’avoir les moyens de son fonctionnement et de son développement futur au profit d’un bassin de recrutement de 300 000 habitants, en constante augmentation.

Je souhaite également être assuré que ce futur hôpital verra réellement le jour à Melun, dans la mesure où l’Agence régionale de santé semble réfléchir à un projet de territoire qui pourrait intégrer les patients du secteur de Melun au futur hôpital d’Évry-Corbeil.

Je souhaite enfin connaître les dispositions que compte prendre le Gouvernement pour que la sécurité sanitaire, qui n’est plus totalement assurée en soirée, la nuit et le week-end sur le secteur de Melun, soit rétablie. C’est une véritable question d’urgence !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, votre question me permet de répondre pour mon compte, si je puis dire, dans tous les sens du terme, puisque nos dépenses hospitalières publiques sont les plus élevées du monde !

Vous m’interrogez, très précisément, sur la situation de l’hôpital de Melun et sur la question de l’offre publique de soins.

La garantie de l’accès aux soins et l’amélioration de la qualité de l’offre de soins sont évidemment parmi mes toutes premières priorités : l’hôpital public est la pierre angulaire de notre système de santé et doit donc répondre à ces objectifs essentiels de ma politique. L’hôpital public doit aussi s’adapter aux nouveaux besoins de la population implantée sur son territoire et rechercher l’équilibre budgétaire, car l’absence de ce dernier freine toute évolution et toute perspective de développement pour l’hôpital public.

Dans ce contexte, l’hôpital doit évidemment prendre en considération les autres partenaires de son territoire.

L’hôpital public de Melun a connu pendant longtemps de profondes difficultés. De réels progrès ont été enregistrés ces dernières années dans l’amélioration de la prise en charge des patients et du respect de l’équilibre budgétaire.

Je rappelle à ce sujet que les deux tiers des hôpitaux français sont en équilibre budgétaire ou en excédent : il ne s’agit donc pas d’une mission impossible. C’est bien le déficit qui est l’exception dans notre pays, et non l’excédent !

Aujourd’hui, à l’hôpital public de Melun, les professionnels de santé et l’équipe de direction, je tiens à le souligner, sont très mobilisés. L’établissement a développé des actions de coopération importantes avec d’autres établissements publics – vous avez cité le centre hospitalier de Montereau, monsieur le sénateur –, en cherchant à améliorer la prise en charge des urgences chirurgicales. Une organisation a été définie, en concertation avec les différents services concernés, qu’il s’agisse des urgences et du SAMU, pour assurer la qualité et la sécurité de la prise en charge.

En outre, l’offre de soins privée s’est développée depuis plusieurs années en cardiologie, ainsi qu’en chirurgie.

Mon objectif est donc de permettre aux patients de pouvoir choisir leur structure de prise en charge, en garantissant une égalité dans l’accès aux soins. Le choix d’un établissement ne doit pas être influencé par les tarifs pratiqués.

Par ailleurs, un principe s’impose, celui de la gradation, ou de la graduation – les deux termes sont utilisés – des soins. L’hôpital de Melun ne saurait bien entendu réaliser toutes les activités : chacun l’a compris, et personne ne défend plus une telle théorie, qui serait absurde !

Il importe qu’une véritable réflexion s’engage pour proposer un dimensionnement qui permette de mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population. Il est indispensable de prendre en compte l’ensemble des partenaires existants, y compris le centre hospitalier sud-francilien dont la reconstruction est en cours.

C’est dans ce contexte que doit être étudié le projet de nouvel hôpital, en intégrant les partenariats éventuels et l’évolution de l’offre de soins. Dans ce cadre, l’hôpital de Melun a toute sa place.

Monsieur le sénateur, je peux vous garantir que je suis, autant que vous, attachée à la pérennité et à la performance de l’hôpital public.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Madame la ministre, je note que vous m’avez répondu de manière assez générale sur les problèmes de la politique de santé. Il est vrai que j’aurais souhaité obtenir une réponse plus précise sur une situation qui me paraît très préoccupante.

L’hôpital public de Melun ne saurait être à égalité avec d’autres structures, considérées comme complémentaires, mais en fait profondément concurrentes, dès lors qu’il ne peut plus effectuer d’actes chirurgicaux la nuit ! Alors que Melun est la préfecture, le centre vital de notre département, la tendance actuelle consiste plutôt à « dispatcher » le service des urgences de son hôpital public sur les établissements voisins, plutôt qu’à lui accorder les moyens de traiter sur place les cas difficiles !

Madame la ministre, vous avez souligné la mobilisation des personnels de santé, je vous en donne acte. Certains médecins ont effectivement permis de sauver des vies humaines, et ce dans des conditions extrêmement difficiles, en utilisant des moyens qui n’étaient pas prévus à cet effet. Le bloc de chirurgie obstétrique de la maternité n’a pas à accueillir les urgences autres que celles pour lesquelles il a été conçu.

Vous me permettrez donc, madame la ministre, de réitérer mes inquiétudes : plus que jamais, une forte mobilisation locale s’impose pour obtenir des réponses plus précises et plus satisfaisantes !

écoles conventionnées au gabon

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann, auteur de la question n° 918, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le secrétaire d’État, au Gabon, les six écoles publiques conventionnées, ou EPC, scolarisent plus de deux mille élèves, dont 45 % d’enfants de Français expatriés ou résidents. Ce système original perdure depuis les années 1970 et assure un enseignement de qualité conforme aux programmes français, à la satisfaction générale des parents français et gabonais. Son financement est assuré par les frais de scolarité, s’élevant à environ mille euros par an et par enfant, recueillis par l’association des parents d’élèves.

Sur le plan pédagogique, l’enseignement est assuré par le détachement, dans le cadre de la coopération française, de dix-neuf enseignants français titulaires de l’éducation nationale. Ils enseignent aux enfants et, pour un tiers d’entre eux, forment leurs collègues gabonais.

Depuis plusieurs années, les postes d’assistants techniques sont peu à peu supprimés ; leur disparition, à terme, est redoutée par les parents d’élèves, persuadés que seule une présence significative d’enseignants français permet de garantir la qualité de l’enseignement dispensé. Un plan prévoit même la déflation des effectifs d’assistants techniques restants, afin que ces écoles n’aient plus, à partir de 2012, que des enseignants et des directeurs gabonais, encadrés par six maîtres-formateurs français titulaires.

La convention liant l’État gabonais à l’État français arrive à échéance en août prochain et doit donc être renégociée.

Il semblerait que le ministère des affaires étrangères n’ait pas pris toute la mesure de cette « exception gabonaise » et qu’il considère les EPC comme un projet de coopération devant être soumis à la déflation des moyens, à la même enseigne que tous les autres projets, et non pas comme une obligation pour la France d’assurer, comme dans tous les autres postes, la scolarisation des enfants français au Gabon par le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, réseau d’ailleurs inexistant pour l’enseignement primaire dans ce pays.

L’homologation des établissements par le ministère de l’éducation nationale suppose un taux d’encadrement de 50 % par des enseignants titulaires ; or, à ce jour, ce taux n’atteint que 35 % dans les EPC du Gabon. À terme, la qualité de l’enseignement sera donc remise en cause.

Le 24 février 2010, lors de sa visite au Gabon, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a donné un espoir à la communauté française de ce pays en s’engageant à veiller au maintien de l’aide de la France aux écoles conventionnées.

Dans ce contexte, quelles sont vos intentions, monsieur le secrétaire d'État, pour garantir la pérennité de l’enseignement primaire à programme français dans le cadre des EPC ?

Quels moyens comptez-vous dégager pour aligner le poste du Gabon sur ses voisins de l’Afrique centrale ? Dois-je rappeler que le nombre d’enseignants, pour la même population scolaire concernée, s’élève à trente-quatre en République démocratique du Congo, par exemple, pour dix-neuf à peine au Gabon ? C’est une véritable discrimination !

Il n’est pas envisageable que les enfants français du Gabon ne reçoivent pas un enseignement de qualité, au même titre que leurs camarades résidant au Cameroun, pour prendre un autre exemple !

Le rééquilibrage des charges en personnel français expatrié, et donc qualifié, ne pouvant venir ni du ministère gabonais de l’éducation ni des parents d’élèves déjà très sollicités, seule une prise en compte de la situation par notre tutelle peut apporter aux parents français, cadres, expatriés publics et privés, entre autres, les assurances qu’ils attendent de leurs représentants.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, empêché de venir vous répondre bien que présent à Paris.

J’espère toutefois, même si le Gabon ne figure pas directement dans mes attributions et le périmètre des affaires européennes, vous fournir des éléments d’information qui vous serviront de viatique en vue d’une conversation avec M. le ministre des affaires étrangères et européennes, susceptible d’apporter les réponses précises que mérite votre question.

Comme vous le savez, le Gouvernement prend actuellement des mesures de restriction financière. Néanmoins, les points que vous soulevez sur le droit à l’éducation de tous les enfants français sont fondamentaux, et M. Kouchner, je n’en doute pas, ne refusera pas de s’en entretenir avec vous.

À ce stade, je me contenterai de vous donner lecture des points suivants :

Premièrement, le dispositif des écoles primaires conventionnées au Gabon continuera de bénéficier de l’aide de l’administration française et devrait même connaître un accroissement de ses capacités.

Deuxièmement, à la suite de la mission à Libreville des services du ministère des affaires étrangères et européennes, en février dernier, il a été convenu, dans le cadre de la nouvelle convention entre le ministère gabonais de l’éducation nationale et notre ambassade à Libreville, que les établissements concernés devraient continuer à s’appuyer sur des enseignants français, recrutés localement, et sur un nombre d’assistants techniques inchangé.

Troisièmement, la nouvelle convention de partenariat devrait par ailleurs confirmer l’engagement de la partie gabonaise sur la maintenance des établissements. L’association des parents d’élèves, quant à elle, prendrait en charge, en s’appuyant sur notre expertise, la gestion tant humaine que financière de ces écoles, qui ont aussi vocation à la formation professionnelle d’enseignants gabonais.

Enfin, non seulement l’engagement de la France à l’égard de ce réseau d’excellence est maintenu, mais celui-ci devrait même gagner en extension afin de rayonner également auprès des familles de nationalité tierce. Un projet d’ouverture d’un cycle complet de sections de maternelle, visant à nous attacher une population scolaire actuellement attirée par des offres privées, devrait même être mis en œuvre.

Conscient de l’enjeu tant pour les enfants de nos compatriotes que pour le Gabon, je puis vous assurer que le Quai d’Orsay continuera de suivre avec la plus grande attention l’évolution de ce dossier.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie infiniment de votre réponse. Je n’ignore pas le mal qu’elle vous a donné.

Je suis tout de même quelque peu peinée et étonnée que M. Kouchner n’ait pas donné sa réponse. Cette question est posée depuis longtemps. Le sujet que nous abordons est important pour les Français de l’étranger, qui ne se distinguent en rien des Français de France. Ils disposent aussi, je le rappelle, du droit de vote !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je le sais !

Mme Christiane Kammermann. J’en suis consciente, monsieur le secrétaire d’État, mais je suis affectée par le manque d’attention dont fait preuve M. Bernard Kouchner. Vous dites qu’il me recevra… Je le souhaite, pour pouvoir lui faire part de mes remarques, et j’espère qu’il aura une réponse positive et plus approfondie à m’apporter.

dysfonctionnements dans le suivi des dossiers du programme européen leader

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la question n° 912, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Mme Bernadette Bourzai. Madame la ministre, j’appelle l’attention de M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche sur les difficultés rencontrées par les groupes d’action locale, les GAL, dans la mise en œuvre du programme LEADER, liaison entre actions de développement de l’économie rurale.

L’objectif de ce programme européen est de soutenir les zones rurales défavorisées, à condition que celles-ci s’organisent autour d’un partenariat d’acteurs public et privés. Ces derniers, organisés en GAL, doivent s’accorder sur une stratégie commune de développement. Celle que le GAL choisit constitue le cadre théorique pour sélectionner les porteurs de projets qu’il souhaite voir financer par l’Union européenne.

Ce programme européen permet de soutenir environ cent quarante territoires ruraux en France. Constituant l’axe 4 du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, il s’agit de la quatrième génération de programmes de ce type, qui ont connu un grand succès. Toutefois, à la différence des précédentes générations de programmes, l’enveloppe financière n’est plus gérée directement par le GAL. Si celui-ci réalise l’ingénierie, le montage et l’instruction des projets, en revanche, le suivi et le paiement des dossiers relèvent des directions départementales de l’agriculture et de l’agence de services et de paiement, l’ASP.

En raison de sa complexité, ce dispositif souffre de nombreux blocages.

Ainsi, en Limousin, le GAL du parc naturel régional de Millevaches a constaté que, en un an et demi, sur une vingtaine de dossiers déposés, un seul avait fait l’objet d’un engagement juridique. Les obstacles sont identifiés : dysfonctionnements de l’instrumentation informatique du programme ; instabilité juridique du dispositif, notamment sur la TVA, qui amène à revoir des dossiers ayant fait l’objet d’une programmation ; déficience en moyens humains de la direction départementale des territoires, ce qui met en péril les associations et les organismes bénéficiaires de crédits européens. Par ailleurs, les crédits correspondant aux axes 1 et 2 ne sont toujours pas livrés par l’agence de services et de paiement. Or les agriculteurs attendent depuis mi-2009, c'est-à-dire depuis déjà un an, et ce en pleine crise agricole.

Le GAL se tourne vers le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, qui a été sensibilisé aux risques de désaffection à l’égard du programme et, donc, d’échec des actions projetées, lesquelles sont pourtant nécessaires au milieu rural. Des contacts et des échanges existent, notamment au travers de l’association Leader France, dont le rôle doit être reconnu.

Madame la ministre, comment comptez-vous sécuriser le dispositif du programme LEADER et fluidifier l’instruction des dossiers ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord d’excuser Bruno Le Maire, retenu par la préparation de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche par l’Assemblée nationale.

L’axe 4 du programme LEADER, financé dans le cadre du Fonds européen agricole pour le développement rural, a permis de sélectionner, pour la période 2007-2013, deux cent vingt-deux groupes d’action locale, qui mettent en œuvre une stratégie locale de développement et bénéficient, pour ce faire, de fonds européens.

L’intégration de cet axe dans une politique européenne plus large de développement rural a pu entraîner des difficultés ponctuelles.

C’est pourquoi le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche a demandé qu’un rapport lui soit remis sur le sujet. Il l’a été à la fin du mois d’avril. Depuis, un groupe de travail, auquel l’association Leader France participe, a été constitué.

Ces deux initiatives ont permis d’aboutir à plusieurs décisions de différentes natures : simplification administrative, développement informatique, stabilisation des règles de gestion et de fluidification des procédures, incluant notamment la possibilité rendue aux GAL de prendre une place plus importante dans ces dernières.

Une solution a également pu être trouvée pour les dossiers de l’axe 2 dont certains étaient bloqués au paiement.

Madame la sénatrice, vous évoquez le cas de dossiers qui ont dû être réexaminés. Cette difficulté est liée à l’entrée en vigueur, en cours de programmation, d’une nouvelle réglementation européenne, qui a introduit des modifications pour les règles de gestion.

Concernant les moyens en ressources humaines affectés à LEADER dans les directions des territoires, des instructions vont être données pour tenir compte de la charge de travail.

Enfin, d’autres expertises sont par ailleurs en cours et devraient aboutir d’ici à l’automne. Elles permettront d’accélérer encore la mise en œuvre de cet axe.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Je prends acte des annonces qui viennent d’être faites quant à l’amélioration des procédures et à la mise en place du groupe de travail sur le sujet. Je souhaite que ces mesures soient efficaces.

Néanmoins, je crains que les difficultés ne soient en partie liées à la forte diminution des effectifs au sein des directions départementales des territoires, qui ont remplacé les directions départementales de l’agriculture et de la forêt, les DDAF, et les directions départementales de l’équipement, les DDE, ce qui est la conséquence de la révision générale des politiques publiques, ou RGPP.

Comme vous l’avez indiqué, madame la ministre, et j’en conviens tout à fait, de tels programmes sont extrêmement utiles. Néanmoins, toutes les difficultés que j’ai mentionnées ne favorisent guère une bonne appréciation de la part des populations, notamment rurales, de l’action de l’Union européenne.

Je souhaite donc vivement que la simplification des procédures soit non pas simplement un discours, mais une réalité dans les faits.

crise de la filière rizicole en guyane

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 917, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

M. Georges Patient. Madame la ministre, j’attire votre attention sur la situation critique de la filière rizicole de Guyane, qui nécessite une intervention urgente.

À maintes reprises, j’ai alerté en vain les pouvoirs publics sur la crise grave que traverse ce secteur, l’un des fers de lance de l’économie guyanaise. Malheureusement, aujourd’hui, si l’on ne réagit pas, l’activité rizicole disparaîtra du territoire, et pour cause : deux entreprises sur les trois restantes sont en liquidation judiciaire, tandis que la troisième s’apprête à quitter le polder rizicole.

Un tel départ marquera inéluctablement la fin de l’activité, avec toutes les conséquences qui peuvent découler de l’abandon d’un polder de plus de 5 000 hectares, bien doté en équipements industriels, qui produisait jusqu’à 30 000 tonnes de riz par an.

Cette production avait un fort impact sur toute l’économie locale, puisqu’elle assurait la totalité de la consommation locale et que le surplus était exporté vers les Antilles et l’Europe. À l’heure où l’on incite au développement endogène dans les outre-mer, ainsi que l’a formulé le Président de la République au sein du Conseil interministériel de l’outre-mer, ou CIOM, cette production locale, qui en est un exemple très caractéristique, ne mérite pas d’être abandonnée.

C’est d’autant plus vrai que le rapport d’octobre 2008, issu de la mission d’inspection commandée conjointement par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche et la secrétaire d’État à l’outre-mer, rappelait que « le riz est la seule spéculation soutenue par l’État au cours des différents plans qui ne s’est pas soldée par un échec pur et simple et que malgré toutes les difficultés auxquelles elle doit faire face, non seulement cette filière subsiste mais elle produit un riz de qualité représentant la seule exportation significative de Guyane ».

Le rapport déclarait également : « La riziculture guyanaise peut se développer de manière viable si un certain nombre de conditions sont réunies et d’autres engagées » et concluait à « son maintien ».

Madame la ministre, des propositions de restructuration de la filière vont dans le sens d’une meilleure intégration de cette activité. Avec le sous-préfet de l’arrondissement de Saint-Laurent du Maroni et les services de l’État en charge de ce dossier, j’ai participé, en ma qualité de maire de Mana, la commune concernée par cette activité, à deux réunions, dont l’une en présence de repreneurs prêts à s’engager.

Cependant, avant de franchir le pas, ces derniers souhaiteraient avoir des réponses précises à des questions précises : les pouvoirs publics, c'est-à-dire l’État et les collectivités locales, sont-ils prêts à mettre en place un plan global de relance de la filière ? Les repreneurs seront-ils accompagnés sur le plan technique et financier pour la reprise de l’activité ? L’État est-il prêt à revoir avec l’Europe les nouvelles règles d’application du POSEIDOM, le Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité pour les départements français d’outre-mer, principalement celles concernant le niveau de rendement, qui paraît irréaliste et irréalisable pour la profession ?

Madame la ministre, j’aimerais connaître la position de l’État sur ces questions.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, en l’absence de M. Bruno Le Maire, je suis en mesure de vous apporter les éléments de réponse suivants :

Le périmètre rizicole de Mana, situé dans l’Ouest guyanais, a été mis en place au début des années quatre-vingt.

Il bénéficie aujourd’hui d’une aide à l’hectare significative de 1 300 euros pour une enveloppe globale de cinq millions d’euros, désormais intégrée au sein du programme spécifique en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union européenne.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, la culture du riz en Guyane a rencontré de nombreuses difficultés, liées notamment à des éléments techniques et agronomiques, aux problèmes de financement rencontrés par les exploitants présents sur le périmètre rizicole et au manque de cohésion dans la gestion collective du périmètre.

Actuellement, les niveaux de production constatés sont très préoccupants.

Pour accompagner leur redressement, la décision a été prise de modifier en 2010 les conditions de l’aide : l’octroi de l’aide au taux plein est désormais conditionné à un objectif de production. Cet objectif est raisonnable : il est établi à 3,5 tonnes par hectare par an en 2010 et doit progressivement augmenter pour atteindre 6 tonnes par hectare par an en 2015.

Cette modification doit permettre de favoriser un rétablissement progressif des rendements constatés sur le polder et le retour à deux cycles annuels sur l’essentiel des surfaces.

Par ailleurs, afin d’éviter de reproduire certaines erreurs du passé, un travail sera conduit dans les prochaines semaines pour identifier des repreneurs potentiels ayant réellement les capacités techniques et financières pour mettre en valeur le polder et retrouver des niveaux de production à la hauteur des montants financiers importants consacrés à la riziculture guyanaise.

(M. Roger Romani remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la ministre, je ne suis que moyennement satisfait par vos propos, car vous ne répondez pas de façon précise à toutes les questions que se posent les repreneurs.

Vos services ont, il est vrai, commencé à travailler sur les points que vous avez mentionnés. Cependant, s’il n’y a pas une intervention très forte, un accompagnement à la fois technique et financier de la part de l'État, je crains que nous n'allions vers l’abandon ou la disparition de cette filière dans sa globalité.

Vous connaissez bien la situation de la Guyane, comme de tous les autres outre-mer, en termes d’accompagnement financier. Je me permets donc d’insister une fois de plus pour que l’État exerce une pression forte auprès de l’appareil bancaire en Guyane.

Le fonds de garantie qui avait été prévu n’a toujours pas été mis en place à l’heure qu’il est. Il est donc nécessaire que celui-ci devienne effectif et que les banques acceptent d’accompagner l’agriculture en Guyane. C’est là notre problème majeur : des repreneurs se présentent, mais si l’on ne leur apporte pas de concours financiers, la filière rizicole guyanaise disparaîtra.

effectifs de police nationale sur la circonscription de melun

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, auteur de la question n° 903, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Colette Mélot. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention de monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la réalité des effectifs de police nationale dans la circonscription de Melun, notamment dans le centre-ville, ainsi que sur l’émergence d’un certain nombre d’agressions contre les personnes et les biens, qui alimentent le sentiment d’insécurité de la population.

Malgré les efforts du Gouvernement pour renforcer efficacement les moyens matériels et humains en matière de lutte contre l’insécurité, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer la diminution des effectifs de la police nationale dans cette circonscription.

Je n’ignore pas que le métier de policier est difficile, exigeant et dangereux, aussi n’entrerai-je pas dans une polémique sur ce sujet ; je souhaiterais néanmoins connaître la réalité des effectifs de police nationale dans la circonscription de Melun et, plus spécifiquement, à Melun intra-muros.

Même si la délinquance globale constatée en Seine-et-Marne a enregistré une baisse en mars 2010 par rapport au même mois de l’année 2009, la délinquance de voie publique dans certains quartiers de Melun, notamment en centre-ville, demeure encore trop élevée.

À titre d’exemple, voilà quelques semaines, un incendie d’origine criminelle, dont le ou les auteurs restent encore à identifier, a détruit à 50 % le stade municipal de Melun, privant ainsi de nombreuses associations majoritairement sportives, scolaires ou extra-scolaires, de compétitions et d’animations, et ce pendant plusieurs mois, voire plusieurs années en attendant la remise en état de cet équipement municipal.

Par ailleurs, une montée de l’insécurité dans le centre-ville de Melun est due à la présence de nombreuses personnes sans domicile fixe, SDF, que l’on pourrait qualifier de jeunes marginaux, qui intimident les clients du supermarché ou d’autres commerces. Certains de ces individus passent parfois à l’acte en se montrant agressifs verbalement, voire physiquement, envers les passants ou les commerçants.

Or, dans ce domaine, notre réponse pénale demeure très faible, même si la réponse policière est forte au vu des interpellations qui ont pu être effectuées.

Enfin, même si le système de vidéoprotection mis en place avec efficacité sur les Hauts de Melun et le centre-ville reste un élément déterminant pour la sécurité de nos concitoyens, son développement aux abords des bâtiments publics ne doit pas occulter la nécessité d’adapter les effectifs humains au contexte local.

Madame la ministre, je sais combien vous êtes attachée à l’obtention de résultats probants et pérennes dans votre engagement au service de la sécurité des Français.

Je sais également combien vous travaillez pour adapter les moyens de la police nationale aux réalités du terrain et pour renforcer les moyens juridiques des polices municipales.

Aussi, j’aimerais connaître les mesures que le Gouvernement envisage de prendre afin de répondre encore plus efficacement aux problèmes de sécurité et aux inquiétudes de la population et d’obtenir des précisions quant aux effectifs de police nationale présents sur la circonscription de Melun.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame le sénateur, vous avez attiré l’attention du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la situation des effectifs de police nationale dans la circonscription de Melun, ainsi que sur l’émergence d’un certain nombre d’agressions contre les personnes et les biens.

Le ministre de l’intérieur a fixé comme priorité absolue la garantie de la sécurité partout et pour tous. Cette exigence vaut pour la circonscription de sécurité publique de Melun, comme pour l’ensemble du territoire national.

À cette fin, il a demandé aux forces de police une mobilisation plus forte que jamais et a pris plusieurs décisions opérationnelles pour renforcer leur réactivité, leur efficacité et l’adaptation de leur action aux évolutions de la délinquance.

S’agissant plus particulièrement de la circonscription de sécurité publique de Melun, l’action de la police s’appuie en particulier sur l’occupation de la voie publique, le développement du recours à la police technique et scientifique et l’exploitation systématique de la vidéoprotection.

Un intense travail partenarial est mené avec tous les acteurs locaux de la sécurité, comme les polices municipales, dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

Des contacts réguliers sont entretenus avec les professions les plus menacées, tels les bailleurs et les gardiens d’immeubles. La sécurité des transports en commun et des établissements scolaires fait également l’objet d’une attention particulière et les relations sont étroites entre leurs responsables et la police.

Enfin, des opérations de contrôle et de surveillance ciblées sont mises en œuvre dans les quartiers sensibles et dans les lieux de rassemblement.

La lutte contre la délinquance exige également des moyens humains. De ce point de vue, les effectifs de cette circonscription de sécurité publique ont augmenté au cours des dernières années : entre le 1er janvier 2005 et le 1er juin 2010, le nombre d’agents est passé de 722 à 776. Les personnels administratifs, techniques et scientifiques ont également connu une augmentation, avec treize personnes supplémentaires, ce qui a permis aux policiers de se recentrer sur leurs missions de sécurité.

La circonscription de sécurité publique de Melun dispose également de deux groupes de sécurité de proximité, d’un équipage de brigade anti-criminalité de jour et de deux équipages de brigade anti-criminalité de nuit.

Cette action produit des résultats puisque, au cours des cinq premiers mois de l’année 2010, les atteintes aux personnes ont baissé de près de 19 % et les atteintes aux biens, de près de 27 %.

La hausse du taux d’élucidation témoigne, en outre, de l’efficacité des services dans la résolution des affaires. Ainsi, s’agissant des atteintes aux personnes, le taux a atteint 46 % au cours des cinq premiers mois de 2010, contre 44 % au cours de la même période l’année dernière.

Madame le sénateur, le ministre de l’intérieur est particulièrement vigilant quant à la situation de votre département et déterminé à faire baisser durablement la délinquance. Le 2 juin dernier, il a d’ailleurs rencontré le préfet et les responsables de la police et de la gendarmerie afin de faire le point sur leurs résultats.

Une nouvelle réunion devrait être organisée prochainement afin de tirer toutes les conséquences de la situation locale et de renforcer davantage encore la sécurité des habitants de Seine-et-Marne.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Madame la ministre, je vous remercie de toutes ces précisions. Sans méconnaître, bien sûr, la réalité du travail effectué par les forces de police, je me dois une nouvelle fois d’insister sur le sentiment d’insécurité qu’expriment, de manière parfaitement légitime, nos concitoyens, qui doivent pouvoir se déplacer et travailler en toute tranquillité.

Je le redis, dans ce domaine, la réponse pénale reste encore faible, même si la réponse policière, elle, est forte, au vu des nombreuses interpellations qui ont été effectuées. Trop souvent, les délinquants récidivent, et c’est à ce niveau qu’il faudrait aussi faire porter les efforts.

compensation des dépenses de gestion du rmi et du RSA pour les départements

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 916, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Francis Grignon. Madame la ministre, l’évolution des dépenses sociales dans les départements est véritablement dramatique, et ce à un double titre : elle souligne, d’abord, bien sûr, la gravité de la situation des personnes concernées ; elle pèse, ensuite, par voie de conséquence, sur les finances départementales.

Le niveau des dépenses de gestion du RMI, le revenu minimum d’insertion, et du RSA, le revenu de solidarité active, me conduit à vous poser deux questions. Pour illustrer la situation actuelle, je prendrai l’exemple du Bas-Rhin, que je connais bien, mais j’aurais tout aussi bien pu prendre celui de n’importe quel autre département.

Dans le Bas-Rhin, donc, malgré une dotation complémentaire de 8,6 millions d’euros versée en 2009 au titre du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion, le FMDI, le coût net de la gestion du RMI-RSA restant à la charge de la collectivité s’est élevé à 22,3 millions d’euros. Dans l’état actuel des premières prévisions, les recettes du département pour 2011 connaîtraient un taux de progression insuffisant pour couvrir une augmentation des dépenses sociales de l’ordre de 6 % à 7 %.

Ma première question est donc la suivante : le Gouvernement envisage-t-il de proroger le FMDI au-delà de 2010, tout en lui conférant un caractère pérenne par l’inscription de son montant dans un cadre pluriannuel ?

Par ailleurs, la généralisation du RSA en 2010 a, pour le département du Bas-Rhin, un impact financier estimé à 16,5 millions d’euros, alors que la compensation provisionnelle allouée par l’État s’élève seulement à 10,4 millions d’euros.

Une clause de réexamen est prévue à la fin de 2010 et de 2011 pour apprécier l’écart entre la compensation provisionnelle reçue et les charges réelles engagées par les départements. Les ajustements nécessaires doivent être inscrits dans la loi de finances suivant l’établissement des comptes administratifs correspondants. Ainsi, les dépenses supplémentaires réalisées en 2009 et 2010 au titre du RSA ne seront respectivement compensées que par les lois de finances rectificatives pour 2010 et 2011. Dans l’intervalle, la couverture du surcroît de dépenses demeure donc à la charge exclusive des départements.

Pour le Bas-Rhin, cette avance de trésorerie à supporter sur une période comprise entre douze et dix-huit mois représentera 3 millions d’euros pour 2009 et 6,5 millions d’euros pour 2010.

Madame la ministre, ma seconde question est la suivante : pour pallier cette charge de trésorerie pénalisante, l’État ne pourrait-il pas abonder la compensation provisionnelle en loi de finances initiale pour 2011 sans attendre la loi de finances rectificative, ou bien, à tout le moins, autoriser les départements à inscrire en recettes, au titre des exercices 2010 et 2011, le montant du droit à compensation estimé à ce stade ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le sénateur, vous interrogez le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la compensation des dépenses de gestion du RMI et du RSA pour les départements.

La situation financière des départements, s’agissant en particulier des effets de la crise économique sur leurs recettes et leurs dépenses d’aide sociale, est suivie avec une attention toute particulière par le Gouvernement.

Le Premier ministre a réuni, le 1er juin dernier, les ministres concernés et la commission exécutive de l’Assemblée des départements de France afin d’engager un travail de concertation. Il a annoncé, à l’issue de cette rencontre, les quatre mesures suivantes.

Il s’agit, tout d’abord, de la mise en place, d’ici au mois de septembre, d’une mission d’appui pour accompagner les départements les plus en difficulté et leur proposer un contrat de stabilisation qui comportera des mesures d’accompagnement financier.

Il s’agit, ensuite, de l’installation de groupes de travail chargés d’étudier les suites à donner aux propositions du rapport remis en avril dernier par M. Jamet.

Il s’agit, encore, conformément aux annonces du Président de la République, du gel de toute norme nouvelle entraînant des dépenses pour les collectivités locales, à l’exception de celles qui sont imposées par les directives communautaires.

Il s’agit, enfin, du lancement d’une réflexion sur les trois prestations d’aide sociale que sont le RSA, la PCH, la prestation de compensation du handicap, et l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie. Pour cette dernière en particulier, il convient de se situer dans le cadre du débat sur la réforme de la dépendance qui sera engagée avant la fin de l’année 2010.

S’agissant des modalités de compensation du RSA, les clauses de revoyure prévues par la loi sont mises en œuvre chaque année, jusqu’en 2011, pour assurer la meilleure adéquation entre le montant des compensations provisionnelles et celui des charges supportées par les départements.

Du fait de la crise, la part du RSA financée par les départements s’est révélée supérieure aux prévisions initiales. C’est ce qui a notamment incité le Gouvernement, dans le cadre de la loi de finances pour 2010, à reconduire le montant en année pleine de la compensation versée en 2009, soit 644 millions d’euros, alors qu’une application stricte de la loi aurait amené à fixer la compensation pour 2010 à 599 millions d’euros ; l’effort de l’État est donc égal à 45 millions d’euros.

Nous aurons de nouveau l’occasion d’examiner, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, les modalités de compensation du RSA. En effet, comme vous le savez, l’article 7 de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion prévoit un ajustement « au vu des dépenses constatées dans les comptes administratifs des départements pour l’année 2009 », ajustement « inscrit dans la loi de finances suivant l'établissement de ces comptes ».

C’est dans ce cadre que nous pourrons, monsieur Grignon, en liaison avec le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État et le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, examiner les propositions que vous formulez.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Madame la ministre, à l’évidence, nous sommes tous dans le même bateau, confrontés à des problèmes similaires. Si je pose cette question ce matin, c’est aussi dans l’espoir de renforcer la prise de conscience sur les difficultés rencontrées par les uns et des autres.

gel des dotations de l’état aux collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 932, transmise à M. le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales.

M. Jean Boyer. Madame la ministre, j’ai bien conscience que répondre à des questions dans le domaine des finances locales est indiscutablement un exercice difficile, plus encore dans le contexte actuel. Certes, il y a le vouloir et le pouvoir, mais, en la matière, le pouvoir, nous ne l’avons pas.

Je tiens néanmoins à vous exprimer nos inquiétudes sur le gel des dotations de l’État aux collectivités locales, évoqué à l’issue du séminaire gouvernemental consacré à la préparation du budget triennal pour la période 2011-2013, au cours duquel a été réaffirmé l’objectif de revenir à un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2013.

Afin de respecter cet engagement, un gel des dépenses de l’État pendant cette période a donc été annoncé, ce qui aura également pour conséquence une baisse des dotations aux collectivités locales.

Ainsi, comme vous le savez, les dépenses de fonctionnement de l’État diminueront de 10 % en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011. Seules les dépenses d’intervention, qui regroupent essentiellement des aides économiques, des aides à l’emploi ou encore des aides sociales, seront, et pour cause, soumises à un réexamen.

Pour tenir ces engagements, il nous est demandé de veiller à ce que nos dépenses soient strictement limitées au niveau prévu par la loi de finances votée par le Parlement.

Au vu de ce contexte difficile, je m’efforce de vous présenter mes questions avec le plus de modération possible. Pourriez-vous donc m’indiquer si le montant des dotations de l’État aux collectivités locales connaîtra précisément un gel identique, au regard, en particulier, de l’accompagnement des projets structurants ?

Il convient de rappeler que les collectivités locales sont les premiers investisseurs publics en France et qu’un soutien constant, au travers non seulement de la DGE, la dotation globale d’équipement, mais aussi de la DDR, la dotation de développement rural, est déterminant pour l’avenir de nos territoires ruraux, notamment en termes de développement durable.

Dans ces conditions, l’Europe ne devrait-elle pas prendre le relais pour conforter les programmes d’intervention, particulièrement dans les zones de montagne, dont je suis originaire, les plus défavorisées.

Il importe, madame la ministre, de rassurer les élus locaux que nous sommes et que nous représentons au sein de ce « Grand Conseil des communes de France », comme le Président de la République aime à le rappeler.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, l’État et les collectivités locales se sont engagés dans un effort conjoint de réduction des déficits et de la dette. Dans cette perspective, les concours financiers de l’État, qui représentent 57 milliards d'euros d’euros en 2010, devraient être gelés à partir de 2011.

Le gel est appliqué à la totalité de l’« enveloppe » des concours financiers, elle-même composée de plusieurs dotations. La dotation globale de fonctionnement, la DGF, occupe une grande part de ces concours puisqu’elle s’élève, en 2010, à plus de 41 milliards d'euros. Sont également compris dans cette enveloppe le FCTVA, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, les dotations budgétaires de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont la dotation globale d’équipement et la dotation de développement rural, et le produit des amendes de police.

Le Gouvernement maintiendra en 2011 sa volonté d’accroître la péréquation, principe constitutionnel et véritable objectif de politique publique.

Afin de contribuer à la réduction des écarts entre les collectivités locales, il est prévu de faire progresser les dotations de péréquation des communes, des départements et des régions, et ce par le biais d’abondements et de redéploiements au sein de l’enveloppe « gelée ».

La progression des autres composantes sera par conséquent très limitée, au vu du peu de marges de manœuvre disponibles sur l’ensemble des dotations.

Le Gouvernement entend cependant concentrer ses efforts sur la dotation globale d’équipement et la dotation de développement rural. Des réflexions sont d’ailleurs en cours afin de fusionner ces deux dotations, ce qui permettrait par là même d’accroître leur effet de levier sur l’investissement local.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame la ministre, si je ne suis pas de ceux qui écoutent les « yaka » et les « fokon », je n’en reste pas moins lucide, car, comme je l’ai dit, il y a le vouloir et le pouvoir. Vous connaissez d’ailleurs aussi bien que moi les difficultés liées au contexte mondial actuel.

Voilà pourquoi il est important, comme vous l’avez fait, de bien expliquer la situation. Je ne manquerai pas de répercuter localement les informations que vous venez de nous donner, car nos collectivités doivent se préparer à s’engager dans cet effort de solidarité collective.

Lorsque, en amont, la source se tarit et que l’on ouvre moins grand le robinet, il n'y a pas de miracles : en aval, on reçoit forcément moins.

Cette solidarité s’exprime d’abord effectivement à l’échelon de l’État, et j’ai bien pris note de la réflexion engagée sur la gestion des fonds qui touchent l'investissement, mais elle se doit de descendre jusque dans ce que l’on appelle la « France d’en bas ». Dans le cas de l’APA, par exemple, évoquée tout à l’heure et qui représente un gros poste de dépenses pour nos départements, il faudra avoir le courage et l’honnêteté de demander à ceux qui reçoivent une aide d’apporter, en retour, une contribution. C’est aussi cela, la solidarité nationale.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Russie

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Conseil de la Fédération de Russie, conduite par la présidente du groupe d’amitié, Mme Ludmila Narusova. (M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Cette délégation est reçue en France par le groupe d’amitié France-Russie, présidé par notre collègue Patrice Gélard.

Comme vous le savez, l’année 2010 est placée en France sous le signe de la Russie, avec de fréquentes visites officielles et de nombreuses manifestations culturelles, en France et en Russie.

Grâce au groupe d’amitié, le Sénat, qui entretient d’étroites relations avec le Conseil de la Fédération de Russie, prend ainsi toute sa part dans la célébration de l’amitié franco-russe.

Je formule donc le vœu que cette visite contribue au renforcement des relations d’amitié et de coopération qui lient la France et la Russie. (Applaudissements.)

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Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier chaleureusement le Sénat d’avoir autorisé Reporters sans frontières à investir les grilles du Luxembourg pour amplifier le mouvement de solidarité en faveur des deux journalistes de France 3 Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, qui sont depuis maintenant 182 jours pris en otage en Afghanistan.

Je souhaitais simplement faire ce rappel. J’invite chaque collègue à signer la pétition et à mobiliser les communes et les départements. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, mon cher collègue.

Je précise que la présidence du Sénat a donné son accord à l’accrochage de deux bâches sur les grilles du jardin du Luxembourg dans le cadre d’une manifestation organisée aujourd’hui mardi 29 juin 2010 de dix heures à dix-huit heures, aux abords de la porte Royer-Collard, face au 71-73 boulevard Saint-Michel, entre la station RER Luxembourg et le bâtiment de l’École des mines, en soutien aux deux journalistes de France 3, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, retenus en otage en Afghanistan depuis le 29 décembre 2009.

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour un rappel au règlement.

M. Nicolas About. Je voudrais rappeler l’engagement qui avait été pris de ne plus tenir de réunions de commission pendant que nous siégeons en séance publique.

M. Jean-Pierre Sueur. Il y en a cinq !

M. Nicolas About. Alors que nous débattons de cette réforme, présentée comme majeure, car elle touche les collectivités territoriales – et Dieu sait que le Sénat leur est attaché ! –, cinq commissions sont réunies.

M. Roland Povinelli. Très bien !

M. Nicolas About. On peut donc expliquer un peu l’absentéisme en séance publique… (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. C’est le triomphe du bon sens, monsieur About !

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Discussion générale (suite)

Réforme des collectivités territoriales

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Demande de réserve

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 527, texte de la commission n° 560, rapports nos 559, 573, 574 et 552).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’associer – une fois n’est pas coutume ! – à mes deux collègues qui viennent de s’exprimer. Je veux, d’abord, soutenir à mon tour nos deux concitoyens journalistes détenus en Afghanistan depuis hélas ! trop longtemps. Je ne suis, fort heureusement, pas la seule à porter ce bracelet. (L’orateur montre le bracelet qu’elle porte au poignet.) Nous espérons que beaucoup vont s’associer à cette action.

Je veux dire, ensuite, que quand le Sénat discute des collectivités territoriales, tout le monde devrait être dans l’hémicycle.

J’en reviens à l’ordre du jour. Le Président de la République veut sa réforme des collectivités locales, et le Gouvernement comme la majorité font tout pour essayer de la faire passer par tous les moyens.

À vrai dire, cette réforme ne correspondait à aucune demande. Elle a suscité, dès le départ, beaucoup de critiques de la part des élus, y compris dans la majorité.

Ladite majorité a voulu faire campagne au moment des élections régionales sur le thème de cette prétendue simplification de l’organisation territoriale qu’elle entendait faire approuver par nos concitoyens. Non seulement elle n’en a pas eu le loisir mais, en plus, elle a perdu les élections ! En fait, nos concitoyens n’ont pas été consultés. Ils en sont pour leur frais. Les collectivités sont financièrement étranglées, ce qu’ils devront supporter.

Quant à la simplification, nous sommes passés de quatre échelons – commune, intercommunalité dans sa diversité, ce qui fait des échelons différents, département et région – à dix : commune, commune nouvelle, intercommunalité avec ses différents développements, ancien canton – les chefs-lieux, qu’il faut garder –, territoire, département, métropole, pôle métropolitain, région, collectivité « sans nom », avec la fusion départements-région et les interrégions à venir. Autrement dit, nous sommes passés du millefeuille qui avait du goût à un pudding indigeste !

Oui, le débat démocratique est nécessaire. Or il n’a pas encore vraiment commencé avec nos concitoyens.

Notre assemblée, tout en validant la réforme en première lecture, était cependant revenue peu ou prou sur la mise en cause de l’autonomie des collectivités pour tenir compte du profond mécontentement des élus locaux à l’égard du projet de loi initial, tant sur la forme que sur le fond.

Ainsi, elle avait accepté la consultation des citoyens pour les fusions de communes. Hélas, l’Assemblée nationale l’a supprimée ! Elle avait encore tempéré la décision du préfet en renforçant les règles de majorité qualifiée pour l’intercommunalité.

Toujours en première lecture, si la majorité du Sénat était favorable à la création des conseillers territoriaux, leur mode de scrutin n’était pas officiellement en discussion, puisqu’il devait résulter d’une loi ultérieure. Mais la majorité avait néanmoins émis un avis favorable à une dose de proportionnelle et au respect, certes limité, de la parité.

Il va sans dire que le coup de force du Gouvernement suivi par la majorité à l’Assemblée nationale, consistant à inclure d’ores et déjà le mode de scrutin dans le texte, était doublement inacceptable.

Inacceptable sur le fond, puisque ce qui a finalement été retenu après des tergiversations est le scrutin uninominal à deux tours dans des cantons élargis. Il renforce encore le bipartisme et le recul du pluralisme. Ensuite, il sonne le glas de la parité, présente au moins, et après de longs combats, dans les assemblées régionales, grâce à la proportionnelle. Comme le disait la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, triste dixième anniversaire de la loi sur la parité qui impose de tout faire pour rendre cette dernière effective ! On en est loin !

Inacceptable sur la forme, puisque, l’article 24 de la Constitution prévoyant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales, le mode de scrutin aurait dû lui être soumis en priorité. Après qu’une majorité à la commission des lois a, la semaine dernière, voté contre l’inclusion dans la loi du mode de scrutin, le président de la commission des lois lui-même ayant semblé chagrin que le Sénat n’ait pas été consulté, elle a hier finalement donné son accord à un second coup de force du Gouvernement !

Traitant du mode de scrutin, le texte issu de l’Assemblée nationale inclut un tableau de répartition des conseillers territoriaux. Or celui-ci pose « un problème de taille », ce que disait notre rapporteur. Il paraît, en effet, peu conciliable avec le principe constitutionnel de l’égalité devant le suffrage.

De ce point de vue, les modifications proposées par notre rapporteur, ou par d’autres, comme les marchandages – sûrement d’opportunité – qui interviendront sans doute encore n’y changeront rien.

Ce qui est contestable dans ce tableau, c’est que la représentation des citoyens y est très inégale sur l’ensemble du territoire et, qui plus est, à l’intérieur d’une même région. Cela pose un problème sérieux quant à la représentativité de ce qui sera encore – pour combien de temps ? – le conseil régional. En Poitou-Charentes, par exemple, un conseiller sera élu par 15 000 habitants environ. En Île-de-France, un conseiller sera désigné par 38 000 habitants.

Dans le département du Rhône, qui compte 1,7 million d’habitants, il y aura 69 conseillers territoriaux. Dans la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine, pour 1,5 million d’habitants, on dénombrera respectivement 39 et 41 conseillers. D’ailleurs, pourquoi les Hauts-de-Seine auront-ils deux conseillers de plus ?

Au sein d’une même région, les différences entre départements ruraux et ceux qui sont plus urbains sont exorbitantes. D’autres ici feront valoir mieux que moi cette distorsion difficilement acceptable en démocratie concernant le futur conseil régional.

Vous le savez, nous sommes totalement opposés à la création des conseillers territoriaux, sorte de monstres bicéphales, cumulant mandats et compétences et annonçant la fin des départements.

Ils seront plus éloignés des citoyens que les élus actuels et, avec les pouvoirs dévolus aux commissions permanentes, on assistera au triomphe de la technocratie, pour un coût supérieur à celui que l’on connaît aujourd’hui.

Il est grave que le Gouvernement ne veuille pas tenir compte des critiques nombreuses et convergentes sur ce nouvel élu.

Je note une autre contradiction : le Gouvernement se précipite pour inscrire dans la loi leur mode d’élection, mais renvoie à plus tard celui des conseillers communautaires.

Vous avez, semble-t-il, renoncé à proposer un texte ultérieur sur la répartition des compétences. L’article 35, issu de l’Assemblée nationale maintient la fin de la clause de compétence générale, mais introduit des compétences partagées dans trois domaines.

Ce qui est préoccupant, c’est que l’État, dans les faits, se désengage, de plus, de ses obligations – il n’en est d’ailleurs nulle part question dans ce texte. Les finances locales sont totalement contraintes. La capacité des collectivités à intervenir dans les domaines que vous souhaitez partager, ou que vous consentez à partager, est donc de plus en plus mise en cause. Pis : les collectivités deviennent responsables des choix de l’État en matière de finances publiques.

C’est, il faut le dire, cohérent avec votre objectif de supprimer 34 000 postes de fonctionnaires par an jusqu’en 2013, comme le secrétaire général de l’Élysée l’a annoncé – c’est un comble – dans un journal anglais !

C’est cohérent avec la RGPP, la réforme de l’État et votre politique d’austérité : austérité pour les collectivités locales et austérité donc, encore, pour nos concitoyens, mais je ne m’attarde pas sur les moyens des collectivités puisque mon collègue Jean-François Voguet y reviendra dans quelques instants.

Très présente dans le texte, l’intercommunalité, de « coopérative et volontaire », devient, comme le souligne l’Association des maires ruraux de France, « contrainte, antichambre de la disparition des communes », évolution que nous dénonçons depuis le début du débat malgré les artifices déployés pour faire croire au maintien de celles-ci.

Pour nous, l’intercommunalité et l’interterritorialité ne sauraient exister que sur la base d’une volonté commune, avec la possibilité d’avoir une collectivité pilote ou chef de file, en lien avec le principe de subsidiarité, mais mis en œuvre de manière ascendante !

Restructurer le territoire de façon autoritaire, c’est nier les principes élémentaires de la démocratie.

Certes, le Gouvernement a une vision de l’organisation du territoire : quelques grands pôles de compétitivité drainant l’argent public et engendrant une forte rentabilité du capital privé, le reste du pays étant de plus en plus dépourvu de moyens…

Cette vision s’oppose à un développement harmonieux du territoire. Elle renforcera les inégalités et la désertification de zones importantes. Ce n’est pas ce qu’attendent les citoyens.

Ces derniers devraient pour le moins pouvoir décider eux-mêmes, mais ils sont, hélas ! les grands absents du projet de loi.

Vous l’avez bien compris, nous refusons cette reprise en mains par l’État, opérée notamment par le biais des pouvoirs accrus accordés aux préfets.

Nous refusons la diminution du nombre d’élus, qui les éloignera des citoyens.

Nous refusons l’embrouillamini des nouvelles structures, incompréhensibles pour les gens et qui, en tout état de cause, sonneront le glas des communes et des départements, échelons proches et compréhensibles.

Tout cela n’a rien à voir avec l’intercommunalité choisie.

Les sénateurs ont accepté en première lecture nos amendements prévoyant la consultation des comités techniques permanents et le maintien des acquis des agents territoriaux. C’était bien le moins que notre assemblée pouvait faire à leur égard.

Cependant, cela ne change rien au fait que la diminution accélérée des dépenses publiques et la réduction de leurs moyens à laquelle les collectivités sont acculées, avec en ligne de mire des transferts aux grands groupes privés, amèneront une dégradation des services publics locaux et du statut des agents publics.

Mes chers collègues, le débat n’est pas fini, loin s’en faut, si l’on en juge par le nombre d’amendements déposés sur le texte, mais aussi par les résistances très fortes, dont on ne peut que se réjouir, à cette réforme des collectivités locales.

Nous nous inscrivons dans ce débat en opposant une démarche à celle du Gouvernement : la démocratie pour les citoyens, la libre administration des collectivités locales, la réponse aux besoins des habitants, et donc la défense des services publics et de leurs agents.

Monsieur le ministre, vous disiez hier que c’était là le débat démocratique, mais le droit au débat démocratique n’est pas octroyé ! Il a été conquis de haute lutte, dans la rue et dans les urnes, par nos prédécesseurs et il concerne d’abord les citoyens. Il faudrait donc que ceux-ci soient consultés et puissent donner leur avis éclairé sur ce type de réforme.

Mon groupe espère que la raison l’emportera. Pour sa part, il votera contre une réforme dangereuse pour l’avenir de nos collectivités et, par conséquent, de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’abord d’excuser l’absence du président de mon groupe, M. Gérard Longuet, retenu par un empêchement de dernière minute.

À l’issue de sa deuxième lecture devant notre assemblée, l’UMP votera le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Quelle surprise ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Enfin une surprise au Sénat ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

M. François-Noël Buffet. Ce n’est en effet une surprise pour personne, mais autant que les choses soient claires !

Si nous allons la voter, c’est en particulier parce que cette réforme répond aux légitimes demandes de clarification de l’organisation de nos institutions. (Exclamations sur les mêmes travées. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Je sais bien que Mme Borvo Cohen-Seat a lutté contre le principe de cette clarification, mais la réalité est là : nous avons besoin d’adapter nos institutions au fonctionnement de notre démocratie locale. (M. Roland Povinelli s’exclame.)

Le Sénat a déjà adopté en première lecture ce projet de loi, que l’Assemblée nationale a modifié sur un certain nombre de points, sans pour autant dénaturer les principales mesures que nous avions votées.

C’est par un travail collectif, avec nos collègues députés, que la réforme proposée par le Gouvernement prendra toute la mesure des besoins exprimés par les élus locaux et je tiens en cet instant à saluer le travail exhaustif effectué par le rapporteur, Jean-Patrick Courtois, aux côtés du président Hyest, pour tenter de trouver l’équilibre nécessaire à la sérénité de nos débats.

Il est de notre devoir d’aborder cette réforme en restant fidèles à notre héritage institutionnel, tout en adoptant une organisation territoriale adaptée aux défis de notre époque. Au fil du temps, notre pays a su dégager un modèle original d’administration locale ; à nous d’en préserver l’esprit.

Je le dis clairement : la décentralisation était absolument nécessaire. Elle a contribué à la vitalité démocratique de notre pays, renforcé les libertés locales, consacré une nouvelle forme de gestion publique, plus proche des citoyens. Chacun mesure combien la France a changé depuis une trentaine d’années. D’ailleurs, personne ne songerait à revenir sur cet acquis fondamental.

Pourtant, notre paysage institutionnel est aujourd’hui fragmenté du fait d’un empilement déraisonné de structures administratives. Il était donc nécessaire de réformer notre organisation administrative territoriale, devenue trop complexe.

Je rappelle que nous sommes favorables à la clarification des structures, avec la mise en œuvre d’un bloc communes-intercommunalité scellé par l’unité des élus communaux et d’un bloc départements-région consolidé par le futur élu commun, le conseiller territorial.

À tous les élus locaux qui nous écoutent, dans cet hémicycle, bien sûr, mais aussi dans tous nos territoires, je réaffirme que les communes sont confortées dans leur rôle de cellules de base de la démocratie locale et de notre organisation territoriale, et les propos inquiétants que, de-ci de-là, d’aucuns tiennent sont contraires à la réalité.

C’était l’une des préoccupations majeures du Sénat, et cet objectif est pleinement atteint dans le projet de loi, dont je vais maintenant aborder différents aspects, en commençant par l’institution des conseillers territoriaux.

La commission des lois du Sénat a supprimé, la semaine dernière, les articles concernant les modalités de l’élection du futur conseiller territorial ainsi que le nombre des futurs élus.

Le principe de la création du conseiller territorial a néanmoins été sauvegardé : il est désormais acquis puisque les deux assemblées se sont prononcées de la même manière.

Évidemment, il n’existe pas de mode de scrutin parfait. Il faut donc faire des choix. Le nôtre est clair : il s’agit du scrutin majoritaire uninominal à deux tours, comme nous le propose le Gouvernement dans un amendement que nous examinerons ultérieurement.

C’est un mode de scrutin simple et lisible pour les électeurs. Il permet par ailleurs de maintenir un lien indéfectible entre l’élu et le territoire qu’il représente et donne à l’élu une véritable légitimité.

Le relèvement à 12,5 % du seuil d’accessibilité au deuxième tour des élections cantonales a été maintenu et s’appliquera quel que soit le mode d’élection qui sera retenu à terme.

Sur l’initiative de notre collègue Portelli, le « territoire » a été redéfini comme étant – et c’est un point important – « une circonscription électorale, dont les communes constituent un espace géographique, économique et social homogène ».

En revanche, la commission a supprimé le tableau de répartition des conseillers territoriaux.

Sur ce point particulier, le groupe UMP suivra la proposition du rapporteur Jean-Patrick Courtois de rétablir un nouveau tableau de répartition des conseillers territoriaux ne sacrifiant pas le monde rural – c’était, bien sûr, un enjeu – et aboutissant à un nombre raisonnable d’élus, conformément à l’objectif de simplification.

La commission des lois du Sénat nous invite par ailleurs à poursuivre la réflexion sur les propositions qui nous sont faites pour répondre aux exigences que sont le respect de l’objectif de parité, la place du suppléant des futurs conseillers territoriaux et le cumul des mandats.

Les conséquences de la création des conseillers territoriaux sont désormais claires.

Le mandat de conseiller territorial compte pour un seul mandat. Il est ajouté à la liste des mandats soumis à la limitation de cumul à deux mandats locaux et de représentant au Parlement européen.

Enfin, les conseillers territoriaux sont intégrés dans le collège sénatorial de leur département d’élection.

J’en viens à l’intercommunalité.

La commission des lois du Sénat a noté avec satisfaction que l’économie générale des dispositions prévues pour parachever le paysage intercommunal a été relativement bien préservée, qu’il s’agisse de mettre en place de nouvelles règles pour adapter la composition des conseils communautaires à la démocratisation des EPCI à fiscalité propre, de proposer de nouvelles formes pour adapter les structures à la diversité des territoires, de développer et de simplifier les processus ou d’achever et rationaliser la carte.

Sur de nombreux points, l’Assemblée nationale a adopté le dispositif voté par le Sénat. C’est pourquoi la commission des lois du Sénat a souhaité retenir le texte voté par nos collègues députés. Elle n’a donc apporté aucune modification.

J’insisterai sur deux points importants, en commençant par l’élection au suffrage universel direct des délégués des communes au sein des conseils communautaires des EPCI à fiscalité propre.

Pour les communes de plus de 500 habitants, le système retenu est celui du « fléchage », les premiers de la liste ayant vocation à siéger au conseil municipal de leur commune et au conseil communautaire, les suivants de liste ne siégeant qu’au conseil municipal de leur commune.

Dans les communes de moins de 500 habitants, les délégués des communes sont le maire et les conseillers municipaux désignés dans l’ordre du tableau établi lors de l’élection de la municipalité.

Ces précisions sont importantes, car, sur le terrain, il était nécessaire de rassurer les uns et les autres.

S’agissant ensuite de la rationalisation de l’intercommunalité, elle constitue évidemment la consécration du schéma départemental de coopération intercommunale.

Son objectif est d’établir une couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre, en prenant en compte notamment des regroupements de population de 5 000 habitants et la rationalisation des périmètres des EPCI existants.

La date fixée pour sa mise en œuvre est le 31 décembre 2011.

Le projet de loi comporte un élément nouveau : la création des métropoles et des pôles métropolitains.

Le rapporteur a proposé à la commission des lois un retour à la définition de la métropole adoptée par le Sénat en première lecture en revenant sur une conception plus restreinte de celle-ci, conception dont je rappelle les aspects essentiels : définition de l’intérêt métropolitain à la majorité des deux tiers du conseil de la métropole ; fixation d’un délai de dix-huit mois pour la signature de la convention de transfert à la métropole de compétences départementales ou régionales ; pour la création de métropoles, extension aux discontinuités territoriales de la dérogation temporaire au principe de continuité territoriale instituée au profit des enclaves ; enfin et surtout, suppression du transfert automatique de la taxe foncière sur les propriétés bâties des communes de ce nouvel EPCI, point important sur lequel la commission des lois a tenu à apporter de profondes modifications.

Sur le sujet des pôles métropolitains, la commission des lois du Sénat a jugé conforme les dispositions introduites par l’Assemblée nationale et n’a donc pas adopté de modification particulière au projet de loi.

Il convient de rappeler que le pôle est constitué par accord des EPCI en vue d’actions d’intérêt métropolitain en matière de développement économique, de promotion de l’innovation, de la recherche et de l’université, de la culture, d’aménagement de l’espace et de développement des infrastructures et des transports afin d’améliorer la compétitivité et l’attractivité de nos territoires.

S’agissant des communes nouvelles, le rapporteur de la commission des lois n’a proposé que des modifications visant à améliorer les qualités rédactionnelles et de coordination du projet de loi, sans apporter de changement majeur, l’axe principal retenu par le Sénat, à savoir l’adhésion volontaire des communes au principe de fusion, ayant été respecté par l’Assemblée nationale.

L’Assemblée a d’ailleurs prévu l’unanimité des conseils municipaux, tant au stade de l’initiative qu’à celui de la décision de créer une commune nouvelle, sans recours à des consultations populaires. L’incitation financière, qui était mal comprise, a également été supprimée.

Autrement dit, et c’est essentiel, il n’y a absolument pas de volonté d’imposer des fusions autoritaires de communes à grande échelle.

J’évoquerai à présent le regroupement des départements et des régions.

Tout d’abord, concernant les procédures de regroupement, l’Assemblée nationale a validé dans son principe le choix opéré par le Sénat de conditionner l’issue du projet de regroupement des départements et des régions à l’accord de chacun des territoires concernés et de sa population.

L’accord de la population de chacun des territoires concernés devra se manifester par la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.

L’Assemblée nationale a également intégré une procédure de consultation du comité de massif compétent, lorsque le territoire est en zone de montagne.

Ensuite, s’agissant de la procédure d’inclusion d’un département à une région limitrophe, la commission des lois du Sénat a, là aussi, souhaité adopter conforme cette procédure, sans remise en cause de ce qui avait déjà été décidé à l’Assemblée nationale.

Enfin, pour ce qui est de la procédure de fusion d’une région et de départements qui la composent, après consultation des électeurs, les assemblées délibérantes de la région et des départements peuvent solliciter la création, par la loi, d’une collectivité qui les réunisse. C’est un point important. Là encore, la commission des lois a adopté conforme ces dispositions.

Pour terminer, il faut bien parler à la fois de compétences et de cofinancements. Cela a fait l’objet de discussions. Sur ce point, la commission des lois a adopté, sans le modifier, l’article 35 qui fixe les grands principes de la répartition des compétences entre les collectivités.

Concernant l’exclusivité des compétences conférées par la loi, il est réaffirmé que seules les communes conservent la clause de compétence générale. Les départements et les régions n’exercent, quant à eux, que les compétences que leur a conférées le législateur, mais disposent d’une capacité d’initiative qui leur permet « par délibération spécialement motivée de se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ». C’était également un point important.

À propos de l’existence de compétences partagées, les compétences en matière de tourisme, de culture et de sport seront partagées entre les communes, les départements et les régions. Cela permet aussi de couper court à nombre de démarches faites auprès des différentes structures sportives ou culturelles de nos territoires dans le but de les affoler en disant que, dès l’année prochaine, elles n’auraient plus rien, et que tout cela serait terminé après 2014. Le texte, de ce point de vue, est parfaitement clair.

M. Pierre-Yves Collombat. Il n’y a plus rien dans les caisses !

M. François-Noël Buffet. Enfin, il existe la possibilité pour une collectivité territoriale de déléguer ses compétences.

En outre, afin d’inciter les départements et les régions à clarifier la répartition de leurs compétences mutuelles,…

M. Didier Guillaume. Cela fonctionne bien ainsi !

M. François-Noël Buffet. … la commission des lois du Sénat a modifié l’article 35 bis en clarifiant les finalités du schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services.

Sans vouloir en rajouter, je dirai que cette réforme, telle qu’elle se présente et eu égard aux structures qui sont mises en place, apporte un démenti, me semble-t-il, assez flagrant à tous les bruits qui ont pu courir, aux inquiétudes, réelles ou, au contraire, suggérées – pour d’autres raisons bien évidemment –, qui ont pu exister.

Nous le verrons au cours du débat qui s’ouvre devant notre Haute Assemblée, nous discuterons sans doute de difficiles points particuliers. L’objectif, pour nous, est que ce texte soit adopté en respectant à la fois ceux qui souhaitent pouvoir avancer et les valeurs que nous devons protéger parce que nous y sommes attachés. En fin de compte et à l’issue de ce débat, le Sénat aura tout intérêt à voter ce texte. En tous les cas, le groupe UMP le fera sans difficultés. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement, en proposant à l’Assemblée nationale d’abroger un article sur lequel il avait ici même donné un avis favorable et qui était un élément fondamental de l’accord sur le conseiller territorial, a donné non pas un coup de canif, mais un véritable coup de poignard dans le contrat de confiance qui liait la majorité et le Gouvernement. (MM. Roland Povinelli et Raymond Vall applaudissent.) Je tenais à le dire parce que la confiance, c’est important.

Nous avons le droit, depuis à peu près une journée, aux yeux doux de M. le ministre de l’intérieur. Nous en sommes ravis. Mais, lorsque la confiance est trahie, les yeux doux ne suffisent pas.

Quand le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé, il y a maintenant plusieurs mois, leur volonté de mener une réforme ambitieuse des collectivités locales, nous avons apporté notre soutien à cette démarche, car nous faisons partie d’une famille politique qui demande depuis longtemps une réforme réelle des collectivités locales.

Le président de notre groupe, qui était alors Michel Mercier, avait fort justement dit, en mars 2009 : « nous devons procéder à une réforme en profondeur de nature à changer les choses, en tenant compte des réalités. À défaut, disait-il, mieux vaut ne rien faire. Nous n’avons pas besoin d’un coup de ripolin supplémentaire ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

C’est vous dire, mes chers collègues, comme nous sommes déçus de constater que le ripolin est de retour. Car, concrètement, de la grande réforme qui nous était promise, que reste-t-il ? On nous avait promis de simplifier le millefeuille territorial, et on en rajoute une couche avec les métropoles – qui sont à un niveau, d’ailleurs, beaucoup trop bas ; nous en reparlerons – et avec les pôles métropolitains.

Dans un deuxième temps, le Président de la République avait dit : « une loi définira les compétences précises de chaque niveau ». Eh bien, il n’y a pas de loi puisque le Gouvernement, montrant, là encore, un certain mépris pour le Sénat, a préféré déposer un amendement en première lecture à l’Assemblée nationale. Le Sénat n’a donc pas eu à examiner en première lecture un projet de loi sur les compétences.

Plus grave, il n’y a pas eu non plus de clarification des compétences puisque l’article 35 qui nous est soumis est tout de même assez extraordinaire. Cet article précise que les collectivités exercent les compétences que leur confère la loi. C’est vraiment quelque chose d’intéressant. Ensuite, il prévoit que les collectivités locales peuvent se saisir de toute compétence qui n’a pas déjà été attribuée. Là encore, c’est une avancée significative. Enfin, cet article dispose que les collectivités, départements et régions, peuvent continuer, de manière concurrente, à prendre en charge le tourisme, la culture et les loisirs. Cela représente, vous en conviendrez, un domaine assez important.

Sur les financements croisés, n’avait-on pas entendu le Gouvernement, d’ailleurs à juste titre, me semble-t-il, les condamner ? Finalement, l’article 35 quater, supprimé par notre commission des lois, est assez extraordinaire lui aussi, puisqu’il précise que les financements croisés ne sont pas autorisés, sauf dans les communes de moins de 3 500 habitants, c’est-à-dire 92 % des communes, sauf en matière de tourisme, de culture et de sport, sauf en présence d’un contrat de projet État-région, et sauf quand l’État assure la maîtrise d’ouvrage, parce que, naturellement, l’État peut alors demander des financements à tout le monde.

Il reste l’intercommunalité. Chacun s’accorde à reconnaître que c’est peut-être sur ce point que les choses vont le plus dans le bon sens. Mais tout dépendra en fait de l’audace – pour ne pas dire du courage – des préfets dans la mise en œuvre des schémas de coopération intercommunale. S’ils font preuve d’audace et de courage, il y aura de réelles avancées. Si tel n’est pas le cas, nous ne progresserons pas beaucoup en ce domaine.

Une chose est certaine : dès lors que l’unanimité de tous les conseils municipaux est requise, il n’y aura pas de créations de commune nouvelle. Vous pouvez donc être rassurés sur ce point.

Il n’y aura pas non plus de fusions de départements, ni même de fusions de régions, alors que le Président de la République avait appelé de ses vœux des grandes régions. Car, là aussi, le dispositif est tellement restrictif que l’on voit mal comment des regroupements de départements et de régions pourraient avoir lieu.

Bref, il ne reste que le conseiller territorial. J’avais dit que j’y étais plutôt favorable. Mais le conseiller territorial seul n’a plus aucun sens. C’était une pièce d’un ensemble où il y avait une clarification des compétences, une simplification des financements, une réduction du millefeuille territorial. Dès lors qu’il n’y a plus que le seul conseiller territorial, j’avoue que je n’en vois pas bien l’intérêt. Et c’est ce qui m’a conduit à dire que la montagne avait accouché d’un rat. Si je n’ai pas dit « d’une souris », c’est parce que, dans l’imagerie populaire, la souris est un animal plutôt sympathique, et que ce texte ne l’est pas car il est marqué du sceau des promesses non tenues (M. Daniel Raoul s’exclame.), des compromissions, des renoncements et du manque de courage.

M. Daniel Raoul. C’est vrai, ça ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Hervé Maurey. Néanmoins, je voudrais rester optimiste. Je veux espérer que le Sénat sera fidèle au vote qui a été le sien sur le mode de scrutin. Je veux également espérer qu’il saura redonner du sens et de l’ambition à cette réforme, en votant notamment les amendements du groupe de l’Union centriste sur le mode scrutin, sur les territoires, sur la parité, sur le cumul, sur les compétences et sur les métropoles.

Car, ainsi que le Président de la République l’a très bien dit, comme souvent : « quitte à faire une réforme, autant faire une réforme intéressante plutôt qu’une moitié de réforme ». (Applaudissements sur de nombreuses travées de lUnion centriste et du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Bernadette Bourzai. J’interviens à la place de Jean-Claude Peyronnet, qui a dû s’absenter. La grande loi qui fonde la décentralisation dans notre pays a aujourd’hui vingt-huit ans. Elle réorganisait de façon radicale les pouvoirs de la République. Le but était, en rapprochant les centres de décision du citoyen, de renforcer la démocratie et l’efficacité de l’administration.

Dès le début, la gauche fut convaincue que ces objectifs seraient atteints. La droite, violemment hostile au départ, s’est ralliée assez rapidement devant l’évidence et, comme nous, elle a utilisé localement cette grande innovation.

Mes chers collègues, nous avons fait dans nos régions, nos départements, nos communes et nos communautés de communes du bon travail et nos concitoyens ont largement bénéficié de ces dispositions, et ils l’ont manifesté à plusieurs reprises lors des scrutins. On pourrait multiplier les exemples mais je n’insisterai pas : l’état des collèges, l’état des lycées, les politiques sociales, le foisonnement culturel. Ce sont des points positifs que chacun s’accorde à reconnaître.

C’est à un long chemin, consensuel dans ses grandes lignes, auquel le gouvernement actuel, soutenu tant bien que mal par sa majorité – plutôt mal que bien, si j’ai parfaitement compris –, a entrepris de mettre un terme, appliquant ainsi la volonté élyséenne. Car c’est bien là le cœur de la question. Le Président de la République ne peut pas supporter que des pouvoirs partiellement autonomes survivent dans notre pays. Et pour cela, tous les moyens sont bons.

Rappelez-vous la façon dont les élus locaux ont été cloués au pilori : trop dépensiers, gaspilleurs de l’argent public, se complaisant dans la complexité du prétendu millefeuille territorial afin que leurs sombres manœuvres ne soient pas décelées par le citoyen. On allait simplifier, rationaliser et économiser. On allait « voir ce qu’on allait voir ». Qu’en est-il en fin de compte ?

Simplifier ? En fait de simplification, on a complexifié. On nous propose de créer de nouvelles entités – les métropoles, les pôles métropolitains… – sans rien supprimer. Et, au bout du compte, il est offert aux communes la possibilité de se regrouper en communes nouvelles selon treize modalités !

Rationaliser ? Pour ne prendre qu’un exemple dans le domaine économique, comment vont s’articuler les pouvoirs des métropoles et des régions ? N’est-ce pas un affaiblissement majeur de l’action de ces dernières si elles sont cantonnées à gérer l’économie dans les zones rurales ?

Économiser surtout, et, la démagogie n’ayant pas de limites, économiser d’abord sur les élus. On allait réduire de moitié le nombre des conseillers généraux et régionaux. En fait, selon les derniers projets, leur nombre ne serait réduit que de 25 % environ. Mais, surtout, en professionnalisant les élus départementaux et régionaux, on s’oblige à leur trouver un statut avec cotisations sociales et cotisations retraite. Et on imagine même que les suppléants, ou, plus probablement, les suppléantes, pourraient remplacer les titulaires, notamment dans des représentations. Évidemment, ces gens-là devraient être indemnisés de leurs frais. Les nouveaux élus coûteront plus cher : c’est évident !

Et tout cela s’est fait dans une improvisation surprenante, pour ne pas dire dans une pagaille indescriptible. En vingt ans de vie parlementaire, Jean-Claude Peyronnet n’a jamais connu, me dit-il, sous aucun gouvernement de droite ou de gauche, un tel pilotage à vue multipliant les tentatives et les reculs au gré de la mauvaise humeur du Parlement et, en particulier, de tout ou partie de la majorité.

Nous sommes partis de quatre textes, et l’on n’a cessé de nous expliquer qu’il s’agissait là d’une construction progressive et rationnelle, et surtout qu’il ne fallait pas que la discussion des deux premiers interfère avec la discussion du troisième, relatif au mode de scrutin, et pas davantage avec la discussion du quatrième, qui a trait aux compétences. Et voilà que, subrepticement, le Gouvernement, par un simple amendement, a réglé la question électorale qui devait être traitée dans le troisième texte.

Vous démontrez ainsi, monsieur le ministre, qu’étaient fondées les interrogations et les critiques que nous avons formulées lors de la première lecture et qui portaient sur le mode de scrutin uninominal à un tour, sur le nombre de cantons, sur l’impossibilité de respecter le principe d’égalité des suffrages, sur le recul de la parité, tous points sur lesquels vous avez refusé de débattre.

Vous êtes maintenant dans l’impasse, sauf à rompre les accords que vous avez négociés en première lecture avec une des composantes de votre majorité.

Vous feriez mieux de renoncer et d’abandonner ce projet. Ce serait souhaitable, car vous nous laissez au milieu du gué avec un projet qui, comme on dit en Limousin, n’est « ni fait ni à faire ».

S’agissant des métropoles, il semble évident qu’il était nécessaire, pour des raisons de clarté démocratique et d’efficacité, d’élire les conseillers métropolitains au scrutin universel direct. Cette innovation aurait entraîné une modification du statut des communes. Ce n’était pas gênant, puisque les métropoles sont une nouvelle institution ; mais à condition que l’adhésion des communes soit bien volontaire et qu’elles sachent clairement quel serait leur avenir. Au lieu de cela, en deuxième lecture, on nous propose pour ces métropoles une gouvernance incertaine, malgré le très gros travail de réécriture réalisé par la commission des lois du Sénat.

Pour la clause de compétence générale, la même incertitude peut être relevée. Vous l’avez d’abord supprimée. Puis, vous avez laissé le Parlement la rétablir de fait, mais en la limitant aux seuls domaines de compétences non attribuées, ce qui ne lève pas totalement les ambiguïtés sur la capacité d’investissement des communes.

Ce domaine des compétences attribuées à chaque collectivité est un élément majeur, car il est le moyen, pour chacune des catégories de collectivités, pour peu qu’elle en ait les moyens, d’affirmer ou non son autonomie Or c’est un domaine que vous n’avez jamais eu l’intention de traiter ; vous étiez trop préoccupés par le seul souci de brider les capacités d’action des collectivités territoriales.

En réalité, il faudrait tout reprendre. Ce n’est pas trop tard : il vous suffit de retirer votre texte.

Il faudrait tout reprendre, avec le souci d’un véritable dialogue, une fois accepté le principe du renoncement au conseiller territorial, dont personne ne veut ; le groupe de l’Union centriste vient ainsi de nous dire ce qu’il en pensait...

Alors, tout serait possible. Nous nous prenons à rêver que vous accepterez de discuter de nos propositions, au lieu de les rejeter par principe : instauration du suffrage universel direct pour les métropoles, respect des intercommunalités dans le découpage cantonal, extension de la proportionnelle pour toutes les communes, maintien clair de la compétence générale pour les départements et les régions.

En revanche, il faut revoir les périmètres de compétences entre l’État et les collectivités, et singulièrement entre l’État et les conseils généraux. Les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, par exemple, sont handicapés par un double pilotage du préfet et du président du conseil général,…

M. Didier Guillaume. C’est clair !

Mme Bernadette Bourzai. … qui fait la part belle à la bonne volonté des personnes. Il faut choisir : la totalité de la sécurité civile départementale doit être exercée par le préfet ou par le président du conseil général. Vous ne pouvez pas en rester au projet que vous avez présenté il y a quelques jours aux élus de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS, et qui tend à créer un corps d’officiers d’État contrôlé par lui et coupé de sa base. Discutons-en au Parlement : c’est le lieu pour un tel débat !

De même, il faut affirmer clairement que le financement des grandes allocations de solidarité que sont l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et le RMI/RSA relève de la responsabilité nationale. Nous avons longtemps pensé que le volume financier qu’elles représentent pourrait constituer un atout pour les départements. Or ces dispositifs fonctionnent de plus en plus mal et les collectivités n’ont plus les moyens de les assumer.

Inversement, des pans entiers de l’administration déconcentrée de l’État n’ont plus de raison d’exister après la mise en place de la révision générale des politiques publiques, la RGPP : les directions départementales du ministère de la jeunesse et des sports – DDJS – ou ce qu’il en reste et les directions régionales des affaires culturelles – DRAC – ou ce qu’il en reste également n’ont plus aujourd’hui de substance. Vous devriez abandonner totalement ces compétences aux élus locaux. Ils savent faire, et ils assument déjà l’essentiel de ces dépenses.

Vous le constatez, il y avait mieux à faire que cette construction baroque d’un conseiller territorial bivalent, qui ne pourra pas assumer sa double charge, mais dont la création accroît, à coup sûr, la confusion, dans la mesure où l’originalité et la complémentarité des deux assemblées locales que sont le conseil général et le conseil régional ne sont pas respectées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre de l’intérieur, lors de la première lecture, vous prétendiez vouloir instaurer, à travers le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, deux nouveaux couples : communes-intercommunalité, d’une part, départements-région, d’autre part. Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale montre, encore davantage, combien cette présentation était illusoire.

En réalité, le Gouvernement veut, en premier lieu, appliquer la rigueur aux collectivités territoriales, en réduisant leur nombre, principalement au détriment des petites communes.

Je ne conteste pas le principe de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité. Nous l’avons élaborée ensemble, monsieur Mercier, nous savons donc de quoi nous parlons. J’observe simplement que la plupart des mesures adoptées, ou proposées, visent à durcir son fonctionnement et à renforcer les pouvoirs du préfet.

Pourquoi tant de méfiance à l’égard des élus ? On a l’impression que le Gouvernement veut mettre en place un marteau-pilon pour écraser une mouche !

Il serait si facile, monsieur le ministre, de donner aux préfets des directives leur recommandant la concertation avec les élus et la souplesse dans l’application des dispositifs. Les préfets savent faire. Ils n’ont que très rarement besoin de prendre des dispositions coercitives. Ils peuvent compter sur le sens de l’intérêt général des élus locaux.

Dans une démocratie normale, l’intérêt général n’est pas incarné par les préfets – quels que soient leurs mérites –, hauts fonctionnaires de grande qualité et que je connais bien, mais doit résulter d’un dialogue approfondi avec les élus, qui ont pour eux la légitimité du suffrage universel, dans le cadre, bien entendu, des collectivités qu’ils administrent.

M. Jean-Pierre Chevènement. Tant de précautions nous interpellent : quel sort voulez-vous réserver à nos communes, dans un premier temps, à travers la transformation des intercommunalités en quatrième niveau de collectivités, et surtout peut-être, dans un second temps, à travers le dispositif dit des « communes nouvelles » ?

Nous sommes tellement favorables à l’intercommunalité que plusieurs membres du groupe RDSE et moi-même vous proposerons d’en faire les briques de base de la constitution des territoires, qui se substitueraient, selon l’amendement présenté par M. Portelli et adopté par la commission des lois, aux cantons actuels.

Nous vous proposerons, à cet effet, d’avancer au 1er mars 2013 la date d’achèvement de la carte de l’intercommunalité. Évidemment, cela compliquera un peu votre travail de redécoupage, mais ce serait tellement plus clair du point de vue de la représentation effective de nos bassins de vie, et tellement plus conforme à la démocratie !

Mais est-ce vraiment là votre souci ?

Nous sommes très inquiets de ce que vous voulez faire à travers les fameuses « communes nouvelles ».

Nous sommes soucieux de voir que vous avez repris en commission des lois le texte de l’Assemblée nationale, revenant ainsi sur l’approbation de la création de ces communes par référendum, voulue en première lecture par le Sénat. Désormais, aux termes de votre texte, le préfet pourrait proposer la création d’une commune nouvelle en s’assurant de l’approbation des seuls conseils municipaux.

Sur ce point, je ne partage pas l’avis de M. Maurey, qui m’a précédé à cette tribune. Quand on connaît les moyens de pression dont disposent les préfets, mais également certains présidents de conseil général ou d’intercommunalité, on mesure que, si vous le vouliez, vous pourriez réussir là où la loi Marcellin avait échoué : réduire drastiquement le nombre des communes, à l’instar de la Belgique et de l’Allemagne, en le faisant passer, dans l’idéal, de 36 600 à 2 600, ce qui correspond au nombre des EPIC, chacun d’eux ayant théoriquement vocation à se transformer, un jour, en commune nouvelle. Vous n’irez pas jusque-là, bien sûr, mais l’intention est là.

Un tel dessein méconnaîtrait profondément le besoin de proximité de nos concitoyens, l’enracinement multiséculaire de nos communes et le rôle irremplaçable des 500 000 élus locaux, qui sont, pour la plupart, quasiment bénévoles.

Supprimer les communes, qui tiennent encore le pays, à un moment où les services publics se défont et où l’administration est en proie à la RGPP, ce serait défaire le lien social. Vous le savez, monsieur le ministre, c’est le maire que l’on appelle quand la maison brûle ou lorsqu’un désordre apparaît !

Aussi bien la « commune nouvelle » ne répond-elle à aucun besoin profond, l’intercommunalité ayant largement permis de résoudre efficacement le problème posé par l’émiettement communal. Le prétexte des économies budgétaires est risible. Certes, vous en faites sur le dos des collectivités locales, dont vous aviez annoncé, avant même le rendez-vous fiscal prévu en juin par la loi de finances pour 2010, le gel des dotations.

M. Hortefeux, en second lieu, déclarait vouloir installer un couple départements-région, sans doute pour justifier la création du conseiller territorial. Qu’en reste-t-il ?

Là encore, c’est une mauvaise idée : chacun de nos trois échelons territoriaux – commune, département et région – devrait avoir ses propres élus, chacun en vertu d’un mode de scrutin différent.

En fait, M. Balladur semblait avoir vendu la mèche : il s’agissait, selon lui, de faire s’évaporer les départements dans la région. Mais la mèche était mouillée : les métropoles, dans l’esprit du Gouvernement, semblent avoir détrôné les régions. Et on ne sait plus très bien si l’élection des conseillers territoriaux ne va pas entraîner la condensation de la région dans les départements, plutôt que l’évaporation de ces derniers dans celle-ci. (Sourires.)

Chaque président de conseil général siégera en effet au conseil régional, avec derrière lui ses barons. Je souhaite bien du plaisir aux futurs présidents de région ! (Marques d’approbation sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Chevènement. Est-ce bien cela que vous voulez ? Vous ne le savez plus vous-même, comme le montre la création des métropoles, dont l’Assemblée nationale a encore accru le champ de compétences au détriment des départements et des régions, ainsi décapitées.

Où se situera le siège de ces départements moignons et de ces régions étêtées ? Dans la métropole ou dans un nouveau chef-lieu ?

La création de métropoles repose sur une idée fausse : si nos grandes villes ne peuvent se comparer aux grandes villes allemandes, espagnoles ou italiennes, c’est tout simplement parce que la France s’est faite autour de Paris, qui est une ville-monde.

Vous ne pouvez à la fois faire le Grand Paris et créer, en France, de véritables métropoles européennes, à l’exception peut-être de Lyon, Marseille et Toulouse...

Vous allez casser le « jardin à la française » de notre organisation territoriale. Sept régions et sans doute une bonne douzaine de départements verront leur cohésion gravement perturbée. Les inégalités se creuseront entre ces métropoles qui se dresseront, comme les donjons d’autrefois, à l’horizon de forêts et de friches où survivront de nouveaux manants. (Sourires.)

L’Assemblée nationale a tout de même fait une bonne chose : maintenir, comme le Sénat l’avait proposé pour les fusions de régions et de départements, l’exigence de délibérations concordantes des conseils élus et d’un accord de la majorité absolue des électeurs inscrits dans chaque collectivité.

Elle a surtout prévu à l’article 13 bis, et comme je le souhaitais, un strict encadrement de l’éventuelle fusion d’une région et des départements qui la composent.

Il n’en reste pas moins, monsieur le ministre, que cette réforme posera plus de problèmes qu’elle n’en résoudra.

Prenons le cas de l’Alsace. Une fois la merveilleuse ville de Strasbourg érigée en nouvelle principauté, on fusionnera le Haut-Rhin avec ce qui restera du Bas-Rhin, une sorte de croissant allant de Sélestat à Wissembourg, en passant par Saverne, afin de contourner Strasbourg.

Cela ne tient pas debout ! Que de casse-têtes en perspective ! Et je ne parle pas de la désignation des conseillers territoriaux, selon un mode de scrutin que le Sénat devait être le premier à connaître, comme l’a judicieusement rappelé le rapporteur M. Jean-Patrick Courtois. Là aussi, le Gouvernement semble atteint d’une sorte de danse de Saint-Guy, proposant à l’Assemblée nationale un amendement contraire au texte qu’il avait accepté au Sénat lors de la première lecture. Cet amendement a d’abord été retiré, puis réintroduit par le Gouvernement.

Pour ma part, je considère que ce mode de scrutin uninominal à deux tours est le moins mauvais. Il permet d’ancrer les élus dans les territoires. Il favoriserait cependant un bipartisme excessif si le seuil de qualification pour le deuxième tour n’était pas abaissé.

Que veut, en définitive, le Gouvernement ? Parfaire l’intercommunalité, ou bien en faire un quatrième niveau de collectivités et l’antichambre de « nouvelles communes » se substituant aux anciennes ? Magnifier les régions ou, au contraire, les décapiter par l’institution des métropoles ? Interdire les « financements croisés », ou les laisser à la discrétion des régions et des départements ? Vous ne le savez plus vous-même !

Je m’autorise, monsieur le ministre, un pronostic : faute d’être pragmatique et consensuel, votre projet de loi, s’il est voté, n’aura pas grand avenir. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui porte les espoirs mais aussi les interrogations des collectivités locales de notre pays.

M. Jean-Pierre Sueur. Surtout les interrogations !

M. Dominique de Legge. Trente ans après l’adoption des lois de décentralisation, l’objectif est de leur donner un nouveau souffle. La contribution du Sénat, assemblée naturelle de nos territoires, est décisive dans ce débat. Nous sommes en passe de parvenir aujourd’hui à un texte qui me semble équilibré.

J’évoquerai, tout d’abord, le couple commune-intercommunalité.

L’exception française – notre pays compte 36 000 communes – a été souvent présentée comme une singularité pénalisante, qu’il fallait combattre en réduisant le nombre susvisé. Certes, une telle organisation peut paraître irrationnelle comparée avec celles qui ont cours dans d’autres États. Mais la présence d’un réseau de 600 000 élus de terrain engagés dans le développement de leurs communes constitue un gage tout à la fois d’efficacité, de démocratie et de représentativité des territoires.

Le programme destiné à finaliser la carte de l’intercommunalité me semble être la plus sûre méthode de pérenniser le fait communal et d’en optimiser les moyens.

Toutefois, je voudrais vous faire part de deux inquiétudes concernant ce couple commune- intercommunalité.

D’une part, les préfets ont pris l’initiative de réunir les élus pour étudier la question de la rationalisation de la carte de l’intercommunalité. Si je ne conteste pas cette anticipation – cette carte doit en effet être achevée à la fin de l’année 2013 –, je souhaite que le temps qui nous sépare de cette échéance soit mis à profit pour laisser aux élus le soin de faire des propositions, dans le cadre de la commission départementale de la coopération intercommunale. C’est à défaut de projets partagés que le représentant de l’État devra rendre ses arbitrages. Quand je vois certaines cartes circuler ou des grandes villes faire leur marché avec les services préfectoraux pour atteindre le fameux seuil des 450 000 habitants indispensable pour constituer une métropole, j’ai le sentiment que l’on va un peu vite en besogne et qu’à vouloir forcer le destin des collectivités, on prend le risque de faire échouer une réforme par ailleurs nécessaire.

Je ne souhaite pas que le territoire de mon département, l’Ille-et-Vilaine, soit organisé en fonction de ce que la capitale aura bien voulu laisser !

D’autre part, si je reconnais la nécessité de disposer de documents d’urbanisme intégrant des préoccupations qui dépassent les limites du strict territoire communal, je suis plus réservé sur les tentatives de réduire les pouvoirs du maire en matière de droit des sols, tentatives que je vois apparaître dans les débats.

Si le rôle du maire ne se résume plus qu’à la délivrance administrative de permis de construire et que l’organisation du territoire et la prospective sont renvoyées aux EPCI, nous franchirons, je le crains, un pas fatal vers la suppression de la spécificité communale française.

M. Alain Gournac. Tout à fait !

M. Dominique de Legge. Dans ce cas, il serait plus honnête d’afficher clairement les objectifs, plutôt que de s’abriter, une fois de plus, derrière le Grenelle de l’environnement, qui finit par avoir le dos bien large, notamment au titre de la densification urbaine.

Par ailleurs, je regrette que la question de la constitution des métropoles soit abordée sous le seul angle démographique. Pourquoi fixer un seuil de 450 000 habitants plutôt que de 500 000, voire 600 000 ? À la vérité, les métropoles prévues par le présent texte ne sont que des communautés d’agglomération ou des communautés urbaines d’un type nouveau. Elles n’ont ni le statut ni les moyens d’entrer en compétition avec les grandes métropoles européennes, fortes d’un million d’habitants, comme Barcelone ou Milan. Qu’est-ce qu’une métropole qui n’a pas d’aéroport international ?

De plus, les compétences de plein droit qui leur sont données ne le sont que par préemption et transfert de compétences communales. Les compétences qu’elles reçoivent du département ou de la région ne sont qu’optionnelles et nécessitent l’accord préalable de ces deux collectivités.

Les métropoles françaises qui voudraient jouer un rôle dans le concert européen doivent, à mon sens, se construire davantage en élargissant leurs compétences sur celles qui sont exercées par les départements et les régions qu’en retirant aux communes qui les composent des services de proximité.

C’est en gagnant des compétences économiques, éducatives, touristiques que ces métropoles pourront véritablement devenir le fer de lance du développement de toute une région, et peser sur l’aménagement du territoire. Les départements et les régions n’auraient rien à y perdre, bien au contraire !

De ce point de vue, le projet de loi que nous examinons manque d’ambition et de clarté.

M. Jean-Pierre Sueur. Pas seulement de ce point de vue !

M. Dominique de Legge. La constitution d’un trop grand nombre de métropoles, uniquement justifiée par la volonté de répondre à des enjeux de pouvoirs locaux, ne permettrait pas de relever le défi de l’aménagement du territoire ni celui de la compétitivité européenne.

J’en viens à présent au couple département-région.

On peut le regretter, mais, force est de le reconnaître, peu de Français identifient l’action régionale, conduite à un échelon qui n’apparaît pas toujours pertinent. Les espoirs placés dans la région lors de son passage de statut d’établissement de coopération interdépartementale à celui de collectivité de plein exercice n’ont pas toujours été couronnés de succès.

Pour ma part, je ne serais pas hostile au fait que la région retrouve cette fonction de porteur de grands projets à l’échelle de plusieurs départements. Le système ne fonctionnait pas si mal et créait un véritable lien entre les deux échelons. En outre, la question du nombre des conseillers territoriaux appelés à siéger à la région se trouverait résolue. Je n’ignore pas qu’un retour à une telle situation imposerait une modification constitutionnelle.

Aussi, je considère que la création du conseiller territorial constitue une avancée substantielle du point de vue de l’harmonisation des politiques et des actions des deux collectivités départementale et régionale. À ceux qui regrettent que nous puissions abandonner le scrutin proportionnel, je serais tenté d’objecter que si la région n’a pas trouvé toute sa place dans le paysage politico-administratif français, c’est peut-être en partie parce que le mode de scrutin ne permet pas d’identifier un élu avec un territoire.

Je ne partage pas le point de vue de ceux qui estiment avec mépris qu’une « cantonalisation » du mode d’élection des élus empêcherait ces derniers d’avoir une vision globale de leur territoire. Une telle attitude revient à faire aux élus le procès qu’’ils ne pourraient pas comprendre l’intérêt général. Je note que, dans la pratique, de nombreux exécutifs régionaux ont d’ores et déjà nommé des référents par pays.

Par ailleurs, l’introduction, par l'Assemblée nationale, de l’article 35 bis prévoyant l’élaboration d’un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services me semble constituer une innovation intéressante.

En conclusion, le présent projet de loi a pour principal mérite de répondre à une difficulté. L’organisation territoriale de notre pays est souvent pensée sur la base du principe de l’uniformité. Or nos débats ont souligné la diversité des situations et des territoires. Le texte qui nous est soumis offre aux élus une boîte à outils dans laquelle ils pourront puiser les formes d’association et de travail adaptées à la réalité de leur territoire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il n’est pas possible d’aborder ce débat sur la réforme des collectivités locales sans tenir compte du contexte dans lequel il s’inscrit.

Nous avons bien conscience que nous entrons dans une période de rigueur budgétaire et que, dans le cadre des choix opérés par le Gouvernement, les collectivités locales sont mises à contribution, alors qu’elles subissent déjà elles-mêmes l’impact de la crise.

Ainsi, les conséquences du gel annoncé des dotations de l’État aux collectivités seront aggravées pour les collectivités d’outre-mer, alors que celles-ci doivent faire face au rattrapage des retards accumulés et aux besoins sans cesse croissants générés par la progression démographique, sans parler des déficits de moyens liés à des transferts de compétences insuffisamment compensés.

La situation sociale et économique de nos régions est très grave et extrêmement préoccupante : les mouvements sociaux survenus l’an dernier aux Antilles et à la Réunion l’ont rappelé. Nous devons toujours avoir en tête les chiffres disponibles en la matière : à la Réunion, 52 % de la population est au-dessous du seuil de pauvreté ; 30 % de la population active est privée d’emploi ; 30 000 foyers attendent un logement social...

Les collectivités locales sont confrontées à cette situation sociale et, dans les faits, supportent des dépenses de fonctionnement aussi indues qu’élevées, alors même que les besoins en infrastructures et en équipements sont colossaux, qu’il s’agisse du traitement de l’eau, des déchets, des déplacements, du bâti scolaire, etc.

C’est pourquoi nous ne devons entretenir aucune illusion : si les moyens financiers du développement font défaut, si les finances des collectivités sont mises à mal, aucune réforme administrative ne permettra de régler les problèmes fondamentaux du développement. Le débat décisif concerne non pas le nombre des assemblées – une, deux, ou trois –, mais la question de savoir quels moyens seront mis au service de quelles compétences.

Dans un tel contexte, nous considérons que les motivations qui sous-tendent la réforme envisagée sur le plan de la métropole seront inopérantes en outre-mer, singulièrement à la Réunion.

En métropole, la création du conseiller territorial commun à la région et au département semble vouloir répondre à un besoin accru de proximité et d’ancrage territorial.

À la Réunion, cette question s’inscrit dans un cadre totalement différent, puisque notre île est une région monodépartementale, comportant un conseil régional et un conseil général couvrant le même territoire. Elle compte vingt-quatre communes et chacune de celles-ci contient un ou plusieurs cantons ; la totalité du territoire est couverte par cinq établissements intercommunaux, chiffre qui sera bientôt ramené à quatre.

La combinaison des compétences du conseil général, des communes et des EPCI sur l’ensemble du territoire permet de prendre en compte les besoins de proximité, notamment l’action sociale pour le département et les communes.

Parallèlement, le conseil régional doit se projeter dans l’avenir en assumant les compétences liées aux enjeux fondamentaux du développement, que ce soit en matière d’aménagement, de développement économique, de routes nationales, de formation, de coopération régionale, etc.

Cette répartition de compétences est en adéquation avec les modes d’élection : les cantons pour une mission de proximité, le scrutin proportionnel à l’échelon régional pour l’approche globale du développement.

Il convient également de souligner que la répartition des compétences entre les régions et les départements en outre-mer n’est pas la même qu’en métropole. Par exemple, outre-mer, les régions sont compétentes pour les routes nationales, alors que, en métropole, ce sont les départements. De même, les prérogatives fiscales des régions d’outre-mer sont tout à fait spécifiques. Je pense notamment à la taxe spéciale de consommation des carburants alimentant le Fonds d’investissement pour les routes et les transports, ainsi qu’à l’octroi de mer.

Certes, le schéma actuel n’est pas parfait, mais il correspond à une certaine logique.

Appliquer mécaniquement à la région monodépartementale de la Réunion le droit commun envisagé à l’échelon national et élire sur un même territoire des conseillers territoriaux au scrutin cantonal aboutirait à une caricature d’assemblée unique et se traduirait, dans les faits, par des aberrations. Ainsi, il nous paraît inconcevable que la même assemblée unique de conseillers territoriaux élise deux présidents d’assemblée, deux commissions permanentes, et que ses membres siègent un jour à la région, l’autre au département. Au-delà des obstacles juridiques d’ordre constitutionnel qui remettent en cause cette conception, celle-ci paraît totalement inopérante dans les faits. On voudrait discréditer la solution consistant à instaurer une réelle assemblée unique qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! De plus, cette mesure porterait gravement atteinte au principe de la parité, déjà mis à mal par ailleurs.

Nous prenons acte que, lors du vote du projet de loi à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a renoncé à ce schéma.

Nous prenons également acte que la totalité de la représentation réunionnaise à l’Assemblée nationale a condamné l’application mécanique du droit commun national à la situation réunionnaise et s’est prononcée, en l’état actuel du débat, pour le maintien du statu quo, le temps d’approfondir la réflexion.

Le Gouvernement s’est donné un délai de dix-huit mois pour faire émerger une solution pour la Réunion et la Guadeloupe. Il est évident que toute solution devra être le fruit d’une réelle concertation avec l’ensemble des élus de nos départements. C’est pourquoi nous considérons qu’il appartiendra à la représentation nationale de se saisir de ce débat et qu’il ne serait pas opportun, compte tenu de la complexité et de l’importance de ce dernier, que le Gouvernement légifère par voie d’ordonnance pour ce qui concerne les départements d’outre-mer, comme le prévoit l’article 40 du présent projet de loi, modifié.

Mes chers collègues, vous comprendrez donc que je soutienne sans réserve aucune l’amendement présenté par notre collègue Jacques Gillot.

Tant pour des raisons de forme que de fond, nous ne pouvons que nous opposer au projet de loi soumis à notre examen, tel qu’il est actuellement rédigé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le secrétaire d'État, je regrette que le projet de loi relatif à la modernisation de la démocratie locale, dont vous étiez à l’origine et dont nous avions commencé l’étude en 2009, n’ait pas été mené à terme. Je rappelle qu’il concernait le couple commune-intercommunalité.

En effet, dans le présent projet de loi, cette question soulève peu de problèmes ; elle recueille même l’assentiment de tous. Par conséquent, si elle avait fait à elle seule l’objet d’un projet loi, nous aurions adopté le texte proposé, et pour ma part, je l’aurais fait des deux mains !

L’exécutif a choisi une autre méthode, qui consiste à traiter en même temps tous les niveaux de collectivités territoriales, au travers de quatre projets de loi déposés sur le bureau des assemblées et un cinquième à venir, nous annonçait-on, concernant les compétences. De plus, on a, curieusement, commencé par le financement des collectivités, avec la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par d’autres taxes, en particulier la contribution économique territoriale.

On le voit aujourd’hui, il eût été plus efficace de commencer par les compétences. Je l’avais dit alors : on a mis la charrue avant les bœufs !

Venons-en au conseiller territorial, point de crispation, lieu de polarisation de cette réforme.

M. François Patriat. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault. Certains sont farouchement opposés à l’existence même du conseiller territorial,…

Mme Jacqueline Gourault. … sur toutes les travées, même si certains l’expriment moins que d’autres.

Mme Nathalie Goulet. Ils ont tort !

Mme Jacqueline Gourault. Certains, dont je suis, n’y étaient pas hostiles par principe. Nombreux sont ceux qui ont rappelé, d’ailleurs, que dès 2002 François Bayrou avait proposé l’idée du rapprochement nécessaire du département et de la région.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Oui !

Mme Jacqueline Gourault. Mais deux points méritent aujourd’hui d’être précisés.

D’une part, il ne s’agissait pas de proposer les assemblées pléthoriques auxquelles on arrive aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Sueur. Trois cents personnes, et M. Jean-Patrick Courtois en rajoute une louche !

Mme Jacqueline Gourault. Il était maladroit, monsieur le ministre, de dire hier que cela existait déjà dans certaines intercommunalités, comme à Metz. Nombreux sont ceux qui ont dénoncé cet aspect. Il s’agit de limiter les intercommunalités et non de les prendre comme modèles pour justifier les assemblées territoriales telles qu’elles sont proposées.

D’autre part, nous avons toujours réclamé une dose de proportionnelle, je dis bien « une dose ». Car aujourd’hui on a tendance à nous opposer que le scrutin uninominal est le seul garant de la représentation des territoires. Eh bien, figurez-vous que nous sommes d’accord ! C’est la raison pour laquelle nous avons proposé 80 % de scrutin majoritaire à deux tours.

M. Nicolas About. Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault. Par conséquent, nous défendons, nous aussi, le scrutin majoritaire à deux tours. Mais si les territoires doivent tous être représentés, toutes les sensibilités politiques doivent l’être aussi. Donc, nous avons demandé 20 % de proportionnelle. Et c’est pourquoi nous sommes favorables au scrutin mixte, qui répondrait aux préoccupations de tous. On oppose les défenseurs de la proportionnelle à ceux du scrutin uninominal à deux tours ; moi, je défends les deux !

Je tenais à expliquer ma position. C’est très important.

Bizarrement, le Gouvernement avait déposé un projet de loi allant dans ce sens. Je crois savoir qui a pu l’inspirer… Bien sûr, ce projet de loi ne nous convenait pas tout à fait. Nous l’aurions amendée sur son aspect correctif et sur les deux tours.

On nous a même reproché de ne pas l’avoir assez soutenu ! Évidemment, ce projet de loi n’a pas été débattu ! (Mme Maryvonne Blondin opine.)

M. Yves Chastan. Ce n’était pas le moment !

M. Charles Gautier. Avant l’heure, ce n’est pas l’heure !

Mme Jacqueline Gourault. Nous n’avons donc pas abordé ce sujet puisqu’il relevait d’un autre texte.

Je passe les épisodes récents : l’acceptation en première lecture et le vote par le groupe UMP d’un amendement de l’Union centriste, au Sénat, rappelant les principes auxquels nous étions attachés ; puis, la suppression, à l’Assemblée nationale, de notre amendement et l’introduction dans le texte du mode électoral prévu dans un autre projet de loi, posant ainsi un problème constitutionnel, au regard de l’article 39, selon lequel tout article touchant aux collectivités locales doit d’abord être débattu au Sénat.

Est venue ensuite, la semaine dernière, la suppression en commission du mode de scrutin introduit par l’Assemblée nationale.

À ce niveau, après lecture d’un certain nombre d’articles – je le dis avec le plus d’élégance possible –, je finis par me demander si cette suppression n’a pas été, comme disent les anglais, « facilitée », afin de réintroduire au Sénat cet amendement qui résout le problème d’inconstitutionnalité, du moins temporairement.

Si jamais nous ne le votons pas au Sénat, c’est le texte initial de la commission qui reviendra.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault. Cette interprétation est peut-être trop…

MM. Yves Chastan et Alain Dufaut. Machiavélique !

Mme Jacqueline Gourault. ….oui, machiavélique, mais le souvenir de certains comportements m’éclaire un peu.

Bref, nous en sommes là aujourd’hui et j’aurai l’occasion de reprendre la parole au cours des débats. Je le rappelle cependant, le Sénat représente les collectivités territoriales…

Mme Jacqueline Gourault. … et il serait pour le moins incongru que l’Assemblée nationale, plus précisément le groupe UMP impose sa vision des choses. Est-ce à dire qu’il faut adopter ce projet de loi tel qu’il nous est proposé ? Non, bien sûr ! Le Gouvernement doit aussi tenir compte de la Haute Assemblée. En tout cas, j’ose espérer qu’il en sera ainsi. (Applaudissements sur la plupart des travées de l’Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme Maryvonne Blondin. Nous aussi, nous espérons qu’il en sera ainsi !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. En vous écoutant attentivement, hier soir, monsieur le ministre Brice Hortefeux et monsieur le secrétaire d’État Alain Marleix,…

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Merci !

M. Jean-Pierre Sueur. … j’avais le sentiment que vous manquiez quelque peu d’enthousiasme pour défendre, en cette fin de parcours,…

M. Charles Gautier. En cette fin de partie !

M. Jean-Pierre Sueur. … ce texte, qui devient en quelque sorte votre pensum. Vous vous dites : « Il faut bien faire le travail ! » Certes, M. Michel Mercier n’a pas parlé et peut-être nous étonnera-t-il… (Sourires.)

Quelle différence entre ce que nous avons vécu hier soir et ces moments où nous étions, à l’Assemblée nationale, avec M. Pierre Mauroy et où, en 1982 et en 1983, nous avions un enthousiasme extraordinaire pour cette République des libertés locales, véritable souffle de la décentralisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.) Mes chers collègues, où est aujourd’hui le souffle ?

En 1992 et en 1999, nous avons également vécu cette révolution des communautés, qui, petit à petit, allait, dans le respect le plus total de la réalité communale, à laquelle nos concitoyens sont très attachés, créer ces nouveaux niveaux importants pour notre développement économique et pour l’aménagement du territoire.

Aujourd’hui, nous le voyons bien, il eût été possible d’aller vers un troisième âge de la décentralisation et vers plus de démocratie. La question du suffrage dans les communautés urbaines et les communautés d’agglomération se pose et se posera. Le fléchage ne constitue qu’une petite étape ; il faudra aller plus loin.

Nous aurions pu aller plus loin pour la péréquation. Le débat d’hier après-midi était très révélateur. Il faut plus de justice entre nos collectivités, eu égard à leurs charges : leurs ressources ne sont pas en rapport avec leurs charges !

Les réponses sont confuses. On nous annonce même pour décembre l’arrivée du cinquième risque afin de décharger les départements du fardeau de la dépendance.

Toutefois, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, si on confie cela à la sécurité sociale – ce qui serait d’ailleurs positif –, comment le financera-t-elle, vu le gouffre abyssal de son déficit ? Et le Président de la République annonce une réduction, en trois ans, des déficits publics ! Merci de nous donner quelques explications sur vos perspectives pour les quelques mois à venir, cela nous aiderait à comprendre !

Nous aurions pu aussi aller vers des régions fortes, dans l’optique européenne des régions plus grandes, plus fortes et dotées de davantage de moyens.

Bref, nous aurions pu faire bien des choses, en somme. (M. Nicolas About sourit.) Mais voilà que vous êtes accrochés à ce conseiller territorial qui ne passe pas. Y a-t-il, dans notre pays, une seule association d’élus – et il n’en manque pas – qui ait réclamé le conseiller territorial ? Laquelle ? Pas une !

M. Jean-Pierre Sueur. Avons-nous vu des défilés et des manifestations devant les permanences et devant les préfectures ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Avez-vous entendu crier : « Nous voulons le conseiller territorial ! Pourquoi n’est-il pas encore voté ? Nous l’attendons ! » ? (Mmes Patricia Schillinger et Gisèle Printz applaudissent.)

M. Charles Gautier. J’ai rendez-vous avec le conseiller territorial !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous peinez tous, chers collègues de la majorité, dans les assemblées d’élus locaux pour leur expliquer les bienfaits du conseiller territorial. Comment pouvez-vous expliquer que l’on fera des économies en passant, dans la région Centre, de soixante-douze conseillers territoriaux à cent soixante-dix-sept ? Et M. Jean-Patrick Courtois trouve que c’est encore insuffisant : il en propose cent quatre-vingt-quatre !

Par conséquent, le nombre de conseillers territoriaux sera multiplié par trois. Ici, il y en aura plus de deux cents, là, plus de trois cents, et il faudra pousser les murs. Mais on nous dit que cela représente une économie pour la France, au moment où il faut faire des restrictions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Raymond Vall et Jacques Mézard ainsi que Mme Jacqueline Gourault applaudissent également.) Personne ne peut le comprendre !

Comme Mme Jacqueline Gourault l’a dit, vous avez tout défendu dans cette affaire : le scrutin à un tour – c’était la position du Gouvernement –, puis le scrutin à deux tours, puis la part de proportionnelle, puis l’absence de toute part de proportionnelle.

Vous avez défendu tout et son contraire ! Comment voulez-vous que l’on y comprenne quelque chose ?

M. Yannick Bodin. Eux-mêmes ne comprennent pas !

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai été très frappé, messieurs Brice Hortefeux et Alain Marleix, par vos propos d’hier qui comportaient un certain nombre et même un nombre certain de noms propres…

M. Charles Gautier. C’est du blanchiment !

M. Jean-Pierre Sueur. Le chanteur Vincent Delerm cite beaucoup de noms propres dans ses chansons : il a dû être un peu jaloux ! J’ai même craint que l’annuaire lui-même ne pâlisse de jalousie. (Sourires.)

Aucun collègue du groupe RDSE susceptible de s’interroger, aucun centriste qui soit dans la réflexion et peut-être dans l’hésitation n’y a échappé. Quelques socialistes et même quelques communistes…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, pas un seul communiste !

M. Jean-Pierre Sueur. … et certains membres du groupe UMP, pour faire bonne mesure, y ont eu droit aussi. On leur a dit : « Monsieur le sénateur, votre amendement est très intéressant ! » ; « Madame la sénatrice, cette proposition est vraiment pertinente ! ». (Mme Dominique Voynet applaudit.) J’ai compté presque quarante noms ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Vous pouvez mieux faire…

Mme Nathalie Goulet. Ça viendra !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais nous sommes entre nous : tout le monde comprend, mes chers collègues, de quoi il s’agit. Et chacun voit qu’on a perdu l’enthousiasme et le souffle. Vous êtes là, messieurs les ministres, de manière un peu notariale, à essayer de voir si, avec vos petits coups d’écope, vous pouvez réussir à sauver le navire qui se perd dans les ombres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et c’est un membre du Gouvernement Rocard qui vous dit ça !

M. le président. La parole est à M. Christian Poncelet.

M. Christian Poncelet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement, souhaitant renforcer le couple département-région, a proposé, dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, la création du conseiller territorial, qui doit siéger, dès 2014, à la fois au conseil général et au conseil régional.

En raison de cette double représentation, l’effectif de ces élus, tel qu’il a été arrêté par l’Assemblée nationale, ne représenterait que 60 % de celui des conseillers généraux et régionaux réunis, soit 3 367, contre 5 645. Ce taux a été porté à environ 62 %, soit 3 486, contre 5 645, sur proposition de la commission des lois du Sénat.

Tout d’abord, force est de le reconnaître, l’Assemblée nationale, en fixant le nombre et la répartition de ces conseillers territoriaux, a pris une décision…

M. Yannick Bodin. C’était une erreur !

M. Christian Poncelet. … qui remet en cause non pas seulement les engagements du Gouvernement, mais aussi la priorité reconnue au Sénat pour les dispositions relatives aux collectivités territoriales. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

En tout état de cause, on observe que, dans ce débat, se posent surtout deux questions, que j’aborderai successivement : celle de la représentativité et celle de l’exercice effectif des missions du conseiller territorial.

En ce qui concerne, tout d'abord, la représentativité du conseiller territorial, on note que, selon les propositions du Gouvernement, adoptées par l’Assemblée nationale et rejetées – à juste titre, pour les raisons que je viens d’évoquer – par la commission des lois du Sénat, le nombre des conseillers territoriaux serait, dans certains départements, inférieur de 30 %, voire plus, à celui des conseillers généraux élus à l’heure actuelle.

Ainsi, pour les Vosges, 23 conseillers territoriaux remplaceraient 31 conseillers généraux. Je déposerai d'ailleurs un sous-amendement à ce sujet.

Or le Gouvernement se devait, après avoir satisfait à la condition de priorité de présentation que j’ai rappelée, de prendre en considération les problèmes qui se posent à l’échelon local, notamment dans les régions d’accès difficile ou dans les zones montagneuses ou forestières ; autrement dit, il lui fallait combiner des données géographiques, économiques et sociologiques.

Faute pour le Gouvernement d’avoir fait ce travail, l’examen des dispositions qu’il propose suscite un certain nombre d’interrogations, comme nous venons de l’entendre !

Ainsi, à partir de ce constat dressé dans le département dont je suis l’élu, on est en droit de se demander comment un conseiller territorial unique pourrait assurer la représentation de l’ensemble des intérêts d’une circonscription qui comprend deux vallées à l’économie différente, séparées par un col. (Marques d’assentiment sur les travées du groupe socialiste.)

Aussi, pour nous permettre de nous prononcer en toute connaissance de cause, il serait souhaitable que nous soit proposée la configuration complète des territoires.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Christian Poncelet. Dans le même esprit, il serait utile, à l’heure où nous commençons à préparer les orientations budgétaires des collectivités locales pour 2011 – je parle sous votre contrôle, mes chers collègues –, que nous disposions de l’ensemble des données nécessaires pour établir ce document et savoir dans quelles conditions l’État, dont on connaît le niveau d’endettement, assurera la régulation de la compensation due aux départements par le Fonds national de garantie individuelle des ressources.

Le second point qui appelle l’attention concerne les missions que le conseiller territorial sera amené à remplir.

M. Christian Poncelet. Ce conseiller territorial devra non pas seulement être présent aux diverses sessions plénières et réunions de commissions de deux conseils, qui se tiendront parfois très loin de son lieu de résidence, mais également participer aux différents travaux concernant, notamment, les établissements scolaires et hospitaliers ainsi que les maisons de retraite. Autrement dit, il lui faudra être un élu à plein temps, ce qui nous conduit à nous interroger sur les conditions de sa désignation et les modalités de sa rémunération.

Si, antérieurement à l’élection, le conseiller territorial exerçait une activité professionnelle, dès lors qu’il est appelé à remplir – à plein temps, je le répète – ses fonctions électives, il devra renoncer à poursuivre sa carrière, avec les risques que comporte une telle décision en cas de non-réélection.

Mme Évelyne Didier. C’est fait exprès !

M. Christian Poncelet. Dans ces conditions, le conseiller territorial sera, de fait, un agent de service public élu.

M. Yves Chastan. C’est tout à fait cela !

M. Christian Poncelet. Ainsi, l’assemblée territoriale sera privée de représentants actifs de la vie économique, sociale et culturelle, ce qui n’est pas bon pour la démocratie.

En outre, devrait être versée au conseiller territorial une rémunération plus importante que celle qui est allouée actuellement à un conseiller régional ou à un conseiller général, ce qui entraînera une augmentation des dépenses de fonctionnement. Cet accroissement des charges risque d’être d’autant plus sensible que le conseiller territorial pourra être remplacé, en plusieurs occasions, par son suppléant, qu’il conviendra, bien sûr, de rémunérer également.

Il nous faut aussi nous interroger sur les conditions de la désignation du conseiller territorial : sans doute celui-ci pourra-t-il être choisi parmi les retraités.

M. David Assouline. Après soixante-sept ans !

M. Christian Poncelet. Toutefois, le nombre de tels élus ne saurait être que réduit, sauf à exclure des futurs conseils généraux et régionaux bien de ceux qui, actuellement, apportent aux délibérations de ces instances, outre leur connaissance du terrain, leur expérience professionnelle, qu’ils soient agriculteurs, commerçants, salariés, entrepreneurs ou membres des professions libérales, ainsi que l’enrichissement de la diversité, ce gage de vitalité et d’objectivité.

La vie économique, sociale et culturelle sera-t-elle présente dans ces conseils ? Avec le projet de loi qui nous est soumis, j’en doute.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Christian Poncelet. Sur les deux points que je viens de développer, à savoir la représentativité et l’exercice des missions des conseillers territoriaux, examinés au regard du nombre et de la répartition de ces nouveaux élus, c’est avec beaucoup d’intérêt, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, que j’écouterai les réponses que vous voudrez bien m’apporter. Je vous en remercie vivement par avance. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez que j’aborde ici la situation subie par les collectivités locales, c'est-à-dire la déstructuration de leurs modes de financement et leur appauvrissement programmé.

Nous avons eu hier un débat sur la clause de rendez-vous de la pseudo-réforme des finances locales engagée avec la suppression de la taxe professionnelle. Or, bien que les problèmes rencontrés soient nombreux, vous décidez, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, qu’ils ne seront ni abordés ni réglés.

Les élus ne disposent d’aucune visibilité sur leurs budgets de 2011 ? Ce n’est pas grave, on continue !

Les fonds départementaux de péréquation ne sont pas alimentés ? Ce n’est pas grave, on continue !

Il semble que, selon vous, tout doive se poursuivre comme si de rien n’était, alors que certains départements ne peuvent plus honorer leurs dépenses sociales et que, partout, de la commune à la région, l’heure est à la rigueur.

Et partout, vous le savez, les budgets se réduisent. En tant que maire, je puis vous indiquer que nous n’ajustons plus nos ressources aux besoins de nos populations : nous réduisons notre action en fonction de recettes qui, elles, sont sorties de notre champ de compétence.

En perdant notre autonomie fiscale, nous avons perdu notre autonomie financière, donc notre autonomie de gestion.

Cet appauvrissement de nos collectivités a pour conséquence directe d’empêcher les élus locaux de répondre aux besoins de leurs populations. Et chacun sait ici que, dans un tel cas de figure, ce sont les personnes les plus fragilisées qui sont aussi les plus frappées.

Or, dans ce contexte déjà très difficile, le Gouvernement vient d’annoncer le gel de ses dotations, aggravant par là même considérablement la situation des collectivités locales.

En effet, au fil des ans, nos budgets locaux ont vu croître ces différentes dotations qui, remplaçant des rentrées fiscales dynamiques, représentent aujourd’hui une part importante de nos ressources. En les gelant, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, vous savez que vous nous contraindrez à réduire nos activités !

De plus, depuis plusieurs années, vous avez transféré aux communes, aux départements et aux régions un nombre croissant de missions et de tâches, sans les compenser intégralement. Et je n’évoque pas seulement ici le transfert des politiques sociales, dont on parle enfin aujourd’hui. Ainsi, la calamiteuse campagne de vaccination de l’hiver dernier a été à la charge des communes. Il en va de même de la délivrance des cartes d’identité et des passeports, mais aussi de la sécurité à la sortie des écoles ou de la mise en fourrière des « voitures ventouses » qui encombrent nos rues. Et je pourrais multiplier les exemples !

Finalement, vos désengagements et vos économies d’impôts coûtent très cher aux communes et à leurs contribuables !

Va-t-on alors, par ce projet de loi, empêcher l’asphyxie financière des collectivités locales, qui les étouffe aujourd’hui, pour mieux les faire mourir demain ? Évidemment, et malheureusement, non ! Bien au contraire, le garrot se resserre.

De cette façon, vous mettez en œuvre le rapport Balladur, qui prévoyait « l’évaporation » des communes et des départements.

En effet, ce projet de loi met en place une restructuration-destruction de nos institutions locales, pour accompagner et accélérer l’agonie de ces dernières.

Ce qui est inscrit dans ce texte, c’est un double mouvement de concentration des pouvoirs et de spécialisation des compétences, afin de réduire la dépense publique locale. Comme le soulignait le Premier ministre : « Si les collectivités ne réduisent pas leurs dépenses, nous les y contraindrons ».

Ainsi, quelles que soient les compétences qui leur seront attribuées, les collectivités locales ne disposeront plus des moyens nécessaires pour y faire face. Elles ne pourront plus adapter localement les politiques publiques !

D’ailleurs, il est notable qu’aucune des parties de ce texte n’ait pour objectif de répondre davantage et mieux aux besoins de nos concitoyens, de même qu’aucune de ses mesures ne participe du développement du territoire national, dans son ensemble.

Finalement, à travers ce texte, vous ne visez qu’à valoriser et exploiter les ressources de certains bassins de vie et d’emploi, laissant les autres à la dérive. Vous mettez en place un nouveau schéma d’organisation qui se pense en termes de compétition.

Ainsi, ce projet de loi est une restructuration libérale de nos institutions locales, visant à soumettre à une concurrence libre et non faussée les populations et les territoires. Une telle démarche, n’ayons pas peur de le dire, est porteuse de nouvelles et puissantes inégalités sociales et territoriales. Elle ne pourra répondre aux besoins sociaux d’aujourd’hui, et encore moins aux défis de demain.

En prônant la mutualisation contrainte des ressources et des moyens de tous les échelons locaux, votre objectif n’est pas d’aider les collectivités à redéployer leurs actions au service de notre population.

Prenons l’exemple des financements croisés : ils ont été mis en place, justement, afin de mutualiser les ressources financières de plusieurs collectivités et de permettre à l’une d’entre elles de réaliser les équipements ou les services nécessaires à l’amélioration des conditions de vie des populations.

Or vous allez les supprimer, ou imposer des conditions drastiques qui les limiteront fortement. C’est bien la preuve que, avec cette réforme, vous voulez contraindre toujours davantage les collectivités locales à mettre en œuvre vos choix libéraux, faits de restrictions des ressources publiques et de réductions des dépenses et des services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.

M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, entre les travaux de l’Assemblée nationale, du Sénat et d’autres groupes de travail, les rapports relatifs aux collectivités locales se sont multipliés ces dernières années. Ils portent sur la réorganisation territoriale, sur la clarification des compétences des collectivités, sur les relations de ces dernières avec l’État et sur la mutualisation de leurs moyens.

À ces nombreuses réflexions s’ajoute, bien sûr, la contribution du comité pour la réforme des collectivités locales, mis en place afin de « formuler toutes propositions de nature à engager une réforme profonde et ambitieuse du mode d’administration du territoire […] ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les travaux préparatoires à la réforme annoncée des collectivités ne manquent pas ! Les constats sont unanimes : enchevêtrement à l’excès des compétences des collectivités, trop grand nombre et morcellement des structures d’administration territoriale, nécessaire réforme des finances locales, dans un contexte marqué par une augmentation importante des dépenses des collectivités locales et une diminution des recettes.

Le projet de loi que nous examinons est censé s’être nourri de ces divers rapports.

Mme Nathalie Goulet. Pourtant, il nous laisse sur notre faim !

M. Jean-Léonce Dupont. Toutefois, étonnamment, la réforme proposée aujourd’hui par le Gouvernement s’appuie sur une analyse que je qualifierais d’erronée et manque profondément de clarté.

Compte tenu du temps qui m’est imparti, je ne formulerai que quatre remarques pour étayer ma vision de la situation.

Tout d’abord, le texte cherche à promouvoir des synergies entre les départements et les régions, avec la création de conseillers territoriaux se substituant aux conseillers généraux et régionaux actuels. À défaut d’avoir pris une décision sur la suppression d’un échelon institutionnel – une question qui fait débat –, le Gouvernement crée un nouvel élu, chargé de « donner plus de cohérence aux politiques locales ».

En soi, pourquoi pas ? Néanmoins, soyons honnêtes sur les conséquences d’un tel choix : la réduction du nombre d’élus, donc de cantons ou de territoires, conduira à favoriser les pôles urbains ; les circonscriptions étant agrandies, les élus seront moins proches de leurs concitoyens ; enfin, ne sous-estimons pas le risque de professionnalisation de la fonction d’élu territorial, problème que vient de soulever M. Christian Poncelet.

Le Gouvernement présente la création de ces nouveaux élus et la réorganisation des collectivités en pôles unissant les départements et les régions comme des gages d’efficacité pour les territoires.

Or, ainsi que l’illustre parfaitement le rapport du Sénat sur la mutualisation des moyens des collectivités, c’est à l’échelon des communes et des intercommunalités que les synergies et la mise en commun de moyens doivent être recherchées. C’est à ces deux niveaux que nous pouvons optimiser les dépenses et réduire le nombre des services administratifs.

La Cour des comptes relève d’ailleurs ce paradoxe : malgré le développement de l’intercommunalité et le transfert de compétences depuis les années deux mille, entraînant de fait la création de postes de personnels communautaires, les communes ont continué à augmenter leurs effectifs. C’est de cette façon que les administrations « doublonnent » ! Entre les communes et les intercommunalités, ce sont entre 35 000 et 40 000 postes qui sont créés chaque année.

Certes, les articles 33, 34 et suivants du projet de loi vont dans le sens d’une recherche de maximalisation des ressources et des services dans le cadre communal et intercommunal. C’est une avancée, et c’est bien là que se situe la véritable révolution pour les territoires ! Ce n’est pas à l’échelon des départements et des régions que les synergies produiront beaucoup d’effet…

En outre, la diminution du nombre d’élus nous est présentée comme une garantie d’économies. En réalité, c’est l’inverse qui risque de se produire : la réforme devrait être dispendieuse.

Je sais que le sujet n’est pas médiatiquement vendeur ces temps-ci, mais je voudrais dire que le coût des élus est marginal : dans mon département, il représente non pas 5 % ou même 1 % du budget, mais seulement 0,18 % !

Mme Maryvonne Blondin. Il faut le rappeler !

M. Jean-Léonce Dupont. En revanche, il serait intéressant de connaître le coût, pour chaque région, de la réalisation d’une salle de réunion pour les 200 à 300 conseillers territoriaux et, surtout, celui des personnels nécessaires à la gestion de ces mini-parlements.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Léonce Dupont. Avec cette réforme, le Gouvernement affiche également comme ambition de rendre plus lisible l’architecture territoriale de notre pays.

Je crois, au contraire, que, avec la création de métropoles aux contours indéfinis et l’absence totale de clarification des compétences de chaque niveau de collectivités, ce texte rend encore plus complexe la situation.

Des métropoles capables de rivaliser avec leurs homologues européennes et internationales, nous y sommes bien sûr favorables ! Mais, pour être la hauteur du défi, ces métropoles doivent, à mon avis, comprendre une population d’un million d’habitants, avoir un aéroport international, pouvoir accueillir des sièges de multinationales. Or, compte tenu des spécificités de la France, cinq ou six métropoles sont envisageables, pas plus !

Et une fois les métropoles instaurées, qu’adviendra-t-il du reste du territoire environnant non membre de cet EPCI ? Le texte est muet sur ce point, alors que la métropole aura absorbé les principaux viviers, social, économique, financier...

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à prévoir que, dans le département siège de la métropole, les communes non membres seront rattachées aux départements voisins.

Je voudrais terminer en évoquant le mode de scrutin prévu pour l’élection des conseillers territoriaux.

Je suis convaincu qu’un système analogue à celui qui est applicable pour les élections sénatoriales aurait été la solution pour représenter au mieux les territoires ruraux comme les territoires urbains.

Cependant, en première lecture, je m’étais rangé au dispositif proposé par le groupe centriste, qui avait obtenu l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Le mode de scrutin devait alors combiner un scrutin uninominal et un scrutin proportionnel, assurant à la fois une bonne représentation du territoire et l’expression du pluralisme politique comme de la parité.

Le Gouvernement s’était alors engagé au maintien de ce dispositif. Monsieur le ministre, après ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, nous considérons que la parole donnée devant le Sénat a été trahie.

La suppression de l’article 1er A en commission des lois a chamboulé momentanément le texte. Malheureusement, cet épisode n’a pas amené le Gouvernement à réfléchir sur l’engagement qu’il avait pris devant notre assemblée, puisqu’il a déposé un amendement tendant à rétablir le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

M. Jean-Léonce Dupont. Je suis pourtant convaincu que le lien entre le territoire et la représentation qui vise à garantir pluralisme et parité ne sont pas antinomiques. C'est la raison pour laquelle le mode de scrutin doit combiner un scrutin majoritaire à deux tours assorti d’une dose de proportionnelle.

En conclusion, tout le monde l’aura compris, cette réforme ne m’enthousiasme pas. Je trouve qu’elle pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.) Entre les régions, les départements, les communes, les divers EPCI, les éventuelles fusions de départements et régions, les métropoles, les pays, aux compétences de plus en plus floues, je souhaite bien du plaisir aux élèves qui, demain, auront à apprendre la carte administrative de la France ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Maryvonne Blondin. Et pensez aux élus…

M. Yannick Bodin. Y aura-t-il une voix pour défendre ce texte ?

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a désormais plus d’un an, le Président de la République recevait les conclusions du rapport du comité Balladur pour la réforme territoriale. Il était « temps de décider », d’apporter « un nouveau souffle pour notre démocratie locale » et de donner « de nouveaux moyens d’actions pour les élus locaux ».

C’est donc drapés de ces objectifs respectables et forts du consensus qui régnait alors sur la nécessité de rendre plus lisible et plus efficace l’organisation territoriale de la France que le Président et le Gouvernement annonçaient un véritable big-bang territorial.

Mme Évelyne Didier. C’est le cas !

Mme Dominique Voynet. Chose promise, chose due ! Il faut admettre d’emblée que, à l’heure où nous entamons l’examen en deuxième lecture de ce texte, au moment donc où nous nous rapprochons de l’aboutissement même du travail législatif, nous nageons effectivement en plein chaos !

Nous avons été nombreux dans cet hémicycle, et plus vivement encore au-delà de ces murs, à pointer, lors de la première lecture, le fait que votre texte, monsieur le ministre, comportait bien plus d’inconvénients que d’avantages. À cet égard, l’examen du projet de loi par les députés n’a rien amélioré.

Au lieu d’alléger le millefeuille institutionnel territorial, il est vrai déjà particulièrement bourratif, ce texte vient au contraire l’épaissir. Il institue des métropoles et des pôles métropolitains, des départements à compétences variables, selon qu’ils accueillent ou non une métropole, des départements dont on amorce d’ailleurs sans le dire le déclin, mais que l’on maintient tout de même en vie au prix d’un affaiblissement des régions, alors même que celles-ci sont appelées à devenir le véritable moteur du dynamisme territorial.

Avec un tel fatras, c’est l’indigestion qui guette les citoyens !

L’ambition initialement affichée de réformer l’organisation territoriale de la France aboutit dès lors à un projet extrêmement décevant. Je n’en retiendrai que l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, alors que 93 % des villes françaises étaient déjà engagées dans une coopération intercommunale au 1er janvier 2009, et l’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, tant attendu. Ce sont de bien maigres satisfactions !

Pis, il semble que les visées électoralistes qui ont animé le Gouvernement lors de l’ébauche du futur conseiller territorial, avec ce fameux scrutin à 80 % uninominal à un seul tour, vous mettent aujourd’hui, monsieur le ministre, en situation délicate. Alors que les constitutionnalistes promettaient à cette tentative de hold-up électoral la censure des Sages de la rue Montpensier, le Gouvernement s’est finalement résigné, sous la bronca, à revenir à un mode d’élection plus républicain, avec deux tours de scrutin.

Sauf qu’en introduisant, par un amendement à l’Assemblée nationale, plusieurs volets de votre réforme qui devaient, disait-on jusqu’ici, faire l’objet de textes ultérieurs, comme l’a fort bien montré Jacqueline Gourault, vous avez piétiné l’accord politique passé ici même avec certains de nos collègues, au terme d’un numéro de funambule mémorable qui devait théoriquement vous garantir l’adoption de ce projet.

Vous avez donc essayé d’imposer à la hussarde et de façon, une fois de plus, intéressée ce nouveau schéma électoral : un scrutin uninominal majoritaire à deux tours avec un seuil de qualification plus élevé pour le second tour, afin d’en finir avec des triangulaires décidément bien trop aléatoires et bien trop douloureuses, aussi, en supprimant dans le même temps la dose de proportionnelle promise ici, au Sénat.

Attentif que vous étiez à ne pas trébucher, avez-vous seulement noté que vous avez ignoré, au passage, la règle constitutionnelle qui fait normalement du Sénat la première chambre consultée en matière d’organisation territoriale ?

Le résultat de cette opération, c’est que la navette parlementaire a tout bonnement explosé en plein vol ! Et, à cette heure, c’est bien de néant qu’il s’agit concernant l’élection et les fonctions de ce futur, probable, conseiller territorial.

Nous nous en sommes déjà expliqués dans cet hémicycle il y a quelques semaines, votre projet de loi, monsieur le ministre, ne se contente pas de participer au mouvement, plus largement observé, de concentration des prérogatives entre les mains de l’exécutif et d’affaiblissement de tout ce qui s’apparente de près ou de loin à un contre-pouvoir, ou de porter atteinte à l’obligation, pourtant constitutionnalisée, de la parité en politique.

Comment s’accommoder d’un mode de scrutin qui s’aligne de fait sur celui, discriminant, des conseils généraux et non sur celui des conseils régionaux, qui est bien plus intéressant et bien plus équitable ?

Monsieur le ministre, chacun l’aura deviné, ce projet de loi a été au moins autant guidé par votre soif de reprendre la main sur les exécutifs locaux que par votre souci de servir l’intérêt général. En ce moment critique où il est demandé par ailleurs à nos concitoyens de se serrer la ceinture, cette ardeur à déployer des artifices pour servir avant tout des intérêts partisans ne vous honore pas. Changer les règles du jeu pour parvenir à ce que l’on ne peut obtenir par les urnes n’est pas à la hauteur des enjeux pourtant cruciaux auxquels font face les collectivités.

Souvent confrontées à de lourds handicaps budgétaires, aggravés par l’incertitude que laisse planer votre réforme hasardeuse de la fiscalité locale – nous avons eu la confirmation, lors du débat qui s’est tenu hier dans cet hémicycle, qu’elle ne serait pas entièrement déployée avant la prochaine élection présidentielle –, les collectivités doivent pourtant assumer une part sans cesse plus importante du service rendu aux citoyens. À l’heure où la crise s’approfondit, elles constituent d’ailleurs les premiers amortisseurs de la précarité et les relais incontournables de la solidarité.

Vous annonciez un nouveau souffle pour la démocratie locale. C’est d’une grande bouffée d’oxygène qu’avaient besoin nos territoires, notamment pour assumer leurs engagements sociaux. Peine perdue ! Aux besoins pourtant vitaux de nos territoires, le Gouvernement répond, cette fois encore, par l’esquive et la tactique, comme il l’a fait tout récemment encore pour le Grand Paris.

Monsieur le ministre, ces territoires que certains de vos collègues jugent si arides qu’il serait vain de les arroser gagneraient en réalité à ne pas être considérés uniquement sous l’angle sécuritaire ; je pense ici au département dont je suis l’élue, la Seine-Saint-Denis, arpenté qu’il est, la nuit, comme un champ de bataille quadrillé par un commando, alors même que ses habitants souffrent avant tout du manque cruel de services publics, de la pauvreté des politiques de droit commun et des multiples inégalités territoriales.

Le salut ne viendra pas de votre réforme territoriale, annoncée à grands coups de clairon. Manquant l’occasion d’éclairer véritablement l’architecture institutionnelle locale et de doter les collectivités des leviers nécessaires à leur développement, cette réforme est restée embourbée dans les considérations claniques qui, hélas ! motivent trop souvent le Gouvernement depuis son avènement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mlle Sophie Joissains. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la décentralisation, comme la démocratie, est un bien commun. Il n’empêche…

Trop d’échelons et de structures, trop de superposition des compétences et toujours plus de croisements financiers tuent toute visibilité politique et favorisent saupoudrage et clientélisme.

Bref, quand tout le monde est compétent pour tout, soit personne ne s’occupe de rien, soit on gaspille par une logique de concurrence et de guichet.

La réforme était nécessaire ; la crise l’a rendue urgente. Le rythme du quinquennat a malheureusement, à mon sens, altéré la consultation des élus locaux.

La réforme s’organise autour de deux piliers : départements-région, communes-communauté.

Pour ce qui est du premier pilier, on constatait que, selon les territoires, urbains ou ruraux, soit le département jouait le rôle essentiel, au préjudice de la région, soit l’inverse. La réunion de leurs compétences en un seul élu a permis de conserver et de concentrer leurs avantages. Cela constitue, je le crois, une avancée notable, mais nous ne devons pas en tirer de conclusion hâtive ou pernicieuse. Si la réduction du nombre d’élus peut être une conséquence, elle ne doit en aucun cas être un objectif.

Le second pilier est fort complexe. La commune, entité territoriale la plus ancienne de France, est aussi la seule véritablement lisible par le citoyen. Cela appartient aux particularités de l’histoire. En 1884, sur le territoire français, les anciennes paroisses, construites et rassemblées de façon naturelle au fil du temps, sont devenues des entités administratives, des communes.

Ainsi, la pertinence des communes, à l’époque de leur création, était déjà inscrite, et parfois depuis des siècles, dans le découpage des territoires, dans les esprits, dans les mentalités, dans les racines de chaque citoyen, de chaque famille, bref, dans le patrimoine identitaire de chacun.

Aucun autre échelon territorial ne peut se prévaloir d’une telle proximité, d’une telle légitimité auprès du citoyen. Vous êtes nombreux, mes chers collègues, à ceindre l’écharpe de maire, d’adjoint, de conseiller municipal, et nous savons tous combien les décisions politiques prises quelquefois à d’autres échelons que le nôtre nous incombent pourtant dans l’esprit des Français. Il est a fortiori essentiel que chaque conseil municipal soit le garant des compétences qui lui ont été dévolues par la loi.

Le plan local d’urbanisme, le droit du sol et du sous-sol, en bref tout ce qui a vocation à devenir construction sur le territoire de la commune, doit rester l’apanage du maire. Cela constitue la marque directe, immédiate, de sa responsabilité face à ses électeurs et à ses concitoyens. La loi ne saurait, sous quelque forme juridique que ce soit, mettre ce droit en péril.

Lui ôter ce droit revient à transformer le maire en simple officier d’état civil et, par là même, à déstabiliser, voire à altérer dangereusement l’interaction et le lien que l’habitant entretient avec son espace de vie et, il faut le dire, sa confiance dans l’institution politique.

Ainsi, le besoin de rationaliser le territoire, de le rendre compétitif, lisible et plus juste aurait dû trouver son expression avant tout autour de la commune. Notre devoir est de considérer celle-ci comme ce qu’elle est, à savoir le fondement républicain de nos territoires.

En conséquence, les communes doivent disposer tant du pouvoir de décision que du droit de veto sur toutes les dispositions concernant leur territoire, quel que soit l’EPCI dont elles sont membres.

De même, il paraît inconcevable que, à la faveur d’une fusion de communes ou d’EPCI, un maire voie le droit qu’il exerce sur le sol de sa commune transféré de facto à un EPCI dont le régime juridique le prévoit. Je pense aux communautés urbaines et aux métropoles. C’est pourquoi le pôle métropolitain me paraît le meilleur des systèmes.

Le temps a manqué à la concertation des maires et la réforme a péché par manque d’appréhension des réalités communales et intercommunales.

La réussite de l’intercommunalité est souvent liée à la représentation des communes et au statut de vice-président de leurs maires.

Les élus municipaux s’unissent au sein de l’intercommunalité pour mettre en commun leurs compétences, leurs connaissances, leurs moyens afin de rendre non seulement un meilleur service à la population, mais aussi de travailler au dynamisme pertinent et naturel de leurs territoires. Pour ce faire, les élus de toutes tendances doivent – cela est plus facile ici qu’ailleurs – travailler ensemble afin de permettre aux spécificités, aux diversités, voire aux nuances et aux harmonies territoriales de continuer à enrichir et à irriguer la France.

Dans cette optique, il est utile que communes et intercommunalités gardent toute liberté pour décider ensemble du nombre de membres élus ou de vice-présidents appelés à siéger au sein du conseil de communauté. A minima, un poste de vice-président doit pouvoir être une option pour chaque commune, dans le cadre, bien entendu, du strict respect de l’enveloppe financière consentie par la loi.

L’amendement que je présenterai respecte l’impératif de maîtrise de la dépense publique, tout en s’appuyant sur les caractéristiques de consensus et de négociation propres aux intercommunalités.

Les clauses de revoyure, dont l’immense majorité d’entre nous auraient voulu par nécessité de cohérence, de lisibilité et de sécurité qu’elles puissent être discutées avant la rentrée prochaine, joueront un rôle crucial.

Les systèmes de péréquation devront permettre de réparer les injustices les plus profondes de nos territoires. Or nous savons déjà que certaines de nos communes ne pourront s’aligner sur les exigences de minima légaux en matière de financements croisés.

Les clauses de revoyure, si l’on veut continuer à être un pays où les territoires puissent se porter assistance, devraient aussi être conçues de façon à ne pas pénaliser les territoires qui s’étaient adaptés à la taxe professionnelle et étaient, par leur compétitivité, devenus moteurs pour la France.

Des progrès un peu trop timides sur le statut de l’élu – mais je sais qu’un texte ultérieur sera déposé sur le sujet – figurent aujourd’hui dans la réforme. Nous avons sur ce point beaucoup de retard sur nombre de nos voisins européens. Il est impératif, pour la démocratie et pour la République, de parfaire, voire de construire ce statut de manière à conserver un juste équilibre entre le pouvoir de l’élu et celui de l’administration, faire en sorte que la diversité citoyenne puisse être représentée dans son ensemble et que l’égalité de tous face au mandat électif soit accrue.

C’est sans démagogie qu’il nous faudra y réfléchir. Il est en effet aujourd’hui difficile pour les professions libérales, les commerçants, les salariés du privé ou les chefs de petites et moyennes entreprises de pouvoir accéder à un poste d’élu en l’absence des garanties conférées soit par l’appartenance à la fonction publique, soit au pouvoir de l’argent.

Les échanges que nous aurons dans cet hémicycle feront de ce texte, je l’espère, une belle réforme.

Je salue le travail accompli au sein de la commission des lois par son président, Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, et la tâche était difficile.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Merci !

Mlle Sophie Joissains. Je souhaite évidemment que notre Haute Assemblée, représentante des collectivités locales, protège comme il se doit l’institution qui est l’un des fondements de la démocratie et de la République, à savoir la commune. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Le temps passe ! Nous abordons l’examen en deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités, mais la flamme s’est éteinte, le souffle a disparu et la recentralisation est imminente. Malgré tout, vous êtes là pour faire le travail, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État,…

J’ai donc envie de vous poser une question : quelle est votre vision de l’administration, de l’organisation territoriale de la République ? Vous semblez ne plus en avoir, ou ne plus en avoir qu’une idée confuse.

Finis les couples, finies les grandes ambitions ! La mission que vous poursuivez consiste aujourd’hui à faire voter ce texte, à tout prix, et donc dans des conditions parfois rocambolesques – nous en avons des preuves régulièrement –, et pour cela tous les moyens sont bons.

Aux uns, à l’occasion d’une première lecture, on promet qu’ils seront entendus et, à l’Assemblée nationale, on fait le contraire. Aux autres, on parle de clauses de revoyure, dévoyant à jamais ce mot, puisque l’on ne reverra jamais rien !

Le Président de la République, le 20 octobre dernier, avait fait une déclaration que je trouve excellente : « Il y a trente ans, beaucoup d’élus de l’opposition de l’époque ont regretté de ne pas avoir voté les lois historiques de 1982 sur la décentralisation ».

M. François Rebsamen. Je puis vous dire que ce projet de recentralisation qui ne dit pas son nom, ce projet qui détricote, qui complexifie et qui met à mal notre histoire institutionnelle, de nombreux élus ne regretteront pas de ne pas l’avoir voté !

Venons-en au texte lui-même.

Les objectifs affichés étaient la clarification, la simplification et l’économie, comme si la moitié des élus que vous supprimez étaient responsables des dépenses. C’est tout de même un peu gros…

Aujourd’hui, ces objectifs sont dévoyés, perdus de vue, et le constat est amer.

En lieu et place de la clarification, c’est bien plutôt le règne de la confusion, et d’abord de la confusion financière : suppression de la taxe professionnelle, disparition de la clause de revoyure, engagements non tenus. Avant même d’avoir clarifié les compétences des collectivités, vous avez asséché les finances locales en supprimant, par exemple, l’autonomie fiscale des régions. De ce côté-là, le problème est réglé, puisque leur marge de manœuvre sera de l’ordre de 10 %. Et on sait qu’une telle disposition aura un effet en cascade : les départements et les communes suivront !

C’est aussi le règne de la confusion électorale : comme cela a été fort bien dit par Jean-Pierre Sueur, tous les modes de scrutin ont été envisagés, à l’exception de la proportionnelle intégrale.

Mme Nathalie Goulet. Il n’est pas trop tard !

M. François Rebsamen. Peut-être la proposerez-vous demain. D’ailleurs, pourquoi pas, car ce mode de scrutin permet, lui, de respecter la parité dans les régions,...

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. François Rebsamen. … contrairement à celui que vous prônez. Les élues et les électrices apprécieront !

À la confusion financière et électorale s’ajoute la confusion sur les compétences. Si l’article 35 avait clarifié les compétences en accordant une clause de compétence générale à la commune et en attribuant aux départements et aux régions des compétences propres, nous aurions compris. Las, et je m’en excuse auprès de nos collègues qui, eux, ne l’avaient pas compris, on a découvert que tout le dispositif culturel, tout le sport associatif français seraient mis à mal, car tout est cofinancé en ces matières.

Les élus étant intelligents, ils ont su ajouter des alinéas aux alinéas et des articles aux articles afin de clarifier les compétences. Désormais, les collectivités pourront cofinancer dans les domaines du sport, de la culture et du tourisme – je ne sais pas qui a proposé cette disposition-là –…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. C’était prévu dès le début !

M. François Rebsamen. … mais, attention, cela vaut uniquement pour les communes de moins de 3 500 habitants !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !

M. François Rebsamen. Celles de plus de 3 500 habitants, quant à elles, ne pourront pas faire appel au financement des départements et des régions.

Je ne sais pas quel technocrate est à l’origine de ce texte, mais, quand on connaît le mode de financement des collectivités locales – encore heureux que celui qui était prévu initialement ait été supprimé –, on se dit que celles-ci auront besoin d’un mode d’emploi pour subventionner tout projet.

M. Didier Guillaume. Cela ne peut pas marcher !

M. François Rebsamen. Résultat ? Cela portera atteinte à l’investissement public, qui est majoritairement porté par nos collectivités.

M. Didier Guillaume. Il n’y aura plus d’investissement !

M. Gérard Collomb. Évidemment !

M. François Rebsamen. À l’heure où notre pays est en mal de croissance, le plus simple serait de supprimer l’article 35 et de laisser les choses en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Pourtant, un consensus aurait pu se dégager, un partenariat aurait pu être tissé, dans l’intérêt des collectivités territoriales. Nous avons d’ailleurs esquissé quelques pistes en matière d’intercommunalité. C’est un sujet sur lequel, je crois, nous avons progressé et qui aurait pu faire l’objet d’un texte de loi.

Quand l’intérêt général est en jeu, les élus locaux répondent toujours présents ! On l’a encore vu lors du plan de relance.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes face à des parlementaires échaudés par les promesses non tenues.

Les enjeux sont graves. Ne pariez pas sur le développement soudain chez les élus locaux d’un syndrome de Stockholm qui leur ferait aimer la main qui frappe régulièrement et qui démantèle, petit à petit, notre système décentralisé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à entendre les différents orateurs, on comprend qu’aucune réforme n’est parfaite, ni définitive, d’ailleurs. Notre débat parlementaire servira donc à améliorer un texte qui est le fruit d’une longue réflexion et qui, sur le plan de la représentation territoriale ou de la cohérence dans la gestion de nos collectivités locales, comporte un certain nombre d’acquis importants.

Je voudrais appeler votre attention sur la Réunion, dont la situation par rapport aux trois autres départements d’outre-mer est particulière.

La Martinique et la Guyane ont choisi de consulter leurs populations. Celles-ci ont refusé d’évoluer vers une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, proposition notamment défendue alors par le président indépendantiste du conseil régional de la Martinique. Le Gouvernement présentera donc bientôt un projet de loi pour ces deux départements dans le cadre de l’article 73 de la Constitution.

La Guadeloupe s’est accordé un temps de réflexion. Nous verrons bien à l’issue quelle est l’évolution souhaitée par la région et le département.

Mais j’en viens à la Réunion.

L’histoire nous donne aujourd’hui raison d’avoir combattu avec ténacité, parfois avec témérité, toute aventure institutionnelle.

Nous sommes résolus à inscrire l’évolution institutionnelle de la Réunion dans le même cadre que celle de la métropole. Nous l’avons exprimé clairement, et une très large majorité de la population nous a suivis. Nous attendons que le Gouvernement prenne en compte notre position.

Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que les institutions ne créent pas le développement. Reste que, quand vous êtes à dans milliers de kilomètres de Paris, le fait d’avoir des institutions stables crée ce climat de confiance sans lequel il n’y aurait pas d’investissement et donc pas de développement économique. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi l’égalité institutionnelle et la stabilité de nos institutions dans le cadre national.

Je voudrais d’ailleurs à ce titre rendre hommage à la Haute Assemblée. C’est en effet ici, en 1982, sous la présidence d’Alain Poher, que de nombreux sénateurs, dont mon frère, Louis Virapoullé, ont saisi le Conseil constitutionnel pour dénoncer l’aventure autonomiste. Ce recours a connu le succès que vous savez, puisque le projet de loi a été intégralement censuré.

C’est ici, monsieur le président Poncelet, que vous avez soutenu notre combat contre ce projet aberrant de bidépartementalisation qui aurait ruiné les collectivités locales réunionnaises.

C’est ici, en 2003, que, grâce au soutien du Président de la République, j’ai fait inscrire dans la Constitution le souhait du département et de la région de la Réunion de bénéficier de l’égalité institutionnelle.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de clarifier un point à l’origine des doutes exprimés à l’Assemblée nationale. J’ai appris que certains députés avaient soutenu, c’est leur droit, que la création d’une assemblée unique destinée à se substituer, dans les régions monodépartementales, aux conseils régionaux et généraux, imposait de consulter la population. Ils se fondaient sur le septième alinéa de l’article 73 de la constitution.

C’est faux !

Nous ne sommes pas en présence de la création d’une assemblée unique, à même de remplacer le conseil général et le conseil régional. Il ne s’agit pas plus d’un regroupement des deux assemblées, puisque l’une et l’autre demeurent séparément.

En revanche, nous sommes en présence de la création d’un conseiller territorial unique, qui siégera alternativement à la région et au département.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-Paul Virapoullé. Dans ce cas, le septième alinéa de l’article 73 de la Constitution ne s’applique pas.

Donc, monsieur le président de la commission des lois, la réforme que votera le Parlement concernera le département et la région de la Réunion dans leur intégralité. En effet, toutes les conditions sont réunies. Pourriez-vous le préciser à l’intention de ceux qui, à l’Assemblée nationale, soutiennent le contraire ?

Encore une fois, à la lecture du septième alinéa de l’article 73, chacun peut constater que nous ne sommes pas dans le cas prévu par la Constitution et que la situation est tout à fait différente.

Par ailleurs, je tiens à le souligner, le texte est en pleine évolution. Hier, lors de son examen par la commission des lois, nous avons adopté plusieurs amendements dont l’un proposé par le rapporteur. Ce dernier vise le maintien du nombre initial de cantons pour les régions monodépartementales comme la Réunion et la Guadeloupe. Ainsi, à la Réunion, les 49 cantons sont préservés. Cela nous satisfait également. Si cet amendement est présenté par notre collègue, comme cela sera certainement le cas, nous souhaitons que le Gouvernement l’appuie.

Cela étant dit, monsieur le ministre de l’intérieur, vous qui avez aussi compétence sur les départements d’outre-mer, je souhaite vous signifier notre rejet de l’immobilisme : monsieur le ministre, nous sommes des partisans du mouvement. Lorsque vous êtes au milieu de l’océan Indien, à proximité de Madagascar, de l’Afrique, des Comores et du canal du Mozambique et de toute la misère qui y règne – la situation est comparable dans les Caraïbes – vous êtes obligé de rechercher l’innovation !

Avec Mme Penchard, vous avez donc la responsabilité de l’outre-mer. Je profite de votre présence pour évoquer deux chantiers qui, au-delà de la réforme institutionnelle, me semblent importants.

Premièrement, l’article 48 de la Constitution nous confère le droit de présenter chaque année, si nous le souhaitons, dans le cadre de notre groupe parlementaire, une proposition de loi. Je souhaite institutionnaliser cette pratique.

Voyez-vous, lorsque nous votons les lois ici, il est difficile de les adapter d’emblée aux réalités de l’outre-mer. Or, à l’occasion de leur application, remontent vers nous des constats d’inadaptation de ces lois, du fait du contexte géopolitique ultra-marin. Certains petits ajustements sont parfois nécessaires afin de débloquer les situations.

Pour cette raison, je souhaiterais que, sur le plan national, nous prenions l’habitude, en coordination avec vous, monsieur le ministre, de présenter une loi que je qualifierais de « recadrage » sur les points qui freinent le développement économique.

Je sollicite votre appui en tant que ministre de l’intérieur, également chargé de l’outre-mer. En effet, l’avenir de l’outre-mer passe par une nouvelle phase de développement et l’augmentation des exportations.

Deuxièmement, à la suite du comité interministériel de l’outre-mer, le Gouvernement a installé à Bruxelles un correspondant auprès de la représentation nationale. Nous aimerions travailler avec lui sur une directive-cadre déclinant les adaptations issues du traité de Lisbonne concernant les régions ultrapériphériques, les RUP.

En effet, monsieur le ministre, la situation dans laquelle nous nous trouvons est préoccupante. Nous appliquons aujourd’hui les accords de partenariats économiques qui mettent en péril notre économie. Si Bruxelles ne décide pas une fois pour toutes des adaptations avec lesquelles nous pouvons agir pour sauver des pans entiers de notre économie, lorsque nous nous réveillerons, nous serons morts !

Voilà les deux évolutions que j’appelle de mes vœux, outre cette réforme des collectivités locales que, bien évidemment, je voterai. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi aujourd’hui soumis à notre examen, dont nous parlons depuis le début de notre mandature, devait être un texte d’avenir. En fin de compte, c’est un texte d’opportunité, et un rendez-vous manqué. Comment peut-on le défendre aujourd’hui ?

Au départ, comme l’a rappelé François Rebsamen, il comportait trois principes fondateurs, obéissait à une logique, répondait à une nécessité et comportait un objectif.

Pour ce qui est d’abord de la logique, il s’agissait de simplifier cet empilement de textes différents qui ont, certes, prouvé leur efficacité, mais qui devaient être clarifiés.

Pour ce qui est maintenant de la nécessité, il s’agissait d’accroître les économies, bien vendues à l’opinion publique dans le contexte de crise et de raréfaction des crédits publics que nous connaissons.

Pour ce qui est enfin de l’objectif, il fallait rapprocher les élus et les collectivités des citoyens, qui tous ne perçoivent pas clairement les différences entre les différents échelons.

En un mot, il fallait rendre plus efficace l’organisation territoriale.

Or plusieurs questions méritent d’être posées.

Le texte apporte-t-il des clarifications ? On constate que, pour des raisons impérieuses, petit à petit, les compétences imbriquées sont maintenues, pour la culture, pour le sport, pour le tourisme et la santé. Ainsi donc, toutes et tous l’ont dit, les financements croisés demeureront et, finalement, il n’y aura ni clarification ni simplification.

Y aura-t-il pour autant des économies ? On a cité bien des régions, mais permettez-moi de parler de celle que je connais le mieux. Il s’agit de passer de 57 conseillers régionaux à 135 conseillers territoriaux pour la Bourgogne, avec de surcroît un nombre différent de conseillers territoriaux selon les départements, sans que rien ne justifie cette disparité sinon une inégalité politique très crue que nous constatons chaque jour. Il n’y aura pas non plus, en la matière, d’économies.

Qu’en est-il du fameux couple département-région ? Je crois, monsieur le ministre, vous avoir déjà dit comment améliorer son fonctionnement. La Bourgogne, région que je préside certes momentanément, comporte quatre départements de couleur politique différente : les quatre présidents siégeront au sein de la même assemblée, sous l’autorité d’un président d’une sensibilité politique encore différente. Où sera la cohésion ? Où sera la cohérence de l’action qu’ils doivent mener tant sur leur territoire départemental que sur le territoire régional ? Personne, jusqu’à aujourd’hui, n’a pu me le dire.

Mais on voit bien poindre, sous couvert de cohérence entre les départements et les régions, une forme de cynisme, monsieur le ministre.

Depuis deux ans, vous nous demandez d’en faire toujours plus, de participer au plan de relance, au plan Campus, aux pôles de compétitivité, au financement d’autoroutes, de TGV et, dans le même temps, vous vilipendez chaque jour les collectivités, accusées de trop dépenser et de sortir de leurs compétences ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je prépare, comme d’autres parmi vous, mes chers collègues, le budget 2011. Le montant des dotations de l’État, force est de le constater, a à peine progressé. Cela s’explique à la fois par les bases de calcul, plutôt faibles, et par le poids du passé, en particulier pour la région Bourgogne. Or, si les montants n’évoluent pas, la perte de recettes des collectivités ne sera jamais compensée. En effet, au-delà de la réforme assassine de la taxe professionnelle (Protestations sur les travées de lUMP), qui, je vous le rappelle mes chers collègues, ramènera l’autonomie fiscale des régions à 10 % des ressources totales, nous ne pouvons demander ni une augmentation des bases ou des taux d’imposition, ni même une faible hausse de la fiscalité.

Mais il nous faudra tout de même faire face à nos engagements, ceux d’hier sur l’innovation, sur le plan Campus, ceux de demain sur les services à la personne, sur l’accompagnement du grand emprunt, et tout cela avec des ressources qui seront totalement bridées.

Dans le même ordre d’idées, il me faut citer à mon tour l’absence de la clause de revoyure. Permettez-moi de prendre un exemple. La réforme de la taxe professionnelle va faire évoluer les ressources de la région d’Île-de-France, qui passeront de 600 millions d’euros à 1,2 milliard d’euros. Cela dit, j’en suis bien convaincu, l’Île-de-France ne percevra jamais les 600 millions supplémentaires. En revanche, pour la région Midi-Pyrénées, la réforme entraînera une baisse des recettes de 120 millions d’euros.

Or le calcul des dotations futures sera bien fondé sur ces nouveaux montants. Dès lors, l’absence de clause de revoyure renforcera encore les disparités entre les régions disposant de ressources - notez que je ne parle pas de régions riches -, et celles qui n’en ont pas parce qu’elles perdent des habitants, que la démographie ne suit pas et que les sièges des entreprises sont installés ailleurs.

Vous voyez bien que, là encore, ces régions seront dans une situation difficile et ne pourront assumer, demain, leurs responsabilités.

Concernant le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux, beaucoup se sont déjà exprimés pour constater qu’il ne respecte ni la parité, ni la diversité.

Pour ce qui est de la parité, je vous invite à regarder les résultats des dernières élections régionales. Vous verrez que, au sein des exécutifs régionaux, la parité homme-femme est scrupuleusement respectée.

Pour ce qui est de la diversité, dans la région que j’ai prise en exemple, 20 % des élus sont issus de la diversité, et ce dans l’intérêt bien compris des territoires, et l’implication devrait être à l’avenir bien supérieure encore.

Mais tout cela va disparaître, du fait d’une réforme qui, je le dis devant un conseiller régional de Bourgogne, semble inaboutie.

Réforme inaboutie, oui, car l’objectif initial était de supprimer un échelon de collectivité. Mais, devant l’impossibilité de choisir entre le département et la région, on a reculé et décidé de créer des conseillers territoriaux qui siégeront dans les assemblées des deux échelons territoriaux, espérant qu’à terme le fait qu’ils fassent le même métier conduira à la suppression de l’un des deux.

Cette logique ne pourra pas prévaloir parce que, dans le même temps, la confusion des genres, la confusion des métiers, la confusion des objectifs, la confusion des compétences, loin d’amener à la simplification souhaitée, constituera une intrication supplémentaire, avec, à la clé, une perte d’efficacité territoriale.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est sûrement pas le moment de mener cette réforme, alors que la récession et la rigueur sont de mise - même si vous ne voulez pas l’avouer aujourd’hui – alors que seules les collectivités territoriales investissent encore dans les territoires, développent des projets, apportent des marchés aux entreprises. Confrontées à des difficultés financières réelles, contraintes à de véritables calculs d’apothicaires, notamment pour assurer leur marge brute face à des frais de fonctionnement qui augmentent mécaniquement, les collectivités territoriales investiront forcément moins.

Nos territoires sont donc menacés par le risque, signalé par tous, d’une récession venant s’ajouter à la récession, et donc d’une paupérisation venant accroître la paupérisation. Pour cette raison, nous ne pouvons pas aujourd’hui souscrire aux objectifs inavoués de ce texte, qui peut se résumer, en fin de compte, en un principe : des conseillers territoriaux, oui, mais pour plus de conseillers de droite et moins de collectivités de gauche !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On n’en sait rien !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. On aimerait bien !

M. François Patriat. Tel est votre objectif, mais il n’est pas tenable au regard de l’intérêt national. C’est pourquoi nous ne pouvons voter ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je consacrerai les quelques minutes qui me sont imparties à l’une des innovations proposées par ce projet de loi qui va permettre, en lieu et place de nos anciennes communautés urbaines, dans les agglomérations de plus de 450 000 habitants, de créer une nouvelle catégorie d’EPCI : les métropoles.

Le texte nous propose également d’instaurer des pôles métropolitains, structures souples qui seraient, si j’en comprends bien l’esprit, un réseau de communautés d’agglomération dont les acteurs ne souhaiteraient pas ou ne pourraient pas, pour des raisons qui m’échappent un peu, je l’avoue, opter pour le statut de métropole.

Métropole et pôle métropolitain, voilà deux concepts intéressants pour peu qu’on les applique aux territoires appropriés, pour peu également que nous allions au bout de la logique qui nous pousse à imaginer un autre modèle d’organisation de nos plus grosses agglomérations.

Adéquation du périmètre, des compétences et du budget, voilà bien la règle d’or de toute organisation territoriale efficace. C’est donc sous cet angle qu’il convient d’examiner celle qui est aujourd’hui soumise à notre examen.

Malheureusement, si la voie tracée par ces nouveaux dispositifs est prometteuse, puisqu’il s’agit de mieux prendre en compte le fait métropolitain qui s’impose partout dans le monde comme une évidence, je ne peux que regretter le manque d’audace dont le texte fait preuve.

Une fois de plus, sur ce point certes délicat, nous nous apprêtons à ne pas trancher entre les vieux modèles, dont chacun mesure pourtant les limites, et les nouveaux, que nous portons sur les fonts baptismaux.

Alors que la simplification et la rationalisation sont les buts recherchés, pour une meilleure compréhension des institutions par nos concitoyens et pour une plus grande efficacité de nos politiques publiques, nous allons nous engager sur la voie de la non-décision et donc de la complexification, sans garantie aucune en termes de résultats.

Pourtant, paraphrasant le titre choisi par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur pour son rapport remis au Gouvernement sur l’organisation de nos collectivités territoriales, « il est temps de décider » !

Au lieu de cela, ce texte nous propose une nouvelle fois de nous en remettre à la sagesse légendaire des élus locaux, cette même sagesse qui a fait de la loi Marcellin de 1971 sur la fusion des communes un vœu pieu, sagesse qui a également eu pour effet que la première loi sur l’intercommunalité reste pratiquement lettre morte, sagesse enfin qui a fini, à partir de 1999, par lancer l’intercommunalité, uniquement, ayons le courage de le reconnaître, parce qu’il y avait à la clé, pour les communes, un sympathique effet d’aubaine…

Chacun connaît pourtant les conséquences de ce laisser-faire : des périmètres intercommunaux trop souvent incohérents, alors même que la loi donnait aux préfets la possibilité de l’empêcher ; une dépense publique en hausse significative, alors même que la recherche d’économies d’échelle, objectif affiché, aurait dû nous permettre de faire mieux et plus avec les mêmes enveloppes budgétaires.

Il s’agit bien évidemment, mes chers collègues, non de méconnaître ce que l’intercommunalité a apporté de positif, mais bien de pointer les dysfonctionnements de cette trop lente évolution afin de ne pas répéter les mêmes erreurs, car, chacun le sait bien, ce que nous avons pu nous permettre en une période où les dotations aux collectivités locales progressaient globalement plus vite que l’inflation, nous ne le pouvons plus à l’heure du « zéro valeur ».

Nous n’avons plus d’autre choix aujourd’hui que de nous donner les moyens institutionnels de l’efficacité de la dépense publique ; or, concernant les métropoles, le texte qui nous est proposé ne me semble pas aller suffisamment loin.

M. Dominique Braye. C’est sûr !

M. Philippe Dallier. Quelques points particuliers nourrissent cette appréciation critique.

Il s’agit, tout d’abord, du caractère optionnel de ce nouveau dispositif, doublé de l’unanimité requise des collectivités qui composeront la future métropole.

Sur ce point, chacun le comprend bien, le risque est d’abord qu’il ne se passe rien, la loi n’imposant rien. Ce serait donc un nouveau coup d’épée dans l’eau !

Le second risque lié à ce refus d’imposer quoi que ce soit, pire encore à mon sens, serait de créer des métropoles sur des périmètres qui ne seraient pas pertinents, revenant ainsi aux erreurs des débuts de l’intercommunalité, comme si nous n’avions rien appris du passé.

Pourtant, après quarante années du régime des communautés urbaines, le périmètre pertinent de chacune de nos métropoles régionales est aujourd’hui clairement cerné. Les communautés urbaines devraient donc logiquement pouvoir se transformer en métropoles sur leur périmètre intégral, selon une logique de majorité qualifiée. Mais nous n’osons pas aller jusque-là !

Enfin, autre lacune, le statut des métropoles proposé par ce texte est à mon sens trop peu intégrateur, pour ce qui est tant de la fiscalité que des dotations ; pire que cela, le texte, modifié par nos collègues députés, contient une disposition qui s’apparente clairement à un nouvel effet d’aubaine que nous ne pouvons laisser passer et que la commission des finances propose d’ailleurs, à juste titre, de supprimer.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d’accord !

M. Philippe Dallier. Voilà, mes chers collègues, les raisons qui me font regretter que nous soyons si peu audacieux, si peu réformateurs, et ce à un moment de notre histoire où nous devrions prendre nos responsabilités et imposer par la loi ce qui ne s’imposera pas de soi, sauf à considérer que nous avons tout notre temps, quinze à vingt ans peut-être, sur la seule base du volontariat.

Or, nous le savons bien, il y a urgence ; le temps et l’argent sont bien les deux éléments qui nous font aujourd’hui le plus défaut. Pourtant, nous n’osons pas…

Mais il est un autre risque que pourrait receler ce texte, dans les dispositions relatives au pôle métropolitain.

En effet, si, en première lecture, M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales a clairement précisé, en réponse à l’une de mes questions, que le statut de métropole ne serait pas applicable à la métropole parisienne, dont la particularité nécessitera un statut sui generis – ce fut l’esprit de sa réponse –, j’aimerais également obtenir la certitude que le statut de pôle métropolitain ne sera pas non plus applicable en Île-de-France, et ce pour la même raison.

Cette précision me semble en effet nécessaire, après le soudain et très récent engouement suscité par l’intercommunalité en première couronne parisienne, alors que, jusque-là, les élus n’y avaient guère été sensibles.

Il convient de s’interroger sur les raisons de ce revirement : l’effet d’aubaine n’ayant pas été le facteur déclenchant, il se pourrait que, pour certains élus locaux, le rejet de l’idée même d’une métropole parisienne, outil de gouvernance politique, ait été un puissant levier dans la prise de décision en faveur d’intercommunalités au petit pied, de 300 000 à 400 000 habitants, dans une métropole qui en compte 6 millions à 7 millions ; en quelque sorte des intercommunalités défensives.

Il ne faudrait donc pas que, au travers de ce dispositif des pôles métropolitains, il vienne à l’idée de certains que cela ferait, en région parisienne, une métropole politique d’autant plus acceptable qu’elle serait à coup sûr une coquille vide, poussant au passage jusqu’à l’absurde l’empilement des couches, puisque nous aurions alors cinq niveaux de gouvernance locale : communes, communautés d’agglomération, départements, pôle métropolitain et région, ce qui constituerait un record ridicule et serait la négation même de la métropole.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, afin de ne pas courir ce risque, je proposerai donc à notre Haute Assemblée de préciser les choses en inscrivant dans le texte que le dispositif du pôle métropolitain tout comme celui de la métropole ne peuvent s’appliquer, en l’état, au cas de la région d’Île-de-France.

Le secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale, Christian Blanc, nous a souvent répété que le débat sur la gouvernance politique viendrait en son temps, après l’adoption du texte mettant sur les rails son projet de Société du Grand Paris, et son métro automatique, censés d’abord faire rêver les élus, les Franciliens et les Français, avant de s’attaquer au sujet qui fâche.

Le texte en question a été adopté, mais voilà que Christian Blanc déclare maintenant que son ministère est biodégradable ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. C’était fumeux ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dallier. Il pourrait donc disparaître dans une volute de fumée (Exclamations amusées) sans qu’ait été ouvert le délicat dossier de la gouvernance.

Je ne peux donc que vous inciter, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, à vous saisir ardemment de ce dossier. En effet, alors que nous allons boucler cette réforme des collectivités territoriales qui contient de nouvelles dispositions, certes facultatives, sur l’organisation institutionnelle de nos métropoles, l’absence de toute disposition relative à l’Île-de-France devient de plus en plus inexplicable, et pour tout dire insupportable à toutes celles et ceux qui croient que seule une véritable métropole politique du Grand Paris permettra d’en assurer la cohésion urbaine et sociale, condition sine qua non du maintien de son statut de ville-monde.

Nulle part ailleurs que dans la métropole parisienne les déséquilibres territoriaux ne sont aussi importants ; nulle part ailleurs le besoin de vision partagée et de péréquation financière ne sont aussi forts. Pourtant, nous repoussons sans cesse le moment d’ouvrir le débat.

Je sais bien, comme le disait d’Aguesseau, sous les auspices duquel nous débattons, que « l’esprit le plus pénétrant a besoin du secours du temps pour s’assurer, par ses secondes pensées, de la justice des premières », mais je préfère, pour conclure, citer le philosophe Alain : « Les temps sont courts à celui qui pense, et interminables à celui qui désire ».

Il ne tient qu’à vous, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, et à nous, mes chers collègues, de réconcilier d’Aguesseau et Alain : il est temps de décider de l’organisation de la métropole parisienne ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, le texte que vous nous présentez aujourd'hui, vous le savez, ne rencontre un écho favorable ni auprès des élus locaux ni sur les travées de notre hémicycle. J’ai entendu les propos des uns et des autres depuis le début de cet après-midi et je m’aperçois que les soutiens se font très rares…

C’est peut-être d’ailleurs Jean-Claude Gaudin qui exprimait le mieux, hier, dans un entretien accordé au quotidien Le Monde, le sentiment de la majorité : « C’est un texte que nous allons voter par discipline, mais qui ne donne satisfaction à personne ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Vive Gaudin !

M. Gérard Collomb. Comme encouragement avant d’engager un débat, on fait tout de même mieux !

Quand je dis que le texte présenté ce soir suscite toutes les réticences et toutes les oppositions, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, je devrais préciser que celles-ci ciblent une partie du texte, celle qui concerne la création du conseiller territorial.

Pour le reste, en effet, grâce à l’engagement des associations d’élus, grâce aussi – je veux le souligner – à la compréhension du rapporteur et du président de la commission des lois, la partie qui a trait aux rapports entre communes, métropoles et pôles métropolitains me semble aujourd'hui équilibrée.

Nous ne sommes plus dans une conception où la métropole nouvelle concentrait toutes les compétences, toutes les recettes, sans pour autant avoir la légitimité d’un vrai suffrage universel. Si le texte issu des travaux de la commission des lois n’est pas, dans les jours prochains, bouleversé en séance, s’il n’est pas remanié par l’Assemblée nationale ou lors de la commission mixte paritaire, il permettra à un certain nombre de grandes agglomérations d’avoir des compétences intégrées qui leur permettront d’agir tout en respectant l’autonomie des communes.

Quant au pôle métropolitain, si le Gouvernement n’en entrave pas demain la constitution et le fonctionnement, il me semble à même de créer une vraie dynamique, susceptible de s’adapter à toutes les réalités, celles des grandes agglomérations comme celles des plus petites. Ce sera sans doute, à l’avenir, l’un des éléments les plus porteurs.

Non, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, je crois que le problème n’est pas là. Il est, vous le savez, dans la création de cet « élu génétiquement modifié » que sera demain le conseiller territorial.

Personne n’a vraiment compris la finalité de sa création.

S’agit-il de diviser par deux le nombre d’élus pour réduire le volume des indemnités ? Mais les conseillers territoriaux, mi-conseillers généraux, mi-conseillers régionaux, devront demain exercer leur fonction à plein temps, et donc se posera la question de leur indemnité. Où seront alors les économies ?

S’agit-il d’aller doucement vers la suppression des départements, comme on l’entend ici ou là ? Je m’interroge bien plutôt sur les marges d’action, demain, d’un président de région qui, comme le soulignait notre collègue François Patriat, comptera dans son assemblée cinq ou six présidents de département bien décidés à défendre leur propre territoire. Eh bien, je salue le courage de ceux qui présideront ces nouvelles assemblées !

M. Didier Guillaume. C’est sûr !

M. Gérard Collomb. S’agit-il de clarifier les compétences entre départements et régions ? Elles me semblent aujourd'hui assez claires : au département, les politiques de proximité, les politiques sociales ; à la région, les grandes politiques transversales dans le domaine économique, dans le domaine des transports, des politiques qui commencent aujourd'hui à unifier nos régions autour d’un projet commun.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, j’ai peur qu’au total cette réforme n’aboutisse à un très grand gâchis.

Alors, la question se pose : quel est le but véritable de cette réforme ? Il me paraît, hélas, bien prosaïque.

Je n’ai jamais pensé que le Président de la République, auquel j’accorde par ailleurs, sur tel ou tel aspect, un grand crédit, soit un très grand décentralisateur. Il me semble que les collectivités locales ne sont pas son premier souci.

Mme Éliane Assassi. Elles votent mal !

M. Gérard Collomb. Alors, pourquoi tant d’ardeur sur ce projet de loi ? Tout simplement parce que, dans les conseils généraux et régionaux, aujourd'hui, les majorités ne sont pas exactement celles qui sont souhaitées. Donc, évidemment, plutôt que de gagner sur le terrain, mieux vaut redécouper la carte électorale !

Mes chers collègues, nous le savons tous – vous l’avez dit vous-même, monsieur Mercier, pour le département du Rhône – le redécoupage est d’ores et déjà à l’œuvre. La majorité espère ainsi gagner et les conseils généraux et les conseils régionaux.

On nous répond que tous les gouvernements ont fait des redécoupages de cantons dans le passé. Oui, mais, mes chers collègues, c’était à la marge ; on créait quelques cantons supplémentaires.

Cette fois, c’est l’ensemble de la carte électorale qui est redécoupée. Un certain nombre de nos collègues – ils appartiennent plutôt à la majorité – arguent qu’ils travaillent déjà avec les préfets. Mais quelqu’un a-t-il été convié, sur les travées de l’opposition, à examiner le redécoupage des cantons envisagé ? Non !

La preuve est faite que là est le véritable but de ce projet de loi. Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, je connais bien votre conseiller, M. Fabre-Aubrespy, car il a déjà procédé au redécoupage de ma circonscription, voilà vingt ans. Aujourd’hui, il est à l’œuvre sur les cantons.

Avec cette réforme au but si prosaïque, vous passez aujourd'hui à côté d’une grande nécessité. Le mouvement du monde fait que, partout, apparaissent de grandes collectivités, de grandes métropoles, sur lesquelles les États peuvent s’appuyer afin de permettre à leur pays d’aller de l’avant.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement ne se rend pas compte aujourd'hui des efforts des collectivités. Il ne mesure pas combien elles contribuent à la richesse de notre pays. J’ai peur, si vous continuez de la sorte, que notre pays ne continue de s’enliser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. Dominique Braye. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme en première lecture, je centrerai mon intervention sur le volet intercommunal du projet de loi.

D’ores et déjà, nous pouvons nous féliciter que la première lecture de ce texte par les deux assemblées ait permis de concrétiser une volonté partagée de donner une nouvelle ambition à l’intercommunalité, après les grandes étapes législatives de 1992, de 1999 et de 2004. Il me semble que nous sommes parvenus à préserver les grands équilibres fondateurs de l’intercommunalité, tout en l’inscrivant dans une nouvelle dimension.

Ainsi, un large consensus s’est dégagé en faveur de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité avant la fin de ce mandat, mais aussi en faveur de son ancrage démocratique dans la vie locale et de la mutualisation des compétences et des moyens.

Fidèles à l’esprit du mouvement intercommunal, nous avons souhaité privilégier l’accord local par rapport à la règle uniforme, notamment en ce qui concerne la répartition des sièges entre les communes au sein des conseils communautaires. L’intercommunalité doit en effet demeurer « coopérative » et il est fondamental que les élus municipaux en restent les chevilles ouvrières. Cela a été dès le départ la clef de voûte de l’intercommunalité et cela doit le rester.

L’intercommunalité est aujourd’hui bien davantage qu’un simple outil. Elle est devenue, si vous me permettez cette référence au fondateur de la Ve République, « une ardente obligation ».

L’intercommunalité à fiscalité propre doit aujourd’hui être en mesure de porter de véritables projets de territoire. Pour cela, il faut renforcer les solidarités financières locales et assurer la mise en cohérence des politiques publiques locales.

Les stratégies intercommunales de développement local permettent de remplacer la concurrence stérile et contre-productive entre communes voisines par une dynamique d’action sur un territoire commun.

Le succès quantitatif de l’intercommunalité – 95 % des communes sont déjà concernées – doit désormais, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, être complété par un succès qualitatif, c’est-à-dire par l’existence de communautés dotées de périmètres pertinents, ce qui est, hélas, encore trop rare.

Il faut aujourd’hui penser l’intercommunalité en ayant une vision globale de sa mission et lui donner les moyens de son efficacité locale.

À cet égard, je me réjouis du volontarisme que traduit ce projet de loi et je souscris aux grandes orientations de ce texte. En période de crise, nous devons tendre vers l’optimisation de la gestion des deniers publics et, en ce sens, l’intercommunalité doit nous permettre demain de faire mieux avec moins.

L’excellent rapport consacré à la mutualisation des moyens, rédigé au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation par nos collègues Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido, nous incite à avancer en ce sens.

De la même façon, le rapport Carrez-Thenault, préparé en concertation avec les associations d’élus, confirme la nécessité d’une intercommunalité forte, garante de la péréquation au sein de nos territoires et de la maîtrise de l’évolution des dépenses du secteur communal. En effet, on s’aperçoit – enfin ! - que, loin d’être inflationniste, l’intercommunalité est source de rationalisation des dépenses et donc d’économies.

Parmi les points qui ont été améliorés figure, je l’ai mentionné, la répartition des sièges entre communes. Les options nouvelles ouvertes aux communes et aux communautés pour renforcer leur solidarité financière et mutualiser leurs moyens ont également été enrichies. Par ailleurs, les modalités d’achèvement de la carte intercommunale, la portée des schémas départementaux, le renforcement du rôle des CDCI, les commissions départementales de la coopération intercommunale, le renouvellement de leur composition, l’encadrement des pouvoirs du préfet sont autant de motifs de satisfaction.

J’en viens maintenant aux améliorations que l’on peut, à mes yeux, encore apporter à ce texte en seconde lecture.

Je commencerai par évoquer les métropoles.

Comme l’immense majorité de mes collègues, sauf ceux qui y trouveront localement une opportunité, je déplore qu’aucune avancée sérieuse n’ait été proposée concernant ce nouveau statut. En l’état, les métropoles sont ainsi des sœurs siamoises des communautés urbaines. Il aurait été plus simple d’offrir de nouvelles possibilités aux grandes communautés urbaines. Le résultat aurait été le même, mais, il est vrai, sans le mot emblématique de « métropole ».

Sur l’initiative de Dominique Perben, l’Assemblée nationale s’est efforcée de redonner du contenu au statut de métropole. Je ne vois d’ailleurs pas – je le dis à M. le président de la commission des lois et à M. le rapporteur – de quel droit ceux qui craignent de franchir ce pas empêcheraient ceux qui souhaitent avancer de le faire, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sauf si on les y forçait !

M. Dominique Braye. … puisque le choix de ce statut reste volontaire.

J’évoquerai maintenant la date d’achèvement de la carte de l’intercommunalité.

Je persiste à penser, comme mes collègues de l’ADCF, l’Assemblée des communautés de France, mais également ceux de l’AMF, l’Association des maires de France, qu’elle doit être avancée à la fin de l’année 2012.

L’Assemblée nationale a certes avancé de six mois l’échéance initialement prévue, qui est désormais fixé au 1er juillet 2013, coupant ainsi la poire en deux. Mais c’est oublier, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, l’extrême complexité de la situation à laquelle les élus locaux vont être confrontés lorsqu’ils devront procéder à l’intégration de nouvelles communes en milieu d’année.

Je vous soumettrai donc un amendement tendant à avancer cette date d’un semestre, comme M. le rapporteur s’y était d’ailleurs engagé en première lecture si ce projet de loi était voté avant la fin de l’année 2010. Je ne doute pas, naturellement, qu’il tiendra son engagement en soutenant ma proposition.

Il est un autre point sur lequel je souhaite que le dispositif soit amélioré : les conditions d’exercice des pouvoirs de police spéciale par le président de la communauté.

Je ne remets nullement en cause la volonté de la Haute Assemblée de permettre à tout maire de refuser le transfert de ce pouvoir de police. Je me contenterai d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur les incohérences et les graves difficultés qui pourraient résulter de cette disposition. Ainsi, dans certains cas, sans qu’il ait son mot à dire, le président de la communauté serait tenu d’exercer le pouvoir de police sur une partie seulement de son territoire. Il me semblerait judicieux qu’il puisse renoncer à l’exercice de ce pouvoir de police, en fonction de choix éventuellement différents faits par les maires de sa communauté. Exercer un pouvoir de police sur une partie du territoire me paraît bien compliqué, voire impossible.

J’exprimerai maintenant un regret, celui que l’Assemblée nationale ait manqué d’audace sur les processus de décision intercommunaux.

Le texte du Gouvernement prévoyait des simplifications utiles. Ainsi, le conseil communautaire des communautés de communes devait se voir confier la charge de préciser l’intérêt communautaire, comme pour les communautés d’agglomération, au sein desquelles cela se passe très bien. L’extension de cette disposition aux communautés de communes était une bonne idée. Une telle disposition permettait de renforcer l’esprit communautaire, de raccourcir les circuits de décision et de gagner en efficacité.

Nous ne rendrions pas service, me semble-t-il, aux intercommunalités rurales en ralentissant les processus de prise de décision, en particulier lorsque celles-ci élargiront leur périmètre.

L’amendement de suppression ayant été adopté conforme par nos deux assemblées, il nous est désormais impossible de proposer le retour au texte initial. Il nous reste toutefois la possibilité, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, d’autoriser les communes qui souhaitent avancer plus vite à prévoir dans les statuts de leur communauté que l’intérêt communautaire sera défini par le conseil. Chacun pourra ainsi avancer à son rythme. Ceux qui veulent avancer lentement ne ralentiront pas ceux qui veulent aller plus vite.

Enfin, permettez-moi, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, de faire une ultime remarque : il convient d’expliquer cette réforme à nos concitoyens.

S’ils approuvent le principe de l’intercommunalité, son mode de fonctionnement leur est peu connu, tout le monde en convient. Le nouveau mode de désignation des délégués communautaires qui sera instauré dès les élections municipales de 2014 constituera sans nul doute un progrès dans leur connaissance des réalités intercommunales.

Cependant, des efforts de pédagogie restent indispensables pour créer une relation plus étroite entre l’intercommunalité et nos concitoyens, notamment en tant que contribuables. Il nous faut aujourd’hui construire une citoyenneté intercommunale, tout en respectant l’ancrage municipal des élus communautaires.

Donnons-nous dès à présent les moyens de relever ce défi, mes chers collègues, en adoptant les modifications qui sont préconisées par les praticiens d’une intercommunalité souple, cohérente et efficace. Nous agirons ainsi en faveur du développement de nos territoires, mais aussi d’une gestion rationnelle des deniers publics, deux résultats que nos mandants élus locaux et nos concitoyens sont en droit d’attendre de cette réforme et du législateur ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux à cette tribune faire entendre la voix des territoires ruraux de France (Protestations sur les travées de lUMP),…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et nous, nous ne parlons pas pour eux aussi ?

M. Yves Daudigny. … des territoires qui souffrent de la crise économique, s’inquiètent de perdre des services publics, mais qui portent pourtant une partie de l’avenir de notre pays.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, à d’autres mesures déstructurantes, aux pertes d’emplois, à la précarité qui meurtrit, n’ajoutez pas un projet institutionnel qui affaiblira la proximité, réduira les partenariats entre les niveaux de collectivités, détruira des réseaux, fera régresser la démocratie territoriale.

Par la qualité de vie qu’ils offrent, les communes et les bourgs ruraux seront un atout pour une France moderne s’ils sont dotés de voies de communication et de réseaux, mais aussi s’ils sont animés d’une vie sociale, citoyenne et démocratique. Ne leur portez pas le coup de grâce en déstabilisant leur organisation territoriale et en supprimant le contact humain.

La force de la ruralité tient aujourd’hui à son formidable et irremplaçable réseau de maires et de conseillers municipaux, ces élus locaux qui ne coûtent rien, ou quasiment rien, et qui réinvestissent souvent leurs modestes indemnités dans l’action sociale.

Ce sont des femmes et des hommes dévoués, qui ne comptent jamais leur temps, qui remettent en état de fonctionnement le château d’eau ou les cloches de l’église, qui sont porteurs à la fois de l’identité et de l’histoire de leur commune, mais aussi de projets de regroupements scolaires, de modernisation de réseaux, des femmes et des hommes qui préparent l’avenir, assurant en même temps le premier niveau de vie démocratique et la base du lien social.

En instaurant la commune nouvelle, vous ne pouvez nier vouloir, à l’instar de pays voisins, inscrire l’effacement du niveau communal dans un proche avenir.

Pourquoi vouloir détruire ce qui demeure sans conteste une spécificité française ? Cette originalité est non pas une faiblesse, mais bien une richesse humaine, une force d’initiative, un ciment pour notre société.

Cette révolution de nos campagnes, sur laquelle vous avancez masqués, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, aurait pu être l’occasion d’approfondir les relations entre la commune et la communauté de communes ou la communauté d’agglomération. Elle aurait pu être l’occasion d’une avancée démocratique là où, pour le coup, toute visibilité citoyenne est absente. Elle aurait pu être l’occasion de clarifier l’exercice des compétences, car là est bien la faiblesse de notre système actuel.

Aujourd’hui, la seule légitimité démocratique provient du scrutin communal. Les conseillers municipaux qui ne siègent pas dans les conseils communautaires ne comprennent pas le fonctionnement des établissements intercommunaux.

Le fléchage que vous proposez de mettre en place n’apporte pas une réponse satisfaisante au problème central de l’intercommunalité. Sur ce point, qui touche à la vie quotidienne, à la démocratie la plus proche et la plus appréciée des citoyens, vous avez manqué d’audace et d’imagination messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, peut-être parce que vous n’êtes pas porteurs de l’idée et du concept de décentralisation.

Vous avez manqué l’occasion de rapprocher dans notre pays le fonctionnement du bloc local et les exigences de base de la démocratie.

Enfin, avec le conseiller territorial – j’avais parlé à son propos d’EGM, pour « élu génétiquement modifié » –, ce sont des sommets d’hypocrisie et d’absurdité qui sont atteints ! Cette nouvelle institution devait, disait-on, coûter moins cher ; aujourd'hui, plus personne n’ose avancer un tel argument…

En revanche, les départements seront affaiblis avant effacement ; c’est bien l’objectif recherché. La nature des régions sera profondément modifiée, avec des gouvernances souvent impossibles.

Certes, le redécoupage des cantons – on se demande bien dans quelle marmite vous allez nous mitonner le vôtre – et l’élection de l’assemblée départementale pour une durée de six ans sont des demandes anciennes. Mais quels dégâts !

Comment peut-on à ce point méconnaître le rôle et le fonctionnement de nos collectivités territoriales ? Pourquoi amorcer la disparition de l’échelon départemental comme acteur public essentiel ? Comment pourrait-on accepter cette perte de la proximité essentielle à la mise en œuvre des politiques de solidarité entre les hommes et les territoires, proximité qui est la raison d’être des conseillers généraux, qui est leur force, leur légitimité et qui donne tout son sens à leur engagement ? Comment pourrait-on l’accepter, sauf à porter un coup de poignard à la ruralité en détruisant ce qui en est aujourd’hui le moteur, le partenariat communes-intercommunalité avec le département ?

Les conseillers généraux ruraux de toutes sensibilités sont effarés des annonces faites à propos de ces nouveaux cantons et de l’éloignement qui en résultera, rendant illusoire le maintien du travail d’écoute, de relais et de porteurs de projets qui est aujourd'hui le leur.

Et que dire de la région – on pourrait évoquer la « nouvelle région » –, qui a besoin, elle, d’une distance nécessaire pour mettre en place du capital-risque, de la recherche et développement, des pôles universitaires, des filières économiques ?

Du département à la région, votre projet de réforme n’est pas du « gagnant-gagnant » ; c’est du « perdant-perdant » ! Malheureusement !

Votre projet est dangereux pour notre organisation territoriale. Il n’allège pas ; au contraire, il crée de nouveaux niveaux. Il ne simplifie pas ; au contraire, il installe la confusion. Il ne génère pas plus de démocratie, il ne donne pas plus d’efficacité ; au contraire, il limite les partenariats et les financements croisés.

De surcroît, et c’est le plus grave à mes yeux, ce projet de réforme est bien de nature thatchérienne. Après une atteinte à l’autonomie fiscale, sinon financière, des collectivités territoriales, il vise à la réduction de l’action publique territoriale.

Parce qu’ils n’ont pas de locomotive urbaine, les territoires ruraux en seront les premières victimes, avec l’affaiblissement du département, auquel nos concitoyens sont pourtant si attachés.

Les territoires ruraux, ce sont 11 millions de femmes et d’hommes porteurs de l’histoire et de l’avenir de notre pays. Ils méritent attention, considération et équité.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, de la confusion totale dans laquelle votre projet de réforme s’engouffre de semaine en semaine ne pourrait-il pas naître un éclair de raison, sinon de sagesse ? Retirez votre projet avant que la voix des femmes et des hommes des territoires ruraux dans notre pays ne devienne un cri de désespoir, puis un cri de révolte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue d’une discussion générale qui a duré plusieurs heures, je commencerai mon propos en saluant l’excellent travail effectué par la commission des lois, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest.

Jean-Patrick Courtois, le rapporteur de la commission des lois, a parfaitement résumé la situation. Sur le volet institutionnel, hormis la question des métropoles et des compétences, l’Assemblée nationale a en réalité conservé l’essentiel de l’esprit et, bien souvent, de la lettre des travaux du Sénat en première lecture. C’est surtout sur le volet électoral des conseillers territoriaux qu’elle a enrichi le texte, avec le mode de scrutin et le tableau des effectifs.

M. le rapporteur a notamment souligné que l’Assemblée nationale a largement repris à son compte les propositions du Sénat sur l’intercommunalité. Il est important qu’une convergence aussi nette se soit manifestée sur ce sujet.

Par ailleurs, j’ai bien noté le souci que vous avez exprimé, monsieur le rapporteur. Vous souhaitez que les modalités de désignation des délégués communautaires au sein des intercommunalités permettent à la majorité municipale des communes-centres de ne pas être diluées au sein des conseils communautaires. C’est un sujet qui relève de la bonne gouvernance de nos intercommunalités et le Gouvernement souscrit totalement à l’approche qui est la vôtre.

Je voudrais également remercier la commission des finances, au nom de laquelle Charles Guené s’est exprimé, des améliorations qu’elle propose d’apporter au texte, en particulier pour définir le mécanisme d’unification des taux de fiscalité lorsque les communes auront décidé de faire ce choix ou encore pour adapter les conditions d’indexation de la dotation des métropoles et des communautés urbaines. Comme cela avait été le cas en première lecture, les amendements de la commission des finances constituent une amélioration très notable de la qualité du texte.

La commission souhaite que la loi prévoie un dispositif incitant les régions et les départements à se doter d’un schéma d’organisation des compétences. Je le dis très clairement, cette proposition est intéressante et mérite d’être débattue.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et rapporteur pour avis, a noté avec satisfaction que la culture et le sport – j’ajouterais d’ailleurs le tourisme – étaient explicitement mentionnés au nombre des compétences partagées. À vrai dire, ce point n’avait jamais fait de doute dans l’esprit du Gouvernement. Il était certainement souhaitable de l’inscrire expressément dans le texte, afin de rassurer les milieux professionnels concernés.

Je crois, tout comme M. Legendre, que, grâce au schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services, ces collectivités pourront, en fonction des réalités du terrain, dégager des solutions pragmatiques, c’est-à-dire, comme cela a été dit, « construire des politiques communes ou se répartir les rôles », sans que ce choix doive être prédéterminé par le législateur.

Pour encourager les régions et les départements à adopter de tels schémas, vous proposez d’en rendre l’élaboration obligatoire. Le Gouvernement est favorable à cette proposition, étant entendu que le conseil régional et les conseils généraux garderont, quoi qu’il en soit, le droit d’adopter ou non le schéma.

Mme Michèle André, en sa qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, est intervenue sur le nécessaire respect de l’objectif constitutionnel de parité. Elle a rappelé à juste titre les travaux entrepris depuis plusieurs mois par la délégation, travaux dont je tiens à souligner la qualité.

Madame la présidente, le Gouvernement est parfaitement conscient que la proposition de retenir un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours doit être assortie de dispositions fortes en faveur de la parité.

Vous avez envisagé deux pistes dans votre intervention, celle d’un mécanisme de sanctions financières dissuasives pour encourager les partis politiques à respecter la parité et celle, il est vrai très innovante au regard de nos traditions républicaines, d’un scrutin binominal. Vous avez écarté la première et privilégié la seconde, et vous avez déposé un sous-amendement en ce sens.

Or le Gouvernement ne pourra pas vous suivre sur cette voie, qui aurait pour conséquence – vous l’avez d’ailleurs rappelé avec beaucoup d’honnêteté – de diviser par deux le nombre de cantons envisagés dans le cadre du redécoupage à venir, et ce dans un contexte où nombre d’élus qui se sont exprimés hier et aujourd'hui ont souhaité que la réduction du nombre de cantons demeure raisonnable, d’où le chiffre retenu d’environ 3 500 conseillers territoriaux.

C’est donc la première piste qui nous semble devoir être privilégiée, celle d’un mécanisme de sanctions financières fondées désormais aussi sur les élections locales.

M. Nicolas About, au nom du groupe Union centriste, a formulé plusieurs pistes d’amélioration du projet de loi. J’ai déjà eu l’occasion de dire hier à cette même tribune que le Gouvernement était très ouvert sur plusieurs amendements déposés par le groupe centriste ; je ne vais pas les récapituler. Je suis convaincu que nos débats permettront d’enrichir cette réforme grâce à l’apport de ses propositions.

M. Jean-Michel Baylet a exprimé une position personnelle qui était, me semble-t-il, très critique. J’ai bien évidemment écouté très attentivement son intervention, que je sais inspirée par l’expérience de ses responsabilités locales. Il me semble néanmoins que ses critiques sont parfois très éloignées de la réalité du texte soumis à l’examen de la Haute Assemblée. C’est notamment le cas lorsqu’il évoque la « recentralisation » ; je comprends bien qu’il s’agit là d’une formule, mais je ne vois pas concrètement ce qui peut accréditer une telle affirmation dans le projet de loi.

Je ne puis que le constater, le président du groupe socialiste Jean-Pierre Bel a adopté, sans surprise, une posture d’opposition systématique, qui est d’ailleurs celle du parti socialiste – ce n’est pas lui faire injure que de le rappeler – depuis le lancement de la réforme.

Je peux comprendre que nous ayons un désaccord de fond sur l’institution du conseiller territorial. D’ailleurs, je l’assume, voire le revendique. La nouvelle institution est, à l’évidence, une véritable innovation qui bouscule un certain nombre de repères et d’habitudes.

Mais je suis tout de même surpris qu’il n’ait pas eu un mot pour défendre, par exemple, l’instauration du suffrage universel direct pour l’élection des conseillers communautaires. Pourtant, il s’agit d’une proposition qui était expressément formulée par l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy dans le rapport remis voici déjà dix ans et qui constitue une avancée pour la démocratie locale.

Je regrette également que n’ait pas été saluée l’étape importante que constitue ce texte pour l’intercommunalité, avec la perspective d’une couverture intégrale du territoire à l’horizon de 2013.

Enfin, je trouve étrange que le président du groupe socialiste n’ait rien dit sur l’ambition des métropoles, pourtant, là aussi, soutenues par le Premier ministre Pierre Mauroy ou par plusieurs personnalités du parti socialiste, qui ont d’ailleurs contribué étroitement à la rédaction de certaines dispositions du texte.

M. Didier Guillaume. C’est le partage des tâches ! (Sourires.)

M. Brice Hortefeux, ministre. On peut voir les choses ainsi, monsieur le sénateur ! (Nouveaux sourires.)

Madame Borvo Cohen-Seat, je pense pouvoir résumer vos positions en constatant que vous faites preuve d’une grande constance.

Comme en première lecture, aucune disposition du texte ne trouve grâce à vos yeux, pas même l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, contre laquelle vous avez voté en première lecture ! J’en suis très surpris et je regrette vraiment que, sur ce point au moins, il n’y ait pas eu de consensus républicain.

D’ailleurs, je ne peux pas vous laisser affirmer qu’il n’y a pas de débat démocratique sur cette réforme. Le Parlement a déjà consacré près de 120 heures à l’examen de ce projet de loi, après une longue période de concertation et la publication de très nombreux rapports par des personnalités de sensibilités différentes.

Monsieur François-Noël Buffet, je vous remercie d’avoir apporté, au nom du groupe UMP, votre soutien sans faille à la réforme.

M. Bernard Frimat. Il en fallait bien un !

M. Brice Hortefeux, ministre. Merci également d’avoir rappelé que vouloir réformer notre organisation territoriale, pour en corriger les faiblesses, c’est non pas affaiblir la décentralisation mais, au contraire, chercher à lui redonner du souffle !

J’ai bien noté votre attachement au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, qui, comme cela a été souligné, est « simple et lisible » et permet de maintenir un « lien indéfectible entre un élu et son territoire ».

Comme vous l’avez également très clairement rappelé, s’agissant aussi bien des communes nouvelles, des métropoles que des intercommunalités, la réforme prend appui sur les communes, qui demeurent bien les cellules de base de notre organisation territoriale.

Merci de soutenir la réforme, c’est-à-dire le mouvement contre le statu quo. C’est bien là l’esprit de la décentralisation.

Monsieur Hervé Maurey, vous avez regretté le manque d’ambition du texte soumis en deuxième lecture au Sénat et vous avez appelé à des améliorations nécessaires sur plusieurs points, notamment le cumul, les compétences et les cofinancements.

Comme je l’ai dit hier, le Gouvernement envisage très favorablement plusieurs amendements que votre groupe et vous-même avez déposés en ce sens. Cette deuxième lecture nous offre l’occasion de progresser ensemble, peut-être même en confiance, vers un texte plus conforme à vos attentes.

Madame Bernadette Bourzai, vous avez estimé que l’avancée majeure de la décentralisation consistait à rapprocher les centres de décision des citoyens et des administrés. C’est bien cet objectif que vise la création des conseillers territoriaux qui seront donc, demain, les interlocuteurs uniques de l’ensemble des acteurs locaux, entreprises, élus et citoyens : il me semble que nous sommes bien au cœur de l’ambition décentralisatrice.

M. Jean-Pierre Chevènement nous a dit sa conviction que la meilleure formule pour l’élection du conseiller territorial était bien le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, et je l’en remercie. Je le remercie également de son soutien, assorti, il est vrai, d’un certain nombre de remarques critiques, à l’objectif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité qui représente, en fin de compte, l’aboutissement du travail entamé, en 1999, avec la loi qui porte son nom.

Je m’associe à son souhait de voir cet objectif atteint à partir d’un dialogue, par définition exigeant, entre les préfets et les élus locaux. L’économie du texte qui est soumis au Sénat répond à ce vœu : il organise une procédure par étapes permettant un travail conjoint entre les préfets et les CDCI et, surtout, une concertation systématique des conseils municipaux et communautaires.

J’approuve également Jean-Pierre Chevènement quand il affirme que l’intercommunalité doit se construire non pas contre les communes, mais avec elles, et à leur profit.

Je remercie Dominique de Legge d’avoir souligné le caractère équilibré du texte soumis à l’examen du Sénat. Je partage totalement sa conviction selon laquelle « finaliser la carte de l’intercommunalité est le plus sûr moyen de pérenniser le fait communal et d’en optimiser les moyens ».

J’ai bien noté votre souhait, monsieur le sénateur, de ne pas précipiter les évolutions dans le domaine de l’intercommunalité et de laisser les élus disposer du temps nécessaire pour présenter des propositions en vue de l’élaboration du schéma de coopération intercommunale.

Je partage ce souci et c’est pour cette raison que nous défendons, avec Alain Marleix et Michel Mercier, le calendrier actuel du projet de loi, qui prévoit des étapes et des procédures très précises.

J’indique clairement à la Haute Assemblée que mes instructions aux préfets seront sans aucune ambiguïté : l’élaboration des schémas doit se dérouler dans la concertation, chacun doit être entendu, même s’il n’est jamais mauvais d’anticiper sur les diagnostics, les contacts et les éléments objectifs qui permettront d’éclairer le débat, le moment venu.

Madame Jacqueline Gourault, vous n’en serez pas surprise, même si votre intervention m’a paru un peu déséquilibrée (Sourires), je vous remercie d’avoir apporté votre soutien à l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires et, plus généralement, au volet intercommunal de la réforme, dont vous avez rappelé, à juste titre, le caractère très consensuel.

Sur le mode d’élection du conseiller territorial, j’ai bien entendu vos remarques, vos réflexions et vos analyses : nous aurons un débat sur ce sujet.

Après avoir beaucoup réfléchi et consulté, le Gouvernement, qui avait proposé un scrutin mixte, s’est rallié - c’est le mot - au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le Gouvernement souhaite bien évidemment, comme vous, madame la sénatrice, que la Haute Assemblée, qui représente les collectivités territoriales, aux termes même de la Constitution, puisse jouer tout son rôle pour enrichir ce projet de loi.

L’Assemblée nationale a utilisé son droit d’amendement pour introduire de nouvelles dispositions électorales, en particulier le mode de scrutin et le tableau des effectifs des conseillers territoriaux. C’est désormais au Sénat de débattre et d’amender.

M. Jean-Pierre Sueur sait que je suis en désaccord avec lui quand il suggère que les conseillers communautaires soient élus au suffrage universel direct lors d’un scrutin autonome. Sa solution est respectable et son analyse intéressante, mais, si le Gouvernement a fait le choix du fléchage, c’est pour préserver la légitimité du maire et l’identité des communes, conformément, d’ailleurs, à la proposition n° 7 du rapport Mauroy, rédigé il y a une dizaine d’années déjà.

Selon M. Sueur, personne ne souhaitait la création du conseiller territorial, mais c’est oublier qu’elle correspond à une proposition essentielle du rapport Balladur, qui en comportait bien d’autres. Depuis plusieurs années, Jacqueline Gourault l’a d’ailleurs rappelé, cette idée est portée, entre autres, par la famille centriste

Monsieur Poncelet, je ne peux pas vous rejoindre lorsque vous affirmez que le conseiller territorial n’est pas représentatif du territoire. En réalité, nous le constaterons lorsque nous examinerons le tableau proposé par le rapporteur, le nombre des conseillers territoriaux prend en compte non seulement les réalités démographiques, mais également les spécificités des territoires. C’est pourquoi aucun département ne comptera moins de quinze conseillers territoriaux : la fixation de ce seuil répond à une demande forte, exprimée lors de la première lecture, émanant de parlementaires légitimement soucieux que le monde rural soit préservé, et même mieux représenté au sein de nos conseils régionaux : ce sera le cas, demain, dans certains départements.

Monsieur Jean-François Voguet, je voudrais vous rassurer : les ressources des collectivités territoriales sont garanties au travers de la réforme de la taxe professionnelle, cette année, mais également les années suivantes. Comme l’a jugé le Conseil constitutionnel en se prononçant sur la loi de finances pour 2010, l’autonomie financière des collectivités territoriales est garantie par notre réforme.

Monsieur Jean-Léonce Dupont, notre projet vise justement à développer une meilleure synergie entre communes et intercommunalités, reprenant en ce sens les dispositions qui figuraient dans l’avant-projet de loi sur la modernisation de la démocratie locale, présenté par Alain Marleix en 2009.

Concernant les métropoles, le statut d’EPCI, pour lequel nous avons opté, permet à la métropole de se développer en harmonie avec son département et sa région d’implantation, car les transferts de compétences reposent, pour l’essentiel, sur des accords conventionnels. En effet, j’en suis tout aussi convaincu que vous, les métropoles doivent se construire non pas contre les départements et les régions, mais avec eux.

J’ai bien noté les observations de Mme Dominique Voynet sur le rapport Balladur, dont elle partage le constat. Je note également que nous avons au moins un point d’accord sur l’achèvement de l’intercommunalité. Sur le reste, en réalité, Mme Voynet se fait l’avocate du statu quo.

Madame Joissains, je vous remercie d’avoir souligné que la réforme était « nécessaire et urgente » pour rendre notre organisation territoriale plus performante et plus efficace. Je voudrais vous rassurer : aucune disposition de ce projet de loi ne porte atteinte au rôle du maire, incontournable, notamment en matière d’aménagement de l’espace et d’urbanisme, en particulier au sein des métropoles.

Contrairement à ce qu’a affirmé M. François Rebsamen, le Gouvernement n’a en rien renoncé à l’ambition qui sous-tend ce projet de loi.

Je confirme que nous souhaitons bien restructurer notre organisation territoriale autour de deux pôles : un pôle regroupant communes et intercommunalité, qui fait d’ailleurs l’objet d’un consensus, comme l’a souligné M. Rebsamen, et la création d’un pôle regroupant les départements et la région : comme toutes les innovations, celle-ci suscite bien évidemment un débat ; qui pourrait s’en étonner ?

D’ailleurs, M. Rebsamen l’a avoué, très directement et très simplement, sa position est claire : il faut laisser les choses en l’état et surtout ne rien changer ! Telle n’est précisément pas la position du Gouvernement.

Je remercie Jean-Paul Virapoullé d’avoir soutenu le choix du Gouvernement de déposer un amendement rétablissant le scrutin majoritaire uninominal à deux tours.

Il a par ailleurs parfaitement rappelé le droit, en précisant que l’application du projet de loi ne revient pas, sur le plan juridique, à créer, à la Réunion et en Guadeloupe, une assemblée unique, au sens de l’article 73 de la Constitution, puisque les deux assemblées resteront juridiquement distinctes en tant qu’organes délibérants de deux personnes publiques différentes.

La réforme entraîne encore moins la création d’une collectivité unique, dans la mesure où le département et la région conserveront leurs compétences respectives.

Cette précision me permet également de répondre à Mme Gélita Hoarau.

Monsieur François Patriat, vous affirmez que ce projet de loi ne sera pas source de simplification et vous vous demandez comment fonctionnera le pôle département-région : précisément grâce à la création d’un nouvel élu local, le conseiller territorial, qui siégera à la fois au sein du conseil général et au sein du conseil régional !

Pourquoi refuser a priori de faire confiance à un élu qui sera proche du territoire, et qui, avec bon sens, cherchera en permanence la complémentarité entre ces deux collectivités territoriales : à la région la stratégie, au département la proximité ?

Ce mandat appartiendra aux femmes et aux hommes qui l’exerceront demain. Pourquoi refuser ce pari audacieux qui revient, finalement, à faire confiance aux élus locaux eux-mêmes pour clarifier, simplifier et mieux articuler les compétences des différentes collectivités ?

Monsieur Philippe Dallier, vous avez soulevé une question récurrente, celle de l’application du dispositif des pôles métropolitains à la région parisienne, et je sais que vous avez déposé deux amendements sur ce point. Le Gouvernement est favorable à une évolution de son texte sur ce sujet, car le pôle métropolitain n’est pas un outil adapté à l’Île-de-France, et je pense que le débat permettra de préciser davantage le dispositif.

Monsieur Gérard Collomb, je vous remercie d’avoir souligné tout le travail d’écoute, de dialogue et de concertation accompli par les uns et les autres : dans votre empressement, vous avez oublié de mentionner le rôle du Gouvernement, sans doute par pudeur et par réserve, mais j’ai bien senti que vous brûliez de lui rendre hommage ! (Sourires.)

Une concertation a eu lieu, notamment avec les grandes associations d’élus. Pourquoi ne pas le reconnaître, vous avez vous-même directement influencé la rédaction de certaines dispositions du projet de loi, sur les métropoles, les pôles métropolitains et l’intercommunalité.

M. Dominique Braye. On l’a bien senti !

M. Brice Hortefeux, ministre. Reste la question du conseiller territorial, sur laquelle j’assume la différence qui nous sépare de l’opposition. Oui, nous souhaitons faire le pari de la confiance dans ce nouvel élu !

Vous estimez que le fonctionnement de cette nouvelle organisation serait assez bizarre, car, les présidents de conseils généraux siégeant de fait au sein de l’assemblée régionale, vous y voyez un risque de blocage, et vous craignez que la préoccupation départementale ne l’emporte sur la préoccupation collective régionale. Mais prenez l’exemple des communautés d’agglomération : le président de la communauté défend-il exclusivement l’intérêt de sa propre commune ? Non, évidemment ! Je ne vois donc pas pourquoi un mode d’organisation valable dans un cas, et qui a fait ses preuves, ne le serait pas dans le schéma que nous vous proposons.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas la même situation !

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, en effet !

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Braye, je vous remercie d’avoir aussi chaleureusement souligné le volontarisme des dispositions relatives à l’intercommunalité. Comme vous, je pense que ce texte marquera une étape importante du développement de l’intercommunalité, dans le respect des communes qui demeurent, selon votre formule, « les chevilles ouvrières » de notre organisation territoriale collective.

Comme vous l’avez souligné, à l’issue de la première lecture, le Sénat et l’Assemblée nationale sont parvenus à un équilibre assez satisfaisant. Les demandes qui s’étaient exprimées sur ces travées pour faire évoluer le calendrier ont été entendues, pour l’essentiel, et prises en compte. Le texte issu de l’Assemblée nationale fixe au 30 juin 2013 la fin de la période transitoire, soit six mois avant la date proposée par le Gouvernement.

Il me semble que nous avons atteint un point d’équilibre, et j’observe que votre commission des lois y souscrit.

Je voudrais notamment appeler votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur un point : le calendrier doit rester cohérent avec l’ambition forte de ce projet de loi, que vous souhaitez préserver, et avec les étapes indispensables de concertation et de codécision que le processus comporte ; des délais incompressibles de consultation des conseils municipaux, des organes délibérants des intercommunalités et des CDCI sont fixés dans le texte.

En raccourcissant les délais, nous prendrions le risque, me semble-t-il, d’affaiblir la concertation ou de réduire la durée des consultations, ce qui serait certainement une nouvelle source de débat.

Monsieur Daudigny, comme vous, nous sommes soucieux des territoires ruraux. J’en veux pour preuve le fait que le Gouvernement, sous l’égide de Michel Mercier, a récemment lancé les Assises des territoires ruraux et un nouvel appel à projets pour les pôles d’excellence rurale. En outre, en confortant l’intercommunalité en milieu rural, nous confortons concrètement les communes. Enfin – je l’ai déjà dit, mais il semble qu’il faille se répéter ! –, le conseiller territorial sera incontestablement un élu de terrain.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais apporter à l’occasion de ce débat, qui fut intéressant et constructif. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Demande de réserve

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Exception d'irrecevabilité

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. En vertu de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la commission des lois demande la réserve, jusqu’au début du titre V, de l’examen des amendements nos 82, 83, 304, 305, 306, 308, 318 rectifié, 319 rectifié, 320 rectifié, 307 rectifié, 310 et 311, ainsi que des articles et de l’intégralité des amendements portant sur le chapitre Ier, à savoir les articles additionnels avant l’article 1er AA, l’article 1er AA, les articles additionnels après l’article 1er AA sauf l’amendement n°321, l’article 1er A, l’article additionnel avant l’article 1er B, l’article 1er B, les articles additionnels après l’article 1er B, les articles additionnels après l’article 1er, l’article 1er bis, l’article 1er ter, l’article 1er quater, l’article 1er quinquies et l’article additionnel après l’article 1er ter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. La réserve est de droit.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Certes, monsieur le président, la réserve est de droit dès lors que le Gouvernement a accepté la demande présentée par la commission, je n’entends absolument pas le contester. Sur le plan réglementaire, tout est parfait. Nous admirons d’ailleurs la spontanéité de la démarche…

Cependant, pour l’heure, nous ne sommes pas en possession des amendements, ce qui ne nous permet pas de décoder le message chiffré délivré par M. Hyest. Pourriez-vous, monsieur le président de la commission des lois, nous en donner brièvement la traduction, à nous qui sommes des esprits simples et n’avons pas pris part au chiffrage ? (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cette demande de réserve porte sur tous les articles et amendements concernant l’élection des conseillers territoriaux. Ils sont tous liés au chapitre Ier du titre Ier du projet de loi. J’ai dû en donner une liste précise, car un certain nombre d’amendements de caractère général, tendant à créer, par exemple, des articles additionnels sans lien avec cette question, ont été déposés à ce chapitre et pourront être examinés sans délai.

M. Bernard Frimat. La négociation n’est donc pas finie…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne s’agit pas de cela ! Les propositions sont si nombreuses, diverses et riches dans ce domaine, notamment sur la parité, qu’il est encore nécessaire que nous réfléchissions un peu pour tenter de trouver des solutions.

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela s’appelle un euphémisme !

Exception d’irrecevabilité

Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par MM. Mézard, Collin, Baylet, Chevènement et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (n° 560, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la motion.

M. Jacques Mézard. Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, nous vous voyons souffrir… Par cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, nous souhaiterions abréger vos souffrances ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques Mézard. Lors du débat en première lecture, j’avais fait remarquer que, si vous ne saviez pas où vous alliez, vous saviez du moins comment y aller. J’étais peut-être un peu flatteur…

S’il est un dossier sur lequel le débat d’idées devrait déboucher sinon sur un consensus, au moins sur des réformes largement partagées, c’est bien celui des collectivités territoriales.

S’il est un dossier sur lequel la voix du Sénat, grand conseil des communes de France, devrait être entendue, c’est bien celui des collectivités territoriales.

Or, qu’avons-nous sous les yeux ? Un texte qui divise manifestement la majorité, un texte qui fédère au-delà de l’opposition, dans l’expression d’un rejet révélateur, un texte dont le cheminement chaotique fut pour le moins, à ce jour, peu respectueux de la Haute Assemblée !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques Mézard. Affirmer, monsieur le ministre de l’intérieur, que l’Assemblée nationale a globalement repris les propositions du Sénat nous paraît hasardeux ou très optimiste, voire un peu malicieux.

Certes, la France est une nation difficile à réformer – elle l’est encore plus dans de telles conditions –, mais l’expérience nous montre que c’est possible. Jean-Pierre Chevènement en a fait la démonstration avec la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, fruit d’une forte volonté politique accompagnée d’un sage pragmatisme.

Était-il raisonnable et juste d’engager le débat en faisant le procès d’élus trop nombreux, trop coûteux, en indiquant que le chevauchement des compétences faisait perdre 20 milliards d’euros, en affirmant que la suppression de coquilles vides – il en existe, c’est vrai –, notamment dans les syndicats mixtes, permettrait des milliards d’euros d’économies ? S’agissant de ce dernier point, nous attendons encore une démonstration.

Voilà quelques mois, le site internet du ministère de l’intérieur justifiait la réforme des collectivités territoriales par la nécessité de maîtriser la dépense publique, dans l’esprit de la révision générale des politiques publiques. Oui, des économies peuvent et doivent être réalisées, mais la gestion des collectivités par les élus locaux, de toutes sensibilités, ne s’apparente pas au remplissage du tonneau des Danaïdes ! L’État est-il vraiment le mieux placé pour donner des leçons de bonne gestion ?

M. Roland Courteau. Bonne question !

M. Jacques Mézard. Était-il raisonnable d’engager cette réforme sans l’avoir fait précéder d’un bilan de la décentralisation, chère à notre collègue Edmond Hervé ?

Même si certaines dispositions, en particulier celles qui sont relatives à l’intercommunalité, nous paraissent positives, c’est une réforme qui, globalement, ne satisfait aujourd’hui personne et dont les promoteurs évitent de dévoiler clairement les vrais objectifs : imposer aux collectivités une cure de rigueur, mettre en œuvre une révision générale des politiques publiques indirecte, pratiquer l’ « évaporation » du département préconisée par MM. Balladur et Copé sans l’écrire dans le texte, pour parvenir finalement – telle est la réalité, nos collègues François Patriat et Gérard Collomb l’ont très bien dit – à fragiliser la région, dissoudre les communes dans les communes nouvelles sans l’afficher, transférer l’impôt local économique vers l’impôt sur les ménages…

Un projet de loi dont on tente de cacher les objectifs en les fondant dans un brouet juridique ne saurait être fondateur. Des textes mettant la charrue avant les bœufs ne sauraient annoncer une bonne récolte.

Nous sommes en effet en présence d’une construction étrange au pays de Descartes.

On nous a soumis d’abord un projet de loi relatif à la concomitance d’élections, sans que l’on sache alors précisément de quelles élections il s’agissait. Puis, l’article 2 de la loi de finances pour 2010 a consacré la suppression de la taxe professionnelle, cadeau de Noël pour le MEDEF, mais véritable saut dans l’inconnu quant aux ressources futures de nos collectivités. Quant à la clause de revoyure, qui a motivé nombre de votes sur la loi de finances, force est de constater que nous sommes de la revoyure : il n’y a rien à voir !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques Mézard. Deux textes ont ensuite été déposés, le projet de loi n° 60 de réforme des collectivités territoriales et le projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, et un autre, relatif aux compétences, a été annoncé un an plus tard.

C’est selon ce programme législatif que l’on nous a fait voter le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Or, en réalité, il n’a pas été respecté, ce qui est loin d’être neutre.

N’éludons pas les problèmes ! Sur la question du mode de scrutin, le RDSE est unanimement favorable au scrutin uninominal à deux tours, avec un seuil abaissé, parce que c’est le moyen de dégager des majorités solides, de privilégier un lien entre l’élu et le territoire, et aussi, disons-le, de permettre l’émergence de personnalités de qualité.

Cette conviction ne nous transformera en supplétifs de quiconque. Affirmer notre préférence pour le scrutin uninominal à deux tours, avec élargissement de l’accès au second tour, c’est tout simplement exprimer notre attachement à des convictions sur lesquelles nous n’avons pas varié.

L’absence de clarté aboutit aujourd’hui à une situation dont personne ne sortira gagnant. Il suffit, pour s’en convaincre, de relire l’argumentation présentée lors de la première lecture par M. Mercier pour s’opposer au scrutin uninominal.

M. Gérard Collomb. Qu’a-t-il encore fait ?

M. Jacques Mézard. Mes chers collègues, je vous conseille vivement cette lecture : nous y reviendrons dans les prochains jours !

J’avais indiqué, en première lecture, que l’amendement du groupe de l’Union centriste tendant à introduire l’article 1er A était un sirop pour faire avaler la pilule à ceux qui toussaient.

M. Jacques Mézard. Passée la douceur immédiate du sucre, ceux-ci risquent de s’étouffer dans l’amertume ou, peut-être, les hoquets ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Pourquoi avons-nous déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur le fondement de l’article 44 du règlement du Sénat ?

Notre groupe est en général économe de ce type de démarche. Si nous y avons recouru, c’est que nous considérons que, tant sur la forme que sur le fond, le Sénat a été privé du rôle fondamental qui lui revient dans l’examen de tout texte relatif aux collectivités locales. La version du projet de loi qui nous est soumise aujourd’hui constitue une innovation juridique portant atteinte à la mission du Sénat de la République.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Le président Larcher, lors du déplacement de la mission Belot à Bordeaux, le 26 janvier 2009, soulignait la responsabilité particulière du Sénat, « maison des territoires ».

M. Roland Courteau. Il fallait le mentionner !

M. Jacques Mézard. Or qu’est-il advenu du travail consensuel de la mission Belot-Krattinger-Gourault ?

M. Jacques Mézard. Il a été torpillé la veille de l’arrivée au port par l’annonce de la création du conseiller territorial, rejetée par la majorité des membres de la mission, laquelle s’était prononcée en faveur d’une coordination des principaux responsables des politiques territoriales.

Le rapport de la mission sénatoriale mettait en exergue des axes susceptibles de recueillir un large consensus : achèvement de la carte intercommunale, développement des compétences des intercommunalités, création d’un nombre restreint de métropoles, promotion des regroupements volontaires de collectivités, respect de la capacité d’initiative des différentes collectivités. À cela s’ajoutaient autonomie fiscale, péréquation et révision des valeurs locatives. Voilà de beaux sujets de consensus !

M. Roland Courteau. C’est parfait !

M. Jacques Mézard. Mais en première lecture fut introduit aux forceps le conseiller territorial, être hybride dont aucune association d’élus, ni d’ailleurs aucun parti politique, n’a réellement revendiqué la paternité.

M. Roland Courteau. C’est un OVNI !

M. Jacques Mézard. Dois-je rappeler que, lors des débats de la première lecture, sauf pour l’amendement présenté par M. About, le Gouvernement a écarté toute discussion sur le mode de scrutin ou sur le nombre de conseillers territoriaux ? Ces questions devaient être l’objet du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Le Sénat ne devait donc pas aborder ces sujets, sur lesquels il fut impossible d’obtenir du Gouvernement la moindre précision : le tableau n’existait pas ; il a néanmoins fait une apparition miraculeuse à l'Assemblée nationale…

Sur les compétences des compétences territoriales, objet de l’article 35, nous avons entendu le même discours : dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, un texte devait préciser la répartition des compétences entre les régions et les départements, ainsi que les règles d’encadrement du cofinancement.

Le mode d’élection du conseiller territorial et la répartition des compétences constituent deux éléments fondamentaux de la réforme, mais le Sénat n’a pas été admis à débattre en première lecture. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

En revanche, devant l’Assemblée nationale, le discours fut différent. Celle-ci a eu le privilège de voir surgir des amendements du Gouvernement relatifs au mode de scrutin, au tableau des conseillers territoriaux et des conseillers communautaires. Exeunt le projet de loi n° 61 et celui sur les compétences : tous deux furent phagocytés, victimes de l’appétit des députés.

Entre la première et la deuxième lecture, le présent texte a donc absorbé en grande partie deux autres projets de loi. Le Sénat se voit ainsi privé d’une double lecture sur deux points essentiels de la réforme.

M. Roland Courteau. C’est très regrettable !

M. Jacques Mézard. Cela n’est pas neutre. L’article 44 de la Constitution dispose que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement », et l’article 39, alinéa 2, précise que, « sans préjudice du premier alinéa de l’article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

Sur le plan technique, l’application au droit d’amendement de la règle dite « de l’entonnoir », dégagée par le Conseil constitutionnel, conduit en principe à ce que ce droit puisse s’exercer pleinement dès la première lecture.

Certes, cette interprétation est en harmonie avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel – je vous renvoie à la décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006 –, mais cette dernière sert principalement à censurer, y compris d’office, les cavaliers législatifs.

En l’espèce, les amendements dont il s’agit ne sont pas des cavaliers, car ils ont un lien avec le texte, mais une telle méthode, si elle était considérée comme recevable, aboutirait à dénaturer le processus législatif…

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. … et à vider de son contenu l’article 39 de la Constitution, sans aucun égard pour les prérogatives du Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

Ces amendements constituent un détournement de procédure.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jacques Mézard. De plus, leur introduction par le Gouvernement à l’Assemblée nationale s’est opérée sous l’empire de l’article 88 du règlement de celle-ci, qui permet à la commission saisie au fond de se réunir en urgence pour examiner des amendements de dernière minute. Ladite commission n’a ainsi disposé que de dix minutes pour procéder à cet examen. Il s’agit là d’une atteinte au principe de clarté et de sincérité des débats dégagé par le Conseil constitutionnel.

Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !

M. Jacques Mézard. Pour nous, les questions touchant au mandat du conseiller territorial et à l’organisation des compétences des collectivités territoriales devaient initialement faire l’objet de textes législatifs distincts. Les articles en cause, introduits par le biais d’amendements gouvernementaux, auraient dû trouver place dans un projet de loi distinct, le cas échéant par voie de lettre rectificative.

Cette situation soulève un problème de principe : si le Sénat rejette la rédaction de l’Assemblée nationale et que, après la commission mixte paritaire, le dernier mot revient à nos collègues députés, il s’agira d’une première depuis 1983 et, surtout, depuis la révision constitutionnelle de 2003, pour une réforme d’ampleur relative aux collectivités territoriales.

Mme Françoise Laborde. C’est grave !

M. Jacques Mézard. C’est pourquoi il est important que le Sénat adopte notre motion, afin d’étouffer dans l’œuf ce qui constituerait un précédent particulièrement désastreux, violant incontestablement l’esprit de la Constitution. (Marques d’approbation sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Par le vote de cette motion, ceux qui, sur diverses travées de la Haute Assemblée, se sont largement exprimés contre l’économie générale du présent texte permettront au Gouvernement de remettre son ouvrage sur le métier, car nos collectivités locales méritent mieux que la confusion d’un texte de circonstance.

Je confirme les propos que j’avais tenus en première lecture, lors de la discussion générale : messieurs les ministres, nous devons vous empêcher de fabriquer un nouveau millefeuille, avec plus de couches, mais beaucoup moins de sucre ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le souci exprimé par les auteurs de cette motion est précisément celui qui avait conduit la commission des lois à supprimer, sur la proposition de son président, M. Jean-Jacques Hyest, dans le texte qu’elle a élaboré en vue de l’examen en séance publique, les articles 1er A, 1er bis, 1er ter, 1er quater, 1er quinquies et, par coordination, les articles 36 B et 36 C.

En effet, la commission des lois a affirmé sa volonté de protéger les prérogatives du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales. Aussi a-t-elle souhaité que celui-ci puisse examiner en priorité le mode de scrutin des conseillers territoriaux. C'est la raison pour laquelle le texte aujourd’hui soumis à la Haute Assemblée, tel qu’il ressort des travaux de la commission, respecte la structure du projet de loi initialement déposé sur le bureau du Sénat.

Cependant, au cours de sa réunion du 28 juin dernier, la commission a été saisie de trois amendements du Gouvernement et a donc été conduite à reconsidérer cette question dans ce contexte nouveau. Elle a décidé d’émettre un avis favorable sur les propositions du Gouvernement, et non pas sur celles de l'Assemblée nationale. Ce faisant, les pouvoirs du Sénat sont préservés, car il sera amené à se prononcer sur les amendements du Gouvernement.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. La motion que vous venez de présenter, monsieur Mézard, tend à opposer l’exception d’irrecevabilité, dont l’objet, selon l’article 44 du règlement du Sénat, est de « faire reconnaître que le texte en discussion […] est contraire à une disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire ».

À l’appui de cette motion, vous soulevez deux arguments.

Premièrement, vous estimez que le texte soumis en deuxième lecture au Sénat comporte des dispositions nouvelles que le Gouvernement s’était initialement engagé à insérer dans des projets de loi distincts. Or vous considérez que ces nouveaux articles modifient de façon substantielle l’économie générale du texte et qu’ils auraient dû, par conséquent, faire l’objet d’une lettre rectificative.

Je ne peux vous suivre sur ce point.

Il est vrai que l'Assemblée nationale a introduit, par voie d’amendements, deux séries de dispositions qui ne figuraient pas dans le texte voté par le Sénat en première lecture. Elle a supprimé l’article 1er A, qui avait été introduit en première lecture par le Sénat, et a voté plusieurs dispositions à caractère électoral ayant trait au conseiller territorial. Elle a également transformé l’article 35 en plusieurs articles qui déclinent juridiquement les principes contenus dans cet article, jusqu’alors dénués de portée normative.

Dans les deux cas, il n’y a pas eu de bouleversement de l’économie générale du projet de loi, puisque l'Assemblée nationale s’est appuyée sur des dispositions qui figuraient dans le texte qui lui avait été transmis par le Sénat, à savoir celles des articles 1er A et 35. Elle n’a fait qu’utiliser le droit d’amendement que lui confère le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, qui dispose que « les membres du Parlement […] ont le droit d’amendement ».

La jurisprudence du Conseil constitutionnel et, tout récemment, le pouvoir constituant ont eu l’occasion d’encadrer précisément ce droit d’amendement.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a ainsi modifié l’article 45 de la Constitution, qui dispose désormais que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Cette modification constitutionnelle consacrait en réalité l’état de la jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel.

Or je crois que nous pourrons convenir ensemble que les amendements introduits à l’Assemblée nationale en première lecture n’étaient pas dépourvus de tout lien, même indirect, avec le projet de loi.

Deuxièmement, monsieur Mézard, vous estimez que les dispositions introduites en première lecture par l’Assemblée nationale ont pour objet principal l’organisation des collectivités territoriales et que, par conséquent, elles auraient dû être soumises d’abord au Sénat, selon les termes du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution, qui dispose que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

Le Gouvernement a pleinement respecté cette obligation constitutionnelle, puisqu’il a déposé sur le bureau du Sénat, au cours du mois d’octobre 2009, les quatre projets de loi que vous avez mentionnés.

Mais surtout, il faut lire l’article 39 de la Constitution, auquel vous vous référez, dans son intégralité. Son deuxième alinéa dispose ainsi que « sans préjudice du premier alinéa de l’article 44 – c’est-à-dire du droit d’amendement des membres du Parlement –, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ». L’Assemblée nationale était donc tout à fait en droit d’introduire les dispositions en question par voie d’amendements, dans les limites constitutionnelles que je viens de rappeler. (M. Jacques Mézard manifeste son scepticisme.)

Monsieur le sénateur, je vois que je vous ai convaincu…

M. Jacques Mézard. Pas du tout ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, ministre. Mon argumentation se fonde pourtant exclusivement sur le texte de la Constitution, qui s’impose à nous tous. Les droits du Parlement, notamment celui d’amendement, dont vous êtes l’un des plus farouches défenseurs, ont été parfaitement respectés. En conséquence, il n’y a pas lieu de prononcer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, parce que ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales pose autant de problèmes constitutionnels, sinon davantage, que lors de la première lecture, mon groupe soutient la présente motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Avant d’exposer les différents motifs qui nous ont conduits à adopter cette position, je voudrais évoquer l’ordonnancement de nos débats.

Le nouveau mode d’examen des projets de loi issu de la révision constitutionnelle pose problème pour la discussion générale et les motions de procédure. En effet, le texte adopté en séance publique peut être sensiblement différent de celui de la commission, où la majorité, pour des questions de circonstances, a pu être mise en minorité.

En l’occurrence, le cas des dispositions relatives au mode de scrutin est parlant. En effet, la commission a vidé de son contenu le chapitre Ier du projet de loi, rendant même improbable la survie, en l’état, du conseiller territorial.

Mais, de toute évidence, la majorité reviendra à la charge en séance publique et ramènera à la raison les récalcitrants. Le vote par la commission d’un amendement gouvernemental allant dans ce sens en est le signe précurseur.

Or, le mode de scrutin adopté à l’Assemblée nationale soulève un problème important de constitutionnalité, puisque sont foulées aux pieds des dispositions majeures, notamment celles qui sont relatives à la parité et au respect de celle-ci pour les fonctions électives.

Alors que, grâce à la proportionnelle, les femmes représentent aujourd’hui la moitié des élus régionaux, elles risquent, avec l’application des modes de scrutin que vous nous proposez – variant au fil de négociations qui, visiblement, ne sont pas closes –, de quasiment disparaître.

C’est la parité que vous remettez en cause (Protestations sur les travées de lUMP),…

M. Roland Courteau. Elle a raison !

Mme Éliane Assassi. … et il ne suffit pas, monsieur le ministre, pour prévenir un danger dont vous êtes conscient, de s’en remettre à l’application de pénalités financières supposées dissuasives. Chacun sait ici que les grands partis n’en tiennent pas compte. Leur comportement en cela est analogue à celui de certains maires qui, dans un autre registre, refusent obstinément de respecter la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et préfèrent payer des amendes plutôt que de construire des logements sociaux.

Ayant déjà exposé les différents motifs d’inconstitutionnalité du texte lors de la première lecture, je me contenterai de les rappeler très brièvement.

Tout d’abord, le principe de la libre administration des collectivités territoriales est bafoué. Comment ne pas voir que ce projet de loi organise les tutelles de l’État sur les collectivités et d’une catégorie de collectivités sur une autre ?

Point par point, article par article, le texte met en cause la libre administration des collectivités territoriales. La soumission des communes et des départements aux futures métropoles est symptomatique. Comment peut-on encore parler de libre administration des communes lorsque le projet de loi contraint leur budget et supprime la clause de compétence générale ? Sur ce point également, il viole la Constitution.

Certains avaient soutenu, lors de la première lecture, que cela n’était pas en soi anticonstitutionnel. Je trouve cet argument bien court, voire fallacieux, car, qu’on le veuille ou non, c’est la libre administration des communes telle qu’elle est définie par l’article 72 de la Constitution qui est attaquée.

Mes chers collègues, sans compétence générale, la collectivité n’est qu’un établissement public. Rappelez-vous : c’est l’exercice de la compétence générale qui a donné aux régions le caractère de collectivité territoriale.

Enfin, la forme que prend l’examen de ce projet de loi revêt une inconstitutionnalité manifeste, qui a été soulignée par les auteurs de la motion.

L’article 39 de la Constitution, qui pose clairement que le Sénat examine en premier lieu les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales, n’a pas été respecté, puisque l’Assemblée nationale a inséré par voie d’amendements l’essentiel du contenu de deux projets de loi relatifs l’un au mode de scrutin, l’autre à la répartition des compétences.

On le voit, le Gouvernement – je pourrais dire l’UMP, puisque l’un est fondu dans l’autre – veut adapter la Constitution à ses objectifs politiques immédiats – la reconquête des institutions locales – et de long terme, en imposant la loi du marché aux territoires.

M. Roland Courteau. C’est très clair !

Mme Éliane Assassi. Pour notre part, nous refusons un tel coup de force. Nous voterons donc la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité à ce texte, qui s’attaque à l’un des verrous démocratiques essentiels de notre pays : la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe socialiste votera la motion présentée par M. Mézard.

Nous ne partageons pas la lecture et l’analyse que le Gouvernement fait des dispositions de la Constitution, mais nous n’entrerons pas maintenant dans un débat juridique.

L’article 39 de la Constitution est très clair : il revient au Sénat d’examiner en premier lieu les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales. Or, force est de constater que tel n’a pas été le cas en l’occurrence, pour des raisons diverses liées aux conditions du débat politique, aux négociations menées au sein de la majorité, aux positions prises par la commission des lois ou par notre assemblée.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas une interprétation, c’est un fait incontournable : ce texte n’a pas été soumis en premier lieu au Sénat.

C’est une des raisons pour lesquelles cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité nous semble pertinente.

Au-delà de cet aspect constitutionnel, on a pu constater, tout au long des discussions, de profondes évolutions du texte au regard des objectifs affichés initialement par le Gouvernement, au point qu’une poule n’y retrouverait pas ses petits, comme aurait dit ma grand-mère. (Sourires.)

Par exemple, on ne sait plus si vous voulez ou non que le conseiller territorial soit élu au scrutin majoritaire avec une dose de proportionnelle. Les négociations continuent et, in fine, comme l’a très bien expliqué M. Mézard, ce texte débouchera sur la création d’un nouveau millefeuille territorial,…

M. Didier Guillaume. … qui sera peut-être plus complexe encore que le précédent.

L’architecture territoriale actuelle ne semble poser de problème à personne, pas plus que les cofinancements, qui permettent notamment aux petites communes de réaliser des équipements. Si l’on supprime les cofinancements, cela deviendra très compliqué !

M. Roland Courteau. Ce sera impossible !

M. Didier Guillaume. Vous avez modifié votre texte, vous avez consenti à des ouvertures, mais, pour notre part, nous pensons que, sur le fond, le compte n’y est pas. Le projet de loi que vous nous présentez va totalement bouleverser l’administration territoriale et ne correspond pas à l’intérêt des territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.

Monsieur le ministre, comme vous l’avez souligné tout à l’heure, nous ne pratiquons pas l’opposition systématique : nous sommes favorables à certaines évolutions, l’immobilisme ne nous paraissant pas souhaitable. Cependant, évoluer ne signifie pas, à nos yeux, revenir en arrière. Or la création du conseiller territorial constitue selon nous un véritable retour en arrière, dans la voie de la recentralisation. Une telle mesure marque la fin de la décentralisation telle que nous l’avons connue…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Didier Guillaume. … et le placement des communes sous la coupe d’une administration régionale qui les privera de leurs libertés.

Notre groupe votera donc cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe du RDSE, l'autre du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 240 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 152
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

(M. Bernard Frimat remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par MM. Bel, Sueur, Peyronnet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (n° 560, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la motion.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, poser la question préalable, en deuxième lecture, sur un tel sujet, ne manquera pas de susciter, dans les rangs de la majorité sénatoriale, une palette de réactions allant de l’incompréhension à l’accablement, en passant par l’hostilité franche !

Je comprends, chers collègues, votre hâte d’en finir, pour que les élus locaux, nos électeurs, aient le temps d’oublier avant les prochaines élections départementales et sénatoriales que c’est vous qui aurez voté ce texte…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat. J’espère pourtant vous convaincre que votre réforme est si mal partie qu’il vaudrait mieux se donner le temps de la réflexion au lieu de se précipiter dans le mur en klaxonnant comme vous le faites.

De rapports en avant-projets, de projets de loi en projets de loi, de lectures au Sénat en lectures à l’Assemblée nationale, d’amendements gouvernementaux surprises en ravalements par les rapporteurs, d’amendements d’apaisement en amendements de complaisance, à la recherche d’une majorité toujours à trouver, la cathédrale façon Le Corbusier annoncée s’est transformée en chapelle du facteur Cheval.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas gentil !

M. Pierre-Yves Collombat. C’en est fini de l’architecture futuriste, place à l’esthétique « nains de jardin » ! À entendre les orateurs qui m’ont précédé, je ne suis apparemment pas le seul à avoir ce sentiment.

Avant d’inaugurer le bâtiment, mieux vaut faire passer la commission de sécurité.

Première catégorie de malfaçons : les fissures de constitutionnalité.

Il était difficile d’en cumuler autant pour un même texte. Mme André a évoqué la parité, M. Mézard l’affaiblissement du rôle du Sénat. Pour ma part, je me limiterai à deux remarques.

Tout d’abord, comment, dans le cas des régions Alsace, Nord-Pas-de-Calais et Haute-Normandie, composées chacune de deux départements démographiquement inégaux, éviter la « tutelle » du plus peuplé, directement sur la région et indirectement sur l’autre département, ce qui est contraire à l’article 72 de la Constitution ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est déjà le cas !

M. Pierre-Yves Collombat. Si, comme le reconnaît M. Fabre-Aubrespy dans le numéro d’octobre-décembre 2009 de la Revue politique et parlementaire, « l’assemblée régionale est formée fondamentalement de la réunion des conseils généraux », peut-on dire que la région dispose d’un conseil propre ? Ne retourne-t-on pas à l’époque où le conseil régional, simple établissement public, était administré par des délégués des conseils généraux, la seule différence étant que, désormais, tous les conseillers généraux seront délégués ? C’est d’ailleurs ce qui semble nous être proposé au travers d’un certain nombre d’amendements.

Ensuite, renonçant à l’objectif initial de diminuer, par ordonnance, de 25 % les effectifs des conseils généraux, le Gouvernement a fait voter à l’Assemblée nationale le fameux tableau n° 7, repris dans le texte de la commission.

Il vise à limiter, pour le territoire métropolitain, les suppressions de sièges de conseiller général à 607 sur 3 974, voire à 498 si l’on considère qu’à Paris tous les conseillers généraux supprimés resteront en place en tant que conseillers municipaux. Selon le mode de calcul, la baisse des effectifs sera donc non pas de 25 %, mais de 12,5 % à 15 % : ce n’est pas vraiment révolutionnaire. D’ailleurs, par un ultime bricolage de notre rapporteur, on comptera 38 conseillers territoriaux de plus, et la baisse du nombre des conseillers généraux sera donc à tout coup inférieure à 15 %.

En revanche, les effectifs des conseillers régionaux, qui devaient initialement augmenter de 50 %, vont doubler !

Parmi les règles de fabrication, je mentionnerai celle-ci : pas de département comptant moins de quinze conseillers territoriaux. À cet égard, M. Mercier a déclaré, devant l’Assemblée nationale, que « la représentation moyenne de chaque département d’une même région s’inscrit en principe dans une fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par conseiller territorial à l’échelle de la région, fourchette en vigueur, après la jurisprudence du Conseil constitutionnel, pour les circonscriptions législatives ». Vous ai-je correctement cité, monsieur le ministre ?

M. Michel Mercier, ministre. Parfaitement !

M. Pierre-Yves Collombat. Les principes constitutionnels d’« égalité des suffrages » et de « représentation essentiellement démographique » seraient ainsi, selon vous, respectés. Fort bien ! Sauf que demeurent quatre exceptions, que l’amendement de M. Courtois a plutôt tendance à accentuer : les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, la Lozère et la Meuse, qui – je cite encore M. Mercier –, « sinon, n’auraient pas eu quinze conseillers territoriaux ».

En effet, pour ne prendre que les deux départements alpins, un conseiller territorial des Alpes-de-Haute-Provence représentera 51 % d’habitants de moins que la moyenne régionale et un conseiller territorial des Hautes-Alpes 58 % de moins, un conseiller territorial des Bouches-du-Rhône représentant une population 2,9 fois plus importante que son collègue des Hautes-Alpes.

Le Conseil constitutionnel acceptera-t-il ces exceptions ? Je me garderai bien de trancher sur ce point !

Aux sénateurs, issus notamment des départements ruraux, qui se satisfont des quinze conseillers territoriaux promis, je pose cette question : et si le Conseil constitutionnel ne validait pas le choix gouvernemental d’un minimum de quinze conseillers territoriaux par département ? Il ne s’est pas privé, l’an dernier, de revenir sur le principe ancien d’un minimum de deux députés par département, dans une décision du 8 janvier 2009 : « Le maintien d’un minimum de deux députés pour chaque département n’est plus justifié par un impératif d’intérêt général susceptible d’atténuer la portée de la règle fondamentale selon laquelle l’Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques ».

Rien ne dit, mes chers collègues, que le Conseil constitutionnel ne tiendra pas, s’agissant des conseillers territoriaux, le même raisonnement, dès lors qu’aucun élément objectif n’impose un minimum de quinze conseillers plutôt que de douze ou de dix et que la nouvelle répartition des conseillers régionaux constitue une régression, en termes d’égalité des suffrages, par rapport à la situation actuelle. Si le Conseil constitutionnel annule totalement ou partiellement le tableau qui nous est présenté, le Gouvernement n’aura pas d’autre possibilité que de se plier à cette décision. Les élus des départements concernés n’auront alors plus que les yeux pour pleurer.

Une deuxième catégorie de malfaçons tient à la mauvaise conception de l’édifice.

Par quelque bout que l’on prenne le problème, dès lors que l’on entend désigner par le même vote, fût-ce avec deux bulletins distincts, les élus régionaux et départementaux, le dilemme est le suivant : réduire au-delà du raisonnable les effectifs des élus de proximité là où ils sont le plus nécessaires, c’est-à-dire dans les zones rurales, et les augmenter exagérément là où ils le sont moins, à savoir dans les secteurs urbains.

Sans aucune garantie constitutionnelle, et après beaucoup d’hésitations, le Gouvernement a fait le second choix, au risque de rendre ingouvernables une majorité de conseils régionaux et quelques conseils généraux.

L’amendement Courtois représente un pas de plus dans cette direction. Aux termes du texte issu de l’Assemblée nationale, amendé sur l’initiative de notre rapporteur, les effectifs des conseils augmenteraient de 50 % à 90 % dans six régions, de 100 % à 150 % dans neuf, et de 150 % à 200 % dans quatre autres. L’Île-de-France arrive en tête du hit-parade, avec, selon les versions, 308 ou 309 conseillers territoriaux, suivie par les régions Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d’Azur, dont le nombre de conseillers oscillerait respectivement entre 296 et 298, entre 255 et 262 et entre 224 et 226. À ces effectifs, il faudra ajouter un nombre équivalent de suppléants-remplaçants si la proposition que le ministre de l’intérieur nous a faite il y a quelques mois vient à être mise en œuvre.

Cet accroissement des effectifs représente évidemment des dépenses d’agrandissement d’hémicycles, de création de bureaux, ainsi que des coûts de fonctionnement alourdis, ce qui n’était pas, semble-t-il, l’objectif premier de la réforme.

Il représente surtout une formidable régression démocratique, des assemblées dont les effectifs défient à ce point le sens commun ne pouvant qu’être des chambres d’enregistrement. Cela est si vrai que, par un de ses amendements, le Gouvernement avait proposé, assez étrangement, que les commissions permanentes, qui, je le rappelle, se réunissent à huis clos, soient placées sur le même rang que les conseils eux-mêmes.

Si le conseil régional est, selon l’expression de M. Fabre-Aubrespy, une « réunion des conseils généraux », comment coopéreront les présidents de conseil général, qui sont donc les chefs d’une majorité départementale, et le président du conseil régional ?

Le conseiller territorial est censé, par sa seule existence, assurer la mise en cohérence des politiques départementales et régionales, mais la convergence des politiques suppose des cohérences de majorités. Alors que cela ne pose pas trop de problèmes aujourd’hui, tel ne sera plus le cas, selon moi, à l’avenir…

Une troisième catégorie de malfaçons est liée à la fragilité des fondations politiques de l’édifice.

Cela me permet de revenir sur la lecture que M. Marleix a faite hier de mon rapport d’information sur les modes de scrutin. Une telle lecture relève soit de la dyslexie, soit de la pure malhonnêteté intellectuelle. Personnellement, j’ai une préférence pour la seconde hypothèse…

En vérité, dès l’instant où l’élection du conseiller territorial est départementale, aucun mode de scrutin – scorporo à la française tel qu’initialement prévu ou scrutin majoritaire uninominal à deux tours – ne peut garantir, comme aujourd’hui, une majorité à la région.

De surcroît, plus le mode de scrutin assure une majorité départementale, ce qui est le cas de tous les scrutins avec prime majoritaire, plus il rend improbables les majorités régionales.

Cela est inéluctable, dès lors, comme le souligne encore M. Fabre-Aubrespy, que je ne me lasse pas de citer, que « nous sommes dans le cadre d’une juxtaposition d’élections départementales portant sur un petit nombre de sièges ».

Dans les régions, et il y en a beaucoup, où la coalition de la droite et celle de la gauche de gouvernement obtiennent des résultats électoraux proches, la majorité régionale risque de se trouver à la merci de formations qui, bien que très minoritaires sur l’ensemble de la région, disposeraient localement de bastions électoraux. Dans cette hypothèse d’un équilibre entre la droite et la gauche classiques, il pourrait très bien arriver que de telles formations – je pense bien sûr au Front national, mais aussi, dans ma région, à la Ligue du Sud, récemment créée sur un modèle italien – se trouvent maîtresses du jeu.

Ainsi, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, si la liste de la Ligue du Sud, emmenée par M. Bompard, maire d’Orange, a obtenu des résultats globalement faibles aux dernières élections régionales, elle a réuni 8,7 % des voix dans le Vaucluse et 36,6 % à Orange : si l’on ajoute les 11 % du Front national, on aboutit dans cette ville à un total de plus de 47 % des voix.

Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le ministre de l’intérieur, un scrutin majoritaire ne garantit donc pas une majorité.

Si, à l’échelon départemental, le mode de scrutin qui a été choisi ne posera pas trop de problèmes, puisque c’est celui qui existe actuellement, le risque de déstabilisation des régions est considérable.

Enfin, une quatrième catégorie de malfaçons tient à la fragilisation de l’édifice par la construction d’une annexe sans communication avec le corps de bâtiment principal : je veux parler des métropoles.

M. Brice Hortefeux, ministre. Cela fait beaucoup de critiques, mais on n’entend aucune proposition ! Le néant !

M. Pierre-Yves Collombat. Des propositions, nous allons en faire, monsieur le ministre, un peu de patience ! Pour l’heure, souffrez que nous mettions l’accent sur les graves défauts de votre édifice, avant que vous ne l’inauguriez ! (Sourires.)

Les métropoles sont destinées à vampiriser départements et régions, sans que l’on sache comment s’articuleront les politiques et les responsabilités des uns et des autres. Qui assurera la coordination entre régions, départements et métropoles ? Ce ne sera pas les conseillers territoriaux élus dans les cantons métropolitains, puisqu’ils seront incompétents dans les domaines délégués par les régions et les départements à la métropole, ni les délégués métropolitains, puisqu’ils ne seront pas obligatoirement conseillers territoriaux.

Ainsi, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sera compétente en matière de développement économique, sauf pour les métropoles de Marseille, de Toulon et de Nice, voire d’Aix-en-Provence si sa communauté d’agglomération parvient à se hisser – je sais que certains y songent – au rang de métropole. Qui assurera la cohérence de l’ensemble ? Mystère !

Faudrait-il donc, mes chers collègues, balayer ces interrogations d’un revers de main au prétexte qu’il importe d’en finir le plus tôt possible avant les prochaines élections et que l’on verra bien à l’usage ? Ce serait faire courir un grand risque à nos collectivités, déjà aux prises avec des difficultés financières inédites.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose de remettre la totalité de l’ouvrage sur le métier et de prendre le temps d’un examen approfondi des conséquences d’une réforme qui a sombré progressivement dans la confusion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les auteurs de la motion tendant à opposer la question préalable critiquent notamment l’institution du conseiller territorial, par le biais d’une double accusation contradictoire : ils préjugent de son rôle en lui reprochant par avance tout à la fois de « cantonaliser » la région et d’« éloigner » le département.

En réalité, nous l’avons expliqué à de nombreuses reprises, le conseiller territorial servira l’intérêt général comme le font aujourd’hui l'ensemble des élus locaux.

Il portera tout à la fois les ambitions de la région et la compétence de terrain du département. Sa double fonction lui permettra de renforcer la coordination et la solidarité entre ces deux niveaux de collectivités.

M. Pierre-Yves Collombat. Vous ne me répondez pas !

M. Roland Courteau. Il n’a pas écouté !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je commence par répondre à l’exposé des motifs de votre motion, un peu de patience ! En tant que philatéliste, j’aime que tout soit fait méthodiquement ! (Sourires.)

Les spécificités de l’une et l’autre collectivités sont réaffirmées par le projet de loi. Le conseiller territorial tirera sa légitimité de son élection au suffrage universel dans le cadre d’une circonscription. Il sera donc bien identifié sur son territoire par ses électeurs. Il ne s’agit pas d’un recul de la démocratie locale.

Sur la question de la parité, notre réflexion n’est pas achevée. Chacun s’attache à retenir les dispositions qui permettront de ne pas l’affaiblir.

S’agissant des dispositions fixant les principes généraux de répartition des compétences entre les trois niveaux, nos collègues socialistes s’inquiètent du pouvoir d’action des collectivités.

Le texte adopté par les députés, que la commission des lois propose d’adopter sans modification, devrait les rassurer.

En effet, si l’article 35 retient le principe d’exclusivité des compétences légales, c’est pour le tempérer aussitôt par l’institution de la capacité d’initiative dans les domaines non prévus par la loi.

Par ailleurs, la loi pourra toujours prévoir des compétences partagées entre plusieurs niveaux de collectivités territoriales.

Enfin, le projet de loi entérine expressément le partage des compétences dans les trois domaines du tourisme, de la culture et du sport, afin d’y préserver la faculté d’intervention et de financement des actions des différents niveaux de collectivités. Le dispositif ne met donc pas en danger l’existence des associations agissant dans ces secteurs. Elles pourront poursuivre leur activité. Je pense que le Gouvernement donnera un avis favorable à un amendement de notre collègue Legendre portant sur ce thème.

Monsieur Collombat, au cours de votre intervention, vous avez filé une métaphore architecturale. Pour ma part, j’approuve les constructions réalisées sous la direction d’un très bon architecte. M. le ministre de l’intérieur en est un, le texte qu’il nous a proposé est excellent, c’est pourquoi la commission des lois préconise le rejet de la motion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Je ne suis que l’assistant du maître d’œuvre ! (Sourires.) Je vais, néanmoins, essayer de répondre à sa place.

Monsieur Collombat, vous aimez débattre ; je vous soupçonne donc de ne pas souhaiter réellement que l’adoption de votre motion vienne mettre un terme prématuré à nos échanges…

Je me bornerai à apporter quelques compléments aux excellents arguments de M. le rapporteur.

Tout d’abord, le principe même de l’institution du conseiller territorial est acquis. Le Sénat et l’Assemblée nationale en ont décidé ainsi. Cet élu sera demain un acteur majeur de la décentralisation.

M. Gérard Collomb. Ce sera peut-être le fantôme de l’Opéra… (Sourires.)

M. Michel Mercier, ministre. Je connais votre capacité à faire vivre et à développer les fantômes, monsieur Collomb ! (Nouveaux sourires.)

J’ai bien entendu les critiques touchant à des inégalités entre départements en matière de représentation démographique.

À cet égard, je rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour les circonscriptions législatives admet des écarts par rapport à la moyenne, dans une limite de plus ou moins 20 %.

Je vous renvoie en outre, monsieur Collombat, à la question de la composition des conseils des communautés de communes, des communautés urbaines ou des communautés d’agglomération : nous sommes tous convenus que chaque commune membre, quelle que soit sa taille, doit compter un nombre minimal de représentants au sein du conseil de l’EPCI. Aux yeux du Gouvernement, le même principe doit valoir pour l’élection des conseillers territoriaux.

J’estime donc que la question préalable n’a pas lieu d’être sur ce texte. Je convie le Sénat à poursuivre le débat.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.

M. Jean-François Voguet. Les débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale et la rédaction adoptée par les députés n’ont fait que renforcer nos craintes et notre opposition à ce projet de loi.

La preuve est faite que la volonté du Gouvernement et de sa majorité est bien de mettre fondamentalement en cause nos institutions républicaines et notre démocratie locale, fondée sur la décentralisation et le principe de la libre administration des collectivités territoriales.

En effet, ce texte vise à transférer l’essentiel des compétences des communes aux intercommunalités – et celles des communautés de communes aux métropoles –, selon des procédures qui ne permettront plus à une commune d’en décider par elle-même. En fait, ce texte ouvrira la voie à la suppression progressive de l’échelon communal, en faisant de l’intercommunalité le futur premier niveau de collectivités territoriales.

Pour être sûrs d’y parvenir et devant le mécontentement des élus locaux, qui refusent dans leur immense majorité cette perspective, vous prévoyez d’installer une république des préfets, en leur donnant les pleins pouvoirs pour imposer l’intercommunalité, ainsi que pour en revoir le périmètre et les compétences. Ils pourront ainsi, sur les ordres du pouvoir central, redessiner seuls la carte de nos institutions locales.

Nous ne saurions l’accepter, tout comme nous ne pouvons accepter la disparition de nos départements et de nos régions tels que nous les connaissons aujourd’hui, au profit de nouvelles institutions aux territoires élargis, mais dont nous ne connaissons ni l’appellation ni les compétences.

Enfin, comment pourrions-nous accepter la création du conseiller territorial, nouveau type d’élu local hybride, schizophrène et essentiellement masculin ? Notre crainte est forte de voir ces élus siégeant dans deux collectivités locales devenir de simples administrateurs chargés de mettre en œuvre des politiques publiques définies par le pouvoir central.

Cette vaste et dangereuse opération de remise en cause de nos institutions conforte notre volonté de poursuivre le combat contre le présent projet de loi. Nul ne conteste la nécessité d’une véritable réforme permettant aux collectivités locales de répondre toujours mieux à leur vocation, mais une telle réforme doit être réalisée dans la clarté, en respectant le suffrage universel. Or, tel n’est pas le cas.

Les objectifs doivent être affichés sans ambiguïté, les enjeux ne doivent pas être masqués. Dans cette perspective, il aurait fallu commencer par le début, en redéfinissant les compétences de chacun avant de se pencher sur la question des institutions devant porter cette réorganisation de l’action publique.

Oui, nos concitoyens souhaitent, comme nous tous, une réforme qui donne aux communes, aux départements et aux régions les moyens de toujours mieux répondre à leurs besoins et à leurs attentes. C’est pourquoi nous défendrons une nouvelle fois, au cours de ce débat, une tout autre conception que la vôtre du développement de nos territoires. Nous refusons leur mise en concurrence, qui débouche toujours sur la victoire du plus fort au détriment de la solidarité, qui est pourtant l’élément fondateur de notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais revenir sur les arguments qui m’ont été opposés.

Monsieur le ministre, vous avez jugé excellents ceux de M. le rapporteur. Certes, mais ils ne répondent pas aux objections que j’ai adressées au projet de loi ! Il n’est pas toujours judicieux de lire une intervention préparée à l’avance : écouter, puis répondre aux observations formulées, c’est cela, un débat !

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous m’avez objecté que l’institution du conseiller territorial est acquise.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Pierre-Yves Collombat. Le mode de scrutin l’était également, n’est-ce pas ! Il était gravé dans le texte ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mais, par les temps qui courent, ce qui est acquis un jour pourrait l’être un peu moins le lendemain, d’autant que de sérieuses raisons incitent à ne pas persévérer dans l’erreur. Par exemple, qu’en sera-t-il de la gouvernabilité des régions ?

M. Michel Mercier, ministre. Avec les Verts, c’est très dur !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous vous en êtes occupé !

Les conseillers, en nombre pléthorique, seront forcément dépossédés du peu de pouvoir qu’ils ont aujourd’hui. En outre, le mode de scrutin retenu rendra presque impossible de dégager une majorité. Avec le scrutin majoritaire, nous risquons de nous retrouver dans la situation que nous connaissions avant 2000 avec le scrutin proportionnel, quand la constitution de majorités régionales supposait parfois de passer des accords avec des formations pas nécessairement sympathiques… Je vous invite à bien y réfléchir, mes chers collègues !

Enfin, s’agissant du tableau des effectifs des conseillers territoriaux, je n’ai bien sûr rien contre le fait qu’on accorde quinze sièges aux départements les moins peuplés. J’aurais même souhaité qu’on leur en donne davantage, mais que se passera-t-il si, d’aventure, le Conseil constitutionnel s’oppose à la fixation d’un tel minimum, comme il s’y était opposé pour le nombre de sièges de député par département ? Je n’ai pas eu de réponse à cette question, mais je ne doute pas que vous vous inclinerez. Il ne restera alors aux élus des quelques départements concernés que les yeux pour pleurer, et vous leur expliquerez que vous n’avez pas pu faire mieux…

Je vous mets en garde contre ce qui risque d’arriver, mes chers collègues : avant de voter, pensez-y !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 241 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 151
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales.

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Articles additionnels avant le chapitre Ier (avant l’article 1er AA) (début)

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, d’une motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la réforme des collectivités territoriales (n° 560, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion. (M. Guy Fischer applaudit.)

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il semble de plus en plus évident qu’aucun des objectifs affichés par le Gouvernement en vue de promouvoir sa réforme ne sera atteint. Il ne fait nul doute, en effet, que ce texte n’apportera ni simplification administrative, ni renforcement démocratique, ni maîtrise des dépenses publiques.

En revanche, promesses non tenues, contresens, non-dits, incompatibilités et autres invraisemblances sont au rendez-vous, et constituent autant de motifs pour demander le renvoi de ce projet de loi à la commission.

Cela étant, la création du conseiller territorial justifierait, à elle seule, une telle démarche.

L’organisation du débat sur ce nouveau type d’élu s’est avérée totalement incohérente. Nous avons été contraints de débattre d’un projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux avant même de pouvoir examiner les caractéristiques du nouveau type de mandat. Vous nous avez donc obligés à discuter « à l’aveugle », sans savoir de quoi nous parlions ! L’adoption de ce texte ne s’explique que par l’esprit de féodalité de la majorité, qui a voté sans savoir ce qu’elle mettait en place…

L’instauration de ce nouveau mandat a suscité, malgré tout, de nombreuses interrogations. Quel serait le mode de scrutin ? Quelles seraient les compétences des conseillers territoriaux ? Quel échelon territorial allaient-ils représenter ? Quid de la parité ? Quelle serait leur représentativité ? Nul ne pouvait répondre, puisque nous discutions dans le vide…

Pour apaiser la polémique, le Gouvernement a alors indiqué qu’un projet de loi viendrait, quelques mois plus tard, définir plus précisément le nouveau type de mandat. M. Marleix a même annoncé qu’une proposition de loi émanant de l’UMP réglerait les problèmes relatifs à la parité. En bref, tant que nous accepterions de voter les yeux fermés, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes et tous les problèmes seraient résolus…

Mais, au final, nous n’avons vu venir aucun projet de loi, et les dispositions relatives au mode d’élection des conseillers territoriaux ont été intégrées dans le présent texte, ce qui a réduit considérablement le temps et la portée des débats.

La controverse ne s’arrête pas là ! Dans un premier temps, le Gouvernement a proposé, afin de conserver le soutien des partis minoritaires, d’instaurer un scrutin mixte, 80 % des conseillers territoriaux devant être élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour et 20 % à la proportionnelle. Il s’est ensuite désavoué lui-même et a déposé, dans le cadre feutré et discret de la commission des lois de l’Assemblée nationale, un amendement tendant à instaurer un scrutin uninominal à deux tours.

Tout d’abord, la commission des lois du Sénat a refusé ce passage en force, avant, ultime rebondissement, que sa majorité n’accepte l’amendement du Gouvernement… Il nous en reste un goût amer !

Il y a donc eu beaucoup d’agitation autour de la création du conseiller territorial, alors que nous devrions plutôt nous consacrer à des questions de représentation démocratique de la plus haute importance.

La confusion, malheureusement, ne s’arrête pas au mode de scrutin. Les conditions d’accès à la fonction de conseiller territorial sont, elles aussi, sources d’incertitude et d’incompréhension, voire de régression. Ainsi, la parité sera-t-elle respectée ? On peut prédire, d’ores et déjà, que la mise en place du conseiller territorial induira un véritable recul en la matière, ainsi qu’au regard du cumul des mandats. En effet, dorénavant, celui-ci sera automatique : le conseiller territorial siègera à la fois au conseil général et au conseil régional. On en revient même à la possibilité de cumuler trois mandats, voire davantage. Vous créez ainsi le parfait potentat local, cumulard à souhait et, de préférence, de sexe masculin !

La question du champ de compétence de ces futurs élus et celle des limites du territoire qu’ils représenteront demeurent également non élucidées.

Le Gouvernement prétend vouloir simplifier la représentation locale, mais si l’on réduit le nombre d’élus régionaux et départementaux, comment ceux-ci pourront-ils être présents à la fois dans deux assemblées différentes et sur le terrain ? Il en va de même de la représentativité : sur quel bilan, quels projets et quelles politiques portera le débat lors des élections des conseillers territoriaux ?

On ne saurait imaginer qu’un conseiller territorial unique puisse accomplir, à lui seul, toutes les missions que la loi confie aujourd’hui au conseiller régional et au conseiller général, sans parler de ses autres mandats. C’est un non-sens total ! Et il faut être d’une naïveté déconcertante pour croire que la mise en place d’un tel dispositif pourra intervenir dans un tel flou, dans une telle pénombre juridique !

Cessez de vous voiler la face et assumez votre véritable objectif : casser les majorités de gauche dans les régions et les départements parce qu’elles ne servent pas vos intérêts politiques partisans !

Ce texte comporte une multitude d’autres non-dits et d’incohérences.

Tout d’abord, les réformes proposées n’assureront aucunement un meilleur fonctionnement de la démocratie locale. Celle-ci, au contraire, sera détériorée.

Prenons l’exemple des métropoles créées par ce texte : elles feront directement concurrence aux départements, au détriment de ces derniers, et nul ne sait comment s’exercera réellement le partage des compétences. Cela pose un problème majeur en termes de représentation. Les projets du Grand Paris et de création d’une Société du Grand Paris donnent à penser que les responsables démocratiquement élus seront écartés au profit de personnes nommées. Quant aux conseillers intercommunaux, ils continueront d’être élus selon un suffrage au second degré, même si un fléchage existe.

Par ailleurs, le texte porte gravement atteinte à la clause de compétence générale des collectivités territoriales, dans un premier temps supprimée, puis partiellement réintroduite. Cela rendra plus complexe encore le fonctionnement de nos collectivités, qui se trouveront étranglées. De toute façon, comment pourraient-elles utiliser cette clause de compétence générale alors qu’elles éprouvent les pires difficultés à assumer leurs missions obligatoires ?

Alors même que la Constitution pose le principe de l’autonomie financière des collectivités locales, le Gouvernement s’échine à réduire leurs moyens. Ainsi, la récente suppression de la taxe professionnelle a contribué à conduire notre système de fiscalité locale dans l’impasse : si des compensations ont bien été versées aux collectivités territoriales, elles ont été évaluées sur les bases de 2009.

Sur ces points, nous n’attendons pas de réponse précise et définitive de votre part, dans la mesure où votre texte ignore la question, pourtant essentielle, des ressources fiscales des collectivités locales. À l’issue de cette réforme, ces dernières resteront maintenues dans un état de dépendance à l’égard des subventions de l’État, de la dotation globale de fonctionnement et des contrats de plan État-région.

Une véritable réforme des collectivités locales aurait dû permettre d’aborder la problématique de la pérennité des ressources. Le Gouvernement essaye de nous faire croire que la cause de tous les maux est la trop grande complexité du millefeuille institutionnel ; or le problème majeur est celui des inégalités de ressources entre les communes.

Aujourd’hui, 10 % des communes de France concentrent 30 % des recettes fiscales, tandis que, à l’autre extrémité de l’échelle, les 10 % les plus pauvres doivent se contenter de 1 % du produit de la fiscalité. Ne s’agit-il pas d’un sujet essentiel ? Pourtant, le texte reste cruellement muet à ce propos, alors même que le Premier ministre a récemment annoncé le gel des moyens alloués par l’État aux collectivités territoriales. Une telle déclaration rend d’ailleurs aberrante la poursuite de la discussion de ce texte, la situation financière des collectivités ayant été bouleversée entre les première et seconde lectures.

Cette réforme, couplée au gel des ressources des collectivités territoriales et au désengagement de l’État, aura donc pour conséquence de détruire les services publics encore existants. Leur démembrement est d’ailleurs le véritable objectif de votre réforme, ensuite confierez-vous sans doute leurs missions à des partenaires privés, fort gourmands…

Finalement, ce texte, qui permettra au Gouvernement de réaliser, à l’échelon local, la réforme qu’il a déjà entreprise dans le secteur de la santé et dans les grands services publics, ne réserve aucune surprise. Il s’agit simplement, là encore, de la liquidation du bien collectif au profit du secteur privé et, par conséquent, au détriment de la communauté.

Un autre motif, et non des moindres, nous a amenés à déposer cette motion tendant au renvoi à la commission. Nous nous interrogeons sur le devenir des différents projets de loi qui devaient constituer la réforme et qui sont aujourd’hui, d’une certaine façon, devenus sans objet. Ainsi, nous ignorons toujours combien de textes accompagneront le présent projet de loi : cinq, trois, deux ou aucun ?

Initialement, le Gouvernement avait prévu de découper sa réforme en quatre textes, assortis d’un cinquième un an plus tard. Nous avions critiqué son choix, le soupçonnant de vouloir manipuler le débat, ce qu’il a nié, arguant que les quatre projets de loi avait été déposés et que, dès lors, les parlementaires étaient parfaitement en mesure, dès le mois de décembre 2009, d’apprécier la réforme dans sa globalité.

Toutefois, il s’est avéré que les questions les plus cruciales, telles que le partage des compétences entre les différents échelons territoriaux, seraient renvoyées à un cinquième texte ultérieur. Nous avons dû ainsi débattre de la réforme des collectivités sans connaître l’un de ses éléments essentiels. Depuis cette époque, le Gouvernement n’a pas daigné nous éclairer davantage, sinon de façon fort évasive, sur ses intentions en matière de partage des compétences. Ce processus antidémocratique est d’ailleurs parvenu à son comble lors de l’examen du présent texte par l’Assemblée nationale.

Enfin, une dernière raison motivant notre demande de renvoi à la commission est l’absence totale de prise en compte par le Gouvernement des opinions exprimées par les personnes auditionnées. Il est en effet évident que les propositions et les avis émis par les élus, les représentants d’associations de collectivités, les professeurs de droit public et autres experts entendus par la commission n’ont pas été intégrés dans le projet de loi : aucune de ces personnalités ne s’était prononcée en faveur d’un affaiblissement de la démocratie locale, mais le Gouvernement n’en a pas moins décidé de réduire de moitié le nombre d’élus locaux au travers de la création des conseillers territoriaux.

De même, si l’avis des personnalités précitées avait réellement été entendu, le Gouvernement n’aurait pas proposé de créer des établissements métropolitains auxquels la majeure partie des ressources publiques sera affectée, tandis que les collectivités plus fragiles, confrontées à la raréfaction des ressources, disposeront de moyens toujours plus contraints pour répondre aux besoins de la population.

Le Gouvernement avance donc à contre-courant des opinions exprimées par la majorité des autorités auditionnées, et le « grand débat » qu’il prétend avoir mené n’est finalement qu’un simulacre de démocratie. En réalité, les orientations contenues dans le présent projet de loi s’inscrivent dans la plus pure continuité de la politique qu’il a conduite unilatéralement, consistant à appliquer aveuglément et brutalement les principes de la révision générale des politiques publiques aux collectivités territoriales. La RGPP connaîtra d’ailleurs une deuxième phase.

De surcroît, on constate une volonté du Gouvernement d’étouffer une démocratie locale dont la grande majorité des acteurs se trouvent être opposés à sa politique.

Telles sont les motivations du Gouvernement, mais elles sont incompatibles avec le travail législatif, parlementaire et démocratique. Cela explique que le débat qui nous est imposé aujourd’hui soit aussi incohérent, truffé d’irrégularités et parcellaire.

Dans ces conditions, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter notre motion tendant au renvoi à la commission du présent projet de loi, ce qui permettra, peut-être, d’engager un débat plus sain, en vue d’une réforme, dans un esprit démocratique et social, des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je rappellerai tout d’abord que la création des conseillers territoriaux est d’ores et déjà décidée, le texte du Sénat sur ce sujet ayant été adopté par l'Assemblée nationale. Il nous reste à débattre de leur mode d’élection et de la question de la parité.

En ce qui concerne l’article 35 du projet de loi, qui fixe les principes généraux applicables à la répartition des compétences entre collectivités territoriales, la commission des lois a considéré que la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale préservait une certaine souplesse d’application.

En effet, ce texte reprend la notion d’intérêt départemental ou régional qui justifierait l’intervention des collectivités lorsque la loi est muette. En outre, il prévoit expressément la possibilité de compétences partagées. Enfin, il place hors champ les domaines de la culture, du tourisme et du sport, qui seraient partagés entre les trois niveaux de collectivités territoriales.

Aussi la commission des lois a-t-elle adopté l’article 35 sans modification.

Par ailleurs, les autres commissions intéressées par cet article ont eu la possibilité de l’examiner, à l’instar de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui s’en est saisie pour avis. Nous examinerons d’ailleurs un amendement déposé par notre collègue Jacques Legendre.

La question des moyens financiers conférés aux collectivités ne relève pas du présent projet de loi. La réflexion est menée parallèlement, notamment dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, qui doit être réexaminée en vertu de la clause de revoyure instituée sur l’initiative de la commission des finances de la Haute Assemblée.

Enfin, les auteurs de la motion tendant au renvoi à la commission dénoncent l’absence d’information sur le découpage des circonscriptions d’élection des conseillers territoriaux.

Force est d’admettre que le Gouvernement a transmis au Parlement les éléments nécessaires pour lui permettre de décider la création des conseillers territoriaux. Ainsi, lors de la première lecture, il avait communiqué aux sénateurs des informations sur le nombre de conseillers par département, et il a précisé ces données à l’Assemblée nationale, en déposant deux amendements qui sont devenus les articles 1er ter et 1er quater, avant d’être supprimés par votre commission des lois pour respecter la compétence institutionnelle de la Haute Assemblée.

Observons, cependant, que le premier d’entre eux annexait le tableau de répartition des conseillers territoriaux par département et par région.

Le second, quant à lui, fixait deux principes pour le découpage du territoire. Celui-ci relevant de la compétence du pouvoir réglementaire, il sera effectué par décret en Conseil d’État. Ces deux principes sont le respect des limites des circonscriptions législatives et l’inclusion, dans une même circonscription cantonale, de toute commune de moins de 3 500 habitants, pour éviter le morcellement des petites communes.

En conséquence, aucun des motifs fondant la demande de renvoi à la commission du projet de loi de réforme des collectivités territoriales ne paraît avéré.

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Selon vous, madame Mathon-Poinat, la commission des lois n’aurait pas suffisamment étudié ce projet de loi. Or je vous rappelle que, depuis la dernière réforme constitutionnelle, c’est le texte issu des travaux de la commission qui est examiné en séance publique. À l’évidence, le fait même que ce texte complet comporte un certain nombre de modifications par rapport à celui qui a été adopté à l’Assemblée nationale montre que la commission des lois a mené une réflexion très approfondie et que nous pouvons dès maintenant débattre.

M. Guy Fischer. C’est vous qui le dites !

M. Michel Mercier, ministre. Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, ainsi que le Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 242 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 324
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l’adoption 139
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu’ont été réservés jusqu’au début du titre V les amendements nos 82, 83, 304, 305, 306, 308, 318 rectifié, 319 rectifié, 320 rectifié, 307 rectifié, 310 et 311 portant articles additionnels avant le chapitre Ier, ainsi que tous les articles et amendements au sein du chapitre Ier, à l’exception de l’amendement n° 321 portant article additionnel après l’article 1er AA

TITRE IER

RÉNOVATION DE L’EXERCICE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Articles additionnels avant le chapitre Ier (avant l’article 1er AA) (interruption de la discussion)

Articles additionnels avant le chapitre Ier (avant l’article 1er AA)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La réforme territoriale a notamment pour objectif d'atteindre un aménagement du territoire plus équilibré.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement pose la question essentielle de l’aménagement du territoire. En effet, force est de constater que ce sujet est le grand absent du présent projet de loi, alors qu’il devrait être une ardente obligation.

L’un des pères de la décentralisation, M. Olivier Guichard, avait, dès 1965, précisé que l’aménagement du territoire consiste à faire en sorte que la richesse sociale soit mieux répartie, que l’expansion profite autant au citadin qu’au rural, à l’ouvrier qu’au paysan, aux habitants d’une région qu’à ceux d’une autre.

Il est indispensable, en cet instant, de rappeler cette obligation.

M. le président. L'amendement n° 293, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La réforme territoriale a notamment pour objectif d'atteindre un aménagement du territoire plus équilibré. Cela passe notamment par un accroissement de la part de la péréquation au sein des dotations de l'État aux collectivités territoriales.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement, qui complète en quelque sorte le précédent, porte sur la part de la péréquation au sein des dotations de l’État aux collectivités territoriales.

L’article 72, alinéa 2, de la Constitution dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Rappeler la nécessité de la péréquation est la moindre des choses au Sénat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. De tels amendements visant à poser de grands principes sont dénués de toute portée normative. Leur rédaction comporte beaucoup de « notamment »…

Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas bon !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En effet ! La commission des lois a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l'amendement n° 281 rectifié.

M. Claude Jeannerot. J’entends bien l’objection que l’on nous fait : cet amendement n’aurait pas de caractère normatif. Convenez cependant avec moi qu’un texte législatif a vocation aussi, et peut-être d’abord, à donner le sens.

De notre point de vue, une réforme des collectivités territoriales n’a de sens et de justification que si elle permet de préserver un aménagement du territoire équilibré. En particulier, les conseils généraux jouent un rôle incontestable pour maintenir un équilibre entre l’urbain et le rural. Voilà ce que nous voulons réaffirmer d’emblée.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.

Mme Nicole Bonnefoy. Nous abordons une série d’amendements du groupe socialiste qui ont pour objet de rappeler quelques fondamentaux mis à mal ces derniers mois.

En effet, le Gouvernement a placé sa réforme territoriale sous le signe du dénigrement de nos collectivités, qui seraient mal gérées, et des élus locaux, qui coûteraient trop cher.

Pourtant, nous le savons tous, la réalité est tout autre.

La décentralisation est une force pour notre pays. Elle a grandement participé à l’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens, tout en contribuant au développement de notre pays ! Les collectivités territoriales jouent un rôle prépondérant dans la mise en œuvre des politiques publiques et sont indispensables au dynamisme local.

D’ailleurs, ne réalisent-elles pas 73 % de l’investissement public, avec une dette dix fois moins importante que celle de l’État ? N’ont-elles pas investi 54 milliards d’euros pour la relance, contre seulement 24 milliards d’euros engagés par l’État ? Ne créent-elles pas, directement ou indirectement, des centaines de milliers d’emplois ?

Elles remplissent donc parfaitement leur rôle, en participant au développement local, en soutenant des projets économiques et sociaux, en somme en créant de l’activité, du dynamisme, de la solidarité, du lien social dans nos territoires.

De la même façon, les élus locaux sont loin de coûter trop cher : 70 % d’entre eux ne touchent aucune indemnité ! Pour les 30 % restants, leur coût représente seulement 0,4 % du budget des collectivités.

Il semble donc évident que, sous couvert d’une réduction des dépenses de l’État et d’une simplification du fonctionnement de nos institutions, le Gouvernement s’attaque, en réalité, à toutes les formes de contre-pouvoir local ! En effet, si son souhait était réellement de faire des économies, il aurait dû commencer par revenir sur les avantages fiscaux consentis ces dernières années, notamment sur le bouclier fiscal, qui coûte beaucoup plus cher à la communauté que n’importe quel élu local. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Patrice Gélard. Il y avait longtemps qu’on n’en avait pas parlé !

Mme Nicole Bonnefoy. Après la suppression de la taxe professionnelle, le texte que nous examinons aujourd’hui prévoit de supprimer la clause générale de compétence. En somme, le Gouvernement commence par asphyxier financièrement les collectivités, avant de réduire considérablement leur marge de manœuvre, tout en divisant par deux le nombre d’élus locaux. C’est près de trente ans de décentralisation qui sont remis en cause !

Nous sommes face à une réforme recentralisatrice, archaïque et électoraliste. En affaiblissant les régions remportées par la gauche et en préparant la suppression des départements, le Gouvernement cherche à se donner les pleins pouvoirs ! J’en veux pour preuve la création du conseiller territorial, décriée à droite comme à gauche. L’institution de ce nouvel élu à deux têtes est en totale contradiction avec les attentes des Français.

Alors que nous traversons une crise de confiance indéniable entre nos compatriotes et le monde politique, il semble tout à fait inopportun de créer un élu qui sera inévitablement déconnecté de ses administrés ! En effet, soumis à une charge de travail écrasante, ce conseiller territorial sera coupé des réalités locales. Il devra naviguer de réunion en réunion, en essayant tant bien que mal de couvrir son territoire. Son lien avec sa collectivité et ses administrés se distendra inévitablement pour, à terme, se rompre.

En somme, cet élu sera condamné à « papillonner » sur sa circonscription et s’apparentera plus à un élu fantôme qu’à un élu local. Or, les Français attendent d’un élu local qu’il vienne à leur rencontre, qu’il dialogue directement avec eux et qu’il soit, tout simplement, en phase avec les réalités du terrain.

Vous l’aurez compris, ce sont nos politiques de solidarité et notre démocratie locale qui sont en jeu avec cette réforme. Pour conclure, je tiens à préciser que celle-ci ne renforce en rien le couple département-région, comme le Gouvernement l’a annoncé. Bien au contraire, elle organise la confusion entre deux mandats bien distincts.

En dépit de ce que certains voudraient nous faire croire, ce texte est bien le préalable à la suppression de l’échelon départemental et s’inscrit totalement dans la politique de recentralisation massive des pouvoirs et des services publics que le Gouvernement mène depuis quelques années.

Après la suppression de la taxe professionnelle, la réforme de La Poste, des tribunaux, des hôpitaux et d’une bonne partie de nos services publics de proximité, le Gouvernement s’attaque désormais aux compétences des collectivités territoriales et aux élus locaux.

Mes chers collègues, je vous invite tous à voter les présents amendements du groupe socialiste et à vous opposer à cette réforme inique, critiquée à droite comme à gauche depuis plusieurs mois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Évelyne Didier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes tout à fait d’accord avec les principes énoncés au travers de ces amendements du groupe socialiste. Je ne sais pas si l’on peut dire qu’ils sont dénués de portée normative, mais, en tout cas, les lois comportent très souvent des dispositions de ce genre.

Quoi qu’il en soit, si ces bons principes figuraient en exergue de la présente réforme, il est vrai que la contradiction avec la teneur du texte serait flagrante ! Il conviendrait donc, avant d’adopter de tels amendements, de modifier celle-ci en profondeur…

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, votre réponse est très décevante !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement ne mérite pas mieux !

M. Alain Anziani. Comment peut-on affirmer d’emblée, dans ce débat, que l’aménagement du territoire n’a pas sa place dans un pareil texte ? C’est une contre-vérité totale, et même un non-sens !

Bien sûr, vous vous placez sur le plan de la technique législative, en nous objectant que notre amendement n’aurait pas de valeur normative.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui !

M. Alain Anziani. Mais lisez l’alinéa 4 de l’article 1erAA : « Le découpage territorial du département respecte sa diversité géographique, économique et sociale. » Cela est très bien, mais quelle est la valeur normative d’une telle disposition ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est une définition qui oblige : il n’y a pas de « notamment » !

M. Alain Anziani. Elle n’est pas plus évidente que celle de l’amendement que je viens de soutenir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 293.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 282 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La réforme territoriale a notamment pour objectif d'accroître l'autonomie des collectivités territoriales.

La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Le mouvement de décentralisation amorcé en 1982 a pour premier principe l’autonomie des collectivités territoriales. Il est nécessaire que l’ensemble des lois relatives aux collectivités territoriales reprennent ce principe, qui semble être mis en péril par le présent projet de loi.

Le principe de libre administration permet aux collectivités territoriales d’être gérées par des conseils élus, disposant d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. Aucune d’entre elles ne peut dicter à une autre la manière dont elle doit agir. Le pouvoir de contrôle de l’État ne peut s’exercer qu’a posteriori.

De plus, l’autonomie financière de la collectivité lui garantit de ne pas dépendre majoritairement des dotations de l’État. Elle doit avoir des ressources propres et pouvoir en disposer librement. L’autonomie financière des collectivités territoriales, qui semble être menacée par la suppression de la taxe professionnelle, la baisse des dotations et les transferts de charges de l’État, doit être réaffirmée.

Le principe d’autonomie des collectivités territoriales est au fondement même de la décentralisation. Il est inscrit à l’article 72 de la Constitution. La présente réforme doit en tenir compte et le respecter. Cet amendement vise à réaffirmer ce principe, pour lutter contre le spectre de la recentralisation !

M. le président. L'amendement n° 283 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La réforme territoriale a notamment pour objectif d'accroître les libertés locales.

La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Monsieur le ministre, je ne défendrai pas beaucoup d’amendements ce soir, mais je pense que celui-là mérite votre attention. Vous connaissant un peu, j’ai cru pouvoir m’engager, auprès de mon groupe, sur le fait que, à coup sûr, vous l’accepteriez. (Sourires.)

Vous avez été l’un des promoteurs, localement, du grand mouvement de décentralisation amorcé en 1982.

M. Michel Mercier, ministre. Eh oui !

M. Gérard Collomb. Comme vous le savez, cette décentralisation a pour objectif essentiel d’accroître les libertés des collectivités territoriales. Il est évidemment nécessaire que le présent projet de loi en tienne compte. Les principes de libre administration, de non-tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre et de contrôle a posteriori de l’État, auquel vous êtes tant attaché, doivent être respectés. Il est nécessaire de les réaffirmer, face à quelques-uns de vos collègues du Gouvernement qui, peut-être, ont une moins grande expérience que vous de la gestion des collectivités locales.

M. Michel Mercier, ministre. C’est trop ! (Sourires.)

M. Gérard Collomb. L’autonomie financière des collectivités territoriales, comme vous le savez, a été récemment mise à mal.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle l’est depuis longtemps !

M. Gérard Collomb. Elle a été mise en péril par une réforme de la taxe professionnelle qui n’était pas tout à fait adaptée… Cela vous causera d’ailleurs un certain nombre de problèmes en tant que président de conseil général. Par exemple, votre directeur général des services a produit récemment un excellent rapport,…

M. Michel Mercier, ministre. C’est vrai !

M. Gérard Collomb. … mettant en évidence les difficultés que seront amenés à rencontrer les conseils généraux. Je ne crois pas, monsieur le ministre, que vous puissiez être en contradiction avec le rapport de votre directeur général des services !

Mme Évelyne Didier. Ils ne sont pas à ça près !

M. Gérard Collomb. En conséquence, je ne doute pas que vous allez vous engager à nos côtés en acceptant notre amendement.

Par ailleurs, nous l’avons tous compris, l’organisation de conférences sur les déficits publics était l’occasion, pour le Gouvernement, d’accuser à tort les collectivités territoriales d’être responsables de la dette française.

Monsieur le ministre, quand j’examine votre gestion du département…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Gérard Collomb. Oui, monsieur le président. J’essaie simplement de montrer à M. le ministre à quel point sa gestion est bonne ; il ne peut que m’en louer ! (Sourires.)

M. le président. Nous en sommes certains, mais il faut conclure !

M. Gérard Collomb. Dès lors, monsieur le ministre, il faut réaffirmer ce principe.

Imaginez que, demain, vous ne puissiez plus subventionner l’Opéra de Lyon, ou la Maison de la danse,… (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.)

M. François Trucy. Cela suffit !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Collomb ! Réservez-vous pour la suite du texte !

M. Gérard Collomb. … vous en seriez navré ! Vous devez donc absolument faire adopter cet amendement. Je me suis engagé auprès du groupe socialiste à ce que vous lui donniez un avis favorable, que je suis sûr d’obtenir de vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 284 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi assure le respect de la libre administration des collectivités territoriales et garantit leur autonomie financière.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. À travers cet amendement, nous voulons affirmer la libre administration et l’autonomie financière des collectivités territoriales, garanties à l’article 34 de la Constitution, aux termes duquel il appartient au législateur de déterminer les principes fondamentaux « de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. »

En outre, l’article 72 précise en son alinéa 3 que les collectivités « s’administrent librement par des conseils élus ». Ce principe de rang constitutionnel s’impose donc au législateur et à toutes les autorités administratives. Il est d'ailleurs repris à l’article L. 1111-1 du code général des collectivités territoriales.

La libre administration des collectivités territoriales a été qualifiée de « liberté fondamentale » par le Conseil d'État dans un arrêt Commune de Venelles du 18 janvier 2001.

Enfin, à travers plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel a précisé que le législateur ne pouvait porter atteinte à l’élection des assemblées ni à leur pouvoir de décision, éléments constitutifs de la décentralisation territoriale.

La libre administration implique que les collectivités territoriales puissent décider du recrutement et de la gestion de leurs agents. Elles jouissent aussi d’une autonomie en matière fiscale, qui est prévue, notamment, par l’article 72-2 de la Constitution.

Cet amendement tend à insérer un article additionnel qui, en quelque sorte, guiderait la réforme territoriale. Il vise à réaffirmer une règle fondamentale de la décentralisation de l’État, tout en respectant les principes d’indivisibilité de la République et d’égalité, ainsi que les exigences de l’intérêt national.

Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cet amendement. D'ailleurs, monsieur le ministre, en tant que responsable d’un territoire départemental, vous ne pouvez qu’être incité à défendre cette autonomie financière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 282 rectifié est dénué de toute portée normative. La commission émet donc un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 283 rectifié, en tant que rapporteur, je suis obligé d’indiquer que la commission a émis le même avis défavorable, car cette disposition, elle aussi, est dépourvue de contenu normatif. Toutefois, à titre personnel, comme je me rends compte qu’il s'agit ici d’un débat purement local entre le président de la communauté urbaine de Lyon et le président du conseil général du Rhône, je me rangerai à l’avis du Gouvernement, que j’attends avec impatience. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

L’amendement n° 284 rectifié vise à reprendre une disposition de la Constitution. Mes chers collègues, vous comprendrez bien que nous ne pouvons répéter systématiquement la Constitution dans les textes de loi ! La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Ces trois amendements qui viennent d’être magnifiquement défendus par leurs auteurs peuvent recevoir un avis global, me semble-t-il.

Tout d'abord, monsieur Collomb, je vous remercie des éloges flatteurs dont vous avez bien voulu me gratifier. J’en suis encore abasourdi, car c’est la première fois que vous tenez de tels propos aussi brillamment et aussi longuement ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Il faut s’en méfier !

M. Michel Mercier, ministre. Je veux donc profiter pleinement du bonheur qui est le mien !

M. Jean-Pierre Raffarin. C’est un cadeau empoisonné !

M. Michel Mercier, ministre. Enfin, j’ai constaté que M. le rapporteur faisait preuve, à la fin de son avis, d’un centrisme exacerbé. (Nouveaux sourires.)

Quoi qu'il en soit, il n’existe pas pour les collectivités locales de meilleure protection que la Constitution, qui est la mère de toutes les règles en la matière.

L’article 72 de la Constitution organise les libertés locales, l’autonomie des collectivités territoriales et la libre administration de ces dernières. Nous devons veiller ensemble au respect de cette disposition constitutionnelle, que l’adoption de ces amendements, tels qu’ils sont rédigés, aurait pour effet de limiter.

En conséquence, afin de maintenir la plénitude de l’autonomie des collectivités locales (Mme Évelyne Didier manifeste son scepticisme.), telle qu’elle est prévue par l’article 72 de la Constitution, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement n° 282 rectifié.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous affirmez que l’autonomie des collectivités locales est inscrite dans la Constitution, et je souscris à vos propos, parce qu’ils sont exacts.

Toutefois – nous avons été un certain nombre à le souligner, au cours de la première lecture de ce projet de loi, mais aussi tout à l'heure, en défendant les motions de procédure –, votre réforme contrevient précisément à l’article 72 de la Constitution, ce qui pose tout de même problème !

Vous arguez que nous ne devons pas répéter dans la loi une disposition qui figure dans la Constitution. Néanmoins, nous nous rendons compte, malheureusement, que la liberté des collectivités sera considérablement réduite. D'une part, elles subiront une forte contrainte financière, puisque leurs ressources propres passeront de 30 % environ à 10 % de leur budget. D’autre part, la tutelle que certaines collectivités exerceront sur les autres bridera complètement leur autonomie.

M. Patrice Gélard. Non ! Ce n’est pas prévu dans ce texte !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les populations ne seront pas consultées si la structure de leur collectivité est modifiée, ce qui est encore une façon d’empêcher l’exercice de cette autonomie.

Enfin, prévoir que des élus siégeront en même temps dans les assemblées délibérantes de deux collectivités distinctes, c’est évidemment porter atteinte à l’autonomie de chacune de ces dernières.

Peut-être pourrions-nous formuler autrement ces principes, afin de ne pas répéter purement et simplement la Constitution ? En tout cas, je crois nécessaire de les inscrire dans le projet de loi : il nous reste à discuter ou à réexaminer un nombre non négligeable d’articles, et bien des dispositions pourraient être considérablement améliorées si nous les envisagions à cette aune, sans même évoquer les autres angles sous lesquels nous pourrions les considérer, d'ailleurs. C’est le cas, par exemple, de la consultation des populations, que nous avions votée et que l’Assemblée nationale a supprimée.

Je crois qu’il est positif de voter des principes quand on y croit et quand on entend les respecter ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je partage tout à fait les préoccupations que vient d’exprimer notre collègue. Quand bien même la liberté d’administration des collectivités serait inscrite dans le projet de loi, le texte proposé aujourd'hui contredit ce principe constitutionnel, à cause du mélange des genres découlant de l’absorption des départements par les régions, mais aussi à cause de l’asphyxie financière à laquelle seront conduites un certain nombre de collectivités, qui ne pourront, de fait, administrer librement leurs territoires.

D'ailleurs, quand bien même on inscrirait dans la Constitution qu’il ne doit plus pleuvoir, la pluie continuerait de tomber ici ou là !

Mes chers collègues, je vous invite donc, dans un souci de prudence et, en quelque sorte, de prophylaxie, afin que la Constitution, précisément, ne soit pas bafouée, à voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Monsieur le ministre, vous venez de faire l’éloge du principe de la libre autonomie des collectivités territoriales. Évidemment, nous souscrivons sur ce point à vos propos.

Toutefois, comment ne pas percevoir cette magnifique contradiction : d’une part, vous affirmez l’autonomie des collectivités territoriales, et, d'autre part, vous instituez un conseiller territorial qui niera celle-ci !

En effet, vous allez créer un conseiller territorial qui, en siégeant à la fois au conseil régional et au conseil général, sera soit sous l’emprise de la région au détriment du département, soit sous la dépendance du département aux dépens de la région !

Il est bon d’avoir des principes, mais il est mieux de faire preuve de cohérence et il serait encore préférable de renoncer à ce conseiller territorial que vous ne savez même pas comment élire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre, l’argument selon lequel cette disposition est inscrite dans la Constitution est évidemment convaincant. Nous le connaissons, et je l’ai d'ailleurs invoqué quand j’ai présenté mon amendement.

Toutefois, aujourd'hui, dans la réalité – vous le savez parfaitement en tant que président de conseil général – l’autonomie financière des collectivités est de plus en plus mise à mal. Elle est sans commune mesure avec ce qu’elle était voilà encore quelques années, il vous suffit d’examiner la situation du département dont vous avez la charge pour vous en persuader !

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Claude Jeannerot. Aussi, nous avons toutes les raisons de penser qu’il vaut mieux inscrire ce principe en exergue de ce projet de loi.

En outre, je dois vous le dire, monsieur le ministre, à l’arrière-plan de mon amendement il y a une inquiétude : vous avez déclaré sur le terrain, notamment lorsque vous vous êtes rendu en Franche-Comté, que l’autonomie et la péréquation étaient deux notions incompatibles, entre lesquelles il fallait choisir.

Or, pour notre part, nous estimons que nos collectivités doivent concilier ces deux dimensions : l’autonomie et la solidarité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et comment ?

M. Claude Jeannerot. Pour cette raison, et parce que nous nous trouvons dans un contexte où, à l’évidence, cette autonomie financière se trouve mise à mal, nous voulons inscrire ce principe au cœur de ce texte législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote sur l'amendement.

M. Gérard Miquel. Nous pourrions débattre longtemps de la définition du principe d’autonomie. (Marques d’ironie sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est sûr !

M. Gérard Miquel. Chers collègues, il s'agit d’un débat sérieux ! L’autonomie des collectivités locales est en jeu !

M. Charles Revet. Elle est assurée par la Constitution !

M. Gérard Miquel. Monsieur le ministre, vous présidez un conseil général. C’est aussi mon cas, même si, bien sûr, le département dont je suis le responsable n’a pas la même dimension et dispose d’un budget bien moindre.

Or, quelle est l’autonomie d’un conseil général qui voit ses recettes régresser et les allocations qu’il verse au titre du RSA, le revenu de solidarité active, de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie,…

M. Jean-Claude Carle. Qui a transféré l’APA ?

M. Gérard Miquel. … et de la PCH, la prestation de compensation du handicap, augmenter compte tenu de la crise, sans qu’il en ait la maîtrise, car les tarifs sont fixés à l’échelon national, et heureusement d'ailleurs, sinon le principe d’égalité ne serait plus respecté ?

Je crois que nous devons nous pencher sur ce problème. Par exemple, quelle sera, demain, l’autonomie des régions, qui n’auront plus, ou presque, de fiscalité propre ? Nous devons en débattre, me semble-t-il.

M. Michel Mercier, ministre. C’est fait !

M. Gérard Miquel. Mes chers collègues, les amendements qui vous sont proposés vont dans le bon sens : ils visent à réaffirmer le principe d’autonomie des collectivités et à respecter la Constitution !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 282 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l'amendement n° 283 rectifié.

M. Didier Guillaume. Mes chers collègues, il apparaît clairement depuis le début de ce débat que, si le sujet n’était pas verrouillé, nous pourrions tous voter dans le même sens.

Mme Évelyne Didier. Sans problème !

M. Didier Guillaume. Objectivement, sur l’autonomie financière, les libertés locales, le développement et l’aménagement du territoire, nous sommes d’accord pour dire que ce projet de loi va tout mettre à mal, comme cela a d’ailleurs été démontré.

Mme Évelyne Didier. Il devrait y avoir unanimité !

M. Didier Guillaume. Lors d’une rencontre, il y a quelques semaines, avec une délégation pluraliste de présidents de conseils généraux, le Premier ministre a reconnu que le compte n’y était pas s’agissant des transferts aux départements des financements liés aux dépenses sociales. Cela est donc aujourd'hui officiel, « bleui », comme l’on dit !

Monsieur le ministre, vous nous renvoyez à la Constitution. Mais on nous avait dit en 2004, je me le rappelle très bien, que tous les transferts seraient compensés à l’euro près, comme cela est prévu par la Constitution. Aujourd'hui, nous savons qu’il manque 5 milliards d’euros aux départements !

M. Jean-Claude Carle. C’est la faute à M. Jospin ! L’allocation personnalisée d’autonomie !

M. Didier Guillaume. Cela a été acté par l’ensemble des courants politiques, y compris le vôtre, monsieur le ministre, dans le bureau de l’Assemblée des départements de France.

Aux termes du projet de loi que vous nous présentez, il deviendra impossible pour les collectivités de faire ce qu’elles jugeront bon dans l’intérêt de la population. Je le répète, nous sommes tous d’accord sur les constats. Mais ce qui nous sépare, c’est que le Gouvernement veut faire passer en force ce projet de loi.

Quel sens a le conseiller territorial, cet être hybride, cumulard qui devra défendre à la fois les départements et les régions ? Vous le savez très bien, les présidents des conseils généraux monteront à l’assaut du budget régional, ou de ce qu’il en restera, car il n’y aura plus d’autre moyen de mener des politiques territoriales. Les contrats mis en place dans les régions ne pourront plus perdurer.

M. Gérard Collomb. Les présidents de région vont souffrir !

M. Didier Guillaume. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, pour que les collectivités locales soient libres d’agir, de monter leur budget, sans être totalement garrotées.

C’est la technique du rasoir à trois lames. La première lame, c’était la loi de 2004, qui a « coupé les pattes » aux collectivités territoriales en transférant le social, les personnels TOS, les routes, et j’en passe, sans que les financements suivent.

La deuxième lame, c’était la suppression, l’année dernière, de la taxe professionnelle. L’ensemble des collectivités locales ont appliqué la loi, ont examiné les bases de 2009 par rapport à celles de 2008 et ont été remboursées, cela a été dit, à l’euro près. Mais la dynamique des bases n’a plus lieu et, in fine, toutes les collectivités locales y perdent en euros constants. Aucun élu responsable de ce pays ne peut prétendre le contraire !

La troisième lame, c’est ce projet de loi, avec l’institution du conseiller territorial, qui remet totalement en cause l’autonomie et les libertés locales.

Avec cette série d’amendements en discussion commune, nous vous demandons, monsieur le ministre, de reconnaître que ce point du texte va à l’encontre des objectifs que vous prônez, à l’encontre de la décentralisation, de la liberté des territoires et de l’autonomie fiscale et financière des territoires.

Si ce projet de loi était voté en l’état, vous tourneriez une page de l’histoire de l’administration territoriale de notre pays, dans un sens qui ne va pas vers plus de solidarité sociale et territoriale au profit de nos concitoyens.

M. Gérard Collomb. C’est le projet de loi Wilkinson ! Il rase de près !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 283 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 284 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement a pour objet de réaffirmer le principe de libre administration des collectivités territoriales. Je voudrais, pour ma part, quitter l’empyrée des principes pour soulever une question pratique.

Quelle sera la liberté de la région Haute-Normandie par rapport au département de la Seine-Maritime, qui aura 63 conseillers territoriaux, ou 62 dans la version du rapporteur, contre 35, ou 36 toujours dans la version de M. Courtois, pour l’Eure ? Quelle sera la liberté de la région Nord–Pas-de-Calais par rapport au département du Nord, qui aura 79 représentants, ou 82, contre 55, ou 50, pour le Pas-de-Calais ?

Bref, quelle peut être la liberté d’administration d’une région par rapport au département qui a le plus d’habitants ? J’aimerais bien qu’on me l’explique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement important, car nous estimons que, au-delà des clivages politiques, il est essentiel d’affirmer aujourd'hui avec force le principe de la libre administration des collectivités locales et de leur autonomie financière.

Je connais la Constitution. J’ai assisté au débat qui a eu lieu hier après-midi : tous les orateurs ont indiqué que le système, fondé sur la valeur ajoutée, de la contribution économique territoriale, qui remplace partiellement la taxe professionnelle, réduisait l’autonomie financière des collectivités territoriales.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Fiscale !

M. Jean-Pierre Sueur. De surcroît, les régions sont dans une situation telle qu’elles n’auront plus beaucoup d’autonomie fiscale, vous avez raison, mes chers collègues ! (Exclamations sur les travées de lUMP.) Mais vous ne pouvez que reconnaître que l’une est liée à l’autre.

Par ailleurs, personne n’a pu ignorer ici les déclarations du Président de la République. Qu’a-t-il dit ?

Mme Évelyne Didier. Des bêtises !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne me permettrai pas de dire cela, ma chère collègue !

Il a d’abord annoncé que les dotations de l’État aux collectivités territoriales allaient diminuer, ce qui n’était pas une nouvelle extraordinaire. Ensuite, il a dit qu’elles allaient stagner, mais nous avons compris que la stagnation ne se traduirait pas par une augmentation ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)

Il a ajouté, et ceci est lourd de conséquences, que les sommes seraient réparties en fonction de la bonne gestion des collectivités territoriales.

M. Didier Guillaume. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne figure pas dans la Constitution, ni dans la loi de finances, dans laquelle est fixée chaque année la répartition des dotations de l’État entre les collectivités territoriales. En cas de dysfonctionnements constatés dans la gestion financière des collectivités locales, il existe des instances qui sont habilitées à statuer.

Mes chers collègues, imaginez qu’une instance technocratique puisse décider si une commune est bien ou mal gérée ! Cela porterait atteinte à l’autonomie des collectivités territoriales, car, jusqu’à présent, c’est aux électeurs qu’il revient de se prononcer sur la gestion des collectivités. Il n’est pas envisageable que, en vertu d’une décision autoritaire sur la bonne ou mauvaise gestion d’une collectivité, cette dernière touche plus ou moins de DGF. L’annonce du Président de la République me semble très grave.

Dans un tel contexte, nous considérons qu’il est de première importance que l’ensemble des sénateurs réaffirment, solennellement, par le vote de notre amendement, le principe de l’autonomie des collectivités territoriales. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public sur l’amendement n° 284 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Monsieur Sueur, l’autonomie des collectivités locales est effectivement un beau principe, si beau qu’il est d’ailleurs déjà inscrit dans la Constitution !

Par ailleurs, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Inscrire dans la loi que « la loi assure le respect de la libre administration des collectivités territoriales et garantit leur autonomie financière » ne me semble pas être d’une grande portée juridique. Cela n’a même aucun intérêt ! Nous pouvons discuter longtemps des grands principes, cela ne fera pas pour autant avancer le débat ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Je voudrais ajouter un argument essentiel à tout ce qui vient d’être dit sur la décentralisation. Nous le savons, l’État est en train de se retirer des territoires. Après la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le départ massif de l’État, qui touche notamment les territoires ruraux et les quartiers sensibles, a d’abord touché les directions départementales de l’agriculture, puis les tribunaux, les hôpitaux et les gendarmeries.

M. Martial Bourquin. Lorsque nos collègues demandent que le principe de décentralisation soit réaffirmé avec force dans la loi, cela signifie que ce sont souvent les collectivités locales et territoriales qui prennent le relais de l’État.

Rappelons-nous tout de même que la décentralisation nous a permis de moderniser nos universités et nos lycées et de mettre en place des politiques publiques de haut niveau dans les territoires.

En cas de croissance molle, l’étranglement financier des collectivités locales et territoriales portera un coup terrible à notre économie et accentuera la crise que nous subissons.

Grâce à la taxe professionnelle, dont on dit beaucoup de mal aujourd’hui, nous avons équipé nos territoires.

M. Martial Bourquin. Il fallait vraisemblablement moderniser cet impôt sur la production, mais certainement pas le supprimer. Pour les ressources des collectivités locales et territoriales, c’est désormais l’inconnu le plus total. Vous prenez un risque considérable pour notre croissance, pour l’avenir de notre pays. Voilà pourquoi l’amendement n° 284 rectifié a toute sa place ici !

D’un côté comme de l’autre de l’hémicycle, nous aurons à gérer nos collectivités locales et territoriales. Si nous n’en avons plus les moyens, nous risquons de connaître de graves problèmes. Vous le savez, nous devons mettre en place des politiques publiques pour faire face au vieillissement de la population, pour soutenir l’économie. Comment feront les régions sans budget pour aider les entreprises, pour financer les territoires ?

Le débat sur la décentralisation que nous avons en ce moment n’est pas superflu, il est fondamental, non seulement pour notre pays et nos collectivités locales et territoriales, mais aussi pour préserver, demain, notre croissance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Parler de la libre administration des collectivités territoriales et de leur autonomie financière quand on examine un projet de loi de réforme des collectivités territoriales n’est absolument pas hors sujet. Je pourrais même dire qu’il s’agit de questions de fond : dans quelles conditions cette réforme a-t-elle lieu ? Êtes-vous pour la libre administration des collectivités territoriales ? À entendre certaines déclarations du Gouvernement et du Président de la République, on peut en douter.

Mme Marie-France Beaufils. On nous a en effet annoncé dernièrement qu’on allait nous contraindre financièrement afin que nous participions à la réduction du déficit public. Il faut absolument que nous réduisions nos dépenses de personnel … On oublie que les dépenses de personnel servent non pas à nous faire plaisir, mais à assurer des services à la population.

Mme la ministre de l’économie l’a reconnu, je l’ai entendue ici même, si la France résiste mieux à la crise que ses partenaires, c’est parce que les collectivités territoriales ont joué un rôle d’amortisseur.

Demander aux collectivités d’appliquer la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c’est leur interdire de s’administrer librement, de rendre service à leur population. Or, je le rappelle, la libre administration des collectivités, c’est tout simplement la mise en œuvre de la démocratie. Elle doit donc être respectée.

Les représentants des collectivités ne sont pas choisis par le Gouvernement, mais par les électeurs, qui se déterminent en fonction du programme qui leur est proposé pour le territoire sur lequel ils vivent.

Mme Marie-France Beaufils. Quant à l’autonomie financière, rien n’est prévu dans cette partie du texte quant à la façon dont elle sera assurée. Pourtant, réaffirmer ce principe, c’est, là aussi, permettre à la démocratie de fonctionner.

En diminuant les ressources financières, notamment en supprimant la taxe professionnelle, le Gouvernement montre qu’il cherche à dicter ses choix aux collectivités territoriales. Comme l’ont souligné plusieurs de nos collègues tout à l’heure, c’est déjà le cas vis-à-vis des départements. La baisse de leurs ressources montre la volonté du Gouvernement de les limiter à trois compétences : l’allocation personnalisée d’autonomie, le revenu de solidarité active et la prestation de compensation du handicap.

On nous fait débattre d’une réforme, mais sans nous dire clairement si l’on veut que les collectivités territoriales soient capables de mettre en œuvre la politique qui a été définie par les élus avec leurs électeurs ou si elles doivent servir à remplacer les services que l’État a détruits sur nos territoires. La question est posée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Je ne comprends pas très bien l’intérêt des amendements déposés par nos collègues du groupe socialiste, si ce n’est d’occuper notre soirée. Ils n’ont aucune portée normative. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Hugues Portelli. Le projet de loi dont nous débattons n’a pas pour objet d’abroger la législation relative à la décentralisation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, vous le savez très bien !

M. Hugues Portelli. Il ne la modifie que sur deux points : l’organisation institutionnelle et la répartition des compétences. Le reste ne change pas.

Si le projet de loi remettait en cause les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales, ce n’est pas l’ajout de trois lignes au début d’un texte pour tenter d’exorciser ce risque qui modifierait quoi que ce soit.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Hugues Portelli. La seule façon de vérifier qu’un projet de loi respecte ou non ces principes est de saisir le Conseil constitutionnel une fois qu’il aura été voté, ce que vous ferez certainement, chers collègues du groupe socialiste. D’ailleurs, vous le savez, le Conseil d’État a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité, à la demande de la ville de Dunkerque, qui est dirigée par l’un de vos amis, sur cette question du respect du principe de libre administration et d’autonomie financière.

Je le répète, tous ces amendements sont hors sujet par rapport au débat qui nous occupe. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Évelyne Didier. Ils vous ennuient, mais ils ne sont pas hors sujet !

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.

M. Gérard Collomb. Je n’avais pas l’intention de reprendre la parole, mais il se trouve que, dans mes jeunes années, j’étais un admirateur de M. Portelli, dont je lisais avec attention tous les écrits. C’est pourquoi je suis sûr que, dans le fond, il partage notre vision des rapports que doivent entretenir l’État et les collectivités territoriales.

À ce sujet, je voulais vous demander tout à l’heure, monsieur le ministre, mais je n’en ai pas eu le temps, d’expliquer au Président de la République – c’est plus facile pour vous qui êtes proche de lui que pour nous – qu’il fait fausse route. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Il suffit de voir ce qui se passe ailleurs : entre l’État et les collectivités locales, notamment les grandes agglomérations, un rapport nouveau est en train de s’établir. Saskia Sassen, grande sociologue américaine, qui a écrit de très beaux livres sur la ville-monde, montre que nous sommes dans une économie d’archipel et que l’État-nation doit s’appuyer sur les grandes villes pour impulser une croissance nouvelle. C’est en effet dans ces territoires que se concentrent les ressources humaines, l’innovation, la recherche, la compétitivité pour notre pays.

Si le projet de loi proposé par le Président de la République bride l’autonomie, la liberté, la créativité des collectivités locales, il amputera du même coup la capacité de notre pays à se développer.

J’observe ce qui se passe dans les autres pays entre les collectivités locales et le gouvernement central. Je me suis aperçu que, en France, par exemple, lorsque le parti du Président de la République perd les élections régionales, cela n’a strictement aucune importance.

Mme Jacqueline Panis. Quel est le rapport avec le texte ?

M. Gérard Collomb. En revanche, lorsque Mme Merkel perd un Land en Allemagne, cela devient une catastrophe nationale. Pourquoi ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parce que l’Allemagne est un État fédéral !

M. Gérard Collomb. Parce que les rapports entre les collectivités locales et le gouvernement central sont très différents en Allemagne et en France.

Mme Jacqueline Panis. Il ne vient pas souvent, mais qu’est-ce qu’il nous casse les pieds !

M. Gérard Collomb. Nous sommes aujourd’hui encore dans un système jacobin.

Vous qui êtes le ministre de l’aménagement du territoire et de l’espace rural, et aussi de la ville, d’une certaine manière, vous devez persuader le Président de la République que l’avenir de notre pays passe non pas par la diminution de la liberté, de la capacité à innover des villes, mais par la capacité du Gouvernement et des collectivités locales à travailler ensemble. Voilà pourquoi nous insistons tant sur les amendements que nous présentons. Les adopter serait un tournant pour le projet de loi (Rires et exclamations sur les travées de lUMP), voire pour le Président de la République. (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.)

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

M. Gérard Collomb. Soit le Président de la République se rallie à nos propositions, ce qui pourrait apporter un nouvel élan à son quinquennat, soit il continue dans la voie qu’il a choisie. (Les marques d’impatience s’intensifient.) Or, si j’en crois les sondages, le Gouvernement se trouve dans de réelles difficultés, et j’en suis navré. (Mêmes mouvements.)

Monsieur le ministre, vous êtes d’une certaine manière entre lui et nous, c’est-à-dire proche du pouvoir central et proche des collectivités locales. Convainquez-le donc de suivre notre voie afin que les collectivités locales prennent toutes leurs capacités d’initiative dans la vie de notre pays. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. « La loi assure le respect de la libre administration des collectivités territoriales et garantit leur autonomie financière ». Qui n’est pas d’accord avec ce texte ? Personne !

Or cette proposition vient de gauche. C’est pourquoi la droite n’en veut pas. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Collomb. Dépassez donc les vieux clivages !

M. Philippe Adnot. Votons ce texte avec lequel nous sommes tous d’accord – cela ne changera rien, puisque ces dispositions figurent déjà dans la Constitution –, et passons à autre chose ! (Exclamations sur les travées de lUMP. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est le bon sens !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 284 rectifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 243 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 334
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 151
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Gérard Collomb. C’est le tournant du quinquennat !

M. le président. L'amendement n° 285 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La réforme territoriale a pour objectif d'accroître la capacité des collectivités territoriales à rendre aux citoyens les meilleurs services publics et à assurer la solidarité entre les personnes et la péréquation entre les territoires. Elle vise également à améliorer l'exercice de la démocratie locale.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, monsieur Portelli, nos amendements ne sont ni intempestifs ni étrangers au projet de loi. Ils visent simplement à préciser les objectifs qui doivent, ou devraient, guider cette réforme des collectivités territoriales.

Nos collègues de la majorité commencent à s’impatienter. Mais qu’ils ne comptent pas sur nous pour mettre de côté nos convictions, et ainsi ne pas tout mettre en œuvre pour tirer ce projet de loi vers le haut.

Cela a été dit à plusieurs reprises, la réforme territoriale devrait être l’occasion de franchir une nouvelle étape et d’insuffler un nouvel élan en matière de décentralisation. Force est de constater, à travers tout ce qui a été dit jusqu’à présent, que nous nous exposons au risque d’une régression. Ce projet de loi devrait également garantir l’égalité républicaine entre tous les citoyens quels qu’ils soient, et, en même temps, promouvoir la justice et l’équité entre les territoires et assurer la présence et la qualité du service public dans tous les villages et tous les quartiers.

M. Roland Courteau. Il a raison !

M. Jean-Jacques Mirassou. Les collectivités doivent disposer des ressources nécessaires pour rendre aux citoyens les meilleurs services collectifs. De ce point de vue, on l’a vu à l’instant, rien n’est garanti.

Je rappellerai tout de même au passage que plus de 70 % des investissements publics sont actuellement le fait des collectivités locales, qui, au moment où nous débattons, sont face à une équation difficile à résoudre. En effet, du fait de la crise, la population demande, à juste titre, davantage de prestations, et ce singulièrement dans le champ social. De même, les entreprises réclament à cor et à cri la poursuite des investissements des collectivités territoriales. À l’inverse, l’État ne garantit rien de plus, en termes de dotations, et efface ses ardoises – on a évoqué le RSA ou l’APA – qui pèsent la bagatelle de 400 millions d’euros dans le département que je représente.

On comprendra donc facilement qu’il nous semble indispensable de préciser le texte d’une manière qui soit accessible à tous, afin d’éviter que cette loi ne soit un marché de dupes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Là encore, cet amendement est dénué de toute portée négative. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Depuis tout à l’heure, on n’a de cesse de nous rappeler que nous n’avons pas à inscrire dans la loi ce que la Constitution énonce déjà. Mais il manque tout de même dans ce projet de loi le mot « social ». Nous ne le trouvons nulle part. Pourtant, nous le savons, l’une des fonctions principales des communes et des départements est de servir la population, et notamment d’encourager la solidarité entre les individus. À mes yeux, vous devriez combler ce vide et remettre au cœur de ce projet de loi la notion de justice. Dans le cas contraire, votre projet ne fera plus sens. Si votre objectif est réellement de rendre les collectivités territoriales plus lisibles pour les citoyens, vous devriez insister sur ces termes, et employer également l’expression de « service public ».

M. Roland Courteau. Bien évidemment !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 285 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 286 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les collectivités territoriales sont le lieu de la participation des citoyens aux décisions qui les concernent.

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Vous l’avez tous compris, notre volonté et notre ambition, à travers ces différents amendements, sont de porter dans cet hémicycle la voix des élus locaux et des citoyens. Cela a déjà été souligné, l’acte de décentralisation a bien pour objectif principal le rapprochement des instances de pouvoir au plus près des territoires et des citoyens. Depuis bientôt trente ans, nous avons pu en mesurer l’efficacité, et juger du sérieux de la gestion des collectivités.

Dans le cadre de la décentralisation, les collectivités territoriales répondent aux besoins spécifiques d’une région, d’un département, d’une commune, et les administrent selon leurs besoins. Mais elles contribuent aussi au développement de la démocratie locale, en favorisant la consultation des populations, ici par des comités de citoyens ou de quartier, là par la participation de la société civile au sein de comités de développement.

Comment nier que ce projet de loi tend, comme l’ont souligné les intervenants précédents, à limiter l’autonomie des collectivités territoriales et à remettre en cause la légitimité de leurs représentants ? Nous irions à contrecourant de l’histoire, cela a déjà été dit aussi, si le mouvement de décentralisation, né en 1982 et 1983, devait maintenant connaître une phase de régression, et ne plus tendre à développer et à améliorer la démocratie territoriale. Une démocratie moderne exige que les citoyens puissent être associés aux débats et aux prises de décisions.

Le développement de la démocratie de proximité doit permettre de mieux répondre aux attentes spécifiques de nos territoires. Les collectivités territoriales doivent être des lieux de participation des citoyens aux décisions qui les concernent. C’est ainsi que se renforcera la légitimité de l’action publique locale. Tel est bien le sens de cet amendement, que nous vous invitons à voter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est toujours la même chose, il s’agit d’un amendement dénué de toute portée normative. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le président, selon l’article L.1111-2 du code général des collectivités territoriales, « les communes, les départements et les régions constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la vie locale et garantissent l'expression de sa diversité ». Cet amendement est donc entièrement satisfait par une disposition existante, que le présent texte ne modifie en rien.

En conséquence, je vous demande, monsieur Daudigny, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 286 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 287, présenté par MM. Collombat, Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier (avant l'article 1er AA), insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le titre unique du livre Ier de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un titre ainsi rédigé :

« Titre...

« Clarification des missions des collectivités territoriales et coordination des acteurs

« Chapitre Ier

« Clarification des missions des collectivités territoriales

« Art.... - La région se voit confirmée dans son rôle premier en matière de développement stratégique, économique et d'aménagement des territoires.

« Elle l'assume en partenariat avec l'État et les pôles métropolitains. 

« La région a en charge la répartition des fonds européens.

« Art.... - Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale.

« Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d'ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif.

« Il veille à l'équité territoriale.

« Chapitre II

« Coordination des acteurs territoriaux

« Art.... - Il est créé dans chaque région un conseil régional des exécutifs constitué du président du conseil régional, des présidents de conseils généraux, des métropoles, des communautés urbaines, d'agglomération ainsi que des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et pour les autres communautés de communes d'un représentant par département, élu par les présidents de communautés de communes de moins de 50 000 habitants.

« Le conseil régional des exécutifs est présidé par le président de la région.

« Il peut, en tant que de besoin constituer une commission permanente.

« Il peut associer à ses travaux, en tant que de besoin, le ou les représentants des organismes non représentés.

« Il organise la concertation entre ces membres dans un but d'harmonisation de leurs politiques et afin d'organiser les complémentarités entre elles.

« Il établit un schéma d'orientation de l'ensemble des politiques intéressant l'ensemble du territoire régional ou plusieurs départements, il coordonne les politiques, définit les chefs de file par projet ou ensemble de projets, prépare les accords et les conventions à passer entre les acteurs, veille à la mise en place de guichets communs en matière de développement économique, d'aide à l'emploi, de bourses d'études ou d'aide à la formation.

« Il constate le désengagement des collectivités dans leur domaine de compétence. Ce constat de carence autorise une autre collectivité qui entendrait se substituer au titulaire de la compétence à l'exercer à sa place.

« Il se réunit au moins une fois par trimestre sur un ordre du jour obligatoire pour délibérer sur les questions d'intérêt régional ou interdépartemental, nécessitant une coordination des politiques des acteurs.

« Chaque membre du conseil peut faire inscrire à l'ordre du jour de la plus prochaine réunion toute question de sa compétence dont il souhaite débattre.

« Art.... - Il est créé dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du conseil général, le cas échéant, de la métropole et les présidents des intercommunalités.

« Elle est chargée d'organiser la coordination locale et la concertation entre ses membres.

« Elle a communication des travaux du conseil régional des exécutifs auquel elle peut communiquer des observations et des vœux.

« Elle se réunit chaque trimestre sous la présidence du président du conseil général.

« Art.... - Le pôle métropolitain est un établissement public destiné à assurer la gouvernance d'un réseau de collectivités territoriales et d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique : transport, développement économique et emploi, enseignement supérieur et recherche, logement, très grands évènements culturels et sportifs.

« Le ou les établissements public fonciers existant sur le territoire sont membres du pôle métropolitain, quand les compétences de celui-ci comprennent le logement ou les équipements stratégiques.

« Constitué par accord entre les intéressés, il comprend obligatoirement la ou les régions concernées, la ou les métropoles quand elles existent. Les départements et les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 100 000 habitants sont, à leur demande, de droit, membres du pôle métropolitain.

« L'initiative de création d'un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles.

« Sa création peut-être décidée par arrêté du représentant de l'État du département chef-lieu de région ou de la région démographiquement la plus importante si le pôle métropolitain s'étend sur plusieurs régions.

« Le pôle métropolitain est soumis aux règles applicables aux syndicats mixtes prévus à l'article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales, sous réserves des dispositions prévues par le présent titre.

« L'arrêté constitutif du pôle métropolitain mentionne obligatoirement les compétences qui lui sont confiées par les organismes membres et le niveau d'intervention de celui-ci.

« Le pôle métropolitain définit et arrête les axes stratégiques de développement de son territoire pour les compétences qui lui ont été déléguées. Il coordonne et hiérarchise l'action de ses membres. Il peut aussi se voir confier des missions de gestion. Il assume celles-ci directement ou, sous sa surveillance, par voie de délégation. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cette fois, je ne pense pas que l’on dira de cet amendement ni des quatre suivants qu’ils sont dénués de portée normative. Ils visent à susciter en vous une certaine nostalgie, celle de ce qu’aurait pu être une réforme consensuelle (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) de nos collectivités territoriales.

Il ne s’agit pas d’une invention extraordinaire puisque ces amendements reprennent simplement l’essentiel des propositions de la mission Belot, que nous avions votées à la quasi-unanimité. Vous ne serez donc pas surpris.

Peut-être cela vous rappellera-t-il qu’à l’origine de ce projet de loi il y avait notamment une tentative de clarification des compétences. Nous essayons de nous y employer. Sans rentrer dans le détail, puisque nous espérons que ces sujets seront traités un peu plus tard, cet amendement n° 287 contient plusieurs dispositions.

La région est confirmée dans ce qui semble être son rôle essentiel : le développement stratégique, économique et d’aménagement des territoires.

Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale et doit assurer un soutien aux petites collectivités à travers l’ingénierie publique. Ceux qui participent à l’activité de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ne seront pas surpris, puisque cela figure au nombre de ses recommandations.

Par ailleurs, cet amendement vise, à l’inverse du présent texte, à organiser la coordination entre les différents acteurs. Il s’agit de la coordination au sein de la région, entre les départements, les métropoles et les différentes intercommunalités, à travers des schémas d’orientation et des conseils régionaux des exécutifs. Le même dispositif est prévu au niveau des départements.

Ensuite, cet amendement vise à faire du pôle métropolitain un ensemble où le développement local sera véritablement structuré. Ainsi, il s’agit d’assurer la mise en cohérence des politiques, notamment s’agissant de l’organisation des réseaux, ou des politiques de long terme qui nécessitent des investissements importants comme en matière de transport, de développement économique et d’emploi, d’enseignement supérieur, de recherche, ou d’organisation de grands événements culturels.

Finalement, par cet amendement, nous ne proposons rien de révolutionnaire ; nous suggérons un système susceptible, s’il était traduit dans les faits, d’être un peu plus opératoire que ce qui nous est proposé.

Voilà, chers collègues, nos suggestions. On nous fait souvent le reproche de n’émettre que des critiques. Avec cet amendement, nous formulons des propositions. J’espère qu’en retour vous ne réagirez pas de manière dédaigneuse, en nous indiquant que le moment n’est pas opportun ou en nous répondant que le texte de cet amendement figure déjà dans la loi ou n’est pas normatif. Mes collègues détailleront tout à l’heure le reste de nos propositions.

M. le président. L'amendement n° 288, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La région se voit confirmée dans son rôle premier en matière de développement stratégique, économique et d'aménagement des territoires.

Elle l'assume en partenariat avec l'État et les pôles métropolitains. 

La région a en charge la répartition des fonds européens.

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Les champs de compétences des collectivités territoriales doivent être clairement déterminés pour donner à chaque échelon des domaines spécifiques d’attribution.

Ainsi, les principaux secteurs d’intervention de la région, concernent le développement stratégique, économique, social et culturel. La région définit le régime des aides économiques aux entreprises. Elle est compétente sur la décision de leur octroi et élabore un schéma régional de développement économique. Dans le domaine de l’aménagement du territoire et de la planification, la région a une fonction de consultation. Elle élabore notamment le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire.

Le présent projet de loi ne doit pas tendre vers une recentralisation au détriment des régions. Ces dernières jouent un rôle essentiel dans la dynamique économique des territoires qu’elles administrent. Cet amendement a pour objet de réaffirmer et de clarifier les compétences des régions afin que cette réforme approfondisse le processus de décentralisation.

C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à voter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 289, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé dans chaque région un conseil régional des exécutifs constitué du président du conseil régional, des présidents de conseils généraux, des métropoles, des communautés urbaines, d'agglomération ainsi que des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et pour les autres communautés de communes d'un représentant par département, élu par les présidents de communautés de communes de moins de 50 000 habitants.

Le conseil régional des exécutifs est présidé par le président de la région.

Il peut, en tant que de besoin, constituer une commission permanente.

Il peut associer à ses travaux, en tant que de besoin, le ou les représentants des organismes non représentés.

Il organise la concertation entre ces membres dans un but d'harmonisation de leurs politiques et afin d'organiser les complémentarités entre elles.

Il établit un schéma d'orientation de l'ensemble des politiques intéressant l'ensemble du territoire régional ou plusieurs départements, il coordonne les politiques, définit les chefs de file par projet ou ensemble de projets, prépare les accords et les conventions à passer entre les acteurs, veille à la mise en place de guichets communs en matière de développement économique, d'aide à l'emploi, de bourses d'études ou d'aide à la formation.

Il constate le désengagement des collectivités dans leur domaine de compétence. Ce constat de carence autorise une autre collectivité qui entendrait se substituer au titulaire de la compétence à l'exercer à sa place.

Il se réunit au moins une fois par trimestre sur un ordre du jour obligatoire pour délibérer sur les questions d'intérêt régional ou interdépartemental, nécessitant une coordination des politiques des acteurs.

Chaque membre du conseil peut faire inscrire à l'ordre du jour de la plus prochaine réunion toute question de sa compétence dont il souhaite débattre.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Par cet amendement, nous reprenons une proposition formulée par Yves Krattinger et Jacqueline Gourault dans leur rapport intitulé : Faire confiance à l’intelligence territoriale.

La création du conseil régional des exécutifs a pour but de renforcer les prérogatives des conférences des exécutifs afin de donner l’impulsion nécessaire à la coordination des politiques territoriales.

Ce conseil aurait pour mission de fixer les objectifs des politiques territoriales engagées par chacun des membres, de définir les schémas d’orientation à mettre en œuvre, de préparer les accords et les conventions à passer entre eux et de déterminer, pour les compétences exercées en commun, les chefs de file pour chaque projet, les conditions de création de guichets uniques et l’organisation d’une instruction unique.

Cet ensemble favoriserait un travail commun et une meilleure collaboration des représentants des collectivités. Il permettrait l’adoption de solutions de développement coordonnées afin de parvenir à la clarification tant recherchée dans ce projet de loi.

Aujourd’hui, la conférence des exécutifs a pour but de faciliter la négociation et la concertation. La création du conseil régional des exécutifs permettrait d’aller plus loin. La négociation entre ses membres, sous la présidence du président du conseil régional, faciliterait les arbitrages. Sa composition resserrée lui conférerait plus d’efficacité.

Les compétences du conseil étant étendues, il serait nécessaire que celui-ci dispose de plus de temps pour les réaliser. Il deviendrait ainsi le lieu incontournable du dialogue sur les grandes politiques territoriales. L’obligation de l’ordre du jour serait une incitation forte à plus de coordination, dans le respect de la libre administration de chaque collectivité ou groupement représenté.

Les conseils régionaux des exécutifs seraient donc des instances de coordination et de négociation qui pourraient, à l’avenir, se substituer aux institutions en place.

Ainsi, le fonctionnement du conseil régional des exécutifs présenterait plusieurs avantages. Il permettrait d’affermir la responsabilité de chaque échelon devant les électeurs et de clarifier l’articulation des compétences entre les différents niveaux. De surcroît, le rôle de chef de file de la région se verrait ainsi affirmé.

M. Didier Guillaume. C’est bien mieux !

M. Roland Courteau. Voilà pourquoi nous vous présentons cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 290, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du Conseil général, le cas échéant, de la métropole et les présidents des intercommunalités.

Elle est chargée d'organiser la coordination locale et la concertation entre ses membres.

Elle a communication des travaux du conseil régional des exécutifs auquel elle peut communiquer des observations et des vœux.

Elle se réunit chaque trimestre sous la présidence du président du Conseil général.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Cet amendement reprend deux propositions formulées par Yves Krattinger et Jacqueline Gourault dans leur rapport intitulé : Faire confiance à l’intelligence territoriale.

Mme Nathalie Goulet. C’est mal parti !

M. Michel Teston. Il s’agit, d’une part, de créer dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du conseil général, les présidents d’intercommunalité et, le cas échéant, de métropole.

Il conviendrait, d’autre part, de réunir cette conférence chaque trimestre, sous la présidence du président du conseil général. Cette conférence serait chargée d’organiser la coordination locale et l’échange entre ses membres. Elle jouerait le rôle de courroie de transmission de l’information à destination du conseil général et du conseil régional des exécutifs.

Cet amendement prévoit un nouveau mécanisme d’articulation des missions des collectivités territoriales au niveau départemental. Il précise le rôle et les modalités de fonctionnement de la conférence départementale des exécutifs.

Il semble par conséquent pertinent d’adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 291, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le pôle métropolitain est un établissement public destiné à assurer la gouvernance d'un réseau de collectivités territoriales et d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique : transport, développement économique et emploi, enseignement supérieur et recherche, logement, très grands événements culturels et sportifs.

Le ou les établissements publics fonciers existant sur le territoire sont membres du pôle métropolitain quand les compétences de celui-ci comprennent le logement ou les équipements stratégiques.

Constitué par accord entre les intéressés, il comprend obligatoirement la ou les régions concernées, la ou les métropoles quand elles existent. Les départements et les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 100 000 habitants sont, à leur demande, de droit, membres du pôle métropolitain.

L'initiative de création d'un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles.

Sa création peut être décidée par arrêté du représentant de l'État du département chef-lieu de région ou de la région démographiquement la plus importante si le pôle métropolitain s'étend sur plusieurs régions.

Le pôle métropolitain est soumis aux règles applicables aux syndicats mixtes prévus à l'article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales, sous réserve des dispositions du présent titre.

L'arrêté constitutif du pôle métropolitain mentionne obligatoirement les compétences qui lui sont confiées par les organismes membres et le niveau d'intervention de celui-ci.

Le pôle métropolitain définit et arrête les axes stratégiques de développement de son territoire pour les compétences qui lui ont été déléguées. Il coordonne et hiérarchise l'action de ses membres. Il peut aussi se voir confier des missions de gestion. Il assume celles-ci directement ou, sous sa surveillance, par voie de délégation.

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Je tiens à souligner les difficultés que rencontrent aujourd’hui les collectivités pour réunir des conseils d’exécutifs. Je le sais d’expérience, pour essayer de réunir sur un territoire régional, une fois par semestre, voire une fois par an, des exécutifs qui ne veulent pas spontanément venir discuter entre eux parce qu’ils craignent la subordination ou contestent les politiques.

Nous devrions au contraire pouvoir débattre ensemble des transports, des moyens de communication, du haut débit ou bien tout simplement de la santé. Or, si nous n’instaurons pas ces conseils d’exécutifs, comme le préconise le rapport Belot, nous n’y parviendrons pas.

J’en viens à l’amendement n° 291 qui, dans un souci de clarification, vise à préciser les objectifs, la composition, les modalités de constitution et de fonctionnement du pôle métropolitain. Il définit également les missions qui lui sont imparties.

Il tend à proposer une définition du pôle métropolitain compatible avec l’existence des métropoles, chères à mon collègue Gérard Collomb, ce qui permettrait aux métropoles d’équilibre disséminées sur le territoire de faire vivre une vraie coopération institutionnelle.

Le pôle métropolitain est un outil de coopération à la disposition des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre qui souhaitent se fédérer et mettre en commun une partie de leurs moyens et de leurs compétences en vue d’actions spécifiques à l’échelle de grands territoires.

Nous précisons que l’initiative de création d’un pôle métropolitain relève non des préfets mais des régions et des métropoles.

Doté du statut d’établissement public, le pôle métropolitain serait destiné à assurer la gouvernance d’un réseau de collectivités territoriales et d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique telles que les transports, le développement économique et l’emploi, l’enseignement supérieur et la recherche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 287 tend à introduire des dispositions qui n’ont pas été retenues en première lecture, notamment en ce qui concerne le conseil régional ou départemental des exécutifs et les pôles métropolitains.

Il comprend ainsi des dispositifs de coopération territoriale qui ont certes leur logique, mais une logique incompatible avec les choix qui sous-tendent le présent texte. La commission émet donc un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur. En quoi est-ce incompatible, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 288 ne peut à notre sens s’insérer dans le texte de la commission. En matière de compétences de la région, il est pour l’essentiel satisfait par le droit en vigueur.

Par ailleurs, il ne fixe pas non plus de principes nouveaux de clarification des compétences comme le fait l’article 35. La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement n° 289 reprend à l’identique une partie de l’amendement n° 287. Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable.

De la même manière, la commission est défavorable à l’amendement n° 290.

En ce qui concerne l’amendement n° 291, le dispositif du pôle métropolitain est précisément déterminé par l’article 7 du projet de loi. Il convenait donc de le déposer sur ledit article. La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Je commenterai essentiellement l’amendement n° 287, les amendements suivants ne faisant que le reprendre en partie.

La volonté des auteurs de cet amendement, telle qu’elle est proclamée, est de clarifier les missions des collectivités territoriales et de coordonner les acteurs locaux.

La clarification des missions est traitée à l’article 35 du projet de loi. Quant à la coordination des acteurs, le Gouvernement a fait un choix clair, suivi en cela par l’Assemblée nationale et le Sénat : c’est le conseiller territorial qui est chargé de l’assurer.

Pour ce qui est du pôle métropolitain, sa définition a été arrêtée en première lecture au Sénat. Elle est reprise à l’article 7 du projet de loi. Je rappelle aux auteurs de l’amendement qu’elle avait fait l’objet d’un consensus assez large, à l’issue de la concertation engagée par le Gouvernement.

La Constitution prévoit qu’aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre. C’est pourquoi le pôle métropolitain doit être créé par des établissements publics de coopération intercommunale. S’il l’est par la région ou par le département, c’est tout autre chose. Pour autant, cela n’empêche pas que des accords puissent intervenir entre le pôle métropolitain, la région et le département. Mais il n’y a pas de tutelle, il s’agit d’abord d’une réunion d’établissements publics de coopération intercommunale.

Nous avions trouvé au Sénat un large accord sur le pôle métropolitain. Il serait bon de le conserver. C'est la raison pour laquelle je demanderai à M. Patriat de bien vouloir retirer l'amendement n° 291, afin de satisfaire M. Collomb.

M. le président. Monsieur Patriat, l'amendement n° 291 est-il maintenu ?

M. François Patriat. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 287.

M. Pierre-Yves Collombat. M. le rapporteur a reconnu que notre amendement avait une certaine cohérence, et je l’en remercie. Nous reprenons en effet des propositions issues de la mission présidée par M. Claude Belot et du rapport d’information de M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault.

Monsieur le président, je me rappelle que vous disiez, à l’époque où nous allions présenter nos travaux, dans le Sud-Ouest notamment, que le texte ne sortirait pas du Sénat comme il y était entré.

M. le président. C’est le cas !

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, mais dans quel état ?

J’en avais conclu que, sur un sujet comme celui-ci, nous pouvions trouver un consensus qui satisfasse à peu près tout le monde. Nous y sommes presque parvenus sur l’intercommunalité, puis tout a dérapé.

Il est vrai que la logique de nos propositions n’est pas celle du texte gouvernemental.

Monsieur le ministre, vous nous dites que c’est le conseiller territorial qui organise la coopération des acteurs. Pourquoi pas ? Si vous parlez du lien entre les départements et la région, je veux bien faire semblant de le croire. Mais comment articulez-vous les politiques de la région et des départements avec celles des métropoles qui, sur plusieurs compétences essentielles, font exactement ce qu’elles veulent, ou en tout cas n’ont aucun lien avec le département et la région ? Je souligne une nouvelle fois le paradoxe : le conseiller territorial élu dans une aire métropolitaine ne sera pas compétent, précisément, sur les compétences transférées.

Qui, dans votre schéma, va s’occuper des grands réseaux ? Qui va s’occuper de coordonner, en liaison avec l’État, la politique économique, les politiques ayant trait à l’emploi, au logement, à la recherche et à l’enseignement supérieur ? Qui va le faire ? Les trois cents conseillers territoriaux dans leur hémicycle surpeuplé ?...

Je m’étonne que vous n’essayiez même pas de trouver une articulation entre ces fameuses métropoles, les intercommunalités, la région et le département ! S’il y a vraiment un problème, c’est bien celui-là.

Franchement, je pense que nous aurions pu aboutir à un texte consensuel. Pour des motifs que je veux bien comprendre, sinon admettre, nous sommes passés à côté d’un tel texte. Ne pas être parvenus à élaborer un texte plus positif et plus porteur d’avenir que celui que vous allez voter, chers collègues, restera pour nous un regret.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question est très simple : à quoi servent les travaux du Sénat ?

Nous rédigeons de nombreux rapports. Comme chacun ici, je rends hommage à l’excellent travail qui a été réalisé par quatre de nos collègues, Claude Belot, Yves Krattinger, Jacqueline Gourault et Pierre-Yves Collombat. Après de nombreuses réunions, les travaux de la mission ont donné lieu à un rapport, qui a, me semble-t-il, été adopté à l’unanimité…

M. Jean-Pierre Sueur. … ou à une très large majorité, malgré quelques oppositions.

Le Sénat a réalisé un travail constructif. Il est vrai qu’on peut être en désaccord avec tel aspect de ce rapport, à l’instar de tel collègue, qui, je le sais, désapprouve tel paragraphe ou telle orientation. Cela étant, dans l’ensemble, on peut dire, monsieur le président, que le Sénat a bien travaillé, sur votre initiative d’ailleurs, puisque c’est vous qui avez décidé de la constitution de ce groupe de travail afin d’apporter une pierre à l’édifice de la réforme territoriale.

Or que nous propose notre ami Pierre-Yves Collombat sinon de reprendre les conclusions de ce rapport ? Son amendement vise à inscrire en exergue du projet de loi des dispositions qui ont été élaborées par une grande majorité de sénateurs et qui résultent de compromis destinés à permettre la prise en compte d’un certain nombre de points de vue. Ces dispositions ne sont du reste pas redondantes avec la Constitution ou avec la loi.

J’ai donc été très étonné de la réaction de M. le rapporteur et de celle de M. le ministre, monsieur le président, car, de l’avis général, les travaux de la mission ont été très constructifs.

Pour notre part, nous considérons que l’insertion de ces dispositions au début du projet de loi, qui en seraient en quelque sorte l’angle d’attaque, permettrait de solidifier l’ensemble du texte.

Lorsque vous étiez sénateur, monsieur le ministre, vous participiez à de tels travaux et vous vous en réjouissiez. Si le Sénat était logique avec lui-même – et, mes chers collègues, je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas logiques avec nous-mêmes –, il apporterait cette pierre, ou plutôt ces pierres, à l’édifice, dont elles constitueraient les bases.

Une fois de plus, je rends hommage au travail mené par Claude Belot, Yves Krattinger, Jacqueline Gourault et Pierre-Yves Collombat, et je vous propose, mes chers collègues, de voter un dispositif que nombre d’entre vous ont déjà approuvé, mais qui ne figure pas encore dans la loi. C’est très clair : il ne dépend que de nous de l’y inscrire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Si nous étions favorables tout à l’heure aux amendements qui ont été proposés par nos collègues socialistes sur les principes, nous ne le sommes pas sur celui-ci ni sur les suivants.

Certes, il nous apparaît nécessaire de clarifier les missions des collectivités locales et de favoriser la coordination des acteurs. Néanmoins, nous ne saurions approuver ce qui nous est proposé ici.

Nous sommes de ceux qui considèrent qu’aucune réforme des compétences des collectivités locales ne peut être conduite sans une remise à plat de la situation actuelle et sans une réaffirmation du rôle de l’État, afin de garantir l’égalité de tous les citoyens et d’agir avec fermeté contre les inégalités territoriales, lesquelles ont tendance à se développer dans de nombreux secteurs.

L’amendement n° 287 ne s’inscrit pas dans cette perspective et nous le regrettons.

En outre, cet amendement tend finalement à restreindre les compétences des régions et des départements, en leur confiant une mission quasi unique. La clause générale de compétence, qui est l’un des enjeux majeurs de ce projet de loi, n’est pas rappelée, or nous nous souhaitons qu’elle soit conservée.

Par ailleurs, nous ne sommes pas d’accord non plus avec la création des pôles métropolitains, car elle relèverait uniquement de la région et des métropoles et échapperait de ce fait totalement aux communes qui en sont membres.

Nous nous opposons à la mise en place des pôles métropolitains prévue par le présent projet de loi, d’autant plus qu’elle conduirait à dessaisir encore plus les communes, et même leurs intercommunalités, de compétences essentielles. Ces collectivités et ces établissements publics seraient alors vidés de toute substance et privés de toute possibilité d’intervention. De plus, nous considérons que de tels pôles contribueraient à l’éloignement des citoyens des centres de décision, ce que nous ne saurions accepter.

Enfin, permettez-nous de relever que nous nous sommes sentis bien seuls en première lecture lorsque nous avons proposé la création des conseils et des conférences des exécutifs dans les régions et dans les départements. C’était pourtant l’une des propositions phare, cela vient d’être rappelé, de la mission sénatoriale présidée par notre collègue Claude Belot.

Nous sommes favorables à la mise en place de ces réunions d’exécutifs. Toutefois, par leur composition, telle qu’elle nous est proposée, du fait que leur présidence devra obligatoirement être assurée par le président de région ou par le président du conseil général et par les missions qui leur sont dévolues, nous craignons que ces instruments de coopération et de coordination des politiques publiques mises en œuvre localement ne deviennent de nouvelles structures hiérarchisant les collectivités locales entre elles. Si ces réunions d’exécutifs devaient assurer la primauté d’un niveau de collectivité sur les autres, elles deviendraient alors de nouveaux outils contraignants, le risque étant qu’elles n’imposent leurs vues à toutes les collectivités d’une région ou d’un département, alors même que nous souhaitons réaffirmer le principe de libre administration de toutes les collectivités.

Dans ces conditions, et pour toutes les raisons que nous venons de développer, nous voterons contre cet amendement et les suivants.

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Je reviendrai tout d’abord un instant sur la conférence des exécutifs et sur la clause générale de compétence.

Chacun ici est d’accord pour réaffirmer ce principe. Chacun souhaite qu’il perdure et espère l’assumer. Permettez-moi simplement de vous rappeler la dure réalité : du fait de la raréfaction des moyens financiers, les collectivités locales vont rencontrer des difficultés qui les conduiront à se concentrer sur leurs compétences obligatoires, au détriment de leurs compétences optionnelles.

La clause générale de compétence restera un concept sans doute réel, mais il aura de moins en moins de traductions pratiques, faute de moyens et de combattants.

Maintenant, pourquoi avons-nous déposé un amendement sur les pôles métropolitains ? Si nous l’avons fait, c’est parce que la loi est floue sur la répartition des compétences.

À cet égard, je me souviens du débat sur la loi du 13 août 2004 de Jean-Pierre Raffarin : les régions devaient se voir confier un rôle réel de « chef de filat » dans le domaine économique, puis il n’en a plus été question. Désormais, tout le monde fait de l’économie. Or, alors que certains territoires sont riches, d’autres pauvres, comment adopter des mesures économiques et déterminer des options communes, que ce soit dans le domaine de la recherche, des transports, de l’industrie ou des sites de reconversion, sans réunir tous les acteurs autour d’une même table ? Actuellement, rien ne les oblige à le faire. En l’absence d’une conférence permettant à tous les acteurs de participer aux choix et aux décisions les concernant, nous n’avancerons pas.

À l’inverse, si les régions et les départements ne font pas partie de ces pôles, ils deviendront de simples guichets. Lorsqu’une agglomération ou un pôle métropolitain aura pris une décision, les régions et les départements devront payer sans avoir été associés au débat et à la concertation. Tout cela est pour le moins incohérent, inefficace, et ne fera pas avancer les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Nous en appelons à la cohérence. Ces amendements ont un sens : ils s’inscrivent dans le droit fil des conclusions de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales que vous aviez vous-même mise en place, monsieur le président.

M. Jacques Mézard. À défaut de revoyure, il est bon de faire de la relecture, fut-elle rapide. (Sourires.)

Au préalable, je rappelle que la création du conseiller territorial est intervenue au dernier moment sur proposition de notre collègue Charles Guené, qui a par ailleurs suggéré que celui-ci soit élu au scrutin uninominal majoritaire dans les zones urbaines et au scrutin proportionnel dans les zones rurales.

Sur le conseiller territorial, je vous invite à relire les pages 47 à 57 du rapport de la mission. Il est écrit, à la page 57 : « la mission n’a pas retenu cette solution parmi ses propositions ». Malheureusement, la création du conseiller territorial a finalement été décidée.

Je constate néanmoins qu’il n’y a pas d’antagonisme entre le conseiller territorial et le conseil régional des exécutifs. Vous seriez donc cohérents, mes chers collègues, en votant ces amendements. En outre, vous ne remettriez pas en cause la création du conseiller territorial, même si nous y sommes opposés.

J’ajoute que je ne comprends pas la position de M. le rapporteur, encore moins celle de M. le ministre. Notre seule préoccupation est de clarifier les compétences entre les collectivités et de permettre une collaboration entre les différents échelons territoriaux, de façon consensuelle, afin de mieux maîtriser la dépense locale et de mieux travailler pour nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, pour explication de vote.

M. Jacques Berthou. À l’instar de mes collègues, j’interviendrai sur ce débat de fond en m’appuyant sur les travaux de la mission que vous aviez mise en place, monsieur le président, et dont ont fait partie Claude Belot, Yves Krattinger, Jacqueline Gourault et Pierre-Yves Collombat.

Cette mission a suscité beaucoup d’espoir, comme j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte dans ma région, à l’occasion de son déplacement à Lyon.

Alors que la réforme des collectivités territoriales inquiète beaucoup, tout comme celle de la fiscalité, après laquelle elle intervient, la mission sénatoriale était apparue comme une lueur d’espoir, car elle était constituée de personnalités de tous bords, qui proposaient des solutions et portaient un autre regard sur les propositions de M. le Président de la République et du Gouvernement. Elle faisait l’unanimité.

Finalement, alors que les propositions de cette mission ne sont pas prises en compte, les départements et les régions sont de nouveau inquiets, comme me le font savoir nombre des électeurs de mon département.

Les cinq amendements que nous vous proposons, mes chers collègues, vont dans le sens des propositions de cette mission, qui était parvenue à un consensus. C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de les voter.

M. le président. Nous procéderons demain à la mise aux voix de ces amendements par scrutin public au début de la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Articles additionnels avant le chapitre Ier (avant l’article 1er AA) (début)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Articles additionnels avant le chapitre Ier (avant l'article 1er AA) (début)

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 30 juin 2010 à quinze heures et le soir :

1. Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (n° 527, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois (n° 559, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 560, 2009-2010).

Avis de M. Jacques Legendre, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 573, 2009-2010).

Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 574, 2009-2010).

Rapport d’information de Mme Michèle André, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 552, 2009-2010).

2. Clôture de la session ordinaire.

À seize heures quinze, allocution de fin de session ordinaire de M. le président du Sénat

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART