Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement tend à rétablir la consultation des populations concernées par une fusion de communes.

Nous considérons que cette consultation doit être obligatoire. La création d’une commune nouvelle pourrait avoir lieu si, et seulement si, la participation à ce scrutin est suffisante pour être représentative et si, parmi les participants au vote, un nombre important de suffrages s’exprime en faveur du projet de fusion.

La rédaction antérieure de cet alinéa 13 accordait aux citoyens des communes le droit de regard qui leur est dû, puisque la création de la commune nouvelle était subordonnée à l’approbation de la population, avec une participation au scrutin de la moitié au moins des électeurs inscrits et sous réserve que la majorité absolue des suffrages exprimés représente au moins un quart des électeurs inscrits. Nous proposons donc de rétablir la rédaction antérieure.

De plus, il me paraît dommage de se priver de l’adhésion populaire dans ce cadre, car elle est à la base même de la démocratie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si le conseil municipal n’obtient pas l’approbation de la population, c’est bien ennuyeux ! Mais s’il l’obtient, c’est un formidable encouragement à la fusion. Il me semblerait donc totalement contre-productif de se priver de la participation de la population au processus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 373.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, sur cette question des communes nouvelles, vous allez à rebours du sens de l’histoire.

En effet, nous avons déjà connu ce que j’appellerai « l’épisode Marcellin ». La loi Marcellin avait pour objectif de réduire le nombre de communes en opérant un certain nombre de rapprochements, fusions, associations, etc. Cette loi a été un échec et j’ai l’impression que vous voulez nous la revendre sous une autre forme.

Or, entre-temps, un changement considérable a eu lieu, et les lois de 1992 et 1999 ont permis d’unir les communes autour de projets librement consentis : les communautés de communes et les communautés d’agglomération. Ces solutions ont rencontré un tel succès que nous avons assisté, en dix ans, à la révolution tranquille de l’intercommunalité. S’il y a un point sur lequel nous sommes tous d’accord dans cette assemblée, c’est bien l’achèvement de la carte de l’intercommunalité !

Grâce à ces lois, nous avons pu progresser. Les communautés de communes fonctionnent bien – même si elles pourraient fonctionner mieux, bien sûr ! – parce qu’elles ont permis de conserver les communes existantes. En effet, les Français sont profondément attachés à leur commune : le cœur de la République bat dans les communes ! Les communautés permettent aux communes de coopérer de manière efficace tout en préservant leur existence.

Si vous voulez absolument conserver la possibilité de créer des communes nouvelles, nous ne nous y opposons pas, mais sous deux conditions : premièrement, que les conseils municipaux expriment leur accord unanime ; deuxièmement, que les électeurs, dans leur majorité, acceptent le projet de fusion.

En effet, sur un sujet aussi « républicainement sacré », comme aurait pu dire Charles Péguy,…

M. Adrien Gouteyron. Excellente référence… pour une mauvaise cause !

M. Jean-Pierre Sueur. … nous devons dire, et écrire, que l’on ne peut pas disposer d’une commune sans le vote démocratique de ses habitants, car la commune est dans notre cœur ! Je pense que nous sommes très nombreux à le penser au sein de cette assemblée.

M. le président. L’amendement n° 125, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et Beaufils, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je me laissais emporter par le discours de notre collègue, mais Péguy n’est pas vraiment ma tasse de thé… (Sourires.)

M. Adrien Gouteyron. Quel dommage ! Il était socialiste à une époque où cela avait encore un sens !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous souhaitons supprimer l’alinéa 14 de cet article 8, qui vise le cas où les communes concernées par la création d’une commune nouvelle ne se situeraient pas dans le même département ou la même région.

Le projet de loi prévoit la possibilité de modifier le périmètre d’un département et d’une région au nom de la création d’une commune nouvelle. Nous avions déjà dénoncé en première lecture cette disposition, qui pourrait avoir pour conséquence de contraindre les habitants à renoncer non seulement à leur commune, mais également à leur département, voire à leur région. La majorité fait vraiment peu de cas de l’attachement de nos concitoyens à leurs territoires : elle est même prête à le sacrifier pour des motifs peu intéressants. Encore une fois, ce projet de loi ignore l’enracinement des institutions, l’attachement des populations, etc.

D’un point de vue institutionnel, cette disposition exprime le mépris du pouvoir exécutif à l’égard des départements et même des régions. M. le rapporteur, en première lecture, avait émis un avis défavorable sur l’amendement tendant à supprimer cette disposition : il estimait que la commission avait renforcé les garanties accordées aux départements et aux régions en prévoyant leur accord et, à défaut, l’intervention du législateur. En réalité, même si les populations des départements et des régions concernés ne sont pas d’accord, elles seront impuissantes quant à la création de la commune nouvelle.

L’Assemblée nationale a d’ailleurs fixé aux régions et aux départements un délai de deux mois pour approuver la modification de leurs limites territoriales découlant de la création d’une commune nouvelle par fusion de communes situées dans des régions ou des départements différents. Passé ce délai, leur avis sera réputé favorable. Une telle disposition relève quasiment de la contrainte.

Nous considérons que les communes doivent respecter les limites départementales et régionales existantes, même si vous avez l’intention de supprimer les départements et de regrouper les régions : nous aurons tout loisir de débattre de ces questions ultérieurement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La philosophie de la commission des lois – et je réponds ainsi à M. Sueur – consiste à garantir que les communes ne puissent fusionner qu’avec l’accord de tous les conseils municipaux concernés. La commission a par ailleurs émis un avis favorable sur les amendements tendant à rétablir la consultation des électeurs.

Compte tenu de ce rappel, je ne vois pas pourquoi l’initiative de la fusion ne pourrait pas appartenir à plusieurs autorités. D’ailleurs, il peut être souhaitable, dans certains cas, qu’un préfet ou un sous-préfet joue le rôle de facilitateur. Si un préfet souhaite faire fusionner deux communes, et si les deux communes ne sont pas d’accord, il suffit que les conseils municipaux délibèrent en ce sens ou que les électeurs expriment leur refus lors du référendum. Pourquoi devrions-nous restreindre le droit d’initiative ? Cette intervention extérieure est même souvent utile dans le cas des communes rurales…

Nous ne sommes donc plus du tout dans le cas prévu par la loi Marcellin ! Au contraire, l’intervention de tierces personnes peut permettre une négociation. Je suis donc personnellement tout à fait favorable à ce que l’initiative puisse être prise par un maximum d’instances. Pour toutes ces raisons, les amendements nos 502 rectifié, 123, 504 rectifié et 372 ne peuvent que recueillir un avis défavorable de la part de la commission.

À l’inverse, et dans la même logique, la commission des lois a émis un avis favorable sur les amendements nos 124 et 373, qui tendent à rétablir la consultation des électeurs.

En ce qui concerne les nouvelles communes qui ne respecteraient pas les limites départementales ou régionales, je ne vois pas pourquoi on empêcherait deux communes riveraines, qui n’appartiennent pas au même département, de fusionner. Ces communes rencontrent souvent les mêmes problèmes ; en général, elles ne sont séparées que par un pont. Si les deux conseils municipaux sont d’accord, si les populations ont voté en ce sens, je ne vois pas pourquoi on les empêcherait de fusionner, sous prétexte qu’elles n’appartiennent pas au même département ou à la même région.

Il se trouve que la communauté d’agglomération de Mâcon, ville dont je suis maire, est bordée par la Saône. Sur l’autre rive, la commune de Saint-Laurent-sur-Saône, qui compte 1 200 habitants, est située dans le département de l’Ain et dans la région Rhône-Alpes. Cette séparation pose d’énormes problèmes dans la vie quotidienne aux habitants de cette commune. Pour obtenir une carte grise, ils doivent se rendre à la préfecture de l’Ain ; les enfants inscrits au lycée de Mâcon ont les vacances scolaires de la région Bourgogne, quand leurs frères et sœurs inscrits au collège dans le département de l’Ain, ont les vacances de la région Rhône-Alpes. Si la population demande ce rattachement et si les conseils municipaux expriment leur accord, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas intervenir !

Si la démarche était autoritaire, je vous rejoindrais, madame Borvo Cohen-Seat, mais son caractère volontaire est garanti par la délibération concordante des conseils municipaux et la consultation des électeurs : la démocratie est donc respectée. Au contraire, il serait antidémocratique de refuser de constater le résultat de ce vote. Bien sûr, il convient de consulter les départements et la région concernés, pour que la situation soit parfaitement claire.

Au nom de la commission des lois, j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 125.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Avant de répondre à l’ensemble des auteurs de ces amendements, je souhaiterais tout d’abord communiquer au Sénat la teneur d’une décision que le Conseil constitutionnel vient de rendre aujourd’hui sur une question prioritaire de constitutionnalité. Dans le quatrième considérant de cette décision, le Conseil estime que « la décision de procéder à la fusion de communes ne constitue pas un acte portant atteinte à la libre administration des collectivités territoriales ».

M. Jean-Pierre Sueur. Tout dépend des conditions dans lesquelles elle intervient !

M. Michel Mercier, ministre. Je me borne à lire la décision du Conseil constitutionnel…

M. Michel Mercier, ministre. Vous pouvez vous en moquer, monsieur Collombat,…

M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne nous moquons jamais des décisions du Conseil constitutionnel ! Jamais !

M. Pierre-Yves Collombat. On ne s’en moque pas, on en pleure !

M. Michel Mercier, ministre. … sauf que la Constitution dispose que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à tous !

M. Pierre-Yves Collombat. Une décision inique peut s’imposer à tous…

M. Michel Mercier, ministre. Nous respectons donc tous les décisions du Conseil constitutionnel et il me semble normal de rappeler les termes mêmes de cette décision qui vient d’être prononcée. À chacun de l’interpréter ensuite comme il l’entend !

Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 502 rectifié, qui tend à conditionner la création d’une commune nouvelle à l’accord unanime des conseils municipaux concernés et à supprimer l’initiative des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, ou des préfets.

Sur cette question, il faut tout de même faire une distinction entre l’initiative et la décision.

La décision n’appartient qu’aux conseils municipaux. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.) Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, pour avoir, comme la plupart d’entre vous, une pratique déjà longue des problématiques locales, je sais que des maires demandent parfois au préfet de prendre l’initiative sur un dossier qu’ils approuvent. Cela arrive même assez souvent dans la réalité. Je crois qu’il ne faut pas se priver de cette possibilité, qui peut faciliter la tâche des maires.

Il ne s’agit pas de prévoir que le préfet élabore un schéma d’ensemble. Nous n’en sommes plus à la « loi Marcellin » : il n’y a pas de schéma ! Nous souhaitons simplement donner aux préfets, qui connaissent bien le territoire, ont l’intuition des actions à mener et sont à la disposition des élus locaux, une possibilité d’intervention.

Notre réponse est identique pour les amendements nos 123, 504 rectifié et 372, sur lesquels j’émets un avis défavorable.

J’en viens aux amendements identiques nos 124 et 373, qui ont reçu un avis favorable de la commission. Je rappelle que le Gouvernement a accepté, à l’Assemblée nationale, une position qui est celle de l’Association des maires de France, l’AMF. Que cette position soit la bonne ou pas, elle a été exprimée par les élus locaux et a donné lieu à un accord à l’Assemblée nationale. Je ne pense pas qu’il faille revenir sur cet accord.

Néanmoins, le Sénat est souverain et, dans l’hypothèse où il souhaiterait adopter ces amendements, il appartiendra à l’Assemblée nationale de prendre sa position en deuxième lecture.

Par conséquent, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces amendements nos 124 et 373.

Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 125.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° 502 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. Mon explication de vote concernera l’ensemble des amendements, monsieur le président.

Je n’ai pas la même lecture de l’article 8 que certains de mes collègues et je vois un intérêt à l’élargissement de l’initiative en matière de création de communes nouvelles.

Nous rencontrons tout de même de sérieuses difficultés en matière d’aménagement du territoire ! Pour un département comme le mien, qui en jouxte six autres et comprend des communes appartenant à un bassin de vie incontestablement situé dans un département voisin – la Mayenne, l’Eure, l’Eure-et-Loir ou le Calvados –, il est extrêmement important que ces communes nouvelles puissent intégrer des communes issues de départements différents.

Je ne crois pas que cela remette en cause la réalité des frontières départementales pour les élections ou l’équilibre politique. Il s’agit simplement de raisonner en termes de bassin de vie, notion à laquelle je suis extrêmement favorable car elle permet de régler un certain nombre de problèmes.

Mes chers collègues, je ne vais pas vous dresser l’inventaire des difficultés que rencontre mon département avec ses communes périphériques, celles-ci n’ayant rien à voir avec son chef-lieu, au demeurant fort mal placé.

Je suis donc très favorable à cet article 8, sous réserve de l’adoption des deux amendements qui tendent à prévoir, outre les délibérations des conseils municipaux, la consultation des personnes inscrites sur les listes électorales. Ce point est important.

Dans le même temps, je n’imagine pas du tout que des maires ou des conseils municipaux prennent la responsabilité d’engager un processus de création d’une commune nouvelle sans en informer les populations, étant précisé que ces créations concerneront plutôt des communes moyennes, et non des villes très importantes.

Je suis donc favorable à ces deux amendements, défavorable à l’ensemble des autres amendements et très favorable à l’article 8, dans la mesure où il permet d’évacuer des litiges et des problèmes liés à des frontières départementales totalement périmées dès lors que l’on raisonne – enfin ! – en termes de bassin de vie.

Nous attendons depuis longtemps que cette notion de bassin de vie soit prise en compte. Un certain nombre de communes ne peuvent absolument pas travailler parce que des frontières départementales sont beaucoup plus complexes à traverser que des frontières nationales. Ainsi, des intercommunalités du nord de la France, telle que la communauté urbaine de Lille, collaborent de façon transfrontalière avec des communes belges beaucoup plus facilement qu’on ne collabore entre l’Orne et le Calvados ou entre l’Orne et la Mayenne.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.

M. Adrien Gouteyron. Je souhaiterais simplement quelques éclaircissements, car, monsieur le ministre, une question me vient à l’esprit. La fusion de deux communes n’appartenant pas au même département aura évidemment des répercussions sur les circonscriptions établies pour l’élection des députés. J’ai cru comprendre que, s’agissant des conseillers territoriaux, on avait le souci, légitime, me semble-t-il, de respecter les circonscriptions. Mais, dans ce cas précis, quelles seront les conséquences et comment les traitera-t-on ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce point pourra être examiné dans le cadre d’une loi électorale.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Gouteyron, le texte de la commission des lois, dont nous débattons, répond naturellement à votre interrogation. D’ailleurs, on ne peut pas imaginer que la commission des lois n’ait pas relevé cette question et n’y ait pas répondu.

Ainsi, l’alinéa 14 de l’article 8 du projet de loi tend à prévoir que « lorsque les communes concernées par une demande de création d’une commune nouvelle ne sont pas situées dans le même département ou dans la même région, la décision de création ne peut être prise qu’après modification des limites territoriales des départements ou régions concernés par décret en Conseil d’État pris après accord des conseils généraux et des conseils régionaux concernés ».

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà un éclairage plus intéressant, puisqu’il conduit tout le monde à s’interroger sur de possibles modifications de circonscriptions ! Je crois donc qu’il est prudent d’attendre…

Je voudrais également intervenir sur l’ensemble de ces amendements et des réponses qui nous sont apportées à l’occasion de leur examen.

Monsieur le ministre, le fait qu’un conseil municipal demande l’aide du préfet pour faciliter le processus engagé avec ses collègues voisins n’a rien de choquant. D’ailleurs, il ne demandera l’avis de personne, notamment pas celui des ministres, pour le faire.

Mais, vous le voyez bien, nous ne parlons pas de la même chose. Il y a, dans votre dispositif, un parfum de reprise en main par les préfets qui n’est pas de bon goût à une époque où la question démocratique est vraiment posée partout, à tous les niveaux de nos institutions.

Quant à notre amendement n° 124, auquel la commission des lois est favorable, monsieur le ministre, vous nous renvoyez à l’opposition des députés à cette disposition.

Que les députés ne se prononcent pas en faveur de la consultation des populations, cela me paraît complètement extravagant !

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il me semble donc que le point de vue du Sénat devrait prévaloir et, peut-être, éclairer les députés sur le fait qu’ils doivent respecter le vote des citoyens.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a un point qui, sans doute, nous empêchera de voter cet article 8 : l’initiative laissée aux préfets. Nous considérons en effet que la commune est la cellule de base de la démocratie et qu’un projet visant à créer une commune unique à partir de plusieurs communes doit, par essence, procéder de la seule volonté communale.

D’ailleurs, si l’on avait voulu inscrire dans la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République que les périmètres des communautés de communes étaient fixés par le préfet, cette loi n’aurait jamais vu le jour (Mme Nathalie Goulet s’exclame.), parce que le Sénat ne l’aurait pas votée. Pour avoir défendu le projet de loi devant la Haute Assemblée, je m’en souviens très bien : le texte a été adopté parce que le choix d’adhérer ou de ne pas adhérer était du seul ressort de chacune des communes concernées, et la configuration de l’ensemble créé du seul ressort des communes acceptant de se constituer en communauté de communes.

Notre très regretté Philippe Séguin estimait, dans un rapport de la Cour des comptes, que si les préfets avaient défini les périmètres des communautés de communes, le résultat eût sans doute été plus rationnel. Certes ! Mais il n’y aurait eu, en fait, ni périmètre, ni communauté de communes, ni progrès de l’intercommunalité.

En d’autres termes, nous ne progressons que par la libre volonté des communes et, si l’on veut tout rationaliser du point de vue du représentant de l’État, aucun progrès n’est réalisé dans ce domaine. (Mme Nathalie Goulet s’exclame de nouveau.)

La commune, c’est le cœur de la démocratie !

Voilà pourquoi il est très important, à nos yeux, que la logique d’une commune nouvelle ne puisse émaner que de la volonté communale.

Je tenais à donner cette explication, ce qui me dispensera d’une seconde explication de vote, et je sais, monsieur le président, que vous serez sensible à cette attention.

S’agissant précisément des amendements nos 124 et 373, je voudrais remercier le président, le rapporteur et tous les autres membres de la commission des lois, car nous avons eu un débat très positif et approfondi en commission et nous avons collectivement décidé – à une large majorité, je crois – d’en revenir à notre position de première lecture.

Cette position est la suivante : la commune est « républicainement sacrée », à tel point qu’aucune commune nouvelle ne peut être créée à partir de communes existantes sans l’accord d’une majorité des électeurs dans chacune des communes concernées.

Il me semble essentiel de tenir bon sur ce point lors de la commission mixte paritaire, si, comme je l’espère, le Sénat suit la commission des lois dans son choix. C’est effectivement une question de principe absolument fondamentale. On ne peut pas disposer de l’existence et du devenir d’une commune sans consulter ses habitants et sans que les électeurs se prononcent.

Tout en ayant exprimé notre désaccord sur un point, le rôle du représentant de l’État, je tiens à saluer la position de la commission des lois. Je crois que, sur le principe, cette position est vraiment excellente !

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 502 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 504 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 372.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 124 et 373.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.

M. Jean-Pierre Sueur. Belle unanimité ! C’est important pour la suite !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 475 rectifié, présenté par MM. Collombat, Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les électeurs d'une commune se prononcent à la majorité absolue contre la création de la commune nouvelle, cette commune n'est pas intégrée à la commune nouvelle.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement s’inscrit dans la suite logique de l’amendement n° 373 que nous venons d’adopter à l’unanimité. Il précise que, lorsque les électeurs d’une commune se prononcent à la majorité absolue contre la création d’une commune nouvelle, cette commune n’est pas intégrée à la commune nouvelle. Mais, comme Jean-Pierre Sueur l’a dit tout à l’heure, les communes doivent pouvoir se prononcer à la majorité simple sur la création de la commune nouvelle, afin que celles qui veulent s’unir ne soient pas empêchées de le faire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je ne comprends plus ! Nous venons d’adopter l’amendement qui vise à organiser la consultation préalable. Si les habitants d’une commune sont contre la création de la commune nouvelle, il ne se passe plus rien ! Cet amendement doit donc être retiré, car il est tout à fait inutile.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il tombe !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes tellement convaincus…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Compte tenu du vote que le Sénat vient d’exprimer sur l’amendement n° 373, « la création de la commune nouvelle est subordonnée à la consultation de l’ensemble des personnes inscrites sur les listes électorales dans chacune des communes concernées ». Si j’ai bien compris l’amendement que nous propose M. Collombat, dans l’hypothèse où trois communes seraient concernées, une dans laquelle les électeurs se seraient prononcés à la majorité absolue contre la création de la commune nouvelle, les électeurs des deux autres communes s’étant prononcés pour, il serait possible de créer une commune nouvelle avec les deux qui en sont d’accord et de ne pas intégrer celle qui s’y refuse.

M. Pierre-Yves Collombat. Vous avez tout compris ! C’est un dispositif plus souple.

M. Michel Mercier, ministre. C’est la raison pour laquelle je n’étais pas très favorable à l’amendement n° 125 qui introduisait un certain flou et c’est pourquoi je m’en remettrai à la sagesse du Sénat sur cet amendement n° 475 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il ne faut pas se tromper. La consultation a lieu pour des communes qui veulent fusionner. Imaginons, par exemple, le cas où, sur quatre communes, l’une refuse d’être intégrée. On ne peut pas considérer que les trois autres sont d’accord pour opérer une fusion à trois communes puisqu’elles ont été consultées pour une fusion à quatre.

M. Nicolas About. Effectivement !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il faut recommencer la procédure. C'est la raison pour laquelle je considère que cet amendement ne sert à rien !

M. le président. Monsieur Collombat, l'amendement n° 475 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre-Yves Collombat. Aux termes de l’amendement n° 373, lors de la consultation, le projet doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés et le décompte se fait non pas commune par commune, mais sur la totalité des communes concernées…