M. le président. L’amendement n° 305, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les conseillers de chaque assemblée territoriale sont élus dans le cadre d’une élection propre à chacune de ces collectivités.

La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Nous proposons de préciser dans la loi que les conseillers de chaque assemblée territoriale sont élus dans le cadre d’une élection propre à chacune de ces collectivités : cet amendement complète d’une certaine manière celui que vient de nous présenter Alain Anziani.

Les principes de respect de l’autonomie des collectivités territoriales et de l’absence de tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre, inscrits dans la Constitution et dans la loi, imposent que chaque collectivité territoriale dispose d’élus qui lui soient propres. Qui plus est, il convient également, afin de s’assurer d’une réelle organisation décentralisée, que les conseillers de chaque assemblée soient élus dans le cadre d’une élection spécifique : une élection commune à deux assemblées ne permet pas le respect du principe d’interdiction des tutelles.

En outre, en confondant le conseiller général et le conseiller régional en un conseiller territorial, on dépouille les conseillers généraux, qui sont pour ainsi dire « passés à la moulinette » alors que leur charge de travail demeure la même. En revanche, les conseils régionaux voient leurs effectifs enfler au point de devenir des assemblées pléthoriques, alors que, là aussi, la charge de travail demeure inchangée. L’injustice est criante entre des effectifs qui seront d’un côté pléthoriques et de l’autre totalement insuffisants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. le président. J’informe le Sénat que les Pays-Bas mènent par trois buts à un face à l’Uruguay dans le match de demi-finale de la Coupe du monde qui se joue en ce moment-même. (Sourires.)

L’amendement n° 306, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque collectivité territoriale est administrée par un conseil dont l’élection donne lieu à un scrutin spécifique.

La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement tend à ce que chaque collectivité territoriale soit administrée par un conseil dont l’élection donne lieu à un scrutin spécifique. Il est donc en totale cohérence avec les deux amendements, nos 304 et 305, qui viennent d’être défendus, puisqu’il porte lui aussi sur le principe constitutionnel relatif à l’autonomie des collectivités territoriales, qu’il importe de respecter de la façon la plus rigoureuse possible. Cela implique en particulier l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre.

Tout cela est inscrit dans la Constitution, tout cela est inscrit dans la loi et, bien évidemment, nous impose de voir chaque collectivité territoriale disposer d’élus qui lui soient véritablement propres. En conséquence, cet amendement vise à exiger que chaque collectivité soit administrée par un conseil dont l’élection donne lieu à un scrutin spécifique.

Là encore, notre souhait est clair : aller toujours plus loin en matière de clarification, et ce dans tous les domaines. Or cette création de conseiller territorial, de par sa nature même, de par son essence, est porteuse de confusion dans tous les domaines, en particulier sur la question du mode de scrutin.

Ce mode de scrutin a animé une grande partie de nos débats en première lecture, une grande partie également de ceux de l’Assemblée nationale, ce qui démontre qu’il ne s’impose à personne de manière tout à fait naturelle et qu’il est fortement contestable.

Le conseiller territorial, je le répète, n’était attendu par personne, n’était revendiqué par personne, et si l’on avait procédé, en amont, à plus de consultations, plus de concertation, notamment avec les grandes associations nationales d’élus, la confusion dont il est question aujourd’hui aurait été très largement évitée.

On se souvient que la première mouture prévoyait un scrutin mixte, avec 80 % des conseillers territoriaux élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour et les 20 % restants à la proportionnelle. Mais l’effet pervers qu’elle induisait était inacceptable : l’existence possible d’élus par défaut, d’élus « hors sol » en quelque sorte, puisque les simulations démontraient de façon éclatante que l’on pouvait arriver à ce que siègent des élus, mais également des présidents d’assemblées ne pouvant s’appuyer sur aucune légitimité démocratique, et certainement pas sur celle que confère le bulletin de vote.

Un peu plus tard, nous avons assisté à un nouvel épisode : le 5 mai, le bureau politique de l’UMP tranchait en faveur d’un scrutin majoritaire à deux tours « sec », c’est-à-dire excluant les triangulaires. La ficelle nous a paru tout de même un peu grosse, dans la mesure où l’objectif suivant, semble-t-il, était une extension probable de ce mode de scrutin au scrutin législatif.

Là encore, les visées électoralistes l’emportaient et écartaient la dose de proportionnelle pourtant adoptée en première lecture au Sénat. Une nouvelle fois, un principe démocratique, celui de la représentativité la plus équitable possible, se trouvait dominé par une donnée électoraliste et partisane éclatante.

La commission des lois du Sénat, en seconde lecture, a rejeté le mode d’élection du conseiller territorial au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. C’est bien évidemment la raison qui l’a emporté : on ne peut transposer au niveau local un mode de scrutin qui s’applique au niveau national.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Jacques Lozach. Le seuil de 12,5 % pour accéder au second tour ne permet pas de respecter la diversité des choix des électeurs.

M. le président. C’est terminé, monsieur Lozach !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En plus, ce sont des propositions irrecevables !

M. Jean-Jacques Lozach. Nous entendons que soit prise en compte la particularité de l’organisation territoriale décentralisée de la République.

M. le président. L’amendement n° 308, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’autonomie des régions est garantie par l’élection de conseillers qui leur sont spécifiques.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. La région est vraiment un fleuron de la décentralisation que l’intelligence visionnaire de grands hommes – Gaston Defferre, Pierre Mauroy… – a fait émerger. Elle nous hisse à la hauteur de territoires européens. Elle donne sens à la vraie décentralisation, celle qui se construit sur la démocratie.

La région a fait vivre la démocratie, contractualisant avec l’État ses choix, par le biais des contrats de plan, assurant les liens avec les départements, les communes, les pays, par le biais des cofinancements et d’une juste répartition des rôles, garantissant la diversité politique et la parité dans ses assemblées.

Les régions ont montré ce qu’elles savaient faire, grâce à des élus disponibles. Elles ont ainsi assuré le désamiantage des lycées, que l’État avait transférés contaminés. Elles ont repris la gestion du TER, le transport express régional, alors que la SNCF ne savait même pas donner des comptes où se distinguerait le coût de l’exploitation dans chaque région du coût du matériel ou des dépenses du siège central : cette prise de responsabilité du TER a permis enfin de régler les fréquences sur les besoins des usagers, de réhabiliter les gares, d’augmenter la fréquentation, de commander du matériel et de sauver des milliers d’emplois. Enfin, elles ont animé la coopération Nord-Sud, avec des partenariats de société à société et non pas simplement des jumelages d’élus.

Voilà de l’autonomie économe, efficace, bien comprise ! Et vous voudriez remplacer ses conseillers par des conseillers consubstantiellement modifiés, bivalents et cumulards, éloignant de fait les conseillers régionaux des missions où ils excellent pour qu’ils aillent se mêler de missions sociales où excellent d’autres conseillers, départementaux ceux-là ?

Notre amendement est donc solennel. Il prêche cette autonomie et la sauvegarde en l’état des conseillers régionaux, que je vous invite, mes chers collègues, à soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L’amendement n° 318 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’autonomie des départements est garantie par l’élection de conseillers qui leur sont spécifiques.

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Cet amendement, qui se situe dans la ligne droite des interventions précédentes, vise à insérer un article additionnel affirmant que l’autonomie des départements doit être garantie par l’élection de conseillers qui leur sont spécifiques.

Il trouve sa motivation profonde dans le principe constitutionnel d’interdiction de l’exercice d’une tutelle par une collectivité territoriale sur une autre, et nous mesurons combien la création de cet élu, régulièrement qualifié d’être « hybride » ou « à deux têtes », commun à plusieurs collectivités, violerait automatiquement cette disposition constitutionnelle.

M. le président. L'amendement n° 319 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'absence de tutelle de la région sur le département est garantie par l'élection de conseillers qui sont spécifiques à chacune de ces collectivités.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Par cet amendement tendant à insérer un article additionnel, nous souhaitons préciser que l’absence de tutelle de la région sur le département est garantie par l’élection de conseillers qui sont spécifiques à chacune de ces collectivités.

Cet amendement met en œuvre le principe de non-tutelle posé par la première phrase du cinquième alinéa de l’article 72 de la Constitution : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. »

La création du conseiller territorial ne permet pas de respecter cette disposition constitutionnelle. En effet, créer un élu qui siégerait à la fois au conseil général et au conseil régional revient à prendre automatiquement le risque que cet élu, conseiller général à certains moments, et conseiller régional à d’autres, confonde ses responsabilités et fasse, un jour ou l’autre, primer les intérêts d’une collectivité sur une autre.

Le seul moyen d’éviter ce risque est, à notre sens, de renoncer à la création du conseiller territorial. La commission ayant déjà supprimé l’article 1er A, nous sommes sur le bon chemin, et il nous faut poursuivre dans cette voie.

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter, sans sourciller, cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 320 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet et Bel, Mme Alquier, MM. Andreoni, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Collomb, Collombat, Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Frimat, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Lagauche, Le Menn, Lozach, Madec, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Povinelli, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'absence de tutelle du département sur la région est garantie par l'élection de conseillers qui sont spécifiques à chacune de ces collectivités.

La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Si le conseiller territorial ou la conseillère territoriale siège à la fois au conseil général et au conseil régional, cela entraînera de fait une tutelle du département sur la région.

Cet amendement vise à prévoir expressément que l’absence de tutelle du département sur la région est garantie par l’élection de conseillers qui sont spécifiques à chacune de ces collectivités, et ce en application de l’article 72 de la Constitution.

Cet amendement est le pendant du précédent : pas plus que nous ne saurions accepter une tutelle de la région sur le département, nous ne saurions accepter une tutelle du département sur la région !

La création du conseiller territorial fait encourir un sévère risque d’inconstitutionnalité, et on ne peut se permettre de prendre le risque de voir les compétences de la région et du département s’enchevêtrer. Or c’est précisément ce risque que fait courir la création de ce fameux conseiller territorial.

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour la bonne organisation de nos débats, il faudrait, à tout le moins, que nos collègues respectent notre règlement intérieur.

L’article 1er, qui crée le conseiller territorial, a été voté en termes identiques par les deux assemblées.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Aucun des amendements présentés n’est donc compatible avec le vote intervenu ! Normalement, ils devraient de facto être déclarés sans objet. (Tout à fait ! sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Peyronnet. Pourquoi les avoir acceptés ?...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, je vous le fais remarquer gentiment ! Car vous n’êtes pas sans savoir que vos amendements sont en contradiction totale avec les dispositions adoptées !

M. Jean-Claude Peyronnet. Il fallait les déclarer irrecevables !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, le Gouvernement m’avait alerté sur l’irrecevabilité de ces amendements, mais je n’ai pas été assez vigilant….

Toutefois, pour éviter d’avoir des débats confus,…

M. Yves Daudigny. Il n’y a pas besoin de cela pour qu’il en soit ainsi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … je vous supplie, mes chers collègues, de bien vouloir respecter un tant soit peu le règlement de notre assemblée ! J’attends d’ailleurs l’examen de l’amendement n° 307 rectifié pour vous montrer ce que vous en arrivez à nous proposer…

En tout cas, s’il y a de nombreuses explications de vote, je vous préviens, mes chers collègues, que j’invoquerai l’irrecevabilité de ces amendements. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. J’en déduis, monsieur le président, que la commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements ?...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait, monsieur le président !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. M. le président de la commission vient de parler de la forme, mais, pour ma part, je prendrai quelques minutes pour évoquer le fond.

Je formulerai quatre observations.

Premièrement, comme vient de le rappeler M. le président de la commission, le principe d’un élu siégeant dans les assemblées départementales et régionales a été adopté, en première lecture, par le Sénat et l'Assemblée nationale. Il n’y a donc pas lieu de revenir sur ce point.

Deuxièmement, aucune règle constitutionnelle n’impose qu’un élu ne puisse siéger dans des collectivités différentes. Si l’article 72 de la Constitution dispose, d’une part, que « ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus » et, d’autre part, qu’« aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre », la jurisprudence du Conseil constitutionnel n’a jamais interdit que des mêmes élus puissent siéger dans des collectivités différentes. D’ailleurs, il existe déjà des assemblées territoriales constituées d’élus qui siègent dans d’autres assemblées ; je pense, par exemple, à la Nouvelle-Calédonie, qui est un territoire français.

Troisièmement, le comité Balladur, qui a longuement examiné cette question, a estimé – la décision a été prise à l’unanimité de ses membres ! – qu’« il résultait de la jurisprudence constitutionnelle qu’il ne serait pas contraire à la Constitution qu’une seule opération électorale serve à désigner les conseillers départementaux et les conseillers régionaux ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas la même chose !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Autrement dit, cela ne pose aucun problème sur le plan constitutionnel.

Quatrièmement, enfin, puisqu’il faut prendre de grandes références, le Conseil d’État a très clairement estimé, lors de l’examen de ce projet de loi, que « n’était contraire à aucun principe […] la désignation, par un unique scrutin, de conseillers territoriaux destinés à siéger tant au conseil général qu’au conseil régional ».

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 304.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 305.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 306.

M. Pierre-Yves Collombat. Mon explication de vote porte sur les amendements nos 306 et 308.

Nos collègues ont insisté sur le fait que le dispositif proposé risquait de contrevenir à l’article 72 de la Constitution. Certaines des réponses qui nous ont été apportées sont satisfaisantes. Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, que se passera-t-il dans les régions constituées de deux départements démographiquement très hétérogènes, tels que le Nord-Pas-de-Calais, la Haute-Normandie ou l’Alsace ? D’ailleurs, comme le souligne M. Fabre-Aubrespy, que j’aime citer, « l’assemblée régionale est formée fondamentalement de la réunion de conseils généraux. » Certes, je sais bien que vous réglerez ce problème, car le Conseil constitutionnel sait, à n’en pas douter, s’adapter…

Toutefois, je tiens à attirer votre attention sur un autre point, mes chers collègues.

Tout à l’heure, notre collègue Jean-René Lecerf, avec lequel je suis d’habitude plutôt d’accord, a déclaré que chaque mode de scrutin avait ses avantages et ses inconvénients, …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est-à-dire tout et son contraire !

M. Pierre-Yves Collombat. … nous rappelant que le scrutin majoritaire était plus efficace et que le scrutin proportionnel était plus juste.

S’agissant de l’efficacité, je suppose que, comme son nom l’indique ou semble l’indiquer, le scrutin majoritaire implique l’existence de majorités. Mais, en l’espèce, ce ne sera pas forcément le cas !

Les amateurs de littérature un peu curieuse ont peut-être lu quelques pages du rapport d’information que j’ai commis sur ce sujet !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Excellent rapport !

M. Pierre-Yves Collombat. À examiner d’un peu plus près les modes de scrutin envisagés pour l’élection du conseiller territorial, il apparaît que plus un mode de scrutin majoritaire assure des majorités stables au niveau départemental, plus il les rend aléatoires au niveau régional.

Avec le mode de scrutin qui nous est proposé, on risque, j’aurai l’occasion d’y revenir, de ne plus avoir l’assurance de disposer d’une majorité au niveau régional, comme c’est actuellement le cas. Mon cher collègue, lors des dernières élections britanniques, on a pu constater qu’aucune majorité ne s’était dégagée même avec un scrutin aussi rigide que le scrutin uninominal à un tour.

Si vous examinez les résultats en détail, vous vous apercevrez que le parti libéral a eu moins de sièges que ne pouvait le permettre le nombre de voix obtenues, tandis que les tout petits partis, les partis nationaliste, écossais, irlandais, catholique, protestant ou que sais-je encore – il y en a toute une pappardelle, comme on dit chez nous ! – ont un résultat en sièges équivalent au résultat en voix obtenues.

J’attire donc votre attention sur le fait que, dans un scrutin majoritaire uninominal, les formations, voire les individualités, qui disposent de bastions locaux pourront être élues. Actuellement, dans les régions gouvernées par des coalitions, où règne un équilibre entre ce que j’appelle « la gauche de Gouvernement » et « la droite de Gouvernement », vous pourrez avoir, avec ce mode de scrutin, j’en fais le pari, des majorités qui seront à la merci d’alliances de bric et de broc avec des formations ultraminoritaires, voire avec des personnalités qui s’assureront un avenir par ce biais-là. (Protestations sur les travées de lUMP.)

C’est mathématique, mes chers collègues ! Vous pouvez faire vos calculs comme vous voulez, avec ce mode de scrutin, si vous assurez une majorité au niveau départemental, avec, par exemple, une prime majoritaire, vous la fragilisez au niveau régional.

M. Michel Mercier, ministre. Il n’y a pas de prime !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous ne pouvez pas assurer en même temps une majorité régionale et une majorité départementale. Ce scrutin dit majoritaire n’est pas toujours majoritaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Je tiens à vous faire part, monsieur le président, de mon indignation à l’égard des propos qui viennent d’être tenus.

Notre collègue vient d’affirmer que les petits partis ou les candidats indépendants ne représentent rien, ajoutant même, pour reprendre les termes employés, qu’ils sont des élus « de bric et de broc ». J’en conclus, monsieur le président, que je suis un sénateur de bric et de broc ! (Exclamations sur diverses travées.)

Mais, dans une démocratie, lorsqu’on recueille suffisamment de suffrages pour être élu, on n’est pas un élu de bric et de broc ! Nous sommes sept sénateurs à faire partie du groupe des non-inscrits, et nous avons tous été élus ! Il est tout de même scandaleux que quelqu’un affirme, dans cette enceinte, que les personnes n’appartenant pas à un parti sont des élus de bric et de broc ! Moi, je le répète haut et fort, je ne suis pas un élu de bric et de broc ! Et je donne d’ailleurs rendez-vous aussi bien à la droite qu’à la gauche au prochain renouvellement sénatorial pour compter les billes !

Cela étant dit, j’en viens à mon explication de vote.

À mon avis, ce projet de loi est globalement entaché d’un certain nombre d’arrière-pensées politiques, et je suis globalement contre. En revanche, je pense que c’est une excellente chose que de prévoir un mode de scrutin unique pour les conseillers généraux et les conseillers régionaux.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ah voilà !

M. Jean Louis Masson. En effet, on assiste actuellement à des conflits permanents au niveau des conseils généraux et des conseils régionaux, …

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas vrai !

M. Jean Louis Masson. … les uns ne sachant pas ce qui se passe dans l’autre assemblée.

Pendant trois ans, j’ai été à la fois conseiller général et conseiller régional, ce qui m’a finalement permis de m’ouvrir et de prendre en compte les problèmes d’un point de vue global. Très honnêtement, je pense qu’une telle situation est une bonne chose. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. J’informe le Sénat que les Pays-Bas ont battu l’Uruguay trois buts à deux. (Exclamations.)

Mes chers collègues, je n’ai aucune prise sur ces événements ! (Sourires.)

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, je souhaite rappeler à notre collègue Pierre-Yves Collombat que les règles qui régissent les modes de scrutin sont des règles tendancielles. Il arrive en effet qu’un scrutin majoritaire, spécialement à un tour, se révèle profondément injuste, en permettant à une minorité de devenir majoritaire en nombre de sièges.

Ce cas de figure s’est déjà présenté en Grande-Bretagne, ainsi que, de manière différente, lors d’une élection présidentielle américaine.

Mais il arrive aussi, et bien plus souvent, que le scrutin proportionnel soit particulièrement injuste.

M. Pierre-Yves Collombat. Je suis d’accord !

M. Jean-René Lecerf. Par exemple, sous la ivRépublique, le scrutin proportionnel aboutissait à des gouvernements de coalition, lesquels, ne menant la politique d’aucun parti, ne représentait plus personne.

Je ferai également une double remarque.

Tout d’abord, cher collègue Anziani, je connais un certain nombre de monstres à deux têtes et à quatre pattes ! Moi qui suis élu d’un département et d’une région ancrés plutôt à gauche, j’observe que certains de mes collègues socialistes sont à la fois conseillers généraux et conseillers régionaux. Parfois même, ils appartiennent également aux exécutifs locaux. Ce sont donc de ces monstres, bien qu’ils n’en aient pas l’apparence !

Ensuite, j’évoquerai le problème de la tutelle, que je connais bien. Il y a fort longtemps, nous pouvions sans doute parler d’une tutelle du mari sur l’épouse, du propriétaire sur le locataire ou du patron sur l’ouvrier. Aujourd’hui, pour ce qui nous occupe, personne n’est capable de dire qui exercerait une tutelle ! Serait-ce la région ou le département ?