M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la création du conseiller territorial, qui a été adoptée en termes identiques par l’Assemblée nationale et par le Sénat, nous semble une hérésie. Loin de constituer une innovation, c’est une régression recentralisatrice.

Le postulat qui est à la base de la création du conseiller territorial me fait un peu peur, car il a des relents de populisme. (Protestations sur les travées de lUMP.) En effet, vous montrez du doigt les élus de la République, en arguant qu’ils sont trop nombreux, qu’ils coûtent trop cher et qu’il faut diviser leur effectif de moitié.

Cela n’est pas, à mon sens, le bon angle pour aborder cette question. Il eût été préférable de parler d’efficacité !

Telle qu’elle est définie, la circonscription des conseillers territoriaux marque la fin de la ruralité et de la démocratie en milieu rural. (M. Bruno Sido s’exclame.)

Pouvez-vous m’expliquer comment il serait possible, avec un conseiller territorial élu dans une circonscription de 20 000 à 25 000 habitants, de maintenir le lien essentiel avec les citoyens ?

M. Bruno Sido. Ce n’est pas un problème !

M. Didier Guillaume. Hier, vous avez voulu débattre de cette question durant toute la soirée. Or ce problème est réglé : ce lien n’existe plus !

M. Bruno Sido. Ce n’est pas vrai !

M. Didier Guillaume. Comment maintenir ce lien, alors que le conseiller territorial devra siéger dans les conseils d’administration des collèges, des lycées et assister à toutes les assemblées générales qui auront lieu sur le territoire de nos régions ?

Comme vous le savez, monsieur le ministre Mercier, puisque nous habitons la même région, pour aller en voiture du sud de mon département, la Drôme, jusqu’au siège du conseil régional, il faut deux heures et demie !

Il n’est pas possible, dans une région comptant 5 millions d’habitants, de travailler le matin au conseil général et l’après-midi au conseil régional. Un seul et même élu ne pourra pas traiter des dossiers aussi différents et résoudre les problèmes spécifiques de chaque territoire ; et je ne parle pas des conflits d’intérêts qui ne manqueront pas d’apparaître…

Lorsque les conseillers généraux siégeront au conseil régional, ils auront tendance à défendre leur territoire départemental. Cela pose un véritable problème !

Nous contestons l’architecture administrative que vous voulez mettre en place, car elle induit une régression, et non une innovation. Avec un conseiller territorial incapable d’assumer sereinement ses fonctions, il ne sera pas possible d’aller de l’avant !

En Rhône-Alpes, dans ma région, il y a 157 conseillers régionaux. Il y en aura 296 demain, si l’on en croit le tableau qui nous a été présenté. Il faudra donc construire un deuxième hémicycle ! Certes, cela donnera du travail aux entreprises de travaux publics…

Nous constatons, objectivement, que la création du conseiller territorial est irréaliste, car cet élu ne pourra pas assumer, à la fois, ses fonctions locales et ses fonctions régionales. Pire, ce dispositif est un retour en arrière, une sorte de recentralisation !

Le groupe socialiste aurait préféré le maintien des conseillers généraux et des conseillers régionaux, ainsi que le rééquilibrage des cantons ; sur ce dernier point, nous sommes d’accord avec vous. On ne peut, en effet, maintenir des cantons dont les écarts vont de 1 à 40.

Des circonscriptions de 20 000 à 25 000 habitants, c’est tout simplement la mort des territoires ruraux ! (Protestations sur les travées de lUMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Vasselle. Il n’est pas inscrit, il n’a pas à intervenir !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne serais pas intervenu si Gérard Longuet n’avait pas tenté, de façon brillante et intelligente, de sauver le conseiller territorial.

Monsieur Longuet, j’ai le plus grand respect pour les militants, pour ceux qui défendent des causes ; après tout, c’est aussi notre cas. Vous avez été courageux de défendre ce conseiller territorial, aujourd’hui quelque peu en souffrance, dont nul ne sait comment il sera élu ni quelles seront ses compétences, monsieur Jacques Blanc. Je vous admire de vous être employé à soutenir cet élu désormais esseulé, tel un drapeau au milieu de la mer, ou un radeau risquant à tout moment de sombrer. Cette tentative méritait d’être saluée !

Vous devriez cependant, mon cher collègue, vous reporter à l’excellent article – vous voyez que je ne suis pas négatif ! – que vous avez publié dans Les Échos, et dans lequel vous vilipendiez « la République des ronds-points ». Vous y dénonciez ces élus qui siègent dans les assemblées pour défendre leurs ronds-points. On pourrait dire aussi « leurs cantons », « leurs territoires », ou encore « les projets du territoire dont ils sont les élus ».

Dans votre intervention, monsieur Longuet, vous avez insisté sur ce qui différencie les Länder allemands et les régions françaises : ces dernières n’ont pas de pouvoir législatif.

M. Bruno Sido. C’est exact !

M. Jean-Pierre Sueur. Toutefois, ce raisonnement présente une faille : dans la mesure où les régions françaises ne détiennent aucun pouvoir législatif, il est impossible d’exiger que l’élu du département et celui de la région soient une seule et même personne. Leurs fonctions n’ont strictement aucun rapport ! De fait, l’argument tombe, comme tombent parfois les amendements ou les feuilles mortes, en automne. (Sourires.)

M. Bruno Sido. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Jacques Blanc. Il a affirmé qu’il pouvait y avoir des inégalités !

M. Jean-Pierre Sueur. Avec le conseiller territorial, qui, nous le savons, est moribond,...

M. Jacques Blanc. Il est en train de naître !

M. Jean-Pierre Sueur. ... je crains que le localisme, qui est d’ailleurs tout à fait respectable – après tout, nous nous honorons de défendre les collectivités territoriales ! –, ne l’emporte à l’échelon régional, comme l’ont fait remarquer mes collègues Didier Guillaume et Yves Daudigny. Or, dans le contexte européen que nous connaissons, nous avons besoin de régions fortes,…

M. Bruno Sido. Surtout plus grandes !

M. Jean-Pierre Sueur. … plus grandes, dotées de davantage de moyens et pourvues d’élus qui ont le désir de défendre l’Université, la science et la recherche chevillé au cœur et au corps.

Monsieur Jacques Blanc, il serait pertinent de défendre, dans votre région, un grand projet méditerranéen avec une perspective européenne et mondiale rayonnante !

M. Jacques Blanc. C’est ce que j’ai fait, mais le maire de Montpellier a tout mis en l’air ! Le Lozérien avait plus d’ambition que le Méditerranéen…

M. Bruno Sido. Il a raison !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous ne pouvez pas prétendre qu’une collection d’intérêts localistes est susceptible de produire cette ambition forte. (M. Jacques Blanc s’exclame.)

M. le président. Ne vous énervez pas, monsieur Jacques Blanc, nous en avons encore pour un moment… (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. J’achèverai mon propos, comme je l’ai commencé, par un éloge de Gérard Longuet, dont vous ne manquerez pas de lui faire part : les chants désespérés sont les chants les plus beaux…

M. Jacques Blanc. Il n’est pas désespéré ! Et le Lozérien que je suis ne l’est pas non plus…

M. le président. Nous apprécions, pour notre part, que M. Sueur n’ait ni le souffle court ni la démonstration rapide. (Sourires. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l’article.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai écouté attentivement les différents intervenants, et c’est avec prudence, modération et humilité que je rappellerai que les trois quarts des Français vivent dans des agglomérations urbaines.

Mme Évelyne Didier. Non, pas les trois quarts !

M. Jean-Pierre Fourcade. Or, dans ces agglomérations, et surtout dans les plus importantes d’entre elles, ni le conseiller général ni le conseiller régional ne sont connus.

M. Pierre-Yves Collombat. Le conseiller territorial ne le sera pas plus !

M. Jean-Pierre Fourcade. Nos concitoyens ne connaissent guère que leur maire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

C’est pourquoi, grâce à la réforme dont nous débattons, et à condition que le nombre de conseillers territoriaux soit le plus restreint possible...

M. Pierre-Yves Collombat. Ils ne serviront à rien !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... – deux, trois ou quatre au maximum par circonscription électorale, car les députés tiennent beaucoup à ce qu’ils soient élus à l’intérieur des circonscriptions législatives ! –,...

M. Yannick Bodin. Pour mieux les surveiller !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... à cette condition, dis-je, le conseiller territorial deviendra un personnage politique connu,...

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas sûr !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... avec lequel nos concitoyens pourront dialoguer. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. David Assouline. N’importe quoi !

M. Claude Bérit-Débat. C’est la méthode Coué !

M. Jean-Pierre Fourcade. En outre, si le conseiller territorial est élu selon des modalités électorales simples, que tout le monde connaît, et non pas selon un mode de scrutin compliqué faisant la part trop belle aux partis politiques, nous aurons créé, au-dessus des maires et en dessous des députés, un élu connu de l’ensemble de nos concitoyens, qui pourra arbitrer entre les compétences exclusives de la région et celles du département, et qui pourra participer à des conventions de gestion commune pour un certain nombre de services publics d’importance.

Je considère, de ce point de vue, que la création du conseiller territorial est une réforme très importante. C’est la raison pour laquelle je ne voterai aucun des amendements de suppression qui nous seront proposés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.

M. Jean Louis Masson. Comme je l’ai dit hier, je suis un partisan de la création des conseillers territoriaux. Cela étant dit, je formulerai deux remarques.

Tout d’abord, Jean-Pierre Fourcade vient d’affirmer qu’il fallait créer ces territoires à l’intérieur des circonscriptions législatives. J’y suis radicalement opposé, car je sais ce qu’il en est des charcutages…

Dans certains départements, notamment en Moselle, nous avons assisté à des charcutages honteux au moment du redécoupage électoral !

MM. Jean Desessard et David Assouline. C’est Marleix !

M. Jean Louis Masson. N’ajoutons pas le honteux au honteux !

M. Didier Guillaume. Ah ! Il est bon !

M. Jean Louis Masson. Sinon, où s’arrêtera-t-on ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Claude Bérit-Débat. Ce serait très honteux !

M. Jean Louis Masson. Ensuite, même en étant favorable à la création des conseillers territoriaux, je ne vois pas très bien l’intérêt de l’article 1er AA ! Il serait plus pertinent de voter d’abord l’article relatif au mode de scrutin.

M. Yves Daudigny. C’est juste !

M. Jean Louis Masson. Ainsi rédigé, cet article, qui est en quelque sorte isolé dans le désert, ne sert strictement à rien.

M. Yves Daudigny. C’est la pagaille !

M. Jean Louis Masson. C’est la raison pour laquelle, tout en étant favorable à la réforme des conseillers territoriaux, je voterai la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, sur l’article.

M. Jean-René Lecerf. Je suis étonné, pour ne pas dire consterné, d’entendre certains de mes collègues qui sont, à la fois, sénateurs, présidents de conseil général, pour certains d’entre eux maires de communes de moins de 3 500 habitants, voire présidents d’intercommunalité – et qui paraissent assez satisfaits de l’action qu’ils mènent ! –, juger leurs collègues conseillers généraux ou conseillers régionaux incapables d’assumer, en même temps, ces deux responsabilités ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – M. David Assouline proteste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On leur dira !

M. Jean-René Lecerf. Mes chers collègues, quelle belle opinion vous avez de vous-mêmes, et en quelle piètre estime vous tenez vos collègues conseillers généraux et conseillers régionaux ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

J’en viens à la ruralité, car il est extrêmement intéressant de se pencher sur ce sujet. Peut-être auriez-vous pu vous demander comment elle était représentée, aujourd’hui, à l’échelon de la région, et comment nos partis politiques respectifs l’appréhendaient !

M. Alain Vasselle. Très bien !

M. Jean-René Lecerf. Le texte que nous examinons et tel que nous allons le voter, et qui finira bien par être adopté, permettra, par le biais des conseillers territoriaux, une représentation de la ruralité dans les régions sans commune mesure avec ce qu’elle est aujourd’hui.

M. Alain Fauconnier. Il n’y a plus de texte !

M. Didier Guillaume. Il n’y a rien dans le texte !

M. Jean-René Lecerf. Pour ma part, je suis conseiller général depuis vingt-deux ans d’un canton de plus de 50 000 habitants, qui compte six collèges : trois établissements publics et trois établissements privés. Jusqu’à présent, je ne me suis pas senti incapable d’assumer en parallèle, des années durant, d’abord les fonctions de conseiller général et celles de maire d’une ville de 40 000 habitants, puis les fonctions de conseiller général et celles de sénateur.

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’intervention du président du conseil général de l’Aisne, non sans quelque honte. En ce qui me concerne, jamais je ne me suis promené sur les routes départementales avec ma brouette et mon seau de goudron pour réparer les dégâts provoqués par le gel hivernal ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

À mon sens, le conseiller général a davantage un rôle de conception, de perspective et de prospective. Dans cette optique, il me semble tout à fait possible d’assumer cette fonction à l’échelon tant départemental que régional.

Il est temps de redevenir sérieux ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Didier Guillaume. C’est un peu caricatural !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, sur l’article.

M. François Fortassin. J’ai exposé, à plusieurs reprises, les raisons pour lesquelles je considérais que le système proposé dans ce texte aurait des difficultés à fonctionner.

Je vais sortir des terres du Languedoc-Roussillon, où l’on marche facilement sur les cadavres politiques de ses adversaires ; fort heureusement, tout le monde est encore vivant… D’ailleurs, en politique, seule la mort physique est irrémédiable ! (Sourires.)

M. le président. Pourvu qu’elle ne nous atteigne pas ! (Nouveaux sourires.)

M. François Fortassin. Il est fondamental que les élus des collectivités locales puissent conserver leur activité professionnelle, s’ils le souhaitent.

M. François Fortassin. J’imagine mal, demain, des élus de l’Aveyron ou des Hautes-Pyrénées s’occuper des affaires du département et de la région et, parallèlement, exercer une profession.

Le véritable problème est là, me semble-t-il. Nous sommes un certain nombre à avoir choisi d’assumer, à la fois, les fonctions de conseiller général et celles de conseiller régional. Il est donc possible de le faire. Dire le contraire reviendrait à défendre ardemment le mandat unique ; mais je ne partage pas cette conviction.

Mais il est un autre écueil, à mon sens. La région Midi-Pyrénées compte environ 260 élus. J’en plains le futur président : il aura, face à lui, huit présidents de conseil général, qui arriveront avec leurs bataillons,...

M. François Fortassin. ... ainsi que le président de la métropole toulousaine, qui fera de même. J’ignore quelle politique cohérente il pourra mener, s’il parvient à échapper à la territorialisation !

M. Alain Vasselle. Ce sont des conservateurs, nous sommes des progressistes !

M. François Fortassin. Par ailleurs, une assemblée de quelque 200 membres n’est en rien un problème lorsqu’il s’agit de légiférer ; c’est un peu moins pratique lorsqu’il faut traiter des dossiers techniques. Dans les faits, des grandes messes seront organisées, deux ou trois fois par an, et c’est la commission permanente qui réglera l’essentiel des problèmes. Cette difficulté mérite d’être signalée.

Pour le reste, le conseiller territorial existe sur le papier, certes, mais tant que nous ignorons quel sera son territoire ou comment il sera élu, il demeure encore relativement virtuel. (M. Claude Bérit-Débat applaudit.)

Mes chers collègues, je ne saurais conclure sans rappeler qu’en politique la sérénité doit toujours l’emporter. Et si nous pouvons y ajouter un brin d’humour, ce n’est pas plus mal ! (Mme Anne-Marie Escoffier applaudit.)

M. le président. Mes chers collègues, quatre orateurs sont encore inscrits sur l’article, et le débat dure déjà depuis une heure ! Peut-être faudrait-il en venir à l’examen des amendements…

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, sur l’article. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Vasselle. Ils prendront la parole sur les amendements !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. On recommence la discussion générale, ce n’est pas sérieux !

M. Jean-Claude Peyronnet. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, monsieur le président, mais les propos de Jean-René Lecerf m’incitent à le faire. Je serai bref, car je fais miens les arguments que vient de développer François Fortassin.

Jean-René Lecerf s’est exprimé de façon brillante et véhémente, mais il a fait preuve d’une certaine mauvaise foi. Que nous le voulions ou non, nous sommes des professionnels de la politique, en ce sens que la plupart d’entre nous n’exercent que cette activité.

M. le président. Non ! Nombreux sont ceux qui continuent à exercer une activité professionnelle…

M. David Assouline. Vous parlez de M. Copé ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Peyronnet. Certes, mais ils ne devraient pas le faire…

Comme l’a souligné François Fortassin, il sera absolument impossible pour les conseillers territoriaux d’exercer un métier. Cela entraîne un certain nombre de conséquences : dans la mesure où ce seront des professionnels de la politique, il leur faudra, pour pouvoir assumer ce mandat, une indemnité d’un montant convenable, des droits à la retraite, la sécurité sociale, une assurance complémentaire, etc. C’est indispensable ! Par ailleurs, il faudra prévoir le retour à l’emploi.

En d’autres termes, il faudra organiser le statut de l’élu. C’est d’ailleurs plutôt une bonne nouvelle. Quoi qu’il en soit, si vous voulez qu’une certaine diversité professionnelle existe, vous devrez résoudre ce problème rapidement.

Dans cette perspective, où sont les économies ? La création du conseiller territorial n’a pas du tout été chiffrée ! Je suis persuadé, pour ma part, qu’elle entraînera un surcoût important.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. Je souhaite aborder quelques points particuliers, notamment à la suite de l’intervention de M. Lecerf.

En premier lieu, s’agissant de cette question des territoires, quand on voit la difficulté pour nos concitoyens à identifier la pertinence des circonscriptions, parfois même des cantons, on doit s’interroger sur les efforts et les situations très singulières qui ont permis, à certains moments, de créer des territoires ayant un sens pour la nation. Dois-je rappeler l’effort gigantesque, qui a été mené de façon drastique, durant un court laps de temps, seul moment où un tel effort a eu lieu et sur lequel nous nous fondons encore aujourd'hui ? Il se situe après la Révolution française.

Pourquoi à ce moment-là ? Parce qu’il existait alors tout à la fois une vision, un projet et une nécessité sociale aussi bien qu’économique, de développement, de cohérence politique, d’unité de la nation, qui donnaient ce souffle.

Aujourd’hui, comment nous faire croire que le territoire dont on envisage la création sera un identifiant quelconque pour les Français ? Où est le projet ? Où sont le souffle et le dynamisme ? Où est l’ambition ?

M. Rémy Pointereau. Pas chez vous !

M. David Assouline. S’il s’agit de reprendre à la gauche les collectivités locales, c’est un peu minable ! (Vives exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Si on y arrive, on aura réussi ! (Sourires.)

M. David Assouline. Quand on a si peu d’ambition, quand la démarche est à ce point politicienne, c’est la porte ouverte à n’importe quoi !

En deuxième lieu, M. Lecerf soulève un vrai problème, mais il faut pousser le raisonnement jusqu’au bout.

Oui, dans cette enceinte, nous sommes des privilégiés. Nous pouvons, en effet, pour ceux qui veulent se consacrer pleinement à la tâche, cesser d’exercer une activité professionnelle tout en conservant une sécurité, même si cela représente parfois, pour certains, un léger risque.

M. Alain Fouché. Un gros risque !

M. David Assouline. Mais pour le conseiller territorial, pour la majorité de nos élus locaux aujourd'hui, une telle situation est inenvisageable au risque de se couper de leur réalité quotidienne, mais aussi de se priver d’un minimum de sécurité pour les années qui suivent.

Or, en l’occurrence, vous les mettez dans cette situation.

Dès lors, je lance un défi à M. Lecerf, qui a évoqué le cas de ceux qui sont présidents de conseil général et d’autres instances locales, et je lui annonce – il le sait probablement déjà s’il lit la presse – que nous allons déposer, et à l’Assemblée et au Sénat, une proposition de loi qui s’attaquera au cumul des mandats (Exclamations sur les travées de lUMP.),…

M. Alain Fouché. Ce n’est pas spontané !

M. David Assouline. … mais dans laquelle sera proposé un statut de l’élu, pour sécuriser l’ensemble des élus de France, afin que leur situation soit reconnue, stable et juste.

En troisième et dernier lieu, je formulerai une remarque qui a un lien avec les travaux que nous menons ici même. Tout à l'heure, une dépêche de l’AFP, qui a retenu mon attention précisément parce que M. Fourcade intervenait, indiquait que, s’agissant de la Société du Grand Paris, un décret venait d’être publié aux termes duquel une dérogation permettra à un élu de plus de soixante-dix ans d’être le président de cette structure.

Or je me souviens du débat sur le Grand Paris qui a eu lieu dans cet hémicycle et auquel j’ai participé, en particulier, de notre longue discussion au cours de laquelle nous avons échangé des arguments contradictoires sur cette mesure qui faisait l’objet d’une disposition figurant dans le projet de loi, et non pas d’un projet de décret.

Le Sénat a supprimé l’article en question, parce qu’il a jugé collectivement qu’il n’était pas bon de le maintenir. Ni l’Assemblée nationale lors de l’examen du texte ni la commission mixte paritaire ne l’ont rétabli. En d’autres termes, le Parlement dans son ensemble a dit que ce n’était pas bien de prévoir une telle disposition.

Or, aujourd'hui, un décret précise qu’une personne de plus de soixante-dix ans peut présider l’organisme ! (M. Alain Fauconnier applaudit.) Cette disposition ne tombe pas du ciel, puisqu’elle nous avait été soumise. Autrement dit, le décret vient dire : « Je m’en fous du Parlement ! » (M. Alain Fauconnier s’esclaffe.)

Nous découvrons à quel point le Gouvernement peut « s’en foutre » des discussions parlementaires…

M. Bruno Sido. Il faudrait parler français ! Il ne faut pas exagérer !

M. David Assouline. … et des décisions adoptées par consensus dans les deux assemblées. Nous le soulignons et le dénonçons, car c’est inadmissible !

En effet, une seule raison explique tout cela : il s’agit de mettre une personnalité à la tête de cet organisme et elle est âgée de plus de soixante-dix ans. Cette décision n’a donc rien à voir avec l’intérêt général. En outre, elle renvoie à beaucoup de choses en ce moment. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre du Grand Paris est présent et c’est une chance, il va pouvoir nous expliquer le décret !

M. le président. Monsieur Sueur, je vous en prie.

Toujours sur l’article, la parole est à M. François Patriat, et à lui seul.

M. François Patriat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voyons bien, depuis plus d’une semaine que nous travaillons sur ce texte, qu’il a pour but non pas de réformer les collectivités, de simplifier, de faire des économies, mais seulement de créer enfin ce conseiller territorial, dont le mode d’élection putatif permettra effectivement, comme vient de le dire mon collègue David Assouline, de reconquérir des territoires perdus dans les urnes. (M. Jean Desessard s’exclame.) Tel est bien l’objectif !

J’ai entendu votre argumentation, monsieur Lecerf. Vous avez raison, on peut être conseiller général et conseiller régional aujourd'hui. Je l’ai été moi-même à une époque où existait l’EPR, l’établissement public régional, mais je me souviens de son mode de fonctionnement, et c’est précisément pourquoi je ne souhaite pas revenir à cette méthode ancestrale et à ce mode de fonctionnement inique.

En fin de compte, ce qui est contestable, ce n’est pas le conseiller territorial, c’est l’architecture qui l’entoure, car elle l’empêchera de bien fonctionner.

En effet, les conflits d’intérêts entre les collectivités ayant des étiquettes différentes ne permettront pas demain au président du conseil régional d’avoir toute autorité et, par là même, toute efficacité pour mener les missions qui sont les siennes. Elles concernent notamment la perspective, l’orientation, la formation, l’innovation et l’enseignement supérieur. (M. Jean-René Lecerf s’exclame.)

M. Bruno Sido. La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf !

M. François Patriat. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Sido, permettez-moi de poursuivre mon propos !

Écoutez ce que dit notre collègue Philippe Adnot : comment pourrait être efficace, demain, un président de conseil régional, qui aura, dans son conseil régional, quatre, six ou sept présidents de conseils généraux,…

M. Bruno Sido. Très bien !

M. François Patriat. … dont les intérêts ne seront pas identiques, dont l’étiquette politique sera différente et qui viendront faire leurs courses à la région ?

M. Bruno Sido. En Champagne-Ardenne, ce sont tous les mêmes !

M. François Patriat. Ce que nous contestons, je le répète, c’est non pas le conseiller territorial en soi, mais le fait qu’il va introduire la négation même du fonctionnement des deux assemblées. (M. Alain Vasselle s’exclame.)

M. Alain Fouché. Peut-être !

M. François Patriat. La logique du conseiller territorial, c’est le territoire unique, c'est-à-dire la suppression d’un échelon. Mais vous ne l’avez pas supprimé, car vous ne le pouvez pas. Aussi, vous essayez, par la « bande », de façon un peu cynique, de reconquérir des territoires par le biais de cet objet magique que serait le conseiller territorial.

Bien sûr qu’on peut être conseiller général, maire, président d’une communauté de communes, et même exercer parallèlement un métier.