M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Une taxe sur les diplômes… Il fallait y penser ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Attendez que j’aie terminé, monsieur le rapporteur général !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je ne faisais que suivre votre pensée !

M. François Fortassin. Suivez-la, mais ne la précédez pas ! (Nouveaux sourires.)

Un certain nombre d’entre eux partent monnayer leurs talents à l’étranger, alors qu’ils ont reçu une formation longue et coûteuse, le plus souvent financée par les deniers publics. Il n’est pas question de les empêcher d’aller travailler à l’étranger, mais serait-il déraisonnable de considérer que, sur trente et quelques années de vie professionnelle, ils doivent en passer dix en France, sous peine de devoir rembourser la formation qu’ils ont reçue ? Une telle mesure n’aurait rien de révolutionnaire et serait assez bien perçue.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais elle serait contraire aux règles de l’Union européenne. Or vous êtes un grand Européen !

M. François Baroin, ministre. À ma connaissance, il n’y a que dans le foot qu’on applique ce système !

M. François Fortassin. Les centres de formation du football le font, ceux du rugby aussi, sans contrevenir aux règles européennes, monsieur le rapporteur général ! Mais peut-être n’êtes-vous pas familier du « paramètre rebondissant » et « aléatoire » s’agissant du ballon de rugby ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je ne suis pas un spécialiste, je le reconnais volontiers !

M. François Fortassin. Telles sont les pistes que je souhaitais vous indiquer et il en existe sans doute bien d’autres, qui permettraient certainement de restaurer, à la fois, nos finances publiques et, surtout, la confiance que nos concitoyens doivent avoir envers leurs gouvernants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Jacques Jégou applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009
Discussion générale (suite)

6

Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Michel membre de la Commission consultative des archives audiovisuelles de la justice.

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009
Discussion générale (suite)

Règlement des comptes pour l’année 2009

Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009
Article 1er

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 (projet n° 585, rapport n° 587).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à en croire un certain nombre d’orateurs et de porte-parole de la majorité – je me réfère notamment à la discussion de ce matin –, la France aurait traversé avec moins d’encombres que d’autres pays les turbulences de l’année 2009, année de la crise, selon la formule qui a été utilisée à compter de l’été 2008 et du krach des subprimes à Wall Street.

Une telle assertion, au moment où nous débattons de l’exécution budgétaire de 2009, appelle quelques observations liminaires.

Pouvons-nous faire croire à la population de notre pays, aux jeunes, aux familles, aux salariés et retraités, que la « crise » a débuté durant l’été 2008 et qu’elle est en voie de disparition, que nous serions entrés, selon le mot-valise de Mme Christine Lagarde, dans l’ère de la « ri-lance » ?

Outre qu’il faudrait s’interroger sur l’étymologie et le sens du mot « crise » – il ne signifie pas nécessairement que tout va mal, mais traduit plutôt une situation de trouble –, la majorité ne pourra pas faire admettre aux 2 millions de chômeurs comptabilisés avant l’été 2008, aux 4 millions de salariés à bas salaire et à temps partiel, aux millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté qu’avant la tempête de l’été 2008, nous vivions sous un ciel était serein et sans nuages .

La crise, pour ceux qui auraient tendance à l’oublier ou à le cacher, dure en réalité depuis 1970. Elle a connu des phases d’aggravation, des rémissions plus ou moins nettes, de courtes phases de relance, parfois suivies de pics, mais surtout de creux particulièrement profonds, de l’activité et de l’emploi.

L’été 2008 n’a finalement constitué qu’un épisode particulier, lié à l’éclatement de la bulle des subprimes. Nous avons vécu d’autres épisodes similaires par le passé – bulles de l’immobilier, bulle de l’internet – ayant précipité, selon les cas, le Crédit Lyonnais ou le Nasdaq dans les abîmes.

Cette crise aiguë de l’été 2008 a connu quelques répliques au fil de l’année 2009 et depuis le début de la présente année, la moindre n’étant pas la crise obligataire qui a suivi l’intervention massive des états sur les marchés interbancaires pour assurer un niveau de liquidités susceptible de restaurer un semblant de confiance.

Prétendre aujourd’hui que tout va mieux qu’avant l’été 2008, c’est tout bonnement travestir la réalité !

M. Guy Fischer. C’est un mensonge !

M. Thierry Foucaud. Le nombre de chômeurs de première catégorie – c'est-à-dire ceux qui recherchent un emploi à temps complet et à durée indéterminée – est en effet le plus élevé que notre pays ait jamais connu : 2,8 millions !

La progression de l’activité économique semble faible, avec une croissance de 0,1 % pour le premier trimestre 2010 et le processus de destruction d’emplois et de productions se poursuit.

L’embellie, toute relative, de l’emploi intérimaire ne provient que d’un recours renforcé et temporaire des entreprises à ce type de contrats de travail, au moins pour reconstituer les stocks et, surtout, pour ajuster le coût de la main-d’œuvre aux normes de rendement et de rentabilité fixées par les conseils d’administration.

De plus, mine de rien, l’inflation revient peu à peu, sous la pression des coûts financiers des entreprises, qui se sont massivement désendettées et ont cherché à verser des dividendes confortables à leurs actionnaires. Au point que le Gouvernement s’est senti obligé d’annoncer le relèvement prochain de la rémunération du livret A !

S’il fallait d’ailleurs une preuve de cette logique inflationniste, le relèvement des tarifs du gaz et, bientôt, de l’électricité nous la fournirait. Ces tarifs n’ont rien à voir avec la qualité du service public et sont bien plus liés à l’exigence de rentabilité des actionnaires de GDF-Suez et, s’agissant de l’opérateur d’électricité, de l’État. Mais cette priorité accordée à la rémunération du capital, ce sont les usagers qui la paient sur leurs factures !

Considérons maintenant la situation économique générale.

La France a connu une récession importante en 2009, la baisse du PIB atteignant 2,2 %, si l’on se fie aux données du Fonds monétaire international, et 2,5 % selon M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, M. Patrick Devedjian.

Peut-on parler de relance réussie quand, de trimestre en trimestre, nous pouvons constater que la France produit moins de richesses qu’avant l’élection du Président Sarkozy ? Depuis le temps qu’il nettoie de fond en comble la « maison France » à coup de réformes et de mesures d’urgence, c’est la récession qu’il a trouvée, en lieu et place de la croissance, qu’il était prêt à aller chercher avec les dents…

Sans avoir la malignité d’insister sur le comportement des acteurs, j’observerai que le résultat obtenu après trois années de sarkozysme illustre assez bien le désastre patent des politiques et des réformes que vous avez soutenues sans sourciller, chers collègues de la majorité sénatoriale.

Qu’est devenue l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité ? Une alternative qui n’a séduit qu’une proportion ultra-minoritaire de la population – moins de 5 % des ménages ont quitté l’opérateur historique –, ce qui a démontré l’inanité des directives communautaires en matière de grands services publics !

À quoi a abouti la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ? À un plan social chez France 24, à une colère grandissante des artisans du bâtiment contre le régime des auto-entrepreneurs, qui semble leur faire une concurrence déloyale, et à une crise majeure pour les producteurs de lait, de fruits et légumes et de produits frais, affectant profondément le monde agricole !

Quant au 0,375 point de croissance attendu de la mise en œuvre de la loi de modernisation de l’économie, il est aux abonnés absents !

Qu’a donné l’ouverture des magasins le dimanche ? Pas grand-chose en termes de chiffre d’affaires du secteur du commerce, aujourd’hui plus porté par la dégradation de la parité euro/dollar que par l’extension des ouvertures dominicales !

Et que reste-t-il du slogan « travailler plus pour gagner plus » ? Le nombre d’heures supplémentaires aujourd’hui déclarées est inférieur à celui qui était estimé avant l’adoption de la loi TEPA !

C’est qu’avant de travailler plus, il faudrait déjà pouvoir travailler tous !

M. Guy Fischer. Bien dit !

M. Thierry Foucaud. Et nous ne serons pas, mes chers collègues, sortis de la crise tant que 5 millions de nos compatriotes seront victimes du chômage total ou partiel et de la précarisation des contrats de travail !

D’ailleurs, s’il fallait trouver un paramètre emblématique des difficultés du temps, il suffirait de regarder l’état de notre principal indice boursier, le CAC40 !

La France du Fouquet’s et du Palais Brongniart, la France des planches de Deauville et des châteaux en Sologne, celle qui a porté au pouvoir le Président Sarkozy attendait beaucoup de son accession au « trône présidentiel ». Elle n’a pas été déçue : bouclier fiscal renforcé, cadeaux divers, privatisation du gaz, bientôt réforme des retraites ; le moins que l’on puisse dire est que la feuille de route rédigée par le MEDEF est largement respectée !

Mais la bourse va mal…

Le 8 mai 2007, alors que le Président Sarkozy allait prendre l’avion pour Malte afin de se reposer de la campagne électorale, le CAC40 affichait une insolente santé, à 6 034,25 points. Or il était hier à moins de 3 500 points…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quelles qualités d’analyste financier !

M. Guy Fischer. Ça, c’est l’hommage du vice à la vertu !

M. Thierry Foucaud. … et le journal Les Échos annonçait même que la capitalisation boursière du tiers des entreprises cotées à l’indice était inférieure à leurs fonds propres !

Autrement dit, monsieur le rapporteur général, en trois ans et deux mois, l’indice vedette de la bourse de Paris a chuté de plus de 40 % !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Alors, vous êtes heureux !

M. Thierry Foucaud. On comprend beaucoup mieux la discrétion du Gouvernement, au moment de présenter son plan de sauvetage des retraites, baptisé « réforme des retraites », quant à la valorisation de l’épargne retraite individuelle ! Nous ne sommes plus en 2003, où le plan d’épargne pour la retraite collectif, le PERCO, pouvait attirer quelques salariés inquiets pour le devenir de nos retraites collectives !

Venons-en à la situation réelle du budget de 2009.

Pour beaucoup – ils s’expriment du banc du Gouvernement ou des travées de la majorité –, le déficit de 2009 est certes important – 139 milliards d’euros, c’est tout de même du jamais vu –, mais il est profondément lié à la conjoncture de crise – nous avons dit ce qu’il fallait en penser ! – et devrait donc se réduire dès 2010 et, plus encore en 2011, une fois la relance devenue effective et la croissance revenue...

Mais voilà que la presse économique vient de donner un éclairage majeur sur l’un des facteurs de persistance d’un fort déficit des comptes publics : les pertes de recettes de l’État. Pas plus tard qu’il y a deux jours, un journal a même titré : « Depuis 2000, l’État a abandonné 100 milliards d’euros de recettes fiscales ! » Belle découverte que voilà ! C’est une situation que nous avons, pour notre part, dénoncée à de multiples reprises, au moins depuis que je suis parlementaire et que je participe à la discussion des lois de finances.

Oui, la course au moins-disant fiscal et social que mène la France, en grande partie sur la recommandation des institutions communautaires, a durablement, structurellement, creusé le déficit de l’État ! Et le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale de prôner d’en rajouter, en s’attaquant à la fois à la dépense publique – alors que celle-ci est comprimée depuis plus de dix ans – et aux baisses d’impôts, pour lesquelles il recommande un « changement de direction ».

Une hausse des impôts ? Mais lesquels donc ? Notre rapporteur général a des idées : il préconise d’augmenter la TVA sur les produits soumis au taux réduit et d’accroître encore les droits d’accise, si j’ai bien compris, en élargissant par exemple leur assiette à la fourniture d’électricité. C’est là une vision pour le moins déroutante ! Il semble oublier que ce sont encore une fois les plus modestes qui feraient les frais de ce type de mesures, les atteignant directement au porte-monnaie, un porte-monnaie déjà assurément allégé par le gel des allocations logement ou des aides sociales…

Changez donc de vision du monde, monsieur le rapporteur général !

Interrogez-vous quelques instants avec nous sur les fiducies dissimulées dans quelque canton suisse, dans la principauté du Liechtenstein, dans les îles Caïmans ou dans les rues tranquilles de Saint-Hélier, fiducies dont vous aviez, en un temps pas si lointain, souhaité assurer le développement en France par l’adoption d’une proposition de loi ad hoc.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Foucaud, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Thierry Foucaud. Je vous en prie.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur général, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais faire remarquer que la loi de février 2007, qui crée la fiducie en droit français a complètement laissé de côté la fiducie-transmission.

La fiducie est, par ailleurs, un dispositif neutre sur le plan fiscal qui permet d’assurer la transparence du mécanisme.

Je ne peux donc pas vous laisser dire que la loi sur la fiducie de février 2007 encouragerait je ne sais quels montages ou opérations frauduleuses, car ce serait complètement contraire à la réalité.

Mme Nicole Bricq. Il faudrait parler des trusts !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Je suis tout à fait d’accord avec vous, chère collègue Nicole Bricq. Mais je ne développerai pas ce sujet aujourd'hui. Je répondrai simplement à M. le rapporteur général qu’il était peut-être informé de certaines situations nécessitant que le droit français intègre l’originalité juridique que nous venons d’évoquer.

Cela étant, chers collègues de la majorité, ce qui coûte cher depuis tant d’années au budget de l’État – l’affaire du moins-disant fiscal dure depuis 1985 et vous l’avez défendu depuis lors –, c’est la baisse de l’impôt sur les sociétés, porté de 50 % à 33,33 % – taux nominal et ô combien théorique –, c’est la suppression de la taxe professionnelle, c’est l’allégement des cotisations sociales sur les bas salaires, véritable trappe à sous-emploi, c’est l’abaissement continu des taux d’imposition du barème de l’impôt sur le revenu, c’est l’expansion et la prolifération de la dépense fiscale !

Et c’est bien entendu, aussi, ce choix de réduire l’impôt de solidarité sur la fortune, quand les inégalités de patrimoines n’ont jamais été aussi fortes en France, c’est cette aberration du bouclier fiscal, cerise sur l’écœurant gâteau des cadeaux aux riches, aux puissants, aux possédants et aux grands groupes !

Allez faire comprendre aux Françaises et aux Français le bien-fondé d’une initiative qui permet de rembourser 30 millions d’euros à une contribuable dont la particularité est d’être placée en tête des patrimoines personnels de notre pays et dont les revenus n’ont strictement rien à voir avec son activité ! Soyons clairs, ces 30 millions, elle peut s’en passer ! D’autant que cet argent est le produit du travail des autres et qu’il doit normalement être récupéré par ces « autres » sous forme de dépense publique !

C’est avec cette politique du moins-disant fiscal et social, qui ne nous a pas dispensés de subir en 2009 une récession quatre fois plus forte que la récession mondiale – voilà la vérité –, qui a conduit le budget de l’État à afficher 139 milliards d’euros de déficit !

Cette fuite en avant, qui fait porter à la collectivité, à ceux qui attendent légitimement de l’action publique qu’elle corrige les inégalités, les désordres et les souffrances que la vie leur impose et que va aggraver la réduction accrue de la dépense publique, nous n’avons cessé de la combattre.

Nous l’avons fait lors de la discussion du projet de loi de finances initiale, comme nous l’avons fait lors de la discussion des collectifs budgétaires qui ont suivi – en résumé, le plan de relance, c’est 28 milliards d’euros rendus aux entreprises au titre de l’impôt sur les sociétés – et nous continuons de le faire aujourd’hui.

C’est pourquoi nous ne voterons pas ce projet de loi de règlement des comptes de 2009 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le plan de nos comptes publics, l’année 2009 a été exceptionnelle : la récession de 2,25% et le plan de relance ont eu pour conséquence une dégradation historique de nos finances publiques. Ainsi, le déficit public s’est établi à la fin de 2009 à 144 milliards d’euros, soit une fois et demie le déficit en 2008. Il représente 7,5 % du PIB et est en augmentation de 4,2 points ; nous n’avons jamais connu, même en temps de guerre, un tel niveau de déficit !

S’il est lié en premier lieu à l’effondrement des recettes fiscales de l’État, notamment de l’impôt sur les sociétés, il est également dû aux mesures de relance prises par le Gouvernement. Mais il est aussi la conséquence de la progression de 3,7 % en volume des dépenses courantes, hors intérêts de la dette et hors mesures de relance, en raison d’un relâchement des efforts de maîtrise des dépenses publiques.

La Cour des comptes note par ailleurs que, si la baisse des recettes est majoritairement attribuable à la récession, elle est également la conséquence de baisses pérennes de prélèvements obligatoires décidées par l’État.

Comme l’expliquera tout à l'heure notre excellent collègue Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, les comptes sociaux ont également connu des niveaux historiques. Les quatre branches du régime général sont dans le rouge, avec un déficit de plus de 20 milliards d’euros – l’assurance maladie avec un solde négatif de 10,2 milliards d’euros étant responsable de la moitié du déficit de l’ensemble des branches –, auxquels il faut ajouter les 3,2 milliards de déficit du Fonds de solidarité vieillesse.

M. Guy Fischer. C’est normal !

M. Jean-Jacques Jégou. La dette publique, quant à elle, s’est aggravée de plus de dix points de PIB – représentant plus de 200 milliards d’euros –, pour atteindre 78,1 % du PIB et frôler les 1 500 milliards d’euros. L’aggravation des déficits, notamment du déficit primaire, rend impossible à ce niveau la stabilisation de l’endettement en pourcentage du PIB, ce qui oblige notre pays à emprunter pour payer les intérêts de la dette et une partie des dépenses courantes.

Outre le risque d’emballement de la dette décrit en juin 2009 par le regretté Philippe Séguin, le recours à des prêts à court terme est particulièrement préoccupant, monsieur le ministre, puisque 36 % des dettes de l’État sont exigibles à moins de deux ans, ce qui expose notre pays à la remontée des taux et accroît donc notre vulnérabilité.

Un autre sujet d’inquiétude tient à ce que notre dette est détenue à 68 % par des non-résidents, ce qui rend notre pays dépendant à l’égard de créanciers extérieurs et pose, à terme, la question de l’exercice de notre souveraineté.

Si nos déficits publics ont connu un tel dérapage, c’est parce que nous n’avons pas suffisamment réduit le déficit structurel avant la crise. Il est à regretter que les périodes fastes – en gros, la décennie 1998-2008 – n’aient pas été utilisées pour assainir nos finances publiques, si bien qu’en 2009 les mesures pour faire face à la crise économique et financière ont conduit à une explosion des déficits budgétaires.

En effet, malgré une récession moins violente et un plan de relance d’une ampleur plus limitée, notre déficit et notre dette ont augmenté dans les mêmes proportions que ceux des autres pays européens. II ne faudrait pas que certains, avec les prémices d’un retour de la croissance, au demeurant certainement molle, retombent dans la facilité de l’endettement.

L’ampleur de la dégradation des finances publiques en 2009 a franchi, avec la crise économique, un nouveau stade. Les recettes de l’État sont retombées à un niveau proche de celui de 1996 en euros courants et au niveau de 1979 en euros constants. Mais cela ne doit pas masquer que le mal qui atteint nos finances est chronique. La crise économique n’a fait que confirmer les faiblesses structurelles de nos finances publiques.

En effet, la dégradation de la situation des finances publiques n’est pas uniquement attribuable à la crise économique et aux effets du plan de relance. Force est de constater, avec la Cour des comptes, que la crise n’explique qu’une partie de cette dégradation. D’après ses calculs, le déficit structurel atteint 5 % du PIB en 2009, contre 3,9 % en 2008, la crise et les mesures de relance expliquant seulement un tiers du déficit global.

Pour 2009, cette situation s’explique par l’insuffisante sécurisation des recettes de l’État : le Gouvernement a accumulé les dépenses fiscales qui ont provoqué une baisse des recettes de 1,4 milliard d’euros, liée en particulier à la baisse de la TVA dans la restauration. En réalité, ce sont plus de 3 milliards en année pleine. En outre, de nombreuses mesures prises avant la crise ont eu des effets sur 2009. Les allégements fiscaux liés à la loi TEPA consentis en 2007 et 2008 ont engendré ainsi un surcoût de 5,2 milliards d’euros en 2009.

Si l’on observe l’évolution des comptes publics sur une période plus longue, il apparaît que l’aggravation du déficit structurel est due au décalage permanent et ancien entre les dépenses et les recettes publiques : les dépenses ne sont couvertes qu’à hauteur de 86 % en 2009 et les recettes de l’État couvrent à peine plus de la moitié de ses dépenses nettes. Or, depuis 2000, ce sont plus de 100 milliards d’euros de recettes fiscales dont a été privé le budget de l’État, pour deux tiers en raison de mesures de baisses d’impôts, le tiers restant étant lié à des transferts de recettes aux autres administrations publiques.

Le rapporteur général de l’Assemblée nationale, mon collègue val-de-marnais Gilles Carrez, a montré que la décennie 2000 s’est caractérisée par un mouvement d’ampleur de diminution des ressources de l’État, à la fois par des baisses d’impôt sur le revenu et par la multiplication des dépenses fiscales. Depuis 2000, la France a accumulé les baisses d’impôts sans les gager par des réductions de dépenses, au point que le déficit structurel s’est progressivement accru pour atteindre 5 % du PIB en 2009.

Pour ne prendre que l’exemple des dépenses fiscales, qui sont un moyen facile pour les gouvernements de déroger à la norme budgétaire du « zéro volume », elles coûtaient 56 milliards d’euros en 2000, contre 73 milliards en 2009. Depuis dix ans, l’évolution de la dépense fiscale a été en moyenne de 5,2 % d’une année sur l’autre. Depuis 2004, cette évolution atteint chaque année 8,5 %. La dépense fiscale, dont le coût est difficilement maîtrisable, a deux effets : elle mine progressivement les recettes de l’État et elle est un facteur d’injustice fiscale en grignotant l’impôt sur le revenu.

Si, au cours de la période 2000-2009, les gouvernements successifs avaient gagé et compensé systématiquement les nouvelles mesures en matière fiscale par des économies sur la dépense ou par l’augmentation d’autres prélèvements, le déficit public et la dette publique se seraient établis respectivement à 3,7 % et 54,6 % du PIB en 2009, au lieu de 7,5 % et 78 %. Pendant trois années consécutives, de 2006 à 2008, le budget aurait même été excédentaire. La dette publique brute serait passée sous la barre des 50 % du PIB en 2007 et 2008. Mais ne rêvons pas !

Nous devons avoir conscience que nous ne pouvons plus accorder des baisses d’impôts non gagées : leur compensation systématique par des économies sur la dépense ou par des hausses d’autres prélèvements est une condition indispensable de la soutenabilité de l’endettement public. Mieux encore, il faudrait aussi revenir sur une partie des exonérations de charges patronales pour certains secteurs d’activité comme la grande distribution, car nous savons tous qu’elles ne servent à rien. Si les gouvernements s’étaient contraints à cette discipline, nous n’en serions pas là.

L’hémorragie doit être stoppée, l’État ne disposant pas de capacités financières illimitées. Comme le proposait le rapport Pébereau en 2005, les ressources des administrations publiques doivent rester à un niveau stable pour pouvoir désendetter le pays.

Le redressement de nos finances publiques est désormais un impératif, car la crédibilité financière de la France vis-à-vis de ses créanciers est en jeu, comme l’a montré la crise récente de la dette dans la zone euro. Il faut un traitement immédiat, dès 2011, continu et massif de nos déséquilibres financiers, car le seul retour de la croissance ne suffira pas. Voilà quelques jours, Didier Migaud expliquait devant la commission des finances qu’en 2013, dans l’hypothèse d’une croissance de 2,25 % et avec la seule évolution tendancielle des dépenses de ces dernières années, le déficit public et la dette publique dépasseraient respectivement 6 % du PIB et 93 % de la richesse nationale, soit plus de 2 000 milliards d’euros.

Les tensions sur le marché de la dette souveraine sont venues nous rappeler que les États ne peuvent s’endetter à l’infini et qu’ils peuvent aussi faire faillite. À chaque chose, malheur est bon ! Les marchés nous imposent désormais d’abandonner les facilités qui ont prévalu depuis dix ans. Nous prenons enfin conscience que la dépense publique ne peut plus être financée indéfiniment par l’emprunt, reportant son poids sur les générations futures.

La marche à suivre dans les prochaines années est simple : nous devons nous guérir de l’addiction aux dépenses publiques comme de la tentation de baisser les impôts.

Sans vouloir anticiper sur le débat d’orientation sur les finances publiques de cet après-midi, je ferai quelques remarques relatives aux perspectives de redressement des finances publiques.

Le programme de stabilité du Gouvernement, qui prévoit de ramener le déficit public de 8 % du PIB en 2010 à 3 % en 2013 est fondé sur une hypothèse de croissance de 2,5 % en moyenne sur trois années. Certains qualifient poliment ces prévisions d’optimistes ou d’ambitieuses, estimant que la croissance potentielle se situerait plutôt autour de 1,8 %. Je voudrais rappeler que plus le taux de croissance sera faible et inférieur à la prévision gouvernementale, plus l’effort à fournir pour maîtriser la dépense devra être important. Autrement dit, un taux de croissance prévisionnelle trop élevé conduirait à sous-estimer les efforts de redressement à fournir.

De même, afin de ne pas sous-estimer l’effort à accomplir en matière de réduction de la dépense, qui est de l’ordre de 20 milliards chaque année, ce qui est déjà très ambitieux, il ne faut pas surestimer l’évolution spontanée des recettes liées au retour de la croissance. Je parle sous le contrôle du président de la commission des finances, l’audition de certains ministres dans le cadre de l’examen en commission du projet de loi de règlement nous a laissés sceptiques quant à leur volonté de réduire réellement leurs dépenses de fonctionnement.

Le Gouvernement fait le pari que la reprise économique permettra de rattraper, sur trois ans, les pertes conjoncturelles de recettes dues à la crise,…