M. Roland du Luart. Bien sûr !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et nul ne doit s’en étonner ni s’en indigner !

« Légèreté », car nous avons réalisé une économie de charges financières de 5 milliards d’euros en 2009. D’ailleurs, l’année 2009 se terminait par un large débat sur le grand emprunt, et le Gouvernement a, somme toute, été raisonnable.

Mais, mes chers collègues, souvenez-vous des signataires très allants pour un emprunt de 100 milliards d’euros voilà quelques mois seulement. À présent, c’est passé de mode. Heureusement que les modes sont fugaces et qu’un événement peut en chasser un autre assez rapidement.

En matière de dette, nous avons pu observer que l’encours des bons du trésor à moins d’un an a varié de 76 milliards d’euros, alors qu’on prévoyait 21 milliards d’euros. Jean-Pierre Fourcade analyse tout cela avec beaucoup de persévérance et de finesse pour la commission des finances et il serait encore mieux placé que moi pour vous interroger sur le pilotage politique de telles opérations, monsieur le ministre.

On peut en effet très bien comprendre que l’Agence France Trésor fasse de son mieux pour retenir les bonnes opportunités de marchés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle continue !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais la technique est-elle toujours au rendez-vous de la politique ? Accroissant de manière aussi importante la part du très court terme en 2009, n’avons-nous pas sensibilisé à l’excès notre dette ? Cela ne devrait-il pas être davantage sous contrôle ? Je me permets simplement de poser cette question.

Mme Nicole Bricq. Et la réponse est non !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Au-delà du bilan, il y a les engagements hors bilan, qui ont progressé de 182 milliards d’euros, soit une hausse de 13 %. Nous pouvons d’ailleurs le comprendre, puisqu’il s’agit de l’effet mécanique des décisions que nous avons prises au pire moment de la crise financière, et avec succès, du moins je l’espère. La publication prochaine des tests de résistance des institutions financières françaises nous montrera, j’en suis convaincu, que les dispositions prises à l’époque ont utilement soutenu la solvabilité, puis la croissance de ces groupes.

Au total, et à titre de transition pour nos débats de cet après-midi, retenons simplement qu’il est dangereux d’entretenir en permanence un déficit égal ou supérieur à 3 % du produit intérieur brut. Car, si tel est le niveau de déficit avant crise, il plonge nécessairement très fort en période de crise. C’est ce que nous avons vu s’opérer avec les effets de la conjoncture et du plan de relance.

Et, mes chers collègues, prenons garde de considérer que les 3 %, auxquels nous avons souscrit en toute liberté à un moment donné et qui sont un maximum, ne soient considérés par beaucoup d’entre nous comme un minimum ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.

M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exercice 2009 présente un déficit abyssal. En effet, l’exécution budgétaire de 2009 s’est achevée par un déficit de 138 milliards d’euros, soit deux fois et demi celui qui a été constaté en 2008.

Certes, la crise y est, à l’évidence, pour beaucoup. Mais le Gouvernement ne peut pas s’exonérer de sa propre part de responsabilité dans cette situation.

Rappelons-le, la crise n’est pas responsable de tous nos maux. Des choix gouvernementaux antérieurs ont contribué à en aggraver l’ampleur. Disons-le clairement, en persistant à maintenir des mesures controversées votées avant la crise, là où il aurait fallu avoir la lucidité de reconnaître qu’elles n’étaient pas adaptées à la situation économique du pays, vous avez commis une erreur !

J’insiste sur ce point : non seulement certains de vos dispositifs sont injustes socialement et fiscalement, mais ils se sont révélés inefficaces, voire, pis encore, néfastes. Il en est ainsi des nombreux allégements fiscaux consentis en 2007 et 2008, ainsi que du « paquet fiscal », contenu dans la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, mesures que vous avez voulu à tout prix maintenir.

Résultat, un manque à gagner considérable, qui représente 5,2 milliards d’euros de recettes en moins du fait des allégements fiscaux et 9,7 milliards d’euros à mettre sur le compte du « paquet fiscal ». Au total, ce sont près de 15 milliards d’euros qui ont grevé, de manière injustifiée, le budget de l’État.

Pourtant, vous aviez l’occasion de dégager des marges de manœuvre en mettant à plat les niches fiscales et en supprimant le « paquet fiscal ». Cela vous aurait permis de limiter certainement la levée du grand emprunt national de cette année. Mais vous avez fait un autre choix, inspiré par votre volonté, jamais démentie, de préserver une petite minorité de Français aisés. C’est dommage !

Cette responsabilité, vous l’avez également prise au cœur de la crise, en votant de nouvelles mesures fiscales qui grèvent encore plus nos recettes fiscales. Tel est le cas de la baisse de la TVA dans la restauration, dont l’efficacité n’a, au passage, jamais été démontrée. Or ces mesures ont entraîné une baisse des recettes de 1,4 milliard d’euros. Ces chiffres apportent, à tout le moins, la preuve de votre responsabilité politique dans la dégradation de nos finances publiques, là où vous persistez à vous servir de la crise comme d’un paravent pour justifier tous nos mauvais résultats.

M. Roland du Luart. Il y a quand même un effondrement des recettes fiscales !

M. Bernard Angels. D’ailleurs, si la crise était seule responsable du déficit de 2009, comment expliquer son énorme part structurelle ?

En effet, si l’augmentation du déficit en 2009 est principalement due à la crise et aux mesures de relance, la part du déficit structurel est loin d’être négligeable, puisqu’elle s’élève à environ 5 % du PIB en 2009, expliquant ainsi les deux tiers du déficit constaté.

Cela tient non seulement à l’héritage des années d’avant crise, mais également à l’affaiblissement de la croissance potentielle, à la forte croissance des dépenses publiques, même hors plan de relance, et aux mesures de baisse durable des prélèvements obligatoires.

Qui plus est, si le facteur conjoncturel était au centre du problème, les finances publiques françaises devraient se porter mieux que celles des autres pays européens. Or tel n’est pas le cas. Car, alors que la France a bénéficié d’une conjoncture économique moins dégradée que nombre d’autres pays européens, la situation de ses finances publiques est pourtant nettement moins bonne.

En effet, le déficit français a presque autant augmenté en 2009 que le déficit moyen des autres pays européens. Mais cela le porte pourtant à un niveau plus élevé, en volume, que le déficit moyen européen, et ce malgré une récession moins forte et un plan de relance de moindre ampleur.

Dès lors, monsieur le ministre, compte tenu de tous ces éléments, il paraît difficile de continuer à nier les conséquences budgétaires de vos choix politiques.

Pourtant, c’est ce que vous faites lorsque vous affirmez, par exemple, en l’occurrence à tort, que, du fait de « ses qualités », le plan de relance n’aurait « pas eu d’impact » sur le compte de résultat de l’État.

Or la Cour des comptes ne s’y est pas trompée : elle a montré que le plan de relance a pesé tant sur les recettes que sur les dépenses, en réduisant les premières de 16,3 milliards d’euros et en augmentant les secondes de 15,7 milliards d’euros. Mais surtout, et j’y viens, si le plan de relance ne pèse pas, à vos yeux, sur le compte de résultat de l’État, c’est bien parce que vous l’avez expressément sorti du périmètre de la norme de dépenses.

En effet, par une interprétation biaisée de la fameuse « norme de dépenses », à l’aune de laquelle est mesurée la qualité d’exécution de nos comptes publics, vous entachez ce débat budgétaire d’insincérité.

Depuis maintenant six ans, l’augmentation des dépenses de l’État fait l’objet d’un dispositif d’encadrement, la « norme de dépenses ». L’État affiche ainsi un objectif de progression limité à l’inflation anticipée, afin de viser une stabilité en volume des dépenses publiques.

Or vous vous targuez d’avoir respecté cette norme. Mais c’est parce que vous avez pris de très nombreuses libertés quant aux dépenses entrant dans le cadre du « zéro volume ». Vous avez ainsi mesuré l’évolution des dépenses… hors plan de relance ! Or nous avons vu à quel point celui-ci avait pesé sur les dépenses publiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et vous vouliez un plan de relance beaucoup plus important !

M. Bernard Angels. Vous aviez fixé le plafond des dépenses à 348,2 milliards d’euros. En comptant les dépenses du plan de relance, vous l’avez largement dépassé.

L’accroissement des dépenses en volume, avec plan de relance, a été de plus 4,4 %, pour une prévision de 3,9 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous vouliez qu’on finance le pouvoir d'achat !

M. Bernard Angels. Nous voyons bien que, si la norme de dépenses est prétendument « respectée », c’est au prix de quelques contorsions.

Ces contorsions vous amènent, en outre, à exclure certaines dépenses du périmètre de la norme, à l’encontre du principe budgétaire d’universalité, auquel vous prétendez pourtant vous conformer.

Il s’agit notamment des dépenses des comptes spéciaux qui représentent 109 milliards d’euros en 2009. Si l’on tient compte du solde de ces comptes, fortement dégradé cette année 2009, les dépenses nettes de l’État ont largement dépassé la norme du « zéro volume » et progressent même de 7,7 % par rapport à 2008, soit une augmentation de 21,5 milliards d’euros.

J’en viens maintenant aux dépenses fiscales, également sorties de la norme de dépense. Qui ignore que certaines de ces niches fiscales jouent parfois le rôle de subventions directes de l’État, sans pour autant apparaître dans son budget ? Tel est le cas du prêt immobilier à taux zéro.

Vous n’avez d’ailleurs même pas respecté l’objectif fixé en loi de finances initiale pour ces dépenses fiscales. Le Gouvernement avait fait voter un plafond correspondant à une augmentation de 4,8 % par rapport à 2008. Mais ce dernier a largement été dépassé, car les dépenses fiscales ont augmenté de 6,2 % en un an. Or, quoi qu’on en dise, les dépenses fiscales sont assimilables à des dépenses budgétaires. Par conséquent, elles devraient être intégrées au périmètre de la norme de dépenses.

Il est une autre petite manipulation à laquelle le Gouvernement s’est livré : il utilise certains opérateurs de l’État pour financer des opérations budgétaires, ce qui permet de comptabiliser ces dépenses à l’extérieur du budget de l’État, rendant plus difficile l’appréciation que la Cour des comptes et le Parlement peuvent en faire.

De même, le financement des « primes épargne logement » – 700 millions d’euros en 2009 – est comptabilisé à l’extérieur du budget par le truchement d’une avance rémunérée souscrite auprès du Crédit foncier de France.

Peut-on parler encore de sincérité ? Je rappelle pour mémoire que les documents budgétaires et comptables de l’État sont censés retracer l’ensemble des financements mobilisés au cours de l’exercice, y compris ceux qui sont mis en œuvre par l’intermédiaire de dispositifs extrabudgétaires.

Il est difficile, dans ce contexte, d’appréhender correctement le solde budgétaire présenté dans ce projet de loi de règlement : nous en avons une vision partielle parce que vous en donnez une interprétation partiale.

Mme Nicole Bricq. Eh oui, dans l’ensemble !

M. Bernard Angels. À ces oublis, s’ajoutent les reports de charge sur l’exercice suivant : il s’agit des dépenses qui auraient dû être payées au titre de l’exercice 2009, mais qui sont reportées sur l’année suivante. Bien qu’en diminution par rapport à 2008, ces dépenses représentent tout de même un minimum de 2,6 milliards d’euros.

Pourtant, la pression sur les dépenses a été moins forte que les années précédentes.

En effet, l’inflation constatée de 0,1 % a été très inférieure à l’hypothèse en loi de finances initiale, soit 1,5 %. Par conséquent, contrairement à 2008, l’exécution de 2009 a connu une moindre pression sur les dépenses en valeur, ce qui constitue un environnement plutôt apaisé. Or les dépenses de l’État ont continué d’augmenter depuis la mise en place de cette norme en 2004.

C’est pourquoi nous déplorons le long chemin – les magistrats de la rue Cambon l’ont bien remarqué – qui nous sépare d’une procédure budgétaire enfin exemplaire. La Cour des comptes a en effet assorti la certification des comptes de la nation d’un certain nombre de réserves.

Je ne reviendrai pas sur l’impérieuse nécessité qu’il y a à redéfinir le périmètre de la norme de dépenses ou à mieux contrôler la prolifération des niches fiscales. Mais parmi les points soulevés par la Cour, j’en retiens trois qui me paraissent décisifs pour améliorer la qualité de l’action et du contrôle parlementaire.

Tout d’abord, l’examen de l’exécution des comptes de 2009 montre, une fois encore, l’importance des cas, pourtant prévisibles, de sous-budgétisation de certaines missions. Nous ne cessons de le déplorer : en persévérant dans la sous-estimation budgétaire, les principes d’unité et de sincérité budgétaires se voient remis en cause.

En effet, monsieur le ministre, vous êtes contraint, en raison de cette sous-budgétisation, de demander des ouvertures complémentaires de crédits au cours de l’année d’exécution de la loi de finances. Or cela ne permet pas un contrôle serein et transparent de la réalisation des comptes de l’État.

De nouveaux crédits ont ainsi été ouverts, soit par décret d’avance – 835 millions d’euros au moins en crédits de paiement –, soit dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009 de fin d’année, à hauteur de 1,39 milliard d’euros. À cet égard, le nombre particulièrement élevé de collectifs budgétaires en 2009, mais aussi en 2010, témoigne d’une anticipation médiocre de la conjoncture économique, comme je le soulignais au début de mon propos.

Cela n’est pas tout. Le contrôle parlementaire reste entravé par un accès encore insuffisant aux informations financières et comptables de l’État. En régime LOLF, le parlementaire est autant législateur que contrôleur de l’action gouvernementale. Les sénateurs entendent jouer pleinement leur rôle irremplaçable de contrôle de l’action publique. Pour cela, nous avons besoin d’outils adaptés : la refonte et l’adaptation des systèmes d’information sont pour nous une exigence forte si l’on veut parvenir à une exécution plus juste et plus transparente des comptes de l’État.

Or, cette année encore, le Gouvernement ne nous donne pas les moyens de cette ambition. À cet égard, le calendrier de mise en œuvre du prologiciel Chorus, qui doit servir de cadre à la comptabilité générale de l’État, a déjà dû être reporté. Ce retard coûte cher et ne facilite pas le travail des parlementaires. Notre mission de vérification et d’appréciation des comptes reste limitée. Il en est de même des dispositifs ministériels de contrôle et d’audit internes qui sont aujourd’hui insuffisants.

Ces remarques peuvent paraître techniques. Elles répondent pourtant à un objectif essentiel : celui de redonner au parlementaire toute la place qui lui revient dans la procédure budgétaire.

Enfin, la dette publique, en raison de son poids considérable, doit faire l’objet d’une gestion plus responsable et de plus long terme.

Vous vous targuez, monsieur le ministre, d’avoir fait baisser la charge de la dette. Certes, elle a diminué grâce à la baisse des taux d’intérêt. Mais le Gouvernement s’est laissé aller à un choix dangereux : il a choisi d’emprunter de manière croissante à court terme et dans des proportions supérieures à la couverture des variations infra-annuelles du compte du Trésor. En effet, le besoin de financement sans précédent auquel l’État a dû faire face en 2009, à hauteur de 246,2 milliards d’euros, soit deux fois plus que la moyenne des années 2002 à 2007, a été couvert par l’endettement. Si, dans une pure vision de court terme, cette croissance de la dette a pu représenter un avantage en 2009, elle est dangereuse à plus long terme, car elle présente un double écueil : d’une part, elle renforce la sensibilité de la charge de la dette de l’État à une remontée des taux d’intérêt, qui est inévitable compte tenu de leur niveau actuel ; d’autre part, elle réduit pour partie la portée de l’autorisation parlementaire prévue par la LOLF, qui ne porte explicitement que sur la dette à moyen et long termes.

Je conclurai en rappelant l’éthique qu’exige la période particulière que nous traversons. L’attention portée aux critiques sur ce projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 est d’autant plus nécessaire et attendue que le contexte économique actuel ne nous laisse pas le loisir de tâtonner encore davantage dans la gestion budgétaire et financière.

Dès lors, sans nier l’ampleur de la présente crise économique, la responsabilité qui vous incombe en tant que détenteurs du pouvoir exécutif voudrait que vous regardiez au-delà du seul facteur de la crise pour assumer les aspects biaisés, voire sciemment injustes, de votre gestion budgétaire et que vous en tiriez les conclusions qui s’imposent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – MM. François Fortassin et Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’année 2009 fut une année particulièrement difficile, une annus horribilis selon la vieille expression romaine, tant pour la croissance française que pour nos finances publiques.

Le budget initial avait alors été bâti sur une prévision de croissance relativement irréaliste de 1,5 %. Trois lois de finances rectificatives ont été votées en cours d’exercice et elles ont sciemment majoré les prévisions de recettes alors que la crise économique se propageait dans le monde entier. À la même époque, la Cour des comptes soulignait le risque d’emballement de la dette et celui d’un mauvais positionnement de la France par rapport à ses partenaires européens. La caractéristique la plus importante de ce ralentissement économique a été la contraction de l’investissement des entreprises, qui a diminué de 7,7 % après avoir augmenté de 2,4 % en 2008, et la forte poussée du chômage à 9,6 % des actifs, soit 2,7 millions de personnes. Le chômage atteint ainsi un niveau record !

Le déficit public atteint 7,5 % du PIB en 2009, contre 3,4 % en 2008, soit plus du double ! Quant à la dette publique, elle a atteint 1 489 milliards d’euros en 2009, soit 77,6 % du PIB contre 67,5 % un an auparavant. L’année 2008 était pourtant déjà une année record. Une telle plongée en un an ne s’était encore jamais vue.

La situation est de plus en plus inquiétante. Non seulement la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement a dégradé de façon historique les comptes publics, mais, en plus, elle s’est révélée totalement inefficace pour sortir le pays de la crise.

Selon la Cour des comptes, le déficit public et la dette ont augmenté dans les mêmes proportions que dans les autres pays européens, alors même que la récession a été un peu moins violente en France que dans le reste de l’Europe.

Loin de mettre en place des outils efficaces de redressement, le Gouvernement s’évertue à faire ce qu’il connaît le mieux, à savoir communiquer. Les effets d’annonce se multiplient ; les résultats ne sont toujours pas au rendez- vous. C’est ainsi qu’en septembre 2008 Mme Christine Lagarde annonçait qu’elle allait plafonner les niches fiscales pour que chaque Français contribue selon ses moyens à la couverture des charges publiques. Tout le monde devait adhérer à ce principe. Or, en juillet 2010, nul ne sait encore ce qu’il adviendra des dizaines de niches fiscales qui coûtent autant à la collectivité qu’elles rapportent aux quelques privilégiés qui en profitent.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! Supprimons-les toutes !

M. François Fortassin. Le mécanisme pervers des dépenses fiscales n’est toujours pas enrayé. Selon la Cour des comptes, les dépenses fiscales à périmètre constant et hors plan de relance ont encore augmenté de 4,7 milliards d’euros en 2009, soit 6,2 %, ce qui représente la même progression que celle constatée depuis six ou sept ans : grosso modo, elles augmentent de 5 milliards d’euros tous les ans.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, depuis trop d’années, le Gouvernement et le Président de la République pratiquent de façon excessive la politique de l’effet d’annonce. Ce dernier n’avait-il pas appelé en 2008 à moraliser le capitalisme dès 2008 ?

M. François Fortassin. Aujourd’hui, les paradis fiscaux existent toujours…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faudrait les conquérir !

M. François Fortassin. … et les dernières révélations de la presse sur de supposés financements occultes via la Suisse ne donneront pas tort à tous ceux qui s’estiment déçus par les promesses politiques et fiscales non tenues depuis 2007.

M. François Baroin, ministre. Quel amalgame !

M. François Fortassin. Pour déterminer sa stratégie budgétaire, le Gouvernement mise sur un taux de croissance de 2,5 % entre 2011 et 2013. À ce propos, je citerai un passage du tout récent rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques. Selon la Cour des comptes, « si l’on retient une évolution légèrement moins soutenue de la croissance, de l’ordre de 2,25 %, soit le scénario bas du Gouvernement, qui est déjà très favorable compte tenu d’une croissance potentielle qui est plutôt de 1,8 % ; et si l’on prolonge l’évolution tendancielle des dépenses constatées ces dernières années, le déficit public dépasserait en 2013 les 6 % du PIB et la dette atteindrait 93 % de la richesse nationale, soit plus de 2 000 milliards d’euros ».

Or c’est la crise économique et financière internationale qui a révélé les faiblesses structurelles des finances publiques françaises. La Cour des comptes estime que 24,3 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales lui sont imputables, ainsi que 2,6 milliards d’euros de pertes de recettes non fiscales. Au total, ces 27 milliards d’euros représentent 20 % du déficit. On pourrait faire intelligemment et équitablement des économies : c’est dur, mais c’est possible. Par exemple, ne serait-il pas temps de remettre à plat tout notre système d’exonération sociale, notamment en réduisant, voire en supprimant celles qui sont payées par les industries qui font de gros profits ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ça, c’est plus difficile !

M. François Fortassin. Certes, mais il faudra s’y attaquer !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous allons faire des propositions sur le crédit d’impôt recherche !

M. François Fortassin. Sur 42 milliards d’euros de pertes sociales, il serait possible, à ce titre, d’économiser quelques milliards d’euros par an, ce qui serait entièrement compatible avec une politique active de l’emploi.

Enfin, l’opportunité du maintien du bouclier fiscal est de plus en plus contestée : à un moment où le chômage augmente de manière préoccupante, est-il concevable qu’une minorité de nos compatriotes, dont les revenus se situent très largement au-dessus du revenu moyen des Français, puissent bénéficier d’un tel avantage fiscal, ressenti comme une profonde injustice ? Au vu des circonstances économiques exceptionnelles que vivons, il serait sans doute bien venu de suspendre ce système, afin de réconcilier équité fiscale et justice sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le suspendre ? Non, l’abroger !

M. François Fortassin. Il ne s’agit pas de s’engager sur une voie dangereuse, mais sur une voie audacieuse !

Dans ce contexte de récession généralisée, ce sont la réactivité et la capacité de proposition qui comptent et ce projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2009 ne garantit absolument pas la relance économique ni la justice sociale : il confirme en revanche l’ampleur des dégâts.

À ce sujet, nous pouvons proposer quelques remèdes pour les années à venir, et cela en vertu d’une position politique beaucoup plus que technique. En effet, faut-il le rappeler, les radicaux de gauche – ou du moins leurs prédécesseurs ! – sont à l’origine de l’impôt progressif sur le revenu…

M. François Baroin, ministre. Vous nous ramenez en 1913 !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Joseph Caillaux fut aussi un éminent président de la commission des finances du Sénat !

M. François Fortassin. Quelques pistes de réflexion mériteraient d’être étudiées, car elles nous permettraient sans doute d’accroître les recettes.

Premièrement, nous constatons, depuis trente ans, que l’écart des revenus entre les Français les plus démunis et les plus riches, au lieu de se resserrer, s’est élargi. Ne conviendrait-il pas de se demander comment faire en sorte que l’éventail se referme quelque peu ? Et ce n’est pas qu’une question d’affichage : c’est aussi affaire de justice sociale !

Deuxièmement, il faut peut-être s’attaquer à ce que j’appellerai l’enrichissement sans cause. Prenons l’exemple d’un propriétaire foncier qui vend quelques hectares de terres : s’il les vend comme terrains agricoles, le mètre carré vaut 1 euro ; mais si, à la faveur de l’adoption d’un document d’urbanisme, ces terrains deviennent constructibles, ils pourront être vendus au prix de 60, 80 ou 100 euros le mètre carré, voire plus ! Qu’a fait ce propriétaire pour bénéficier d’une telle plus-value ? Rien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si, il est allé voir son maire ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Voilà pourquoi je parle d’enrichissement sans cause. Ne serait-il pas judicieux, dans un tel cas, de prélever une surtaxe importante ?

Troisièmement, nous connaissons le cas de nombreux artistes, sportifs ou autres personnalités qui profitent des conditions de vie qu’offre notre pays – y compris de notre système de santé ! – tout en résidant à quelques kilomètres de nos frontières.

M. François Fortassin. Leurs ressources proviennent généralement de la France. Serait-il anormal d’envisager de les taxer ? Ouvrons au moins le dossier !

Enfin, beaucoup de Français, sont très diplômés, voire surdiplômés ; je pense notamment aux chercheurs.