M. Jean-Jacques Mirassou. Pas ici ! Nous ne sommes pas à la messe !

Mme Anne-Marie Payet. « Si une femme ne se voile pas la tête, qu’elle se coupe aussi les cheveux. Or, s’il est honteux à une femme d’avoir les cheveux coupés ou la tête rasée, qu’elle se voile. […] l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. C’est pourquoi la femme doit […] avoir sur la tête un signe de sujétion », c’est-à-dire la marque de la puissance de l’homme.

M. Jackie Pierre. C’était l’époque !

Mme Anne-Marie Payet. Sans doute ! Et il s’agissait bien entendu non pas d’un voile intégral, mais d’un simple foulard.

Je considère qu’il n’était pas nécessaire de légiférer. La loi ne fera que stigmatiser, marginaliser les communautés musulmanes. Nous aurions pu tenter de remédier à ce problème par d’autres voies, par un simple décret ou par un élargissement des pouvoirs du préfet. Nous aurions ainsi peut-être pu trouver des solutions sur le plan local, plus facilement applicables. Je voterai donc contre ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi nous offre l’occasion de réaffirmer avec force et solennité les valeurs fondamentales qui nous unissent tous ici, quels que soient nos clivages politiques ou partisans.

Je me réjouis que, par-delà nos conceptions divergentes sur tel ou tel sujet, nous puissions nous retrouver sur l’essentiel, au sens le plus fort du terme : la défense de la République et de nos valeurs fondamentales communes.

Mes chers collègues, cette république, que nous chérissons tous dans cette enceinte, s’est bâtie sur le principe indépassable selon lequel tous les hommes et toutes les femmes sont d’égale dignité et, par voie de conséquence, égaux en droits.

En effet, nous sommes fiers de la portée universelle de la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité », à laquelle s’associe naturellement la laïcité.

Cette évidence aura pourtant nécessité des décennies de combat contre l’obscurantisme et l’archaïsme, combat auquel la question du port du voile intégral sur le territoire de la République nous rappelle avec acuité qu’il induit une vigilance de tous les instants.

Oui, mes chers collègues, nous sommes dans notre rôle de parlementaires dès lors qu’il s’agit de réaffirmer des principes clairs et fondateurs de notre pacte républicain lorsqu’il est bafoué.

Pour autant, madame la ministre d’État, nous refusons tout amalgame et nous agissons avec la parfaite conscience que, dans leur écrasante majorité, nos compatriotes de confession musulmane condamnent avec nous cette pratique indigne.

La burqa et le niqab heurtent de plein fouet notre conception de la dignité de la femme, tant ils symbolisent un intégrisme religieux que nous condamnons, d’abord et avant tout au nom de la raison.

Oui, il est inacceptable que des femmes, quand bien même elles y consentiraient, puissent être littéralement coupées du reste de la société par cette prison humiliante que constitue le voile intégral.

L’accepter reviendrait à rayer d’un trait de plume des années de lutte en faveur de l’émancipation de la femme et de l’égalité réelle, alors même que le combat continue et qu’il est, hélas ! encore loin d’être gagné partout dans le monde. (Mme Nathalie Goulet approuve.)

Le voile intégral est aussi le symbole des prétentions de certains à placer un dogme religieux au-dessus des lois de la République. Les sénateurs du RDSE s’interposeront toujours pour défendre la laïcité, pilier intangible de notre démocratie, qui garantit, au travers de la neutralité de l’État, l’exercice des libertés de culte et de conviction, dans le respect des principes républicains.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Yvon Collin. Tous ici nous croyons profondément à l’égalité indifférenciée des individus, quelles que soient leur origine, leur opinion et leur religion.

Accepter aujourd’hui le voile intégral reviendrait à ouvrir une brèche dans l’unité de la République, en cautionnant une dérive communautariste que nous condamnons sans nuance.

Madame la ministre d’État, une telle attaque faite aux valeurs qui fondent notre vivre ensemble ne peut qu’appeler une réponse juste, mais ferme. Ce projet de loi y satisfait, malgré les quelques réserves quant à l’application de certaines dispositions exprimées par les collègues de mon groupe tout à l'heure dans le cadre de la discussion générale.

Mes chers collègues, parce que la République demeure notre bien le plus précieux et, sa défense, notre priorité, les sénateurs radicaux de gauche, comme l’ensemble du groupe du RDSE, voteront unanimement en faveur de ce texte, avec toute la responsabilité qui sied à sa portée humaniste et universelle.

C’est une question de principe, de conviction ; c’est un engagement grave et solennel. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que la commission est favorable et que le Gouvernement est également favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 276 :

Nombre de votants 247
Nombre de suffrages exprimés 247
Majorité absolue des suffrages exprimés 124
Pour l’adoption 246
Contre 1

Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi. (Applaudissements.)

La parole est à Mme le ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à exprimer ma reconnaissance à chacune et à chacun des intervenants. Le Sénat peut être fier du débat qui a eu lieu aujourd'hui dans cet hémicycle et s’enorgueillir de la hauteur de vue dont ont fait montre tous ceux qui se sont exprimés, dans un sens ou dans l’autre. Ce qui les a réunis, c’est la volonté de bien faire pour la République : même les réticences étaient inspirées par le souci d’avoir la plus grande efficacité possible.

Ce soir, la République peut être fière de son Sénat et de ses sénateurs ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
 

4

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 15 septembre 2010, à quatorze heures trente et le soir :

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre l’absentéisme scolaire (n° 586, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Claude Carle, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 662, 2009 2010).

Texte de la commission (n° 663, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART