Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école est un symbole fort de la République. Aussi, tout ce qui aurait pour conséquence d’empêcher la réalisation de sa mission d’instruction mérite notre vigilance.

La soudaine amplification, depuis 2007, du phénomène de l’absentéisme scolaire, suppose donc l’attention de tous. Alors que, entre 2003 et 2007, le taux d’élèves considérés comme absentéistes dans le second degré oscillait entre 2 % et 6 %, il a atteint 7 % en 2007-2008.

Il convient dès lors de s’interroger sur les raisons de cette désaffection grandissante de l’institution scolaire chez nos jeunes. Et c’est bien là que le bât blesse ! Car loin de tenter de comprendre ce fait social dans sa complexité et de définir une politique globale et cohérente, cette proposition de loi consacre une vision simpliste et une dérive autoritariste par la mise en place d’un dispositif de sanction financière.

Suffirait-il alors simplement de culpabiliser et de pénaliser des familles déjà socialement défavorisées pour nombre d’entre elles pour susciter chez nos jeunes un sentiment d’adhésion à l’ordre scolaire ?

Bien au contraire ! L’absentéisme est un phénomène complexe auquel on ne peut répondre de façon honnête et efficace que par une solution à la fois éducative et sociale. Il ne s’explique pas uniquement par la démission des parents et la répression ne suffit pas à l’endiguer.

Cela a déjà été dit à de nombreuses reprises, la mesure prévue dans le texte est à la fois injuste, stigmatisante et inefficace.

Elle est, tout d’abord, injuste.

L’éducation est en effet la cible d’attaques récurrentes : suppression massive de postes, démantèlement des dispositifs d’aide aux élèves en difficultés, ghettoïsation de l’éducation prioritaire par l’exfiltration des meilleurs éléments plutôt que par la réussite collective.

Comment s’étonner, dans ces conditions, du développement de l’absentéisme, du décrochage, ou même de la résurgence des violences scolaires ?

Par ailleurs, la mesure prévue est contraire à la vocation première des prestations familiales, dont l’objet est de compenser pour partie le coût de l’entretien d’un enfant. Or, cela paraît évident, ce coût reste le même quelle que soit l’assiduité scolaire.

Sur un plan financier, elle prévoit même une double peine pour certaines familles. Non seulement les allocations sont suspendues, voire supprimées, mais, en plus, le montant de l’allocation suspendue continue d’être pris en compte, au titre des revenus, dans le calcul des droits au RSA, le revenu de solidarité active.

Cette mesure est, ensuite, stigmatisante.

Face à un problème social, elle désigne des responsables-coupables : les mauvais parents de certaines familles, disiez-vous, monsieur le ministre, les démissionnaires.

Elle stigmatise aussi par l’amalgame qui est fait avec les violences scolaires et l’insécurité, alors que le lien entre violence et absentéisme n’est pas établi.

Elle est, enfin, inefficace.

La pénalisation des parents ne résout pas le problème de l’absentéisme. Plusieurs expériences réalisées à l’étranger ont mis en avant l’absence de corrélation entre sanction des parents et diminution du taux d’absentéisme. Ainsi, en Grande-Bretagne, alors que le nombre de parents emprisonnés augmentait de 62 % entre 2002 et 2007, le taux d’absentéisme est passé de 0,7 % à 1 %.

Une telle mesure coercitive arrive bien trop tardivement : une sanction financière ne saurait rétablir une autorité parentale en faillite. Le nouveau dispositif pourrait, en revanche, exacerber les tensions intrafamiliales.

Soyons objectifs, dans un contexte de réduction des dépenses publiques, le Gouvernement fait un choix économique : il opte pour une mesure rentable plutôt que de s’attaquer au cœur du problème. M. Ciotti nous propose donc ici une amende déguisée.

Agitation, communication et inflation législative n’ont jamais permis de construire les bases d’une société durable. L’absentéisme scolaire mérite, à l’opposé, une politique globale intégrant des solutions tant éducatives que sociales. Il est avant tout une responsabilité de l’éducation nationale et un révélateur de l’inadaptation de notre système scolaire.

Il convient d’appréhender cette question, tout comme celle du décrochage scolaire, dans le cadre d’une refonte du système éducatif. Celui-ci doit défendre une approche plus inclusive, plus ouverte, avec un suivi personnalisé, afin d’amener le plus grand nombre d’élèves à la réussite, en y impliquant le plus d’acteurs possible, y compris les parents.

Or cette proposition de loi est une non-réponse éducative !

Les élèves ont besoin d’espoir. Le système doit leur redonner confiance. Nous devons donc défendre une approche positive. Pour cela, il faut nous interroger sur l’équité du système, questionner notre pédagogie et revoir notre système d’orientation. Car l’absentéisme est révélateur des inégalités du système éducatif.

En France, l’impact du milieu d’origine sur les résultats scolaires est deux fois plus élevé que dans les pays de l’OCDE les plus performants. L’étude de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale ainsi que le rapport des membres socialistes de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication le soulignent fort bien.

La concentration des difficultés est l’un des problèmes majeurs de notre système. Une minorité d’établissements est confrontée à des difficultés sans commune mesure avec celles de l’ensemble du système : l’absentéisme récurrent est supérieur à 20 % dans les 10 % des établissements les plus en difficulté ; en France, Françoise Cartron l’a rappelé, seuls 45 % des élèves se sentent à leur place en classe, contre 81 %, en moyenne, dans les pays de l’OCDE.

Une orientation subie ou vécue comme un échec par l’élève peut être le premier facteur d’absentéisme. L’orientation ne peut se fonder sur le seul constat de difficultés. Elle doit faire l’objet d’une évaluation des aptitudes et des intérêts de chaque élève afin de définir un projet partagé par lui et ses parents. En ce sens, l’enseignement professionnel mérite une attention particulière, dans la mesure où l’orientation s’y fait par défaut.

Un autre problème est à souligner : l’inadéquation entre les affectations des élèves et les filières proposées. On constate ainsi qu’un élève sur sept abandonne dans les premiers mois de l’année de CAP et un sur cinq en première année de bac professionnel.

Il faut une véritable préparation à l’orientation dès le collège afin d’insuffler aux équipes pédagogiques une logique de parcours, d’accompagnement de chaque élève dans ses choix et d’assurer un véritable suivi. Or la présence d’adultes se fait de plus en plus rare. Outre les enseignants, les conseillers principaux d’éducation, pivots de la lutte contre l’absentéisme avec les emplois de vie scolaire, ont vu leur nombre diminuer : 700 en 2010, contre 5 000 en 2004.

De plus, il importe que l’orientation ne soit jamais « bloquante ». Des passerelles doivent être possibles à chaque étape scolaire afin de faciliter les changements de voies.

L’absentéisme peut aussi être le signe d’un mal-être de l’élève ou le révélateur de souffrances d’origine personnelle ou familiale. Mme Cartron l’a montré tout à l’heure avec brio.

Certes, me direz-vous, monsieur le ministre, il existe déjà diverses mesures. Vous nous avez rappelé tout l’arsenal existant, qui semble tout à fait satisfaisant. Je me pose donc moi aussi la question : à quoi sert cette proposition de loi ?

Reste que ces dispositifs sont difficilement généralisables. La raison en est simple : c’est une question d’argent. Le budget de la politique de la ville, par exemple, qui rassemble pourtant tous les partenaires, dont les parents, autour de ces difficultés sociales et scolaires, voit ses crédits diminuer.

Vous avez également évoqué au début de votre intervention les internats d’excellence. Je viens d’avoir connaissance de l’ouverture de l’un d’eux dans un collège où, pour pouvoir assurer la prise en charge de seize élèves, on a retiré les personnels qui assuraient les aides aux devoirs du soir pour l’ensemble des collégiens, soit 383 élèves. En fait, on a déshabillé Pierre pour habiller Paul !

Il en va de même avec les auxiliaires de vie scolaire. On a retiré un certain nombre d’entre eux qui travaillaient en unités pédagogiques d’intégration pour les mettre en primaire quinze jours après la rentrée, car il en manquait cruellement.

L’organisation du rythme scolaire que vous avez mise en place autour d’une pratique culturelle ou sportive n’est qu’un aménagement de l’emploi du temps. Les élèves ont exactement les mêmes horaires et le même programme. Toutes ces expérimentations sont juste une caution pour la pénurie générale. Dans certains cas, elles se font au détriment de la globalité des élèves, sans oublier qu’elles coûtent fort cher.

Pourquoi ne pas mettre en place une politique de prévention précoce des difficultés ? Assurer la formation de nos jeunes est un investissement nécessaire pour l’avenir de notre pays.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, une telle politique, à la fois éducative et sociale, contribuerait surtout à renforcer les liens de solidarité qui manquent tant à notre pacte social. Elle offrirait à ces jeunes un peu désespérés la place qu’ils méritent dans ce cheminement commun qu’est la construction de la société française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, vous apportez une mauvaise réponse à un vrai problème.

M. Jacques Mézard. L’absentéisme est toujours la conséquence d’un dysfonctionnement personnel ou collectif, ou plus généralement des deux, d’une absence de prospective par rapport à l’évolution de la société. Or, mes chers collègues, ce problème existe dans toutes les activités humaines, y compris politiques, puis-je dire en regardant l’hémicycle de notre respectable assemblée…

M. Jacques Mézard. En fait, on passe de l’absentéisme scolaire à la déscolarisation. Ce processus est particulièrement lourd de conséquences, car il obère gravement le déroulement du cursus de l’enfant, puis de l’adulte, dont la vie familiale et l’intégration dans la société seront le plus souvent très perturbées avec des effets néfastes sur la société elle-même.

Notre République s’est forgée en faisant de l’instruction un axe fondateur, le plus en adéquation avec sa devise, l’instrument du progrès humain, du progrès social.

Les hussards noirs de la République, l’arrivée à des postes de responsabilité d’enfants issus de milieux modestes, l’ascenseur social ne sauraient évoquer que des souvenirs. Tout cela constitue toujours le socle d’une action politique moderne.

Oui, nous sentons tous aujourd’hui que l’école de la République est fragilisée, que l’instruction a tendance à s’installer dans un système à deux ou à trois vitesses selon l’origine des parents, leurs ressources financières, leur lieu de résidence ! La progression de l’absentéisme scolaire est une réalité qui en découle directement, qui est la résultante des échecs en matière d’urbanisme, de mixité sociale, de politique de l’enseignement, d’accompagnement familial.

Mme Françoise Cartron. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Familles monoparentales, nouvelles techniques de communication : l’évolution de la société n’a jamais été aussi rapide et le pouvoir politique n’a jamais eu autant de difficultés à l’anticiper, à l’assumer, voire à l’encadrer, dans le bon sens du terme. De tels textes n’intègrent pas, par exemple, le fait que nombre des élèves concernés sont majeurs.

M. Jacques Mézard. D’ailleurs, ce qui caractérise la réponse des pouvoirs publics à l’absentéisme scolaire ces dernières années, ce sont l’impuissance, la contradiction et, pour finir, l’utilisation du traitement médiatique, dont les effets ne seront guère meilleurs que l’homéopathie, l’effet placebo en moins … (Sourires sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous faites le procès des familles au lieu de faire celui d’une politique qui a échoué.

Lorsque l’on examine la situation de l’absentéisme scolaire, ce qui saute aux yeux, c’est la différence entre les filières d’enseignement et entre les territoires. Le taux d’absentéisme est considérablement plus élevé dans les lycées professionnels. Nous en connaissons tous les raisons : les difficultés des enseignants face à une concentration d’élèves en échec, l’image trop souvent négative de cette filière. C’est donc là qu’un effort spécifique doit être mené.

Le constat est d’autant plus difficile à réaliser que, comme M. le rapporteur le note lui-même, seuls 34 % des élèves absentéistes au collège sont signalés au motif que les « chefs d’établissement préfèrent sans doute une gestion au plus près du problème, sans intervention systématique de l’échelon administratif supérieur ». Est-ce bien raisonnable ?

Mettre en place des mesures à usage de communication médiatique ne saurait constituer une réponse appropriée au problème.

M. Jacques Mézard. Tout d’abord, quelle est la législation en vigueur ? Celle-ci est-elle correctement utilisée ou tout simplement utilisée ?

L’article L. 131-1 du code de l’éducation, que nous connaissons tous, pose un principe clair : « L’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ». L’article L. 131-8, pour sa part, définit les obligations découlant de ce principe pour les responsables des enfants, dont la déclaration des motifs de l’absence.

C’est la suite qui pose problème. Nous savons que des incriminations pénales sanctionnent les manquements à l’obligation scolaire. En fait, ces textes ne sont aucunement appliqués, comme tant d’autres d’ailleurs, ce qui démontre au passage l’inanité absolue de l’avalanche de lois sécuritaires.

On ne peut faire abstraction de l’historique de ces six dernières années. Jusqu’en 2004, les parents d’enfants absentéistes pouvaient voir le versement de leurs allocations familiales suspendu. Cette procédure administrative, qui se déroulait sous le contrôle de l’inspecteur d’académie, était difficile à appliquer, des certificats médicaux ne facilitant pas forcément les choses. Reste qu’elle a tout de même concerné plusieurs milliers de cas, comme le rappelle l’auteur de la proposition de loi, puisque, la dernière année du gouvernement Jospin, plus de 7 000 suspensions ont été réalisées.

En 2004, l’article 3 de la loi relative à l’accueil et à la protection de l’enfance a abrogé le dispositif administratif de suppression des prestations familiales pour absentéisme. À l’époque, la commission des affaires sociales du Sénat n’était pas hostile « à l’abandon d’une mesure dont la pratique a montré le caractère inéquitable, la faible utilisation et l’efficacité douteuse ».

C’est ce dispositif vilipendé en 2004 que vous voulez rétablir aujourd’hui ! (Exclamations et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.) Je cite la commission de la culture : « Il convenait donc de ne pas se priver de cet instrument ». C’est une autre commission, mais la même majorité, me semble-t-il …

M. Jacques Mézard. Non, mon cher collègue, j’ai lu les conclusions de nos deux commissions !

En 2006, à l’occasion de l’examen du projet de loi pour l’égalité des chances, cette sanction a été réintroduite dans le cadre plus global du contrat de responsabilité parentale sous l’autorité des présidents de conseils généraux, sans résultat réel sur le terrain, sauf dans les Alpes-Maritimes, département exemplaire à tant d’égards, où M. le député Ciotti fête les cent cinquante ans du retour dans la nation avec un feu d’artifice de lois sécuritaires, dont celle-ci.

M. Jacques Mézard. En réalité, ce texte constitue une volte-face par rapport aux lois de 2004 et 2006 qui émanent pourtant de la même majorité. Ses auteurs saisissent là l’occasion de faire le procès des conseils généraux qui n’appliqueraient pas la loi de 2006 pour, je cite M. Ciotti, « des raisons dogmatiques et idéologiques », alors que les départements ne peuvent ni ne doivent se substituer à l’État et pallier ses carences !

M. Jacques Mézard. Davantage de péréquation des Hauts-de-Seine, voire des Alpes-Maritimes, vers les départements où sont concentrés les problèmes serait plus efficace ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Cette nouvelle proposition de loi a une vocation médiatique sécuritaire qui s’inscrit dans la droite ligne politique de son auteur. Sur le terrain, elle aura l’effet d’un cautère sur une jambe de bois, par sa lourdeur administrative, l’insuffisance des moyens humains d’accompagnement dans les secteurs difficiles, l’accentuation de la marginalisation des familles en difficulté, au lieu de cibler l’action sur les filières et les territoires les plus fragilisés.

L’auteur de la proposition de loi, qui est aussi son rapporteur devant l’Assemblée nationale, citait Victor Hugo. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Colette Giudicelli. Il n’a pas le droit ?

M. Jacques Mézard. Si, et il a bien raison de le citer ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Je l’ai cité plusieurs fois avant vous !

M. Jacques Mézard. Mesdames, messieurs les membres du groupe UMP, cela ne vous fait pas plaisir, je le sais, mais c’est la réalité : « Celui qui ouvre une école ferme une prison ». Or, aujourd’hui, le Gouvernement, dans nombre de départements, ferme les deux !

M. Jacques Mézard. Vous l’aurez compris, pour toutes ces raisons, la grande majorité de notre groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Raymonde Le Texier. Nous avons surtout compris que, par ce texte, il s’agit non pas d’être efficace, mais de faire gagner des voix à la majorité !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire vise à s’attaquer à un fléau aboutissant au décrochage scolaire dont les conséquences sont désastreuses pour l’enfant, comme pour la société. Réduite à une sanction à l’encontre des parents, elle me serait apparue personnellement insupportable. Je suis en effet membre de la commission des affaires sociales de notre assemblée, et responsable de la solidarité dans mon département depuis vingt ans.

Je souhaiterais soumettre à de plus amples exigences les concepts mobilisés ici : « responsabilisation des parents », « accompagnement et aide à la parentalité », « sanctions ». Je tenterai, au-delà de la proposition relative à l’école des parents, de présenter des pistes, qui n’entraîneront pas de dépenses supplémentaires, monsieur le ministre, et qui sont habituellement utilisées par les collectivités locales.

Dans le décret-loi du 12 novembre 1938, l’ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 et le décret n° 66-104 du 18 février 1966, le droit aux prestations s’accompagne de devoirs ayant pour finalité l’intérêt supérieur de l’enfant. La loi du 31 mars 2006 relative à l’égalité des chances a mis en place un contrat de responsabilité parentale assorti d’une simple faculté de suspendre et de supprimer les allocations familiales dont le champ d’application est plus large que le seul absentéisme scolaire.

Il convient de rappeler certains constats même si nombreux sont ceux qui les ont déjà évoqués. Pour l’année 2007-2008, en moyenne 7 % des élèves étaient en situation d’absentéisme. Ce taux s’élève à 12,6 % en lycée professionnel. Il ne saurait être question d’évoquer ici toutes les causes de cet absentéisme. Néanmoins, j’aimerais insister sur ce que l’on appelle le « refus scolaire anxieux », qui ne peut être assimilé à un caprice.

Je ne soutiens pas l’indulgence à l’égard de l’absentéisme, je prône l’alliance du soin et de l’école. L’approche clinique ne signifie pas adhésion à la déresponsabilisation sous couvert du soin au sens large. À l’époque de Jules Ferry, ne pas aller en classe, c’était faire l’école buissonnière. Aujourd’hui, on évoque plus volontiers le concept de phobie scolaire. L’absentéisme grave, qui correspond à plus de dix demi-journées d’absence par mois, concernerait 1 % des élèves. Ce chiffre est très important.

La traditionnelle phobie scolaire concerne certaines tranches d’âge, les 5-6 ans, les 10-11 ans et les 14-15 ans, sans différence socio-économique ; il importe de le souligner. L’absentéisme sporadique se répète. Ces enfants connaissent de véritables moments de panique, ressentent des douleurs, se sentent menacés, émettent des plaintes répétées, fuguent parfois, mais durant la semaine uniquement. Tout cela disparaît le dimanche.

Je me permets de faire ces descriptions dans le but de refuser les solutions simplistes et brutales qui sont inopérantes.

Les situations psychopathologiques méritent d’être évoquées pour envisager des stratégies adaptées. Or, la suspension des prestations familiales ne relève pas du soin, même si nous refusons le laxisme. Il s’agit d’un choix qui sera susceptible d’influer sur la modification des comportements.

Nous sommes face à des enfants souffrant, pour les cas graves, de divers troubles : déficit de l’attention, hyperactivité, troubles oppositionnels avec provocation, troubles du comportement alimentaire. Sans vouloir les stigmatiser, les obèses sont plus absents que les autres enfants.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Louis Lorrain. Ces enfants souffrent également de troubles du sommeil, qui sont aussi un facteur d’absentéisme et qui sont facilités par la télévision.

Il découle de ces troubles notables du comportement des fugues, des vols, parfois des agressions.

La responsabilité parentale est au cœur du débat. L’octroi d’allocations familiales peut être le corollaire de l’exercice de l’autorité parentale. Aux droits correspondent des devoirs, notamment celui d’être attentif à l’éducation des enfants. Mais l’autorité parentale, invoquée très fortement dans la lutte contre l’absentéisme, doit être mieux définie.

Face à la dislocation ou la recomposition difficile des familles du fait de divorces, de violences familiales, de l’éloignement des parents, à la diversité des cultures et des origines, des incompréhensions naissent, au-delà de celles qui sont imputables à la langue. Mais il faut aussi s’interroger, dans ces situations, sur la possibilité d’expression de cette autorité parentale. En effet, 30 % de femmes chefs de famille monoparentale vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Mme Françoise Cartron et M. Roland Courteau. Eh oui !

M. Jean-Louis Lorrain. On ne peut évoquer le soutien à la parentalité de façon aussi étroite, comme nous le faisons au quotidien. Des dispositifs d’alerte des parents sont déjà expérimentés. Il y a ainsi dans certains collèges des contrôles de présence plusieurs fois par jour, qui existaient déjà lorsque j’ai commis un travail sur les violences scolaires voilà une dizaine d’années. Sans doute faut-il intensifier ces initiatives. De même, les groupes de parole dont la création est préconisée ici existent d’ores et déjà. Il n’y a d’ailleurs pas de quoi se gargariser, tant leurs moyens sont limités.

La question est de savoir s’il faut aller dans le sens d’une augmentation quantitative ou s’il faut au contraire travailler tout autrement. De nombreux collèges ouvrent aujourd’hui leurs portes et présentent leurs projets d’établissement. Le nier serait faire injure aux chefs d’établissement. Malheureusement, cela n’a pas toujours le succès escompté, car nos concitoyens ne s’y intéressent guère.

Les postures couvrant le vocable d’aide à la parentalité sont des réponses, mais elles ne sont pas suffisantes.

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. Jean-Louis Lorrain. Si les solutions structurelles présentent un intérêt réel, elles sont coûteuses. L’accompagnement des familles, en relation avec l’ensemble des partenaires de proximité, est une pratique courante dans le domaine social. Il serait possible de s’inspirer des dispositifs de proximologie entourant les personnes âgées et les familles en état de souffrance.

L’école des parents, réponse structurelle qui se matérialise – je salue l’initiative de notre collègue des Alpes-Maritimes –, c’est tout de même un coût de 3 000 euros pour assurer le suivi des parents pendant six mois. Un million d’euros est donc nécessaire au budget annuel de l’école des parents de Nice. L’expérimentation a ceci de profitable qu’elle provoque le débat. Cependant, il est certain que cette solution n’est pas accessible à tous les départements.

Nous sommes très soucieux du suivi de la mesure, qui nécessite une compétence psychosociale. Le dépistage de l’absentéisme en établissement entre dans les pratiques. La relation entre l’inspection d’académie et la CAF pour appliquer la suspension puis la suppression et la réintégration me paraît réaliste. L’accompagnement des familles, en liaison avec les associations, est indispensable mais sans doute insuffisant. Le concept d’école des parents est connu depuis plus de trente ans dans les régions de l’Est et sans doute aussi dans le reste de la France, certes sous des formes différentes.

Il me paraît important de mobiliser les lieux d’écoute et les divers réseaux d’aide à la parentalité. Cependant, nous ne pouvons pas nous réfugier derrière ces outils. Nous devons également nous montrer pragmatiques, en particulier dans les conseils généraux. Il est vrai que les moyens manquent. Mais la coordination fait aussi défaut et limite nos moyens d’action.

La création esquissée d’une fonction de médiateur nécessiterait un approfondissement de la définition des missions et des moyens alloués. Rappelons que cela a déjà été esquissé par les schémas départementaux de protection de l’enfance. Ce sont également des éléments connus dans le secteur médico-social.

M. Jean-Louis Lorrain. La lutte contre l’absentéisme, les violences scolaires et la maltraitance d’enfants relèvent d’une même logique, d’une méthodologie d’accompagnement et de suivi des proches, qui doit être proposée aux acteurs institutionnels et associatifs, dans un souci d’optimisation des dispositifs existants et de mutualisation des compétences.

Si vous me permettez cette audace, monsieur le ministre, j’aimerais suggérer d’utiliser une structure existante, les maisons départementales des adolescents, ou MDA. Ces groupements d’intérêt public spécifiques sont environ une cinquantaine en France, répartis sur l’ensemble du territoire. De par leur financement, les MDA sont au carrefour de l’éducation nationale, des collectivités locales, des agences régionales de santé et des hôpitaux.

Les MDA participent à la politique de santé de la ville, en liaison notamment avec les associations familiales et les associations de prévention et de lutte contre la toxicomanie. Ce sont en outre des lieux d’écoute, parfaitement accessibles du fait du réseau qu’elles constituent. Les consultations y sont encadrées par des psychologues, des pédopsychiatres, des infirmiers. Elles présentent, enfin, l’intérêt d’être un guichet unique, d’accès facile pour les familles et les jeunes en période de prérupture mis en difficulté par un contexte familial défaillant, voire hostile.

L’assistante sociale scolaire est présente au sein de la MDA et pourrait ainsi faire le lien avec l’établissement assurant le signalement. L’équipe de la MDA pourrait assurer le suivi du respect du contrat de responsabilité parentale.

En tant que président d’une MDA, mais ce n’est pas un plaidoyer pro domo, je précise que nous sommes prêts, monsieur le ministre, à assurer l’application de ce texte visant à lutter contre l’absentéisme. Dans mon département, comme dans de nombreux autres, un lycée professionnel compte 80 absents par jour sur 600 élèves, malgré les efforts des acteurs éducatifs.

Je plaide pour un nouveau code de la parentalité qui confie l’autorité à d’autres membres de la famille, parfois plus proches affectivement et économiquement que certains géniteurs et donnant plus d’autonomie aux jeunes, avec les responsabilités qui en résultent. Je soutiendrai le suivi et l’accompagnement dans la lutte contre l’absentéisme afin que puissent être utilisés tous les outils, notamment celui qui est proposé aujourd’hui, lequel présente l’avantage d’être progressif et stimule l’autorité parentale et la responsabilité.

Avec les violences scolaires, l’absentéisme n’est qu’un symptôme, mais combien révélateur, de l’importance de l’engagement de tous en faveur de l’éducation.