compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Désignation d'un sénateur en mission

M. le président. Par courrier en date du 7 octobre 2010, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Denis Badré, sénateur des Hauts-de-Seine, en mission temporaire auprès de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Cette mission consistera à analyser le développement des synergies entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe.

Acte est donné de cette communication

3

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, hier, notre collègue Jean Desessard, parlant de votre réforme, vous a qualifié de « ministre de la réclame ». Force est de constater, avec l’annonce à la tribune du Sénat du dépôt, par le Gouvernement, de deux amendements de dernière minute, qu’il n’avait pas tout à fait tort !

Et comme tout commercial qui cherche à convaincre de l’efficacité des produits qu’il propose, vous ne vous privez d’aucun support. Or, en réalité, les annonces gouvernementales sont comme les contrats d’assurance ou de crédit à la consommation : pour en prendre toute la portée, il faut rechercher les astérisques, les mentions figurant en bas de page, en petits caractères, que l’on ne lit bien souvent pas et qui, pourtant, constituent les points les plus importants.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et on se fait avoir !

M. Guy Fischer. J’en veux pour preuve la campagne médiatique que le Gouvernement a conduite dans la presse, notamment gratuite,...

Mme Annie David. Vous êtes réactif !

M. Guy Fischer. … et qu’il poursuit aujourd'hui,…

Mme Odette Terrade. Comme si le projet de loi était déjà voté !

M. Guy Fischer. … avant, effectivement, tout vote !

Il ose affirmer, dessin et titre en gras à l’appui, que « ceux qui ont un travail pénible garderont la retraite à 60 ans ». C’est faux !

Mme Annie David. Bien sûr !

M. Guy Fischer. En réalité, il n’en est rien, car, contrairement à ce qui est écrit, le Gouvernement refuse que l’on évalue la pénibilité par métier, préférant une approche individualisée, au cas par cas, médicalisée,…

Mme Annie David. Tout à fait !

M. Guy Fischer. … à seule fin de réduire considérablement le nombre de bénéficiaires.

D’ailleurs, à la suite du titre et du dessin susvisés, il est précisé – cette fois-ci, en caractères plus petits – que la mesure ne concerne en fait que « les salariés touchés par une incapacité de travail égale ou supérieure à 10 % ». Telle est la vérité !

Mme Annie David. Eh voilà !

M. Guy Fischer. Autrement dit, cette mesure n’est pas la traduction de la reconnaissance de la pénibilité de l’activité professionnelle et de la dégradation de la santé du salarié en raison de celle-ci. Elle oblige juste les salariés handicapés à continuer à travailler jusqu’à 60 ans et ne fait que constater la situation d’invalidité du salarié, autrement dit son incapacité.

Pis, la publicité gouvernementale, payée à grands renforts d’impôt, ose indiquer, à propos de cette mesure, qu’elle constitue un avantage consenti à ces salariés. Celles et ceux qui, en raison de leur travail, ont vu se dégrader leur état de santé apprécieront ! Mais pour le Gouvernement, tout bénéficiaire d’une mesure dérogatoire, même justifiée, même très insuffisante, est forcément un privilégié !

Enfin, cette publicité, en guise de conclusion, précise que 30 000 personnes devraient bénéficier de cette disposition, alors que tous les observateurs sont formels : elle ne devrait concerner que de 15 000 à 20 000 personnes. L’estimation gouvernementale est surévaluée.

Monsieur le ministre, vous devez vous expliquer : le communiqué du Gouvernement s’apparente, par analogie avec le droit de la consommation, à une publicité mensongère ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

Nous reprenons la discussion des articles.

M. Jean Desessard. Il n’y a pas de spot publicitaire du ministre, aujourd’hui ? (Sourires.)

Titre II (suite)

DISPOSITIONS APPLICABLES À L’ENSEMBLE DES RÉGIMES

Chapitre Ier (suite)

Âge d’ouverture du droit

Article 5 (priorité) (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Rappel au règlement

Article 5 (priorité) (suite)

(Non modifié)

M. le président. Nous poursuivons l’examen de l’article 5, entamé hier, dont je rappelle les termes :

Au début du paragraphe 2 de la sous-section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est ajouté un article L. 161-17-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 161-17-2. – L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l’article L. 351-1 du présent code, à l’article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l’article L. 24 et au 1° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1956.

« Cet âge est fixé par décret, de manière croissante à raison de quatre mois par génération et dans la limite de l’âge mentionné au premier alinéa du présent article, pour les assurés nés avant le 1er janvier 1956. »

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l'article.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, le Gouvernement explique aux Français qu’il est important, voire urgent et nécessaire, de remettre en cause le système des retraites. « La » solution serait de revenir sur l’âge légal de départ à la retraite fixé actuellement à 60 ans pour les salariés ayant effectué une carrière complète.

Si l’allongement de l’espérance de vie est incontestable, en revanche, la méthode employée et la réforme que vous nous soumettez, monsieur le ministre, qui, au demeurant, est une réforme comptable à court terme, sont sujettes à caution.

Aucune négociation n’a été engagée avec les partenaires sociaux : vous confondez audition et dialogue social. Le présent projet de loi est examiné après engagement de la procédure accélérée. Le débat est limité dans le temps. Le Parlement est méprisé.

Les grands discours sur une République plus démocratique du Président de la République lors de la réforme de la Constitution voilà maintenant deux ans nous laissent un goût amer au regard de la pratique !

Je conteste la forme au même titre que le fond. Une réforme juste supposerait de donner plus à ceux qui ont moins. Or sur qui pèse le financement des retraites dans votre réforme ? Presque exclusivement sur les salariés !

Le besoin de financement s’élèvera à 40 milliards d’euros en 2050. Le report de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite contribuera à couvrir plus de la moitié de ce montant. Ces sommes vont être apportées par les salariés qui peuvent aujourd’hui partir à l’âge de 60 ans parce qu’ils ont les annuités nécessaires. Mais demain, il leur faudra attendre 62 ans. Je parle non pas de ceux qui, étant entrés sur le marché du travail plus tardivement en raison, par exemple, de la longueur de leurs études, auraient dû, de toute manière, travailler jusqu’à 62 ans, voire au-delà, mais de ceux qui ont commencé à travailler jeunes, de ceux qui exercent les métiers les plus pénibles ou dont les carrières sont fragmentées, à l’instar des femmes.

Pis, vous accentuez les inégalités envers les salariés qui attendaient d’atteindre l’âge de 65 ans pour liquider leurs droits à la retraite – ce sont principalement les femmes – et qui devront désormais patienter jusqu’à 67 ans.

Travailler deux années supplémentaires, soit, mais encore faut-il trouver un emploi ! En fait, le report de l’âge légal de départ à la retraite ne constitue-t-il pas un jeu de dupes ? En effet, le revenu de solidarité active, ou RSA, risque fortement de devenir une véritable variable d’ajustement, passage obligé pour de nombreuses personnes en fin de carrière qui devront attendre d’être âgées de 62 ans afin de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein. Cet élément doit vraiment être pris en compte.

Les Français sont parfaitement prêts à faire des efforts, mais à condition que ces derniers soient justes, partagés équitablement et utiles. Or tel n’est pas le cas.

Enfin, vous délégitimez également le système par répartition aux yeux des jeunes générations. Ce système est un contrat intergénérationnel. Les salariés d’aujourd'hui cotisent parce qu’ils savent que les futurs salariés acquitteront à leur tour le même type de cotisations. Or les réformettes comptables qui nous sont proposées risquent d’effacer ce lien contractuel entre les générations.

Vous condamnez les jeunes âgés de moins de 25 ans à travailler bien au-delà de 65 ans, alors qu’ils rencontrent des difficultés extrêmes pour trouver un emploi, comme nombre d’orateurs l’ont indiqué. Pour mémoire, en France, le taux de chômage des jeunes actifs était de l’ordre de 23 % en 2009, bien en deçà de la moyenne mondiale de 13 % établie par le Bureau international du travail, ou BIT. Aujourd’hui, les jeunes doivent attendre plus de dix ans pour disposer d’un emploi stable : stages, petits boulots, contrats à durée déterminée sont leur lot quotidien. À cela, il faut ajouter les difficultés extrêmes auxquelles sont confrontés nombre d’entre eux pour trouver des structures d’accueil afin d’effectuer un contrat d’apprentissage ou un contrat en alternance.

Sauver notre système par répartition passe non seulement par la modification de paramètres financiers, mais aussi par une véritable réforme du marché du travail qui permette aux jeunes de trouver un emploi et aux seniors d’en conserver un.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe socialiste vous proposeront, mes chers collègues, de supprimer l’article 5. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

L'amendement n° 110 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 254 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

L'amendement n° 332 rectifié est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, avec l’examen de l’article 5, sur lequel plusieurs collègues sont déjà intervenus, nous abordons le cœur de votre réforme. Tous vous ont dit à quel point nous sommes à l’unisson de l’opinion de notre peuple, qui rejette massivement la fin de la retraite à 60 ans. Vous ne serez donc pas étonné que nous vous demandions, par le biais du présent amendement, la suppression de cet article.

En effet, après avoir augmenté le nombre d’annuités obligatoires, autrement dit la durée de cotisation, disposition très importante, vous instituez la double peine en reculant de deux ans l’âge ouvrant droit à la retraite. Désormais, les salariés devront avoir cotisé pendant quarante et une annuités et demie et être âgés de 62 ans. Au sein de l’Union européenne, ce dispositif est pratiquement le plus régressif.

Finalement, à contresens de l’Histoire, vous nous demandez de contraindre notre peuple à une vie de travail plus longue pour des pensions de retraite plus faibles. Comment pouvez-vous penser que nous allons accepter cela et vous laisser faire ?

De surcroît, les arguments que vous nous présentez pour soutenir cette mesure sont pour le moins fallacieux.

Outre le fait que vous soutenez une thèse fausse – il n’y aurait pas d’autre solution, mais notre proposition de loi de financement de la retraite prouve le contraire –, vous tentez de justifier cette mesure par un argument qui semble de bon sens, mais qui est faux, lui aussi.

Non ! Nous ne devons pas travailler plus longtemps parce que nous vivons plus longtemps ! Cet argument est un mensonge, une tromperie.

Ce raisonnement pourrait-être admissible si notre système de retraite était par capitalisation. C’est d’ailleurs la raison qui motive notre refus d’un tel système, et sans doute celle de votre soutien au développement des fonds d’épargne retraite.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. Guy Fischer. Mais notre retraite doit rester fondée sur la répartition et sur la solidarité intergénérationnelle. Ce ne sont donc pas les cotisations d’aujourd’hui qui paieront les retraites de demain : elles financent les pensions de retraite actuelles.

M. Guy Fischer. Ce sont les emplois et cotisations de demain qui serviront à acquitter les pensions de demain.

L’augmentation de notre espérance de vie ne change rien à ce principe.

M. Guy Fischer. S’il y a plus de retraités, il faut qu’il y ait plus d’emplois, donc plus de cotisations. C’est le fondement même de notre système.

Aussi, les paramètres essentiels à prendre en compte sont l’emploi et les revenus soumis à cotisations. Voilà les curseurs sur lesquels il nous faut agir.

Oui, notre système de retraite est en danger ! Il est malade de l’enracinement d’un chômage de masse, du développement de l’emploi précaire, de l’explosion de la précarité et de la pauvreté,…

M. Guy Fischer.… de la stagnation des salaires et du partage de plus en plus inéquitable des richesses produites.

C’est dans ces domaines qu’il nous faudrait agir.

Deux ans de travail en plus, ce n’est pas une solution. Si nous mettons le doigt dans cet engrenage, aujourd’hui c’est deux ans, demain ce sera trois, quatre ou cinq années en plus !

M. Jean Desessard. C’est évident !

M. Guy Fischer. Rien n’arrêtera cette tendance !

Aussi, nous vous demandons dès maintenant de ne pas nous engager dans cette voie, et donc de supprimer l’article 5.

Nous manifesterons notre opposition aux dispositions de l’article 5 en demandant un vote par scrutin public sur un certain nombre d’amendements. Cela nous semble incontournable pour bien marquer la réalité de la situation.

M. Guy Fischer. Nous demandons un scrutin public sur ces quatre amendements identiques.

M. Jean-Pierre Fourcade. Parfait ! Enfin un point d’accord entre nous !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 110.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le ministre, je reprendrai les arguments que j’ai avancés lors de mon intervention dans la discussion générale sur le recul de l’âge légal de départ de 60 ans à 62 ans.

Je disais, voilà quelques jours, que ce recul était injuste, puisqu’il pénalisait les salariés qui ont commencé à travailler tôt, ceux qui ont travaillé longtemps, mais aussi ceux qui ont alterné des périodes de travail et des périodes de chômage ou de travail à temps partiel – je pense particulièrement aux femmes.

Maintenir le droit au départ en retraite à 60 ans pour ces personnes, tout en permettant à ceux qui le souhaitent et qui le peuvent de poursuivre leur activité, serait juste. Voilà ce que j’ai développé lors de la discussion générale.

Le Gouvernement déclare que les Français prennent leur retraite plutôt à 61 ans et que l’allongement de 60 ans à 62 ans n’est pas la mer à boire – sous-entendant ainsi que cette décision n’était pas contrainte !

Or, il n’en est rien pour une grande partie de nos concitoyens. Pour eux, la réalité est tout autre. C’est bien parce que seuls 58 % des actifs de 55 ans à 59 ans ont encore un emploi, les autres n’ayant malheureusement pas cette chance, que la retraite est prise si tardivement.

Cette dimension renvoie au bilan de votre politique de l’emploi, notamment de celle en direction des seniors. Le moins que l’on puisse dire, c’est que vos réponses sont loin de correspondre aux attentes de nos concitoyens.

J’ajouterai quelques mots sur les seniors. Comme je le disais lors d’une précédente intervention, ce n’est pas la faute des personnes de 55 ans à 60 ans si elles sont au chômage ! Ce sont les entreprises qui les mettent à la porte parce qu’elles considèrent que les employer coûte trop cher ! Et, pour autant, les entreprises n’embauchent pas plus de jeunes. En conséquence, les seniors ne travaillent pas et les jeunes ne travaillent pas non plus ! Tout cela a été constaté et dénoncé. C’est la réalité.

On entend le secrétaire d’État à l’emploi affirmer que des efforts ont été faits, que les entreprises changent et que des chartes sont signées. Pourtant, les chiffres sont implacables, monsieur le ministre.

M. Didier Guillaume. Implacables !

Mme Christiane Demontès. Le taux de chômage des seniors continue à ne pas baisser, malgré toutes les mesures que l’on prétend avoir prises.

De l’autre côté de la pyramide des âges, pour nos jeunes qui cherchent un emploi désespérément, le taux de chômage de plus d’un an, c’est-à-dire le taux de chômage de longue durée, n’a cessé d’augmenter et atteint aujourd’hui un niveau jamais vu dans notre pays ! Et l’on sait pourtant qu’un certain nombre de jeunes ne s’inscrivent pas à Pôle emploi…

Il faut travailler avec les seniors, il faut travailler avec les jeunes ! Il faut donner la possibilité aux personnes qui ont eu des parcours chaotiques et des carrières longues de partir à la retraite à 60 ans.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 254.

M. Jean Desessard. À l’unisson de nos collègues du groupe CRC-SPG, du groupe socialiste et du groupe du RDSE, les sénatrices et les sénateurs Verts sont profondément attachés au droit à partir à la retraite à 60 ans.

Le droit à la retraite à 60 ans est une liberté : chacun doit pouvoir arbitrer entre la possibilité de s’arrêter, de se mettre au repos, de s’épanouir en dehors du cadre professionnel, ou la possibilité de poursuivre son activité. Vous ne le dites pas assez souvent, monsieur le ministre, mais ceux qui veulent travailler le peuvent ! Il est possible, dans la plupart des branches, de continuer à travailler jusqu’à 70 ans.

C’est à chacune et à chacun de choisir. Ce n’est pas au Gouvernement de passer en force une mesure impopulaire, inadaptée à la réalité sociale et économique de notre pays et injuste pour bon nombre d’assurés sociaux.

Relever l’âge légal de départ à la retraite, monsieur le ministre, apparaît aux yeux de l’opinion non pas comme une solution mais comme une punition !

En 2003, M. François Fillon a fait adopter une réforme qui avait pour ambition de régler la question démographique jusqu’à l’horizon 2020.

Aujourd’hui, on veut nous refaire le coup du problème démographique qui appellerait une solution démographique !

Monsieur le ministre, vous invoquez les gains d’espérance de vie pour justifier un allongement du temps de travail. D’ailleurs, je n’ai pas compris ce que vous avez voulu dire, hier soir, en déclarant que l’on était plus jeune à 62 ans qu’à 60 ans ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est magique !

Mme Annie David. Oui, c’est très fort !

M. Éric Woerth, ministre. Je vais y revenir !

M. Jean Desessard. Vous êtes vraiment le ministre de la réclame : vos annonces nous surprennent toujours ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, vous invoquez les gains d’espérance de vie pour justifier un allongement du temps de travail.

À l’inverse, je crois que, outre les progrès de la médecine, c’est bien parce que nous travaillons moins que nous vivons plus longtemps. Vous l’oubliez !

M. Jean Desessard. On évoque souvent la médecine, mais c’est le progrès social – avec la sécurité sociale, les congés payés et les RTT – qui a permis d’améliorer les conditions et l’espérance de vie.

M. Michel Teston. Absolument !

M. Jean Desessard. Votre réforme remet en question le progrès social. Mais les acquis sociaux ne sont pas indexés sur la durée de la vie. Quand on est passé à cinq semaines de congés payés, ce n’était pas parce que les années étaient passées à cinquante-trois semaines ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Ce n’est pas l’allongement de l’espérance de vie qui menace notre système de retraite. Pour les écologistes, la véritable menace se trouve plutôt du côté du chômage de masse, de la précarisation de l’emploi, de la stagnation des salaires et d’une mauvaise répartition des richesses de notre pays.

Vous devez considérer, monsieur le ministre, que je répète la même chose que les autres. Oui, mais, nous, ce que l’on ne comprend pas, c’est que vous ne compreniez pas ! Alors on répète !

Vous avez dit hier : « Nos cœurs, ce sont de vraies pompes, nous vous écoutons ! Vous n’avez pas le monopole du cœur… »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le cœur et la raison…

M. Jean Desessard. Dans ce cas, écoutez ce que disent les gens ! Écoutez-nous ! Cette mesure est injuste, elle fera payer la crise à ceux qui sont les premiers à en souffrir. Elle revient à organiser le racket du monde du travail !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne sont pas responsables !

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Jean Desessard. Merci, monsieur le président, de me le rappeler. J’étais parti…

M. le président. C’est pourquoi j’ai voulu vous ramener parmi nous ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Je souhaite la suppression de cet article injuste et inefficace. Mais comme j’ai remarqué que vous n’aviez pas encore bien compris, je me permettrai de terminer mon propos lors de l’explication de vote ! (Nouveaux sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L’amendement n° 332 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à ces trois amendements identiques.

J’ai écouté avec attention nos collègues, mais aucun des arguments développés par ces derniers ne me semble pertinent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Ah bon ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je regrette, je vous ai écoutés avec attention, mais le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite est nécessaire pour sauver notre système par répartition, et vous le savez très bien.

Mme Annie David. Ça, c’est pertinent !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Si l’on y est attaché, on fait tout pour le sauver !

Ce relèvement est justifié par l’accroissement constant de l’espérance de vie, notamment à 60 ans. On l’a répété, cette dernière a progressé de près de quatre ans par rapport à 1982.

Tous les pays comparables au nôtre ont pris des mesures similaires. Vous avez évoqué la Belgique : si l’âge de départ à la retraite est maintenu à 60 ans, la durée de cotisation exigée est de 45 ans !

Vous avez évoqué le Japon : lui aussi a conservé un âge de départ à la retraite à 60 ans, mais c’est l’âge effectif de départ qui compte, et il est le plus élevé au monde !

Vous avez fait référence à l’Allemagne : bien sûr, on peut partir à la retraite quand on veut mais il faut avoir cotisé pendant 45 ans ! Vous évoquez les 35 ans nécessaires de cotisation mais il faut avoir 63 ans pour en bénéficier ! Et surtout, vous le savez très bien, cela implique une pension minorée.

Or, nous avons fait le choix de conserver un niveau de pension qui ne régresse pas, contrairement à tous ces pays qui ont un niveau de pension inférieur et déclinant d’année en année. Le choix que nous avons fait est indispensable.

Nous prenons des mesures, notamment en maintenant l’élargissement du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, qui devrait concerner 90 000 personnes en 2015. Depuis 2004, 600 000 personnes ont bénéficié du système. Elles peuvent vous dire « merci », car vous n’avez pas voté le dispositif ! Aujourd’hui, vous le récupérez grossièrement.

Il en est de même de la pénibilité. C’est la première fois que les personnes soumises à des conditions pénibles vont pouvoir partir plus tôt en retraite.

Mme Annie David. Et les listes des maladies professionnelles, vous en faites quoi ? Ce n’est pas la première fois !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Toutes ces mesures porteront sur les personnes qui ont commencé à travailler tôt et qui sont soumises à des carrières pénibles.

Mme Annie David. Encore des mensonges !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ces personnes seront les bénéficiaires de ce projet de loi. Dans ces conditions, vous le savez très bien, la proposition du relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite est non seulement nécessaire, mais aussi efficace et surtout plus équitable.

En conséquence, je le répète, la commission est défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?