compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Réforme des retraites

Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des retraites (texte de la commission mixte paritaire n° 60, rapport n° 59).

Rappel au règlement

 
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Discussion générale

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux.

Je ne reviendrai pas sur la façon dont la discussion de ce projet de loi de réforme des retraites, injuste et impopulaire, a été émaillée de coups de force et de manœuvres destinés à accélérer l’adoption de ce texte.

La procédure accélérée a été engagée et, à l’Assemblée nationale, se sont produits les coups de force que l’on sait. Toutefois, je m’en tiendrai à ce qui s’est passé ici.

Au Sénat, dès le début de nos travaux, la discussion de 300 amendements – ceux qui visaient à présenter les propositions alternatives de l’opposition, notamment du groupe CRC-SPG, sur un autre financement taxant les revenus financiers et particuliers – fut réservée à la fin du débat.

Ensuite, la priorité fut demandée sur les articles 4, 5 et 6 du projet de loi concernant les bornes d’âge et la durée de cotisation, pour tenter de prendre de vitesse le mouvement social, quitte à ôter toute cohérence à la discussion du texte.

Plus tard encore, le vote bloqué, en vertu de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, fut imposé au Sénat pour clore au plus vite le débat, empêchant au passage toute discussion et tout vote sur les propositions précédemment réservées.

Enfin, la majorité sénatoriale, qui n’a pas été très prolixe durant la discussion, est sortie de son mutisme en conférence des présidents – c’était hier – pour violer expressément le règlement afin d’empêcher toute intervention sur les articles du texte issu de la commission mixte paritaire.

Pourtant, l’article 42, alinéa 7, de notre règlement prévoit expressément le droit d’intervention sur article, à quelque stade que ce soit de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi. L’article 42, alinéa 12, derrière lequel la majorité sénatoriale tente de s’abriter, ne concerne que la question du vote, ce dernier étant unique sur le texte issu d’une CMP.

Certes, chers collègues siégeant sur les travées de droite de cet hémicycle, vous êtes majoritaires au sein de la conférence des présidents, mais cela ne vous autorise pas à ne pas respecter les textes que vous avez vous-mêmes validés.

Ce énième coup de force masque mal une volonté de précipiter un débat qui met en mauvaise posture le Président de la République, puisque celui-ci a maintenant l’opinion contre lui.

Avec les membres de mon groupe, je m’oppose donc solennellement à l’autoritarisme du pouvoir exécutif et de sa majorité, qui porte un grave coup à la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, avant que nous n’ouvrions la discussion générale, je voudrais apporter quelques précisions.

S’agissant de l’appel des articles lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, il nous est apparu que la multiplication des paroles sur article serait contraire à l’esprit des dispositions de la Constitution et du règlement du Sénat, dans la mesure où ces interventions pourraient être assimilées à des explications de vote. Je le rappelle, ce sont la discussion générale et les explications de vote qui sont les moments naturels de telles prises de parole.

La logique de la lecture des conclusions de la CMP nous semble donc exclure la parole sur article. Ce principe a été appliqué 55 fois depuis octobre 2008.

Sans décision de la conférence des présidents, le président de séance peut déroger à ce principe en ayant une interprétation libérale de l’article 42, alinéa 8, du règlement du Sénat. Trois dérogations de ce type ont été accordées depuis octobre 2008.

Si une décision de la conférence des présidents confirme le principe que j’ai énoncé à l’instant, il n’y a pas de parole sur article.

L’article 42, alinéa 8, du règlement du Sénat que vous évoquez, madame Borvo Cohen-Seat, doit donc s’interpréter à la lumière de l’article 29, alinéa 4, du même texte. Tel est le sens de la décision qui a été prise hier par la conférence des présidents et qui clarifie les règles applicables dans des circonstances où une interprétation libérale de l’article 48, alinéa 8, ne semble pouvoir être acceptée.

Cet avis a été partagé hier par la conférence des présidents,…

M. Guy Fischer. Par sa majorité !

M. le président. … qui s’est prononcée par un vote, puis par l’assemblée quand celle-ci a été consultée.

Ce choix n’interdit pas pour l’avenir – puisque cette question a été posée –, sauf décision spécifique de la conférence des présidents, des dérogations acceptées par le président de séance au principe de l’exclusion des prises de parole sur article pendant la lecture des conclusions d’une CMP.

Telles sont les précisions que je voulais apporter.

Discussion générale


Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 1er A

M. le président. Nous abordons maintenant l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous allons adopter aujourd’hui une réforme cruciale pour l’avenir de notre pays. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Voilà plus d’un an, le Président de la République décidait d’avancer le rendez-vous quadriennal sur les retraites prévu initialement en 2012, afin de faire face sans attendre aux déficits considérables de nos comptes sociaux, et tout particulièrement de l’assurance vieillesse.

Après plusieurs mois de concertation, pendant lesquels notre assemblée a préparé ce rendez-vous à travers les travaux de la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, le Gouvernement a présenté un projet de loi pour assurer la pérennité, gravement menacée, de notre système de retraite.

Sans la réforme d’aujourd’hui, le besoin de financement des régimes de retraite, c'est-à-dire les déficits de ces systèmes, aurait été compris entre 38 et 40 milliards d’euros par an dès 2015 et entre 72 et 115 milliards d’euros à l’horizon 2050, en fonction des hypothèses économiques retenues.

Il fallait donc agir. C’est l’honneur du Gouvernement que d’avoir fait face aux difficultés alors que la facilité aurait pu le conduire à se réfugier derrière le calendrier initial de la loi Fillon pour reporter à plus tard des décisions délicates.

Le projet de loi portant réforme des retraites achève aujourd’hui son parcours législatif au Sénat. Nous l’avons examiné de manière très approfondie, à la fois en commission et en séance publique. Notre assemblée lui a apporté de nombreuses améliorations sans remettre en cause ses équilibres essentiels.

Je sais que certains de nos collègues trouvent ces avancées insuffisantes, mais je crois profondément que nous pourrons mesurer avec le temps l’importance des apports du Sénat à cette réforme, notamment en ce qui concerne la préservation des droits des personnes handicapées ou des victimes de l’amiante.

De même, nos propositions relatives à la gouvernance du système de retraite, au droit à l’information ou à la pénibilité auront toute leur importance dans la mise en œuvre du projet de loi.

Lors de son adoption par le conseil des ministres, le projet de loi comportait 33 articles. Il en avait 88 après son examen par l’Assemblée nationale, et 137 articles étaient numérotés dans la version adoptée par le Sénat. C’est dire à quel point ce texte a été modifié depuis qu’il a entamé son parcours législatif !

La commission mixte paritaire s’est réunie hier et elle est parvenue à un accord sur l’ensemble des dispositions restant en discussion. Elle a retenu le texte adopté par le Sénat pour la plupart des articles. Elle a néanmoins adopté une trentaine d’amendements.

La commission mixte paritaire a ainsi prévu que les parlementaires membres du conseil d’orientation des retraites, le COR, appartiendront aussi au comité de pilotage des régimes de retraite. Cette solution, que la commission des affaires sociales avait retenue dans le texte qu’elle a proposé au Sénat, est logique. Elle permettra ainsi aux parlementaires concernés d’être associés à la fois aux débats techniques du COR et à la gouvernance des différents régimes.

La CMP a également apporté quelques clarifications à l’article 3 du projet de loi relatif au droit à l’information. Elle a ainsi précisé que les informations délivrées par les régimes de retraite lors de l’entretien individuel n’engageraient pas la responsabilité de ces derniers. Faute d’une telle précision, on pouvait craindre en effet que les informations ne soient délivrées que de manière parcimonieuse et peu utile pour les assurés. La commission a également supprimé des dispositions superflues.

Bien entendu, la CMP a rétabli dans leur rédaction adoptée par l’Assemblée nationale les articles 4, 13 et 20 bis, qui avaient été supprimés ou modifiés à la suite d’erreurs ou contre l’avis de la majorité du Sénat.

Pour ce qui concerne la médecine du travail, comme la pénibilité, la commission mixte paritaire a retenu l’ensemble des améliorations apportées au projet de loi par le Sénat.

M. Jean-Marc Todeschini. Il n'y a eu aucune amélioration !

M. Guy Fischer. C’est la mainmise du patronat !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Elle a cependant choisi de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale s'agissant de la présidence des services de santé au travail.

La réforme de la médecine du travail inscrite dans ce projet de loi est d’une ampleur considérable, et l’introduction immédiate d’une présidence tournante aurait sûrement constitué un énorme bouleversement du fonctionnement des services de santé au travail.

Je pense cependant qu’il ne s’agit que d’une première étape et que nous aurons à revoir cette question lorsqu’un bilan de la réforme pourra être établi.

Sur toutes les autres dispositions du texte, la commission mixte paritaire n’a adopté que des amendements rédactionnels ou de coordination.

Au moment où s’achève l’examen par notre assemblée de ce projet de loi portant réforme des retraites, je souhaite formuler deux remarques, essentielles à mes yeux.

En premier lieu, l’adoption définitive du projet de loi ne marquera pas la fin de la réforme des retraites. Cette dernière comporte aussi des mesures de recettes indispensables que nous examinerons très prochainement dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La réforme que nous allons adopter aujourd’hui est vouée à l’échec si elle ne s’accompagne pas de l’attribution à l’assurance vieillesse de ressources pérennes et robustes. Le Sénat se montrera vigilant sur ce point à l’occasion de l’examen des textes financiers.

M. Jean-Louis Carrère. Pas trop d’effets de tribune, monsieur Leclerc !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. En second lieu, je souhaite m’arrêter quelques instants sur la disposition que nous avons adoptée la semaine dernière pour prévoir une réflexion nationale sur une éventuelle réforme systémique. J’ai entendu dire que cet amendement démontrait notre absence de confiance dans la réforme qui nous est soumise aujourd’hui. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je m’inscris évidemment en faux contre cette analyse. Je suis fier d’avoir cosigné, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, un rapport intitulé – écoutez bien – Retraites 2010 : régler l’urgence, refonder l’avenir.

Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est bien régler l’urgence que constituent les déficits insoutenables des régimes de retraite.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce que vous voulez faire croire !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Et nous le faisons en intervenant sur les paramètres à notre disposition, à savoir l’âge de cessation d’activité et les recettes du système, tout en refusant la baisse des pensions qui aurait pu également être envisagée.

M. Jacky Le Menn. C’est faux !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je dis bien : « tout en refusant la baisse des pensions » !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dans le même temps, nous prenons en compte les parcours de chacun à travers les dispositions sur les carrières longues et la pénibilité.

La réforme systémique n’a pas pour objet, quant à elle, de rétablir l’équilibre des comptes.

Mme Nicole Bricq. C’est de la diversion !

M. Guy Fischer. Il nous enfume !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Si nous l’entreprenons un jour, ce sera pour rendre notre assurance vieillesse moins complexe, plus lisible et, surtout, plus équitable. En effet, le déficit n’est pas le seul mal dont souffre notre système. La multiplication des régimes issue de notre histoire est un facteur de complexité et d’injustice qu’illustre la situation des polypensionnés dont nous avons tous parlé au cours de ce débat.

L’empilement des dispositifs de solidarité conduit à des redistributions dont nous sommes aujourd’hui incapables de mesurer les effets. Les disparités entre les régimes et certaines pratiques corporatistes ont perverti les principes mêmes de notre système de retraite et en ont sûrement accentué, au cours de l’histoire, les inégalités.

C’est à ce type de questions qu’une éventuelle réforme systémique doit nous permettre de répondre.

Et c’est pour examiner l’ensemble de ces problématiques que nous avons proposé une réflexion nationale à compter de 2013 sans anticiper dès à présent sur les conclusions de cette réflexion. Celle-ci n’a évidemment pas pour but de nous conduire à copier une réforme étrangère. Si, un jour, nous entreprenons une réforme systémique, elle devra prendre en compte notre histoire et les caractéristiques de notre société. C’est bien pourquoi un tel processus est d’une durée très importante et doit, surtout, être préparé longtemps à l’avance.

Il n’y a donc aucune contradiction à soutenir le projet de loi qui nous est soumis tout en engageant une réflexion de type systémique.

En conclusion, mes chers collègues, je crois profondément que le texte qui nous est soumis pour une approbation définitive est nécessaire à la sauvegarde de nos régimes de retraite, et je vous invite avec force à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire en adoptant le projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président du Sénat, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée s’apprête à voter le projet de loi portant réforme des retraites dans la rédaction issue de la commission mixte paritaire. C’est l’aboutissement d’un processus démocratique qui s’est déroulé étape par étape,…

M. Jean-Louis Carrère. Le processus n’était pas très démocratique !

M. Éric Woerth, ministre. … le point d’arrivée d’un débat qui a duré plus de sept mois, d’avril à octobre, le plus long débat que nous ayons jamais eu sur les retraites. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. Plus c’est long, plus c’est bon ! Cela ne veut pas dire que c’est démocratique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas la peine de travestir la réalité !

M. Éric Woerth, ministre. C’est une réforme sans précédent par son ampleur et son importance pour notre protection sociale.

Notre système de retraite prenait l’eau, il fallait le rééquilibrer pour le sauver du naufrage. Sur l’initiative du Président de la République, nous l’avons fait.

Nous avons beaucoup consulté,…

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez surtout consulté l’UMP et Mme Parisot !

M. Éric Woerth, ministre. … nous avons beaucoup écouté, nous avons beaucoup dialogué et, finalement, nous avons décidé. Il y a eu une concertation intense avec les partenaires sociaux, il y a eu l’examen du texte jour et nuit par le Parlement. Il y aura désormais une loi pour garantir l’avenir de notre système de retraite par répartition. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas du tout ! M. Leclerc vient de dire le contraire !

M. Jean-Marc Todeschini. Il n’y a aucune garantie !

M. Jean-Louis Carrère. Votre nez s’allonge comme celui de Pinocchio !

M. Éric Woerth, ministre. La CMP s’est réunie et a fait du très bon travail, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission. Je veux saluer le compromis constructif qui a été trouvé. Les avancées faites à l’Assemblée nationale et au Sénat ont été confirmées,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des avancées pour qui ?

M. Éric Woerth, ministre. … des précisions juridiques ont été apportées sur certains points, et l’équilibre général du texte a été préservé.

Je veux aussi saluer l’excellent travail de la majorité présidentielle tout au long de l’examen du texte.

Mme Catherine Tasca. C’est la grande muette !

M. Éric Woerth, ministre. Parfois même, nous avons pu avoir aussi un débat constructif avec l’opposition, que je remercie également. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Vous voyez, j’équilibre !

M. Éric Woerth, ministre. Je tiens à remercier le rapporteur de la commission des affaires sociales, Dominique Leclerc, ainsi que la présidente de cette dernière, Mme Muguette Dini. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

Je remercie également les présidents de chaque groupe, ainsi que le président du Sénat, Gérard Larcher, et l’ensemble des vice-présidents qui ont, tour à tour, présidé nos débats.

Comme en 1993, comme en 2003, comme en 2007-2008, notre majorité a pris ses responsabilités.

Nous n’avons pas craint de parler de l’âge de la retraite, nous n’avons pas craint de dire qu’il fallait travailler plus longtemps, nous n’avons pas craint de sortir du dogme de la retraite à 60 ans pour assurer la pérennité de notre système de retraite.

M. Jean-Pierre Sueur. La pérennité n’est pas assurée ! La retraite à 60 ans, ce n’est pas un dogme !

M. Éric Woerth, ministre. Il y aura donc un nouvel âge de la retraite, à 62 ans, en 2018.

M. René-Pierre Signé. On vole deux ans aux travailleurs !

M. Éric Woerth, ministre. C’est la réponse logique au défi démographique, c’est la condition incontournable du retour à l’équilibre dès cette date.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Woerth, ministre. C’est le signe de l’esprit de responsabilité qui nous anime.

Je rappelle que le fait d’équilibrer à même hauteur notre système de retraite par la durée de cotisations nous aurait conduits à faire passer à quarante-sept ans la durée de cotisation.

M. Guy Fischer. C’est un scénario catastrophe !

M. Jean-Louis Carrère. Allez, rajoutez-en !

M. Jean-Marc Todeschini. Cinquante ans ?...

Mme Nicole Bricq. On en a assez du scénario catastrophe !

M. Éric Woerth, ministre. Je rappelle qu’équilibrer à même hauteur notre système de retraites par le niveau des pensions nous aurait conduits à baisser les retraites des Français de 15 %.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est ce que vous faites !

M. Jean-Louis Carrère. Avec votre budget, vous ne redressez rien !

M. Éric Woerth, ministre. Je rappelle qu’équilibrer à même hauteur notre système de retraites par l’augmentation de la fiscalité nous aurait conduits à augmenter cette fiscalité à l’horizon de 2020 de 40 milliards d’euros. Tout cela est évidemment inacceptable !

La mesure centrale de notre projet, l’augmentation de l’âge de la retraite, a été votée dans les mêmes termes par chacune des deux assemblées. C’est une étape fondamentale pour notre pays.

M. René-Pierre Signé. Vous êtes majoritaires ! Cela ne veut rien dire !

M. Éric Woerth, ministre. Les gouvernements allemands, espagnols, danois, anglais, suédois, ont tous pris leurs responsabilités dans ce domaine.

M. Didier Guillaume. Vous prenez toujours les mêmes comparaisons ! Cela n’a rien à voir !

M. Éric Woerth, ministre. À notre tour, avec cette loi, nous prenons les nôtres !

Nous avons pris nos responsabilités, nous avons aussi pris le temps du débat. Personne ne peut prétendre le contraire. Tout le monde a pris la parole, tous les sénateurs de l’opposition qui le souhaitaient ont pu évidemment s’exprimer,…

M. Jean-Marc Todeschini. Aujourd’hui, on ne peut pas !

M. Éric Woerth, ministre. … et nous les avons écoutés : à titre d’exemple, plus du tiers des amendements adoptés par le Sénat proviennent de propositions de l’opposition. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Au fond, cela a été bien plus qu’un débat sur les retraites. Cela a été un débat social global, car nous avons abordé un très grand nombre de sujets qui concernent l’ensemble de notre société : l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (Mme Catherine Tasca s’exclame.), la pénibilité et les carrières longues…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas du tout ! Il n’y a absolument pas eu de débat là-dessus !

M. Éric Woerth, ministre. Ce débat a construit, nourri, enrichi le projet initial du Gouvernement.

Le Sénat a adopté 131 amendements. En définitive, à l’issue de l’examen parlementaire, le texte aura connu une vingtaine d’évolutions notables.

M. Jean-Louis Carrère. Merci l’UMP !

M. Éric Woerth, ministre. Chacune des deux chambres a proposé des avancées pour aboutir à plus de solidarité, plus d’équité, plus de justice, tout en préservant l’équilibre général du texte.

Il y a eu des avancées au Sénat pour tenir compte davantage des plus fragiles. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai ! Nous voulions l’égalité pour les femmes !

M. Éric Woerth, ministre. Pour les travailleurs handicapés, nous avons élargi le droit à la retraite anticipée à 55 ans.

M. René-Pierre Signé. C’est une aumône !

M. Éric Woerth, ministre. Pour les chômeurs proches de la retraite, qui risquaient d’être pénalisés par le report de l’âge légal, nous avons fait en sorte qu’ils puissent conserver le bénéfice de l’allocation équivalent retraite, l’AER, jusqu’à l’âge de leur départ en retraite.

Pour les mères de trois enfants et plus nés avant 1956…

Mme Nicole Bricq. On veut l’égalité !

M. Éric Woerth, ministre. … comme pour les parents d’enfants handicapés, quelle que soit leur année de naissance,…

Mme Nicole Bricq. On ne veut pas la charité ! On veut l’égalité et la solidarité !

M. Éric Woerth, ministre. … des amendements ont été votés pour qu’ils puissent continuer de bénéficier d’une retraite sans décote dès 65 ans.

Et nous n’avons pas fermé le débat, nous l’avons au contraire laissé ouvert pour l’avenir. Nous avons préservé notre système par répartition, conformément à l’engagement pris par le Gouvernement depuis le début.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’est pas préservé ! En tout cas, pas au-delà de 2013 !

M. Jean-Louis Carrère. Le système, vous l’avez mis en danger !

M. Éric Woerth, ministre. Mais nous avons en même temps prévu, notamment sur l’initiative des groupes de la majorité, d’engager en 2013 une réflexion nationale sur une évolution systémique de nos régimes de retraite. Tout cela est complémentaire !

M. Jean-Louis Carrère. Tout ce que vous touchez, vous le cassez !

M. Éric Woerth, ministre. Une fois votée, cette loi va être promulguée,…

M. Éric Woerth, ministre. … et elle sera appliquée.

Je veux rappeler que la démocratie politique, c’est d’abord l’acceptation de nos institutions. (M. David Assouline s’exclame.) La loi peut faire l’objet d’un débat approfondi, et c’est essentiel, mais, à un moment donné, la démocratie doit parler : une fois que la loi est votée, elle est votée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Éric Woerth, ministre. La loi est votée, elle n’est pas dictée, et chacun sait qu’elle est votée par une majorité, et rarement par une minorité ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Bien entendu, sur une réforme de cette ampleur, il est normal qu’il y ait des inquiétudes. Ces inquiétudes, nous les écoutons (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) et nous les respectons. Et en même temps, avec cette loi, nous apportons des réponses, parce que c’est une loi qui permettra de redonner confiance aux Français dans l’avenir de leurs retraites.

Cette loi redonne confiance parce que résoudre les déficits de nos régimes de retraites, c’est ne plus accepter que les retraites des Français soient financées à crédit.

M. Jean-Louis Carrère. Qu’elles ne soient financées que par les salariés, c’est autre chose !

M. Éric Woerth, ministre. C’est répondre à une angoisse profonde de nos concitoyens.

Je pense, en premier lieu, aux jeunes, parce qu’il ne faut pas se tromper de combat : c’est bien sur eux que retombera la charge de nos déficits si nous ne réformons pas.

Cette loi redonne confiance aussi parce que, après cette réforme, notre système de retraite ne sera pas moins solidaire ni moins protecteur. Il restera, bien au contraire, l’un des systèmes de retraite les plus généreux d’Europe. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) En France, quand on est au chômage, quand on est malade, quand on est en congé de maternité, on valide quand même ses droits à la retraite. Cette solidarité est trop rarement soulignée. Cette solidarité, nous l’avons préservée et nous l’avons renforcée.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas sûr !

M. Éric Woerth, ministre. Je l’ai dit devant vous la semaine dernière, et je le redis, car c’est la conviction profonde de Georges Tron et de moi-même : les grandes dates de notre pacte social, ce sont non pas seulement celles où l’on crée des droits nouveaux, mais aussi celles où l’on se donne les moyens de continuer à les financer.

Aujourd’hui, les vrais défenseurs de notre système social sont ceux qui ont le courage de garantir son avenir.