M. Jacques Blanc. Toujours la même !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. En effet, monsieur le sénateur ! Lorsque l’on est commissaire européenne et, de surcroît – excusez du peu ! –, vice-présidente de la Commission, est-il vraiment concevable de qualifier d’ « irresponsables » le Président de la République française et la Chancelière d’Allemagne ?

Les termes qu’utilise cette commissaire européenne pour dénigrer les propositions franco-allemandes dont je viens de rappeler la teneur sont franchement inacceptables. Ils sont de la même eau que le langage insultant utilisé cet été contre la France dans la polémique que la commissaire elle-même a alimentée au sujet des Roms, un langage que, pour ma part, je n’oublierai jamais.

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Ce ne sont pas de tels propos qui peuvent assurer le succès de nos institutions nouvelles, et j’exprime mes plus vives inquiétudes quant à la capacité de cette commissaire à mener à bien sa mission.

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Sur les points soulevés par la commissaire et compte tenu de ce que j’ai entendu hier, je souhaite apporter plusieurs précisions.

Premièrement, la Commission a travaillé étroitement avec le groupe Van Rompuy, depuis la création de ce dernier par le Conseil européen des 25 et 26 mars 2010. La Commission était d’ailleurs présente, en la personne de son vice-président Maros Sefcovic, lors du dîner des ministres, hier, dans le cadre du débat du Conseil Affaires générales.

Deuxièmement, la révision du traité de Lisbonne, qui est proposée par la Chancelière allemande et le Président de la République française, révision que Mme Reding considère comme « irresponsable », est, que je sache, prévue dans le traité lui-même selon plusieurs formules, y compris par le biais d’une procédure simplifiée. Aucun commissaire ne peut bien sûr l’interdire.

Troisièmement, la France et l’Allemagne, qui ont, depuis le début de la crise, organisé ensemble le sauvetage de la zone euro et qui contribuent à hauteur de 50 % au financement du mécanisme de soutien de la Grèce et du mécanisme européen de stabilisation…

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères. Oui !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … sont, me semble-t-il, fondées à formuler, conjointement, des propositions de renforcement des disciplines budgétaire et financière en Europe. Je m’interroge sincèrement : où est la compétence de Mme Reding sur ce sujet ?

Je rappelle clairement que la France s’impose ces disciplines à elle-même, parce qu’elle est totalement engagée dans le processus européen.

J’ai le souvenir que c’est pendant la campagne présidentielle, en 2006, que Nicolas Sarkozy a travaillé à un traité simplifié, alors que la France avait rejeté le traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005.

Depuis son élection et malgré la crise, le Président de la République a fixé un objectif sans précédent de réduction des déficits publics en cohérence avec nos engagements européens : en France, le déficit public va passer de 7,7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011, pour atteindre 3 % en 2013. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Entre 2010 et 2011, le déficit de l’État passera de 152 milliards d’euros à 92 milliards d’euros, ce qui représente une baisse de 40 %.

M. Guy Fischer. On en reparlera !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. On en reparlera sûrement, monsieur le sénateur, car cela fait partie de nos engagements !

Je rappelle également que, lors de la dernière conférence sur les déficits publics, le Président de la République a souhaité qu’une nouvelle gouvernance en matière de finances publiques soit inscrite dans notre Constitution, ce qui mettra pleinement en cohérence les efforts de réduction du déficit mis en œuvre par le Gouvernement et nos engagements européens.

Ces choix ont entraîné, pour la première fois depuis trois décennies, la diminution du nombre d’emplois publics dans notre pays, avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, le plafonnement des dépenses des ministères et, sur le plan social, la réforme des retraites, sur laquelle vous venez de vous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs, et l’Assemblée nationale se prononcera demain.

Je ne reviendrai pas ici – ce n’est pas le sujet – sur le contenu de la réforme. En revanche, je veux insister sur la dimension européenne de l’effort de volonté demandé aux Français.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’âge légal de départ à la retraite dans la majorité des pays européens est aujourd’hui fixé à 65 ans. La plupart d’entre eux, notamment les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont déjà engagé un mouvement visant à le porter à 67 ans.

Mme Annie David. Pour combien d’années de cotisation, monsieur le ministre ? Pour quelle décote et quel taux de remplacement ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. L’âge moyen de sortie du marché du travail, tous régimes confondus, s’élevait en 2008 en France à 59,3 ans, contre 61,4 ans en Grèce, 61,7 ans en Allemagne, 63,1 ans au Royaume-Uni, 63,8 ans en Suède, alors que la France bénéficie de l’espérance de vie moyenne à 65 ans la plus élevée de l’Union.

M. Guy Fischer. Il nous taquine !

Mme Annie David. C’est de la manipulation ! Vous ne donnez pas toutes les informations ! Il faut tout dire, monsieur le ministre !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Tous ces chiffres sont à la disposition du Sénat. Ils ne sont même pas discutables, puisqu’inscrits dans les lois des États membres de l’Union européenne. Je tiens le tableau chiffré à votre disposition, madame la sénatrice !

Mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de l’ensemble de la gouvernance économique, budgétaire et financière européenne, que la France et l’Allemagne entendent mener avec détermination, n’est pas sans lien avec la persistance d’importants désordres monétaires internationaux, que le Président de la République dénonçait voilà plus d’un an déjà – il était d’ailleurs bien le seul à le faire.

Or on constate aujourd’hui que le prochain G20, qui se tiendra à Séoul les 11 et 12 novembre et qui sera préparé par le Conseil européen ce jeudi, devrait être dominé par les questions monétaires : à la suite de différentes interventions sur les marchés pour faire évoluer les taux de change des monnaies, plusieurs pays, comme le Brésil, ont en effet mis en garde contre le risque d’une « guerre des changes ». Cette question a d’ailleurs dominé l’ordre du jour des assemblées annuelles du Fonds monétaire international, le FMI, et de la Banque mondiale les 8 et 9 octobre dernier.

Lors de ces assemblées, nous avons obtenu que le FMI renforce ses travaux et sa surveillance sur la volatilité des mouvements de capitaux, des taux de change, et l’accumulation des réserves de change.

La réunion des ministres des finances, qui s’est tenue ce week-end en Corée du Sud, a d’ailleurs été largement consacrée à ce sujet : les ministres se sont engagés à ce que les taux de change soient davantage déterminés par le marché et à ne pas effectuer de dévaluations compétitives. Un système de surveillance des grands déséquilibres structurels est mis en place en vue de maintenir les balances courantes à des niveaux soutenables. Enfin, le FMI évaluera désormais, entre autres, les politiques monétaires et de change des pays du G20.

Je rappelle également que le sommet du G20 de Toronto avait donné pour mandat au FMI de trouver un accord sur la réforme des quotas et de sa gouvernance d’ici au sommet de Séoul. C’est chose faite avec l’accord trouvé lors du G20 Finances du week-end dernier, qui reprend très largement la proposition européenne.

Concrètement, l’objectif fixé lors du sommet du G20 de Londres en 2009 d’un transfert de 5 % des quotes-parts du FMI aux pays émergents et aux pays sous-représentés a été largement dépassé, puisque ce transfert sera de plus de 6 %.

De plus, le conseil d’administration du FMI, maintenu sur notre demande à vingt-quatre membres pour permettre aux États émergents d’y avoir toute leur place, sera entièrement élu. L’Europe perdra toutefois deux sièges à la suite de cette réforme, ce qui montre d’ailleurs les nouveaux équilibres mondiaux.

Cet accord sur la gouvernance prévoit également de renforcer les outils du FMI pour faire face à des chocs systémiques. C’est, pour la France, un élément indissociable de la réforme de la gouvernance du FMI.

Enfin, le capital du FMI est doublé, ce qui multipliera d’autant sa capacité d’intervention.

Après la réforme réussie de la Banque mondiale au printemps dernier, cet accord illustre les progrès réalisés en matière de gouvernance mondiale et conforte l’approche française lors de sa présidence du G20, avec les trois grandes priorités présentées par le Président de la République : réforme du système monétaire international, plus que jamais à l’ordre du jour, réponse à la volatilité du prix des matières premières, réforme de la gouvernance mondiale.

Concernant la préparation du sommet de Cancún sur le climat, qui se tiendra du 29 novembre au 10 décembre prochain, je souhaite rappeler quatre messages sur lesquels l’Europe doit travailler.

Premièrement, l’Europe n’a pas à rougir de son bilan carbone. Elle apparaîtra, à Cancún, comme le meilleur élève en termes de résultats d’atténuation des émissions de C02. Ce résultat s’explique pour l’essentiel par les effets positifs du paquet « énergie-climat », adopté durant la présidence française de l’Union européenne.

Deuxièmement, en termes de méthode, l’Union européenne se présentera à Cancún avec une position unifiée, qui a été arrêtée par le Conseil Environnement du 14 octobre dernier.

Troisièmement, sur le fond, il ne faut pas se cacher que l’évolution des négociations est plutôt décevante à ce stade. Tout en continuant à plaider en faveur d’un accord global juridiquement contraignant, l’Union européenne devra avoir pour objectif d’obtenir à Cancún l’adoption d’un premier jeu de décisions permettant d’intégrer dans l’acquis onusien les principaux éléments de l’accord de Copenhague : limitation du réchauffement climatique à 2° C, suivi des engagements pris par les États membres, mécanismes de soutien.

Enfin, quatrièmement, dans ce contexte, l’Europe maintient sur la table le paquet de propositions qu’elle avait formulées : ouverture à un accroissement éventuel au-delà de 20 % de l’effort de réduction d’émissions de C02, mais dans le respect des conditions définies par le Conseil européen, qui imposent notamment des engagements de réduction comparables chez nos grands partenaires émetteurs de C02 ; meilleure prise en compte des risques comme les « fuites de carbone », en cas de renforcement de l’effort de réduction des émissions de C02 consenti par l’Union européenne.

La France est favorable à la poursuite de l’analyse faite par la Commission dans sa communication au printemps dernier, qui reconnaissait, comme l’avait recommandé le Président de la République, que le « mécanisme d’inclusion carbone », la fameuse « taxe carbone aux frontières », était bien une des possibilités pertinentes pour lutter contre les fuites de carbone.

Dernier point à l’ordre du jour, le Conseil européen se penchera sur l’organisation des sommets à venir avec les grands pays partenaires de l’Union européenne, notamment les États-Unis, la Russie, l’Ukraine.

Il s’agit, sur ce point, d’appliquer à tous ces sommets la méthode identifiée dans les conclusions transversales du Conseil européen du 16 septembre dernier, qui préconisaient l’adoption par l’Europe d’une approche véritablement stratégique des relations avec ses grands partenaires.

J’insisterai plus particulièrement sur le sommet tripartite avec la Russie, qui s’est tenu à Deauville – n’en déplaise à Mme Reding – le 19 octobre dernier, à l’invitation du Président de la République, en présence de la Chancelière allemande et du Président russe Dimitri Medvedev. Ce sommet a marqué l’entrée dans une ère nouvelle, celle de l’alliance entre l’Europe et la Russie.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il est plus que temps aujourd’hui de tirer les conséquences de la fin de la guerre froide : la Russie est désormais notre amie et notre partenaire.

Témoignage de cette évolution historique, le Président Medvedev, qui est à l’origine de l’idée d’un nouveau « traité de sécurité européen », a annoncé à Deauville sa participation au prochain sommet de l’OTAN – elle met ainsi fin à des années de brouille avec l’Alliance atlantique – et la pleine participation de la Russie à un système global de défense antimissiles, ce qui est également une évolution très favorable.

Lors du sommet de Deauville, il a été question aussi de dissuasion nucléaire entre la France et l’Allemagne ; à cette occasion, un certain nombre de malentendus ont été heureusement levés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est l’état de la préparation du Conseil européen des 28 et 29 octobre, lequel sera très dense, comme vous le voyez, et particulièrement important pour l’avenir de l’Union européenne et de son économie. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un contexte national qui est marqué, pour reprendre des mots bien connus, par « la hargne, la rogne et la grogne », il n’est pas inutile d’observer que, pendant ce temps, la construction européenne se poursuit, et même s’approfondit.

Il y a désormais un effort unanime de redressement financier. Tous nos pays ont dû laisser se creuser leurs déficits pour lutter contre la crise ; aujourd’hui, on se tourne à nouveau vers l’avenir, et chacun comprend qu’on ne bâtira pas l’avenir de l’Europe sur un monceau de dettes.

Au moment de la crise grecque, puis de la menace de contagion à d’autres États, nos pays se sont engagés dans une forme de mutualisation de leur dette publique. La conséquence est que nous sommes désormais responsables les uns envers les autres de l’état de nos finances publiques. Nous ne pouvons pas être indifférents à ce qui se passe chez nos partenaires, car nous nous sommes portés garants pour eux et, en même temps, nous avons envers eux le devoir de tenir nos engagements.

Cette double exigence de redressement financier et de loyauté entre partenaires européens est au centre de la réforme de la gouvernance économique européenne, qui sera le sujet principal du prochain Conseil européen.

Qu’on le veuille ou non, nous avons franchi une étape dans la construction européenne. L’ère de l’isolement budgétaire est révolue. Bien sûr, en théorie, elle l’était déjà depuis l’adoption du pacte de stabilité et de croissance en 1997. Mais nous savons ce qui s’est produit lorsque l’Allemagne et la France se sont retrouvées, à la fin de 2003, clairement en dehors des critères du pacte de stabilité : le Conseil a décidé d’interpréter le pacte avec, disons, une très grande bienveillance.

Je ne dis pas que, sur le principe, les États membres ont eu tort de s’affranchir d’une conception rigide, mécanique, du pacte de stabilité. Mais, dans le contexte de l’époque, cette évolution a été comprise comme reléguant au second plan l’exigence d’une discipline commune. Puis la crise financière est arrivée, entraînant une véritable déstabilisation des budgets des États membres.

Il faut donc repartir aujourd’hui sur de meilleures bases. Et pour cela, il faut tirer les leçons du passé.

Deux choses ont manqué au pacte de stabilité « ancienne manière ».

La première, c’était que les États prennent toute la mesure de leur interdépendance. C’est seulement la crise grecque qui a fait prendre pleinement conscience de cette interdépendance.

La deuxième chose qui a manqué au pacte, c’était la crédibilité. Le volet préventif, il faut le reconnaître, n’était guère pris au sérieux par les États membres. Quant au volet répressif, il reposait uniquement sur le non-respect de deux critères : le déficit et la dette.

La portée du critère de la dette avait été considérablement atténuée lors de l’entrée de l’Italie et de la Belgique dans la zone euro, car chacun savait qu’une dette à 60 % du PIB ne pouvait être qu’une perspective lointaine pour ces deux États. Tout se ramenait donc au respect du critère de 3 % pour les déficits publics, ce qui ne pouvait manquer d’apparaître simpliste. On traitait les finances des États membres comme s’il s’agissait d’automobilistes passant devant un radar. Il n’est finalement pas très étonnant que les sanctions prévues n’aient jamais joué.

Comme l’ont souligné dans leur rapport commun nos collègues Pierre Bernard-Reymond et Richard Yung, le nouveau dispositif devra reposer sur une approche beaucoup plus globale. Il devra non seulement accorder autant d’importance à la dette qu’au déficit, mais aussi ne pas se limiter aux finances publiques. Il devra comprendre également une surveillance macro-économique, car une trajectoire budgétaire n’est pas séparable d’une politique économique.

C’est pourquoi l’aspect préventif du nouveau pacte sera l’aspect déterminant. À cet égard, la déclaration franco-allemande de Deauville a montré la voie.

Non seulement cette déclaration réclame un renforcement simultané de la surveillance budgétaire et de la coordination des politiques économiques, mais encore elle met l’accent sur le volet préventif du pacte. Les sanctions devront pouvoir désormais s’appliquer au titre de ce volet préventif, et pas uniquement lorsqu’un État se trouvera en situation de déficit excessif. C’est une évolution essentielle, qui va donner enfin une véritable crédibilité au pacte.

Imposer des sanctions financières à un État qui est en train de prendre une mauvaise trajectoire est une démarche crédible, car cet État n’est pas encore en situation de déficit excessif. En revanche, on voit bien que la démarche consistant à appliquer des sanctions financières à un État qui est déjà en grave difficulté n’est pas très convaincante. Ces sanctions seront toujours difficiles à mettre en œuvre. Quand quelqu’un se présente devant une commission de surendettement, on ne commence pas par lui infliger une amende !

C’est donc avant tout le volet préventif qu’il faut renforcer, et je crois que ce serait une erreur de se concentrer à l’excès sur le volet répressif, et notamment sur la suspension éventuelle des droits de vote. Pour cette nouvelle sanction, il faut une révision des traités ; cela prendra du temps, et il faudra un accord unanime.

À supposer que cette sanction soit introduite dans les traités, ce sera de toute manière l’arme atomique : elle sera là pour dissuader, car il faudrait des circonstances extrêmes pour mettre ainsi un pays au ban de l’Europe.

Je crois également qu’il ne faut pas se concentrer trop exclusivement sur la question du caractère plus ou moins automatique des sanctions. Quand on entend certains propos, on a l’impression qu’il faudrait que les sanctions soient parfaitement automatiques pour être crédibles. Heureusement qu’on n’applique pas ce raisonnement à la justice pénale !

Toute règle de droit, nous le savons bien, peut devenir absurde si on l’applique de manière purement mécanique. L’essentiel est de déplacer la contrainte vers le stade préventif du pacte, et de disposer à ce stade d’une large gamme de sanctions, de manière à ne pas avoir le choix entre ne rien faire et prendre une sanction disproportionnée.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le pessimisme est une plante que l’on cultive volontiers dans notre pays. Cela nous rend-il plus lucides ? Ce n’est pas rien qu’il y ait eu un accord franco-allemand sur un sujet aussi essentiel que la gouvernance économique, avec des positions de départ aussi différentes. Et ce n’est pas rien que cet accord prévoie « un mécanisme permanent et robuste pour un traitement ordonné des crises dans le futur ». Cela veut dire que nous nous engageons à remplacer le mécanisme provisoire, mis au point durant la crise grecque, par un mécanisme permanent. C’est un pas en avant vers la solidarité européenne dont il faut mesurer l’importance.

En réalité, à l’occasion de la crise financière, qui était une épreuve de vérité, l’Europe est en train d’avancer. Dans ces temps difficiles, il me semble que nous avons là une grande raison d’espérer.

Remettre le Conseil au centre du processus, c’est revenir à une réelle reprise en main du politique dans la conduite des affaires européennes. Je m’en réjouis ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Robert del Picchia, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, d’excuser le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Josselin de Rohan, qui effectue actuellement un déplacement au siège de l’Organisation des Nations unies, à New York, et qui m’a demandé de le remplacer aujourd’hui.

L’ordre du jour du Conseil européen des 28 et 29 octobre est particulièrement chargé.

Le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, vient d’évoquer la réforme de la gouvernance économique européenne. Comme lui, je me félicite du rôle moteur du couple franco-allemand, qui a ouvert la voie à un renforcement de la gouvernance économique en Europe.

Afin de tirer les leçons de la crise grecque et de prévenir tout risque pour la stabilité de la zone euro, il est indispensable de renforcer la coordination des politiques budgétaires, d’introduire un mécanisme de résolution des crises et d’aller vers une véritable gouvernance économique européenne, que la France appelle de ses vœux depuis déjà plusieurs années. Comme cela a été souligné, il s’agit là de la réforme la plus importante des règles économiques en Europe, depuis la mise en place de l’euro.

On constate, une nouvelle fois, que lorsque l’Europe avance, c’est à la suite d’un accord entre la France et l’Allemagne. Vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État.

Si je me félicite naturellement de ce progrès, j’avoue que je m’interroge sur le calendrier qui sera retenu pour la révision du traité.

Dans leur déclaration commune, le Président de la République et la Chancelière allemande ont proposé une révision du traité de Lisbonne qui serait limitée à ce seul objet et qui pourrait intervenir avant 2013.

Comment une telle révision pourrait-elle intervenir dans un délai qui semble un peu court, compte tenu des procédures de ratification ? Ne serait-il pas plus opportun, par exemple, de procéder à une unique révision des traités, par exemple à l’occasion de l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne ? On pourrait ainsi faire d’une pierre deux coups.

C’est d’ailleurs ce modèle qui a été choisi par les chefs d’État et de gouvernement pour accorder des garanties à l’Irlande lors de la ratification du traité de Lisbonne.

Je voudrais toutefois concentrer mon propos sur les sujets de politique étrangère.

En effet, si l’intégration européenne connaît actuellement d’importantes avancées en matière économique, avec la perspective d’un gouvernement économique européen, et nous nous en félicitons, en revanche, en matière de politique étrangère et de défense, les choses progressent assez lentement.

Le Conseil européen devrait, d’abord, définir la position de l’Union européenne en vue du prochain sommet du G20, qui se tiendra à Séoul les 11 et 12 novembre prochain.

Il devrait, ensuite, arrêter une position commune sur le changement climatique, en vue de la réunion de Cancún.

Enfin, le Conseil européen devrait également évoquer les relations avec les États-Unis, à l’approche du sommet de Lisbonne du 20 novembre.

Les relations entre l’Union européenne et ses partenaires stratégiques figuraient à l’ordre du dernier Conseil européen de septembre.

On peut regretter que des questions majeures, comme les relations de l’Union européenne avec les États-Unis, la Russie, la Chine et les autres pays émergents, aient été un peu éclipsées par la polémique sur les Roms. Heureusement, cette polémique a pris fin ; du moins, l’espérons-nous : c’est en tout cas ce que vous avez affirmé au journal Die Welt, monsieur le secrétaire d’État.

D’ici une vingtaine d’années, l’Europe ne représentera que 6 % des habitants de la planète. Elle risque d’être marginalisée sur la scène internationale, face aux États-Unis, à la Chine et aux autres puissances émergentes. L’Union européenne ne parviendra à faire entendre sa voix, à être une puissance dans la mondialisation, que s’il existe une réelle unité entre les Européens, condition première d’une politique étrangère commune.

Cela m’amène à évoquer le rôle de l’Union européenne au Proche-Orient.

Nous avons été nombreux à regretter l’absence de l’Union européenne lors de la rencontre consacrée à la relance du processus de paix, qui s’est déroulée à Washington le 2 septembre dernier.

Alors que l’Union européenne constitue, et de loin, le premier donateur dans la région et le premier partenaire commercial d’Israël, elle peine encore à devenir un acteur politique. Comment faire en sorte, monsieur le secrétaire d’État, qu’elle soit plus présente et plus active ?

Certes, les ministres français et espagnol des affaires étrangères ont effectué récemment une tournée dans la région. La France a également suggéré à ses partenaires d’organiser un sommet sur le Proche-Orient, qui devait se tenir à Paris le 21 octobre, et d’utiliser l’Union pour la Méditerranée pour la relance du processus de paix. Toutefois, il semblerait que ces initiatives soient compromises en raison de la décision du gouvernement israélien de relancer, notamment, la colonisation à Jérusalem-Est.

Je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le sommet de l’Union pour la Méditerranée, qui avait déjà été reporté en juin dernier, aura bien lieu en novembre, à Barcelone, et s’il pourra se traduire par de nouvelles initiatives en faveur du processus de paix.

Avec le traité de Lisbonne, l’Union européenne dispose certes de nouveaux instruments, en particulier le poste de Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le Service européen pour l’action extérieure.

Alors que le processus législatif européen vient de s’achever avec l’adoption du règlement financier et du règlement sur le statut des fonctionnaires de ce service, je souhaiterais savoir si le résultat des négociations répond aux préoccupations françaises, malgré les concessions faites au Parlement européen pour parvenir à un accord.

Je pense, en particulier, à la représentation des diplomates nationaux au sein du Service européen pour l’action extérieure. Je me félicite, à cet égard, de la nomination de M. Pierre Vimont au poste de secrétaire général exécutif.

Je pense également au droit de regard du Parlement européen en matière budgétaire ou de nomination des chefs de délégation, ou encore à la place des Français et de la langue française au sein de ce service.

Mes chers collègues, l’Union européenne vient également de subir un sérieux revers devant l’Assemblée générale des Nations unies, puisqu’elle s’est vue refuser, le 14 septembre dernier, la possibilité, pourtant prévue par le traité de Lisbonne, que des représentants de l’Union européenne puissent s’exprimer dans cette enceinte, comme le faisaient jusqu’à présent les représentants de la présidence semestrielle. Or cela aurait permis de renforcer la visibilité politique et l’efficacité de l’Union européenne au sein des Nations unies.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les raisons de cet échec et quelle stratégie les États membres entendent-ils suivre pour renforcer la position de l’Union européenne au sein de l’ONU ?

Enfin, avec la crise économique, on constate que la réduction des budgets de défense en Europe s’accentue, ce qui est en total décalage avec les évolutions observées partout ailleurs dans le monde, notamment en Asie et au Moyen-Orient.

L’effort de défense fait partie intégrante de la stratégie de puissance des grands pays émergents. Dans ce contexte, l’Europe ne risque-t-elle pas de perdre progressivement tout moyen de peser sur la scène internationale ? Lorsque l’Europe intervient sur la scène internationale, sur le plan de la défense, et même sur le plan militaire quand cela est nécessaire, pour trouver des solutions à certaines crises, c’est toujours très positif pour son image.

Monsieur le secrétaire d’État, comme beaucoup d'entre nous, j'ai la conviction que la politique étrangère et la politique de défense sont des domaines dans lesquels il est désormais impératif d'avancer. Les citoyens attendent une affirmation de l'Europe dans ces domaines, et nous pensons que cette affirmation est nécessaire à l'équilibre du monde multipolaire dans lequel nous nous trouvons.

Je vous remercie des réponses que vous pourrez apporter à ces questions, monsieur le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)