M. Thierry Repentin. C’est pourtant possible !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Faire preuve d’un peu plus de souplesse dans ce cas très particulier, qui ne vise pas l’ensemble de l’accession à la propriété, ne remettrait nullement en cause le sacro-saint article 55 de la loi SRU. Or, on ne peut pas reprocher en l’occurrence un usage abusif de la procédure d’accession sociale à la propriété, puisqu’elle est imposée au maire. En outre, il n’est pas anormal que les logements HLM acquis par leurs occupants, ayant bénéficié du prêt social de location-accession, restent définitivement dans le parc social. Cela ne me choque nullement.

On peut bien sûr m’objecter le cas rare d’une revente du logement. Sans être un cas d’école, la revente d’un logement acquis dans les conditions précitées est possible, par exemple en cas de décès de son propriétaire : les héritiers, dans le cadre de la succession, peuvent alors le revendre. Dans ce contexte précis, il n’est pas choquant que l’affectation sociale du logement disparaisse et ces cas pourraient être facilement réglés.

C’est pour l’ensemble des raisons que je viens de développer qu’il me paraît nécessaire de tenir compte de cette situation très particulière, en supprimant la période transitoire de cinq ans ou, à tout le moins, en l’allongeant à dix ans dans un premier temps.

J’ose donc espérer de votre part, monsieur le secrétaire d’État, une attention toute particulière à ce problème, à un moment où l’on ne peut que constater un lourd déficit du nombre de constructions et le renchérissement des loyers et des prix de l’immobilier, alors même que la crise du logement touche tout le monde et que les collectivités locales disposent de faibles marges de manœuvre.

M. Thierry Repentin. Sans oublier la baisse des allocations personnalisées au logement et le déficit du budget de l’État !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je remercie tout particulièrement M. Jean-François Mayet qui, en demandant l’inscription de ce débat à l’ordre du jour, m’a permis de soulever ce problème. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.

M. Raymond Couderc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la possibilité d’acquérir son logement répond à une aspiration légitime des jeunes ménages et devrait marquer une étape essentielle dans un parcours résidentiel. Elle correspond à la volonté du Président de la République d’évoluer vers une « France de propriétaires ». Elle participe également au maintien des activités économiques primordiales pour le territoire que sont le bâtiment et les travaux publics : ce point est loin d’être négligeable !

C’est pourquoi je remercie notre collègue Jean-François Mayet de nous inviter à nous pencher sur ce sujet, notamment sur les dispositifs tendant à rendre abordable l’accession à la propriété.

En effet, depuis la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, une douzaine de dispositifs ont été mis en place ou renforcés pour aider les ménages primo-accédants, plus particulièrement ceux dont les ressources sont faibles.

Ces dispositifs, que nous connaissons tous, comme le prêt à taux zéro, le Pass-Foncier, ou, pour les plus anciens d’entre eux, l’épargne logement, le crédit d’impôt ou encore l’aide personnalisée au logement, sont autant d’outils mis à la disposition des Français. Dans la communauté d’agglomération que je préside, ils ont eu des résultats positifs puisque, au cours des dix-huit derniers mois, ils ont permis à 139 ménages d’acquérir leur logement. Les collectivités locales se sont souvent engagées aux côtés de l’État. Ainsi, dans le même laps de temps, cette communauté d’agglomération a consacré près de 455 000 euros aux subventions à l’accession abordable à la propriété.

Contrairement au scepticisme affiché par certains à l’encontre de ce type de mesures, leurs résultats donc sont loin d’être négligeables.

Si une telle action s’est avérée très positive ces dernières années, en revanche, les restrictions apportées au doublement du prêt à taux zéro et la baisse de 20 000 euros des plafonds du Pass-Foncier au second semestre 2010 n’ont plus permis de « solvabiliser » une partie des primo-accédants. De ce fait, aujourd’hui, le nombre de dossiers de demande d’aide soumis à ma collectivité a diminué, dans le contexte de crise financière et de pression immobilière que nous connaissons tous.

À partir du 1er janvier 2011, en raison de l’entrée en vigueur du prêt à taux zéro renforcé, ou PTZ+, la majoration du prêt à taux zéro, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt et le Pass-Foncier disparaîtront. Ce nouvel outil financier, qui se veut plus simple et plus utile, restera réservé aux primo-accédants, mais ne sera plus soumis, comme les anciens dispositifs, à condition de ressources. Son attribution dépendra de deux critères : le nombre de personnes composant le foyer et la zone géographique d’achat du bien. Je souhaite insister sur ce second critère.

En effet, de nombreuses villes moyennes, comme la communauté d’agglomération que je préside, seraient à l’avenir classées en zone B2, c’est-à-dire en « zone moins tendue ». Ainsi, un foyer de cinq personnes s’installant dans cette zone pourrait bénéficier d’une aide de 198 000 euros, alors qu’en zone A, c’est-à-dire en « zone tendue » comme Paris– loin de moi la volonté de contester l’existence de telles zones ! –, cette aide s’élèverait à 359 000 euros pour un logement neuf. Dès lors, indépendamment de ses revenus, une famille se portant acquéreur dans une grande ville, en zone A, pourrait bénéficier d’une aide supérieure de 80 % à celle d’un foyer devenant propriétaire dans une ville moyenne, en zone B2 !

De plus, et malgré l’effort fourni pour relancer les quartiers anciens et les centres-bourgs, évoqués précédemment, il n’en reste pas moins que les foyers subissent une perte de pouvoir d’achat, même lorsqu’ils bénéficient de l’aide proposée dans le cadre du prêt à taux zéro renforcé. En effet, à dossier équivalent, ce système offrira aux habitants des villes moyennes des aides inférieures à celles qui existaient dans le cadre des douze dispositifs d’aide existant au premier semestre de cette année.

Il est dès lors logique de se demander si la population résidant dans les villes moyennes – dans ma communauté d’agglomération, 70 % des foyers sont éligibles au logement social – continuera à se tourner vers cet outil financier pour devenir propriétaire et de s’interroger sur les conséquences économiques qui en résulteraient, notamment dans le domaine du bâtiment et des travaux publics. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier M. Jean-François Mayet d’avoir bien voulu demander l’inscription à l’ordre du jour de ce débat sur l’accession à la propriété. Tout comme lui, j’ai la conviction qu’il s’agit d’une question majeure pour notre pays et, plus généralement, pour la politique du logement. Nous avons eu l’occasion d’en discuter ensemble à plusieurs reprises, et je sais que, globalement, nous partageons la même analyse sur ce sujet.

Avant de traiter les différentes remarques formulées par M. Mayet comme par les autres orateurs, je souhaite évoquer en quelques mots la réforme qu’a engagée le Gouvernement, ce qui me permettra d’ores et déjà de répondre à un certain nombre de questions posées.

Le 14 septembre dernier, le Président de la République a présenté les grandes lignes de la réforme de l’accession à la propriété. Je vais les rappeler rapidement.

Tout d’abord, le Gouvernement a très clairement souhaité instituer un système plus simple, en réduisant le nombre d’aides – ce point a été souligné –, un système plus efficace, afin d’augmenter le nombre de propriétaires, un système soutenant la construction, à la différence des outils actuels, un système évidemment écologique et, enfin – élément très important, si ce n’est le plus important –, un système épousant la réalité des prix sur le territoire national. Je reviendrai sur ce dernier point, afin de répondre à M. Couderc.

Le Gouvernement a donc la volonté d’offrir un produit beaucoup plus efficace que ceux existant aujourd’hui. Au lieu d’investir 1,2 milliard d’euros, il injectera 2,6 milliards d’euros dans le prêt à taux zéro renforcé. Ce produit sera mieux « familialisé ». Parallèlement, le Gouvernement maintiendra d’autres outils d’accession à la propriété qui constituent des niches très particulières : je pense notamment à la TVA à 5,5 % pour l’acquisition ou la construction d’un logement en zone ANRU ou au prêt social de location-accession, le PSLA.

Enfin, par le biais de cette réforme, le Gouvernement agira sur les prix : c’est un enjeu essentiel. En effet, s’il la met en œuvre, demain, sans accompagnement en termes de politique foncière et de l’urbanisme, cette réforme aura pour unique conséquence d’alimenter la hausse des prix de l’immobilier.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je suis totalement opposé à la généralisation d’une TVA à 5,5 % sur l’immobilier, comme certains le préconisent.

M. Thierry Repentin. Ce n’est pas ce que j’ai proposé !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. J’avais cru comprendre, monsieur le sénateur, que telle était votre proposition pour les foyers les plus modestes. Le seul effet direct de l’instauration de ce taux serait une hausse des prix !

Des mesures totalement identiques et uniformes, comme la baisse des droits de mutation ou la TVA à 5,5 % ne feraient qu’alimenter, je le répète, la hausse des prix. C’est la raison pour laquelle, tout en ayant procédé à une étude de ces deux mesures, le Gouvernement n’a pas souhaité s’engager dans cette voie.

Il n’en demeure pas moins que le prêt à taux zéro renforcé, présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, pourrait également avoir des conséquences similaires. Par conséquent, le Gouvernement doit mener parallèlement une action très importante dans le domaine foncier comme en matière d’urbanisme, s’il veut éviter un tel écueil.

En effet, comme plusieurs orateurs l’ont indiqué précédemment, si le Gouvernement souhaite mener à bien cette réforme, c’est en raison de la « désolvabilisation » observée depuis une quinzaine d’années, d’une grande partie des ménages, notamment de la classe moyenne. Des chiffres ont été cités : ainsi, depuis 1995, les prix de l’immobilier ont été multipliés par 2,5, alors que les salaires ne l’ont été que par 1,6.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est bien la raison pour laquelle le Gouvernement, conformément aux engagements pris par le Président de la République au cours de la campagne pour l’élection présidentielle, souhaite aujourd’hui engager cette réforme pour « resolvabiliser », via le nouveau prêt à taux zéro, la classe moyenne notamment, afin de lui permettre d’accéder de nouveau à la propriété.

D’un point de vue philosophique, être propriétaire ne signifie pas être conservateur. L’accession à la propriété est un élément de sécurité ; elle permet aussi de préparer sa retraite, de se constituer un patrimoine, puis de le transmettre ; elle joue donc un rôle essentiel dans la vie quotidienne de nos compatriotes.

Revenons-en à un certain nombre de questions posées.

La « France de propriétaires » qu’avait évoquée le Président de la République traduisait une ambition, un vrai projet de société : elle ne signifiait pas, bien évidemment, que nous nous fixions pour objectif l’accession à la propriété de 100 % de nos compatriotes, ce qui serait une grave erreur eu égard à la mobilité. Pour le Gouvernement, il s’agit de permettre à notre pays d’atteindre la moyenne européenne, soit, peu ou prou, 66 % de propriétaires.

On peut toujours citer l’exemple de certains pays de l’Est, évoqués tout à l’heure par M. Repentin. Mais le Gouvernement n’a jamais souhaité que plus de 80 % des Français soient propriétaires. Monsieur le sénateur, vous avez cité des données récentes du Centre d’analyse stratégique indiquant une corrélation entre le taux de chômage et la proportion de propriétaires : en effet, un taux de propriétaires trop élevé constitue un frein à la mobilité.

Ne faisons aucun procès d’intention : personne n’a affirmé que la France souhaite rejoindre les champions européens de la propriété et atteindre un taux de propriétaires de 85 %. Le Gouvernement estime qu’un taux proche de la moyenne européenne, soit deux tiers des ménages, nous préserverait des difficultés en termes de mobilité et traduirait un véritable développement de l’accès à la propriété.

Monsieur Mayet, je suis d’accord avec vous sur le fond : le monde HLM doit entrer de plain-pied dans la vente de ses logements à ses locataires.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Cet enjeu de société est très important. Socialement, il serait totalement inadmissible que le Gouvernement concentre son action exclusivement sur les classes moyennes ou sur les plus riches. Les plus modestes de nos compatriotes, notamment ceux qui vivent en HLM, doivent pouvoir accéder également à la propriété. Certes, ces derniers peuvent devenir propriétaires en dehors du parc HLM et ils y sont aidés via les prêts à taux zéro.

Remarquez, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’accès à la propriété de son logement par un locataire d’une HLM est doublement facilité. En effet, celui-ci bénéficie de l’ensemble des outils du type prêt à taux zéro et d’un supplément d’aide de cinq points, soit une augmentation de 25 % ou 50 % selon les cas, dans le cadre de la réforme proposée. Par ailleurs, selon les dispositions législatives précédentes, toute vente d’HLM est accompagnée d’une décote pouvant atteindre 35 % par rapport au prix du marché. Par conséquent, les plus modestes de nos compatriotes, logés en HLM, disposent d’une aide formidable pour devenir propriétaires. Cet enjeu absolument essentiel doit être encouragé.

Je serai peut-être moins pessimiste que certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, car je sais que le monde HLM partage totalement cette analyse.

M. Thierry Repentin. Absolument !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ses acteurs ont signé un certain nombre de conventions avec l’État, par lesquelles ils s’engagent à vendre 1 % de leur parc annuellement. Je souhaite que ce pourcentage ne reste pas simplement un objectif, mais devienne une réalité. Or, le taux actuel s’élevant à 0,1 %, il doit être multiplié par dix pour respecter les engagements du Gouvernement et du monde HLM, auquel, bien évidemment, je fais une totale confiance.

Monsieur Repentin, votre démonstration relative à la mobilité m’a paru tout à fait exceptionnelle ! Tout d’abord parce que vous vous fondez sur les statistiques des pays de l’ancien bloc de l’Est, pour nous dire que notre objectif est irréaliste.

J’avoue être surpris de vous entendre citer les exemples de pays comme la Roumanie ou la Lituanie, dont le taux de propriétaires atteint 85 %, ce qui ne les empêche pas d’avoir des taux de chômage parmi les plus importants de l’Union européenne. Je vous le répète, nous ne nous sommes jamais fixé pour objectif d’atteindre un taux de 80 % !

En revanche, monsieur Repentin, je ne peux que souscrire à votre plaidoyer pour la mobilité, mais je souhaiterais que cette mobilité se retrouve également dans le monde HLM.

Vous avez raison : l’absence de mobilité est un frein au développement de l’emploi, dont acte ! Je suis parfaitement d’accord avec vous et je partage votre analyse. N’hésitez surtout pas à faire de la mobilité dans le monde HLM un des enjeux de votre mandat, car je crois savoir que vous êtes président de l’Union sociale pour l’habitat, l’USH ; je sais donc que je pourrai compter sur vous à l’avenir pour encourager le développement de la mobilité au sein du parc HLM !

M. Thierry Repentin. Elle est plus importante que dans le secteur privé !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. On peut effectivement comparer les chiffres : le taux de mobilité s’élève aujourd’hui à 10 % par an dans le monde HLM.

M. Thierry Repentin. Il faut construire plus !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Si cette mobilité passait à 15 %, ce qui n’est pas considérable, nous disposerions de 200 000 offres de logements supplémentaires par an.

En France, 100 000 logements sociaux sont en moyenne financés chaque année : 120 000, en 2009, et 140 000, je l’espère, en 2010 ; c’est un record depuis trente ans !

Entre 1978 et 2003, gouvernements de droite et de gauche confondus ont financé 50 000 logements sociaux par an. Depuis 2004, 100 000 logements sociaux sont financés grâce à l’effort massif des collectivités locales, des bailleurs sociaux et de l’État : la mobilisation de l’ensemble de ces acteurs nous a permis d’atteindre ces chiffres. Si nous parvenions à améliorer la mobilité dans le parc HLM en la faisant passer à 15 %, nous disposerions de 200 000 offres de logements supplémentaires par an, avec un coût nul pour les bailleurs, pour l’État et pour les collectivités locales. Un effort majeur reste donc à accomplir en matière de mobilité…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. … et je sais que je peux compter sur vous, monsieur Repentin, pour atteindre cet objectif.

Vous avez évoqué la question de l’universalité du prêt à taux zéro renforcé. D’autres sénateurs, notamment M. Claude Jeannerot, ont également demandé que le Gouvernement revienne sur cette mesure.

Avez-vous examiné, messieurs les sénateurs, le tableau de ressources correspondant à ce caractère universel ? Je pourrai, bien sûr, vous le communiquer. Voici quelques chiffres correspondant au niveau de ressources pour bénéficier du PTZ+, concernant le neuvième et le dixième décile. Puisque vous êtes sénateur de la Savoie, monsieur Repentin, je prendrai l’exemple de Chambéry, qui appartient à la zone B 1. Pour un célibataire, dans cette zone, la neuvième tranche de revenus commence à 2 407 euros par mois pour un logement neuf et à 2 176 euros pour un logement ancien. La dixième tranche, qui est censée correspondre à de très hauts revenus, commence à 2 824 euros, dans l’ancien à Chambéry, en zone B 1. On ne peut pas considérer qu’une personne qui gagne 2 000 euros par mois est trop riche pour être aidée en matière d’accession à la propriété !

En zone A, les exemples sont encore plus caricaturaux. À Paris, par exemple, peut-on considérer qu’un couple qui gagne 4 000 euros par mois, pour la neuvième tranche de revenus, et 5 000 euros, pour la dixième, peut devenir propriétaire d’un logement ancien par ses propres moyens ? Non, évidemment !

Autrement dit, si vous remettez en cause l’universalité, comme vous le suggérez, les classes moyennes ne pourront pas accéder à la propriété. Mais, dès lors que le Gouvernement réserve ce dispositif aux primo-accédants, les plus riches de nos compatriotes n’en bénéficieront pas, puisqu’ils sont d’ores et déjà propriétaires. Pardonnez-moi d’avoir été un peu long, mais je tenais à insister sur ce point.

Je partage votre point de vue, monsieur Repentin, sur la problématique de la matière première, sujet essentiel que vous avez évoqué, de même que M. Jean-François Mayet et d’autres intervenants. En l’absence de disponibilité foncière et de fiscalité adaptée, le seul effet de cette réforme sera l’emballement des prix, que nous ne souhaitons ni les uns ni les autres.

Je ne reviendrai pas sur les travaux que le Gouvernement a engagés en matière de réforme de l’urbanisme. Nous avons eu l’occasion d’en débattre au sein de cet hémicycle, lors de la discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, ou « Grenelle II », puisque vous avez autorisé le Gouvernement à prendre quatre ordonnances pour réformer le droit de l’urbanisme. Un certain nombre de vos collègues participent, d’ailleurs, à ces travaux à nos côtés.

J’ajouterai quelques remarques sur les propos de M. Jean-Pierre Plancade. Je ne suis pas sûr que les politiques d’accession à la propriété soient synonymes d’une politique réactionnaire…

M. Jean-Claude Gaudin. Il n’y a que Mme David pour parler comme cela ! (Sourires.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je ne partage évidemment pas cette analyse !

En revanche, je vous rejoins totalement, monsieur Plancade, sur la nécessité de maîtriser le foncier. C’est, évidemment, un enjeu déterminant, de même que la vente de logements HLM.

Vous posez une question majeure pour les dix ou quinze années à venir : quelle sera la répartition des compétences entre les collectivités locales et l’État en matière de politique du logement ? Cet enjeu est déterminant.

Je reste convaincu que, si l’État ne conserve pas un rôle régulateur en la matière, nous n’arriverons pas à régler les formidables différences qui existent sur nos territoires en matière de politique du logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Vous l’avez dit, les crises du logement sont totalement inversées en fonction des territoires. L’Île-de-France connaît une crise de production, de même que la côte méditerranéenne ou l’Aquitaine. À l’inverse, sur d’autres territoires qui connaissent une situation moins tendue, la crise tient à la surproduction qui entraîne un taux de vacance très important. Il nous faut également veiller à ce déséquilibre.

Madame Terrade, oui, je crois à une « France de propriétaires » ! Je crois à cet engagement de campagne du Président de la République !

Selon vous, la volonté d’augmenter la proportion de ménages propriétaires de leur logement démontre que la réforme des retraites est totalement injuste. J’avoue ne pas voir le lien entre les deux termes de votre raisonnement…

Effectivement, d’autres intervenants l’ont dit, devenir propriétaire représente un élément de sécurité pour les retraités, en matière de pouvoir d’achat, car les revenus en période de retraite sont inférieurs à ceux perçus en période d’activité, avec ou sans réforme des retraites !

Si, au moment où elles subissent cette baisse de revenus, les personnes concernées ont fini d’accéder à la propriété, leur taux d’effort consacré au logement chute de façon considérable. Le taux d’effort d’un locataire ou d’un accédant à la propriété représente aujourd’hui 23 % de ses revenus ; il est de 10 % pour celui qui a accédé à la propriété et qui a fini de payer son logement. Il existe donc un écart d’environ quinze points entre le statut d’accédant ou de locataire et le statut de propriétaire. À l’heure de la retraite, la différence est considérable !

Vous évoquez également, madame Terrade, un recul de l’accession à la propriété des classes moyennes. Vous avez raison ! En effet, l’augmentation des prix de l’immobilier étant supérieure à celle des revenus, la classe moyenne s’est trouvée « désolvabilisée ». C’est la raison pour laquelle il faut faire cette réforme pour la resolvabiliser ! Sinon, on se contentera de baisser les bras ou de constater cette baisse de l’accession à la propriété.

Madame Colette Giudicelli, vous affirmez que l’accession à la propriété sécurise la retraite : je ne peux que partager votre analyse, car cet élément est évidemment essentiel.

Vous portez également un jugement très équilibré sur le rôle des bailleurs sociaux. Vous avez raison de le souligner, la plupart d’entre eux font un excellent travail : il faut donc cesser de les prendre pour cible ! Ce n’est pas parce que certains sont peut-être moins efficaces que d’autres qu’il faut en tirer des conclusions générales applicables à l’ensemble de la profession. Je partage votre analyse en la matière, madame la sénatrice : il faut cesser d’opposer les politiques du logement. Si nous voulons réaliser le parcours résidentiel que nous appelons tous de nos vœux, nous avons besoin d’une politique efficace et ambitieuse de production de logements sociaux. Nous ne pourrons pas atteindre cet objectif sans une mobilisation importante des bailleurs et des collectivités locales !

De la même façon, nous avons besoin d’une politique ambitieuse pour créer des logements dans le secteur locatif libre, comme nous avons besoin d’une politique ambitieuse en matière d’accession à la propriété. Ce n’est que dans le cadre de ce parcours global partant du logement social, passant par le développement du secteur locatif libre et aboutissant à l’accession à la propriété que nous parviendrons à répondre aux attentes de nos compatriotes.

Monsieur Jeannerot, votre intervention était très équilibrée – d’autres intervenants l’ont noté. Je vous remercie des propos que vous avez tenus sur la simplification du système, qui est l’un de nos objectifs, et sur son adaptation à la réalité du marché.

Je reviendrai néanmoins sur un point que vous avez évoqué concernant l’universalité. J’ai essayé de répondre à cette question en citant des chiffres concrets et pas simplement des tranches de revenus, qui ne signifient rien pour la vie quotidienne. Je ne considère pas qu’une personne qui, en zone B 1, gagne 2 500 euros par mois soit trop riche pour être aidée.

Si nous voulons cibler les classes moyennes, qui ont été « désolvabiliséés » par l’augmentation des prix de l’immobilier, il faut impérativement maintenir le caractère universel de ce produit.

Vous évoquez également, monsieur Jeannerot, un risque de surendettement. Je ne crois pas qu’il existe. La comparaison que certains – mais pas vous ! – ont faite avec les subprimes me paraît très osée. Nous sommes heureusement très éloignés de cette réalité dans notre pays.

Si nous avons souhaité conserver le dispositif d’aide personnalisée au logement en accession, ou APL Accession, c’est bien parce qu’il constitue une sécurité majeure. Nous avons d’ailleurs pu observer que, pendant la crise, notre pays n’a pas connu une explosion du nombre de sinistres, grâce au caractère très sécurisant de l’APL Accession, qui prend le relais en cas de baisse de revenus de l’accédant.

Monsieur Gouteyron, vous interrogez le Gouvernement sur son engagement en faveur des zones rurales, notamment sur le marché de l’immobilier ancien en zone rurale.

Cet engagement est un des objectifs premiers de cette réforme : elle doit être un outil de production de logements dans les zones les plus tendues, comme Paris ou Marseille ; mais elle doit également nous permettre d’organiser une « reconquête » des centres-bourgs, dans l’ancien, en zones rurales. C’est la raison pour laquelle nous différencions nettement ce nouveau prêt à taux zéro pour les acquisitions dans l’immobilier neuf, afin d’épouser la réalité des marchés, mais la quotité du prêt – soit 20 % du montant de l’opération – sera la même en zone très tendue et en zone rurale.

Les zones rurales, notamment les centres-bourgs, sont donc bien une de nos priorités, notamment en matière de reconquête de l’ancien.

Les zones rurales vivent un drame, nous le savons tous, moi le premier, qui suis originaire d’une zone rurale : la construction d’un logement neuf ou d’une maison individuelle vide une maison en centre-bourg. Nous devons donc conserver un équilibre : il faut aider ceux qui souhaitent acquérir une maison neuve à réaliser leur rêve, mais également pouvoir attribuer un montant de prêt au moins équivalent, si ce n’est supérieur, aux acquéreurs de logements anciens. Favoriser l’immobilier ancien en milieu rural constitue bien l’un des objectifs du Gouvernement dans le cadre de cette réforme.

C’est la raison pour laquelle nous avons effectivement modulé, comme vous le suggériez, les prêts concernés en fonction du revenu, de la composition familiale et, bien évidemment, du zonage. J’en reviens ainsi à votre préconisation : si nous souhaitons organiser la reconquête des centres-bourgs, nous devons privilégier l’aide à l’ancien en milieu rural.

Toutefois, monsieur Couderc, cela ne signifie nullement que nous ne devrions pas aider les villes moyennes. D’ailleurs, ma circonscription d’origine comporte une ville moyenne ; c’est même la commune du président de la Fédération des maires des villes moyennes ! Je mesure donc bien l’intérêt des villes moyennes pour notre territoire… En même temps, comme je vous l’ai indiqué, ma circonscription est aussi extrêmement rurale.

Les aides qui existent aujourd’hui sur notre territoire – je pense notamment au prêt à taux zéro – sont très efficaces, en termes de solvabilité, dans certaines zones rurales et dans des villes situés en zone B2, comme Béziers ou Châlons-en-Champagne, mais ne le sont pas du tout en zone A.

Actuellement, 50 % des opérations du prêt à taux zéro sont effectuées dans des zones C, ce taux atteignant même 75 % si on ajoute les zones B2, alors que ces deux catégories de zones représentent à peine 50 % de la population. Donc, si l’aide de l’État est massive dans les zones B2 et C, elle ne correspond pas à la réalité des besoins dans les zones A et B1.

Le Gouvernement a précisément l’intention de procéder à un rééquilibrage, non pas pour pénaliser les zones B2 et C – l’accession à la propriété doit y être aussi importante que par le passé –, mais pour mieux aider les zones A et B1. L’objectif est que chacun dispose des mêmes chances de devenir propriétaire, quel que soit son lieu d’habitation !

Nous savons aujourd’hui aider nos compatriotes qui vivent dans les zones B2 et C à accéder à la propriété, mais nous ne savons pas aider ceux qui vivent en zones A et B1. Le taux de propriétaires s’élève à 70 % en zone C – la « France des propriétaires » y existe déjà ! –, contre à peine 45 % en zone A. Nous devons donc opérer un rééquilibrage. Chacun, quelle que soit sa zone d’habitation, doit pouvoir devenir propriétaire, tel est l’objectif de cette réforme ; et les aides doivent améliorer la solvabilité des accédants à la propriété dans chacune des zones de notre territoire : c’est tout !

Enfin, madame Des Esgaulx, vous m’avez interrogé sur un point très particulier, la vente de logements HLM.

La règle du maintien pendant cinq années dans le quota de logements sociaux des logements cédés par les bailleurs à leurs locataires a été ajoutée en 2006. Nous sommes ainsi parvenus, me semble-t-il, à un équilibre. À cet égard, je ne partage pas totalement votre analyse, madame la sénatrice, ou plus exactement, je pense que vous y avez déjà répondu vous-même dans votre intervention.

Tout d’abord, les ventes interviennent plus rapidement que vous ne le dites. Les locataires HLM qui achètent leur logement sont bien plus nombreux que vous ne le pensez. De ce point de vue, le délai de cinq années me paraît donc correspondre à la bonne durée.

Surtout, vous conseillez, à juste titre, au Gouvernement de rendre obligatoire l’affectation des produits de la vente à la construction de nouveaux logements sociaux. Mais l’une des raisons pour lesquelles il pousse les organismes bailleurs à vendre une partie de leur patrimoine est bien de leur permettre de constituer une nouvelle offre. Et si un bailleur social vend un logement HLM tout en profitant de cette période de cinq ans pour reconstruire une nouvelle offre de logements sociaux conforme aux principes fixés par la loi SRU, soit un taux de 20 %, la sortie du dispositif à l’issue de cette période ne sera pas pénalisante.

Je rejoins totalement votre conclusion : il faut vendre pour construire. Mais, en l’occurrence, la période de cinq ans est parfaitement adaptée, puisqu’elle permet au bailleur social de reconstituer son offre et de « rester dans les clous » fixés par la loi SRU. Bien entendu, je suis disposé à ouvrir une discussion sur le sujet avec vous ; toutefois, je pense que nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant.

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais apporter aux orateurs qui se sont exprimés cet après-midi.