M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, parmi nos différends, nous trouvons bien évidemment le rôle des institutions publiques, et plus spécialement celui de l’État et des collectivités territoriales, ainsi que la question fiscale.

Précisément, ce soir, un constat retient tout particulièrement mon attention : alors que la fiscalité de l’État s’est modernisée, notre fiscalité locale demeure à la traîne, indépendamment du recours à la valeur ajoutée pour asseoir une part de la nouvelle contribution économique territoriale.

Nous sommes en face d’une dualité d’autant plus grave que toute une série de raisons entretiennent l’action locale. Citons, bien évidemment, en premier lieu, l’impératif de la croissance économique, les nouvelles attentes et les besoins de la population, les transferts de l’État, les déficits de celui-ci – transfert et déficit étant bien évidemment liés -, la production de normes nationales diverses, à quoi j’ajouterai la règle, tout à fait justifiée, de l’équilibre budgétaire local, les partenariats que l’État lui-même engage. Et je ne résiste pas au plaisir de citer la construction européenne, car je suis intimement convaincu que, dans les années qui viennent, nous aurons un impôt européen qui aura nécessairement des répercussions sur les collectivités territoriales.

Ma conclusion est simple : notre fiscalité locale, communale notamment, ne peut rester ce qu’elle est, pour des raisons de cohérence, de cohésion et d’efficacité.

Dans nos collectivités territoriales, indépendamment de nos efforts, il y a un risque évident de divorce entre le citoyen et le contribuable. Il prend sa source dans la complexité, l’opacité, les inégalités de notre système fiscal, le sentiment d’injustice qu’il génère et, bien sûr, le décalage qui existe entre les missions de nos collectivités et un système fiscal attardé.

Nous sommes au cœur de la confiance et de l’esprit d’entreprendre.

Il est important que nous allions à l’essentiel. C’est la raison pour laquelle, monsieur le président de la commission des finances, je vous propose, au nom de mon groupe, de prendre le temps, au cours des mois qui viennent, de consacrer une partie des travaux de notre commission à un état des lieux approfondi de notre fiscalité locale.

Je reprends, monsieur le président, une formule très juste que vous avez employée hier : « Si vous voulez réformer, mettez de la lumière ».

Ce n’est pas en perpétuant, comme nous le faisons ici, au Sénat, ou à l’Assemblée nationale, la course échevelée des amendements que nous progressons. Dresser un état des lieux, le rapport public du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2010 nous y invite et nous y aide en mettant en exergue des grandeurs importantes.

Globalement, le budget des collectivités territoriales représente 11 % du produit intérieur brut, soit, en 2008, 21,8 % des dépenses publiques totales. Cette part croît ; elle n’était, en effet, que de 17 % en 1982.

Par-delà ces chiffres, et tous ceux que vous connaissez, il faut apprécier l’action et le rôle des collectivités territoriales. Ils seront d’autant plus positifs que les ressources mobilisées reposeront sur des bases modernes, justes, en adéquation avec la réalité économique d’aujourd’hui, la capacité contributive des intéressés et les besoins des territoires.

État des lieux, disais-je. Permettez-moi de citer quelques thèmes d’analyse et d’approfondissement.

La fiscalité locale représente 47,6 % du financement des collectivités territoriales, dont 36,8 % à la charge des contribuables locaux, le reste étant assumé par l’État, donc par les contribuables nationaux. Voilà, me semble-t-il, l’une des preuves de l’obsolescence de cette fiscalité. « Produit voté », « produit payé », « produit perçu » ne sont plus en correspondance.

Cette situation est-elle acceptable au plan de la transparence et de la responsabilité ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !

M. Edmond Hervé. Poser cette question n’est pas évacuer le rôle de l’État en tant que garant du pacte républicain, de l’équité et de la solidarité.

Que penser de la valeur locative ? Les évaluations de 1970 sont encore en vigueur. Ces bases, on en conviendra, ne reflètent plus la réalité du marché immobilier d’aujourd’hui. Voyons où en sont les estimations, les surestimations, les sous-estimations. Comment jouent « les éléments de confort » dans les immeubles de construction récente classés « habitations à loyer modéré » ? Pourquoi la loi de janvier 1990 prévoyant une application en 1997 n’a-t-elle pas eu de suite ? Nous savons que c’est non pas pour des raisons techniques, mais tout simplement pour des raisons de transfert.

La taxe d’habitation est un impôt spécialement français, sans équivalent dans les autres pays de l’OCDE. Que valent les différents coefficients qui ne tiennent pas compte de la capacité contributive des redevables ? Cette affirmation mérite d’être peaufinée, car nous savons qu’à partir d’un certain temps la taxe d’habitation est progressive et à partir d’un autre seuil, elle devient dégressive.

Appréhendant la taxe d’habitation, monsieur Fourcade, je ne peux pas ne pas citer ce que nous avions décidé à l’Assemblée nationale il y a déjà vingt ans : la taxe départementale sur les revenus, taxe mort-née ! J’aimerais retrouver le débat que nous eûmes à l’époque.

Les taxes foncières ont l’avantage d’être localisables, immobiles et prévisibles. Elles permettent à la collectivité de retirer le bénéfice de ses actions qui valorisent le foncier. Que penser cependant de leur assiette, de son calcul, de sa capacité à appréhender la valeur du bien concerné, de sa dynamique ? Que penser du partage individuel-collectif que les taxes foncières sont censées opérer ? Dans une période de tension économique, il est intéressant de se demander en faveur de quels accueils elles jouent : résidentiels ? industriels ?

La jeunesse de la contribution économique territoriale ne nous empêche pas d’évaluer le dispositif. Notre rapporteur général a justement mis en cause son coût.

Monsieur Marini, vous vous êtes interrogé sur le contexte de la création de cette contribution. J’ai remarqué ce matin que, sans citer, vous aviez fait allusion à cet environnement.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’ai dit que c’était une réforme de pays riche !

M. Edmond Hervé. Hier, notre collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », a fait des remarques pertinentes sur certaines exonérations.

Mes chers collègues, je ne m’étendrai pas sur la péréquation. C’est une nécessité. Nous connaissons les égoïsmes qu’il faut vaincre dans ce domaine. Des questions sont à poser.

La péréquation peut-elle s’accommoder d’une compensation générale à l’euro près ?

Je suis intimement convaincu que, lorsque l’on parle de la compétence « solidarité territoriale », les ressources affectées à ce titre au département ne permettent pas, aujourd’hui, une péréquation nécessaire.

C’est à partir de cette mise à plat que je vous propose, monsieur le président de la commission des finances, que nous pourrons débattre et reconstruire, en dépassant les généralités.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’ai bien noté !

M. Edmond Hervé. Elles ont politiquement, cependant, leur importance, car c’est toujours à partir de grands principes que l’on bâtit un édifice durable.

Devons-nous conserver un système fiscal local ? Je le pense, mais je sais que certains, aujourd’hui silencieux, pensent le contraire.

Quel lien ce système fiscal local doit-il avoir avec le système fiscal national ? Quelle doit être la part de la mixité ? Que peut-on attendre des redevances ? Un système fiscal local doit-il avoir une fonction redistributive ? Quel impact doit-il avoir sur l’économie ?

Je voudrais terminer sur une observation.

Nous parlons beaucoup de convergence fiscale avec l’Allemagne. Je ne souhaite pas que l’action publique nationale et locale soit victime d’une approche comparative, comptable et formelle. Il y a très certainement des convergences à opérer, y compris sur des projets économiques communs, bilatéraux ou européens.

Mais, monsieur Marini, vous avez fait, il y a quelque temps, une déclaration très juste. Je vous cite : « Le taux des prélèvements obligatoires est un agrégat trop complexe qui rend impossible toute comparaison entre les pays européens, faute d’une autorité comptable indépendante au niveau communautaire ».

Précisément, monsieur le rapporteur général, quelle est la grande différence entre la France et l’Allemagne ? L’Allemagne a conservé un secteur manufacturier, de production important. Alors que, de 2000 à 2008, la part de ce secteur dans la valeur ajoutée en Allemagne demeurait stable, aux alentours de 29 % ou 30 %, elle est passée chez nous de 22 % à 16 % sur la même période.

Toute politique de recherche et développement, toute politique d’innovation n’a de sens que si elle est en correspondance avec une politique de production.

L’Allemagne a construit un compromis social fondé sur la maîtrise des coûts salariaux et le maintien de l’emploi : la part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué et le salaire réel par tête a baissé, alors qu’il a progressé dans le reste de la zone euro ; par ailleurs, le licenciement automatique ne fait pas partie de l’ordinaire allemand. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)

Je retrouve la décentralisation et une différence majeure entre nos deux pays : les Länder jouent un rôle déterminant en matière d’innovation, de recherche, d’exportation ; ils peuvent compter avec des entreprises moyennes très fortes, qui, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, ne sont pas nécessairement affectées par l’impôt sur les sociétés, car elles sont soumises à un type d’impôt différent.

C’est par loyauté que nous devons étudier au fond ces différents points.

La fiscalité partagée fournit 60 % des ressources des Länder et 17 % de celles des communes ; en France, nous en sommes à 6,5 %, la moyenne des pays de l’Union européenne étant de 20 %. Cette fiscalité partagée n’empêche pas les Länder d’être confrontés à de très grandes difficultés, notamment dans le domaine de l’éducation.

Nous ne sommes pas dans l’inconnu et devant une table rase : voyez le succès de nos technopoles ! N’oublions pas non plus les collectivités territoriales qui, faisant la démonstration de leur sens de l’anticipation, investissent dans les domaines économique, social et culturel, et qui, toutes sensibilités confondues, ont fait preuve d’un grand sens civique en prenant une part très active dans le plan de relance.

Dans l’état des lieux fiscal que je propose, nous ne devons pas oublier l’usage qui est fait de la ressource.

Le Conseil des prélèvements obligatoires évoquait, dans une formule très juste, « la pertinence du prélèvement fiscal local ». J’y crois avec vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier chacun d’entre vous de la qualité de vos contributions, qui nourriront vertueusement le débat que nous allons avoir sur ce projet de loi de finances.

Au préalable, je dois dire que je suis frappé par la différence d’approche entre les représentants de notre majorité et ceux de l’opposition.

D’un côté, il y a ceux qui, avec notre majorité, souhaitent que la France s’engage sur la voie de l’équilibre des finances publiques en agissant vraiment, réellement.

Certes, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, nous aurons des débats et des divergences d’appréciation sur tel ou tel aspect, sur la nécessité éventuelle d’aller plus vite sur tel point, moins vite sur tel autre, mais nous partageons indiscutablement un objectif commun, à savoir l’engagement durable dans une gestion vertueuse de nos finances publiques pour atteindre l’équilibre budgétaire. Et par là j’entends non pas ce point asymptotique vers lequel on tend sans jamais l’atteindre, mais bien un objectif politique fixe qui doit mobiliser l’ensemble de la puissance publique.

Mais, d’un autre côté, il y a ceux qui, avec les représentants de l’opposition, n’ont qu’un seul projet politique : augmenter les prélèvements obligatoires pour boucher des trous. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je n’ai entendu de leur part aucune autre proposition.

Cette méthode-là, mesdames, messieurs les sénateurs, serait dangereuse pour notre économie, menaçante pour la croissance et structurellement déprimante pour les Français, qui n’en peuvent plus.

Dans les dix-huit mois, nous aurons plusieurs rendez-vous. Mais, dès à présent, ce débat fait apparaître une vraie ligne de fracture, fait émerger des choix politiques différents sur la façon de réduire nos déficits.

La hausse généralisée des impôts n’est pas une solution adaptée, car la France souffre de la dépense publique. Parmi les pays de l’Union européenne, notre pays est désormais celui où le taux de croissance des dépenses publiques par rapport à la richesse nationale est le plus élevé.

Il faut quand même avoir à l’esprit qu’un taux d’imposition trop élevé nuit au consentement à l’impôt lui-même. Au-delà d’un certain seuil apparaît en effet un point d’inflexion à partir duquel l’acte fiscal, l’acte déclaratif et la participation à travers une contribution individuelle à l’effort de redistribution sous forme de services publics, d’investissements, de prestations, de solidarité, en un mot tout ce qui constitue, de près ou de loin, directement ou indirectement, le modèle français d’État providence, peuvent ne plus être acceptés.

C’est pourquoi nous devons réfléchir très subtilement à tout ce qui touche à l’impôt et à la fiscalité.

Il y aurait une part d’irresponsabilité à faire de l’augmentation des impôts un programme politique en soi.

S’agissant de l’effort budgétaire pour 2011, j’entends certains dire que notre budget est trop dur, tandis que d’autres considèrent que nous ne réduisons pas suffisamment vite les déficits.

Ce qui est sûr, c’est que nous privilégions un redressement raisonné de nos finances publiques en excluant à la fois les coupes aveugles dans la dépense et les hausses généralisées d’impôt. Comme l’a rappelé M. Dominati, nous visons un ralentissement et non une diminution du rythme de croissance de la dépense.

Cela m’a toujours fait sourire d’entendre dire que la France engageait un plan de rigueur. Le Gouvernement n’a jamais porté ce mot en bandoulière, tout simplement parce qu’il ne correspond pas à la réalité. Il n’en demeure pas moins que, pour la première fois dans l’histoire de nos finances publiques, le taux de croissance des dépenses publiques sera stabilisé.

En d’autres termes, pour être clair, le niveau de nos dépenses sera identique à ce qu’il était l’an passé, et c’est cela, la vraie révolution. L’économie ne sera pas négligeable.

Nous avons inscrit cette politique dans la durée puisque le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une maîtrise de l’évolution du taux de croissance de la dépense publique pour les années 2011 à 2014.

Nous avons aussi écarté les hausses généralisées d’impôt, contrairement à ce qu’ont fait nos partenaires espagnols, portugais ou britanniques à travers les plans qu’ils ont mis en place.

Je vous le redis, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne trouverez pas trace de la moindre augmentation des prélèvements obligatoires dans le plan français : ni hausse de la TVA, ni hausse de l’impôt sur le revenu, ni hausse de l’impôt sur les sociétés. Malgré les efforts que nous devons faire pour réduire nos déficits, c’est un choix politique que nous assumons pleinement.

Nous réduirons en 2011 de 1,7 point de PIB le déficit public. Du jamais vu ! Personne n’a jamais fait mieux auparavant. Certes, nous n’avions jamais atteint un tel niveau de déficit dans le passé, mais, cet objectif de réduction de 40 milliards d’euros du niveau du déficit public par rapport à la richesse nationale – c'est-à-dire de 60 % – nécessite des mesures cohérentes et la définition de priorités.

J’ai bien noté, monsieur le président de la commission, cher Jean Arthuis, monsieur le rapporteur général, cher Philippe Marini, monsieur About, vos interrogations sur la maîtrise de la dépense d’intervention. Nombre de ces dépenses relèvent de dispositifs de guichet, qui connaissent spontanément une dynamique forte.

Les règles transversales fixées par le Gouvernement – moins 5 % pour l’année prochaine – permettent de contrecarrer la dynamique de ces dépenses d’intervention, et c’est grâce à cette discipline que nous parvenons à geler les dépenses de l’État en valeur, hors dettes et pensions.

Cet effort est également sans précédent : si nous avions appliqué la même règle entre 2007 et 2010, nous aurions économisé en moyenne 3 milliards d’euros supplémentaires chaque année...

Parmi ces économies, monsieur le président de la commission, il y en a une qui est liée à la mise en place d’un mécanisme de péréquation sur le secteur HLM, pour 340 millions d’euros.

C’est bien d’une économie qu’il s’agit ; elle permettra, tout en préservant l’effort de l’État en faveur de la construction de logements sociaux, d’alimenter un fonds de solidarité destiné uniquement au financement de la construction, de la réhabilitation et du renouvellement urbain à hauteur donc de 340 millions d’euros par an.

Certes, c’est un effort pour le secteur HLM, mais celui-ci connaît une situation financière dans l’ensemble confortable : il dispose en effet de 6,5 milliards d’euros de fonds propres et bénéficie d’aides fiscales ou financières à hauteur de 4 milliards d’euros par an. Ce n’est donc pas un effort démesuré.

Nous avons eu ce débat à l’Assemblée nationale, nous l’aurons au Sénat. J’ai bien noté les propos de François Rebsamen, par ailleurs maire de Dijon, au sujet de l’OPAC de sa ville : les situations ne sont pas identiques en tout lieu, mais la mesure que nous proposons vise non pas à remplir les caisses de l’État, mais à « re-flécher » les crédits vers la construction des logements sociaux et vers l’ANRU, qui contribue largement à l’amélioration du cadre de vie grâce à la rénovation de l’habitat social.

S’agissant plus particulièrement de la réduction des niches fiscales et sociales, j’ai entendu quelques critiques ici ou là, ce qui est bien normal. Il est vrai que le Gouvernement aurait pu choisir la facilité, n’ouvrir qu’un seul front en supprimant deux ou trois des niches les plus coûteuses. Cela aurait été certes plus simple, mais certainement défavorable à notre économie.

Au final, nous avons choisi un chemin de crête, plus difficile, plus exigeant, plus propice à susciter une addition de contestations, mais, en définitive, plus juste. Je le répète, l’effort de réduction des niches fiscales et sociales a consisté en priorité à supprimer les dispositifs dont l’efficacité ou la nécessité ne sont plus démontrées ou qui sont peu conformes au principe d’égalité devant l’impôt.

Le taux réduit de TVA sur la restauration ou l’exonération des heures supplémentaires ne font pas partie de cette catégorie, contrairement à ce que peuvent penser certains. C’est la raison pour laquelle nous n’y avons pas touché.

Pour être tout à fait complet, j’ajoute que, sur cette question de la TVA dans le secteur de la restauration comme sur bien d’autres, nous avons besoin de stabilité. Il s’agit là d’une mesure récente, réclamée par certains, contestée par d’autres. Laissons à ce dispositif le temps de produire les effets vertueux auxquels, nous, nous croyons.

Quant au « rabot », il est peut-être critiquable, mais, là encore, je n’ai pas entendu de meilleure proposition dans cet hémicycle.

Contrairement à ce qu’affirment certains, les ménages ne supporteront pas à eux seuls l’effort sur les niches fiscales.

Au passage, sachez, monsieur Dominati, que j’ai lutté contre cette expression de « niche fiscale », mais j’ai échoué ! (Sourires.) Le terme perdure, indépendamment de la réalité : pour l’État, une niche fiscale, c’est une dépense ! C’est bien la raison pour laquelle nous agissons presque exclusivement sur les sources de dépenses au sein de l’État.

Lorsque, pour « booster » tel ou tel secteur économique, pour favoriser l’emploi dans tel ou tel secteur d’activité, l’État accorde un avantage fiscal, il choisit de ne pas prélever une ressource fiscale ; il s’agit donc d’une dépense pour lui. Un autre moyen aurait été de créer une dépense budgétaire en accordant une forme de subvention.

Plus nous serons nombreux à rappeler que les niches fiscales sont en réalité des dépenses fiscales, mieux sera comprise et acceptée leur réduction, par vous-mêmes, je le souhaite évidemment, mais aussi et surtout par une majorité de Français.

Cet effort, je le répète, a été équitablement réparti entre les ménages et les entreprises : 37 % pour les premiers, 63 % pour les secondes.

Comme l’a rappelé M. le président de la commission, toute mesure fiscale repose in fine sur les ménages, directement ou indirectement, et la répartition entre les entreprises, d’un côté, et les ménages, de l’autre, a peut-être un caractère artificiel.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, c’est artificiel !

M. François Baroin, ministre. Il n’en demeure pas moins que les entreprises ont tout loisir de répercuter ou non sur l’usager ou le consommateur les mesures dont elles font l’objet.

Madame Bricq, quand on formule une prévision de croissance, on ne doit pas être habité par le doute. Il est cependant clair qu’un certain nombre de paramètres doivent être retenus pour l’établissement d’un budget.

Je persiste à penser que notre hypothèse de croissance pour l’année prochaine, à savoir 2 %, n’est pas déraisonnable. Les taux de croissance des deuxième et troisième trimestres confortent sérieusement la position du Gouvernement en la matière, puisque, sur un rythme annuel, ce taux atteint 2 %. Nous croyons à la justesse de nos prévisions.

Monsieur Marc, madame Bricq, vous affirmez que le Gouvernement conduit une politique économique récessive. Permettez-moi de vous dire que les propositions d’augmentation des impôts qu’a faites le parti socialiste dans son semblant de programme alternatif,…

Mme Nicole Bricq. Je n’ai pas eu le temps de développer : attendez les amendements !

M. François Baroin, ministre. … si elles étaient appliquées, auraient, pour notre économie, un effet récessif à la fois immédiat et redoutable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une erreur de vouloir apprécier les effets redistributifs d’un système en s’en tenant aux seules mesures fiscales !

Comme vous le savez, en France, la réduction des inégalités passe essentiellement par les transferts sociaux, même si l’impôt y contribue. Dans France, portrait social, l’INSEE révèle que l’effort de redistribution est supérieur de 11 points, en 2009, à ce qu’il était en 2006 pour les personnes les plus modestes. Je pense que cette donnée statistique devrait être une source d’inspiration pour tous…

J’ai déjà évoqué cette problématique au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en votre présence, me semble-t-il, madame Bricq. Du fait du système de redistribution du modèle français, les 20 % des ménages les plus modestes de France voient leurs revenus annuels augmenter, passant d’environ 7 000 euros à plus de 10 000 euros, tandis que les 20 % des ménages les plus riches voient les leurs baisser, passant de 53 000 euros en moyenne à 47 000 euros.

C’est pourquoi je combattrai, en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances, celles et ceux qui voudront montrer que la répartition est injuste. Ce n’est pas le cas !

Mme Nicole Bricq. Nous avons donc rêvé !

M. François Baroin, ministre. Ce budget aura pour fonction de protéger ce modèle de redistribution, en demandant un effort aux citoyens, mais sans augmenter trop fortement la pression. C’est ce qui a été fait pour les retraites, ce qui est proposé pour la gestion de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, et, donc, ce que nous avons écrit, non pas en filigrane, mais en lettres fluorescentes, dans ce projet de loi de finances pour 2011.

S’agissant des collectivités locales, beaucoup d’entre vous – Éric Doligé et Jean-Pierre Fourcade, notamment – sont montés à cette tribune pour évoquer la proposition du Gouvernement de geler les dotations de l’État.

C’est évidemment une décision importante et, je dois à la vérité de le dire, elle était attendue depuis de nombreuses années. Au vu de l’importance du volume budgétaire que représentent les transferts de l’État aux collectivités locales, il n’était effectivement pas absurde qu’à un moment donné, dans une période particulière, le Gouvernement envisage un tel gel et ses modalités.

Conformément aux conclusions de la conférence sur les déficits publics – application de la norme « zéro valeur » aux concours de l’État aux collectivités locales, soit la simple application, à ces transferts, de la règle que se donne l’État –, mais en tenant compte des messages du Comité des finances locales, nous avons retenu un gel hors fonds de compensation pour la TVA.

M. François Marc. Cela vous est profitable : vous gagnez 220 millions d’euros !

M. François Baroin, ministre. Cela signifie en clair que nous protégeons l’investissement des collectivités et que cette mesure n’est pas de nature à altérer ou à ralentir le rythme des politiques d’investissements publics, car, comme nous le savons tous, la commande publique produite par les collectivités locales est une source de soutien à l’activité économique.

Nous avons également retenu des mesures concernant le système de péréquation, qui ont été soutenues et défendues par M. le rapporteur général et par M. le président de la commission des finances.

Le dispositif de péréquation a été abondé, au cours de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, à hauteur de 150 millions d’euros supplémentaires par rapport aux dispositions initiales. Nous aurons naturellement l’occasion d’en débattre.

Par ailleurs, monsieur Doligé, j’ai pris note de vos remarques sur l’article 61 du projet de loi, relatif à la péréquation des droits de mutation à titre onéreux. Je ne doute pas que la discussion que nous aurons à ce sujet permettra de comprendre les difficultés que vous avez exposées.

Comme vous le savez, j’ai évoqué l’abondement du fonds de péréquation, hier à l’Assemblée nationale, en réponse à une question d’actualité. J’ai relevé que, selon le rapport de la mission présidée par Bruno Durieux sur les effets de la réforme de la taxe professionnelle, le fonds mis en place soulèverait des interrogations, notamment du fait de son caractère insuffisamment redistributif.

Une somme d’environ 350 millions d’euros a été budgétée pour irriguer ce fonds, mais je reste à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour en rediscuter avec vous ou pour évoquer les modalités d’application de ce dispositif et son apport en termes de redistribution.

Enfin, toujours sur la question des collectivités territoriales, nous devons porter un regard attentif à la situation des départements en difficulté ; nombreux ont été ceux, parmi vous, qui ont alerté l’attention du Gouvernement sur ce sujet. J’ai présenté hier matin, en conseil des ministres, un collectif budgétaire assez dense portant notamment sur la problématique de la mise en place d’un fonds de solidarité exceptionnel, doté de 150 millions d’euros et destiné à ces départements.

Les critères retenus, me semble-t-il, sont assez objectifs, puisqu’ils portent sur la moyenne du potentiel fiscal par habitant de l’ensemble des départements et la moyenne du potentiel fiscal par habitant du département concerné, le tout dans une enveloppe généralisée. Mais je suis naturellement ouvert à la discussion sur ce sujet qui, je n’en doute pas, retiendra l’attention d’un grand nombre d’entre vous.

En matière fiscale, j’ai relevé que certains d’entre vous, comme Thierry Foucaud ou Nicole Bricq, critiquaient le taux que nous avions arrêté pour l’impôt sur les sociétés, au motif qu’il serait insuffisamment élevé, notamment par rapport à ce qui se pratique en Allemagne.