Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, puisque nous abordons le sujet important de la réforme des taxes d’urbanisme, je souhaite, pour contribuer à éclairer nos débats, vous présenter rapidement les grandes lignes de ce dispositif, certes complexe dans sa mise en œuvre – l’article compte onze pages –, mais simple dans ses principes.

Il existe actuellement huit taxes d’urbanisme et huit participations d’urbanisme, d’un montant respectivement de l’ordre de 600 millions d’euros et un milliard d’euros par an, mais qui peut connaître de fortes variations d’une année sur l’autre.

La réforme a pour objet de garantir un produit à peu près constant.

En premier lieu, dans le cas des taxes d’urbanisme, deux d’entre elles ne sont pas concernées par le présent article, compte tenu de leur caractère très spécifique : la redevance d’archéologie préventive et la redevance sur les bureaux en Île-de-France que nous venons d’ailleurs de réformer de manière substantielle dans le cadre de la loi de finances pour 2011.

Les six autres taxes doivent être fusionnées au 1er mars 2012 en seulement deux taxes : la taxe d’aménagement, qui représentera la quasi-totalité du produit et, pour les communes qui le souhaitent, le versement pour sous-densité.

Qu’est-ce que ce versement pour sous-densité ? Quand la loi de finances pour 1981 a créé le versement pour dépassement du plafond légal de densité, la mode était de dire qu’il fallait éviter de construire trop dense. Maintenant que nous sommes tous devenus écologistes, il s’agit d’éviter de construire trop dispersé, parce que cela consomme de l’énergie et nécessite trop de déplacements.

Je tiens à souligner qu’il n’y a évidemment aucune vérité absolue ni d’un côté ni de l’autre ; les maires, qui s’efforcent de définir un aménagement harmonieux de leur territoire, le savent bien.

L’instauration de ce versement pour sous-densité est une simple faculté pour les communes, ce qui est une bonne chose, monsieur le secrétaire d’État.

La réforme est, en outre, l’occasion de moderniser la définition de la surface prise en compte. Il existe de nombreuses notions de surface et il est heureux d’unifier ce concept juridique.

Les communes, les EPCI et la région d’Île-de-France auront en outre la possibilité de moduler géographiquement le taux de la taxe d’aménagement, par exemple au sein d’une commune, par secteur, c'est-à-dire par quartier, en fonction des opérations d’urbanisme à conduire et des caractéristiques du marché immobilier.

En second lieu, le présent article propose également de simplifier le régime des participations d’urbanisme.

Comme vous le savez, il en existe actuellement huit. Certaines sont obsolètes. À cet égard, je ne résiste pas au plaisir de citer l’ordonnance de l’empereur Guillaume II, du 21 mai 1879, commençant par ces mots : « Nous, Guillaume, empereur d’Allemagne par la grâce de Dieu, roi de Prusse ». Cette ordonnance, essentiellement consacrée au « plan d’urbanisation établi pour l’agrandissement de la ceinture de Strasbourg », prévoyait notamment l’obligation pour la ville d’acheter certains terrains « d’ici le 31 décembre 1885 ». Très étrangement, au-delà des guerres, des changements de frontières, de la Libération, cette disposition est toujours en vigueur et encombre encore notre code.

Concrètement, sur ces huit participations d’urbanisme, seulement trois, correspondant par nature à de « grosses » opérations, subsisteront : celles relatives aux zones d'aménagement concerté, les ZAC, aux projets urbains partenariaux et aux programmes d’aménagement d’ensemble.

Les « petites participations », si l’on peut dire, disparaîtront en revanche. Elles seront remplacées par la possibilité, pour les communes, d’augmenter le taux de leur taxe d’aménagement, soumise normalement à un plafond de 5 %, jusqu’à 20 % dans certains secteurs, « par une délibération motivée, si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux est rendue nécessaire en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs ».

Tels sont, mes chers collègues, les éléments de cadrage que je souhaitais indiquer, puisque nous allons à présent entrer dans le détail de ce dispositif qui est, je persiste à le dire, monsieur le secrétaire, une réforme tout à fait opportune.

Mme la présidente. L'amendement n° 148, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 17 et 23

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 189, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. J’ai regretté, au cours de la discussion générale, que cette réforme importante des taxes d’urbanisme concernant les collectivités locales soit abordée lors de l’examen d’un projet de loi de finances rectificative, sans que nous ayons eu véritablement les moyens de l’expertiser. Le Gouvernement aurait été mieux inspiré de déposer un projet de loi spécifique sur ce sujet.

L’affectation obligatoire du produit de la taxe d’aménagement et du versement pour sous-densité au budget d’investissement des communes n’a pas de justification a priori, car l’aménagement du territoire nécessite non seulement des dépenses d’investissement, mais aussi des dépenses de fonctionnement concernant la maintenance des réseaux d’énergie, les transports en commun, etc. C’est pourquoi l’amendement n° 148 tend à la supprimer.

Les taxes remplacées par la taxe d’aménagement et le versement pour sous-densité n’étaient pas toutes affectées directement à la section d’investissement des bénéficiaires.

Par conséquent, nous ne comprenons pas la raison pour laquelle cette nouvelle taxe et ce nouveau prélèvement devraient uniquement être fléchés sur les investissements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est sensible à ces propos et plutôt acquise à l’idée de souplesse.

Que le produit soit affecté en section de fonctionnement, pour dégager plus d’autofinancement, ou en section d’investissement, pour financer directement des dépenses en capital, c’est quasiment équivalent.

Que, selon les ratios de la collectivité, celle-ci puisse faire son choix, ne paraît pas illégitime.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, chargé de la fonction publique. Cela est rare, madame la présidente, mais cela peut arriver, le Gouvernement ne partage pas la position de la commission ; il est défavorable à l’amendement présenté par Mme Bricq.

Je suis très sensible à l’argumentaire du rapporteur général, plaidant moi-même assez souvent en faveur de la souplesse. De ce point de vue, ce qui est coercitif n’est pas nécessairement la table de la loi, si je puis dire.

Néanmoins, je voudrais attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le point suivant : par cette taxe d’aménagement, le Gouvernement a l’objectif d’investir dans des équipements nécessaires à l’urbanisation, à savoir dans des équipements d’infrastructure ou de superstructure.

Il craint un fléchage en faveur des dépenses de fonctionnement. Le rapporteur général a très justement indiqué qu’il était légitime d’avoir une vision positive des choses, en pensant qu’un certain autofinancement interviendra.

Néanmoins, je souligne qu’il ne faudrait pas qu’il y ait un détournement de cette procédure, aboutissant à un déficit d’équipements rendus nécessaires par l’urbanisation dont certaines communes ne seraient pas en mesure d’assurer le financement. On risquerait alors de mettre le doigt dans un engrenage : certaines communes demanderaient, par d’autres biais, plus de subventions d’investissement à l’État, mettant d’autres collectivités territoriales en situation difficile.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Je voterai contre cet amendement, bien que je sois moi aussi sensible à la souplesse.

Selon M. le rapporteur général, aucun problème ne se pose pour les collectivités qui pratiquent l’autofinancement. Mais toutes ne sont pas semblables. Il me semble plus judicieux, dans les conditions actuelles, d’inciter les communes n’étant pas totalement vertueuses à suivre un chemin approprié sans céder à la facilité. Rien ne garantit qu’elles consacreront une partie de leurs dépenses de fonctionnement à l’entretien des réseaux, notamment.

Dès lors qu’il s’agit de réaliser certains investissements, il me paraît important que la somme en question soit effectivement réservée à cette fin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Malgré l’avis favorable du rapporteur général, le Gouvernement est opposé à cet amendement, de même que certains de nos collègues.

La bonne gestion est de nouveau avancée : il y aurait des vertueux et les autres. Cet argument n’est pas très acceptable. Vous savez bien que tout investissement crée des dépenses de fonctionnement.

Vous refusez cet amendement, mais ne nous dites pas que le remplacement de huit taxes par deux sera neutre pour les collectivités locales, car cela n’est pas vrai. Il est évident que celles-ci perdront un avantage.

Je ne connais pas de collectivité qui, par principe, cherche à détourner le système.

Je crains que le nouveau dispositif n’incite pas les collectivités. Comme vous avez pu le constater, les derniers chiffres relatifs à l’investissement public de celles-ci ont encore régressé – c’est la deuxième année consécutive – à hauteur de 2,2 %, malgré l’accès au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA.

M. Dominique Braye. C’est pour cela qu’il faut les inciter à investir !

Mme Nicole Bricq. Le Gouvernement prend un risque, retirant un avantage aux collectivités. Cette réforme n’est donc pas neutre et aurait certainement nécessité de plus amples débats.

L’amendement n° 148 est bien entendu maintenu.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Comme vous, madame Bricq, je serai concis. Vous apportez vous-même la preuve qu’il est nécessaire de flécher les nouvelles taxes vers l’investissement en évoquant la baisse de 2,2 % susvisée. Comme l’indiquait M. Braye, nous avons aujourd’hui bien plus besoin d’investissement que de fonctionnement.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Loin de moi l’idée de faire une leçon de morale. Il y a de très bons gestionnaires et seuls les électeurs décident.

Il s’agit en réalité de savoir si, dans le cadre d’un processus de simplification, il convient de « prendre le risque » de flécher un dispositif de cette nature vers des dépenses de fonctionnement.

Du fond du cœur, je pense qu’il faut inciter à l’investissement, surtout en ce qui concerne de nouvelles zones urbanisées. Dès lors, il faut éviter de se disperser vers des dépenses de fonctionnement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 149, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 39

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les surfaces des locaux à usage d'habitation principale qui relèvent d'une opération d'accession sociale à la propriété visée au huitième alinéa de l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ;

II. - Alinéas 57 à 60

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 331-12. - I. - Un abattement de 60 % est appliqué sur ces valeurs pour :

« 1° Les locaux d'habitation et d'hébergement ainsi que leurs annexes mentionnés aux articles 278 sexies et 296 ter du code général des impôts ainsi que, en Guyane et à Mayotte, les mêmes locaux mentionnés aux mêmes articles ;

« 2° Les locaux à usage d'habitation principale qui relèvent d'une opération d'accession sociale à la propriété visée au huitième alinéa de l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ;

« II - Un abattement de 50 % est appliqué sur ces valeurs pour :

« 1° Les cent premiers mètres carrés des locaux d'habitation et leurs annexes à usage d'habitation principale situés dans une zone U d'un plan local d'urbanisme ou d'un plan d'occupation des sols ou dans un immeuble collectif ou dans un lotissement soumis à permis d'aménager, cet abattement ne pouvant être cumulé avec l'abattement visé au I ;

« 2° Les locaux à usage industriel ou artisanal et leurs annexes, les entrepôts et hangars non ouverts au public faisant l'objet d'une exploitation commerciale et les parcs de stationnement couverts faisant l'objet d'une exploitation commerciale.

III. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

IV. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. L’article 14 prévoit une exonération de plein droit des logements les plus sociaux financés par des prêts locatifs aidés d’intégration, des PLAI, et seulement une exonération facultative pour les autres logements locatifs sociaux, sur délibération des collectivités locales.

À défaut de mise en œuvre de cette exonération facultative, il est prévu un abattement de 50 % sur l’assiette taxable.

Ce système est moins avantageux que le régime actuel de la taxe locale d’équipement, qui prévoit, pour l’ensemble des logements, une exonération facultative et, à défaut, une base d’imposition inférieure de plus de 60 % à celle de droit commun.

Le nouveau dispositif qui nous est proposé conduira, en l’absence de délibération expresse des collectivités locales, à taxer les logements sociaux au même tarif que les autres.

L’amendement n° 149 tend à corriger cette situation, afin de tenir compte des fortes contraintes de coût pesant sur les logements sociaux et d’instaurer un régime différencié selon les catégories de ces derniers.

Par ailleurs, il vise à écarter le critère du prêt à taux zéro, qui ne permet plus aujourd’hui de différencier l’action sociale à la propriété de l’action classique, dès lors que le nouveau prêt à taux zéro peut être accordé sans conditions de ressources. Et c’est le reproche essentiel que nous lui faisons, vous le savez.

Parallèlement, nous proposons, pour l’accession sociale ainsi définie plus strictement, une exonération facultative, totale ou partielle, sur délibération des collectivités locales et, à défaut, un abattement de 60 % sur l’assiette taxable, afin de ne pas perdre l’avantage existant.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 55

1° Première phrase

Remplacer le montant :

600 euros

par le montant :

680 euros

2° Seconde phrase 

Supprimer cette phrase. 

II. - En conséquence :

A. Alinéa 56 

1° Rédiger ainsi le début de la première phrase de cet alinéa :

« Cette valeur, fixée au 1er janvier 2011, est révisée …

2° Rédiger ainsi le début de la deuxième phrase de cet alinéa :

Elle est arrondie ...

B. Alinéa 57

Remplacer les mots :

ces valeurs

par les mots :

cette valeur

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à supprimer la dissociation faite par le Gouvernement entre l’Île-de-France et le reste du territoire.

Nous souhaitons aligner la valeur forfaitaire de droit commun sur celle qui est proposée pour l’Île-de-France, soit 680 euros.

Nous sommes quelque peu inquiets de certaines conséquences de la réforme sur les recettes des collectivités locales, qu’il s’agisse des communes, des EPCI ou des départements. Nous pensons que, dans certains cas, il y aura des pertes de base, en particulier pour ce qui concerne la taxation des logements, des bureaux et des commerces.

Il n’est pas possible d’effectuer une simulation par collectivité. Il faut donc être prudent.

Afin que la réforme soit bien perçue, monsieur le secrétaire d’État, il convient d’établir le plafond à un niveau suffisamment élevé, pour que, en choisissant le taux de la taxe d’aménagement, la collectivité puisse obtenir un produit équivalent à celui qu’elle aurait eu sous le régime précédent. Cet amendement concourt donc à ce résultat.

Mme la présidente. L'amendement n° 240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 55

1° Première phrase

Remplacer le nombre :

600

par le nombre :

620

2° Seconde phrase

Remplacer le nombre :

680

par le nombre :

700

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Cet amendement, qui s’inscrit dans la logique exposée par le rapporteur général, va cependant un peu moins loin, puisque la hausse proposée correspond à la prise en compte de la dernière réévaluation de l’indice du coût de la construction opérée ce mois-ci, alors que les simulations ont été effectuées sur la base de l’indice du mois de décembre 2009.

L’amendement adopté par l’Assemblée nationale avec l’accord du Gouvernement, alignant la taxation des résidences principales construites sur la base forfaitaire diminuée de moitié, comme pour les autres résidences principales, a ramené la base imposable par mètre carré de 600 à 300 euros. Il en résulte donc une légère perte de recettes, plus accentuée en province, pour les collectivités.

L’amendement n° 240 permettrait donc d’aller dans la direction indiquée, tout en maintenant un dispositif compatible avec l’objectif du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 149 et 240 ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 149 a pour objet d’augmenter les exonérations et les abattements en faveur du logement social.

L’abattement automatique de droit commun de 50 % serait porté à 60 %. Quant aux opérations d’accession sociale à la propriété, elles seraient totalement exonérées pour la part communale.

Par ailleurs, et c’est peut-être involontaire, aux termes de cet amendement, l’exonération automatique de 50 % des cent premiers mètres carrés de locaux d’habitation non sociaux ne s’applique qu’aux logements situés dans une zone U d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols, ou dans un immeuble collectif, ou encore dans un lotissement soumis à permis d’aménager.

Cette restriction figurant dans le texte initial du Gouvernement avait été supprimée par l’Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des finances.

Cet amendement rétablirait la niche actuelle en faveur du logement social et permettrait à tous les logements sociaux de bénéficier d’un abattement automatique de 60 %.

Pour mémoire, actuellement, le logement social est taxé sur une valeur forfaitaire de 257 euros par mètre carré, contre 702 euros selon le droit commun, ce qui correspond, de fait, à un abattement de 63 %. Nous nous rapprocherions donc du statu quo.

Néanmoins, selon nos calculs, la mesure que comporte cet amendement coûterait environ 15 millions d’euros.

Certes, ainsi que l’objet de l’amendement le souligne, le Gouvernement envisageait au premier semestre de cette année de fixer le taux de l’abattement automatique à 60 %, mais, depuis lors, une évolution est intervenue.

En effet, l’article 14 prévoit que les logements les plus sociaux, c’est-à-dire ceux qui sont financés par un PLAI, sont totalement exonérés ; or une telle exonération n’était pas prévue dans les études initiales du Gouvernement. C’est ce qui justifie que les collectivités territoriales ne perdent pas de ressources par rapport à la situation initialement envisagée.

Par ailleurs, l’exonération totale et automatique pour la part communale quant aux opérations d’accession sociale à la propriété ne nous semble pas bien ciblée. Ces dernières profitent en effet aux personnes dont les revenus peuvent être supérieurs jusqu’à 11 % à ceux qui permettent l’accès aux HLM ; autrement dit, il ne s’agit pas des personnes les plus défavorisées.

L’article 14 prévoit déjà que les collectivités territoriales peuvent, si elles le souhaitent, exonérer totalement ou partiellement les logements sociaux. Nous ne voyons donc pas pourquoi il faudrait transformer cette faculté en obligation.

Au terme de cette analyse, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 149.

S’agissant de l’amendement n° 240, il ne me satisfait pas. Monsieur le secrétaire d’État, vos propositions représentent une revalorisation respectivement de 3,3 % et 2,9 % pour la province et pour Paris, ce qui n’est pas à la hauteur des enjeux.

En effet, même si l’on ne peut pas disposer de calculs précis relativement à une part commune ou indiquer de quelles communes il s’agit, on peut néanmoins affirmer que de nombreuses collectivités verraient leurs bases réduites d’environ 10 % si l’article 14 était appliqué dans sa rédaction actuelle.

Les bases des opérations relatives aux bureaux et commerces seraient réduites de plus de 10 %, celles des logements non sociaux de moins de 80 mètres carrés de SHON, ou surface hors œuvre nette, seraient diminuées de 5,5 %, voire de près de 9 % dans le cas de certains logements dont la superficie est comprise entre 80 mètres carrés et 87 mètres carrés de SHON.

Certes, une telle réduction serait souvent atténuée ou compensée par la taxation des garages et des parkings, mais ce rééquilibrage ne se ferait pas nécessairement partout. En l’occurrence, les communes dans lesquelles la part de ces opérations est importante verraient leurs bases diminuer d’un montant significatif qui pourrait être proche de 10 %.

L’amendement de la commission des finances, qui tend à fixer la valeur forfaitaire à 680 euros par mètre carré pour l’Île-de-France et la province, me semble meilleur.

Il vise d’une part, à mettre ces régions à égalité, et, d’autre part, à augmenter l’assiette de la province de 13 %, ce qui permet de s’assurer – du moins très probablement – qu’il n’y aura plus de communes perdantes. L’augmentation de la taxation au mètre carré en résultant serait de moins de quatre euros, monsieur le secrétaire d’État ; difficile de prétendre que ce ne serait pas économiquement supportable !

Il faut bien comprendre ce dont on parle. Les sommes de 600 euros ou de 680 euros par mètre carré correspondent non pas à une tarification au mètre carré, mais seulement à des valeurs forfaitaires auxquelles on applique ensuite le taux d’imposition de la collectivité.

Communes et départements pourront pratiquer un taux maximal fixé à respectivement 5 % et 2,5 % pour Paris et pour la province, soit un taux maximal global de 7,5 %. Si l’on suppose que le taux global pratiqué est de 5 %, la taxation effective au mètre carré sera de 30 euros pour une valeur forfaitaire de 600 euros au mètre carré.

L’amendement de la commission des finances tend à augmenter ce montant de 13 %, ce qui correspond à une augmentation de la taxation au mètre carré de moins de quatre euros. Ceci est vraiment dans l’épaisseur du trait et n’aura pas d’impact économique significatif.

Monsieur le secrétaire d’État, si vous tenez absolument à maintenir deux niveaux, l’un pour l’Île-de-France et l’autre pour la province, par souci de conciliation, nous pourrions faire un pas en votre faveur, à condition que vous consentiez à relever les valeurs forfaitaires. Pour ce qui concerne la province, il faudrait passer de 600 euros à 660 euros et s’agissant de l’Île-de-France, de 680 euros à 748 euros, soit une hausse de 10 % pour l’une et l’autre valeur.

Si vous acceptiez de rectifier votre amendement en ce sens, la commission pourrait s’y rallier, ce qui permettrait de conserver le pied de pilote nous assurant que personne ne sera perdant. Puisqu’on nous dit que cette réforme est pensée de manière à n’être défavorable à personne, autant se donner les moyens de répondre à cet objectif !

Monsieur le secrétaire d’État, si vous étiez convaincu par l’argumentaire que je viens de développer et que vous acceptiez les chiffres que je propose, la commission – je parle sous le contrôle de son président (M. le rapporteur général se tourne vers M. le président de la commission des finances, qui acquiesce.) – pourrait se rallier à l’amendement ainsi rectifié et retirer son propre amendement. Dans le cas contraire, elle maintiendrait ce dernier.

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d'État, veuillez nous donner l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 149 et 5 et nous dire ce que vous pensez de la suggestion de M. le rapporteur général.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. S’agissant de l’amendement n° 149, ses auteurs proposent, ainsi que l’a souligné M. le rapporteur général, outre les logements financés grâce à un PLAI, d’exonérer totalement les opérations d’accession sociale à la propriété qui profitent à des personnes dont les revenus sont inférieurs à certains plafonds. Pour les autres logements sociaux, l’abattement serait porté à 60 % au lieu de 50 %.

Je rappellerai brièvement que, pour le logement social, le projet de loi de finances rectificative comporte un système à trois étages : l’exonération est intégrale pour les logements les plus sociaux, c’est-à-dire ceux dont le financement est assuré par un PLAI, soit environ 20 % de l’ensemble des logements HLM ; un abattement de 50 % est prévu pour tous les autres logements sociaux sur l’intégralité des surfaces ; enfin, chaque collectivité territoriale peut accorder des exonérations supplémentaires pouvant également aller jusqu’à l’exonération totale.

Dans ces conditions, madame Bricq, l’exonération totale supplémentaire que vous proposez introduirait dans le dispositif une complexité excessive par rapport au schéma que je viens de décrire, qui est finalement assez simple. Surtout, elle ne profiterait pas aux plus modestes, nous semble-t-il, alors que c’est l’objectif que nous poursuivons dans le dispositif tel que nous l’avons proposé et tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, nous avons décidé de privilégier la construction de logements pour les plus défavorisés en les exonérant totalement et en accordant, en contrepartie, un avantage plus réduit que celui qui était envisagé initialement pour les autres logements sociaux.

Aux termes du projet de loi de finances rectificative, dans sa rédaction actuelle, les collectivités ont la possibilité – il faut tout de même le rappeler – de réduire la taxation des logements sociaux. Or votre proposition conduirait en fait à diminuer d’autorité les recettes des collectivités territoriales, alors que le projet de réforme des taxes d’urbanisme privilégie au contraire la liberté de décision ; je l’ai d’ailleurs rappelé voilà quelques instants.

J’observerai enfin que l’amendement vise le même type de logements à la fois pour les exonérations totales et pour les abattements de 60 %.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, à l’instar de la commission, émet un avis défavorable sur l’amendement n° 149.

Je répondrai par ordre chronologique aux propositions de M. le rapporteur général.

L’amendement n° 5 de la commission des finances a pour objet d’aligner la valeur forfaitaire par mètre carré, qui sert de base à la taxe d’aménagement, proposée pour la province – 600 euros dans le dispositif initial – sur celle qui est proposée pour l’Île-de-France – 680 euros.

Monsieur le rapporteur général, concernant précisément cette proposition, le Gouvernement aurait émis un avis défavorable, compte tenu des simulations qui ont été effectuées, dans la mesure où l’application de cette mesure conduirait à une hausse importante de la pression fiscale pesant sur la construction en province.

Par ailleurs, le coût des équipements publics est plus élevé en région d’Île-de-France que dans le reste du pays, ce qui se vérifie pour la valeur des terrains comme pour le coût de la main-d’œuvre.

C’est pourquoi le Gouvernement proposait, par le biais de l’amendement que j’ai défendu voilà quelques minutes, une légère hausse des valeurs forfaitaires, pour tenir compte à la fois de la dernière évaluation de l’indice du coût de la construction – l’indice le plus récent, soit celui de ce mois-ci, c’est-à-dire plus 1,27 % – et de l’amendement que j’évoquais tout à l’heure, qui a été adopté par l’Assemblée nationale avec l’accord du Gouvernement et qui avait pour objet d’aligner la taxation des résidences principales construites en individuel sur la base forfaitaire diminuée de moitié, ramenant ainsi leur base de 600 euros à 300 euros.

Le Gouvernement a proposé au Sénat un dispositif un peu différent, à partir duquel le rapporteur général a lui-même formulé une autre proposition.

Je souhaite faire deux remarques préalables.

Premièrement, il résulte des différentes simulations effectuées sur 100 départements et 20 000 communes que les ressources des collectivités seraient en général maintenues si la hausse proposée par le Gouvernement était retenue.

Deuxièmement, ces simulations montrent, sans surprise, que c’est en Île-de-France que les chiffres sont les plus serrés, que ce soit avec le dispositif modifié ou avec le dispositif antérieur.

Cela dit, monsieur le rapporteur général, vous avez tenu compte des arguments développés et avez proposé une solution intermédiaire consistant à retenir les valeurs de 660 euros et 748 euros.

Il conviendrait donc que nous trouvions un compromis en faisant chacun un pas vers l’autre. Vous l’avez fait, et je le ferai volontiers : sur votre dernière proposition, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.