compte rendu intégral

Présidence de M. Guy Fischer

vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord, en ce début d’année, à vous présenter, ainsi qu’au personnel du Sénat, tous mes vœux, persuadé que nos travaux seront empreints, cette année encore, du respect mutuel auquel je suis très attaché.

1

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du mercredi 22 décembre 2010 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d'anciens sénateurs

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle le décès de nos anciens collègues Jean Chamant, qui fut sénateur de l’Yonne de 1977 à 1995 et vice-président du Sénat de 1989 à 1995, et René Martin, qui fut sénateur des Yvelines de 1982 à 1986.

3

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 décembre 2010 d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante sénateurs de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

4

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 28 décembre 2010, les textes de deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 2011 et de la loi de finances rectificative pour 2010.

Acte est donné de ces communications.

5

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

6

Demande d'avis sur des projets de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat, par lettres en date du 31 décembre 2010 et du 5 janvier 2011, de lui faire connaître l’avis des commissions du Sénat compétentes en matière de santé publique et en matière d’activités financières sur les projets :

- de nomination par M. le Président de la République de M. Jean-Luc Harousseau à la présidence de la Haute Autorité de santé ;

- et de reconduction de M. François Drouin à la présidence du conseil d’administration de l’établissement public OSEO.

Ces demandes d’avis ont été respectivement transmises à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.

Acte est donné de cette communication.

7

Dépôt de rapports

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, établi en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;

- le rapport sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux pour les années 2007 à 2009, établi en application des articles L. 2131-7, L. 3132-2 et L. 4142-2 du code général des collectivités territoriales ;

- le rapport 2009 retraçant l’évolution des missions de surveillance et de financement du cantonnement exercées par l’Établissement public de financement et de restructuration, établi en application de l’article 4 du décret n° 95-1316 du 22 décembre 1995 ;

- le rapport sur la mise en œuvre des mécanismes de conditionnalité des allégements et exonérations de cotisations sociales instaurés par les articles 26 et 27 de la loi n°2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, établi en application de l’article 27 de ladite loi.

Le premier a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, le deuxième à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le troisième à la commission des finances et le dernier à la commission des finances et à la commission des affaires sociales.

Il a également reçu de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, le rapport 2009 du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières.

Ce document a été transmis à la commission des finances.

Acte est donné du dépôt de ces rapports. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

8

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat :

- le 3 janvier 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel trois décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-108, 2010-109 et 2010-110 QPC) ;

- le 5 janvier 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-111 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

9

Retrait d'une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question n° 1122 de Mme Claire-Lise Campion est retirée de l’ordre du jour de la séance de ce jour, à la demande de son auteur.

10

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

statut des produits provenant des colonies israéliennes dans les territoires occupés palestiniens

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, auteur de la question n° 1129, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le secrétaire d'État, en exergue à ma question et pour mémoire, je rappelle que la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, qu’elle est signataire de la quatrième convention de Genève relative aux règles d’occupation militaire d’un territoire étranger et qu’elle est partie à l’accord de partenariat entre l’Union européenne et l’État d’Israël. Elle doit donc promouvoir le respect de tous ces instruments internationaux dans sa réglementation commerciale entre autres.

À ce titre, la France doit exclure la production des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée des exemptions de droits de douane accordées actuellement aux produits israéliens.

Alors que l’extension des colonies provoque chaque jour exactions, spoliations, blessures et mort de civils palestiniens, la France ne peut pas continuer à ignorer le détournement des accords dont elle est partie en faveur de cette politique.

Agir ainsi, c’est apporter un appui concret à une politique de colonisation que l’on dénonce verbalement et contribuer à priver de tous les éléments de viabilité territoriale et économique le futur État palestinien, dont la France et l’Union européenne financent les institutions. En somme, cela revient à détruire d’une main ce que l’on prétend construire de l’autre.

Dans ce contexte, le statut réservé aux produits provenant des colonies israéliennes dans les territoires occupés palestiniens revêt un caractère déterminant. Je souhaiterais que vous me répondiez au nom du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, sur les deux points suivants.

Le 25 février 2010, la Cour de justice de l’Union européenne a statué que les produits en provenance des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés ne peuvent pas bénéficier du traitement préférentiel accordé aux produits israéliens en vertu de l’accord d’association Union européenne-Israël. Qu’entend faire le Gouvernement pour que les produits agricoles et industriels en provenance de ces colonies cessent, en vertu de cet accord, de bénéficier de l’exonération de droits de douane ?

En outre, ces produits, qui sont issus de l’agriculture et de l’industrie des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens, sont commercialisés en infraction à la quatrième convention de Genève. Une réelle traçabilité géographique des produits commercialisés constituerait un rappel fort et sans ambiguïté de la France à l’État d’Israël sur cet état de fait.

Je souhaiterais que l’étiquetage des produits en provenance d’Israël et des territoires palestiniens spécifie la provenance de ceux-ci : Israël, colonies israéliennes, territoires palestiniens. Ainsi, le consommateur pourrait connaître l’origine exacte des biens concernés et accéder à l’information qui lui est due.

Entendez-vous, monsieur le secrétaire d'État, donner des instructions pour mettre en place un étiquetage sans ambiguïté et lisible ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le président, à l’occasion de cette nouvelle année, d’adresser à mon tour des vœux de pleine réussite à la Haute Assemblée. Je souhaite que la collaboration entre le Parlement et le Gouvernement soit fructueuse pour que cette année soit, pour les Français et pour notre pays, une année de sortie de crise réussie !

Madame la sénatrice, vous avez soulevé une question qui préoccupe tout le monde.

Je ne rappellerai pas l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, car vous l’avez évoqué, pas plus que je ne rappellerai l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu à propos de l’affaire Brita, que vous avez cité.

Il est parfaitement vrai, madame la sénatrice, que les produits originaires des territoires palestiniens ne peuvent pas bénéficier du régime tarifaire préférentiel instauré par l’accord entre l’Union européenne et Israël.

J’ajoute que, dans un avis aux importateurs publié au Journal officiel de l’Union européenne du 25 janvier 2005 énonçant des principes clairs d’indication du lieu de production, l’Union européenne a fait connaître sa position, qui consiste à refuser le régime préférentiel défini par l’accord Union européenne-Israël aux produits originaires des territoires palestiniens qui sont exportés par Israël dans l’Union européenne. Cette position est claire et sans ambiguïté.

Sur ces bases, les services douaniers français, comme les autres services douaniers européens, procèdent à des contrôles réguliers des certificats d’origine, en rejetant les certificats non conformes ou en signalant une origine hors du territoire israélien. Les importations dans l’Union européenne de produits originaires des implantations israéliennes situées dans les territoires palestiniens ne peuvent donc pas bénéficier des avantages tarifaires nés de l’accord Union européenne-Israël.

Vous avez ensuite soulevé, madame la sénatrice, la question de la traçabilité, une question évidemment essentielle à laquelle le Gouvernement attache une importance particulière. Moi-même, je prendrai des initiatives quant à l’appellation made in France, à la marque France et à l’appellation d’origine des produits en France, trois appellations qui concourent à assurer la traçabilité des produits. Toutefois, l’une des difficultés rencontrées, que l’on retrouve également dans le cas que vous avez évoqué, tient au fait que, au sein de l’Union européenne, le marquage de l’origine n’est pas obligatoire, la Cour de justice de l’Union européenne ayant indiqué à diverses reprises qu’une réglementation nationale rendant obligatoire le marquage de l’origine serait de nature à constituer une entrave aux échanges.

Pour cette raison, la France a dû supprimer l’obligation de mentionner l’origine dans le décret n° 86-985 du 21 août 1986 relatif à l’étiquetage des textiles.

De même, la Commission européenne a rejeté la demande de l’Irlande visant à réglementer à l’échelon national la mention du pays d’origine sur l’étiquetage des viandes de volaille, de porc et d’ovins dans la décision 2009/291/CE du 20 mars 2009.

En revanche, rien n’empêche les professionnels de fournir de façon volontaire des renseignements sur l’origine de leurs produits, en l’occurrence sur leur origine française.

Pour répondre à la question précise que vous m’avez posée, on ne peut que faire confiance à nos douaniers pour l’application d’une réglementation qui est aujourd’hui très claire à tous les niveaux de la chaîne, ce dont, visiblement, vous sembliez douter.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le secrétaire d’État, on peut toujours répondre que tout va pour le mieux et que rien ne pose problème !

Nous savons qu’un grand nombre des médicaments génériques que nous consommons en France sont produits dans des colonies israéliennes proches de Jérusalem, mais rien ne nous indique la provenance exacte.

Nous estimons, par conséquent, qu’il ne faut pas se voiler la face ! N’agissons pas comme nous l’avons fait pour le régime du président Ben Ali ! Il ne faut pas s’étonner des explosions de colère de la population à la suite des graves injustices qu’elle subit quand, pendant des années et des années, on a tout fait pour que ces injustices perdurent !

Une troisième Intifada n’aura peut-être pas lieu dans les territoires occupés ; mais, à l’instar de ce qui se passe actuellement en Tunisie contre le régime dictatorial du président Ben Ali, des soulèvements sporadiques se produiront, car le régime imposé aux Palestiniens par l’armée israélienne est du même ordre.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame Cerisier-ben Guiga, je ne vous suivrai pas sur ce terrain, car la comparaison est un peu osée !

Vous m’avez posé une question claire : les produits en provenance des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens bénéficient-ils, sur le plan tarifaire, des conditions avantageuses accordées aux produits israéliens en vertu de l’accord d’association Union européenne-Israël ? Ma réponse, qui sera également très claire, est non !

Quant au sujet que vous avez évoqué dans votre réponse, il est d’une autre nature et ne relève absolument pas de la question posée aujourd’hui.

transposition du « troisième paquet Télécom »

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 1103, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Parlement et le Conseil européen ont, le 25 novembre 2009, adopté des dispositions relatives aux communications électroniques. Ces dispositions regroupées sous l’appellation « troisième paquet Télécom » sont constituées de trois textes.

D’abord, une directive intitulée « Mieux légiférer », qui modifie les directives « Cadre », « Accès » et « Autorisation » ; ensuite une directive intitulée « Droits des citoyens », qui révise les directives « Vie privée » et « Service universel » ; enfin, un règlement relatif à l’organe des régulateurs européens des communications électroniques.

Ce dispositif législatif doit être transposé en droit interne d’ici au 25 mai 2011.

Lors du conseil des ministres du 15 septembre 2010, le Gouvernement a décidé de présenter un projet de loi « portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques ».

Ce texte, qui a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale et qui sera examiné en procédure accélérée, contient donc onze articles portant sur des sujets très divers visant à transposer en droit interne des directives par voie d’ordonnance. Il s’agit d’une loi d’habilitation.

Dans ce projet, un seul article est consacré aux communications électroniques. Il autorise le Gouvernement à transposer la directive 2009/140/CE « Mieux légiférer », à transposer la directive 2006/136/CE « Droits des citoyens », à prendre des mesures « nécessaires à l’accroissement de l’efficacité de la gestion des fréquences radioélectriques », à prendre des mesures nécessaires à la lutte contre certaines infractions et à procéder à des corrections et clarifications dans le code des postes et des communications électroniques… Rien que cela pour un seul article de loi !

Pourtant, en raison de la place des télécommunications dans la vie quotidienne, la transposition en droit français du troisième « Paquet Télécom » me paraît relever de la procédure législative normale, à savoir l’article 34 et non l’article 38 de la Constitution.

En conséquence, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas jugé bon de présenter un projet de loi spécifique sur un sujet aussi important ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Teston, le Gouvernement a souhaité en effet être habilité à transposer par ordonnance les directives dites du troisième « paquet Télécom ».

Vous avez détaillé, et je vous en remercie, le contour de cette demande d’habilitation par le biais d’un projet de loi en cours d’examen « portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne », comportant un article d’habilitation. C’est la procédure classique.

Le Gouvernement a préféré procéder à la transposition par voie d’ordonnance plutôt que par voie parlementaire, comme vous l’y invitiez à l’instant, et ce pour deux raisons principales.

D’abord, l’obligation de respecter l’échéance de transposition nous laisse un délai très bref – jusqu’au 25 mai 2011 – et expose notre pays à des sanctions significatives, en particulier financières, en cas de retard dans la transposition au-delà de cette date.

Ensuite, ce « paquet Télécom » s’inscrit dans la continuité du précédent. Les règles et principes majeurs applicables au secteur des communications électroniques, adoptés dans les directives de 2002 et transposés par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques, restent valides et n’appellent pas de changement particulier. Il ne s’agit donc que d’ajustements.

Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité agir par voie d’ordonnance.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Selon M. le secrétaire d’État, la transposition en droit interne du troisième « Paquet Télécom » par le biais d’un projet de loi comportant un article d’habilitation et faisant l’objet de la procédure accélérée est justifiée non seulement par l’urgence, mais aussi par le fait que ce troisième « paquet Télécom » s’inscrit dans la continuité des deux précédents qui ont été examinés par le Parlement et transcrits en droit interne.

Je ne conteste pas la nécessité de transposer avant le 25 mai 2011 les deux directives que j’ai citées et qui le prévoient d’ailleurs expressément.

Mais il convient de rappeler que ce troisième « paquet Télécom » a été adopté par le Parlement et le Conseil européen le 25 novembre 2009. Par conséquent, si le gouvernement français n’avait pas attendu le 15 septembre 2010, il aurait été possible d’engager la transposition selon la procédure législative normale. Ce ne sera pas le cas et je le déplore !

frais et mobilité bancaires des consommateurs

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 1095, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Daniel Reiner. J’attire l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la question – il est vrai récurrente, hélas ! – des frais et de la mobilité bancaires des consommateurs.

Dans mon département de Meurthe-et-Moselle, l’association de consommateurs de Nancy et des environs vient de rendre publique une enquête sur les frais et la mobilité bancaires. Les résultats démontrent à l’évidence que les établissements bancaires ne jouent pas le jeu de la concurrence, les clients qui souhaitent changer de banque rencontrant de nombreux obstacles !

Cette association a sollicité douze agences de Meurthe-et-Moselle pour vérifier le prix des services et tester l’effectivité du service d’aide à la mobilité bancaire mis en place au 1er novembre 2009. Croyez-moi, ce n’est pas simple, et l’on se perd aisément dans la lecture du fascicule regroupant l’ensemble des tarifs bancaires de ces dernières années !

L’évolution des prix entre 2004 et 2010 de trois produits considérés par les consommateurs comme stratégiques – la carte bleue classique, la commission d’intervention par incident et le retrait au distributeur – met en évidence une hausse pouvant aller jusqu’à 18,6 % en six ans pour certaines banques, hausse donc très supérieure à l’inflation constatée sur cette période, soit 8 %.

De plus, malgré l’engagement pris par les banques, le changement d’établissement s’avère particulièrement difficile pour les consommateurs. D’après l’enquête locale, 90 % des conseillers financiers n’en parlent pas spontanément à un client venant les solliciter pour changer de banque. Dans 50 % des établissements, le client doit effectuer lui-même toutes les démarches, et dans 30 % le travail est partagé avec la banque.

Quant au délai nécessaire avant activation du compte, le consommateur de Meurthe-et-Moselle ou de la Meuse doit attendre plus d’un mois dans 43 % des cas, alors que les banques s’étaient engagées à un délai de cinq jours ouvrés au plus.

Au vu de l’échec de l’autorégulation, je souhaite savoir dans quelle mesure le Gouvernement envisage une réforme d’ampleur du secteur bancaire qui soit susceptible de dynamiser la concurrence, en particulier d’assurer une véritable mobilité bancaire pour les consommateurs.

Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Daniel Reiner, vous avez parfaitement raison ; je ne peux pas vous dire mieux !

Mon portefeuille ministériel comprend la consommation, et chacun sait que la défense des consommateurs est l’une de mes préoccupations.

Le Gouvernement est particulièrement attentif aux difficultés rencontrées par les clients et bien décidé à agir.

Dès 2008, Christine Lagarde a demandé au Comité consultatif du secteur financier, le CCSF, d’examiner les meilleures pratiques européennes en matière d’aide à la mobilité bancaire. À la suite de ces travaux, les banques se sont engagées en mai 2008 à mettre en place dès 2009 un service d’aide à la mobilité.

Concrètement, lorsqu’un client veut changer de banque, c’est la banque d’accueil qui doit lui assurer ce service : elle doit fournir au client une information complète sur le processus de transfert le plus rapidement possible et dans un délai maximum de soixante-douze heures suivant sa demande ; elle doit contacter la banque de départ pour assurer le transfert des prélèvements et des virements périodiques ; elle doit aider son client à vérifier attentivement qu’il n’y a pas d’opération en circulation. Par ailleurs, je rappelle que les banques ne facturent plus les clôtures de compte.

Christine Lagarde a souhaité qu’une évaluation régulière de ce dispositif soit conduite. Le CCSF s’est donc réuni le 4 novembre 2010, afin de faire le bilan de la mise en œuvre de ces engagements après un an de fonctionnement. Les conclusions du CCSF sont plus que mitigées.

D’un côté, selon les représentants de la profession bancaire, des outils internes ont été mis en place en application de leurs engagements et, de l’autre, les associations de consommateurs considèrent que ces engagements n’ont pas été respectés et que des efforts très significatifs restent à accomplir.

Dans ces conditions, nous demandons nous-mêmes des améliorations sur un certain nombre de points, notamment sur l’existence et la nature du service offert dès le guichet ou en très peu de clics sur les sites Internet, sur le renforcement de la prise en charge par la banque d’accueil de l’ensemble des opérations prévues, auquel les banques s’étaient engagées, et sur la formation des personnels, dont l’insuffisance explique en partie que les résultats, malgré la volonté des établissements d’améliorer leurs pratiques, n’aient pas été au rendez-vous.

En conséquence, Christine Lagarde a demandé que soit conduit un véritable audit du respect des engagements pris par les banques en matière de mobilité. Elle fera ainsi usage, pour la première fois, de la compétence qui lui a été donnée par la loi de régulation bancaire et financière adoptée en octobre dernier, en matière de contrôle du respect de leurs engagements par les banques. C’est l’Autorité de contrôle prudentiel, chargée de la surveillance du secteur bancaire, qui conduira cet audit. Elle rendra son rapport à Christine Lagarde, ainsi qu’au CCSF lui-même, en juillet 2011. Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement n’a pas perdu de temps ! Nous sommes donc parfaitement en phase avec vos propres positions, monsieur le sénateur.

En fonction de cet audit, Christine Lagarde décidera la mise en place d’un certain nombre de dispositions, qui s’imposeront à tous.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de votre engagement, qui ne constitue toutefois qu’un engagement supplémentaire. En effet, en la circonstance, communication n’est pas action ! Sur ce sujet, le Gouvernement communique depuis un certain nombre d’années. Or la preuve est désormais faite que la communication ne suffit pas, puisque les faits ne suivent pas !

Je transmettrai votre réponse à l’organisme de défense des consommateurs qui m’a saisi de cette question. Je reste toutefois sceptique en ce domaine, le Gouvernement ayant tenu exactement le même discours voilà un an.

Depuis la publication d’une enquête européenne menée voilà deux ou trois ans, chacun sait que les banques françaises occupent les toutes dernières places en matière de frais bancaire, de services et de relations avec les consommateurs. Sur le terrain, elles ne progressent malheureusement pas, bien qu’elles passent leur temps à s’engager et à mettre en avant leur bonne volonté. Une telle situation, qui coûte cher aux consommateurs, est agaçante !

Les associations de défense des consommateurs souhaitent donc que le Gouvernement cesse de demander aux banques des engagements – on sait qu’elles ne les tiennent pas – et mette en œuvre une véritable réforme. Il faut désormais passer à l’acte et prendre les décisions que les banques ne sont pas capables de s’imposer à elles-mêmes.