transformation d'un contrat de travail à temps plein en stage

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1109, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur le droit du travail. En effet, plusieurs cas m’ayant été signalés, je m’interroge sur la légalité des pratiques qui consistent à transformer un emploi précédemment exercé par un salarié à temps plein, en CDD ou en CDI, en une mission de stage.

Dans le cadre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, des dispositions ont été prévues afin d’encadrer l’usage des stages et protéger les étudiants. Nous avions en effet tous constaté qu’il était fréquent que des stagiaires qualifiés, souvent titulaires de diplômes sanctionnant trois, quatre ou cinq années d’études après le baccalauréat, soient utilisés comme une main-d’œuvre gratuite, bien que consentante, au détriment de la création de postes permanents dans l’entreprise. Les stagiaires s’y succédaient, en remplacement d’un emploi à temps plein. Dans certaines entreprises, ils constituaient même des équipes complètes !

Cependant, malgré l’obligation aujourd'hui légale de rémunérer les stages de plus de deux mois, certaines entreprises proposent des stages de longue durée, certes soumis à une gratification minimale, mais venant remplacer des emplois précédemment occupés à plein-temps par des salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée.

Je souhaite savoir si des dispositions du code du travail prohibent de telles pratiques, quels sont les recours dont dispose l’ancien salarié lorsqu’il découvre que son poste de travail non renouvelé est dorénavant proposé en stage de longue durée, si corrélativement le stagiaire qui le remplace peut demander la requalification de son stage en CDD et, enfin, si l’entreprise peut être sanctionnée pour de tels procédés.

Au-delà de ces questions précises de droit du travail, j’aimerais savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour empêcher ces pratiques, qui vont à l’encontre de l’emploi en général et celui des jeunes en particulier et qui sont malheureusement de plus en plus fréquentes, surtout par le biais d’internet.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame Procaccia, la pratique des stages en entreprise a donné lieu à des abus manifestes, notamment s’agissant de jeunes en entreprise.

La nécessité de fixer un cadre clair assurant l’insertion du stage dans le cursus de formation suivi par le jeune, protégeant ses droits et évitant les abus, a été affirmée explicitement par l’article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, et son décret d’application du 29 août 2006.

L’article 6 de ce décret énonce qu’aucune convention de stage ne peut être conclue pour remplacer un salarié absent ou licencié. De même, le stage ne peut servir à exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent ni être utilisé pour répondre à un accroissement d’activité ou pour exécuter un emploi saisonnier.

Le cas évoqué de transformation en stage d’un emploi précédemment occupé par un salarié à temps plein paraît ainsi relever de cette interdiction.

L’ancien salarié établissant le recours abusif au stage pourra faire juger que la rupture de son contrat de travail ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et, à ce titre, demander au juge une indemnité en complément, le cas échéant, des indemnités déjà perçues.

De son côté, le stagiaire, établissant le recours abusif au stage, pourra demander au juge la requalification de son activité en contrat de travail, à durée déterminée ou indéterminée, assortie de la rémunération correspondant à l’emploi occupé, telle que résultant des dispositions légales et conventionnelles applicables.

Cette requalification pourra entraîner, du fait du recours abusif au statut de stagiaire, le constat, par un agent d’un corps de contrôle habilité, d’une situation de travail dissimulé, constat pouvant donner lieu à l’application de sanctions civiles et pénales par le juge.

Plus généralement, le dispositif d’encadrement du recours au stage met à la charge des entreprises certaines obligations visant à faciliter le contrôle des abus éventuels, comme la tenue à jour de la liste des conventions de stage conclues.

Si les signalements d’abus demeurent rares, l’emploi de faux stagiaires représente 4 % des infractions constatées au droit du travail. Le renforcement du contrôle des conditions de recours au stagiaire fait partie des axes prioritaires de contrôle retenus par le plan national de lutte contre le travail illégal fixé pour les années 2010 et 2011.

Ainsi, le Gouvernement entend poursuivre son action pour empêcher les pratiques illicites du recours à des faux stagiaires, dont sont victimes les jeunes, élèves ou étudiants.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, vos propos confortent le sentiment que j’avais de l’illégalité de ces pratiques.

Je me permettrai toutefois de suggérer que le ministère du travail mette en place une boîte aux lettres ou un site internet sur lequel les stagiaires pourraient expliquer que, dans telle ou telle entreprise, ils ont découvert qu’ils remplaçaient un salarié auparavant employé en CDD ou en CDI et qui a démissionné.

En effet, si l’on imagine qu’un salarié puisse saisir le juge, il sera plus difficile pour un stagiaire, qui a déjà du mal à décrocher un contrat, d’effectuer cette démarche.

Je souhaiterais également que le ministère du travail jette un œil sur les offres de postes publiées sur internet par les grandes entreprises. Sans doute le fait-il déjà, mais il découvrira, en cliquant sur ces offres, qu’elles prennent pour la plupart la forme de stages.

Je suis certes favorable aux stages – ils sont essentiels dans un parcours de formation –, mais la dérive que nous constatons aujourd’hui devrait pouvoir être combattue par des moyens un peu moins lourds que le recours au juge.

suivi médical des agents des collectivités territoriales dans les communes du saumurois

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteur de la question n° 1132, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Mme Catherine Deroche. Ma question porte sur les services de santé au travail, en particulier ceux de la fonction publique territoriale.

En effet, de nombreuses collectivités territoriales rencontrent d’extrêmes difficultés pour assurer le suivi médical de leurs agents ; c’est le cas en particulier des collectivités de l’arrondissement de Saumur, dans mon département de Maine-et-Loire.

C’est ainsi que le service médical interentreprises du saumurois, le SMIS, a décidé de dénoncer, à compter du 1er janvier 2011, la convention qui le liait depuis plusieurs années aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale, au motif qu’il était confronté, comme un nombre croissant de services de santé au travail, à un problème de démographie médicale.

Ne pouvant plus recruter de nouveaux médecins sur un marché inexistant, ce service souhaite concentrer ses capacités actuelles sur ses adhérents du secteur privé.

Pourtant, les collectivités territoriales sont tenues de veiller à la santé des agents territoriaux. La loi du 26 janvier 1984 offre différentes possibilités : soit recruter un médecin, soit adhérer à un service commun à plusieurs collectivités ou au service créé par le centre de gestion, ou encore à un service de santé interentreprises ou assimilé.

Le centre de gestion de Maine-et-Loire a cessé d’assurer cette fonction depuis 2005, la carence de médecins du travail étant préjudiciable à la qualité du service qu’il rendait.

Les communes de Maine-et-Loire se sont alors tournées vers les services de santé interentreprises. Mais, concernant le Saumurois, en 2011, le service interentreprises de l’arrondissement d’Angers, le SMIA, et celui de l’arrondissement de Cholet, le SMIEC, refusent de suppléer le service défaillant en plaidant l’absence de compétence géographique. Ils sont eux-mêmes confrontés à des difficultés analogues de recrutement de médecins.

En l’état actuel du droit, le recours à un médecin agréé par les communes se révèle une solution difficile à mettre en œuvre, puisque l’agrément des médecins de la liste préfectorale ne porte que sur l’aptitude à entrer dans la fonction publique territoriale, et non sur l’aptitude dans l’emploi. Ces médecins ne peuvent donc pas assurer le suivi des agents une fois que ces derniers sont entrés dans la fonction publique.

Cette situation, que dénoncent vivement les municipalités subissant cette pénurie médicale, risque d’engendrer des conséquences en termes de responsabilité pénale pour les exécutifs territoriaux, en cas notamment d’accidents du travail susceptibles de toucher les personnels affectés, par exemple, à l’entretien du réseau routier, aux services de restauration ou à l’assainissement.

En conséquence, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour permettre aux élus de répondre à leurs obligations dans le contexte actuel de la médecine du travail.

On pourrait envisager, par exemple, de modifier l’agrément des médecins inscrits sur les listes préfectorales, ou encore de revoir les règles régissant actuellement la médecine du travail de la fonction publique territoriale, sachant qu’elles sont différentes dans la fonction publique d’État. Ainsi, au sein d’un même établissement, un agent territorial spécialisé des écoles maternelles, ou ATSEM, employé par la commune, devra faire l’objet d’un suivi tous les deux ans, alors que l’enseignant relevant de la fonction publique d’État ne subira un examen que tous les cinq ans.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du Gouvernement sur les grandes difficultés rencontrées par les collectivités territoriales de Maine-et-Loire pour assurer le suivi médical de leurs agents après la dénonciation par le service médical interentreprises du Saumurois de la convention qui la liait aux communes, au motif qu’il est confronté à une pénurie de médecins.

En application de l’article 108-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les collectivités ont plusieurs possibilités pour se doter d’un service de médecine pour assurer le suivi médical de leurs agents : elles peuvent recruter elles-mêmes un médecin, recourir à un service commun à plusieurs collectivités ou à celui du centre de gestion, à un service de santé interentreprises ou encore à un service de santé en agriculture.

Les collectivités territoriales, comme le secteur privé d’ailleurs, se heurtent cependant à la pénurie de médecins du travail. Le Gouvernement s’efforce de remédier à cette situation.

Tout d’abord, en ce qui concerne la fonction publique, l’article 34 de la loi du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels, a modifié les règles de cumul d’activités et devrait permettre à davantage de médecins de travailler pour un employeur public tout en conservant une activité privée.

Le manque de médecins touche également les services de santé au travail du secteur privé. C’est pourquoi le Gouvernement a engagé, dans le cadre du deuxième plan santé au travail, une réforme des services de santé au travail. Cette réforme visera plusieurs objectifs : favoriser la pluridisciplinarité des équipes de santé au travail ; tenir compte de la démographie médicale, en explorant les pistes dégagées par M. Paul Frimat dans le rapport dont les recommandations ont été exposées le 11 mai 2010 aux membres du Conseil d’orientation des conditions de travail. Ces propositions ont été mises en ligne sur le site www.travailler-mieux.gouv.fr.

Par ailleurs, au sein de l’accord sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, signé par sept des huit organisations syndicales de la fonction publique, ainsi que par les employeurs territoriaux et hospitaliers, des premières réponses ont été apportées afin de permettre la résorption du déficit quantitatif de médecins de prévention dans la fonction publique.

Il s’agit, d’une part, de l’amélioration des conditions d’emploi de ces médecins et, d’autre part, de la modernisation du système de prévention par le biais de la mutualisation des services de prévention, ainsi que de la pluridisciplinarité.

En outre, le 16 décembre dernier, le secrétaire d’État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, chargé de la fonction publique, lors de la deuxième réunion du comité de suivi de l’accord sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, a estimé utile la mise en place d’une réflexion afin de développer l’attractivité de cette spécialité.

En revanche, il n’est pas envisagé de modifier l’agrément, les médecins généralistes agréés ayant une compétence pour la visite d’aptitude physique préalable à la nomination d’un fonctionnaire ou à l’engagement d’un agent non titulaire, alors que le suivi médical des agents des collectivités territoriales et leurs établissements publics doit être assuré par les médecins titulaires de la spécialité en médecine du travail.

Enfin, la responsabilité pénale des exécutifs territoriaux pour délit non intentionnel ne saurait être engagée à raison du non-respect de leur obligation relative au suivi des agents territoriaux. En effet, pour engager leur responsabilité, une faute personnelle doit pouvoir leur être imputée.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. J’ai bien entendu toutes les mesures que le Gouvernement souhaite prendre pour rendre plus attractive la médecine du travail. La mutualisation peut permettre de résoudre certaines difficultés.

Le problème actuel des communes est de faire face à leurs responsabilités dans les prochaines semaines et les mois à venir. Sachant que la mise en œuvre des mesures envisagées prendra du temps, nous allons nous efforcer, avec les communes concernées, de trouver une solution leur permettant de pallier les cas les plus difficiles.

réutilisation d'eaux usées traitées pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 1116, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur les difficultés d’application de l’arrêté du 2 août 2010 fixant les prescriptions sanitaires et techniques applicables à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts.

Cette pratique, qui a pour objectif la préservation quantitative de la ressource en eau, suppose un encadrement réglementaire strict.

Pris en application de l’article R. 211-13 du code de l’environnement, l’arrêté définit les contraintes d’usage, de distance et de terrain, en imposant la mise en place d’un programme d’irrigation, s’agissant notamment des parcelles, des cultures, du matériel.

L’utilisation d’eaux usées traitées à des fins d’irrigation est autorisée par un arrêté préfectoral qui fixe les modalités d’irrigation. Elles visent, entre autres, le niveau de qualité sanitaire des eaux usées traitées, les débits journaliers, les distances à respecter, la protection de la santé publique, l’information des usagers, l’identité des exploitants.

Ainsi, des associations d’irrigants de la Charente-Maritime ont étudié avec la communauté d’agglomération de La Rochelle et le syndicat des eaux de la Charente-Maritime, que je préside, la possibilité d’utiliser les eaux résiduaires des stations d’épuration pour l’irrigation des grandes cultures.

Or les nouvelles normes de qualité imposées, notamment pour l’irrigation par aspersion, sont difficilement atteignables.

Les deux projets en cours sont mort-nés, si je puis m’exprimer ainsi, et au lieu d’utiliser l’eau sur un nombre d’hectares importants – selon les spécialistes, le meilleur des filtres est le sol –, celle-ci va être injectée dans la nappe sur quatre ou cinq hectares ou, si cette dernière ne l’absorbe pas, elle sera rejetée dans l’anse de la baie de l’Aiguillon via les canaux.

Force est de constater que ces normes sont actuellement impossibles à atteindre et posent d’importants problèmes aux irrigants déjà engagés dans cette voie, notamment dans l’Île de Ré et le pays rochelais.

En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour que les nouvelles normes soient applicables sur le terrain et n’obèrent pas les projets d’utilisation des eaux résiduaires pour l’irrigation par aspersion ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur Doublet, la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a bien conscience du sentiment des associations d’irrigants de la Charente-Maritime à propos de l’arrêté du 2 août 2010 relatif à la réutilisation des eaux usées.

Après leur passage en station d’épuration, au lieu d’être rejetées dans les eaux superficielles des cours d’eau, plans d’eau, ou littorales, les eaux usées peuvent faire l’objet d’une épuration supplémentaire et être réutilisées, notamment pour des usages agricoles. Cette réutilisation permet, d’une part, de mobiliser une ressource en eau supplémentaire et, d’autre part, de protéger les eaux réceptrices accueillant les eaux usées traitées.

La réglementation distingue les garanties à apporter en fonction des risques, selon le type de culture, l’environnement proche et la qualité des eaux traitées, et répond à un double objectif : la protection de l’environnement, mais également la santé publique ; le risque sanitaire lié à la réutilisation dépend à la fois des concentrations des contaminants et du degré d’exposition des populations.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, a été sollicitée à plusieurs reprises sur ce dossier encore peu connu en France. Pour permettre la poursuite de la quantification par l’ANSES des risques au regard de cette technique d’irrigation sans entraver le démarrage du développement de cette filière, il est prévu une phase transitoire pour le mode de dissémination par aspersion, qui est celui dont la zone d’influence est la plus importante. À l’issue de cette étude, d’ici à la fin de 2011, l’arrêté interministériel sera révisé.

Même si les normes retenues par l’arrêté du 2 août 2010 paraissent très supérieures à celles qui sont préconisées par l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, pour les pays en voie de développement, elles sont du même ordre que pour les pays comparables au nôtre, à savoir les pays les plus développés : je pense, bien évidemment, aux normes utilisées en Australie, en Espagne ou en Italie.

Enfin, sur le plan économique, j’attire votre attention, monsieur le sénateur, sur le fait que la réutilisation des eaux usées a un coût élevé, bien souvent supérieur à celui de la simple captation des eaux là où elles sont abondantes, ce qui est en général le cas en France.

Dans ces conditions, ce sont principalement les zones en très fort stress hydrique, là où la demande est forte comme dans le Sud-Ouest, qui pourront développer cette technique dans un premier temps, dans l’attente de l’acquisition d’une expérience française qui nous permettra de faire baisser les coûts de cette technique pour la rendre plus utilisable sur l’ensemble du territoire.

Monsieur le sénateur, telle est la réponse que souhaitait vous apporter le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. J’ai bien entendu la réponse de M. le secrétaire d’État s’agissant notamment de la possibilité de revoir les conditions de réutilisation des eaux usées.

Il est vrai qu’actuellement elles ne peuvent pas être utilisées.

Cependant, au lieu d’être épurées une seconde fois par le filtre du sol, ces eaux partent directement à travers les canaux vers des zones balnéaires ou ostréicoles. Il est tout de même un peu fort de café de constater que l’eau qu’il n’est pas possible d’utiliser dans des régions agricoles est rejetée dans des zones de tourisme et de cultures marines !

J’espère que l’arrêté sera assoupli afin que ces eaux, en quantités importantes, puissent être utilisées. Rappelons que la ville de La Rochelle et la communauté d’agglomération, totalisant 130 000 habitants, se situent dans une zone affichant un fort déficit en eau pour l’irrigation.

J’espère que le bon sens l’emportera et que le décret sera applicable.

financement du plan digues et protection des marais littoraux charentais

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1121, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur le plan digues et sur la protection des marais littoraux charentais. Elle s’inscrit dans le prolongement de la question du 16 novembre dernier de mon collègue et ami Michel Doublet, mais également des questions posées auparavant, qui ont donné lieu à des réponses ne nous ayant pas pleinement satisfaits.

La tempête Xynthia a mis en évidence la nécessité d’un renforcement des ouvrages de protection de nos côtes pour éviter les ruptures des digues et les submersions.

En Charente-Maritime, après l’intervention de l’État en toute première urgence dans le cadre du plan ORSEC, le conseil général a assuré la maîtrise d’ouvrage des premières réparations et confortements pour assurer une fonctionnalité identique à l’avant-tempête.

Les collectivités et le département préparent, en lien avec les services de l’État, les dossiers à déposer au début de 2011 en vue de réaliser des travaux pour protéger les secteurs prioritaires ou les digues repérées comme fragiles devant un nouvel événement exceptionnel.

Seraient notamment concernés les secteurs des « zones jaunes », qualifiées de zones d’extrême danger protégeables, et certaines zones de solidarité.

La finalisation technique de ces dossiers nécessite de définir un aléa de référence à prendre en compte pour chaque zone homogène à protéger et d’arrêter les dispositions constructives de l’ouvrage, notamment sa cote d’arase supérieure.

L’article L. 562-8-1 du code de l’environnement, issu de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, précise les obligations de conception, d’entretien et d’exploitation auxquelles doivent répondre les ouvrages et la responsabilité du gestionnaire, un décret en Conseil d’État devant en fixer les modalités.

Dans quelles conditions et dans quel délai seront définis l’aléa de référence à prendre en compte et la validation des dispositions constructives de l’ouvrage ?

De même, dans quel délai sera publié le décret mentionné ci-dessus ?

Par ailleurs, le montant des investissements à réaliser doit rester compatible avec les possibilités des différents cofinanceurs.

Une première estimation des travaux de confortement à réaliser dans le département de la Charente-Maritime fait état d’un montant de 195 millions d’euros hors taxes, laquelle ne prend pas en compte la surélévation nécessaire des ouvrages pour minimiser les conséquences d’un aléa identique à celui de la tempête Xynthia, avant même d’anticiper un changement climatique.

L’État pourrait financer la réalisation des ouvrages ou équipements de protection à hauteur de 40 % ou de 25 % dans les communes où un plan de prévention des risques naturels, un PPRN, a été approuvé ou prescrit.

Des travaux seront à réaliser dans certains secteurs dans des délais courts et incompatibles avec celui de l’approbation ou même de la prescription d’un PPRN.

Les collectivités locales seront ainsi dans l’incapacité de mobiliser leurs seuls budgets sans les compléments idoines pour financer les opérations.

Enfin, il est indispensable de clarifier le régime de propriété en envisageant le transfert de propriété publique, comme préconisé dans le rapport d’information de nos collègues Bruno Retailleau et Alain Anziani sur les conséquences de la tempête Xynthia, proposition par ailleurs reprise dans la proposition de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes toujours dans l’incertitude sur le financement ; pouvez-vous aujourd’hui nous apporter des réponses concrètes et précises sur les modes de financements complémentaires envisagés par l’État pour permettre aux collectivités de se porter maîtres d’ouvrage des travaux, tout en restant compatibles avec leurs équilibres budgétaires ? En outre, quid du régime de propriété ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l’attention du Gouvernement sur le renforcement des ouvrages de protection des côtes pour éviter les ruptures de digues et les submersions. Je souhaite vous apporter les éléments de réponse suivants.

Concernant tout d’abord l’aléa de référence à prendre en compte pour le dimensionnement des ouvrages de protection, appelé « objectif de protection », les travaux annoncés par l’article 220 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ont été lancés par les services du ministère et feront l’objet d’une large concertation, auprès des collectivités territoriales notamment.

La publication du décret d’application de l’article L. 562-8-1 du code de l’environnement devrait ainsi aboutir à la fin de 2011.

Cet objectif de protection pourra être distinct de l’aléa de référence pris en compte dans les plans de prévention des risques naturels pour fixer les règles d’interdictions ou de prescriptions, fondé sur le plus fort événement historique connu, s’il est plus rare que l’événement centennal, et à défaut sur l’aléa centennal.

Bien évidemment, l’État ne pourra prendre en compte la fonction de protection des ouvrages dans les plans de prévention des risques naturels qu’à la double condition que ces ouvrages aient un objectif de protection au moins égal à l’aléa de référence et que des garanties soient données sur la pérennité des ouvrages : le maître d’ouvrage devra être identifié et présenter des garanties de pérennité en matière d’entretien et de gestion des ouvrages concernés.

Dans le cas de la tempête Xynthia et des sites littoraux qui ont été affectés, cet événement, complété par la prise en compte de scénarios légèrement différents issus de l’expérience d’autres tempêtes connues, peut être pris comme aléa de référence des PPRN. Pour les ouvrages de Charente-Maritime, l’événement Xynthia apparaît donc comme une référence assez légitime en termes d’aléa de conception dans les zones à forts enjeux.

Compte tenu des incertitudes sur la connaissance des aléas de submersion en l’état actuel et des évolutions attendues du niveau moyen des océans liées au changement climatique, les ouvrages doivent être conçus comme évolutifs.

Concernant les dispositions constructives, les ouvrages devront naturellement respecter la réglementation en vigueur, relative notamment à l’étude de danger et à la revue de sûreté.

Pour en venir au cœur de votre question, monsieur Laurent, j’indique que le financement des projets, dès lors qu’il sera envisagé d’augmenter le niveau de protection actuel des ouvrages, devra se placer dans le cadre d’une démarche globale de prévention contractualisée de type PAPI, c'est-à-dire des programmes d’actions de prévention des inondations, pour bénéficier de subventions de l’État.

Vous avez rappelé le niveau des taux de subvention, qui reste inchangé. Ceux-ci sont de 25 % lorsqu’un PPRN est prescrit et de 40 % s’il est approuvé. En ce qui concerne les secteurs d’intervention prioritaires, les prescriptions nécessaires du PPRN seront diligentées par les préfets.

Un groupe de travail, présidé par votre collègue Éric Doligé, fera prochainement des propositions au Gouvernement sur les conditions à prévoir en vue de l’émergence d’une maîtrise d’ouvrage pérenne des digues. Ces propositions seront examinées avec la plus grande attention. Mais la question des financements complémentaires à apporter par les collectivités locales dépend aussi des priorités d’intervention de ces dernières et de leurs choix d’investissement en faveur de l’aménagement du territoire.